Sainte-Beuve Georges Lafenestre qu’on a fort salué pour ses Espérances, espérances (c’est bien le mot) pleines de fraîcheur, en effet, d’une sève abondante et riche, d’une fine grâce amoureuse. […] Paul Verlaine Peu après la publication des Espérances, saluée non sans enthousiasme par la génération levante des poètes admirateurs de Leconte de Lisle et de Théodore de Banville, en dépit des fortes réminiscences de Musset qui s’y trouvait… Lafenestre collabora au Parnasse, où ses contributions eurent un très grand succès d’estime, bien juste.
C’est la Chienne de la Fable, qui demande en suppliante un logement pour mettre bas ses petits, & chasse le propriétaire, dès que ses petits sont devenus assez forts pour soutenir son usurpation. […] Que seroit-ce s’ils étoient les plus forts !
Il étoit d'ailleurs fort avare d'éloges. Il louoit peu & blâmoit beaucoup ; il aimoit fort à censurer les Ecrits d'autrui, & ne pouvoit souffrir qu'on trouvât la moindre chose à redire aux siens. » Le portrait est naïf, & ne doit pas paroître suspect, après un témoignage aussi recevable.
Les frères, successeurs des moines, ont un esprit fort différent. […] Il semble simple : analysé, il est fort mystérieux. […] Cette exactitude supposée est, en tout cas, fort relative. […] Il avait reçu une forte éducation religieuse dans un milieu méthodiste. […] Le Chateaubriand, cet hiver est fort demandé.
PYRRHON. — Il est fort probable que non. […] Mais il était fort loin devant moi, et je ne l’ai vu que de dos. […] Les lignes y étaient très simples, très libres et très fortes. […] Mais je serais fort en peine, après cela, de dire quelle sorte d’homme il était. […] Mais, fort heureusement, je, vois que les compatriotes eux-mêmes de M.
Si son sujet l’amène à méditer sur le néant des choses humaines, sur la mort, sur les révolutions des empires, sur la force de l’Eglise écrasant les hérésies, les images, les expressions fortes abondent sous sa plume. […] Sa domination est d’autant plus forte qu’il n’a pas cet appareil du pouvoir qui intimide, mais qui n’obtient pas l’obéissance. […] Tallemant des Réaux, qui en recueillait toutes les anecdotes, parle d’un petit abbé qu’on y fit prêchotter fort tard dans la nuit. […] Avec ce sermon en projet, il montait en chaire et remplissait ce cadre de mouvements, d’images, de fortes peintures, liées entre elles par les idées principales plutôt que par l’artifice des transitions. […] Au temps de Bossuet, tout protestant qui ne l’eût été que pour être plus chrétien, assez instruit d’ailleurs et assez réfléchi pour supporter une si forte lecture, se serait rendu à ce grand homme.
Dans cette ville du Midi, toute fervente encore des passions de 1815, le jeune avocat libéral était fort protégé et encouragé par un magistrat de vieille roche, M. d’Arlatan de Lauris, qui goûtait son esprit et présageait ses talents. […] « Vauvenargues comprit alors les ennuis de l’oisiveté, les charmes du travail, et même du travail douloureux ; il conçut un mépris profond pour l’oisiveté, une estime extrême pour les actions fortes. […] Thiers faisait ses premières armes ; alors, comme aujourd’hui, on était fort tenté, au début, d’écrire sur toutes sortes de sujets. […] Thiers, placé tout à côté de lui et au cœur de la machine, complétera en grand ces fortes études financières si bien commencées. […] Ce passage, ainsi que plusieurs autres, a fort égayé l’un des rédacteurs du Quarterly Review, qui, dans un article des plus injurieux à M.
Il mange trop, en enfant gâté ; il veut des mets forts, épicés, et se fait mal à l’estomac. […] Il représente bien, on le comprend sans difficulté, il est dépourvu d’efficacité, il est l’œuvre de la froide raison raisonnante, et laisse fort tranquilles les gens qui s’occupent de lui ; à tous ces titres il est parent de l’alexandrin. […] Ce justaucorps doré, si bien fait pour un Français, ne convient qu’à peu près à leur taille ; de temps en temps un mouvement trop fort, incongru, le découd aux manches, et ailleurs. […] Ses mœurs se sentent bien fort de celles de Rochester et de toute cette canaille bien vêtue que la Restauration légua à la Révolution. […] La sève en ce pays est toujours plus forte que chez nous ; leurs sensations sont plus profondes, comme leurs pensées plus originales.
La critique a beau jeu d’exiger, sous toute espèce de forme d’imagination, des qualités supérieures, dont il lui serait fort incommode, souvent, de fournir le modèle après la théorie. […] — C’est un peu fort ! […] Sur la manière dont procèdent, en ces sortes de marchés, les grands seigneurs de la corporation, on en raconte d’assez fortes. […] Son principal roman-feuilleton fut les guerres de l’Empire : il eut fort à faire de l’écrire avec son sang ; il n’eut point en tête d’autre romanesque. […] Elle est donc fort mal renseignée sur la production de librairie et il doit exister dans son esprit un certain étonnement.
Magnin, son domaine fort honnête à ce moment, était le latin qu’il tenait bien, le portugais aussi et le castillan qu’il avait fort méritoirement conquis par son application soutenue ; du grec, il en savait assez pour entendre des passages, vérifier des citations et s’y comporter pertinemment, avec prudence. […] Magnin, soit à le voir y entrer et s’y asseoir à ses côtés, ce qui semblait alors fort peu probable, à titre de collègue. […] Face à face et de vive voix, il valait moins qu’avec la plume (je ne parle pas de la conversation privée, où il était fort aimable). […] que d’études fortes il avait entreprises et entamées vaillamment ! […] Je suis, malgré tout, fort tenté de croire, avec M.
Plus le sentiment de la nature est fort, plus ce tourment devient âpre et douloureux. […] Seulement il faut avouer que le sentiment de l’Humanité y est fort peu développé, et que le sentiment de l’égalité ne s’y montre que sous l’aspect révolutionnaire. […] Où donc trouverait-il une ancre forte et solide contre les orages de son amour individuel ? […] Apprenant l’allemand, il y a quelques années, je fus frappé de la clarté de style de ce Werther qui m’avait si fort touché dans ma jeunesse. Je traduisis littéralement chaque phrase, et je trouvai qu’il en résultait un français fort correct.
Si le poète ose débuter par une situation forte, il se mettra dans la nécessité de soutenir le ton qu’il aura pris, et son ouvrage y gagnera. […] Ces sortes de récits sont, pour l’ordinaire, dans la bouche des personnages qui, s’ils n’ont pas un intérêt à l’action du poème, en ont du moins un très fort qui les attache au personnage le plus intéressé dans l’événement funeste qu’ils ont à raconter. […] C’est encore de n’y point admettre les raisonnements, ni à plus forte raison les récits. […] Dis-lui que de mon fils l’amour est assez fort… Mais crois-tu qu’en son âme il ait juré sa mort ? […] Dans tous les cas, l’aparté est fort court ; il serait à souhaiter qu’il ne fût que d’un mot, parce que, dans l’exacte vérité, il nous peut échapper une parole qui n’est pas entendue de celui à qui l’on parle.
Mézeray, très bon historien pour ces derniers siècles, portait de Sully le jugement juste et vrai qu’il faut qu’on en porte encore, mais sans embellissement et sans enthousiasme : « Outre qu’il était infatigable, ménager et homme d’ordre, dit-il, il avait la négative fort rude, et était impénétrable aux prières et aux importunités, et attirait à toutes mains de l’argent dans les coffres du roi. » Tant que Louis XIV régna, il fut assez peu question des grandeurs et des gloires des règnes précédents. […] Quand Tallemant des Réaux, par exemple, s’appuyant du manuscrit d’un ancien secrétaire de Du Plessis-Mornay, c’est-à-dire d’un témoignage ennemi, s’amuse à nous conter que tous les soirs, à l’Arsenal, jusqu’à la mort de Henri IV, Sully, déjà arrivé à la cinquantaine, continuait d’aimer si fort la danse « qu’il dansait tout seul avec je ne sais quel bonnet extravagant en tête, qu’il avait d’ordinaire quand il était dans son cabinet », une telle anecdote, qui n’a aucun rapport prochain ni éloigné avec les actes publics de Sully et qui ne saurait être contrôlée, est indigne d’être recueillie par un historien et n’est propre (fût-elle exacte à quelque degré) qu’à déjouer et à dérouter le jugement général, bien loin d’y rien apporter de nouveau. […] Il avait de tout temps écrit ou fait rédiger les journaux et mémoires des actions principales et des événements importants de sa vie ; il chargea en définitive quatre secrétaires d’en faire un extrait considérable et un recueil à l’usage du public : Monseigneur, est-il dit dans la dédicace, Votre Grandeur ayant commandé à nous quatre, que vous connaissez assez, de revoir et considérer bien exactement certains mémoires que deux de vos anciens serviteurs et moi avons autrefois ramassés et depuis fort amplifiés, etc., etc., de toutes lesquelles choses nous nous sommes acquittés le mieux qu’il nous a été possible, etc. […] Les caractères forts ne sont pas des esprits forts pour cela. […] L’année suivante, à Nérac, il continue dans le même train : « La Cour y fut un temps fort douce et plaisante ; car on n’y parlait que d’amour et des plaisirs et passe-temps qui en dépendent, auxquels vous participiez autant que vous pouviez, ayant une maîtresse comme les autres. » Une maîtresse avouée, c’est-à-dire une dame de ses pensées.
La tolérance qu’avaient aisément les anciens pour les diverses opinions et croyances religieuses, tolérance que Gibbon s’attache si fort à démontrer, était plus que compensée par le mépris si habituel qu’on avait alors pour la vie des hommes. […] Je suis fort contente de M. […] Gibbon, j’ai tort ; je lui crois beaucoup d’esprit ; sa conversation est facile et forte de choses ; il me plaît beaucoup, d’autant plus qu’il ne m’embarrasse pas. […] Je serais fort aise d’avoir plusieurs connaissances comme lui ; car, à tout prendre, il est supérieur à presque tous les gens avec qui je vis. […] Gibbon est séduit ; il a fort à faire à Londres pour rompre ses engagements, pour se délier avec ses amis, avec l’un surtout qui lui est bien cher, lord Sheffield.
À l’âge de treize ou quatorze ans, il avait terminé sa rhétorique et même sa philosophie, et s’était fort distingué dans les divers exercices que les Oratoriens aimaient à proposer à leurs élèves. […] L’ouvrage fut fort sévèrement critiqué dans L’Année littéraire. […] C’est ainsi qu’en multipliant à plaisir ses travaux, et en se créant avec une rare vigueur de pensée ces surcroîts et comme ces superfluités d’action et d’emploi au milieu d’occupations qui, seules, eussent absorbé tout autre, Daru, sans s’en douter, préludait à ce rôle qui devait l’illustrer un jour, celui d’administrateur de la plus forte trempe sous le capitaine le plus infatigable qui ait jamais existé. […] Venez y ranimer le goût des beaux vers en nous lisant les vôtres… Nos professeurs sont excellents : Cuvier, surtout, nous enchante ; il parle d’histoire naturelle comme Buffon, et appuie tout ce qu’il dit par des démonstrations si fortes, que la raison qui écoute n’est jamais choquée. […] Bref, les envoyés, après maint voyage, s’en revenaient fort tristes et dans le dernier embarras, lorsque, s’arrêtant dans certain cabaret pour concerter leur réponse, ils aperçoivent un gros garçon de bon appétit qui chantait de tout son cœur auprès d’une Suzon de mine très joyeuse et d’apparence peu sévère.
Nous demandons la permission, ayant à parler de lui, d’en rester à nos propres impressions déjà anciennes, fort antérieures à des débats récents, et de redire, à propos des volumes aujourd’hui publiés, et sauf les applications nouvelles, le jugement assez complexe que nous avons tâché, durant plus de vingt ans, de nous former sur son compte, de mûrir en nous et de rectifier sans cesse, ne voulant rien ôter à un grand esprit si français par les qualités et les défauts, et voulant encore moins faire, de celui qui n’a rien ou presque rien respecté, un personnage d’autorité morale et philosophique, une religion à son tour ou une idole. […] L’influence de M. de Chateaubriand (juge d’ailleurs assez équitable de Voltaire), celle de Mme de Staël, c’est-à-dire de Rousseau toujours, le réveil d’une philosophie spiritualiste et respectueuse pour la nature humaine, l’action aussi de la renaissance religieuse qui atteignait au moins les imaginations quand ce n’était pas les cœurs, l’influence littéraire enfin qui soufflait tantôt de la patrie de Goethe et de Schiller, tantôt de celle de Shakespeare, de Walter Scott et de Byron, ces diverses causes générales avaient fort agi sur plusieurs d’entre nous, jusque dans nos premières lectures de Voltaire. […] On m’a écrit que M. le régent a donné sa parole, et comme j’ai celle de la personne qui l’a obtenue du régent, je ne crains point qu’on se serve d’un autre canal que le mien ; je peux même vous assurer que, si je pensais qu’ils eussent dessein (les hommes d’argent) de s’adresser à d’autres, mon peu de crédit auprès de certaines personnes serait assez fort pour faire échouer leur entreprise. […] On entrevoit par sa correspondance avec le chevalier Falkener quelles liaisons fortes et tendrement graves il y avait contractées, et combien intime et durable il en garda le souvenir. […] Chacun de ses rayons dans sa substance pure Porte en soi les couleurs dont se peint la nature ; Et, confondus ensemble, ils éclairent nos yeux, Ils animent le monde, ils emplissent les cieux… Ainsi cette excursion fort inutile de Voltaire dans les mathématiques, et qui allait devenir une fausse route, ne fut pas tout à fait perdue : elle lui servit du moins à composer cette belle épître2. — « Je suis bien malade, écrivait-il à Thieriot en août 1738, Newton et Mérope m’ont tué. » Ni l’un ni l’autre ne le tuèrent.
Horace Walpole, dans la description des fêtes qu’il donna à sa résidence de Strawberry-Hill en l’honneur de Mme de Boufflers, nous la montre fort agréable, mais arrivant fatiguée, excédée de tout ce qu’elle avait eu à voir et à faire la veille : « Elle est arrivée ici aujourd’hui (17 mai 1763) à un grand déjeuner que j’offrais pour elle, avec les yeux enfoncés d’un pied dans la tête, les bras ballants, et ayant à peine la force de porter son sac à ouvrage. » En fait de Français, Duclos était de la fête, lui « plus brusque que vif, plus impétueux qu’agréable », et M. et Mme d’Usson, cette dernière solidement bâtie à la hollandaise et ayant les muscles plus à l’épreuve des plaisirs que Mme de Boufflers, mais ne sachant pas un mot d’anglais. […] On y voit le goût, la raison et la simplicité, comme à son a jardin d’Auteuil. » La relation fort particulière qu’elle avait liée avec le roi de Suède, Gustave III, et qui remontait à l’année 1771 lorsqu’il arriva à Paris n’étant que Prince Royal, amena une Correspondance entre eux. […] L’année dernière, elle passa trois mois à Auteuil dans une très-jolie maison qui lui appartient ; Mme de Luxembourg s’y était établie avec elle et partageait la dépense d’un fort bon état qu’elle y tenait ; je ne sais si cette année elle fera de même, je le voudrais ; j’y allais passer la soirée pour le moins une fois la semaine ; elle est fort aimable chez elle, et beaucoup plus que partout ailleurs ; ses ridicules ne sont point contraires à la société ; sa vanité, quoique extrême, est tolérante, elle ne choque pas celle des autres ; enfin, à tout prendre, elle est aimable. « Sa petite belle-fille a de l’esprit, mais elle est bizarre, folle, et je la trouve insupportable ; sa belle-mère est son esclave et paraît l’aimer avec passion. » Ce qui est dit là de la comtesse Amélie et de sa bizarrerie ne paraît pas trop fort. […] Deux femmes de chambre qui la servaient depuis le temps de sa prospérité, et qu’elle n’avait plus le moyen d’entretenir, ne voulurent jamais la quitter et l’assistèrent jusqu’à la fin. — Elle avait un fils, le comte ou marquis de Boufflers, que tout Paris a connu fort bizarre dans sa vieillesse, trop peu digne de son nom, et qui est mort célibataire en avril 1858.
Le comte d’Artois, lui, le futur Charles X, n’est qu’étourdi, pétulant, imprudent, tête vive et légère : « Il est vrai que le comte d’Artois est turbulent et n’a pas toujours la contenance qu’il faudrait ; mais ma chère maman peut être assurée que je sais l’arrêter dès qu’il commence ses polissonneries, et, loin de me prêter à des familiarités, je lui ai fait plus d’une fois des leçons mortifiantes en présence de ses frères et de ses sœurs. (16 novembre 1774.) » Quant au comte de Provence, il y a d’autres précautions à prendre avec lui ; ce n’est pas de ses familiarités en public et de ses gestes légers qu’on a à se méfier, c’est plutôt de ses coups fourrés ainsi que de ceux de sa digne épouse, qui est bien appareillée avec lui : « Ils sont l’un et l’autre fort réservés et fort tranquilles, au moins en apparence. […] Là-dessus aucune négligence, et n’imitez personne ; suivez ce que vous avez vu et appris ici. » Elle ne cesse de conseiller à sa fille des lectures fortes, des lectures suivies ; elle attend tous les mois en vain la liste des livres sérieux que l’abbé de Vermond s’était chargé de procurer à la jeune princesse, et qui, on le sait aujourd’hui par les catalogues, étaient si absents de ses bibliothèques particulières : « Tâchez de tapisser un peu votre tête de bonnes lectures ; elles vous sont plus nécessaires qu’à une autre, … n’ayant aucun autre acquit, ni la musique, ni le dessin, ni la danse, peinture et autres sciences agréables. » Il est permis sans doute, surtout à son âge, de s’amuser, mais d’en faire son unique soin et de n’être occupée qu’à « tuer le temps entre promenades et visites », elle en reconnaîtra le vide et en sera un jour aux regrets. […] Elle approuve fort les actes de bienfaisance et de clémence qui inaugurent ce règne de Louis XVI. […] Le peu que j’entends des affaires me fait voir qu’il y en a de fort difficiles et embarrassantes. […] Il a débuté par un volume sur Starhenberg, et s’est surtout fait connaître par une fort bonne Histoire du prince Eugène de Savoie.
On veut donner à la vertu l’air de la duperie, et faire passer le vice pour la grande pensée d’une âme forte ; il faut que la comédie s’attache à faire sentir avec talent que l’immoralité du cœur est aussi la preuve des bornes de l’esprit ; il faut qu’elle parvienne à mettre en souffrance l’amour-propre des hommes corrompus, et qu’elle fasse prendre au ridicule une direction nouvelle. […] La confiance que peuvent avoir les femmes dans les sentiments qu’elles inspirent, peut être, avec raison, l’objet de la raillerie ; mais le talent se montrerait plus fort, le sujet serait pris de plus haut, si c’était au trompeur que s’attachât le ridicule, si l’on savait le faire porter sur l’oppresseur, et non sur la victime. […] Il y a dans un ouvrage allemand une observation qui me paraît parfaitement juste, c’est que les belles tragédies doivent rendre l’âme plus forte après l’avoir déchirée. […] Au dehors, tout est vu, tout est jugé ; l’être moral, dans ses mouvements intérieurs, reste seul encore un objet de surprise, peut seul causer une impression forte. […] Le dégoût de l’existence, quand il ne porte pas au découragement, quand il laisse subsister une belle inconséquence, l’amour de la gloire, le dégoût de l’existence peut inspirer de grandes beautés de sentiment ; c’est d’une certaine hauteur que tout se contemple ; c’est avec une teinte forte que tout se peint.
Car, dans cette vie si bien composée, la période illustre eut des préparations longues et fortes. […] Il n’avait jamais été ni tout à fait pour les gouvernements qui s’étaient succédé, ni entièrement contre, étant vraiment un sage et d’un parti fort supérieur à tous les partis, celui de la raison. […] » Et il lui eût été fort égal d’être taxé d’optimisme, c’est-à-dire, au jugement de quelques-uns, d’ingénuité. […] Elle se relèvera si elle reconnaît bien le grand courant du monde, et si elle s’y plonge et s’y précipite… L’humanité, comme Dieu même, n’a que des idées fort simples et en petit nombre, qu’elle combine de diverses manières… » Il marquait alors la suite historique de ces combinaisons et il admirait ce long effort « logique » pour affranchir « le fils du père, le client du patron, le serf du seigneur, l’esclave du maître, le sujet du prince, le penseur du prêtre, l’homme de sa crédulité et de ses passions », pour mettre « légalité dans la loi, la liberté dans les institutions, la charité dans la société, et donner au droit la souveraineté du monde ». […] Il y a ainsi de beaux sangs, et forts, où la magnanimité se perpétue.
Barbey d’Aurevilly, prend hautement le parti de ceux qu’il appelle les Prophètes du passé, et nous retrace, à côté de la grande figure de Joseph de Maistre, la figure ingénieuse et forte de Bonald, pour dire mon mot sur ce dernier, et pour assigner les principaux traits de sa manière. […] Les grands événements dont il était témoin et en partie victime dégagèrent en lui la pensée forte et un peu difficile, et ce fut aux coups redoublés de l’orage qu’il sentit qu’il avait des vérités à exprimer. […] M. de Bonald avait pris pour épigraphe cette phrase de Rousseau dans le Contrat social : « Si le Législateur, se trompant dans son objet, établit un principe différent de celui qui naît de la nature des choses, l’État ne cessera d’être agité jusqu’à ce que ce principe soit détruit ou changé, et que l’invincible nature ait repris son empire. » — M. de Bonald se réservait de prouver qu’ici la nature n’était autre chose que la société même la plus étroitement liée et la plus forte, la religion et la monarchie. […] C’est sur cette doctrine, chez lui fondamentale, et qui est le résultat du raisonnement comme la donnée de la foi, qu’il va discourir jusqu’au dernier jour, dire, redire sans cesse et répéter (car s’il est l’homme qui varie le moins, il est celui qui se répète le plus), et enchaîner toutes sortes de pensées élevées, fines ou fortes, souvent malsonnantes et tout à fait fausses, mais le plus souvent vraies encore d’une vérité historique relative au passé. […] Il ne fait guère d’exception favorable parmi eux que pour les Spartiates et les Macédoniens, peuples plus forts et plus durs : mais les Athéniens, il les rudoie, il les ignore, il les supprimerait s’il le pouvait.
Le peu de notes qu’on a publiées de lui, et où il fait son portrait, ont donné à sa physionomie une vie et un naturel qui est mieux que de la majesté : « Plutarque me charme toujours, disait-il ; il y a des circonstances attachées aux personnes qui font grand plaisir. » Né le 18 janvier 1689, au château de La Brède, près de Bordeaux, il sortait d’une famille de robe et d’épée, de bonne noblesse de Guyenne : « Quoique mon nom ne soit ni bon ni mauvais, disait-il, n’ayant guère que deux cent cinquante ans de noblesse prouvée, cependant j’y suis attaché. » Son père, qui avait servi, après s’être retiré de bonne heure, soigna fort son éducation ; le jeune Montesquieu fut destiné à la magistrature. […] Il reconnaît lui-même qu’il était peu propre aux emplois et à ce qu’on appelle une profession ou un état : Ce qui m’a toujours donné une assez mauvaise opinion de moi, disait-il, c’est qu’il y a fort peu d’états dans la république auxquels j’eusse été véritablement propre. […] Un ambassadeur de Perse en Moscovie écrira à Usbek sur les Tartares une demi-page, qui serait aussi bien un chapitre de L’Esprit des lois (lettre lxxxi) ; Rica, tout à côté, fera la critique la plus fine du babillage des Français et des diseurs de riens en société : puis Usbek dissertera sur Dieu et sur la justice dans une lettre fort belle et qui porte loin. […] Indépendamment des idées révélées, les idées métaphysiques me donnent une très forte espérance de mon bonheur éternel, à laquelle je ne voudrais pas renoncer. […] Il y a des incorrections, par exemple : « La plus grande peine n’est pas de se divertir, c’est de le paraître. » Mais Montesquieu, sur le style, a des idées fort dégagées : « Un homme qui écrit bien, pense-t-il, n’écrit pas comme on écrit, mais comme il écrit ; et c’est souvent en parlant mal qu’il parle bien. » Il écrit donc à sa manière, et cette manière, toujours fine et vive, devient forte et fière et grandit avec les sujets.
On était au fort des querelles entre le Parlement et la Cour : trente ans plus tard, des différends du même genre conduisaient à la Révolution de 89. […] J’ai voulu combattre son opinion ; je lui ai montré les lettres que nous nous sommes écrites. « Je n’y vois, m’a-t-il dit, de la part de Rousseau que de l’orgueil caché partout : vous lui rendez un fort mauvais service de lui donner l’habitation de l’Ermitage ; mais vous vous en rendez un bien plus mauvais encore. […] Il a très bien décrit cette vie assez dure et fort magnifique : Nous avons laissé les gros équipages ; malgré cela, à chaque marche, on voit défiler pendant trois heures notre nécessaire le plus indispensable. Cela est fort scandaleux et me persuade plus que jamais que le monde n’est composé que d’abus, qu’il faut être fou pour vouloir corriger. […] je ne sais pas un mot de ce que vous ferez demain, par exemple ; depuis que je vous connais, cela ne m’est point arrivé. » La morale avait fort à souffrir de ces relations qui s’établissaient si aisément et si publiquement dans le monde du xviiie siècle.
Son irréligion même, qui éclate pour nous dans ses rapports avec nos philosophes, et qui est le côté par lequel il les a le plus regardés, cette irréligion qui jure si fort avec son rôle de roi fondateur et instituteur de peuple, n’était pas au fond ce qu’accusent ses correspondances les plus connues. […] On le trouve en 1732, au sortir du fort de Custrin, âgé de vingt ans, mûri déjà par le malheur, maître de lui-même et de ses passions, avide de réparer par l’étude les dissipations premières. […] Nous vivons trop peu pour devenir fort habiles ; de plus, nous n’avons pas assez de capacité pour approfondir les matières, et d’ailleurs il y a des objets qu’il semble que le Créateur ait reculés afin que nous ne puissions les connaître que faiblement. […] Frédéric s’en émeut : outre ce qu’il perd d’agrément et de ressources dans les entretiens de son ami, il craint pour sa santé dont la délicatesse est si fort en contraste avec la rigueur du climat de Moscovie. […] Quelqu’un, ces jours passés, m’a sommé de lui en donner un extrait ; je me suis fort excusé sur ce que l’original n’était pas entre mes mains, ce qui fit une scène semblable à celle qui se trouve dans Le Joueur, où M.
Des improvisations de journal, qui ressemblent très fort à des improvisations de discours ! […] Historiquement, il hait le Moyen Âge ; mais du moins il ne méconnaît pas ce qu’il eut de réglé, de fort et de politique, ce fier temps ! […] Qu’importe qu’elle énerve ou étiole le talent, qu’elle dissipe le temps nécessaire aux œuvres fortes et au développement des facultés, qu’elle tue l’originalité ! […] Et je n’ai rien vu de plus beau, je l’avoue, que cette martingale de bon sens politique mise à l’hippogriffe de l’imagination, et qui est plus forte que l’imagination et les passions d’un homme, qui avait de l‘une comme un poète, et des autres comme un homme de parti. […] S’il n’était plus chrétien comme on lui avait appris à l’être en ses premières années, il avait emporté et gardé de son christianisme ce fort déisme qui allait à son royalisme, — qui est même le royalisme en philosophie, car Dieu, en métaphysique, c’est le Roi !
Le plus zélé était un israélite de vingt-deux ans, élève de l’École des ponts et chaussées, petit, chétif, les yeux ardents, presque fébriles, d’une âme forte et envahissante. […] Crémieux soudain leur accorda un privilège qui a fort bouleversé les Arabes. […] Claires et fortes, avec tous les germes qui annoncent le grand talent, elles respirent la confiance d’un jeune intellectuel qui, parlant à sa famille, à des amis sûrs, à son ancien maître, M. […] Enfin, tout ce que je vois autour de moi, pays, ciel, forêt et scènes humaines, tout est si beau, si beau que la joie de la contemplation est constamment la plus forte. […] Sa liberté d’esprit, son isolement, sa nature fine et noblement voluptueuse sont tout de même une forme de courage bien élégante et bien forte.
Quand on est critique soi-même, il est bien clair que si l’on adopte une méthode plutôt qu’une autre, c’est qu’on y est conduit par sa nature et par ses réflexions ; l’on est bien près, dès lors, d’avoir des objections à adresser à n’importe quelle autre méthode, et tout en se disant que, quand même on le voudrait, on serait peu capable d’en changer, on est fort tenté d’ajouter qu’il n’y a pas grand mal à cela, puisque la méthode qu’on suit est la meilleure et la plus vraie de toutes : sans quoi elle ne serait pas nôtre. […] Il se garde encore plus de ces excursions érudites qui sont si fort à la mode aujourd’hui, et qui consistent, à propos de chaque auteur, à ramasser tout ce qu’il y a de curieux, d’utile ou d’inutile sur son compte, et à en charger, à en bourrer le texte ou le bas des pages. […] Y a-t-il deux hommes, j’entends même deux hommes de goût, qui puissent l’être absolument, surtout quand l’élément moral est pris si fort en considération ? […] que de propositions leur sembleraient trop fortes et trop brèves, et sur lesquelles ils demanderaient à réfléchir un moment avant de se risquer à y adhérer !
Il est fort facile et fort vrai de dire que La Fontaine se pénétra du style de Marot, de Rabelais, et le reproduisit avec originalité ; mais de Marot et de Rabelais à La Fontaine il n’y a pas moins de cent ans d’intervalle ; et, quelque vive sympathie de talent et de goût qu’on suppose entre eux et lui, une si parfaite et si naturelle analogie de manière, à cette longue distance, a besoin d’explication, bien loin d’en pouvoir servir. […] Ce n’était pas à beaucoup près un travailleur opiniâtre ni un érudit que La Fontaine, ni encore moins un investigateur de manuscrits, comme on l’a récemment avancé196, et il employait ses nuits à tout autre chose qu’à feuilleter de poudreux auteurs, ou à pâlir sur Platon et Plutarque, que d’ailleurs il aimait fort à lire durant le jour. […] Quant aux auteurs français, il avait ceux du temps, passablement nombreux, et la littérature du dernier siècle, qui était encore fort en vogue, surtout hors de la capitale.
On en a déjà fait la remarque dans ce journal : ce qu’on ne dirait pas sans inconvenance à Paris au plus célèbre, au plus éloquent, au plus chéri de nos écrivains, on le dira fort civilement, d’un rivage à l’autre de la Manche, à un baronnet écossais. […] C’est celui où l’homme de génie, cédant à d’ignobles motifs, et par cupidité ou mauvaise foi, ferait de méchants livres qui seraient de méchantes actions, et, soit pour satisfaire ses haines, soit pour payer ses dettes, s’en irait à la légère ou sciemment altérer des faits, dénaturer des intentions, calomnier, rapetisser des générations fortes et grandes, en un mot dans une compilation indigeste falsifier l’histoire au profit de ses préjugés, ou qui pis est à son profit. Quand Voltaire, pour attaquer le christianisme, tronquait et supprimait des textes, il obéissait à la haine ; et, quoiqu’il soit fort peu philosophique de haïr, c’est là du moins une passion qui, à la prendre en un certain sens, peut s’appeler désintéressée. […] Serait-ce la fade et froide allégorie du Temple de Gnide, qui scandalise si fort la pruderie du romancier presbytérien ?
Maître Adam de la Halle n’était pas lépreux, et des querelles locales le contraignaient à partir : aussi prend-il congé avec plus de colère que de tristesse, et lançant contre Arras quelques invectives qui — de fort loin — font songer aux amères salutations que Dante exilé envoyait à sa patrie. […] C’est surtout, la pensée de tout ce que donne le roi, et il faut le voir annoncer que tout cela n’aura qu’un temps, il faut l’entendre gronder à mots fort peu couverts : « Attendez, attendez ! […] Et il continue ainsi, incriminant tout le monde, et Rome surtout et les moines : mais ne sent-on pas ce que le rythme même, cette strophe de quatre vers, avec son allure régulière, sa forte vibration, sa solidité large, a de favorable à l’expression oratoire de la pensée ? […] Je n’ajoute pas les chansons de geste ; il n’y fait que des allusions fort vagues, qui peuvent s’expliquer par la popularité des types tels que Roland, Olivier, Alexandre, Eaumont même et Agolant.
Je vois l’autre avec vous, toujours. » Et elle s’en va, désespérée… Il vous est aisé d’entrevoir par ce résumé fort incomplet, mais non inexact, que ce qui meut et broie ces trois créatures, c’est l’amour sensuel, et ce n’en est point un autre. […] Et ainsi (car telle est la duperie des mots) ni dans son plus faible degré, ni dans son degré le plus fort, cet amour-là n’implique « l’amour ». […] Elle est fort au-dessus des « convenances ». […] Une saveur amère et forte est venue s’ajouter aux derniers livres de M.
Il revivait, non dans ses extravagances dont Boileau, Molière et La Bruyère avaient corrigé la France en l’en amusant, mais dans cette affectation de « ne rien dire de vulgaire », devise d’un écrivain espagnol, fort goûté au temps de la première floraison du précieux, et traduit encore à sa renaissance, Balthazar Gracian. […] Bouhours est un causeur fort goûté, tout nourri de ces dragées de la conversation des ruelles qu’il nous offre dans ses écrits, d’une main qui n’est pas toujours légère. […] Bouhours, fort répandu dans les ruelles, représente ce tour d’esprit, qu’il contribuait de sa personne et de ses succès à faire prendre pour le bon. […] Et quand, à son tour, Fontenelle explique la peine que Leibniz avait à parler « par la dose des choses qu’il avait dans la tête, et qui était beaucoup trop forte par rapport à la dose des paroles », que nous veut-il, sinon nous faire dégager une inconnue ?