Pourquoi est-il ridicule d’appeler un fauteuil la commodité de la conversation, et un miroir le conseiller des grâces ?
Émile Hennequin, dans une étude que pour sa vertu suasive j’espère vous voir lire, a démontré que l’originalité de Zola parmi les écrivains réalistes était ses surprenantes qualités poétiques, grâce auxquelles malgré l’apparente apathie d’un tempérament également et indifféremment apte à tout décrire, à tout évoquer, il ne s’appliquait qu’à la transcription des êtres et des choses de force : il est artiste, parce qu’il choisit non ses milieux ou ses personnages, mais chez ceux-ci un groupe préféré de leurs propriétés : seules l’intéressent les puissances actives, saines ou délétères, robustesse humaine ou perversion féminine.
C’est à les glaner au hasard que nous pouvons prendre mesure de la société du temps et découvrir en quoi consistait, aux yeux de l’élite, la vertu du « surhomme » en l’an de grâce 1897.
Grâce à une extrême frugalité, la troupe sainte y vécut ; on crut naturellement voir en cela un miracle 559.
Ce rêve était l’histoire ouverte à deux battants ; Tous les peuples ayant pour gradins tous les temps ; Tous les temples ayant tous les songes pour marches ; Ici les paladins et là les patriarches ; Dodone chuchotant tout bas avec Membré ; Et Thèbe, et Raphidim, et son rocher sacré Où, sur les juifs luttant pour la terre promise, Aaron et Hur levaient les deux mains de Moïse ; Le char de feu d’Amos parmi les ouragans ; Tous ces hommes, moitié princes, moitié brigands, Transformés par la fable avec grâce ou colère, Noyés dans les rayons du récit populaire, Archanges, demi-dieux, chasseurs d’hommes, héros Des Eddas, des Védas et des Romanceros ; Ceux dont la volonté se dresse fer de lance ; Ceux devant qui la terre et l’ombre font silence ; Saül, David ; et Delphe, et la cave d’Endor Dont on mouche la lampe avec des ciseaux d’or ; Nemrod parmi les morts ; Booz parmi les gerbes ; Des Tibères divins, constellés, grands, superbes, Étalant à Caprée, au forum, dans les camps, Des colliers que Tacite arrangeait en carcans ; La chaîne d’or du trône aboutissant au bagne.
Une princesse a toujours de beaux bras ; elle est toujours comme la tige du palmier de Délos, et elle doit sa chevelure à la plus jeune des Grâces.
Ne nous parlez plus de mystères de l’âme, du charme secret de la vertu : grâces de l’enfance, amours de la jeunesse, noble amitié, élévation de pensées, charme des tombeaux et de la patrie, vos enchantements sont détruits !
Il y a dans l’art, comme dans la société, les fausses grâces, la minauderie, l’afféterie, le précieux, l’ignoble, la fausse dignité ou la morgue, la fausse gravité ou la pédanterie, la fausse douleur, la fausse piété ; on fait grimacer tous les vices, toutes les vertus, toutes les passions ; ces grimaces sont quelquefois dans la nature ; mais elles déplaisent toujours dans l’imitation ; nous exigeons qu’on soit homme, même au milieu des plus violents supplices.
De grâce, quittons la physiologie.
À l’égard du style, il est hardi, précipité, souvent brusque, toujours plein de vigueur ; il peint d’un trait ; la liaison est plus entre les idées qu’entre les mots ; les muscles et les nerfs y dominent plus que la grâce ; c’est le Michel-Ange des écrivains ; il a sa profondeur, sa force, et peut-être un peu de sa rudesse.
Nous avons, dit-on, la liberté de la presse ; mais un livre comme celui de La Bruyère trouverait-il grâce devant nos mœurs ? […] Après avoir cité ce mot d’un ancien, que toute pensée qui ne peut supporter l’épreuve de la plaisanterie est au moins suspecte, après avoir rappelé Pascal sur la Grâce, Boileau sur l’Amour de Dieu, et M. de La Harpe lui-même plaisantant les Théophilanthropes, Mlle de Meulan renvoie à ses adversaires le reproche du danger qu’ils croyaient voir pour les idées religieuses en ces prises à partie trop vives : « Vous traitez dans les journaux ce que vous ne voulez pas qu’on traite à la manière des journaux ! […] Les abîmes de la grâce, du salut, ne la troublèrent point en s’ouvrant aux bords de sa voie.
Grâce à cette forme palpable, elle peut jeter son poids énorme dans la conscience, contrebalancer l’égoïsme naturel, enrayer l’impulsion folle des passions brutales, emporter la volonté vers l’abnégation et le dévouement, arracher l’homme à lui-même pour le mettre tout entier au service de la vérité ou au service d’autrui, faire des ascètes et des martyrs, des sœurs de charité et des missionnaires. […] Toutes les portes lui sont fermées même quand il a le droit de les faire ouvrir, et, s’il obtient quelquefois justice, c’est avec plus de peine qu’un autre obtiendrait grâce. […] » Ceci nous montre l’esprit, le but et l’effet de la société politique. — À l’origine, selon Rousseau, elle fut un contrat inique qui, conclu entre le riche adroit et le faible dupé, « donna de nouvelles entraves au faible, de nouvelles forces au riche », et, sous le nom de propriété légitime, consacra l’usurpation du sol Aujourd’hui elle est un contrat plus inique, « grâce auquel un enfant commande à un vieillard, un imbécile conduit des hommes sages, une poignée de gens regorge de superfluités, tandis que la multitude affamée manque du nécessaire ».
Si l’un d’eux, avec le titre de gouverneur, allait dans une province, on a vu que c’était pour la montre ; pendant que l’intendant administrait, il représentait avec grâce et magnificence, recevait, donnait à dîner. […] Il a contre lui le dépit de tous ceux qui se croient frustrés dans la distribution des emplois et des grâces, non seulement la noblesse de province qui reste à la porte504 pendant que la noblesse de cour mange le festin royal, mais encore le plus grand nombre des courtisans, réduits à des bribes, tandis que les favoris du petit cercle intime engloutissent tous les gros morceaux. […] À la fin les économistes d’un côté et les parlementaires de l’autre donnent le signal. — « Vers 1750, dit Voltaire524, la nation rassasiée de vers, de tragédies, de comédies, de romans, d’opéras, d’histoires romanesques, de réflexions morales plus romanesques encore, et de disputes sur la grâce et les convulsions, se mit à raisonner sur les blés. » D’où vient la cherté du pain ?
XXV Trois ans après, la révolution de 1830 avait renversé tout ce bonheur, toute cette cour, toute cette ambition ; de ce couple, rien n’avait survécu que les grâces sévères de la femme, un pli de tristesse sur les lèvres, une arrière-pensée dans les yeux. […] De ces livres, quelques-uns sont exclusivement réservés aux érudits hellénistes ; d’autres contiennent, à côté des textes grecs, des commentaires anecdotiques qui mêlent avec grâce et naïveté l’homme au mot, et qui révèlent les mœurs des peuples par une leçon sur leur idiome. Jamais l’intérêt et la grâce n’avaient été plus indissolublement pétris dans des pages scientifiques ; même quand on ne lit pas le texte, on lit le commentaire, et on emporte des images ravissantes de tous les pays qu’on a parcourus avec un tel guide.
Malgré son âge, sa beauté ineffaçable, sa grâce, sa séduction, son rang, son génie lui attiraient de nouveaux serviteurs dont le culte se confondait pour elle avec l’amour. […] Marie demanda pour toute grâce de n’être point suppliciée dans quelque lieu caché ; mais devant ses domestiques et devant le peuple, afin qu’on ne lui attribuât pas une lâcheté indigne de son rang, et que tout le monde pût rendre témoignage de sa constance à souffrir le martyre ; c’est ainsi qu’elle appelait déjà elle-même son supplice, consolation bien naturelle dans une reine qui voulait imputer sa mort à sa foi plutôt qu’à ses fautes. […] Il était tellement illuminé d’un ravissement doux, tellement baigné de la grâce de Dieu, qu’il « semblait rire aux anges. » Élisabeth Curle, une de ses filles d’honneur, raconte que la reine dormit et pria ; elle pria plus qu’elle ne dormit, à la lueur d’une petite lampe d’argent que Henri II lui avait donnée, et qu’elle avait gardée dans toutes ses fortunes.
Les uns sont plus emphatiques, d’autres plus raffinés ; il y en a de plus fades, ou de plus piquants, et l’on peut trouver dans cet art faux des merveilles de grâce spirituelle. […] Il y a même un peu de lourdeur dans ses grâces, lorsqu’il développe ses métaphores ou ses allégories : la lettre où il se suppose mort, celle des lions du Maroc, ou celle de la carpe au brochet sont des plaisanteries dignes de Mascarille ou de Trissotin. […] La prise de Rome sera la victoire de la raison sur les sens avec le secours de la grâce.
-elle est tellement péché, qu’elle est toute inclination et mouvement au péché et même à tout péché en sorte que, si le Saint-Esprit ne retenait notre âme et ne l’assistait des secours de sa grâce, elle serait emportée par les inclinations de la chair, qui tendent toutes au péché. […] — C’est peu que cela, qui ne regarde que l’honnêteté civile ; mais il faut que vous sachiez que, sans la grâce de Dieu, sans la vertu de son esprit, il n’y a aucune espèce d’impureté, de vilenie, d’infamie, d’ivrognerie, de blasphème, en un mot, il n’y a sorte de péché auquel l’homme ne s’abandonnât. […] On eût dit qu’il voyait Satan dans les grâces dont Dieu avait été pour lui si prodigue.
Il y a encore des poètes, mais la poésie se meurt ; elle languit dans l’ingénieuse et stérile industrie du vers orné, ciselé et vide, ou dans l’exubérante fécondité de la description sans autre but et sans autre objet qu’elle-même, dans la mignardise de petits tableaux de genre où elle se tourmente à faire de la grâce, ou dans l’exaltation factice de passions imitées plutôt que ressenties. […] C’est de l’esprit, c’est souvent de la grâce, parfois même de la sensibilité, ce n’est pas de l’inspiration : tout cela révèle un fonds de sécheresse, et sous ce désert d’idées on sent les grandes sources taries. […] Il y a dans tout le poème une adresse de facture presque excessive ; mais la variété manque, la liberté d’allures, la souplesse et l’ondulation des mouvements, tout ce qui fait la grâce.
Ce fut en même temps la santé, l’équilibre de l’homme domptant les chevaux emballés, et qui les dirige tantôt à gauche, tantôt à droite, et révèle néanmoins dans chaque mouvement la grâce d’une statue et une précision consciente du but. […] Grâce à Liluli, a Llop’ils (l’opinion) et à toute une panoplie de drilles et de drillesses dont les modèles nous sont connus, Romain Rolland explique comment on fait battre les peuples, comment on les fait s’entre-occire à grand tumulte et comment les rapaces et les imbéciles s’arrangent pour tirer profit de ces aventures. — Liluli, c’est de l’Histoire —. […] Tout un « mystère » païen et campagnard dont la grâce certaine, malgré quelques légères tares a toutes les qualités d’un primevère attiédi.
Le génie du style n’est pas fait que de force et de correction ; il a de plus l’idéalité et la grâce. […] L’ours donne la patte comme il peut la donner… Le grand Sagittaire qui savait tendre l’arc d’Hercule contre le capital, la propriété, la religion et tous les systèmes qui ne sont pas le sien, le détend et joue avec sa corde détendue, non pas gracieusement, — car la grâce n’a pas été plus accordée à Proudhon qu’à Rousseau, ces lourds, — mais avec une bonne humeur charmante, une gaieté gauloise que ne connaissait pas l’aigre Genevois sorti de Calvin. […] Grâce à cette Correspondance, je l’ai mis debout devant vous, ce naïf, ce cordial, ce vertueux, cet Alceste sans talon rouge et sans rubans verts, et cet Orgon aussi, cet Orgon qui croyait aux peuples et à l’égalité absolue aussi bêtement qu’Orgon croyait à Tartufe ; je vous l’ai montré lui-même, ce bonhomme, ce bon ours, qui casse la tête de l’homme, de son ami, avec le pavé de ses théories, pour lui ôter les mouches qui le dévorent, croit-il, et qu’il a sur le nez : les religions, le capital, les polices, les hiérarchies, les gouvernements !
C’étaient les qualités de la Foule, et si elle ne les avait pas en propre, c’étaient les Grâces dont la vivifiait l’influence du génie. […] Grâce aux concessions exagérées qu’ils ont faites, et qui ont pour résultat naturel d’encourager, d’ancrer le stupide Public dans ses goûts stupides — soit pour la gaudriole, cette chose, hélas ! […] Ils ne veulent plus que des formules, 2 et 2 font 4, il n’y a que cela au fond de tout, — et 2 et 2 font 4 ont supprimé la Grâce de l’Esprit. […] C’est une décadence éclairée, une seconde enfance qui sait les Grâces de l’enfance, l’assurance divinatoire de sa naïveté, le don qu’elle a comme de faire vraies les croyances qu’elle accepte. […] C’est une lumière autour d’elle illuminant tout, c’est un éclair vivant qui donne à cette nature qui l’admire, et dont elle est l’incarnation aimable, le reflet de sa grâce et jusqu’à l’indulgence de son propre accueil.
La trinité Garguille, Guillaume et Turlupin ne descendait pas de la cuisse de Jupiter, ils étaient tout simplement garçons boulangers au faubourg Saint-Laurent, à Paris, en l’an de grâce 1583, lorsque l’idée leur vint qu’ils avaient des talents transcendants comme acteurs. […] Grâce à ces deux grands artistes, les paniers, les chapeaux à plumes disparurent de la tragédie ; les habits furent coupés à la mode antique ; les représentations théâtrales devinrent plus pompeuses. […] Grâce à cette condescendance, le théâtre et la littérature furent dotés d’un morceau qui a passé longtemps pour un des plus tendres et des plus naturels qui soient à la scène, et qui, aujourd’hui encore, excite l’admiration, c’est la déclaration de Psyché à l’Amour. […] Il s’exécuta donc de la meilleure grâce possible, et sa pièce, représentée devant le duc de Parme, fut beaucoup applaudie par ordre du ministre qui veilla à son succès. […] L’Académie, dont Bois-Robert était membre, députa près du ministre pour demander son rappel, cette grâce fut refusée.
S’il a la grâce, il sera sauvé, puisque la grâce est toujours nécessitante ; mais a-t-il la grâce ? […] De même qu’un berger virgilien, elle fait entendre des plaintes poétiques contre les déprédateurs de la grâce terrestre. […] N’est-ce pas le même art, la même veine de pure tradition française, d’amour, de grâce, de beauté et de licence ? […] Grâce à la rhétorique, d’antiques galettes flattent encore notre palais. […] Sacrifier aux Grâces. — Voltaire La main des Grâces. — Laugier.
Il n’était pas jusqu’à cet air du monde, cette aisance et cette distinction d’allures, cet enjouement et cette grâce de plaisanterie, dont on faisait tant de cas, et tant de mystère, dans les « ruelles », qui ne s’insinuât parmi toute cette théologie. […] C’est ce que voit bien aussi Bossuet, puisque c’est même alors qu’il fait écrire par Fénelon, contre Malebranche, la Réfutation du Traité de la nature et de la grâce. […] Alleaume, I, 135] ; — pour le sentiment très vif qu’elles respirent de la nature [La Lettre à son frère (en vers) II, 178] ; — pour une certaine grâce sensuelle ou épicurienne [La Solitude, t. […] Analyse de l’Augustinus. — Les cinq propositions [Cf. l’abbé Fuzet, Les Jansénistes et leur dernier historien ; et sur le fond de la question de la grâce, C. […] « Il y a longtemps que Dieu m’a fait la grâce d’être assez peu sensible au bien et au mal qu’on peut dire de mes tragédies, et de ne me mettre en peine que du compte que j’aurai à lui en rendre quelque jour » : — Il se rapproche de Port-Royal ; — et c’est sans doute pour cette raison qu’il encourt la disgrâce du roi [Cf.
Il avait la grâce et le charme qu’il tenait de sa mère, et déjà bien des cœurs battaient sous son regard doux et profond, magnétique disaient plusieurs. […] Les fils y rajeuniraient dans un souffle de romantisme germanique les problèmes théologiques des pères, la grâce et le libre arbitre. […] On comprend qu’il ait décrié l’enseignement de nos lycées, exprimé son mépris pour nos Facultés, chanté son cantique d’actions de grâces devant la liberté critique d’une Faculté allemande. […] Je me suis convaincu en même temps de mon incapacité radicale à jamais rien faire de semblable pour l’habileté, la grâce, la netteté, la fécondité, la mesure, la solidité et la finesse. […] Cinq mille hommes sont montés du Molard à Saint-Pierre, avec leurs musiques, portant les bannières de 1813, pour un service d’actions de grâces.
» Jamais homme de Port-Royal ou du voisinage (qu’on le remarque bien) n’aurait eu pareille pensée, et c’eût été plutôt le contraire qui eût paru naturel, le pauvre étant aux yeux du chrétien l’objet de grâces et de vertus singulières. […] Tous les Italiens n’ont pas eu si bonne grâce, et le sieur Angelo, docteur de la comédie italienne, allait jusqu’à revendiquer le sujet du Misanthrope, qu’il avait, affirmait-il, raconté tout entier à Molière, d’après une certaine pièce de Naples, un jour qu’ils se promenaient ensemble au Palais-Royal. […] Dans une épître adressée en 1669 au peintre Mignard, sur le dôme du Val-de-Grâce, Molière a fait une description et un éloge de la fresque qui s’applique merveilleusement à sa propre manière ; il y préconise, en effet ; Cette belle peinture inconnue en ces lieux, La fresque, dont la grâce, à l’autre préférée, Se conserve un éclat d’éternelle durée, Mais dont la promptitude et les brusques fiertés Veulent un grand génie à toucher ses beautés ! […] La sévère rigueur de ce moment qui passe Aux erreurs d’un pinceau ne fait aucune grâce ; Avec elle il n’est point de retour à tenter, Et tout au premier coup se doit exécuter, etc… A cette belle chaleur de Molière pour la fresque, pour la grande et dramatique peinture, pour celle-là même qui agit sur les masses prosternées dans les chapelles romaines, qui n’aimerait reconnaître la sympathie naturelle au poëte du drame, au poëte de la multitude, à l’exécuteur soudain, véhément, de tant d’œuvres impérieuses aussi et pressantes ? […] Et dans les Fâcheux : L’amour aime surtout les secrètes faveurs ; Dans l’obstacle qu’on force il trouve des douceurs, Et le moindre entretien de la beauté qu’on aime, Lorsqu’il est défendu, devient grâce suprême.
Le résultat de ses visites dans le faubourg Saint-Germain est de se voir éconduit comme un fou dangereux, au moment où il s’imagine avoir séduit tous les cœurs de femmes par les grâces de son imagination, et conquis les hommes par la profondeur de ses aperçus. […] Les auteurs ont grandement raison ; la fausseté de l’habit prépare à la fausseté du dialogue ; et comme le vers alexandrin est fort commode pour le prétendu poète vide d’idées, l’habit galonné ne l’est pas moins pour le maintien embarrassé et les grâces de convention du pauvre comédien sans talent. […] Ils s’élançaient dans la carrière chargés de fers, et ils les portaient avec tant de grâce, que des pédants sont parvenus à persuader aux Français que de pesantes chaînes sont un ornement indispensable dès qu’il s’agit de courir. […] Continuez-vous à leur imposer l’armure gênante portée jadis avec tant de grâce par Racine et Voltaire ? […] Il citait, comme exemple de la belle manière de faire parler les héros de la tragédie, un discours de lord Falstaff, chef de la Justice, qui, dans la tragédie de Henri IV, présentant au roi un prisonnier qu’il vient de faire, lui dit avec autant d’esprit que de dignité : — Sire, le voilà ; je vous le livre ; je supplie Votre Grâce de faire enregistrer ce fait d’armes parmi les autres de cette journée, ou… je le ferai mettre dans une ballade avec mon portrait à la tête… Voilà ce que je ferai, si vous ne rendez ma gloire aussi brillante qu’une pièce de deux sous dorée ; et alors vous verrez dans le clair ciel de la renommée ternir votre gloire comme la pleine lune efface les charbons éteints de l’élément de l’air, qui ne paraissent autour d’elle que comme des têtes d’épingles.
Grâce à certaines conditions favorables ou défavorables, une image prend ou perd la première place dans notre esprit ; grâce à ces mêmes conditions, l’action correspondante prend ou perd la première place dans notre cerveau. […] Il semble que ce mouvement soit toujours conçu, imaginé, désiré, voulu, mais inutilement ; la poignée corticale d’un des mécanismes moteurs est cassée, et, faute de prise, le patient ne peut plus faire jouer le mécanisme. — Grâce à ces récentes découvertes, nous pouvons nous représenter avec plus de précision le travail qui s’accomplit dans l’écorce cérébrale. […] Pour qu’elles aient joué dans cet ordre, il faut qu’un courant nerveux les ait traversées dans l’ordre indiqué, Grâce à ce mécanisme ou à un mécanisme équivalent, l’irritation transmise par un seul nerf afférent à la première cellule a suffi pour provoquer la série indiquée de contractions musculaires, et, par suite, le mouvement compliqué et approprié de tout le membre postérieur ou antérieur. […] Grâce à cet enchaînement, les divers centres distincts peuvent coordonner leurs actions distinctes, et ils sont nombreux ; car, sans compter les spéciaux, il y en a dans la moelle épinière au moins soixante-deux, distribués en trente et un couples qui correspondent chacun à une paire de nerfs spinaux. […] Grâce à cette correspondance, nous sommes en état de nous représenter plusieurs détails de la figure de danse.
Grâce à M. […] Elle permettrait, en effet, de saisir comme d’un seul coup d’œil tout l’ensemble de la polémique, et les rapports très étroits qui lient, dans les Provinciales, la question morale à la question de la grâce. […] La grâce est-elle prévenante, concomitante ou subséquente ? […] Ils n’admettaient pas que l’homme fût libre d’une liberté qui rendît la grâce inutile, et qui le fît lui-même le seul et souverain arbitre de ses destinées. […] — Plus naturelle et moins savante, moins piquante aussi que l’Isabelle de l’École des maris, elle n’a pas, elle n’aura jamais la grâce enjouée de l’Henriette des Femmes savantes.
Vénus elle-même est en campagne pour lui briguer des suffrages, et le livre partout célébré est en vente jusque chez les Grâces. […] Qui que nous soyons et dans quelque genre que la vocation ou la destinée nous ait poussés, tâchons d’être de ceux-là ; tâchons, un jour ou l’autre, d’arriver à la perfection de ce qu’il nous est donné de faire, à la réunion de toutes nos forces, à la plus haute puissance de nous-mêmes : et, comme cette heure et cet accident de grâce et de lumière n’est pas en notre pouvoir, tenons-nous prêts et montrons-nous-en dignes en y visant constamment.
Il nous faudrait des chefs qui nous éduquassent mieux, qui eussent donner l’essor à nos mouvements, qui laissassent aller nos saillies pour mettre les esprits dans l’habitude d’un mouvement noble et d’un feu qui les élèverait, et rétablirait le génie et le goût comme dans le beau siècle de Louis XIV, et peut-être mieux ; des chefs qui récompenseraient à propos et ne puniraient les Français que par la privation des grâces, seule façon de diriger les gens à talents. […] Ses passages sont plus agréables que ses traités, et sa bonne grâce est au-dessus de son autorité.
Pour nous, ce qui nous attire et ce qui nous en plaît aujourd’hui, ce n’est pas tant ce canevas sentimental aisé à imaginer, et qui est traité d’ailleurs avec grâce et délicatesse, comme aurait pu le faire Mme de Souza ; ce sont moins les personnages amoureux que des personnages au premier abord accessoires, mais qui sont en réalité les principaux : c’est un président de Longueil, forte tête, à idées politiques, à vues étendues, une sorte de Montesquieu consultatif en 89, et qui, en écrivant à Saint-Alban, lui communique ses appréciations supérieures et son pronostic chaque fois vérifié ; — c’est aussi le père du jeune Saint-Alban, espèce de Pétrone ou d’Aristippe, qui, pour se livrer à ses goûts d’observation philosophique et de voyages, a renoncé dès longtemps aux affaires, aux intérêts publics, même aux soins et aux droits de la puissance paternelle, et s’en est déchargé sur son ami le président de Longueil. […] Grâce aux directions du président de Longueil, Saint-Alban a très bien vu, pour un si jeune homme, les premiers événements de la Révolution, et il en fait un tableau que ne désavouerait pas le président lui-même.