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578. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Comment sentir la nature, comment aspirer en liberté le parfum des choses, si on ne les voit que dans les formes étroites et moulées d’un système ? […] Seulement elles ne sont pas fixées dans des formes dures et déterminées une fois pour toutes. […] La vérité n’est aux yeux du penseur qu’une forme plus ou moins avancée, mais toujours incomplète ou du moins susceptible du perfectionnement. L’orthodoxie, au contraire, pétrifiée, stéréotypée dans ses formes, ne peut jamais se départir de son passé. […] La science n’étant guère apparue jusqu’ici que sous la forme critique, on ne conçoit pas qu’elle puisse devenir un mobile puissant d’action.

579. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Les auteurs ne cherchent pas à modifier les formes qui leur sont transmises par la tradition ; ils sont trop occupés des idées pour songer à inventer des moules nouveaux. […] Les formes que celle-ci employait hier encore paraissent vieillies, surannées ; elles ne sont plus adaptées au milieu environnant ; elles doivent changer pour se mettre en harmonie avec la société transformée. […] Le romantisme et le naturalisme représentent, sous des formes diverses et à deux degrés différents, l’entrée de la démocratie dans la littérature. […] La forme et le fond en sont également modifiés. […] J’en ai dit assez pour montrer combien il importe de noter en chaque période la forme et l’essence du gouvernement, le degré de liberté atteint, les grands événements intérieurs ou extérieurs.

580. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Et en admettant qu’il eût pris la forme d’une citrouille, aurait-il pu prêcher, faire des miracles, être crucifié ? […] Mais ce n’est pas seulement le fond, c’est aussi et surtout la forme des écrits qui, pendant deux siècles, portent l’empreinte du système alors constitué. […] Mais on ne tarda pas à s’apercevoir que la langue se transformait dans le temps même où l’on proclamait l’éternité de certaines formes passagères. […] Il n’aime pas plus les étrangetés ou les nudités de formes que les audaces de pensée. […] Pour les adeptes de l’école du vrai à tout prix, dire d’un roman qu’il est romanesque ou romantique est une condamnation en bonne et due forme.

581. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Du terre-plein on descend par quelques marches à la mer ou au port dont la forme est un quarré oblong. […] C’est donc toute la partie concave de l’édifice qui forme le grenier à foin ; et c’est le reste qui forme l’ écurie. […] C’est qu’il y a plus de vie et moins de formes. à mesure qu’on introduit les formes la vie disparaît. Dans l’animal mort, objet hideux à la vue, les formes y sont, la vie n’y est plus. […] Qui est-ce qui sait ce que nature même semble ignorer, introduire les formes de l’âge avancé et conserver la vie de la jeunesse ?

582. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Michelet a-t-il réellement dans ses œuvres la valeur de forme que certains esprits veulent y voir ? […] Michelet, est-ce que le fantastique historien ne l’a pas aussi, cette forme comme le fond, avilie ? […] Il y a dans les derniers volumes qu’il vient de publier tels détails que nous n’oserions citer ici ni pour le fond ni pour la forme, et pour lesquels le fond et la forme font équation d’ignobilité. Rien d’étonnant pour nous, du reste, que cette dégradation congénère de la pensée et de la forme. […] Tel était le culte et l’une des formes de la nouvelle religion.

583. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

— Les organiser sous une autre forme, dût-elle être provisoire, est nécessaire. […] C’est une autre forme de la même erreur. […] Vous vous moquez de la monarchie ; mais la monarchie est la forme sensible de la patrie, et le dévoilement au monarque la forme sensible du patriotisme. […] De là cette forme de considérations ou d’entretiens. […] Pas de société sans Dieu qui la forme.

584. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jaubert, Ernest (1856-1942) »

Il faut aussi qu’il se défie des poèmes traditionnels à forme fixe, dont l’on ne peut user qu’avec une souplesse de doigté, une virtuosité vaine que je suis heureux pour ma part de lui pouvoir dénier, car les poètes, aujourd’hui, ont mieux à faire que s’attarder à pareilles bagatelles. […] Émile Besnus Rythmes, les formes, les sous et les nuances ; rythmes, les mots et les idées.

585. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Ainsi la pensée et la forme se tiennent indissolublement. […] Baudelaire avait beaucoup trop de goût et d’instinct des formes. […] Les formes de l’existence et la façon de vivre ne changent guère en Orient. […] Vraiment, je ne sais pas encore quelle forme donnera mes idées. […] On ne respecte plus les formes anciennes ni les conventions d’autrefois.

586. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Legrand, Marc (1865-1908) »

Charles Guérin J’estime l’Âme antique, parce que c’est un livre simple et de formes sereines ; il n’apaisera point ceux qui sont tristes, pas plus qu’il n’inquiétera ceux qui sont calmes, mais il flattera les esprits classiques qui aiment la nature vue à travers les bons auteurs. […] Mais j’insisterai sur la partie moderne, la première du livre, où je trouve des pièces exquises de forme et qu’eût pu signer A. 

587. (1896) Les Jeunes, études et portraits

L’évangélisme doit être remplacé par une forme plus rationnelle de l’altruisme. […] C’est une des formes multiples de cet évangélisme qui nous est venu du Nord. […] Sa tristesse, s’il lui plaît, va prendre forme et vie et marcher devant lui. […] Des désirs prennent forme. […] Tout a été dit, et, semble-t-il, sous toutes les formes.

588. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

. —  Forme d’esprit de la Renaissance. —  Que la représentation des objets est alors imitative, figurée et complète. […] En effet, ils entrent dans une forme d’esprit nouvelle et supérieure. […] Il y a une pousse incroyable de formes vivantes dans leurs cervelles. […] Puis viennent les seconds, les imitateurs, qui de parti pris répètent cette forme et l’altèrent en l’exagérant. […] Le fonds a disparu, laissant à la place une forme vide.

589. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Il se distingue du groupe parnassien par l’aise et la liberté de son allure, tout en s’y rattachant par la forme absolue et la pureté. […] Et encore, si l’on me donnait à choisir, préférerais je de beaucoup le Livre de Jade pour son originalité plus grande, sa forme plus pure, sa poésie plus réelle et plus intense. […] Dans le livre qui nous occupe, je me bornerai — vu le peu de place — à vous signaler, avec mille réserves de fond, bien entendu, la forme très remarquable en particulier des chapitres sur Balzac, Stendhal, M.  […] J’aime infiniment ses livres de pure beauté ; mais j’ai un faible pour le Pays du muffle, ce redoutable recueil de violences, d’ironies où la férocité du fond se double, en quelque manière, de celle de la forme, cette forme savante et amusante d’un archaïsme furieux, mais clair. […] Le malheur revint ensuite, sous, d’autres formes, il les a toutes !

590. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Il n’y a pas jusqu’aux petits enfants qui, par la finesse de leurs traits, de leurs proportions et de leurs formes, n’indiquent les altérations profondes que la civilisation a fait descendre des individus dans le type. […] Mais la vie est dans tous les mouvements et dans toutes les formes ; car chaque mouvement révèle une force qui s’exprime, et chaque forme révèle une force qui s’est exprimée. […] Nous sommes tentés de nous demander ce qu’ils ont fait la nuit lorsque le silence et l’ombre enveloppaient leurs grandes formes, et que la brume venait poser son voile diaphane sur leurs manteaux. […] Ils sont affranchis de la forme, comme la plante est affranchie de la pensée, comme l’animal est affranchi de la raison. […] Il a vu les attitudes, le regard, le poil, l’habitation, la forme d’un renard ou d’une belette, et l’émotion produite par le concours de tous ces détails sensibles engendre en lui un personnage moral avec toutes les parties de ses facultés et de ses penchants.

591. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Le mutilateur de Bérénice est en proie à l’une des formes du vampirisme. […] Les descriptions montrent des choses et des scènes fictives ; le style se déroule en formes multiples, volontairement adapté aux émotions que le conteur veut suggérer. […] Il revêt d’une forme littéraire ce froid plaisir, intense chez les spéculatifs, que cause la solution d’un problème en tant que tel, aux géomètres, aux métaphysiciens et aux stratégistes. […] Laisse inviolé mon abandon, quitte le buste au-dessus de ma porte, ôte ton ber de mon cœur et jette ta forme loin de ma porte Le corbeau dit : Jamais plus. […] C’est là ce que Poe pratique constamment, et c’est en vertu de ce penchant essentiel que ses œuvres ont revêtu une forme cristalline et géométrique, aiguë, et définie, qu’elles sont parfaites, glaciales et nettes.

592. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

En fait d’art, montrer plutôt encore que juger est peut-être, de toutes les formes de critique, la plus utile. […] Il s’ingénie à trouver pour chacun les formes de définition les plus agréables comme les plus vraies, en tirant la description le plus qu’il peut du côté de l’éloge. […] Dans des articles déjà assez anciens sur Diaz, je crois avoir remarqué une des formes habituelles de son ingénieux et bienveillant procédé. […] Le compte rendu de Giselle par Gautier est sous la forme d’une lettre adressée à Heine. […] On a cru remarquer que cette forme a prévalu depuis et a fait école : l’alexandrin est fort négligé des débutants.

593. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Que de judicieuses et fines remarques, éternellement vraies, je recueille en le lisant, et comme elles sont exprimées dans, une forme brève, concise, élégante, et une fois pour toutes ! J’en indiquerai quelques-unes qu’il faudrait citer dans l’original : « De même que chez les poètes un vrai génie n’est jamais que rare, de même le vrai goût est rarement le lot des critiques ; les uns et les autres également ne tirent que du Ciel leur lumière, les uns nés pour juger comme les autres pour produire. » « Quelques-uns ont d’abord passé pour beaux esprits, ensuite pour poètes ; puis, ils se sont faits critiques, et ils se sont montrés tout uniment des sots sous toutes les formes !  […] Et il nous montre, dans une série d’exemples, chaque homme resté de plus en plus fidèle en vieillissant à cette forme secrète qui survit à tout et se démasque avec les années, qui s’éteint la dernière en nous et qui met comme son cachet à notre dernier soupir : « Le temps, qui pose sur toutes choses sa main adoucissante, n’apprivoise point cette passion : elle se colle à nous jusqu’au dernier grain du sablier. […] Pope était bien le poète de son moment, d’une heure brillante et tempérée, d’une époque mémorable où la société anglaise, sans s’abjurer elle-même, comme sous Charles II, entra en commerce réglé avec le continent et se prêta, pour les formes et pour les idées, à un utile et noble échange. […] Taine, tel qu’il s’offre dans cette première forme une et entière, subsistera comme une des œuvres les plus originales de notre temps.

594. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

Quoique la publication des dernières parties continue encore en feuilletons, on peut dire que ces Mémoires sont jugés sous cette première forme, et que l’impression du public est faite ; mais, comme ouvrage, ils ne sont pas encore jugés définitivement. […] Émigré à Londres à l’âge de vingt-six ans, il écrivit ce bizarre Essai sur les révolutions, plus bizarre de forme que d’idées, et où se dessinait déjà tout l’homme. […] On est assez généralement convenu de placer la perfection de sa manière littéraire à l’époque des Martyrs et de l’Itinéraire (1809-1811), et la perfection de sa manière politique à l’époque de sa polémique contre M. de Villèle au Journal des débats (1824-1827) ; mais, tout en adhérant à cette vue juste, n’oublions point par combien de jugements confidentiels, de révisions et d’épurations successives durent passer Les Martyrs pour atteindre à cette pureté de forme que nous leur voyons. […] Il est tel homme honorable et respectable qui a pu avoir ses faiblesses en politique (et qui donc, sous une forme ou sous une autre, ne les a pas eues ?) […] Et pourtant, malgré l’affectation générale du style, qui répond à celle du caractère, malgré une recherche de fausse simplicité, malgré l’abus du néologisme, malgré tout ce qui me déplaît dans cette œuvre, je retrouve à chaque instant des beautés de forme grandes, simples, fraîches, de certaines pages qui sont du plus grand maître de ce siècle, et qu’aucun de nous, freluquets formés à son école, ne pourrions jamais écrire en faisant de notre mieux.

595. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

Cette dernière question est la plus fondamentale : il faut savoir par quoi et comment les anneaux de la chaîne ont été d’abord soudés ensemble, pour comprendre dans quel ordre ils se suivent actuellement et sous quelle forme ils reparaissent dans notre conscience à tel moment déterminé. […] Quand deux impressions ont pour siège des portions contiguës et similaires du cerveau, sous quelle forme apparaîtront-elles à la conscience ? — Précisément sous la forme de représentations plus ou moins semblables. […] Et nous avons montré, dans un chapitre précédent, que ce ne sont pas là seulement des métaphores, mais les résultats d’une loi qui explique l’expression même des sentiments : la bouche, dans la déception ou le mépris, fait les mêmes mouvements et prend les mêmes formes que sous l’action d’une saveur amère ou dégoûtante. […] La loi de conservation, sous une forme d’abord appétitive, puis intellectuelle, joue ainsi le principal rôle dans la sélection des idées comme dans celle des espèces.

596. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Victor Hugo désarticulait l’alexandrin, parfois jusqu’à la disgrâce, mais sans briser les liens d’airain qui maintenaient droite sa forme traditionnelle  ; agrandissant très peu le geste, il ajoutait aux membres des ornements nouveaux et obligatoires : après lui, la césure demeure et les douze syllabes que l’œil compte et que l’oreille cherche ; l’entrave inédite est la rime riche. […] Jusqu’aux premières tentatives d’il y a dix ans, le vers français n’a jamais cessé (dans les bonnes pages des bons poètes) d’être, de huit, de douze ou de vingt-quatre syllabes, une phrase mélodique, limitée par le nombre même de ses syllabes, et, par cette limite, acquérant une forme précise, une vie individuelle. […] Est-ce que Je viens dans son temple adorer l’Éternel mis pour Je viens adorer l’Eternel dans son temple ne forme pas une phrase « indéchirable », au triple point de vue grammatical, rythmique et sémantique ? […] Tout vers pour lequel il y a des doutes sur la place des accents n’est pas un vers ; ou est un mauvais vers ; ou est un vers qui ne prendra sa forme et sa valeur que lorsque cette place aura été, par l’étude ou par la diction, nettement déterminée. […] J’ai seulement voulu montrer qu’à huit siècles de distance on retrouve, en des circonstances peu analogues, la présence d’un vers qui souffre mal l’analyse prosodique, et qui est essentiellement différent de toutes les formes du vers, latines ou françaises.

597. (1900) La culture des idées

Hippolyte aussi, aux portes de Trézène, était « sans forme et sans couleur » ; seulement il était mort. […] Sous sa forme aiguë, l’inspiration se rapprocherait beaucoup du somnambulisme. […] Or le cliché porte sur les mots et le lieu commun sur les idées ; le cliché qualifie la forme ou la lettre, l’autre le fond ou l’esprit. […] La prostitution changera de forme sociale selon la forme de la société, elle ne changera que de forme. […] « Le visiteur se fit annoncer dans les formes et fut reçu avec une grande affabilité.

598. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lefèvre, André (1834-1904) »

André Lefèvre, avec cette pensée philosophique qu’il met en avant (la croyance à la vie des choses), est un artiste, un savant artiste de forme. […] Lefèvre, une grande perfection de forme, des vers bien modelés, bien frappés, quoique un peu durs et trop accusés dans leur perfection même.

599. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome II

On a rapproché des formes analogues et l’on a induit des usages semblables. […] Alors, seulement quand on a vu en œuvre ces diverses parties d’un mécanisme, on peut en comprendre le jeu ; les formes, les connexions s’expliquent alors, et l’on met facilement en rapport les usages qui sont connus avec des formes qui avant n’étaient pour l’observateur que des particularités sans raison d’être et sans but. […] Mais une fois que nos sens ont constaté expérimentalement la forme et les propriétés de la matière, seulement alors le rôle du raisonnement commence ; notre esprit établit entre la forme et les propriétés un rapport constant qui devient le point de départ de l’induction pour prédire la propriété d’après la forme, et vice versa. […] Quand il s’agit de conclure de l’identité de forme ou même de l’identité apparente de texture des éléments anatomiques à leur fonction, combien l’induction ne doit-elle pas être circonspecte si elle considère les exemples sans nombre de polymorphisme que nous offre le règne minéral, dans lequel nous voyons des corps de même composition chimique avoir des formes très différentes, et des corps de même forme avoir des compositions très diverses. […] Tandis que ce dernier ne reconnaît un organe qu’autant qu’il trouve en lui certains caractères de structure et de forme antérieurement constatés dans d’autres cas, le physiologiste, au contraire, sait retrouver un organe par des caractères bien plus généraux que ceux que peut donner la forme si éminemment variable des organes et des tissus.

600. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [M. de Latena, Étude de l’homme.] » pp. 523-526

Dans Le Moniteur du 4 février 1854, j’ai donné un article sur l’ouvrage intitulé Étude de l’homme, par M. de Latena, conseiller-maître à la Cour des comptes ; en voici une partie, jusqu’à l’endroit où je ne me suis pas fait comprendre : Écrire des pensées, résumer l’expérience de la vie dans quelques essais de morale, est une des formes naturelles à toute une classe d’esprits graves et polis. […] Cependant quelques esprits dont c’est la forme favorite et la propension intérieure n’ont pas cessé d’écrire des réflexions morales, des pensées : nous autres critiques, à qui l’on s’ouvre volontiers de ses désirs ou de son faible, et qu’on traite confidentiellement comme des directeurs ou des médecins, nous recevons beaucoup de livres dont le public n’est pas informé, et qui nous montrent que la série des principaux genres a sa raison dans le jeu naturel et dans le cadre permanent des facultés. […] Joubert, et que j’en voudrais retrancher, ne m’ont pas empêché de le reconnaître dès l’abord pour un de nos premiers moralistes, et de le voir tout proche de Vauvenargues et de La Bruyère, avec le cachet de notre temps, ce qui est un mérite selon moi, et une originalité. — Cela dit, ces réserves posées et ma prédilection ainsi confessée pour ce qui est neuf dans le fond ou piquant dans la forme, je citerai quelques-unes des pensées, toujours justes plutôt que vives, que je note au crayon dans le volume de M. de Latena, etc., etc.

601. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

José-Maria de Heredia est un excellent ouvrier en vers, un des plus scrupuleux qu’on ait vus et qui apporte dans son respect de la forme quelque chose de la délicatesse de conscience et du point d’honneur d’un gentilhomme… Je ne lui demande qu’une chose : Qu’il continue de feuilleter le soir, avant de s’endormir, des catalogues d’épées, d’armures et de meubles anciens, rien de mieux ; mais qu’il s’accoude plus souvent sur la roche moussue où rêve Sabinula. […] Or, le trésor dont se sont rendus maîtres les Parnassiens — rimes riches, rythmes complexes, formes fixes — me fait souvent songer à ces anciennes monnaies qui n’ont plus aucune valeur de représentation. […] Il a publié lentement des sonnets sonores, enfin recueillis dans les Trophées, qui, par la fermeté du dessin, l’éclat des tons et la puissance du modèle, suggèrent un plaisir esthétique rival de celui qui est propre aux arts plastiques, et qui donnent souvent par l’accord de l’idée et de la forme le sentiment même de la perfection.

602. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Merrill, Stuart (1863-1915) »

Albert Mockel Stuart Merrill a la science de la ligne décisive, comme il sait onduler toutes les souplesses d’une attitude ; mais, il faut le remarquer, ses formes sont presque toujours en équilibre statique, telles que les fortes et nobles créations de Constantin Meunier, par exemple ; le geste, chez lui, peut s’immobiliser indéfiniment, par cela même qu’il indique plus souvent un état qu’une action, et donne mieux l’impression de la chose qui dure. De plus, si sa ligne est ferme, le trait n’a jamais de dures arêtes, et c’est bien comme les œuvres de peintres italiens, dont les formes très précises ne se découpent jamais cependant avec sécheresse, mais sont harmoniées sur un fond qui participe de leur vie. […] Pourtant, de cette forme compliquée un peu, sa personnalité n’a pas souffert.

603. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Ne parlons que de ce qui affecte une forme philosophique, que de ce qui ressemble à une doctrine sérieuse. […] Souvent la doctrine, bien qu’analogue au fond, prend soin de se voiler et de s’adoucir dans la forme. […] Quant aux incidents du drame, c’est l’effraction, l’escroquerie au jeu, la filouterie sous toutes les formes. […] Il élargit sa thèse, et faisant abstraction de la forme du gouvernement, il prend à partie la société elle-même. […] C’était de caresser dans l’homme ce mauvais sentiment, l’égoïsme, sous sa forme la plus détestable, l’envie.

604. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hirsch, Charles-Henry (1870-1948) »

Charles-Henry Hirsch est le délicat poète des Légendes naïves , court recueil où se précisaient déjà les tendances décidées de sa forme large et de ses vers, pareils, avec leurs frôlements de rimes, à de somptueuses et éteintes robes de princesses, dont seraient effacées les armoiries, à force de s’être promenées sous le soleil du soir, dans les jardins d’automne. […] Il taille ses statuettes en un marbre difficile, et s’il y a aux murs de son atelier les esquisses les plus nouvelles et les reproductions des plus récentes œuvres d’art connues, il sait les oublier quand il travaille… La beauté d’Yvelaine réside plus dans la forme, dans les heureuses et sobres métaphores et les précieuses analogies que dans son symbole même… M. 

605. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Ce que la morale révèle à la conscience sous la forme de préceptes, l’esthétique a pour but de le montrer aux sens sous la forme d’images. […] tu l’as dit toi-même : C’est la forme pure, l’idée typique du vrai. […] Des formes les plus bizarres, on arrive aux formes les plus simples ; de la langue la plus coloriste, à la langue la plus crue. […] Castille est l’admirateur de l’autorité sous toutes ses formes. […] Le fonds entraîne toujours la forme.

606. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre IV. La langue française au xviie  »

Or, dans cette culture attentive de la langue française, l’idée directrice à laquelle obéissent plus ou moins consciemment les précieux, est l’effet d’un rationalisme instinctif : elle consiste à ne pas traiter les mots comme des formes concrètes, valant par soi, et possédant certaines propriétés artistiques, mais comme de simples signes, sans valeur ni caractère indépendamment de leur signification. […] Mais s’il ne se flattait pas d’arrêter la langue, il prétendait la régler : et s’il prétendait la fixer, ce n’était pas dans la multiplicité de ses formes, c’était dans la loi de son évolution et dans ses traits généraux. […] Et puis, il y a dans une langue, comme dans un corps vivant, un point de maturité où les formes générales, la structure intérieure s’arrêtent, où les organes sont complets en nombre et en développement, où, jusqu’à la dissolution finale, la somme des changements doit demeurer inférieure à la somme des éléments fixes : c’était ce point que la langue avait atteint au xviie  siècle, Vaugelas le comprenait : et de fait, pour la langue, Victor Hugo est moins loin de Malherbe que Ronsard de Villon. […] Comme après tout il est impossible de vider les mots de toute qualité sensible, comme ils restent sons, et recèlent toujours quelque possibilité d’image, de grands poètes, de grands artistes sauront organiser ce langage intellectuel selon la loi de la beauté, ils en exprimeront des formes esthétiques ; mais il en est d’autres, et non les moins grands, qui refuseront de souscrire aux arrêts de l’Académie, et qui, pour épancher leur riche imagination, iront rechercher les éléments d’un plus copieux et substantiel langage.

607. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Ernest Hello »

III À son originalité dans la conception de son livre qui tient à ses idées premières, aux assises mêmes de son esprit, et qu’il met audacieusement, pour la première fois, sous cette forme difficile du conte, pour les faire mieux briller sous cette forme vivante, comme on retourne et l’on fait jouer un diamant à la lumière du jour pour l’épuiser de tous ses feux, Ernest Hello ajoute aujourd’hui une originalité qui n’est plus celle de ses idées, mais de leur expression et de la vie spéciale qu’il sait leur donner, et il obtient ce résultat superbe que l’exécution de l’artiste vaut la conception du penseur ! […] Cette forme du conte, plus dure à manier dans sa brièveté que celle du roman dans sa longueur, cette forme concentrée, dans laquelle il faut se ramasser sans rien perdre de sa sveltesse, pouvait, par le seul fait de sa concentration, éclater sous sa main et le frapper dans sa prétention de conteur, qu’il n’en serait pas moins pour cela resté lui-même, avec sa valeur d’idées prouvée par les livres que j’ai énumérés : l’Homme, — Physionomies de saints, — la Parole de Dieu, ce dernier livre de Hello, qui échappe à la compétence de la critique profane, mais que des prêtres n’ont pas craint de lire dans leurs chaires, comme si c’était là de la littérature sacrée !

608. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

On les avait promulguées dans les formes les plus solennelles, au milieu de ces fêtes de la Fédération, qui réunissaient une foule enthousiaste au Champ de Mars. […] La forme ne mérite pas moins l’attention que le fond. […] Royer-Collard, car la modération n’est que la forme affectueuse de l’expérience. […] Comme pour lui faciliter la prise de possession de ce rôle, la restauration apportait une nouvelle forme de gouvernement qui donne aux idées la toute-puissance. […] La forme, quoique toujours belle, a déjà quelque chose de moins suave, et l’abondance de la versification peut paraître un peu négligée.

609. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

C’est toujours la question des formes à venir. Fourcaud cherche une forme classique renouvelée par un souffle nouveau. Ensuite, il s’interroge sur la forme même de cet opus wagnérien : opéra comique, grand opéra, drame sentimental, comédie ? […] Wilder ne développe pas vraiment l’influence des formes musicales elles-mêmes. Il donne l’exemple du « Bar » dans une note, forme que Wagner a utilisée dans les chants de Walther.

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