Voit-on sur quelque théâtre libre un drame joué entre des êtres qui se nomment Cœur, Haine, Joie, Silence, Souci, Soupir, Peur, Colère et Pudeur ! […] … — Non, non : on ne s’embrasse pas deux fois sur le cœur de la mort… » A de si beaux soupirs toute objection devient muette ; on se tait d’avoir senti un nouveau mode d’aimer et de dire son amour. […] Elle est dans son château, cœur las et fatigué Elle est dans son hameau, cœur enfantile et gai Elle est dans son tombeau, semons-y du muguet, Ô gué, la Marguerite. […] Il avait trop froid au cœur ; il s’est en allé. […] L’ombre d’une tempête abondante en naufrage Pour nos cœurs est moins triste à suivre dans l’azur.
Mais je puis saluer, si le cœur m’en dit, M. […] Ici, c’est le cœur de Mérimée, livré tout chaud à la curiosité de la foule. […] Je suis, remarquez-le bien, au cœur de mon sujet. […] Son esprit est compliqué, mais son cœur est tout neuf. […] Jamais ce mot, depuis ce temps, ne m’est sorti du cœur.
Il se trouble et se prosterne ; il implore de Dieu le pardon de ses fautes et le renouvellement de son cœur. […] N’y a-t-il rien dans leur cœur que des « billevesées » théologiques ou des phrases machinales ? […] Tout à l’heure peut-être, tel pécheur, le plus envieilli, le plus endurci, sans l’avoir voulu, sans y avoir songé, va tomber pleurant, le cœur fondu par la grâce. […] Chez eux, « aucun citoyen ne craint aucun citoyen. » Causez avec le premier venu, vous verrez combien cette sécurité relève leurs cœurs et leurs courages. […] À toutes ces puissances d’esprit qui font le systématique, il ajoutait toutes les énergies du cœur qui font l’enthousiaste.
Vous avez devant vous trois pièces anatomiques, une main, un cœur et un cerveau. […] Le cœur ne vous dira à peu près rien de pareil, à moins que vous ne soyez physiologiste. […] Ceux de 1923 doivent savoir par cœur la Belle Dormeuse. […] Pour la poésie classique c’était surtout le cœur, le cœur humain, c’était aussi l’Etat et le roi, c’était même, avec Boileau, le métier littéraire. […] Quels secrets dans son cœur brûlent ma jeune amie ?
Il a, et en quantité, des maximes horribles, par exemple : « Ne désirez pas faire l’occupation du coeur d’un autre et vous-même ne vous occupez pas de l’amour que vous avez pour lui. » Rien de plus âpre que ses conseils de détachement, mais rien de plus amoureux que ses entretiens avec Jésus. […] Il avait bien un coeur d’homme, un doux et tendre coeur, ce moine qui écrivait : « C’est faire beaucoup que d’aimer beaucoup. […] Pieux comme un ange, romanesque déjà, jusqu’à apprendre par coeur Théagène et Chariclée, très sensible à la beauté de la terre et du ciel : les sept Odes sur Port-Royal sont des paysages d’une forme puérile mais d’une émotion vraie. […] Pour le fond, elle avait un bon coeur, du bon sens et un esprit, je ne dirai pas moyen, mais en exacte harmonie avec son milieu et sans presque rien qui le dépassât. […] Theuriet, n’a exprimé avec une sympathie aussi vraie la vie des pauvres foyers, des foyers de tout petits bourgeois, leurs habitudes, leurs soucis, leurs plaisirs, leurs ambitions ; nul ne nous a mieux fait sentir, sous la mesquinerie des détails matériels, qui devient touchante, l’immortelle poésie du coeur.
car les hommes de génie auscultent les autres sur leur propre cœur, et tous les parterres de l’humanité et de la postérité étaient pour Shakespeare dans les six pouces de sa poitrine ! […] Ils ont la chaleur du cœur ; la vivacité, la véhémence, et sous leurs neiges, chaudes comme la lumière, tous les essors et toutes les qualités du printemps. […] Inconséquence des plus grands poètes, qui ne seraient pas si grands, s’ils n’avaient pas toutes ces complexités de cœur ! […] Balzac l’intérêt de la vie actuelle et l’intérêt aussi de la passion fouillée et épuisée dans le cœur de l’homme où l’on va la chercher, quel qu’il soit ! […] Mis fort à l’aise par le silence que garde l’Histoire sur l’homme au mûrier des bords de l’Avon, François Hugo, qui est de l’école du trop de zèle, nous a toujours donné un Shakespeare selon son cœur brûlant, et dans cette introduction encore, qui a deux parties, l’une qui me plaît et l’autre qui ne me plaît pas, ce diable de cœur brûlant dont je me méfie nous donne un Shakespeare inconnu jusqu’à cette heure, — un Shakespeare politique, libéral, progressif et civilisé !!
Notre cœur même y trouvera de nobles élans, de généreuses inspirations. […] Ne sera-ce pas pour nous une étude d’un haut intérêt que celle du cœur humain prise dans ses plus nobles acceptions ? […] Dans les lettres notre intérêt va plus loin : les contrastes ou les rapports qui existent entre l’homme et ses ouvrages forment l’étude la plus attachante du cœur humain. […] Tout est laissé à l’intelligence et au sentiment du lecteur pour captiver l’esprit, émouvoir le cœur et charmer l’oreille de ceux qui l’écoutent. […] L’oreille doit être flattée, afin que le cœur soit ému.
Porte à d’autres qu’à moi cette amorce inutile : Mon cœur, tout à Plautine, est fermé pour Camille. […] Un grand roi, réveillé par ses inquiétudes paternelles, voyant ses soldats endormis autour de lui, présente un tableau bien noble ; et les combats de son cœur forment une exposition bien touchante. […] Où trouverait-on, dans la nature, des hommes raisonnables qui parlassent ainsi tout haut, qui prononçassent distinctement et avec ordre tout ce qui se passe dans leur cœur ? […] On va me dire, sans doute, qu’ils sont supposés ne pas parler : mais il faudrait alors que, par une supposition plus violente, nous nous imaginassions lire dans leur cœur et suivre exactement leurs pensées. […] On pardonne un monologue qui est un combat du cœur ; mais non pas une récapitulation historique.
Dans toutes ses Productions il paroît plus jaloux de qualités du cœur que des talens de l’esprit, plus sensible à l’estime qu’aux applaudissemens. […] Mais c’est peu de prêter à ma Philosophie Ce tendre, ce touchant que le cœur déifie : Il est d’autres devoirs, des décrets adorés, Plus d’une chaîne qui nous lie, Et des engagemens sacrés.
Mais ce que j’ai à cœur de bien montrer déjà et d’établir dès cette première jeunesse de M. […] Saint-Ange a fait imprimer ses Métamorphoses ; Chénier prépare aux Français un Don Carlos… En un mot, elle parlait à Daru de tout ce qu’elle savait bien qui l’intéressait le plus et qui lui tenait le plus à cœur. […] Bref, les envoyés, après maint voyage, s’en revenaient fort tristes et dans le dernier embarras, lorsque, s’arrêtant dans certain cabaret pour concerter leur réponse, ils aperçoivent un gros garçon de bon appétit qui chantait de tout son cœur auprès d’une Suzon de mine très joyeuse et d’apparence peu sévère. […] Mme de Staël, que Daru avait vue pour la première fois en Suisse, à Coppet, lui écrivait qu’elle avait lu l’Épître avec son père et qu’elle en savait par cœur des passages. […] Combien elle a fait de bien à mon esprit, à mon cœur !
L’épouse elle-même ne put les ignorer, mais elle leur imposa silence, et lorsque le jeune Strogonof se fut résigné à un autre mariage, Mme Swetchine devint l’amie la plus sûre et la plus fidèle de sa femme. » S’il est vrai qu’il y eut une lutte dans le cœur de la jeune fille, et un sacrifice pénible à consommer pour obéir à la décision de son père, si cet amer mécompte, ce renoncement au bonheur dans le mariage, en flétrissant du premier jour l’avenir, la jeta par volonté et de parti pris dans les voies austères du devoir et de la résignation en Dieu, il est impossible d’en rien découvrir dans ce passage du livre de M. de Falloux. […] Il me semble que c’est le dogme du cœur. […] J’ai l’instinct du bonheur dont vous jouirez, et je vous le désire de toute la force de votre cœur et du mien. Votre sort est à peine ébauché, vous serez épouse et mère, et c’est dans le centre de ces heureuses affections que vous coulerez des jours dont le reflet encore suffira pour embellir ceux de vos amis. » A tout moment elle trahit son impétuosité de cœur, son fonds de nature première, avec une expansion que plus tard elle réprimera : «… Je suis plus difficile à guérir que le roi d’Angleterre (Georges III, qui avait des temps de folie) ; quel est donc votre talent si vous y réussissez ? […] En fait de sentiments, dépensées portant sur les affections et les passions humaines, j’ai parcouru un cercle immense et creusé jusqu’aux antipodes ; je suis vraiment docteur en cette loi-là… C’est dans l’enceinte de mon propre cœur que j’ai appris à connaître celui des autres, et la seule connaissance de moi-même m’a donné la clef de ces énigmes innombrables qu’on appelle les hommes. » Elle se flatte et s’exagère sans doute un peu cette connaissance universelle, cette clef, ce passe-partout qu’elle croit tenir et qui l’a conduite, en définitive, à la possession d’un monde très-distingué, mais restreint.
Marbeau est venu à la pension, il y rencontre Jules, son pupille, qui s’y trouvait déjà en compagnie de Laurence et d’Aurélie ; ils sont tous, dans une allée du jardin, à jouir de la beauté et des douceurs de la saison en harmonie avec les sentiments de leurs cœurs. […] Marbeau, l’arbitre de la séparation conjugale ; celui-ci a repris son front de juge ; la contrainte succède, un froid mortel a gagné tous ces jeunes cœurs. […] On lui apprend le secret et l’embarras de son existence ; et quant au mariage avec Jules Daruel qui l’aime, qu’elle aime, et à qui elle serait heureuse d’apporter, dans les épreuves de la vie, les trésors de son cœur et de ses affections, on lui signifie nettement qu’il y faut renoncer : « Vous voulez être, lui dit M. […] Pour moi, cette petite Aurélie se conduit très mal en ce moment, et si je faisais comme M. de Pontmartin et que je montasse sur mes grands chevaux, je dirais qu’il est affreux, qu’il est indécent de nous montrer une jeune fille si pure, qui paraît justifier par son procédé ce vilain propos d’un poète : « Toute femme a le cœur libertin. […] Ce père qui refuse sa fille5, qui fait si bon marché de son bonheur, qui la déclare punie pour les fautes d’une autre, et la réduit de gaieté de cœur à l’état de paria pour toute sa vie, M. de Pontmartin l’estime sans doute sublime d’honneur et de délicatesse ; à mes yeux il ne vaut pas mieux que la mère, et il fait pis à sa manière : il fait le mal par préjugé et par orgueil, comme l’autre par abandon.
Le duc de Savoie ne se portait pas de gaieté de cœur à une telle guerre ; bien des fois la Cour de Turin avait essayé d’avoir raison de ces petites tribus croyantes et n’y avait pas réussi. […] « Il faut, disaient encore les auteurs de cette lettre éloquemment résignée et presque aussi apostolique que politique, il faut subir les lois de la Providence divine qui, par les révolutions, met la foi de ses enfants à l’épreuve pour leur détacher les cœurs de ce monde, afin de chercher avec d’autant plus d’ardeur la patrie et cité permanente du Ciel. […] Cependant tous les temples des vallées retentissaient de larmes et de gémissements, et les cœurs aussi se retrempaient dans la prière. […] … Deux ou trois années se passèrent ; le mal du pays tenait à cœur aux Vaudois exilés ; ils se comparaient aux Hébreux en captivité, et, comme le peuple de Dieu, ils croyaient fermement au retour et à la délivrance. […] La guerre démoralise vite et ensauvage les cœurs, en se prolongeant trop.
Jasmin, en s’élevant à ce genre de compositions nouvelles, suivait encore son naturel sans doute, mais il s’était mis à le diriger, à le perfectionner ; cet homme, qui avait lu peu de livres, avait médité en lisant à celui du cœur et de la nature, et il entrait dans la voie de l’art véritable, où un travail secret et persévérant préside à ce qui paraîtra le plus éloquemment facile et le plus heureusement trouvé. […] Quelqu’un entre en cet instant : « c’est Annette, sa voisine ; au premier coup d’œil on voit bien que dans le cœur celle-là a des chagrins aussi : un moment après, on devine que le mal dans son cœur glisse et ne prend pas racine ». […] Le prêtre de campagne sait bien des choses de son troupeau ; il lit dans les cœurs. […] Laissons de côté les improvisations obligées et les compliments en madrigaux qu’il est obligé de répandre sur son chemin, en retour de chaque hommage et de chaque hospitalité triomphale qu’il reçoit : lui-même il se juge sur ce point aussi sévèrement qu’on pourrait le faire, et quand la reconnaissance chez lui est sérieuse, il demande du temps et du recueillement pour l’exprimer : « On n’acquitte pas, dit-il, une dette poétique avec des impromptus ; les impromptus peuvent être la bonne monnaie du cœur, mais ils sont presque toujours la mauvaise monnaie de la poésie. » Prenons donc Jasmin par ses côtés charmants et sérieux, tout à fait durables. […] Et en entendant ces vers si sentis, chacun donnait avec larmes, et le poète nageait dans la joie de son cœur de voir le chapeau du curé se remplir à la ronde.
Pendant qu’il parle avec tant de force, une douceur surprenante lui ouvre les cœurs et donne je ne sais comment un nouvel éclat à la majesté qu’elle tempère. […] Louis XIV, peu instruit dans les lettres, et dont la première éducation avait été fort négligée, avait reçu cette instruction bien supérieure qu’un esprit juste et droit et qu’un cœur élevé puisent dans les événements où l’on est de bonne heure en jeu. […] Les qualités solides, l’application laborieuse de son esprit, et les sentiments de son cœur, répondirent à ce vœu de la nature et au rôle de la destinée. […] Il tend à élever le cœur de son fils, et non à l’enfler, dit-il : « Si je puis vous expliquer ma pensée, il me semble que nous devons être en même temps humbles pour nous-mêmes, et fiers pour la place que nous occupons. » Quelques-unes de ces pages premières annoncent des dispositions d’esprit plus étendues et plus variées qu’il n’a su les tenir55. […] Mais il est plus utile d’insister sur les ressorts élevés qu’il trouvait dans cette foi et dans cette conscience royale, ce qui lui faisait dire au milieu des hasards de la politique : « Mais au moins, quel qu’en soit l’événement, j’aurai toujours en moi toute la satisfaction que doit avoir une âme généreuse quand elle a contenté sa propre vertu. » Parlant de ces six volumes de Mémoires au moment où ils parurent, M. de Chateaubriand les a très bien jugés en disant : Les Mémoires de Louis XIV augmenteront sa renommée : ils ne dévoilent aucune bassesse, ils ne révèlent aucun de ces honteux secrets que le cœur humain cache trop souvent dans ses abîmes.
Il n’a point de repli du cœur à cacher ; tous ceux qui l’ont approché ont loué sa bonté, sa bonhomie autant que son génie même. […] Quant à mon métier de président, j’ai le cœur très droit ; je comprenais assez les questions en elles-mêmes ; mais, quant à la procédure, je n’y entendais rien. […] Une sorte de vie manque, un lien, et l’on sent un puissant cerveau plus qu’un cœur. — Je liens à noter, sinon ce côté faible en un grand homme, du moins ce côté froid. Une de ses pensées m’a toujours frappé : « Fontenelle, a-t-il dit, autant au-dessus des autres hommes par son cœur qu’au-dessus des hommes de lettres par son esprit. » Je lis et relis cette pensée, et, me rappelant ce qu’a été Fontenelle, je crois d’abord qu’il faut lire : « Fontenelle autant au-dessous des autres hommes par son cœur que…, etc. » Mais non : il paraît bien que c’est un éloge que Montesquieu a voulu faire de Fontenelle ; il lui reconnaît ailleurs une qualité excellente pour un homme tel que lui : « Il loue les autres sans peine. » Montesquieu admirait réellement en Fontenelle l’égalité, l’absence d’envie, l’étendue et la prudence, l’indifférence même peut-être. […] » Montesquieu, par droiture de cœur et par direction d’intelligence, était naturellement citoyen, de cette race des Vauban, des Catinat, des Turenne, des L’Hôpital, de ceux qui veulent sincèrement le bien et l’honneur de la patrie et du genre humain : « J’ai toujours senti une joie secrète, lorsqu’on a fait quelque règlement qui allait au bien commun. » Les Lettres persanes l’avaient rangé, bon gré mal gré, parmi les littérateursb ; il en ressentait les avantages pour sa réputation, et les inconvénients pour sa carrière.
Le sac de Jérusalem par les Sarrasins (1187) avait frappé les cœurs en les embrasant davantage, comme ces coups de hache dans l’incendie qui font monter plus haut la flamme. […] Esprit étendu, cœur sincère, il pratiquait la justice comme il aimait la science, en vertu des plus naturels, des plus harmonieux instincts de l’intelligence et du caractère. […] Mais ce que Hurter n’ajoute pas, dans sa faiblesse de cœur pour son héros, c’est que, devant Dieu comme devant les hommes, on est solidaire du crime commis, quand, ayant le pouvoir du châtiment, on l’a laissé impuni. […] Mais il resta distrait par la préoccupation de Jérusalem ; et dans les choses où le cœur n’est pas, la main de l’homme n’est jamais puissante. […] L’opinion rompit avec la croyance, et ce levier que l’Église plaçait sur le cœur des peuples ne retrouva pas son point d’appui.
Mais, partie souvent du cœur, elle en eut la puissance. […] Mais, par là-même, cette diction si variée, si libre, souvent calme et sublime, parfois bizarre, toujours précise et nerveuse, faite pour le cœur et la pensée, ne devait rien avoir des langueurs et de la monotonie de ces premiers chanteurs d’amour qui éveillèrent l’imagination en Italie. […] Quelle douleur plus pathétique dans la prière du poëte, suppliant à plusieurs reprises et par toutes les inventions du cœur cette inflexible Mort, et lui disant enfin, dans le culte chrétien de son amour : « Ô Mort ! […] C’est un témoignage du poëte sur lui-même : « Trois dames », dit-il, « me sont venues, s’approchant de mon cœur et s’arrêtant au dehors, parce qu’au dedans est entré l’amour qui règne sur ma vie. […] Encore un peu de temps, et les dialectes vulgaires, à peine dégagés des ruines romaines, allaient s’emparer de cette thèse inépuisable, que la religion rendait présente aux cœurs de la foule, et que le beau ciel de l’Italie animait de sa lumière.
Il y a en ce temps-ci un certain nombre d’esprits ardents, studieux, intelligents, qui, jeunes, après avoir passé déjà par des phases diverses, et avoir joint à un enthousiasme non encore épuisé, une maturité commençante, savent assez de quoi il retourne dans ces mouvements douloureux de la société, ressentent l’enfantement d’un ordre nouveau, y aident de grand cœur, mais ne croient pas qu’il soit donné à une formule unique et souveraine de l’accomplir : car le temps de ces découvertes magiques est passé ; un fiat lux social n’est possible qu’à l’aurore ; et aujourd’hui le progrès humain se fait sous le soleil, avec force sueurs, par tous, moyennant, il est vrai, quelques guides de génie, dont aucun pourtant n’a le droit de se croire indispensable. […] Bien des cœurs avides, des imaginations tendres d’adolescents, en essayèrent. […] Nous estimons trop le cœur et la portée de ces jeunes artistes pour ne pas leur parler avec franchise. […] La pensée première a ainsi à traverser trois ou quatre enveloppes étrangères, l’Espagne, l’Italie, le moyen âge ; la dent se fatigue à chercher la pulpe sous cette contexture redoublée, et l’on est tenté de rejeter le livre comme un de ces fruits qui ne sont qu’écorce jusqu’au cœur.
Le coeur de l’homme n’est point content s’il ne sent la puissance infinie par un attouchement intime ; et il n’a que deux voies pour arriver à la sentir. […] Ce grand coeur malheureux de l’homme moderne, tourmenté par le besoin et l’impuissance d’adorer, ne trouve la beauté parfaite et consolante que dans la nature infinie. […] Ils ont loué, comme les chantres des premières hymnes, la naissance du soleil et son cours ; ils ont retrouvé dans leur coeur renouvelé les figures des légendes primitives. […] II Un poëte subsistait parmi tant d’orateurs, presque païen de coeur, et d’ailleurs si véritablement poëte qu’il pouvait se faire illusion et croire à des dieux morts.
Oui, à la condition que nous y prenions notre bien propre, la vérité du cœur humain, oh il peut y avoir des découvreurs et des premiers occupants de toutes les nations. […] Les anciens avaient les déférences ; les Espagnols et les Italiens avaient les cœurs. […] Saint-Évremont disait des premières précieuses « qu’elles ont tiré une passion toute sensible (l’amour) du cœur à l’esprit, et converti des mouvements en idées17. » Le mot est aussi vrai des secondes. […] Quand Marivaux nous parle d’une femme qui se fait à elle-même des « reproches honoraires dont sa faiblesse s’augmente », ou de gens « qui ont l’haleine courte en demandant des grâces aux puissants du monde, parce qu’ils ont le cœur bien placé », ou d’un « maudit visage qui vient chercher noise à la bonne opinion qu’on a du sien », sont-ce des problèmes à résoudre ou des énigmes à deviner ?
Elle ne prétendait pas faire oublier madame de Montespan par les saillies, par les moqueries, par les imitations chargées ; mais elle faisait sentir au roi un intérêt de cœur, elle lui faisait pressentir des jouissances inconnues, elle excitait dans son âme la puissance des sympathies ; la glorieuse, l’amante de la considération s’entendait bien avec l’amant de la gloire sur la valeur de cette jouissance, sur les moyens de se l’assurer. […] Ses paroles m’ont paru toutes choisies pour toucher un cœur sans bassesse et sans importunité. » Dans le même temps, que fait le roi ? […] La fermeté tranchante du duc de Montausier pouvait n’être pas déplacée dans un homme de sa profession et surtout de son caractère ; mais la longue expérience de Bossuet et sa profonde connaissance du cœur humain lui avaient appris que la douceur, la patience et les exhortations évangéliques sont les véritables armes a un évêque pour combattre les passions et qu’elles servent plus souvent à en triompher que ces décisions brusques et absolues qui obtiennent rarement un si heureux succès. […] Les causes déterminantes, comme nous le verrons dans les événements de cette année, 1680 et des précédentes, qui été l’inconstance du roi, la lassitude des continuelles avanies qu’elle lui attirait, et surtout la douceur, la raison pleine de charmes, le vif intérêt qu’il trouvait dans la conversation de madame de Maintenon, son inclination pour elle, le désir de se fixer à la possession du noble cœur qu’il lui avait reconnu.
Voici comment elle nous définit Lucie Altimare, « l’aventureuse », la plus significative de ses héroïnes : « Au fond, un cœur froid et aride, sans une palpitation d’enthousiasme ; au-dehors une imagination trompeuse qui grandissait toute sensation, qui augmentait toute impression… Au fond, un manque absolu de sentiment ; au-dehors, des rêveries sur les nobles utopies humanitaires, des aspirations flottantes vers un idéal incertain. » Et on nous fait connaître longuement « l’artifice de sa personne, un artifice si naturel, si absolu, si complet, qu’il la trompait elle-même, en lui donnant une fausse sincérité ; en devenant son véritable caractère, son tempérament, son sang, ses nerfs ; en la persuadant de sa propre bonté, de sa propre vertu, de sa propre supériorité ». […] Mais voici, hésitante et envahisseuse comme le flot qui monte, puérilité persistante en qui rien n’éveillera des sens ou un cœur de femme, mais dont la tête faible se grisera tantôt de perversités, tantôt de vérités, tantôt de folies, — Suzanne. […] Mais peu à peu elle se prend au jeu cruel et dangereux et, quand elle est devenue elle aussi capable de souffrance, Jude, dont le cœur est à elle tout entier et dont la vie est libre moralement et matériellement, lui avoue, tout confus, qu’il est, d’après les registres publics, un homme marié. […] Ses instincts, son cœur, son intelligence s’unissent en une noble harmonie de révolte.
On verra qu’en défendant la religion, nous n’attaquons point la sagesse : nous sommes loin de confondre la morgue sophistique avec les saines connaissances de l’esprit et du cœur. […] « Notre connaissance, dit-il, étant resserrée dans des bornes si étroites, comme je l’ai montré, pour mieux voir l’état présent de notre esprit, il ne sera peut-être pas inutile… de prendre connaissance de notre ignorance, qui… peut servir beaucoup à terminer les disputes… si, après avoir découvert jusqu’où nous avons des idées claires… nous ne nous engageons pas dans cet abîme de ténèbres (où nos yeux nous sont entièrement inutiles, et où nos facultés ne sauraient nous faire apercevoir quoi que ce soit), entêtés de cette folle pensée que rien n’est au-dessus de notre compréhension 153. » Enfin, on sait que Newton, dégoûté de l’étude des mathématiques, fut plusieurs années sans vouloir en entendre parler ; et de nos jours même, Gibbon, qui fut si longtemps l’apôtre des idées nouvelles, a écrit : « Les sciences exactes nous ont accoutumés à dédaigner l’évidence morale, si féconde en belles sensations, et qui est faite pour déterminer les opinions et les actions de notre vie. » En effet, plusieurs personnes ont pensé que la science entre les mains de l’homme dessèche le cœur, désenchante la nature, mène les esprits faibles à l’athéisme, et de l’athéisme au crime ; que les beaux-arts, au contraire, rendent nos jours merveilleux, attendrissent nos âmes, nous font pleins de foi envers la Divinité, et conduisent par la religion à la pratique des vertus. […] D’ailleurs, rien ne dérange le compas du géomètre, et tout dérange le cœur du philosophe. […] Donnez-lui d’abord des notions claires de ses devoirs moraux et religieux ; enseignez-lui les lettres humaines et divines : ensuite, quand vous aurez donné les soins nécessaires à l’éducation du cœur de votre élève, quand son cerveau sera suffisamment rempli d’objets de comparaison et de principes certains, mettez-y de l’ordre, si vous le voulez, avec la géométrie.
Les ayant étudiées tout en les admirant, il nous en donne le délicieux camée suivant, qui a l’inflexibilité et la plénitude d’une définition : « Les Américaines — dit Bellegarrigue, page 8, — sont des femmes vivant en contemplation d’elles-mêmes, dédaignant les hommes et adorant la monnaie (toujours la monnaie). » Et pour être mieux compris, pour mieux faire briller le diamant de sa découverte psychologique, le foudroyant moraliste ajoute à la page 9, après avoir froncé son terrible front de penseur : « La sensibilité étant inhérente au cœur humain, les Américaines ne l’ont détournée des objets auxquels l’appliquent ordinairement les femmes d’Europe que pour se l’approprier, ce qui revient à dire (bien obligé, nous avions entendu !) […] Quant à nous autres Européens, nous leur serions encore inférieurs en ceci… Vieilles momies qui avons du cœur, et qui voulons que nos femmes en aient, nous n’accepterions pas l’insolent éloge offert à l’Amérique. […] D’autres diraient pour se corrompre ; mais ce dernier mot manque de sens moral en Amérique. » Or, dans ces maisons où l’on ne s’ennuie pas, et que Bellegarrigue appelle des maisons d’éducation précisément parce que l’éducation — l’instruction du cœur — y est nulle, on traite le cerveau des jeunes filles comme un cerveau d’homme. […] Le peintre des Femmes d’Amérique est tout simplement un homme qui a lu Rousseau, qui traduit l’Émile dans un français… américain… qui, la main sur le cœur, l’honnête homme !
s’organiser dans des institutions qui furent aux mœurs de ce pays ce que le fourreau est à l’épée, cet esprit si antipathique à nos idées actuelles et qui épouvante à la fois et nos théories et nos cœurs, nous ne l’estimons pas assez pour chercher à le bien comprendre ; et voilà, en un mot, pourquoi le sens de tant de faits de l’histoire d’Espagne nous échappe ! […] Elle avait enfin développé et fortifié cette conscience religieuse qui régnait en Espagne plus despotiquement que le Roi lui-même et qui l’envoyait, malgré sa toute-puissance et la révolte de la nature humaine dans son cœur, aux auto-da-fé de ce tribunal implacable, mais populaire, et le forçait d’y assister, lui, le Roi, comme un simple corrégidor, un simple alcade, — un simple bourreau ! […] Le duc d’Albe, en qui bat le cœur tout entier de l’Espagne, a honte de sa victoire et ne l’achève pas. […] ne montait pas plus haut que le cœur.
Nous pensons trop que de ce siècle, qui n’est pas jugé, puisqu’on le loue encore, tout est radicalement mauvais, — mauvais par l’erreur de l’esprit, par le vice du cœur et même par les contre-sens de la gloire, pour ne pas accueillir avec applaudissement un livre qui fait la preuve, souveraine et multiple, de la perversité de doctrine, de mœurs et de renommée de ce siècle déperdition. […] À plus forte raison, sans doute, devons-nous, dans la mesure de nos forces, provoquer la publicité d’un ouvrage qui semble avoir épuisé et centralisé tous les documents sur les choses et les hommes du xviiie siècle, et qui, de fait comme de visée, atteint enfin cette époque au milieu du cœur, en traversant le cœur de Voltaire. […] Nicolardot qui n’a pas, lui, au cœur, l’indignation sainte de M. de Maistre, et dans sa main le pinceau de feu de ce coloriste inspiré, ce livre froid, méthodique, dur comme le fait qui s’y entasse en grêle coupante, réconciliera certainement les admirateurs de Voltaire avec le foudroyant portrait des Soirées de Saint-Pétersbourg, car il y a pis pour l’honneur de Voltaire que ce supplice en effigie auquel de Maistre l’a cloué, et ce sont les pages bien autrement impitoyables, où on le retrouve descendu, culbuté de son piédestal dans la vie, dans cette vie d’un moment qui passe et qu’on croit oubliée, cette vie qui tombe comme une escarre de notre immortalité historique, quand nous sommes immortels, et que voici ressuscitée et ramenée tout à coup sous le regard, dans ce qu’elle eut de plus chétif, de plus obscur et de plus honteux !
L’auteur de Saint Louis et son temps ne comprend son sujet qu’avec son esprit, et il ne le fait point sentir avec son cœur… Je sais bien qu’il est rare qu’on ait à mettre son cœur dans une histoire politique, où le jugement est bien assez pour la besogne qu’ordinairement on a à y faire ; mais la politique de Saint Louis n’est pas une politique d’homme d’État « qui a son cœur dans sa tête », comme le voulait Napoléon. […] Comme la Croix avait attiré le monde à elle, il l’attira à lui par le prestige de cette Croix qu’il portait en son cœur, dans son action et sur ses lèvres, bien avant qu’il la mît sur son épaule et sur son manteau de croisé.
Quand vous l’aurez renié de cœur, il vous frappera au cœur. » Ce jour-là, le sectaire montait jusqu’au terrible des Livres Saints. L’âme religieuse de cet homme triple atteignait au sublime d’une foi profonde, quoique erronée ; mais pour retomber bientôt de cette hauteur aux faiblesses, ou aux forces, de l’humanité : à l’amour toujours païen de la femme, — à cette époque plus païen que jamais, — aux fureurs sacrées, comme disent les poètes » de la Muse, aux sonnets ardents qu’à la cour, pendant les trêves de ces guerres protestantes, il jetait, comme des torches, dans l’escadron volant des filles de la reine, pour leur embraser les sens et les cœurs. […] Que mon cœur enfelonné Ne s’enfle contre personne : Donne moy que je pardonne, Afin d’estre pardonné.
Jetée, jeune et pauvre, dans le monde, avec sa beauté et son titre de demoiselle, exposée dès l’enfance aux persécutions des dévots, qui la convertirent à grand’peine, et plus tard chez Scarron, aux galanteries des grands seigneurs qui ne la séduisirent pas, madame de Maintenon se distingua de bonne heure, et dans tous les états, par cette prudence accomplie, cet esprit de conduite, qu’alors on regardait comme la première vertu de son sexe, et qui de nos jours est resté tant à cœur à la haute société monarchique, sous le nom presque sacré de convenance. […] Le même besoin de condoléance et de chuchotage la rapprochait de Villeroi : « Notre maréchal de Villeroi et moi, écrit-elle avec une sorte de satisfaction chagrine, déplorons souvent nos pertes et critiquons tout ce qui se passe. » Le vieux favori mécontent compatissait de grand cœur, comme on peut croire, aux plaintes éternelles de sa désolée confidente, et tous deux se consolaient à l’envi dans ces épanchements lamentables. […] Je voudrais de tout mon cœur, madame, que votre état fût aussi heureux que le mien.
Ces passions violentes et fatales, même dans leur générosité ; ces utopies politiques et sociales, filles du xviiie siècle, et qui étaient devenues le rêve des plus chauds et des plus nobles cœurs ; ce prestige républicain, attaché à certaines maximes, à certaines formes de gouvernement ; cette éducation de collège et de livres, toute romaine : et Spartiate, sans l’intelligence de ce qui diffère dans les temps modernes ; enfin la guerre au dehors qui excitait et commandait l’énergie en toutes choses : voilà les causes réelles qui renversèrent la Constitution de 91 : et qui eussent renversé toute autre eu sa place ; voilà, en y ajoutant les faits et les mille incidents qui survinrent, ce qui amena le 10 août, la Convention » et la Montagne. […] Une haine seule, une haine profonde, invétérée, une passion instinctive, débris vivace de toutes les autres passions politiques, remuait au cœur du peuple : c’était la haine des Bourbons, du drapeau blanc ramené par l’étranger, des jésuites. […] Mais c’est ce que ne comprennent pas les hommes de transition, les hommes de restauration mitigée, qui dans les Chambres et dans les Conseils pèsent encore sur nous ; gens qui font les capables et les prudents ; sans physionomie, sans caractère décidé, à courte vue, égoïstes au fond, qui, la main sur le cœur, n’ont de sympathie réelle ni avec la Révolution de 89, ni avec celle de 1830 ; qui ne fléchiraient pas le genou devant nos grands vieillards politiques, et ne céderaient pas non plus un pouce de terrain à notre virile et patriotique jeunesse.
En ce temps-là tout pauvre jeune homme qui avait un cœur, une ambition et de vastes pensées, manquait d’air, s’étiolait dans son galetas et mourait de lente asphyxie. […] Il se plongea dans la solitude du cœur, et, persuadé qu’il n’y avait rien à faire au dehors, il s’abîma en lui-même ; de là une maladie incurable et singulière qu’il a pris soin d’observer avec une attention presque cruelle, et qu’avant de mourir il nous a racontée en vers et en prose, jusque dans ses détails les plus secrets. […] Mais revenons ; ce Joseph, qui se consumait ainsi sans foi, sans croyances, sans action ; cet individu malade qui suivait son petit sentier loin de la société et des hommes, avait commencé vers la fin de sa vie à renaître à une sympathie plus bienveillante, et à chercher les regards consolants de quelques amis poètes ; c’est ce qu’il fit de mieux et de plus profitable pour lui ; son cœur se dilata à leur côté ; son talent s’échauffa aux rayons du leur, et il dut à l’un d’eux surtout, au plus grand, au plus cher, le peu qu’il nous a laissé.