Le goût connu de la reine y avait joint les galanteries de l’école. « Quand la reine, dit Wharton, visitait la demeure de ses nobles, elle était saluée par les Pénates et conduite dans sa chambre à coucher par Mercure… Les pages de la maison étaient métamorphosés en dryades qui sortaient de tous les bosquets, et les valets de pied gambadaient sur la pelouse sous la forme de satyres… Lorsque Élisabeth traversa Norwich, Cupidon, se détachant d’un groupe de dieux sur l’ordre du maire et des aldermen, vint lui offrir une flèche d’or dont ses charmes devaient rendre le pouvoir invincible... ; présent, dit Hollinshed, que la reine, qui touchait alors à sa cinquantième année, reçut avec beaucoup de reconnaissance18. » Mais la cour a beau faire ; ce n’est pas d’elle-même que lui viennent ses plaisirs ; elle les choisit rarement, les invente encore moins, et les reçoit en général de la main des hommes qui prennent la charge de l’amuser. […] La nécessité d’apaiser les dieux par un sacrifice humain ne prête pas pour nous, aux discours de Ménélas, la force qu’elle pouvait leur donner chez les Grecs, attachés à leur croyance ; ce n’est pas la farouche chasteté d’Hippolyte qui nous intéresse à son sort ; et la vertu même, pour obtenir de nous le culte affectueux qu’elle a droit d’en attendre, a besoin de s’attacher à des devoirs que nos mœurs nous aient appris à respecter et à chérir.
Quel dieu l’a révélée ? […] Les Amants magnifiques contiennent une très agréable traduction du Donec gratus eram d’Horace : — Quand je plaisais à tes yeux, J’étais content de ma vie, Et ne voyais rois ni dieux Dont le sort me fît envie. […] La scène où le roi se sépare de sa fille, réclamée par les dieux, rappelle tout à fait, même par le style, l’Iphigénie de Racine : Je ne yeux point dans cette adversité Parer mon cœur d’insensibilité, Et cacher l’ennui qui me touche. […] Un partage avec Jupiter N’a rien du tout qui déshonore ; Et sans doute il ne peut être que glorieux De se voir le rival du Souverain des Dieux.
« Heureux celui qui porte en soi un dieu, un idéal de beauté, et qui lui obéit : idéal de l’art, idéal de la science, idéal de la patrie, idéal des vertus de l’Évangile ! […] Et celui qui conduit cette danse, plus macabre que l’autre, c’est l’enfant divin, l’Amour, volupté des hommes et des dieux ! […] Cela durera le temps qu’il plaira à Dieu, c’est-à-dire à l’ennui, qui est bien le dieu de ma vie.
L’« inconscient » est désormais chassé du domaine de l’hypnotisme, où on avait voulu lui élever des autels comme à un dieu inconnu.
Là, passent des femmes déclassées, des femmes du monde qui n’y ont plus guère qu’une jambe, des pianistes femelles qui semblent revenues de partout, et qui dans des robes noires, qui ressemblent à du papier brûlé, regardent avec la philosophie de la vieillesse de la femme laide, l’amour qui se fait dans les coins ; et en fait d’hommes, beaucoup de messieurs de toute espèce, énormément d’architectes, et le dernier prix de Rome de paysage, le dernier, dieu merci, un peintre qui fait estimer le génie de Thénot.
. — Des Héros et des Dieux, poésies, E.
Zola est évidemment ici pour naturalisme, une religion s’écroulant avec son dieu), par ses procédés romantiques de composition, par ses inconséquences, par son sans-gêne avec la vérité. […] Mais il faut croire qu’il y a un dieu pour les pédants, puisque de tels livres s’impriment et se débitent, et font des réputations.
Du Parlement qui siège au Luxembourg et au Palais-Bourbon on pourrait dire à peu près ce que le platonicien Mallarmé dit de l’Académie française : c’est un dieu tombé qui se souvient des cieux. […] Il y a autour du Parlement comme autour de l’Académie une disponibilité de foi, un crédit, qui font qu’on peut espérer à tout instant que le dieu tombé remontera, que là-bas l’idéologie politique resplendira, qu’ici les lettres pures seront honorées.
Le dieu qui fit le jour ne défend pas d’aimer.
L’amour maternel, chez elle comme chez toutes les autres, est un aveuglement incurable ; son fils est son dieu ; à force d’adoration, elle trouve le moyen de le rendre insupportable et malheureux.
Aussitôt donc dans un fiacre par une pluie battante, un fiacre traîné par un cheval qui boite, mené par un cocher qui ne sait pas son chemin, et je passe par des rues désolées, où j’entrevois au-dessus d’une boutique, comme au travers d’un aquarium abandonné, et au milieu d’une lueur de gaz, qui a l’air d’éternuer : Madame Dieux, réparation de toutes sortes de bandages.
Quant à Socrate, puisqu’il se disait conseillé par une voix que lui seul pouvait entendre, il faut bien le considérer comme le premier philosophe qui ait observé sur lui-même la parole intérieure ; mais il ne reconnut pas qu’elle était un simple fait psychique ; il en attribua à un dieu les manifestations les plus vives et ne remarqua pas les autres [ch.
Une histoire littéraire, telle que je la rêve, dirait toutes les nuances de cette foi nouvelle, d’où la nature et l’amour, les hommes et les dieux sortirent rajeunis.
Le germe de l’invention n’est sans doute pas un bloc de marbre indifférent par lui-même à toute forme, et n’attendant que le ciseau de l’ouvrier pour devenir « dieu, table ou cuvette » ; il est un petit organisme dont l’espèce n’est pas fixée, susceptible de se transformer, selon les circonstances, en plusieurs grands organismes très différents pour la dimension, pour l’importance et pour la forme. […] « C’est ainsi que de déduction en déduction il arrive à reconnaître qu’il fallait à cet ensemble de drames un prologue où serait montré le crime des dieux d’où naissent toutes les calamités qui fondent sur leurs descendants.
Pareil à ces rois africains qui se cachent pour mourir au fond de leurs palais, il aurait voulu qu’on pût le croire enlevé, transfiguré, devenu dieu. […] Nous éclatâmes tous de rire ; il se releva du plus beau sang-froid du monde, regarda, en souriant, les ruisseaux de gelée de groseille qui coulaient, comme miel de l’âge d’or, sur son gilet et sur son habit, les ramassa, sans maudire, du bout de son doigt, qu’il essuya très proprement sur ses lèvres, et s’en alla s’asseoir à la place qui lui était destinée, semblable aux dieux immortels, qui voient d’un œil serein les vaines agitations des hommes et la chute des empires. […] Je passe le récit de mésaventures terribles pour le pauvre Allemand ; il devient un personnage fantastique pour ses concitoyens ; livré aux caprices d’une mâchoire de turco, il siffle malgré lui quand il entend jouer du Mozart ou du Beethoven, voire même du Wagner, ce dieu des Français névrosés.
Naturellement, il y a aussi de ces adorables troupes de bébés en grande tenue, qui abondent toujours au milieu des foules japonaises ; des bébés graves dans de longues robes, se tenant par la main, s’avançant avec dignité en roulant leurs yeux retroussés de petits chats ; et puis coiffés d’une manière, indescriptible, qui fait sourire même longtemps après, quand on retrouve en souvenir leurs mi nois… J’irai tout à l’heure, comme tout le monde, dans la pagode saluer les dieux ; mais je veux d’abord m’amuser moi aussi aux boutiques du préau, remplies de choses ingénieuses et drôlatiques, de jouets étranges, de bibelots à surprise recelant toujours, au fond, une grimacé, une diablerie — ou même une obscénité, imprévue et terrifiante… Je m’arrête, avec des bébés nombreux, devant un vieillard à chignon tout blanc qui est accroupi au pied d’un arbre ; dans ses bras nus, décharnés et jaunes comme des bras de momie, il tient une caisse remplie d’images à deux pour un sou, et tous les bébés regardent, l’air captivé, recueilli. […] Dans l’ parti Républicain, Ça fait un ; Y a ceuss’ qu’ont Ferry pour dieu, Ça fait deux ; Ceuss’ qui sont d’la ligu’ des droits, Ça fait trois ; Ceuss’ qui suiv’nt Floquet l’sarmat’, Ça fait quat’ ; Ceuss’ qui trouv’nt Boulang’ plein d’ zinc, Un, deux, trois, quat’, cinq ! […] Pour être dans le Ciel je n’estime les dieux, Mais pour s’y maintenir !
Or, de 1875 à 1905 environ, Renan a été dieu… mais parfaitement, le dieu de la troisième République. […] C’est le cas de dire : comme on subit ses dieux on les honore.
Faites votre devoir et laissez faire aux dieux, dit le vieil Horace : et Nicomède, Sertorius, Suréna, assistent impassibles, sans un mouvement de crainte ni de dépit, sans la plus légère marque de trouble et d’émotion, aux intrigues et aux complots qui menacent leur liberté, leur fortune ou leur vie.
Et la vie même se perfectionnant avec la science, le progrès de l’espèce imitant ou suivant celui de la connaissance, nous deviendrons « comme des dieux », à moins que, soustraits aux conditions de la mortalité, nous ne devenions Dieu lui-même.
Chaque pas du procès reportait à l’esprit, soit en arrière, à travers tant de siècles troublés, jusqu’aux jours où les fondements de notre constitution furent posés ; soit bien loin dans l’espace, par-dessus des mers et des déserts sans bornes, jusque parmi des nations bronzées, qui habitent sous des étoiles inconnues, qui adorent des dieux inconnus, et qui écrivent en caractères étranges de droite à gauche.
On eût dit alors les colonnades, les portiques d’une ville en ruine, au milieu desquels l’imagination frappée voyait se mouvoir des sphinx, des centaures, des harpies, le dieu Thor avec sa massue, et tous les fantômes de la mythologie du Nord.
Sachant tout cela, allons-nous, mon cher confrère, sous raison que « tous les jours, des amis fort anciens » mercantilisent nos précieuses babillardes, inviter les légistes à « mettre les lettres hors du commerce comme ils ont autrefois fait les personnes » Si oui, nous rappellerions au philosophe, ou au rieur, ces deux vers du Fabuliste : Pour tuer une puce, il voulait obliger Ces dieux à lui prêter leur foudre et leur massue.
Enfin plus loin, accompagnée de son fils, la femme d’un dieu, la veuve d’un mapa : Mme Ganneau.
Un étroit réduit servait de salle à manger et de cabinet de travail, Il avait pour principal ornement la délicate pendule de Saxe que Mallarmé a chantée dans son Frisson d’hiver, « qui retarde et sonne treize heures parmi ses fleurs et ses dieux » ; mais, le repas pris, nous nous hâtâmes d’aller au-devant d’Elémir Bourges, qui venait de Samois et avait annoncé sa visite. […] Hugo est le représentant du romantisme en son expression la plus éclatante, la plus puissante, la plus magistrale, et ce n’est pas aux pieds du dieu du Verbe que se prosterne le nouveau venu.
Ce titre achève de latiniser les conquérants, d’en faire les soldats officiels de la « cause » romains en même temps que les soldats du dieu romain entre tous. […] Le prix du rachat ne serait pas le sang versé rituellement comme en holocauste aux dieux irrités, mais l’effort austère, inflexible, continu sur soi-même.
Nous avons blasphémé Jésus, Des dieux le plus incontestable… Salué l’énorme Bêtise, La Bêtise au front de taureau. […] Souffrir par sa faute est un tourment de damné. » Il ignorera la liberté, parce qu’il entendra, par liberté, non le devoir de vouloir, c’est-à-dire de choisir, mais le droit de ne pas vouloir et la faculté de ne pas choisir. « Mon idole, c’est la liberté, ma croix, c’est le vouloir. » Et la liberté ainsi entendue, c’est bien en effet une idole, non un dieu, et il faut sans doute que l’homme passe sur cette croix du vouloir pour s’incorporer à Dieu.
Enfin, quelques années avant Jasmin ou en même temps que lui, Morel persistait à chanter Glycère et les dieux démodés de l’Olympe ; Peyrottes, qui se crut un instant le digne rival de Jasmin, se résignait à être l’organe de la démocratie et du prolétariat ; les Provençaux Bellot, Desanat, Gelu, Benedit, Cassan ne parvenaient point à se débarrasser de leur rusticité naturelle du voulue ; leur verve bouillonnante sentait encore l’ail et le piment. […] Dans la colonie nouvelle, les dieux brillants de l’Ionie viennent joindre la grâce à l’antique vigueur : à Agde, à Antibes et à Nice, la blanche Diane paraît sur le rivage ; lumineux, Apollon arrive : vers le nord, aussitôt, la nuit noire s’enfuit. […] Où les hommes sont plus puissants que les dieux, qui peut aspirer à l’union extatique ?
Les honnêtes gens devenaient seuls capables de produire dans des conditions pareilles, j’entends les gens riches ou les gens pensionnés, ceux auxquels un dieu avait donné le loisir nécessaire. […] Du moment que l’opinion n’est plus faite par de petits groupes choisis, par des cénacles poussant chacun son dieu, il arrive que c’est la foule des lecteurs elle-même qui juge et qui fait les succès.
On s’en aperçoit vite à la façon dont ils célèbrent la Madone ; rien de plus différent du sentiment saxon, tout biblique, que l’adoration chevaleresque de la Dame souveraine, de la Vierge charmante et sainte qui fut le véritable dieu du moyen âge.
Il y a parmi eux un gros banquier juif, qui ressemble étonnamment à Daikoku, au dieu japonais de la richesse, et dont le ventre semble le sac de riz sur lequel on l’assied — et qui pue des pieds.
Pareillement, la province française existait avant Madame Bovary ; et l’auteur des Poèmes antiques n’a inventé ni les Dieux de l’Inde, ni ceux de la Grèce, ni leur légende, ni même leurs attributs. […] La Colère de Samson] ; — et sur l’indifférence des dieux à nos misères [Cf.
On peut presque dire qu’ils seraient dieux et qu’alors l’état théologique rêvé par le poète pour l’humanité primitive serait une vérité : Primus in orbe Deos fecit timor… » N’attachons pas à cette tragique fantaisie une réalité plus grande que celle que l’auteur lui-même a prétendu y mettre. […] Quand le chef des patriciens nous dit que « le monde vit de crimes heureux », nous traduisons cela par le vieux proverbe : « Qui veut la fin, veut les moyens. » Quand le prêtre s’écrie : « Les dieux sont une injure à Dieu. […] … » et où il compare l’humanité à la Niobé de Florence, dont les fils agonisent sous les coups du Sagittaire : « Froide et fixe, elle se redresse, sans espérance, et, les yeux fixés au ciel, elle contemple avec admiration et avec horreur le nimbe éblouissant et mortuaire, les bras tendus, les flèches inévitables et l’implacable sérénité des dieux… » Doit-on mentionner le passage connu où il affirme que « la raison et la santé sont des accidents heureux », et cet autre où il déclare que « le meilleur fruit de la science est la résignation froide, qui, pacifiant et préparant l’âme, réduit la souffrance à la douleur du corps… » ?