Pour les partis entre lesquels il vit et auxquels il ne se mêle pas, il est le sphinx de sa grandeur future. […] Des histoires plus riches en grandeurs morales que celle du Directoire s’orneraient majestueusement de cette imposante figure. […] Dans ce sujet assez ingrat de la fin d’un règne qui, en tout, manqua de grandeur, et sous lequel les chefs de parti, racornis en chefs de coterie, ne réalisaient même pas le mot de Goethe : « Un chef de parti n’est guères plus à mes yeux qu’un bon caporal », Cassagnac a montré sa puissance de peintre historique bien plus, selon nous, que s’il avait eu dans les mains un sujet plus grand.
Tous les rêves bucoliques des Florian, des Gessner, des Haller, sont élevés ici à la hardiesse et à la grandeur, dans ce cadre majestueux des Alpes, et 94 au fond. […] Pourtant, ce qui continue de distinguer expressément le poëte, c’est encore la grandeur, l’élévation à laquelle il revient, vers laquelle il s’échappe toujours par quelque côté.
Depuis que j’ai touché le faîte Et du luxe et de la grandeur, J’ai perdu ma joyeuse humeur : Adieu bonheur ! […] Tant de glorieux sujets, tant de vaillants chefs y sont bien parfois un peu à l’étroit et un peu pressés comme dans le cheval de bois ; mais ils en sortent de même plus imprévus et plus impétueux, avec grandeur, avec éclairs. — Quoi qu’il en soit, c’est cette absence bien reconnue d’arrière-pensée qui fait passer chez Désaugiers certaines plaisanteries de rencontre, sur la création dans le Nouveau Monde, sur Adam et la pomme dans Verse encor, sur les diables et les damnés dans Il faut rire, sans qu’il ait été le moins du monde soupçonné d’impiété.
Sa poésie par là est étroite, chétive, étouffée : on n’y voit pas un miroir large et pur de la nature dans sa grandeur, la force et la plénitude de sa vie : ses tableaux manquent d’air et de lointains fuyants. […] On est coupable en France, quelque intérêt qu’on allègue, si l’on manque, faute d’élan, certains moments de grandeur et de gloire qui ne se retrouvent plus.
Son grand-père, qui vécut tard, et dont la jeunesse s’était passée en quelque charge de l’ancien régime, avait conservé beaucoup de solennité, une grandeur polie et presque seigneuriale dans les manières. […] A quelques pas en avant, un pâtre debout, les bras croisés et appuyé sur son bâton, semblait aussi absorbé dans la grandeur des choses ; le philosophe en fut vivement frappé, et dit : « Il y a en cette âme que voilà toutes les mêmes impressions que dans les nôtres. » — Les images nombreuses et si belles dans la bouche de M.
Après avoir dîné deux jours à sa table, dans son palais de Parme, elle reconnut en moi en ami de la maison des Bourbons, et elle me conduisit elle-même dans les chambres hautes de son palais pour m’y faire voir, avec une visible indifférence, les reliques de sa grandeur impériale données par la ville de Paris à l’époque de son mariage et de ses couches. […] XLIX Je m’arrêtai à Pise pendant quelques jours pour y admirer les beautés de la cathédrale et du Campo Santo, ce monument de marbre du xiiie siècle, et les quais magnifiques et solitaires, témoins aujourd’hui muets d’une grandeur évanouie.
Hugo veut mettre en lumière, donne aux premiers volumes une grandeur singulière : et cette fois, le poète, si peu psychologue, a su trouver la note juste, marquer délicatement les phases, les progrès, les reculs, les angoisses et les luttes d’une âme qui s’affranchit et s’épure : Jean Valjean, depuis sa rencontre avec l’évêque, jusqu’au moment où il s’immole pour empêcher un innocent d’être sacrifié, Jean Valjean est un beau caractère idéalisé, qui reste vivant et vrai. […] Tous les défauts disparaissent dans la grandeur de l’ensemble, et lorsqu’on feuillette le Répertoire de la comédie humaine, on a besoin de faire effort pour distinguer les personnages fictifs des individus historiques qui sont mêlés parmi eux.
Il faut apprécier les causes de la grandeur de Ronsard avant d’en venir aux causes de sa décadence. […] Qu’on s’imagine un mélange de subtilités italiennes et de ce que Du Bellay appelait fort justement mignardises françaises, cousues à des idées grecques ou latines, dont le traducteur rendait emphatique la sévère grandeur, ou enfantine la mâle simplicité ; qu’on s’imagine le badinage de Marot, s’enveloppant des vers repliés de Pindare et affectant les fureurs de la lyre94 : telle est l’ode dans Ronsard.
René Ghil ne manquent ni de grandeur ni de mystère. » C’est, d’une part, la complexe exposition du Rythme et du vers musical, l’Instrumentation verbale, qui, basée sur les valeurs harmoniques, rend à la langue ta double constitution originelle, idéographique et phonétique, et détermine une ordonnance harmonique du vers, du poème, du livre unifié. […] Or, au xvie siècle, nous trouvons les notations suivantes, que sont : a et o, et m, pour la grandeur, et pour la plénitude et l’amplitude, é et i, pour l’expression de délié, de rare, de menu, d’aigu et de pénétrant, et de deuil et de douleur, o et r, s et x, pour les grandes passions, et la rudesse et l’impétuosité, et l’âpreté, u et n, pour l’expression de voilé et de doute, et de noir. — Un autre note, que : e est le son le plus nué, le plus varié… Mais Socrate et plus tard Lucrèce, voient la vérité d’une dépendance naturelle entre l’idée, et le son et les lettres du mot qui l’expriment.
Il ne fallait ni tant de beauté, ni tant de poésie… Son abbé Mouret n’eût plus ôté alors ce petit prêtre nerveux, ce chétif enfant qu’il fallait montrer imbécillisé par le séminaire, halluciné par l’oraison, et préparé à la faute de l’amour d’une femme par l’amour de la Vierge divine trop contemplée sur son autel… Il fallait que sa faute, à lui, fût facile et rapidement faite, pour humilier davantage la grandeur surnaturelle du sacerdoce devant les réclamations animales de la chair et les tyrannies de la nature Il fallait enfin que le prêtre, malade hier, et guéri aujourd’hui, s’enivrât assez à la première vue des cheveux et de la peau d’une fillette pour glisser dans ses bras, tout naturellement, un jour de sa convalescence… Est-ce assez misérable, tout cela ? […] Eh bien, tout cela manque de grandeur, d’intrépidité, d’aplomb même !
La passion de Daniel est sans intérêt et sans grandeur, car elle ne combat contre rien dans l’âme de celui qui l’éprouve, et qui est un philosophe à la manière de Champfort, lequel affirme que l’amour légitime tue par sa violence. […] De même, la mère de Catherine, cette Clara qui méprise son père et sa mère, qui hait son amant, qui hait son mari, qui hait sa fille, et que l’auteur appelle grande quelque part, tant il est content de ce caractère, et tant cet adorateur de la force la confond avec la grandeur !
Poète qui n’a été qu’un type éclatant de bien des âmes plus obscures de son âge, qui en a exprimé les essors et les chutes, les grandeurs et les misères, son nom ne mourra pas, Gardons-le particulièrement gravé, nous à qui il a laissé le soin de vieillir, et qui pouvions dire l’autre jour avec vérité en revenant de ses funérailles : « Notre jeunesse depuis des années était morte, mais nous venons de la mettre en terre avec lui. » Admirons, continuons d’aimer et d’honorer dans sa meilleure part l’âme profonde ou légère qu’il a exhalée dans ses chants ; mais tirons-en aussi cette conséquence de l’infirmité inhérente à notre être, et de ne nous enorgueillir jamais des dons que l’humaine nature a reçus.
Feydeau n’a pu s’approcher de l’institution catholique et l’étudier, sans en ressentir bientôt et sans en exprimer la grandeur.
Qu’il ne vienne jamais le jour où les générations renouvelées, fussent-elles dans la prospérité de la civilisation et de la paix perpétuelle, ne paraîtraient plus que froides et indifférentes à ce qui a remué et déchiré les entrailles de la patrie, en ces années connues et senties de nous, années de deuil immense, d’immortelle grandeur !
Et puis, quand toute cette troupe, ces 10,000 hommes de superbe cavalerie, dans la main du plus brave des hommes, plus furieux et plus enragé d’héroïsme à cette heure suprême qu’on ne l’avait jamais vu en aucune rencontre, eurent chargé et rechargé maintes fois, eurent fait des miracles, eurent ouvert mainte et mainte brèche dans les rangs de la plus tenace des infanteries et en face du plus inébranlable des chefs de guerre dont la grandeur dans l’histoire est d’avoir résisté et vaincu ce jour-là ; quand Ney, après des heures tumultueuses que nulle montre exacte n’a comptées, se sentit à bout d’efforts, son quatrième cheval tué sous lui, à pied, son habit percé de balles et lui-même là-dessous comme invulnérable, il avait envoyé son aide de camp Heymès demander à Napoléon ce renfort d’infanterie, et Napoléon avait fait la réponse désespérée, inexorable.
Écrivain exquis et consommé, il s’est mêlé aux instincts, aux ironies, à la malice et aux émotions de tous, et, s’emparant de cette faculté chantante qui avait longtemps détonné, il en a tiré un parti plein d’à-propos, de finesse et de grandeur.
Mais style et magie de l’art, facilité, souplesse et abondance pour tout dire, regard scrutateur pour beaucoup démêler, connaissance profonde de la foule, de la cohue, de l’homme vain, vide, glorieux, mendiant, vagabond, savant, sensuel ; intelligence inouïe de la forme, expression sans égale de la grâce, de la beauté matérielle et de la grandeur ; reproduction équivalente et indestructible d’un gigantesque monument ; gentillesse, babil, gazouillement de jeune fille et d’ondine, entrailles de louve et de mère, bouillonnement dans un cerveau viril de passions poussées au délire, l’auteur possède et manie à son gré tout cela.
Il en est de plus dignes en apparence, qui croient pouvoir dissimuler, et qui, pour cela, ne trouvent rien de mieux que de renchérir du côté de l’exagéré et de la fausse grandeur.
Pourquoi les esprits distingués, quelle que soit la carrière qu’ils suivent, ne réunissent-ils pas leurs efforts pour soutenir toutes les idées qui ont en elles de la grandeur et de l’élévation ?
On s’aperçoit souvent que le poète est contraint ou dirigé par sa soumission à l’orthodoxie : mais ce qui fait de Milton l’un des premiers poètes du monde, c’est l’imposante grandeur des caractères qu’il a tracés.
Il avait fait la littérature à son image : une littérature pauvre d’idées, de sentiment vulgaire et cynique, de forme aisée et légère sans grandeur, à laquelle les érudits des cours féodales n’étaient arrivés qu’à opposer une littérature vide, de forme compliquée, capable seulement de donner le sentiment d’un immense effort évanoui dans le néant des résultats, dans le néant même des intentions.
Il y a, comme cela, des moments d’illumination intellectuelle, de sagesse absolue, où nous concevons tout à coup la grandeur du monde et l’inutilité ridicule de certaines manifestations de l’activité humaine.
Nous lui devons de la reconnaissance et le louer même pour les défauts qui constituent, si je puis ainsi dire, ses qualités, — cette étroitesse sans quoi nous n’aurions pas l’unité de ses efforts, cette grossièreté au-delà de laquelle il a parfois trouvé la grandeur.
C’est la peinture de mœurs administratives et de mœurs locales d’une sous-préfecture algérienne, avec ses puérilités paperassières plus ridicules sous certaines latitudes, en tels climats ; c’est une Algérie enfantine, vaniteuse et bavarde, c’est aussi un coin de l’Islam, un petit morceau de grandeur.
Voyez-vous, monsieur, ma grand’mère avait bien raison de me répéter : Ni l’or ni la grandeur ne nous rendent heureux !
Nous avons dit la grandeur et la décadence de Bacchus : au sixième siècle, à l’époque où son culte fonda le théâtre, il était à l’apogée de son règne.
Nul mieux que lui n’avait mission, en effet, pour s’éprendre de la langue du Grand Siècle et pour la revendiquer comme sienne : il est certainement, de tous les écrivains de nos jours, celui qui en renouvelle le mieux les formes, et qui semble sous sa plume en ressusciter le plus naturellement la grandeur.
Son port & ses regards ont une grandeur qui tient de l’atrocité de ses rôles.
Ils périrent, dit un bel esprit, comme ces vastes Empires, dont l’histoire nous raconte la chûte, accablés sous le poids de leur propre grandeur.
Ce qui fait le caractère de la poésie lyrique, c’est la grandeur et l’élévation des pensées ; toute ode qui remplira cette condition, est assurée d’enlever les suffrages.
Mais Chamfort qui s’indignait à la seule pensée de dépendance, n’éprouva plus que le besoin de briser les liens dont il se croyait garrotté : d’abord il remit son brevet d’appointements ; et bientôt, se trouvant mal à l’aise dans un palais où tout lui parlait de grandeurs, il voulut aller respirer ailleurs l’air de la liberté.
L’amitié est un sentiment trop viril pour subsister jamais dans une âme de femme ; et quand même, entre hommes, éclate cette chose rare et sublime, il n’y a qu’un homme du plus mâle génie, qui, comme Otway dans Venise sauvée, puisse en montrer toute la beauté et la grandeur.