Necker n’est pas peintre, et il faut attendre, pour le réveil et le triomphe des images chrétiennes, que Chateaubriand soit venu. […] Et à ceux qui voulaient des images douces, Chateaubriand avait, à pleines mains, à en offrir de telles, de charmantes et de parlantes toujours : on lut le chapitre « Des rogations », et l’on pleura. […] Necker, à ce moment, ne trouve aucune image au-dessus de sa situation personnelle ; au milieu de tous ces reproches d’ingratitude qu’il exhale, il lui semble encore qu’il use de clémence : « Comme le Prophète, après être venu sur la montagne pour maudire, je ne voulais y rester que pour bénir. » Un si grand tumulte de cœur, dans une situation qui était véritablement amère et cruelle, dépasse pourtant ce qu’on a droit d’attendre d’un homme d’État ferme, et qui a mesuré d’avance les chemins par où il faut passer : c’est qu’aussi M. […] disait-il, tous les hommes sans doute sont égaux devant vous, lorsqu’ils communiquent avec votre bonté, lorsqu’ils vous adressent leurs plaintes, et lorsque leur bonheur occupe votre pensée ; mais, si vous avez permis qu’il y eût une image de vous sur la terre, si vous avez permis du moins à des êtres finis de s’élever jusqu’à la conception de votre existence éternelle, c’est à l’homme dans sa perfection que vous avez accordé cette précieuse prérogative ; c’est à l’homme parvenu par degrés à développer le beau système de ses facultés morales ; c’est à l’homme enfin, lorsqu’il se montre dans toute la gloire de son esprit.
Dans ses huit volumes de romans, où figurent tous les exemplaires de la race humaine, du paysan au prince, de la petite fille aux vieilles moribondes, chaque acteur agit, existe et souffre, avec toute l’intensité d’un être en chair, avec des gestes particuliers, une physionomie minutieusement évoquée, des façons individuelles de se tenir, de s’exprimer, de se comporter, d’aimer ou de mourir, qui suscitent peu à peu chez le lecteur des images nettes et comme familières. […] Par des artifices simples, servant un génie psychologique singulièrement subtil, il dessine sur ses pages des individus aussi complètement organisés que les êtres réels dont les images se gravent dans notre cerveau ; la vraisemblance atteinte est telle, que ces fantômes d’un livre muet contraignent notre croyance, et finissent par produire en nous une illusion plus idéale mais aussi forte que celle qui enchaîne notre intérêt aux passions fictives d’un personnage scénique. […] Tout n’est que fumée et vapeur, pensait-il, tout paraît perpétuellement changer, une image remplace l’autre, les phénomènes, succèdent aux phénomènes mais en réalité tout reste la même chose ; tout se précipite tout se dépêche d’aller on ne sait où, et tout s’évanouit sans laisser de trace, sans avoir rien atteint ; le vent a soufflé d’ailleurs, tout se jette du côté opposé, et là recommence sans relâche le même jeu fiévreux et stérile. » Ailleurs ces passages attristés ne manquent pas, et même dans les pages les plus souriantes, on voit que la plume est tenue par un homme qui connaît la vanité d’énormément de choses, qui s’en afflige, qui s’en persuade et ne peut cependant se résigner à la vanité de son propre être. […] Il eut essentiellement une âme minutieuse particulariste, si l’on peut dire, qui percevait merveilleusement ce que chaque objet a d’individuel, de propre, d’unique, et qui pourtant, par une sorte de paresse native, n’allait pas à s’en former une image précise, mais la concevait diffuse, vague, toute brouillée d’ombre.
Constamment construits par un minutieux détaillement de faits, d’anecdotes, d’observations, de notes prises sur les lieux, et de spectacles réellement vus, ils tendent à donner de la vie une image adéquate, aussi complexe, aussi variée, abondante en contrastes, sans que le choix, l’idéal personnel de l’auteur restreigne le rayon de son observation et résume la vie et les âmes en des extraits fragmentaires. […] La différence est que l’un ne peint qu’une sorte de personnages, n’éprouve de sympathie artistique que pour un côté de l’âme humaine, et un genre de catastrophes, tandis que l’autre de sa vaste et souple cervelle embrasse le monde en tous ses aspects, réfléchit, affectionne et reproduit toutes les âmes, respecte leur complexité et donne d’une société à une époque, une image qui lui équivaut. […] Que l’on joigne à l’image de tous ces êtres celle des lieux où ils vivent, des chambres, des salons, des cabinets de travail, des salles de spectacle, des échoppes, des magasins, des galetas, des bouges, des ateliers ; celle des rues qui relient ces demeures, de l’avenue de l’Opéra aux boulevards extérieurs, des ponts de la Seine aux buttes de Passy, des ruelles de Plassans aux routes du Coron ; celle enfin des paysages qui enclosent ces villes, les sèches arêtes de la Provence, les plaines blêmes du Nord, les efflorescences du Paradou, les déferlements des marées normandes, l’on aura dans une dizaine de volumes un large ensemble de faits humains et physiques reproduisant en abrégé presque toute la complexité d’un pays en un temps. […] Zola de voir et de rendre entièrement toute la nature : son individualité qui, dans l’ensemble totale des faits pyschologiques et matériels, l’a porté à en préférer une série douée d’un caractère commun, à modifier certains rapports, à dénaturer certains aspects, à donner de tout ce qu’il décrit une image notablement altérée dans le sens de ses sympathies, c’est-à-dire de sa nature d’esprit.
J’indiquerai tel sermon, celui, par exemple, qu’il prêcha à Metz en 1652 pour le neuvième dimanche après la Pentecôte, dont la première partie est si profondément, si ingénument chrétienne, la seconde si hébraïque encore, et par endroits si cruelle d’images, d’expressions. […] Les premiers sermons de ce premier des orateurs sont pleins d’antithèses, d’images incohérentes, de battologie, d’exagération, d’enflure de style.
Il n’est point une image, point une exclamation, une apostrophe, une prosopopée qu’on en puisse faire disparaître sans dommage : ce n’est pas la forme qui en souffrirait dans son élégance ou sa beauté, c’est surtout le fond, qui ne serait plus suffisamment exprimé, et quelque chose manquerait à la clarté lumineuse ou à l’énergie persuasive du discours. […] Il n’y aurait point d’images, de métaphores, de grands mouvements de style, qui me donneraient de Turenne une idée plus haute, plus complète, qui me le feraient mieux voir et plus admirer, que le très sobre portrait que Bussy-Rabutin en a tracé : c’est comme une ligne légère et ferme qui, par un léger relief, exprime toute la vie et toute la beauté du modèle.
Il est étrange de songer que ce cerveau, en qui la réalité avait reflété des images si nettes, qui avait su interpréter, ramasser, coordonner ces images avec une vigueur et dans des directions si décidées, et nous les renvoyer, plus riches de sens, à l’aide de signes si fortement ourdis, n’ait plus, à partir d’un certain moment, reçu du monde extérieur que des impressions confuses, incohérentes, éparses, aussi rudimentaires et aussi peu liées que celles des animaux, et pleines, en outre, d’épouvante et de douleur, à cause des vagues ressouvenirs d’une vie plus complète ; et que l’auteur de Boule-de-Suif, de Pierre et Jean, de Notre Coeur, soit entré, vivant, dans l’éternelle nuit.
C’est une espèce de boîte ceintrée qui renferme un tableau principal, et dont les deux vantaux peints en dedans montrent chacun l’image d’un saint, quand la boîte ou chapelle portative est ouverte. […] Le mérite d’une esquisse, d’une étude, d’une ébauche, ne peut être senti que par ceux qui ont un tact très-délicat, très-fin, très-délié, soit naturel, soit dévelopé ou perfectionné par la vue habituelle de différentes images du beau en ce genre, ou par les gens mêmes de l’art.
Je ne puis me faire une image du jeune Hippolyte-Adolphe jouant ses premiers jeux dans Vouziers. […] Il raconte son excursion sous ce titre, que je trouve excellent : « L’Arbre de Taine à Vouziers », dans un livre plein de tendresse pour la Lorraine et la région de l’Est : « Images de France ».
Nous verrons que l’intelligence humaine se sent chez elle tant qu’on la laisse parmi les objets inertes, plus spécialement parmi les solides, où notre action trouve son point d’appui et notre industrie ses instruments de travail, que nos concepts ont été formés à l’image des solides, que notre logique est surtout la logique des solides, que, par là même, notre intelligence triomphe dans la géométrie, où se révèle la parenté de la pensée logique avec la matière inerte, et où l’intelligence n’a qu’à suivre son mouvement naturel, après le plus léger contact possible avec l’expérience, pour aller de découverte en découverte avec la certitude que l’expérience marche derrière elle et lui donnera invariablement raison. […] Ce n’est plus la réalité même, dit-elle, qu’elle recomposera, mais seulement une imitation du réel, ou plutôt une image symbolique ; l’essence des choses nous, échappe et nous échappera toujours, nous nous mouvons parmi des relations, l’absolu n’est pas de notre ressort, arrêtons-nous devant l’Inconnaissable.
Moi-même, quand j’exhorterai ton épouse et ta fille à honorer ta mémoire, je leur dirai de se rappeler sans cesse et tes actions et tes discours, d’embrasser ta renommée, et, pour ainsi dire, ton âme, plutôt que de vaines statues ; non que je veuille défendre de reproduire sur le marbre ou l’airain les traits des grands hommes ; mais ces images sont mortelles, comme ce qu’elles représentent, au lieu que l’empreinte de l’âme est éternelle. […] Il semble que Tacite, fatigué des émotions douloureuses et profondes que lui a données l’indignation du crime et le spectacle de la cour d’un tyran, cherche, pour écarter ces images, à se reposer sur les sentiments les plus doux de la nature : c’est la sensibilité d’un grand homme qui tout à la fois vous attendrit et vous élève.
Car cette idée de l’infini, qui est en nous naturellement et universellement, qu’est-ce autre chose que l’image d’une réalité qui est hors de nous ? […] Ses disciples y verront des vérités absolues, contre lesquelles d’autres vérités ne peuvent prévaloir ; ils en feront des images de la raison divine, des portions même de Dieu. […] Il a une perfection qui lui est propre ; il n’est que trop conforme à toutes les faiblesses de la nature variable et individuelle, dont il est comme l’image la plus naïve. […] Les grands hommes du dix-septième siècle ont appris de Descartes à connaître le naturel de leur pays, ce naturel qui fait de l’esprit français l’image la plus parfaite de l’esprit humain dans les temps modernes. […] En même temps que Descartes donnait le premier une image parfaite de l’esprit français, il portait la langue française à son point de perfection.
Charles Guérin renouvelle les images traditionnelles. […] » Le poème qui prétend réaliser ou essaie de réaliser cette esthétique nous attire surtout par la réelle beauté des images. […] On lui reproche ordinairement d’avoir voulu faire la fusion entre des tempéraments dissemblables, et ses Poèmes dialogues gardent trace d’un certain opportunisme, mais leur grâce chantante, leurs images imprécises charment souvent. […] Bertrand, cependant ses premiers vers portent l’éclatant stigmate romantique L’arbre et les Vents parmi l’échevèlement d’images tumultueuses se ressent de Hugo. […] Le déroulement ensoleillé des images bibliques, la faveur jalouse qui parle au cœur des nabis d’Israël est en elle.
Ces signes éveillent en nous des images divines. […] C’est une image vraiment ressemblante du poète, puisque c’est l’image de sa poésie. […] Sa solitude était pleine de vos images, plus belles encore que vous-mêmes. […] Je me suis diverti à regarder des images. […] L’homme, que Dieu a fait à son image, n’est-il qu’une ombre ?
Mais les idées que ces brillantes images expriment sont encore bien loin d’être suffisantes. […] Comme affirmation d’authenticité, on inscrivait au-dessous : Vera iconica, image vraie. […] Je conçois à la rigueur un style qui, sans images vives et neuves, serait encore assez beau, parce que les images sont une lumière coloriée, plutôt agréable que nécessaire, la lumière blanche pouvant presque toujours suffire ; je ne conçois pas de bon style sans harmonie. […] Voilà l’image complète de l’activité pratique, scientifique et philosophique de l’homme. […] par association d’images.
— « Vous savez que je suis hanté ces jours-ci par une image terrible. […] » Il s’arrêtait pour jouir plus à son aise de toutes les images que cette combinaison de sons évoquait. […] Que vous semblerait de l’image d’un pendule qui oseille entre les deux sentiments opposés ? […] Savez-vous sous quelle image se présentent à mon esprit les événements de ce monde ? […] Elles cherchent parmi les vieux souvenirs l’image de mon père, incorrigible fumeur.
Il y a toujours, dans une strophe ou dans une phrase poétique, un ou plusieurs vers qui expriment ce qui devait être dit ; et, tout autour, des vers qui traduisent des idées, des sentiments, des images accessoires et qu’on pourrait à la rigueur remplacer par d’autres. […] Vous avez vu, aux vitrines des boulevards, ces images ingénieuses, compliquées, ineptes, qui représentent de loin une tête de mort, et, de près, une nichée d’enfants ou le profil de Mme Sarah Bernhardt. […] Ou bien l’allégorie offre une image bizarre, déplaisante, malaisée à concevoir et à accepter, comme dans Misericors : Fi !
La tige, plantée dans le sable humide, différentes fleurs bizarrement assorties composaient ces gerbes aux vives couleurs… J’ai cru voir là une image assez fidèle de la poésie de M. […] Sainte-Beuve Son premier voyage en Espagne qui est de 1840, et qui fut, dans sa vie d’artiste, un événement, lui avait fourni des notes nouvelles, d’un ton riche et âpre, bien d’accord avec tout un côté de son talent ; il y avait saisi l’occasion de retremper, de refrapper à neuf ses images et ses symboles ; il n’était plus en peine désormais de savoir à quoi appliquer toutes les couleurs de sa palette. […] Théodore de Banville Dans cette tête brune, chevelue, aux joues larges et d’un pur contour, à la barbe légère, calme comme celle d’un lion, fière comme celle d’un dieu, aux yeux doux, profonds, infinis, où le front olympien abrite la connaissance et les images de toutes les choses, où le nez droit, large à sa naissance, est d’une noblesse sans égale, où sous la légère moustache, écartée avec grâce, les lèvres rouges, épaisses, d’une ligne merveilleusement jeune, disent la joie tranquille des héros, dans cette noble tête aux. sourcils paisibles, qui si magnifiquement repose sur ce col énergique de combattant victorieux, superbe dans ce blanc vêtement flottant et entr’ouvert sur lequel est négligemment noué un mouchoir aux raies de couleurs vives, —
Il ne se contente pas d’offenser la grammaire et de noyer sa pensée dans un océan de paroles inutiles ; il néglige volontairement une qualité plus précieuse que la correction et la précision ; il ne respecte pas l’analogie des images. […] Il semblait craindre d’amoindrir l’ampleur des images en arrêtant trop les contours. […] C’est le sentiment pur qui s’exprime dans l’atmosphère qui lui convient ; c’est l’existence même de l’âme qui se révèle à nous par la nature impalpable des images, les subtiles associations de sons et de mots.
Si l’image menaçante des larmes qui sillonnaient la joue du vieillard vient chaque nuit troubler mon sommeil, est-ce en désertant mon amour que je fléchirai l’ombre indignée ? […] Si Adolphe cédait naïvement au besoin d’aimer, il ne marquerait pas si haut le but de ses espérances ; il choisirait près de lui un cœur du même âge que le sien, un cœur épargné des passions, où son image pût se réfléchir à toute heure sans avoir à craindre une image rivale ; il comprendrait de lui-même, il devinerait cette vérité douloureuse, et qui n’est jamais impunément méconnue, c’est que l’avenir ne suffit pas à l’amour, et que le cœur le plus indulgent ne peut se défendre d’une jalousie acharnée contre le passé ; il ne s’exposerait pas à essuyer sur les lèvres de sa maîtresse les baisers d’une autre bouche ; il tremblerait de lire dans ses yeux une pensée qui retournerait en arrière et qui s’adresserait à un absent.
Montrons, de façon plus concrète, la déformation croissante de l’image superficielle et la conservation invariable des rapports internes à mesure que la vitesse est censée grandir. […] L’expérience lui offre donc l’image d’une double ligne de lumière tendue entre O et B, d’une double ligne de lumière tendue aussi entre O et A, ces deux doubles lignes de lumière étant perpendiculaires l’une sur l’autre et égales entre elles. […] Si sa pensée y demeure, son raisonnement ne s’appliquera pas à son système à lui, mais à l’expérience Michelson-Morley instituée dans un autre système, ou plutôt à l’image qu’il se fait, qu’il doit se faire de cette expérience instituée ailleurs : car, là où l’expérience est effectivement réalisée, elle l’est encore par un physicien intérieur au système, et par conséquent dans un système immobile encore.
Par l’art d’un travail caché, il nous a présenté certaines qualités de l’âme revétues de ces images qui les font adopter. […] Il est tout entier à l’objet qu’il contemple & dont il reproduit naïvement l’image. […] Il faut travailler avec soin l’intérieur de notre âme, qui est le sanctuaire où résident les images & les pensées. […] Et Fielding & Marivaux me semblent mériter la gloire la plus étendue, par leur Philosophie toute en image, en action, en sentiment. […] Cette image sera jeter les haut cris, j’en suis fâché ; mais l’image est juste, je ne sçaurois l’effacer.
Il ne paraît pas pourtant que l’enfance du poète ait été assiégée de trop pénibles images, et quand il eut à chanter plus tard ses premiers souvenirs, il n’en trouvait que de riants : Ô champs de la Limagne, Ô fortuné séjour ! […] Je les crayonnai aussitôt avec du pastel, désirant colorer l’arc-en-ciel qui ornait ces belles chutes d’eau. » Ce mot me fait l’image de son talent, et de celui surtout du poëte son ami. […] En un mot, Boileau suppléait par une quantité de moyens savants, et depuis assez inaperçus, au rare emploi qu’il faisait et qu’on faisait en son temps, de la métaphore et de l’image. […] Jamais, par exemple, l’inspiration ne lui viendra de terminer une pièce de vers, comme celle de Catulle à Hortalus, par cette image et ce vers tout poétique, tournure imprévue, concise et de grâce suprême, comme André Chénier fait souvent ; oubli du premier sujet dans une image soudaine et finale qui fait rêver : Huic manat tristi conscius ore rubor. […] En voyant renaître ainsi la nature, on se sent ranimer soi-même ; l’image du plaisir nous environne ; ces compagnes de la volupté, ces douces larmes, toujours prêtes à se joindre à tout sentiment délicieux, sont déjà sur le bord de nos paupières.
Est-ce que Phidias ou Michel-Ange ne vous sculptent pas des images éternelles qui restent debout dans votre imagination comme sur leur piédestal ? […] (On reconnaît également ici l’horizon des lagunes de Venise dans le tableau des Pêcheurs de Léopold Robert ; on voit que cette image d’enfance, restée dans ses yeux, avait besoin d’en sortir et de se reproduire sur la toile. […] Et puisque nous parlons ici de la peinture comme expression d’une littérature qui parle aux yeux, qui impressionne l’âme, qui communique de l’homme à l’homme des images, des sensations, des pensées, voilà une langue du pinceau qui se fait entendre, entendre non pas d’un cercle d’initiés comme la Corinne de Gérard, mais de tout le monde. […] On laisse rêver ceux qui ne connaissent encore ni la vie ni la mort, et qui se font la mort et la vie à l’image de leurs douces ignorances. […] Quelle sérénité, quelle paix, quel apaisement des soucis de la vie, quelles images de félicité, d’amour, d’ivresse rêveuse, ne fait-il pas monter des sens à l’esprit !
Comme l’astre de la lumière matérielle, qui est son image, l’esprit humain a des crépuscules, des aurores, des midis, des déclins, des heures, en un mot des jours et des nuits ; mais il n’a ni jours éternels ni nuits éternelles. […] Cette image est tout un argument. […] Le génie italien n’a pas baissé d’une idée ou d’une image de Virgile à Dante, d’Horace à Pétrarque, de Sénèque à Machiavel, de Lucain au Tasse. […] La patrie n’est pas seulement celle où l’on a sucé le lait de sa mère, c’est aussi celle où l’on a reçu de la nature, des monuments, des hommes, des choses, ses premières impressions et ses premières images. […] Faut-il s’étonner que cette langue ait pour paroles des lueurs, des images et des mélodies ?
Toutes les images conviennent parfaitement à la pensée ; l’analogie est fidèlement respectée. […] La guerre civile ainsi représentée devient plus hideuse, plus révoltante, et cette image sert admirablement le dessein du poète. […] Or, je ne conçois pas, je ne crois pas qu’il soit permis de concevoir la forme poétique sans l’emploi des images. […] Il n’y a pas dans ses vers une seule parole qu’on puisse accuser de rudesse, pas une image qui effarouche le goût. […] Depuis Homère jusqu’à Euclide, depuis Thucydide jusqu’à Platon, il n’y a pas un ordre d’idées qui puisse se passer de l’analogie des images.
Les images sont nombreuses, quelquefois neuves, mais généralement toutes petites. […] Il a la souffrance si inventive, si fertile en images, qu’il la doit aimer, bien qu’il en meure. […] On dirait qu’elles peuvent voler plus facilement… Une petite lettre d’enfant… et rien de plus… » (Car la cécité de Marthe est, comme la névrose de Daniel, créatrice d’impressions fines et d’images.) […] Pareillement, l’image que la Vie de Bohème offre de l’« artiste » est toute bourgeoise. […] Que si, dans le même temps où il paraissait ressusciter, en ses images magnifiques et flottantes, quelque chose au moins de l’antique poésie hindoue, M.
Qu’est-ce qu’un style chargé de tropes et d’images ? […] Mais il n’en eut pas d’images aussi claires que Boileau. […] Les rappeler à propos, en réveiller les images au fond des esprits, c’est une création. […] Les articles de ce code, exprimés, tantôt par des sentences vives et laconiques comme les réponses des oracles, tantôt par de poétiques images des règles de la poésie, sont présents à tous les esprits cultivés. […] Tout est vif, tout fiait image ; tout est neuf, parce que tout est exprimé.
Peut-être est-ce un guerrier tatoué de fleurs de lys et d’images de dévotion. […] Le singe, quelquefois surpris par une magique peinture de nature, tourne derrière l’image pour en trouver l’envers. […] La grande faculté, la principale, ne brille que comme les images des patriotes romains, par son absence. […] Clésinger, je n’aimerais pas être loué si magnifiquement pour avoir fait l’image d’une bête, si noble et superbe qu’elle fût. Un sculpteur tel que lui doit avoir d’autres ambitions et caresser d’autres images que celles des taureaux.
Moins de luxe, moins d’images. […] Il a des images dures, si ce n’est fausses. […] Pour arriver d’un coup jusqu’au sommet de sa pensée, il double la métaphore, il fait d’une image la racine d’une autre image, il élève le langage figuré à la seconde puissance. […] Jamais on n’a prodigué avec une nonchalance plus superbe de plus superbes images. […] De là est née, chez quelques-uns, l’idée d’un christianisme universel, perpétuel et presque spontané, qui véritablement ne coïncide que trop avec l’humanité, car il est l’humanité même ; et au lieu qu’au commencement des choses Dieu créa l’homme à son image, et l’univers à l’image de l’homme, c’est Dieu maintenant que l’homme refait à sa propre image, pour se refaire ensuite lui-même à l’image de l’univers.
Les plus beaux élans de poésie, les plus riches images, ne suffisent pas à la durée d’une œuvre. […] C’est rarement, comme on pourrait s’y attendre, les images douces et modestes qui pourraient convenir à l’élégie. […] Quand une image leur vient en tête, ils ne se laissent pas séduire sans se consulter longtemps. […] Après avoir fermé le livre, on garde l’image des caractères et des acteurs plus nettement et plus profondément gravée. […] Pour le récit, par exemple, ne serait-il pas utile de s’interdire les images fréquentes et vivement accusées ?
Son premier recueil de 1817 offre en tête une image du poëte mourant, où les assistants portent des bottes à retroussis. […] La langue poétique intermédiaire dans laquelle Jean Polonius se produisit a cela d’avantageux qu’elle est noble, saine, pure, dégagée des pompons de la vieille mythologie, et encore exempte de l’attirail d’images qui a succédé : ses inconvénients, quand le génie de l’inventeur ne la relève pas fréquemment, sont une certaine monotonie et langueur, une lumière peu variée, quelque chose d’assez pareil à ces blancs soleils du Nord, sitôt que l’été rapide a disparu. […] Sans doute ; mais c’est peu aussi d’être amoureux en élégie, si l’on n’est poëte par les images et par de certains traits qui fixent la beauté pour tous les temps. […] Pardon, au milieu de cette période de l’école de l’art, d’avoir osé rappeler et recommander aujourd’hui quelques poésies que l’image triomphante ne couronne pas ; mais il nous a semblé que, même sous le règne des talents les plus radieux, il y avait lieu, au moins pour le souvenir, à d’humbles et doux vers comme autrefois, à des vers nés de source ; cela rafraîchit.
Cependant, si l’on ne s’arrête pas aux détails, on voit que son but reste en somme l’équivalence de l’image à l’objet, la vraisemblance (au sens étymologique), l’illusion. Voyez comment il loue la vérité des personnages dans Térence : Ce n’est plus un portrait, une image semblable : C’est un amant, un fils, un père véritable. […] En d’autres termes, le xviie siècle fera les anciens à son image, plus encore qu’il ne se fera à l’image des anciens, et — son absence de sens historique venant en aide à son rationalisme — il modernisera l’antiquité.