Beaucoup moins riche que son ami, il fut obligé longtemps de donner des leçons pour vivre. […] Ne faut-il pas encore leur donner des officiers et un général ? […] La forme de la dent entraîne celle du condyle, celle de l’omoplate, celle des ongles, tout comme l’équation d’une courbe entraîne toutes ses propriétés ; et de même qu’en prenant séparément chaque propriété pour base d’une équation particulière, on retrouverait et l’équation ordinaire et toutes ses autres propriétés quelconques, de même l’ongle, l’omoplate, le condyle, le fémur et tous les autres os pris séparément, donnent la dent et se donnent réciproquement101. […] Ces groupes donnés, nous les avons remplacés par le fait générateur.
Bon citoyen, bon patriote, conservateur de l’ordre social et de la paix, il donne au peuple le spectacle hardi de sa corruption morale, de sa turbulence étourdie, de sa faiblesse crédule et de son imbécile confiance en ceux qui le perdent. […] 3º À ces deux grandes formes de la comédie, il faut ajouter leur synthèse, qui nous donne une troisième et dernière division. […] Mais ce poète avait donné le dangereux exemple de plaisanteries dirigées contre le caractère sacré de l’autorité paternelle et du lien conjugal, sans l’innocente et débonnaire gaieté du vrai comique. […] La satire, qui retrace avec d’énergiques couleurs le tableau du monde réel dans son opposition avec la vertu, nous en donne une preuve manifeste. […] Il donne de sages conseils à ses concitoyens, rembarre ses adversaires et ses rivaux dans l’art ; quelquefois même il livre publiquement su propre personne et les particularités de sa vie.
Ce qui donne au raisonnement quantitatif, sous toutes ses formes, un caractère de rigueur incontestable, c’est qu’il ne s’applique pas à des rapports de toute espèce, mais à un nombre restreint. […] Placée sur le terrain des faits, la question se réduit à ceci : Comment l’expérience d’une étendue occupée, c’est-à-dire du corps, peut-elle nous donner la notion île l’étendue inoccupée, c’est-à-dire de l’espace ? […] Car ce culte implique l’hypothèse qu’en donnant à la conscience une forme particulière, on lui donne un pouvoir indépendant de celui qui lui appartient intrinsèquement. […] On pourrait donner ce titre à la partie synthétique tout entière : Genèse de la vie psychologique. […] Les Principes de Psychologie sont si riches en détails originaux qu’il nous est impossible d’en donner une idée complète.
Le poêle a donné une réalité terrible à cet être abstrait ; l’arrogance du favori se joint en lui à la cruauté du licteur. […] Mais le mythe antique, comprenant les rapports intimes du travail avec la Beauté, la lui avait donnée pour compagne. […] Non content d’avoir détourné la foudre des hommes, il leur donna la lumière. […] On leur prêtait des amours furtifs : dans un de ces retours rapides, la captive reconnaissante s’était donnée, disait-on, au dieu qui lui rouvrait les portes du jour. […] Au signal donné, la tempête éclate ; la foudre vomit ses feux, l’ouragan ses grêles, le volcan ses laves, la mer ses rafales.
le marchand qui donne obscurément des fêtes magnifiques à Élamire. […] Aujourd’hui, comme au temps de La Bruyère, avec cinq ou six termes de l’art on se donne pour connaisseur en musique, en tableaux, en bâtiments, en bonne chère. […] Il dit, de la gloire, qu’elle expose ses amoureux à la calomnie, et des plaisirs, qu’ils donnent, trop de peine. […] — Elle avait donné à la critique un peu de sa vie et de son accent, un peu de son vif regard et de sa parole au beau timbre. […] Je donne ici, cette douce élégie, en souvenir de la patrie absente, et des coteaux dorés de Condrieux !
L’invention de l’esprit n’est point féconde, l’invention du cœur donne seule la vie. […] L’excès des scènes de guerre donne à ce milieu du poème la confusion et la satiété d’une éternelle mêlée. […] pourquoi vous avions-nous donnés à Pelée, ce roi soumis au trépas ? […] plût aux dieux qu’il ne m’eût point donné le jour ! […] Il envoie la messagère céleste, Iris, pour donner ce conseil au héros des Grecs.
Comme il le devait : par la prière, la confession, la communion, par la pratique obstinée de ce mystique « abêtissez-vous » de Pascal, dont il a donné (Mélanges, I) le plus pénétrant, le plus admirable commentaire. […] Sa foi, pénétrant toute son âme, est une foi de tous les instants, et il ne craint pas d’en donner des témoignages familiers. […] Veuillot ne donna pas dans le travers de ces chrétiens qui veulent faire au surnaturel sa part. […] Sa foi est intrépide, va jusqu’à lui donner l’apparence de sentiments qui sont peu dans son caractère. […] Il lui a été excellent d’être un vaincu et, dans quelques circonstances, un persécuté : cela lui a donné beaucoup d’idées, et de fort belles.
L’ivresse violente et les paris dangereux, c’est de ce côté qu’ils donnent prise ; ils sont enclins à rechercher, non les plaisirs doux, mais l’excitation forte. […] Elle a égorgé les enfants qu’elle a eus d’Atli, elle lui donne à manger leurs cœurs dans du miel, un jour qu’il revient du carnage, et rit froidement en lui découvrant de quelle pâture il s’est repu. […] L’indépendance et l’audace bouillonnent dans ce jeune monde avec des violences et des excès ; mais en elles-mêmes ce sont des choses nobles, et les sentiments qui les disciplinent, je veux dire le dévouement affectueux et le respect de la foi donnée, ne le sont pas moins. […] Et il dit : Donnons à l’homme sa femme. […] Au dixième siècle, on voit le roi Edgard donner un manoir à un évêque à condition qu’il mettra en saxon la règle monastique écrite en latin par saint Benoît.
Qu’est-ce qui peut donner à ces contractions leur unité et leur persistance ? […] Pierre Janet donne des phénomènes cataleptiques. […] L’hypnotisé peut avoir l’acuité de l’ouïe nécessaire pour entendre un ordre qui lui est donné par la parole intérieure. […] Je veux que vous leviez la jambe », et plus il veut donner cet ordre, plus il tend à articuler des mots. […] Il est des personnes douées du pouvoir de se donner à elles-mêmes des visions d’un réalisme hallucinatoire.
Son opposition de vingt ans n’était pas moins courageuse que celle de trente : les actes venaient dès lors au secours des paroles, et il n’a pas tenu aux gens du roi et aux Conseils de guerre de l’époque d’épargner aux parquets et aux Commissions militaires de la nouvelle monarchie la besogne qu’il leur a donnée. […] On a cherché quels gages avaient donnés, de plus que lui, contre la branche aînée des Bourbons, les modérés qui accusaient lui et ses amis d’un rapprochement monstrueux avec les carlistes, et l’on a trouvé que la plupart de ces intrépides calomniateurs étaient bien soumis, bien plein de zèle, et sur tout bien rentés comme à présent tandis qu’il disputait sa tête aux bourreaux royalistes.
Dorchain n’a donné, jusqu’ici (1888), qu’un recueil : La Jeunesse pensive. […] Ce n’est point qu’il ne se donne de bonnes raisons : « Tu seras plus tranquille ensuite, tu auras la tête moins lourde et tu travailleras mieux ».
Villemain reçoit les feuilles savantes à mesure qu’elles sont imprimées, et en donne cette traduction où l’on trouve revêtues du plus beau style les plus profondes idées qu’on ait jamais émises sur la constitution de la société civile. […] Parmi les recherches qui conduisent l’esprit humain à la découverte de la vérité, les unes donnent la gloire et l’éclat de la vie ; les autres restent obscures ; mais toutes sont immortelles, — immortelles, même quand elles ne visent qu’à être utiles et qu’elles se renferment dans le cercle étroit des amis de la vérité ; immortelles surtout quand elles ont été, comme celles de notre confrère, éclairées par le rayon du génie.
Cet Ouvrage, composé avec autant de méthode que de clarté, écrit avec autant de simplicité que de précision, est précédé d’une Préface, où l’Auteur expose ses idées sur le mérite des Anciens & des Modernes, avec une impartialité & une modestie qui donnent du poids à sa critique. […] Il nous a donné l’édition complette des Œuvres de Leibnitz, qui, comme on sait, étoient dispersées dans les Recueils des différentes Académies de l’Europe.
C’est surtout en fait de Traduction, que la lettre tue & que l’esprit donne la vie. […] Lemonnier, ne font pas oublier, il est vrai, que ses détails tombent souvent dans la diffusion, à force de fécondité ; que sa simplicité, pour être trop familiere, devient quelquefois triviale & rebutante ; que sa facilité à tourner une même pensée de différentes façons, donne un air languissant à certains endroits de ses Récits, riches d’ailleurs en tournures, en images, & en sentimens.
Ce n’est pas à son génie, ni à son esprit qui étoit médiocre, qu’il doit sa réputation : quelques Ouvrages utiles sur la Langue Françoise, ses querelles avec des Gens de Lettres de toutes les classes, ont donné à son nom la célébrité dont il jouit encore. […] Colbert, de donner la liste des Gens de Lettres qui pouvoient mériter des récompenses.
On est étonné que M. l’Abbé Dinouart ait entrepris de donner une nouvelle édition de ce Libelle, contre lequel les Journalistes* s’étoient fortement élevés. […] Nous savons très-certainement que M. l'Abbé Dinouart ne leur a jamais témoigné qu'il fût dans le dessein de donner une nouvelle édition du Santoliana ; que, loin de favoriser ce projet, ils en auroient arrêté l'exécution.
Rossel et Demangeot, viennent de nous donner une de ces déceptions que le public parisien ne pardonne pas volontiers… Une intervention gouvernementale de la dernière heure a provoqué l’ajournement illimité de leur exécution, qui n’était pas moins impatiemment attendue que celle de Lohengrin. La justice des hommes se promettait par avance une de ces satisfactions d’amour-propre qu’au dire des comptes rendus elle éprouve chaque fois qu’il lui est donné de présider à une cérémonie de cet ordre, et le tout-Paris des dernières, friand de tout bruit de coulisse et notamment de celui que fait le sinistre couperet en glissant dans sa rainure retenait déjà ses places, etc… » Ne croyez pas, je vous en supplie, que ces lignes soient l’indice d’un mauvais cœur. […] Les raisons que j’ai essayé de démêler n’expliquent pas, en somme, la joie bizarre que me donne l’énorme et placide déraison de ces facéties ; et peut-être aurez-vous beaucoup de peine à comprendre mon admiration et à me la pardonner, et y soupçonnerez-vous quelque gageure… Mais non, il n’y en a point… Je relis l’interview que Grosclaude est allé prendre à la plus ancienne locomotive de France, à l’occasion du cinquantenaire des chemins, de fer, et je n’y résiste pas plus qu’à la première lecture.
Il n’est pas commode de faire, d’un tel livre, un résumé qui en donne une idée un peu approchante. […] Cependant les luttes mesquines de ces tristes années ont développé l’énergie d’André, lui ont donné le goût de l’action. […] » Ils donneraient à Marthe des sœurs et à Jacques des frères.
Les savants du xvie siècle calquent le mot latin ; porticum devient portique ; blasphemare donne blasphémer ; ils ajoutent des lettres parasites ; ils écrivent aultre, coulteau, debvoir ; ils compliquent à plaisir l’orthographe. […] Les querelles de religion ont pu renforcer le pouvoir de l’Église, le désir d’unité religieuse. « La folle du logis » s’est si bien donné carrière dans les œuvres de Scarron, de Bergerac, de Saint-Amand que le besoin d’une discipline pour la langue et d’un code pour la littérature a pu se faire sentir impérieusement. […] J’ai développé la démonstration, dont je donne ici le squelette, dans une série de conférences faites à Genève, en décentre 1876 et en janvier 1877.
Le roi n’avait jamais donné de fêtes plus magnifiques que dans l’hiver de 1677. […] » Dix jours après, c’est-à-dire le 25 juin, elle donne encore des nouvelles de madame de Ludres, toujours la désignant sous le nom de Jo, et orthographiant ce qu’elle en dit comme madame de Ludres prononçait. […] Du moment qu’elle devint confidente et dépositaire des sentiments et des pensées du roi, et même des secrets de l’État, elle cessa de s’appartenir à elle-même : ce fut un devoir pour elle de donner au roi une parfaite sécurité sur le dépôt que sa confiance mettait à la discrétion de son amie ; elle lui devait de rompre toute familiarité qui aurait pu compromettre ce dépôt : il n’y a rien de si difficile à cacher qu’un secret avec tes personnes à qui l’on parle habituellement à cœur ouvert ; et il y a des secrets à la cour qui se découvrent par le soin de les cacher ; si bien qu’affecter de taire certaines choses, c’est les dire.
Ainsi voici la genèse : l’assonance engendre la rime suffisante qui donne naissance à la rime pleine ; il y a eu successivement identité dans le dernier mot du vers — du son de la voyelle tonique, de l’articulation finale et initiale. […] Mais empruntant à chacune d’elles ses éléments, surgit la conception — l’unique vraie à mon sens — du Poète : en son âme vibrent les reflets des choses du dehors, et cependant il leur communique sa vie à lui ; lui seul est vraiment, entièrement poète, parce que seul il aura su donner l’idée de l’Être entrevu dans toute sa beauté. […] donnera mieux que toutes mes gloses l’idée exacte de ce qu’est l’assonance et l’allitération.
Celui de Balzac le portoit au grand, au sublime ; mais, à force d’y vouloir atteindre, même dans les plus petites choses, il passa le but, & ne donna que dans l’emphase & le gigantesque. […] On doit dire, il est vrai, pour sa justification, que ses lettres n’ont été écrites à personne ; qu’elles ne traitent ni de nouvelles ni d’affaires ; qu’elles ne sont proprement que des discours travaillés avec autant de soin que ses autres écrits ; qu’ainsi son imagination étoit moins à craindre & qu’il a pu se donner carrière, s’éloigner du ton des Bussy-Rabutin & des Sévigné, faire des ouvrages académiques plutôt que des lettres simples & ordinaires. […] Goulu, pour avoir fait quelques mauvais vers & donné quelques traductions qu’on ne lit point, se croyoit un personnage digne d’entrer en lice avec le héros de la littérature.
Il convenait, ce me semble, que La Fontaine exprimât cette différence et donnât deux moralités diverses. […] N’oublions pas surtout ce trait qui donne tant à penser : … Fait périr maint bateau ; Le tout au sujet d’un manteau. […] On verra, par un grand nombre de fables du volume suivant, que La Fontaine aurait bien fait de prendra pour lui-même le conseil qu’il donne ici.
Suis-moi, je te conduirai où une ombre vaine ne trompera point tes embrassements, où tu trouveras celui dont tu es l’image ; à toi il sera pour toujours, tu lui donneras une multitude d’enfants semblables à toi-même, et tu seras appelée la Mère du genre humain. » Que pouvais-je faire après ces paroles ? […] Pour te donner l’être, j’ai puisé dans mon flanc la vie la plus près de mon cœur, afin de t’avoir ensuite éternellement à mon côté. […] Mais ni l’amour de Pénélope et d’Ulysse, ni celui de Didon pour Énée, ni celui d’Alceste pour Admète, ne peut être comparé au sentiment qu’éprouvent l’un pour l’autre les deux nobles personnages de Milton : la vraie religion a pu seule donner le caractère d’une tendresse aussi sainte, aussi sublime.
« Pourquoi le jour a-t-il été donné au misérable, et la vie à ceux qui sont dans l’amertume du cœur95 ? […] Le traité du docteur Lowth est entre les mains de tous les littérateurs, et La Harpe a donné en prose une traduction estimée du psalmiste. […] Nous nous servons de la traduction de Sacy, à cause des personnes qui y sont accoutumées ; cependant nous nous en éloignerons quelquefois, lorsque l’Hébreu, les Septante et la Vulgate nous donneront un sens plus fort et plus beau.
Mais que donnez-vous aux héros des sereines épopées et des majestueuses tragédies ? […] Admirer en présence des orateurs et des poètes qui ont enveloppé Athènes de séduction et Rome de grandeur, c’est se donner tout entier à ces maîtres incomparables, leur livrer ses plus fraîches et ses plus naïves émotions et témoigner à ces pères de l’intelligence autant d’amour filial que de respectueuse fidélité. […] S’il m’était donné de vous le prouver, j’estimerais ma tache suffisamment remplie.
Or, ces tableaux qui nous sont toujours présens, et dont le rang est certain, dont le mérite est décidé, servent, s’il est permis de parler ainsi, de pieces de comparaison, qui donnent le moïen de juger sainement à quel point l’ouvrage nouveau qu’on expose sous nos yeux approche de la perfection où les autres peintres ont atteint, et dans quelle classe il est digne d’être placé. […] Le public ne pense aujourd’hui qu’avec indignation aux rivaux qu’on donna pour lors à Vandyck. […] Il ne sçauroit concevoir tout le prix de l’ouvrage qu’après l’avoir vû plusieurs fois, ni lui donner la préeminence dont il est digne, qu’après avoir comparé durant un temps le plaisir qu’il lui fait, avec le plaisir que lui font ces ouvrages excellens qu’une longue approbation a consacrez.
Ne lui avaient-elles pas donné, ces rhétoriques, à la Muse de l’Histoire, comme elles disaient, une plume de fer, pour se dispenser de lui en donner une de feu ? […] Prise longtemps par des catholiques, à distance, pour quelque chose de grand et de pur, la Ligue, étudiée de plus près, n’a été vaincue et n’a péri que parce qu’elle fut une démocratie, et son principe, tout religieux qu’il fût, ne la préserva pas de la corruption générale dont l’histoire de Forneron (et c’est là sa terrible originalité) nous a donné une si formidable idée.
Dans l’intérêt même du progrès, incessamment ajourné par la révolution, ce que l’amoureux de l’État devrait se proposer, s’il n’était pas un risible étreigneur de nuées, c’est, dans un livre comme celui-ci, la plus grande longévité possible à donner à l’établissement de l’État dans la conviction affermie de l’opinion publique. […] C’est cette arme à donner à l’État que Dupont-White n’a point trouvée, si elle existe, ou qu’il n’a pas su lui forger. […] Il ne nous en donne pas le signalement une seule fois !
Son style est quelquefois mystérieux comme l’être à qui il parle ; son oreille même cherche dans les sons une harmonie inconnue ; et comme pour donner une habitation à la divinité, il a élevé des colonnes, exhaussé des voûtes, dessiné des portiques ; comme pour la représenter, il a agrandi les proportions et cherché à faire une figure imposante ; comme pour en approcher dans les jours de fêtes, il a substitué à la marche ordinaire des mouvements cadencés et des pas en mesure ; ainsi, pour la louer, il cherche, pour ainsi dire, à perfectionner la parole ; et joignant la poésie à la musique, il se crée un langage distingué en tout du langage commun. […] Nous avons des hymnes des Romains, ou du moins quelques morceaux dans leurs poètes, qui nous en donnent une idée3 ; mais nous n’avons rien de ce genre qui nous peigne la divinité d’une manière éloquente et forte. […] Il ne faut donc pas s’étonner si les premiers peuples du monde, qui étaient presque tous des peuples pasteurs, et surtout les Orientaux qui, habitant un plus beau climat, doivent plus aimer et sentir la nature, ont donné à leurs éloges religieux un caractère que l’on ne trouve point parmi nous.
Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.
Il a écrit là un des meilleurs livres d’art que cette génération ait donnés. […] Soyez sûrs que les cendres de Gautier ont frémi de joie, à l’apparition de ce livre, et que, dans le paradis des lettrés, l’ombre de Flaubert hurle, à l’heure qu’il est, des phrases de Pierre Louÿs, les soumet à l’infaillible épreuve de son gueuloir, et qu’elles la subissent victorieusement… Enfin voilà donc un jeune, un vrai jeune — Pierre Louÿs n’a pas vingt-six ans — qui nous donne un beau livre ; un livre écrit dans une langue impeccable, avec les formules classiques et les mots de tout le monde, mais rénovés et rajeunis à force de goût et d’art ; un livre très savant et où se révèle, à chaque page, une connaissance approfondie de l’antiquité et de la littérature grecque, mais sans pédantisme aucun et ne sentant jamais l’huile et l’effort ; un livre dont la table contient sans doute un symbole ingénieux et poétique, mais un symbole parfaitement clair ; un livre, enfin, qui est vraiment issu de notre tradition et animé de notre génie et dans lequel la beauté, la force et la grâce se montrent toujours en plein soleil, et inondées d’éclatante lumière !