Ce n’est qu’à la fin et en désespoir de cause, qu’il renonça à l’idée de poursuivre ses projets lointains, et qu’il s’avisa de puiser de l’eau dans son propre puits, c’est-à-dire, au lieu de vouloir exécuter les choses, de prendre son papier et de les décrire. […] Après quelques études élémentaires de mathématiques, Bernardin, entré comme élève à l’École des ponts et chaussées, eut l’idée de servir dans le génie militaire : il y fut admis par une première méprise, mais il ne put jamais s’y faire accepter sur un pied d’égalité. […] Je le laisse dormir en paix, car je me défie de ma solitude où l’on peut, sans s’en douter, se familiariser avec les idées les plus absurdes. […] Les pages que Bernardin a écrites sur lui sont peut-être ce qui donne la plus simple et la plus naturelle idée du personnage et de son caractère : car, à force d’écrire sur Rousseau, on finit, ce me semble, par l’alambiquer terriblement et le mettre à la torture. […] La correspondance qu’on a de l’un à l’autre ne donnerait au lecteur qu’une idée imparfaite et trop inégale de leurs relations, si l’on ne savait que beaucoup les réponses de M.
Attila est une des mille incarnations de cette idée. […] En les peignant comme il devait les peindre, il aurait peut-être fait raison d’une idée commune et fausse, comme le sont presque toujours les idées communes. […] Amédée Thierry qui a remué des faits et des idées, non moins que son frère, on discutera également l’érudit et le penseur. […] Aujourd’hui nous avons les idées sur Rome de M. […] Ferrari, passent pour le moment sur le ventre aux idées de l’abbé du Bos et de Montesquieu, qui se relèveront et le rendront à qui les foule ; seulement, ses idées une fois jetées parterre, qu’on me fasse le plaisir de me dire ce que deviendra le très honorable M.
C’est un homme très-artificiel qui s’est mis à imiter les idées du temps. […] L’idée se dégage d’emblée. […] L’artiste ne cherche pas, on dirait plutôt que l’idée lui échappe. […] Ses lithographies et ses dessins sur bois éveillent des idées de couleur. […] Il a passé sa vie à chercher des idées, les trouvant quelquefois.
On le vit de bonne heure bien servir à la guerre, concevoir des plans de campagne, avoir des idées en politique, s’exprimer et agir d’une manière aisée et grande qui le rattache encore au siècle dont il était l’un des plus jeunes à soutenir le déclin. […] Il arriva alors que, sentant en Saint-Simon un ami qui pourrait bien devenir prochainement incommode et gênant, le duc de Noailles eut l’idée de lui tendre un piège qui le compromît dès le début de la Régence et lui cassât le cou, comme on dit. […] Saint-Simon, ne se méfiant de rien, ne donna point pourtant dans cette idée à laquelle il vit des inconvénients, et le duc de Noailles ne continua pas moins de la semer et de l’insinuer parmi les ducs, chez qui elle devint prétention, et une prétention qui, se répandant, soulevait contre eux les gens de qualité et la noblesse. […] Mais il paraît bien aussi que chez le duc de Noailles, dans sa jeunesse et même de tout temps, il y avait excès, surabondance et afflux d’idées, et par suite mobilité et conflit. […] Il soutenait avec un rare talent des idées qu’il abandonnait un instant après, tant sa tête était mobile, sans arrêt, sans justesse, et refaisant toujours ce qu’elle n’achevait jamais.
Il remue des idées comme le naturaliste fit fonctionner des machines. […] Et Paul Adam est capable d’une idée personnelle à peu près comme Zola était propre à l’invention d’un piston ou d’une soupape. […] Tout cela croule déjà ; mais, les premiers jours, la masse monstrueuse étonnait, imposait l’idée d’une force. […] Les idées roulent, se heurtent, s’écrasent, contradictoires. […] L’idée, dès lors, était dans l’air comme une de ces épidémies qui frappent toujours les cerveaux faibles.
Il range encore une fois ses idées et ses raisons en bataille, comme s’il n’avait pas été atteint. […] Guizot excelle à exposer, ce sont les débats, les discussions, les tiraillements des partis, le côté parlementaire de l’histoire, la situation des idées dans les divers groupes à un moment donné : il entend supérieurement cette manœuvre des idées. […] Même lorsqu’il raconte, comme dans sa Vie de Washington, c’est d’une certaine beauté abstraite qu’il donne l’idée, non d’une beauté extérieure et faite pour le plaisir des yeux. […] Et c’est avec le caractère plutôt qu’avec les idées qu’on se gouverne. […] Ce n’est donc qu’avec une discrétion extrême qu’on devrait, ce me semble, proposer les remèdes généraux dans lesquels il n’entre que des idées.
Vauvenargues avait sur la noblesse de sang, non pas des préjugés, mais de hautes idées qui la lui faisaient envisager comme une institution qui consacrait le mérite et la vertu des ancêtres et en imposait l’héritage à leurs descendants. […] Il me semble qu’en ayant sous les yeux ce premier petit volume sans les additions incohérentes et un peu confuses qu’on a faites depuis, on saisit mieux dans ses justes lignes la génération des idées et la formation du talent. […] « J’ose comparer ces principes, a dit Marmontel, aux premiers éléments des chimistes dont on ne peut faire l’analyse. » Sans entrer ici dans une discussion qui serait peu à sa place, je me bornerai à dégager l’idée de Vauvenargues dans sa plus grande généralité. […] Il y rend au mot vertu son sens magnifique et social : Le mot de vertu emporte l’idée de quelque chose d’estimable à l’égard de toute la terre… La préférence de l’intérêt général au personnel est la seule définition qui soit digne de la vertu, et qui doive en fixer l’idée. […] Dans l’ordre des connaissances et des jugements, il pensait que « l’effet d’une grande multiplicité d’idées, c’est d’entraîner dans des contradictions les esprits faibles ».
faut-il se servir de la religion pour attaquer des idées qui en sont au moins le préliminaire ? […] Les dix Méditations sur les vraies ou les fausses idées de la justice sont une belle lecture. D’Aguesseau, comme Platon, comme Cicéron, croit à une certaine idée naturelle de la justice, qui n’est pas l’intérêt ni l’utilité, mais le droit ; il croit, indépendamment de la révélation positive, au triomphe de cette idée dans les lois des grands législateurs et des grands peuples, à la conscience du genre humain. […] Royer-Collard, celle de M. le duc de Broglie en législation, ou encore ces hautes idées de justice primordiale que l’ancien Portalis léguait à son fils. […] On n’en pourrait donner idée par une sèche analyse.
. — B) Idées ; Indifférence pour la vie. […] 2º Idées religieuses. — Sociabilité. […] Idées. […] D’ailleurs, en ce pays, on a si souvent la mort sous les yeux qu’on se familiarise avec l’idée d’une fin définitive. […] J’ai indiqué seulement à titre de curiosité les quelques récits relatifs à ces idées.
La vue de ce beau livre m’a tenté, et je me suis mis à relire, — oui, à relire d’un bout à l’autre, non pas les quatre Évangiles, je mentirais, mais le premier des Évangiles, celui qui est dit selon saint Matthieu ; et les idées qu’a fait naître en moi cette lecture sont telles, que je crois pouvoir les communiquer à mes lecteurs sans inconvénient ni scandale pour aucun. […] sont-ce des pauvres en idée et qui se sont dépouillés mentalement, qui sont détachés en esprit des biens qu’ils possèdent ? […] Pline le Jeune peut pourtant nous en donner une favorable idée, et aussi le philosophe Favorinus chez Aulu-Gelle, et cet autre philosophe Nigrinus, de qui Lucien a parlé avec tant d’affection et d’enthousiasme, et cet Hérode Atticus qui unissait à la fois tant de doctrine, d’éloquence suave et d’humanité. […] Il me semble que sur ce terrain on est d’accord avec tous ; et après avoir dit ce qui est hors de contestation, on me permettra de citer ici un portrait de Jésus qui, tout apocryphe qu’il est, doit être ancien et qui résume du moins l’idée que la tradition avait transmise de cette vénérable figure. […] Quant à revenir aux Catacombes, ce serait prendre un grand parti et certainement se rapprocher de Jésus ; mais l’idée d’un tel art est encore à l’état archéologique, et l’Imprimerie Impériale, dont l’objet essentiel est la typographie, et pour qui l’ornementation n’est que l’accessoire, ne pouvait ni ne devait, quand elle en aurait eu le temps, hasarder une telle nouveauté.
Le titre complet de l’ouvrage, et qui en exprime l’idée, est celui-ci : Discours sur l’Histoire universelle à Monseigneur le Dauphin, pour expliquer la suite de la Religion et les changements des Empires. […] Cette suite va devenir l’idée essentielle de Bossuet : suite, ordre, dessein, unité providentielle, le contraire du hasard, c’est son point de vue constant, régulier, comme inévitable, et en quelque sorte la loi impérieuse de son esprit. […] Tant de liaison règne entre ses idées, que toujours l’une éveille l’autre, et que cette multitude d’origines, de catastrophes et de noms célèbres semble se disposer dans le seul ordre qui lui convienne. […] L’idée que la religion nous donne de son objet, c’est-à-dire du premier être, est le principe d’où le reste va découler : le Dieu des Hébreux et des Chrétiens n’a rien de commun avec les autres idées imparfaites et insuffisantes, quand elles ne sont pas monstrueuses, que le reste du monde s’était faites de la divinité. […] M. de La Chapelle s’empare de l’idée de Velleius et l’applique aux circonstances (page 177) : c’était le cas sur cette fin d’un grand siècle et le lendemain de la mort de Racine.
Chaque instant de la durée des peines morales me fait peur, comme les souffrances physiques épouvantent la plupart des hommes, et s’ils avaient d’avance, je le répète, une idée également précise des chagrins de l’âme, ils éprouveraient le même effroi des passions qui les y exposent. […] Loin de moi cependant ces axiomes impitoyables des âmes froides et des esprits médiocres ; on peut toujours se vaincre, on est toujours le maître de soi ; et qui donc a l’idée non seulement de la passion, mais même d’un degré de plus de passion qu’il n’aurait pas éprouvé, qui peut dire, là finit la nature morale ? […] Je ne sais pas une délibération plus importante que celle qui conduirait à se faire un devoir de causer une peine, ou de refuser un service en sa puissance ; il faut avoir si présent à la pensée la chaîne des idées morales, l’ensemble de la nature humaine ; il faut être si sûr de voir un bien dans un mal, un mal dans un bien. […] Les législateurs eux-mêmes gouvernent souvent à l’aide d’idées trop générales ; ce grand principe, que l’intérêt de la minorité doit toujours céder à celui de la majorité, dépend absolument du genre de sacrifices qu’on impose à la minorité ; car, en le poussant à l’extrême, on arriverait au système de Robespierre. […] Enfin, de quelque manière qu’on réfléchisse sur le sentiment de la pitié, on le trouve fécond en résultats prospères pour les individus et pour les nations, et l’on se persuade que c’est la seule idée primitive qui soit attachée à la nature de l’homme, parce que c’est la seule dont il ait besoin pour toutes les vertus, comme pour toutes les jouissances.
Le poëte profite de l’idée où on était alors, qu’il n’y avait pas d’antipodes, pour y placer le Purgatoire. […] Quant à ses idées les plus bizarres, elles offrent aussi je ne sais quoi de grand et de rare qui étonne et attache le lecteur. […] Toutes ces expressions emportent la même idée : ce sont les mânes ou l’ombre d’un mort qu’on rencontre aux Enfers ; c’est encore cela qu’on voit errer autour de son tombeau. […] C’est de toutes ces idées qu’est dérivée une expression, admirable pour l’énergie, et qui n’aurait pas de sens si on rejetait ce que nous avons dit. […] La croyance d’un purgatoire a bien donné le change à ces idées, en substituant le besoin des prières et des œuvres pies à celui des sacrifices ; mais elles ne laissent pas de subsister parmi le peuple.
L’idée de classique implique en soi quelque chose qui a suite et consistance, qui fait ensemble et tradition, qui se compose, se transmet et qui dure. […] Le xviiie siècle jusque dans son mélange, par quelques beaux ouvrages dus à ses quatre grands hommes, ajouta à cette idée. […] Je ne me dissimule pas que cette définition que je viens de donner du classique excède un peu l’idée qu’on est accoutumé de se faire sous ce nom. […] Les plus grands noms qu’on aperçoit au début des littératures sont ceux qui dérangent et choquent le plus certaines des idées restreintes qu’on a voulu donner du beau et du convenable en poésie. […] L’important aujourd’hui me paraît être de maintenir l’idée et le culte, tout en l’élargissant.
Dans tout pays où la science serait apprécie pour elle-même, où le caractère des hommes serait honoré pour ce qu’il vaut, où l’on aimerait mieux entrer en controverse, s’il y avait lieu, avec l’homme de mérite que de l’apostropher et de l’injurier, où l’on ne procéderait point en idées comme en tout par accès et par fougues, par sauts et par bonds, il n’y aurait pas eu tout ce bruit, et nous irions entendre M. […] Sa tendre sœur, dans cette crise pénible, vint à son aide et lui épargna les soucis de la vie matérielle : il put être tout entier du moins à ses idées et aux nobles soins de progrès et d’avancement intérieur auxquels il s’était voué. […] Il n’a aucun goût pour l’étude abstraite, pour l’idée en elle-même, séparée comme un fruit de sa tige et considérée isolément ; il n’a de confiance qu’en l’histoire, en l’histoire vue dans sa suite, dans son étendue, une véritable histoire humaine comparée. […] Voilà une singulière manière d’être conséquent et de pousser aux idées ! […] On a, d’après cette manière de voir, une sorte d’équivalent de l’immortalité, dont l’idée ne ferait ainsi que se déplacer et se traduire.
D’autres fois on aborde l’examen des faits avec des idées préconçues, et l’on contraint la réalité à s’y conformer, au lieu de conformer son opinion à la réalité. […] Claude Bernard s’est étendu là-dessus dans son Introduction à la médecine expérimentale ; c’est pour lui la grande cause d’erreur, et il ne se lasse pas de recommander aux savants d’être toujours prêts à abandonner l’idée préconçue qui leur a fait entreprendre une observation ou instituer une expérience. […] Cela se voit surtout dans l’idée que les divers peuples se font les uns des autres. […] Mais ces révolutions d’idées ne doivent pas être faites en passant, incidemment, quand on s’occupe d’autre chose. […] Dans un propos de morale pratique, on ne cherchera pas les fondements de l’idée du bien ; on n’en discutera point l’essence et l’origine, et, quoiqu’on pense là-dessus, on admettra les définitions vulgaires du bien et du mal.
Fouquier donne l’idée de quelque dilettante du XVIIIe siècle, d’un Crébillon fils ou d’un Laclos. […] Henry Fouquier écrit au Gil Blas sous ces deux noms) ont à la fois, sur l’amour, les idées des premiers hommes et celles des délicieux Français du XVIIIe siècle. […] Il me semble que nous mettons ordinairement un peu de nous dans l’idée que nous nous faisons de don Juan : celui de M. […] Sérieusement on retrouverait chez lui, tout au fond, un peu des idées de Saint-Simon et d’Enfantin sur le rôle de la femme, moins le mysticisme et le galimatias. Et justement ces idées étaient en germe dans ce XVIIIe siècle que M.
Tout désir fut une idée… Les renouvellements du désir sont inépuisables par la fécondité de l’esprit, l’originalité d’idées, l’art de voir et de trouver de nouveaux aspects moraux, enfin l’optique de l’amour. » L’amour est un exercice de l’intelligence et de la volonté. […] » Cette idée le ravit, que la vie de la femme soit rythmée, par les lunaisons, ainsi qu’un beau poème. […] Ce sentiment s’oppose, d’une part, à la grossière frivolité gauloise et, de l’autre, à la pensée chrétienne qui attache toujours à l’amour physique une idée de souillure. […] Il est d’ailleurs peu philosophique d’introduire dans la considération des rapports de l’homme et de la femme ces idées de supériorité et d’infériorité, l’homme n’étant pas moins « complémentaire » de la femme que celle-ci de l’homme. […] Des idées paisibles et utiles y ont l’accent d’un délire sacré, semblable à l’ivresse des prêtres orphiques.
Le poète a fait ce qu’il a voulu ; il a réalisé son rêve d’art ; il ne se borne nullement à décrire, comme on a trop dit, pas plus quo, lorsqu’il a une idée ou un sentiment, il ne se contente de l’exprimer sous forme directe. […] …………………………………………………………… Comme un vase d’albâtre où l’on cache un flambeau, Mettez l’idée au fond de la forme sculptée, Et d’une lampe ardente éclairez le tombeau. […] Pas une idée. D’idées philosophiques, ou historiques, ou morales, ne nous en préoccupons même pas… Gautier n’avait pas plus de sensibilité que d’idées… Dès que Gautier écrit plus de deux pages en vers, il est mortellement ennuyeux. […] Il y a très longtemps qu’elles n’existent plus… C’était un homme admirablement doué pour le style et à qui il n’a manqué que le fond… Les hommes qui aiment les idées ont, à son endroit, une espèce d’horreur.
Il avait la vie qui n’est pas la passion d’une minute, le pétillement, bientôt éteint, de telle ou telle idée contemporaine. […] Nous fîmes la guerre à cette guerre des idées modernes, trop introduites dans l’Histoire, — dans l’Histoire qui est un champ de morts, et non pas un champ de batailles ! […] Dargaud — ses ennemis d’idées ! […] L’auteur, qui n’écrit pas l’histoire d’un siècle, quoiqu’il en traverse plusieurs, mais qui, comme on dit maintenant, écrit celle d’une, idée, s’arrête à cet édit de Nantes qui forme une histoire de cette idée, en réalisant par Henri IV, que du moins il ne grandit pas, la politique de ce Michel de l’Hôpital, grandi outre mesure et qui doit éprouver de grands malaises de modestie, dans le fond de sa tombe, s’il peut s’y douter d’avoir sur terre un tel historien. […] Il y a bien partout en elle, il est vrai, et il devait y avoir, la négation de ce pouvoir religieux qui, au xvie siècle, était la base de la constitution de l’État, mais est-ce que l’honneur et l’obligation n’étaient pas alors de le défendre contre l’irruption des idées nouvelles qui l’attaquaient, le fer aux mains ?
Pour se renseigner sur les idées du symbolisme, M. […] Barre quand il expose, de façon assez intelligente et précise (c’est la meilleure partie de son livre) les idées de M. […] Faguet, qui a reproché si bien à Victor Hugo et à Baudelaire de n’avoir pas d’“idées” ? […] « Ils ont, nous dit-il, introduit dans la poésie le sentiment de l’inconscient, l’idée du mystère. » Ils ont « ouvert à l’inspiration des routes qu’aucun voyageur n’avait encore foulées. […] Pour moi, je suis au contraire frappé du peu que pèse la poésie symboliste envisagée non pas précisément du point de vue des « idées », cher à M.
Vitet, l’un des écrivains qui ont le plus contribué comme critiques à l’organisation et au développement des idées nouvelles dans la sphère des arts, un de ceux qui avaient le plus travaillé à mettre en valeur la forme dramatique de l’histoire et à la dégager des voiles de l’antique Melpomène ; homme politique des plus distingués, il se trouvait en présence d’un homme d’État chargé de le recevoir sur un terrain purement littéraire. […] En fait d’architecture, il a été l’un des premiers chez nous qui ait promulgué des idées générales et produit une théorie historique complète de génération pour les époques du moyen âge : sur ces points-là, bien des notions, aujourd’hui vulgaires, viennent de lui. […] Ce qui l’a distingué de bonne heure, ç’a été le talent de généraliser et de peindre les idées critiques ; il y met dans l’expression du feu, de la lumière, et une verve d’élégante abondance. […] Manzoni le savait bien, lorsqu’il rappelait ce mot à Fauriel : « L’imagination, quand elle s’applique aux idées morales, se fortifie et redouble d’énergie avec l’âge au lieu de se refroidir. » Racine, après des années de silence, en sort un jour pour écrire Athalie. […] » — Soumet était, caressant et malin, un peu creux d’idées, voulant par moments faire croire à je ne sais quelle métaphysique qu’il ne possédait pas, très-aimable quand il ne parlait que de vers, pourtant très-comédien toujours, même dans les moindres circonstances de la vie, ne s’étant jamais consolé de la fuite de la jeunesse, et en prolongeant l’illusion jusqu’à la fin.
Au service de ces idées et de ces sentiments, le poète met un talent original. […] En tout sujet, quelque idée qu’il manie, il aperçoit une réalité concrète : c’est un ancêtre de Régnier. […] Nulle idée d’une beauté noble, d’une forme pure et élégante ne vient réprimer l’instinct tout réaliste de son imagination. […] Un trait de Rutebeuf que j’ai déjà signalé, c’est qu’il aime les idées générales : ce sont lieux communs aujourd’hui, ce ne l’étaient pas alors. […] Mais surtout il développe ces idées avec un remarquable talent oratoire.
Il s’est dit : « Il faut qu’aujourd’hui, comme hier, comme demain, je raconte des histoires et fournisse des idées — des idées à cinquante mille abrutis qui me sont parfaitement indifférents. […] Lisez au milieu : « L’heure est venue de réagir contre les idées prudhommesques qui nous étranglent. […] Une seule idée dans un article ; que dis-je ? […] Tel est le procédé pour les chroniques à idées générales. […] Émile Blavet ne s’élève que rarement jusqu’aux « idées générales » ; M.
On trouve par-ci, par-là, dans les doctrines morales, particulièrement dans la morale stoïcienne et dans la morale kantienne, un appel à l’idée de personnalité, à l’idée de liberté individuelle et d’autonomie individuelle. […] Au fond, on n’évoque l’idée de personnalité que pour la forme. […] Elles lui mettent le marché à la main : « Survivre, oui : tu survivras si… tu obéis. » — L’illusion messianiste qu’on retrouve dans les morales laïque et humanitaire ne diffère guère de la précédente illusion. « Sacrifie-toi, dit-on à l’individu, ne t’insurge pas contre la société injuste ; la justice régnera un jour. » — Comme si cette promesse n’était pas une dérision et une injure à cette idée de justice que l’on invoque. […] Cette morale renonce il est vrai à l’idée du devoir un et universel. […] À vrai dire cette morale n’exclut pas d’une façon absolue l’idée de société et de sociabilité.
Comme on le voit, ses jours et ses nuits étaient pleins de la même idée, et il tâchait de dérober à ces ruines tout ce qu’elles peuvent apprendre à un penseur. […] L’idée qui se présenta à lui n’était pas sans quelque grandeur, il le croit. […] Voilà la première partie et, pour ainsi parler, la première face de l’idée qui lui vint. […] Quand l’idée qu’on vient de dérouler apparut à l’auteur, il songea sur-le-champ que cette double intervention était nécessaire à la moralité de l’œuvre. […] La loi véritable, la voici : tout ouvrage de l’esprit doit naître avec la coupe particulière et les divisions spéciales que lui donne logiquement l’idée qu’il renferme.
Est-il possible, au contraire, de s’affranchir, de s’émanciper, d’ouvrir son intelligence à de nouvelles lumières, de transformer et de développer ses idées et ses opinions, sans paraître mettre en question le fond des croyances que l’on soumet ainsi à un examen sans cesse renaissant ? […] L’expérience historique nous prouve que l’idée spiritualiste est susceptible de prendre les formes les plus différentes, de se concilier avec les points de vue les plus variés. […] L’idée spiritualiste, n’ayant point exclu la variété et le mouvement dans le passé, ne l’exclut pas davantage dans l’avenir. […] Elle s’informe de toutes les idées nouvelles, et elle cherche librement à s’en rendre compte. […] Félix Ravaisson, l’éminent historien d’Aristote, n’a pas reculé devant cette proposition, paradoxale en apparence, que c’est aujourd’hui l’idée spiritualiste qui est en progrès.
La fixité, le solide établissement de l’esprit dans une idée première, l’impersonnalité, la vigueur objective, la rigueur dans la déduction, toutes ces choses de l’homme, quand l’homme a du génie, Mme de Staël ne les connaît pas ! […] Elle a le mouvement des idées, mais à la condition, je l’ai déjà indiqué, qu’un autre qu’elle en sera le moteur. […] Mais à part ces narrations charmantes, toujours plus ou moins personnelles, et qui vont, par exemple, des Lettres de Mme de Sévigné jusqu’aux Memoranda d’Eugénie de Guérin, les femmes ne s’agitent pas dans un grand horizon d’idées. […] D’initiative dans les idées, Mme Sand n’en a pas plus, d’ailleurs, que Mme de Staël et que toutes les femmes ; car on fait, pour qu’elles en aient, des idées aux femmes comme on leur fait des enfants ! […] Que si parfois elle a de la couleur pour paysage, prise aux deux palettes de Chateaubriand et de Rousseau, elle n’a point le coloris des idées, si ravissant dans Mme de Staël !
C’était une idée assez simple pour que la manière dont elle serait développée fît toute sa valeur, car on sait bien — et les esprits les plus vulgaires autant que les esprits les plus élevés — que les révolutions, comme les bâtardises, ont des parentés naturelles, et qu’elles ne viennent pas sans un germe dans le régime qu’elles détruisent plus tard. […] Cette idée, la master-piece de son livre, est résumée dans l’avant-dernier chapitre, et voilà surtout (nous dit-il dans le chapitre suivant) d’où la Révolution est sortie, d’elle-même ! […] Dans ce livre-ci on rencontre de nouveau la faculté qui voit sur toute idée les deux faces, — assez triste faculté quand elle s’arrête là et qu’on n’a pas dans la pensée ce qu’il faut pour choisir la vraie, ou les embrasser l’une et l’autre en les dominant. […] L’esprit de Tocqueville n’est pas assez étendu pour fournir sur toutes les idées qu’on peut discuter. […] Cet exemple, qu’on peut multiplier, en prenant toutes ses assertions les unes après les autres, donnera une idée de l’assiette de ce ferme esprit, de la force d’Œdipe de cet investigateur de l’histoire, qui trouve que le Sphinx a trop peu d’une tête et qui lui en met deux !
Et même une histoire générale des peuples disait davantage, car elle comprenait aussi les barbaries, et l’histoire des civilisations ne comprend, comme le mot le dit, que les Civilisations… Les Études de Louis Faliés, dont le mot de civilisation, plus hardiment employé, aurait pu faire la fortune, ne sont donc un livre ni d’idée ni de forme nouvelles. […] Il roule devant lui l’idée commune comme un cerceau. Il ne projette jamais l’idée rapidement, la pointe en avant ! […] Quoique immensément au-dessous de Montesquieu, dont il descend, l’auteur des Études sur les civilisations a repoussé le joug de l’idée de Montesquieu qui a fait le plus de chemin, parmi tant de ses idées restées en route, et que la politique et l’histoire ont également dépassées… Il ne donne pas badaudement dans cette influence des climats qui a régné dans beaucoup de systèmes, et dont le dernier partisan est Taine, qui meurt intellectuellement de cette idée-là. […] Les sottes idées d’un temps égalitaire le prennent à la gorge.
C’est un homme d’épée et de bonne maison, élevé dans cette idée, dont Montesquieu a fait un dogme : c’est que la monarchie est fondée sur l’honneur, comme les républiques sur la vertu, — ce qui est moins sûr, car cette vertu-là n’a pas encore remplacé l’honneur monarchique, sur lequel des républicains, sans vertu, vivent toujours ! […] Justement effrayés du développement que prenait cette coutume du duel, d’origine religieuse, — puisque les jugements de Dieu, qui furent les premiers duels, partaient de l’idée (mal entendue, il est vrai), mais de l’idée de sa justice, — les rois, en France, ne cessèrent, depuis Louis IX jusqu’à Louis XIV, de s’opposer à ce développement et de le combattre. […] et cependant, malgré sa puissance et la splendeur de sa loi, malgré cette superbe invention d’un héroïque tribunal d’honneur qui, la France constituée comme elle l’était alors, était une idée de génie, ce tribunal d’honneur n’empêcha pas ce qu’il devait empêcher, et les épées incoercibles passèrent à travers cet édit, qui est un chef-d’œuvre, et qu’elles déchirèrent. […] L’idée, du reste, qui plane au-dessus du livre tient dans l’épigraphe d’un des plus importants chapitres. […] Verger de Saint-Thomas, qui n’est pas Louis XIV pour imposer sa législation, a ramassé en pièces l’idée de Louis XIV et l’a appliquée, comme il a pu, à une société qui n’a plus les hiérarchies sociales du temps de Louis XIV, et qui est nivelée et rongée par l’égalité et l’individualisme modernes.
Aujourd’hui, je vais parler du moraliste et du critique, mais d’un moraliste et d’un critique dont on n’a plus actuellement la moindre idée, — car voilà le caractère du talent de M. […] Il ne se ramasse pas en petits pelotons d’idées et ne se condense pas en Maximes comme La Rochefoucauld, et il a plus d’étendue et de profondeur que La Bruyère, qui n’est, après tout, qu’un portraitiste, éclatant de couleur comme une tapisserie des Gobelins. […] Il est plus métaphysicien, plus théologien, plus creusé, plus à fond, d’idées générales plus hautes, plus arrêtées et plus fermes que le brillant auteur des Caractères. […] Et, en effet, c’est la détestation du vulgaire et la chasse aux idées communes. […] Alors Hello, ce fanatique de gloire, non pour lui, mais pour ses idées, parce que la gloire serait pour elles une toute-puissante propagande, aurait de cette gloire désirée, convoitée, poursuivie en vain, autant qu’il en faudrait pour satisfaire l’orgueil d’un homme qui n’aurait plus que de l’orgueil.