Un bal de l’Hôtel de Ville, un vote de la Chambre, un suicide, le tombeau de Napoléon Ier, Napoléon II, la Pologne, voilà sur quoi se déchaîne le puissant souffle du poète : demi-journaliste et demi-prophète, il s’évertue à juger, à prédire ou maudire ; il travaille visiblement à transformer la vieille satire en satire lyrique et apocalyptique772. […] Sa critique littéraire ou artistique consiste à reproduire les œuvres par son procédé, et, sans les juger, à nous en communiquer l’impression. […] Maupassant s’est moqué du procédé qui ne doit pas se juger par l’abus (Préf. de Pierre et Jean).
Ainsi, à ce large point de vue de la science de l’esprit humain, les œuvres les plus importantes peuvent être celles qu’au premier coup d’œil on jugerait les plus insignifiantes. […] C’est pour cela que les esprits étroits et peu flexibles, qui jugent ces antiques productions en restant obstinément au point de vue moderne, ne peuvent se résoudre à les admirer, ou y admirent précisément ce qui n’est pas admirable ou ce qui n’y est pas103. […] Selon cette manière de voir, les littératures les plus excentriques, celles qui jugées d’après nos idées auraient le moins de valeur, celles qui nous transportent le plus loin de l’actuel, sont les plus impor-tantes.
Jugée sur ce pied-là, Athéné serait au-dessus de toute rivalité. […] Pouvons-nous, sans folle outrecuidance, croire que l’avenir ne nous jugera pas comme nous jugeons le passé ?
La liberté sera réelle et étendue dans la proportion où sera réelle et où s’étendra la causalité appartenant à la volonté dans sa poursuite de la finalité : plus la volonté raisonnable trouvera en elle-même les réelles conditions requises pour causer tel effet et pour atteindre telle fin, plus elle se jugera indépendante et libre ; le maximum de puissance indépendante et consciente attribuable au moi dans la poursuite de ses fins constitue donc bien la liberté. […] Mais la comparaison n’est pas arbitraire, sinon elle ne servirait à rien ; nous ne jugeons ni ne sentons arbitrairement ; nous n’arrivons donc pas arbitrairement à la conscience de tel rapport entre les diverses directions jugées et senties qui s’ouvrent à notre activité.
Mais il faut dire que ces observations concernent seulement les faunes marines des diverses parties du monde ; nous manquons de documents suffisamment anciens pour juger si les productions des terres et des eaux douces se transforment suivant la même loi de parallélisme en des contrées aussi distantes. […] Il est complétement vain de vouloir juger de la supériorité relative des êtres de types bien distincts : qui, par exemple, décidera si une Seiche est plus élevée qu’une Abeille, cet insecte que Von Baer jugeait, « en fait, d’une organisation plus élevée qu’un poisson, bien que sur un autre type ?
de juger l’acteur et la pièce ? […] Les romans de Feuillet pourront donc quelque temps encore n’être pas mis à leur véritable place, et jugés au-dessous de leur valeur. […] Elle a jugé la vie, comme à la lumière d’une clarté subite, avec ses compromissions, ses lâchetés, ses vilenies, ses hontes, et elle en a eu peur. […] Et elle a aussi jugé son fiancé. […] Et qui ne jugera qu’en vérité le sujet en valait la peine ?
Jusqu’à ce jour, leur accord était demeuré tacite : ils jugèrent nécessaire de l’affirmer, et constituèrent la Confrérie préraphaélite (Préraphaélite Brotherhood), en prenant l’engagement de mettre au bas de leurs tableaux les lettres P. […] Sans doute, il faudra du temps pour que cette analyse puisse s’exercer sainement et justement : nous sommes encore trop près de la montagne pour pouvoir juger de ses proportions exactes. […] Ce n’est pas un journal écrit au jour le jour, ce ne sont pas non plus des mémoires composés avec le parti pris de raconter sa vie comme on désire qu’elle soit fixée dans l’histoire, en se jugeant comme on voudrait être jugé. […] Si Garibaldi avait connu les sentiments exacts de Cavour à son égard, s’il s’était rendu compte de ses embarras et de la situation diplomatique de l’Italie, peut-être l’aurait-il jugé autrement. […] Jugez vous-même.
Macbeth s’était rendu célèbre par son courage, et on l’eût jugé parfaitement digne de régner s’il n’eût été « de sa nature », dit la chronique, « quelque peu cruel ». […] Aussi, pour la juger, faut-il ne pas oublier son titre et se livrer au caprice du poëte, qui a dû sentir lui-même tout ce qu’aurait de choquant pour un esprit méthodique et froid le mélange bizarre de la mythologie ancienne et de la mythologie moderne, le transport rapide du spectateur d’un monde réel dans un monde fantastique, et de celui-ci dans l’autre. […] L’invention des trois coffres, dont l’original se trouve aussi en plusieurs endroits, existe, à peu près telle que l’a employée Shakspeare, dans une autre aventure des Gesta Romanorum, si ce n’est que la personne soumise à l’épreuve est la fille d’un roi de la Pouille qui, par la sagesse de son choix, est jugée digne d’épouser le fils de l’empereur de Rome. […] C’est de même au duc d’Autriche qu’il attribue la mort de Richard ; c’est de même le duc d’Autriche qui, dans la pièce, reçoit la mort de la main de Faulconbridge ; et quant à la confusion des deux personnages, il paraît que Shakspeare ne s’en est pas fait plus de scrupule que Rowley, si l’on en peut juger par l’interpellation de Constance au duc d’Autriche dans la première scène du troisième acte, où, s’adressant à lui, elle s’écrie : ô Limoges, ô Austria ! […] Nous ne devons donc point, pour juger le mérite de ces grands hommes, perdre de vue les règles qui étaient prescrites aux poëtes de leur siècle.
Quant à l’exécution matérielle, le public est à même d’en juger. […] Ses rapports avec Lulli, qui était jugé par Boileau avec sévérité. […] C’est peut-être ici l’occasion de peindre les rapports de Molière avec les hommes qu’il jugeait dignes de son amitié. […] Après cet éclat, on ne jugea pas prudent de leur refuser un sacrement dont ils menaçaient de se passer. […] En effet, si nous jugeons des dieux par les mortels, ils devaient être plus fiers de se voir érigés en hommes à bonnes fortunes qu’en héros.
Placer les gens, manier l’argent, interpréter la loi, démêler les motifs des hommes, prévoir les altérations de l’opinion publique, être forcé de juger juste, vite et vingt fois par jour, sur des intérêts présents et grands, sous la surveillance du public et l’espionnage des adversaires, voilà les aliments qui ont nourri sa raison et soutenu ses entretiens ; un tel homme pouvait juger et conseiller l’homme ; ses jugements n’étaient pas des amplifications arrangées par un effort de tête, mais des observations contrôlées par l’expérience ; on pouvait l’écouter en des sujets moraux, comme on écoute un physicien en des matières de physique ; on le sentait autorisé et on se sentait instruit. […] Il jugeait qu’il y a du bon sens à être honnête. […] Il institue une cour pour juger les crinolines, et condamne les jupons avec des formules de procédure.
Laissons donc l’envie et la médiocrité se consoler de leur impuissance en mutilant les puissantes natures : elles seront toujours écrasées toutes les fois qu’il naîtra un vrai grand homme, et qu’il naîtra une vraie postérité pour le juger. […] Si Cicéron consul, se dit-on, jugeait en conscience Catilina si criminel et si dangereux pour Rome, pourquoi donc ne l’arrêtait-il pas, et pourquoi se bornait-il à l’invectiver et à le conjurer, à force d’imprécations, de sortir de Rome ? […] Il fallait donc déverser sur Catilina seul tout l’odieux de la conspiration et le contraindre à fuir de peur d’avoir à le juger. […] L’esprit débute par la sensation, mais on ne reconnaît pas aux sens la faculté de juger.
Il finit même par regarder comme un homme sans lumières celui qui, mettant de côté la prospérité présente, recommandait d’attendre la fin de toutes choses pour les juger. […] Les enfants du village, du nombre desquels est celui-ci, m’ont, dans leurs jeux, choisi pour roi : probablement, ils m’ont jugé le plus digne de l’être. […] « Astyage, instruit de la vérité par la déclaration du pâtre, ne le jugea pas digne de sa colère, et, la tournant tout entière contre Harpagus, ordonna à ses gardes de le faire venir sur-le-champ. […] Démarate ayant obéi, Xerxès lui adressa diverses questions, et désira savoir de lui ce qu’il croyait que les Lacédémoniens voulussent réellement faire. « Vous avez, lui répondit Démarate, entendu ce que je vous ai dit, en partant pour l’expédition de la Grèce, au sujet de ces Lacédémoniens et vous m’avez jugé insensé, parce que je prévoyais ce qui arrive aujourd’hui.
Nous jugeons des époques passées par leurs grands hommes. Jugeons donc un peu la médiocrité contemporaine précisément par ce qui en sort. […] C’est presque un dicton populaire que les hommes paraissent plus mauvais qu’ils ne sont ; si donc nous les jugeons uniquement par leurs actes, lesquels sont déterminés par une foule de chocs et de circonstances qui ont fait dévier l’impulsion première, nous ne pourrons trouver en eux que matière à réflexions pessimistes. — Mais que m’importe, dira-t-on, l’homme intérieur, si je n’ai affaire qu’à l’homme extérieur ? […] Il ne faut pas d’ailleurs juger le roman par le libretto d’opéra-comique qu’on en a tiré, où le grave don Jozé Lizavrabengoa devient un « tourlourou » sentimental et Carmen une simple fille de mauvaise vie.
Il s’en fait une représentation affreuse, et il suppose que si les hommes n’en jugent pas comme lui, c’est qu’ils sont fous. […] La position hors du monde que prend l’homme pour juger le monde est une attitude factice. […] Sans avoir changé d’opinion sur la valeur absolue de la vie, il jugeait le pessimisme tel qu’une philosophie mauvaise pour le peuple. […] Nous sommes arrivés au moment où le romantisme peut être jugé. Le juger, c’est le rejeter.
Il est placé à bonne distance pour juger l’homme et son œuvre. […] De même il n’avait eu jusque-là que peu de sympathie pour les idées professées dans sa famille et qu’il jugeait par trop rétrogrades. […] Le neveu jugea le moment venu de reprendre le nom, jadis dédaigné, en même temps qu’il endossait les sentiments du Chouan défunt. […] Toutefois l’art de la conversation est un art très particulier, d’un agrément immédiat et dont on ne peut juger après coup. […] Car il ne s’agit plus ici de le juger sur un vers harmonieux, sur une plainte musicale, sur la rencontre d’un rythme berceur.
Question à juger. […] On a jugé conformément à l’Ordonnance de 1667. […] Tel est l’homme : il est un être vivant, capable de sentir, de penser, de juger, de raisonner, de vouloir, de distinguer chaque acte singulier de chacune de ces facultés, & de faire ainsi des abstractions.
À cela il a été répondu, moins comme contradiction directe à ce que ces éloges avaient, liitérairement, de mérité, que comme correctif et au point de vue où la commission avait à juger l’ouvrage, qu’il ne paraissait point du tout certain que la peinture fidèle de ce vilain monde fût d’un effet moral aussi assuré ; que le personnage même le plus odieux de la pièce avait encore bien du charme ; que le personnage même le plus honnête, et qui fait le rôle de réparateur, était bien mêlé aux autres et en tenait encore pour la conduite et pour le ton ; que le goût du spectateur n’est pas toujours sain, que la curiosité est parfois singulière dans ses caprices, qu’on aime quelquefois à vérifier le mal qu’on vient de voir si spirituellement retracé et si vivant ; que, dans les ouvrages déjà anciens, ces sortes de peintures refroidies n’ont sans doute aucun inconvénient, et que ce n’est plus qu’un tableau de mœurs, mais que l’image très vive et très à nu, et en même temps si amusante, des vices contemporains, court risque de toucher autrement qu’il ne faudrait, et qu’il en peut sortir une contagion subtile, si un large courant de verve purifiante et saine ne circule à côté.
Le succès de l’Histoire du Consulat et de l’Empire ne saurait être moindre : on peut même dire que ce succès est décidé et comme tout fait à l’avance, quel que soit le mérite de l’ouvrage : on ne jugera qu’après, on dévorera et on admirera d’abord.
Si l’on quitte la vie pour échapper aux peines du cœur, on désire laisser quelques regrets après soi ; si l’on est conduit au suicide par un profond dégoût de l’existence qui sert à juger la destinée humaine, il faut que des réflexions profondes, de longs retours sur soi, aient précédé cette résolution ; et la haine qu’éprouve l’homme criminel contre ses ennemis, le besoin qu’il a de leur nuire, lui feraient craindre de les laisser en repos par sa mort ; la fureur dont il est agité, loin de le dégoûter de la vie, fait qu’il s’acharne davantage à tout ce qui lui a coûté si cher.
Je vous supplie de ne point juger trop durement la pauvre belle créature.
Alexandre Dumas demeure à beaucoup incompréhensible : outre qu’ils jugent sa philosophie puérile, son sens social faux et sa littérature grossière, ils sont incapables de trouver à ses fables le moindre attrait, de quoi amuser une curiosité même badaude.
Croire (juger).
Ils s’empresserent d’adoucir ses mécontentemens ; &, par l’entremise de Boileau, Racine supprima une troisieme Lettre qu’il se proposoit de donner, à la tête de laquelle il avoit placé une Préface très-mordante, s’il faut en juger par le morceau qu’on nous en a transmis.
À considérer de ce point de vue de pur intellectualisme l’un des exemples invoqués au cours de cette étude, on jugera plus équitablement cette croyance absurde à une vie prolongée dans le tombeau à laquelle s’étaient attachées les premières sociétés aryennes et en vue de laquelle les Grecs et les Romains modelèrent leurs institutions.
Rien n’a plus contribué à lui faire un nom que l’espèce de tribunal qu’il osa s’ériger lui-même pour juger tous les ouvrages nouveaux.
Dieu envoie son Fils pour juger les coupables ; le juge descend ; il appelle Adam : « Où es-tu ?
J’aime mieux revenir à vous, chers élèves, que je ne prétends pas juger avec autant de rigueur.
Il n’y a que les maîtres dans l’art qui soient bons juges du dessin ; tout le monde peut juger de la couleur.
Le second s’étendra autant qu’il le jugera à propos, n’écartant de ses leçons que les objets de pure curiosité.
Marque le repos, certainement. " mais cent fois le jour, l’artiste prend cette position, soit que la lassitude suspende son travail, soit qu’il s’en éloigne, pour juger de l’effet " .
Ainsi nous devons nous transformer en ceux pour qui le poeme fut écrit, si nous voulons juger sainement de ses images, de ses figures et de ses sentimens.
Enfin il me paroît raisonnable de juger du progrès qu’une certaine nation pouvoit avoir fait dans les arts qui ne laissent point de monument durable sur lequel on puisse asseoir une décision solide, par le progrès que cette même nation avoit fait dans ces arts qui laissent de tels monumens.