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709. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Quand elle entre dans le bal où elle va chercher son ennemi, les hommes chuchotent, les femmes se voilent de leurs éventails : l’entrée de la grande Courtisane de l’Apocalypse, montée sur son dragon à sept têtes, ne produirait pas un effet pareil. […] C’est qu’elle met en scène des classes plutôt que des vices ; ses caractères n’ont ni l’ampleur du type, ni la précision de l’individu, ils affectent le sous-entendu, ils cherchent la réticence, ils posent dans un milieu factice d’allusion et de convention. Ce sont des masques, ils en ont la grimace contrainte et les fausses couleurs ; et cherchez bien, ces masques-là ne recouvrent point des visages. […] On y cherche un honnête homme, — fût-il un fanatique, — qui en représente les vertus réelles et les croyances respectables.

710. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

C’est dans des parties accessoires, dans des pages de rêverie telles qu’en offrent à tout propos les Mémoires de M. de Chateaubriand, qu’il faudrait plutôt chercher là-dessus des révélations vraies et sincères. […] Ainsi, sans prétendre éclaircir quelques obscurités d’allusion, nous tenons l’aveu essentiel : quand M. de Chateaubriand s’en allait au tombeau de Jésus-Christ pour y honorer le berceau de sa foi, pour y puiser de l’eau du Jourdain, et, en réalité, pour y chercher des couleurs nécessaires à son poème des Martyrs, le voilà qui confesse ici qu’il allait dans un autre but encore. […] Or, j’ouvre les Mémoires de Chateaubriand à l’endroit de son retour de Palestine, et je cherche vainement un détail, une révélation tendre, fût-elle un peu en désaccord avec l’Itinéraire, enfin de ces choses qui peignent au vrai un homme et un cœur dans ses contradictions, dans ses secrètes faiblesses. […] Ce que voulait M. de Chateaubriand dans l’amour, c’était moins l’affection de telle ou telle femme en particulier que l’occasion du trouble et du rêve, c’était moins la personne qu’il cherchait que le regret, le souvenir, le songe éternel, le culte de sa propre jeunesse, l’adoration dont il se sentait l’objet, le renouvellement ou l’illusion d’une situation chérie.

711. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Si c’est pour dîner, il est trop tôt ; si c’est pour me voir, il est trop tard. » Puis, se ravisant : — « Entrez, je sais ce que vous cherchez, et n’ai rien de caché… même pour vous. » Et Rousseau alors, s’adressant à sa ménagère, entre à dessein dans mille détails de cuisine et de pot-au-feu ; puis se retournant vers Rulhière : « Vous voilà suffisamment instruit des secrets de ma maison, et je défie toute votre sagacité d’y jamais rien trouver qui puisse servir à la comédie que vous faites. » — Il ne se doutait pas, ajoute Rulhière, qu’il venait de m’en fournir le meilleur trait. […] Domergue, me rend perplexe à cet égard. » — « Comme il vous plaira, monsieur, comme il vous plaira ; bonsoir. » Toute cette scène est très agréablement contée ; elle fait plus d’honneur pourtant à l’esprit de Rulhière qu’à son cœur, et lui-même il nous apparaît en tout ceci comme un homme qui cherche partout trop visiblement des traits et des embellissements pour l’ouvrage qu’il compose. […] Il a besoin de peindre, et il cherche des sujets de tableaux, comme nous l’avons vu ailleurs chercher des sujets de comédie ou d’épigrammes.

712. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

Or, le besoin de lire étant une traînée de poudre, une fois allumé il ne s’arrêtera plus, et, ceci combiné avec la simplification du travail matériel par les machines et l’augmentation du loisir de l’homme, le corps moins fatigué laissant l’intelligence plus libre, de vastes appétits de pensée s’éveilleront dans tous les cerveaux ; l’insatiable soif de connaître et de méditer deviendra de plus en plus la préoccupation humaine ; les lieux bas seront désertés pour les lieux hauts, ascension naturelle de toute intelligence grandissante ; on quittera Faublas et on lira l’Orestie ; là on goûtera au grand, et, une fois qu’on y aura goûté, on ne s’en rassasiera plus ; on dévorera le beau, parce que la délicatesse des esprits augmente en proportion de leur force ; et un jour viendra où, le plein de la civilisation se faisant, ces sommets presque déserts pendant des siècles, et hantés seulement par l’élite, Lucrèce, Dante, Shakespeare, seront couverts d’âmes venant chercher leur nourriture sur les cimes. […] La science cherche le mouvement perpétuel. […] Jenner a peut-être erré, Franklin s’est peut-être trompé ; cherchons encore. […] Cinq cents ans avant Jésus-Christ, il était parfaitement scientifique, quand un roi de Mésopotamie avait une fille possédée du diable, d’envoyer, pour la guérir, chercher un dieu à Thèbes ; on n’a plus recours à cette façon de soigner l’épilepsie.

713. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Comme les mourants qui aspirent après un cordial qui leur redonne l’illusion fugitive de la vie, fût-ce au prix d’une brûlure aux entrailles, la bourgeoisie chercha alors un poète dont le vers s’abattît, à la rigueur, sur ses reins épuisés, mais la forçât à se redresser ; un moraliste qui la rappelât à la pratique sévère de ses anciennes vertus, un historien capable de réveiller en elle, par ses fiers récits, le goût et la puissance des grands mouvements de l’âme. […] Sa lanterne, qui lui servait à chercher un homme, avait de faux airs de lustre ou de candélabre. […] Qu’il se fâche ou qu’il sourie, qu’il fouaille ou caresse, il cherchera et trouvera le mot juste qui traduit avec le plus de relief, mais aussi avec le plus d’exactitude, le sentiment qu’il veut exprimer. […] Il cherchait la vérité générale, non l’exception, et, au milieu des fantaisies d’une brillante imagination, son esprit fixait un type réel.

714. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Tel autre qui en a le goût, et n’y étoit allé chercher qu’un quard’heure d’amusement, y laisse une somme de deux mille écus. […] Convenez donc que la différence du portraitiste et de vous, homme de génie, consiste essentiellement en ce que le portraitiste rend fidèlement nature comme elle est, et se fixe par goût au troisième rang, et que vous qui cherchez la vérité, le premier modèle, votre effort continu est de vous élever au second… vous m’embarrassez ; tout cela n’est que de la métaphysique… eh grosse bête, est-ce que ton art n’a pas sa métaphysique ? […] Avec le tems, par une marche lente et pusillanime, par un long et pénible tâtonnement, par une notion sourde, secrette, d’analogie, acquise par une infinité d’observations successives dont la mémoire s’éteint et dont l’effet reste, la réforme s’est étendue à de moindres parties, de celles-cy à de moindres encore, et de ces dernières aux plus petites, à l’ongle, à la paupière, aux cils, aux cheveux, effaçant sans relâche et avec une circonspection étonante les altérations et difformités de nature viciée, ou dans son origine, ou par les nécessités de sa condition, s’éloignant sans cesse du portrait, de la ligne fausse, pour s’élever au vrai modèle idéal de la beauté, à la ligne vraie ; ligne vraie, modèle idéal de beauté qui n’exista nulle part que dans la tête des Agasias, des Raphaëls, des poussins, des Pugets, des Pigals, des Falconnets ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie dont les artistes subalternes ne puisent que des notions incorrectes, plus ou moins approchées que dans l’antique ou dans leurs ouvrages ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie que ces grands maîtres ne peuvent inspirer à leurs élèves aussi rigoureusement qu’ils la conçoivent ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie au-dessus de laquelle ils peuvent s’élancer en se jouant, pour produire le chimérique, le sphinx, le centaure, l’hippogriphe, le faune, et toutes les natures mêlées ; au-dessous de laquelle ils peuvent descendre pour produire les différents portraits de la vie, la charge, le monstre, le grotesque, selon la dose de mensonge qu’exige leur composition et l’effet qu’ils ont à produire, en sorte que c’est presque une question vuide de sens que de chercher jusqu’où il faut se tenir approché ou éloigné du modèle idéal de la beauté, de la ligne vraie ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie non traditionelle qui s’évanouit presque avec l’homme de génie, qui forme pendant un tems l’esprit, le caractère, le goût des ouvrages d’un peuple, d’un siècle, d’une école ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie dont l’homme de génie aura la notion la plus correcte selon le climat, le gouvernement, les loix, les circonstances qui l’auront vu naître ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie qui se corrompt, qui se perd et qui ne se retrouveroit peut-être parfaitement chez un peuple que par le retour à l’état de Barbarie ; car c’est la seule condition où les hommes convaincus de leur ignorance puissent se résoudre à la lenteur du tâtonnement ; les autres restent médiocres précisément parce qu’ils naissent, pour ainsi dire, scavants. Serviles et presque stupides imitateurs de ceux qui les ont précédés, ils étudient la nature comme parfaite, et non comme perfectible ; ils la cherchent, non pour aprocher du modèle idéal ou de la ligne vraie, mais pour aprocher de plus près de la copie de ceux qui l’ont possédée.

715. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

oui ; Saint-Simon, l’aristocrate violent et inflexible, l’homme de la race, de la tradition, de la distinction, de l’étiquette, de la politesse, de ces mille nuances sociales que nous, les déclassés, les pressés de vivre, les locomotives humaines, nous n’avons guère que le temps de mépriser, Saint-Simon a trouvé des admirateurs là où il les aurait le moins cherchés, s’il avait pu nous deviner, ce qui l’eût tué d’apoplexie ! […] L’orgueil souffrant de celui-ci, de cet esprit qui sentait sa puissance, mais qui, comme tant d’esprits, se méprenait sur elle, a cherché à voiler cette blessure, mais il l’avait au fond du cœur, et elle saigne partout dans ses Mémoires. […] L’auteur des Mémoires eu chercha laborieusement la raison avec cet art des inductions et des interprétations qu’il possédait mieux que personne et qui le rend un historien si séduisant, si éblouissant et si dangereux, et il la trouva, nous dit-il, dans l’opposition et l’influence de Mme de Maintenon, la vieille fée, — de Mme de Maintenon, sa seconde haine ; la seconde raison de la popularité actuelle de son livre, et pour nous la seconde tache de ces admirables et adorables Mémoires, que nous voudrions effacer. […] Ce n’est pas au xixe  siècle, quand les penseurs à faire mourir de rire de ce siècle fameux cherchent le moyen impossible de se passer de la main de l’homme dans le gouvernement des peuples, qu’on peut apprécier Louis XIV, le plus grand des rois personnels, un de ces rois qui, à force d’expédients et de génie, dispensent les peuples d’institution, quand il n’y en a plus qui se tiennent debout et qu’on puisse rajuster.

716. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

De l’idée générale il fallait aller jusqu’à l’absolu de l’idée, et mettre la main sur ce qui ferait le couronnement, la gloire et la force de toute critique : le critérium, que je cherche en vain dans tous les critiques, depuis Goethe jusqu’à Sainte-Beuve, qui le nient et le méprisent, et jusqu’à Aubryet, qui ne le méprise point, lui ; qui en a probablement un vague instinct, un désir confus, au fond de son intelligence éprise de l’idée ; mais qui, dans son livre des Jugements nouveaux, encore aujourd’hui ne l’a pas ! […] La dévote, et la dévote qui ne céderait pas à Valmont, mais au contraire le convertirait, je l’ai vainement cherchée dans le livre d’Aubryet. […] Esprit brillant quoique cherché, homme de style, de mot et de trait, Xavier Aubryet manque absolument d’invention et de clarté dans la conception et surtout dans l’organisation de ses nouvelles. […] Il y a les Simples qui sont les plus grands, les Naïfs, les Mélodieux, et il y a, en face, les Tourmentés, les Cherchés, qu’il faut bien appeler les Précieux.

717. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Elle n’y prenait pas une place à part ; elle n’avait pas su attacher aux traditions religieuses et aux fêtes nationales quelques empreintes immortelles d’imagination et d’art, ; elle n’était pas entrée dans la vie des Romains, moins poétique et moins libre que celle des Grecs : et, si elle s’était mêlée parfois à ces œuvres artificielles du théâtre que Rome victorieuse chercha comme une distraction, elle n’avait eu, sous cette forme, qu’un rôle secondaire, dont le cadre même devenait difficile et rare sous le pouvoir absolu d’Auguste. […] De là ces traits de feu, ces grâces ravissantes jetées çà et là dans les chants du poëme de Lucrèce ; de là cette fréquente contradiction de son art et de son système, ce retour involontaire au polythéisme qu’il maudit, ces nouvelles apothéoses substituées aux idoles qu’il renverse, et cet hymne de louange et d’amour qu’il semble près d’exhaler sans cesse, et dont il cherche l’objet en dédaignant tous les anciens cultes de la terre. […] Et toutefois, dans le dégoût que donnent quelques poésies impures conservées sous le nom de Catulle, on ne sera guère tenté de chercher près de lui l’étincelle lyrique, telle du moins qu’elle nous plaît. […] Seulement, il nous reste à chercher ce que deviendra cette poésie, lorsqu’à l’horreur des guerres civiles et de l’anarchie succéderont la modération habile d’un maître et la monotone sécurité d’un long esclavage.

718. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

Le duc de Mayenne était incommodé d’une grande masse de corps qui ne pouvait supporter ni les armes ni les corvées : l’autre, ayant mis tous les siens sur les dents, faisait chercher des chiens et des chevaux pour commencer une chasse ; et, quand ses chevaux n’en pouvaient plus, forçait une sandrille65 à pied. […] … J’appelle des jugements de cette compagnie à elle-même quand elle y aura pensé… Ceux qui ne pourront attendre une plus mûre délibération, je leur baille congé librement pour aller chercher leur salaire sous des maîtres insolents. […] Sans se dissimuler quelques exagérations de ton et les jactances ou les fougues de pinceau, elle reconnaît en lui la force, la conviction, l’honneur, ce qui rachète bien des défauts et des faiblesses ; elle l’accepte volontiers, malgré les contradictions et les disparates, comme le représentant de ce vieux parti dont il avait le culte et dont il cherche à rehausser la mémoire.

719. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Il se cherchait, et, faute de chercher où il fallait, il ne se trouvait pas. […] Vous pouvez croire qu’en semblable occasion un conteur ne fait pas de longues phrases et ne cherche pas les mots d’apparat.

720. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

On étudiait le latin : mais dans Cicéron et dans Tacite, dans Virgile et Lucrèce, on ne cherchait qu’une rhétorique, ou une philosophie. […] Mais Caylus n’était pas un érudit seulement, c’était un artiste ; dans l’archéologie il cherchait des leçons pour nos peintres et nos sculpteurs. […] Les romantiques qui se cherchaient partout des précurseurs, l’adoptèrent, et l’originalité de Chénier se fondit dans le grand courant romantique.

721. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire »

Comme aucune science ne s’est condamnée à reproduire le plan extérieur ni à utiliser les formules d’une autre science, ne cherchons pas non plus à copier la structure ni à nous approprier la langue de la chimie ni de l’histoire naturelle. […] Mais, voyez le paradoxe, nous ne nous plaisons à chercher le général que dans les œuvres les plus puissamment singulières, et pour elles autant que par elles. […] Nous aussi, quand nous cherchons à retrouver la vie sentimentale du XVIIIe siècle, ou les manières de penser de la Renaissance, nous poursuivons l’image d’un passé qui n’est plus.

722. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

Barrès le cherche et le trouve. […] D’ailleurs, on ne les cherche point. […] Celle-ci ne chercherait pas d’ailleurs à fomenter le bonheur, qui n’est point un article monopolisable par quelque gouvernement que ce soit.

723. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

Et pourtant, de 1660 à 1750, lorsqu’on voulait citer aux Anglais rebelles et agités le modèle d’un peuple soumis et tranquille, on venait le chercher de ce côté-ci du détroit. […] Chercherons-nous maintenant quel a été le caractère principal du tempérament chez les personnages marquants de cette période ? […] Qu’on cherche dans les romans, les pièces et les poésies du temps, le contre-coup du grand choléra de 1832.

724. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre I : De la méthode en psychologie »

Tout ce dont nous avons connaissance directement, nous pouvons l’observer directement70. » « Les successions des phénomènes mentaux ne peuvent être déduites des lois physiologiques de notre organisation nerveuse ; et nous devons continuer à chercher longtemps encore, sinon toujours, toute la connaissance réelle que nous pouvons en acquérir dans l’étude directe des successions mentales elles-mêmes. » « Il existe donc une science de l’Esprit, distincte et séparée. […] III Après avoir déterminé l’objet et la méthode de la psychologie, il nous reste à chercher s’il n’y a pas un art auquel cette science puisse servir de base ; s’il n’y a pas quelque science dérivée, applicable à la vie pratique, qui suppose, comme science première, la connaissance générale des phénomènes de l’esprit. Toute science, dès qu’elle est solidement constituée, sort naturellement de la théorie pure pour amener des conséquences pratiques, soit qu’on les cherche, soit qu’on les trouve.

725. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Par sa parole vive, souple, déliée, il allait chercher l’esprit de ses auditeurs, l’attirait à lui, l’engageait à se développer librement, naturellement, sans faux pli et sans boursouflure. […] Tant d’éclairs m’éblouissent ; je cherche une lumière douce qui soulage mes faibles yeux. […] Saint-Marc Girardin m’excusera donc de lui dire, à côté de ces deux beaux noms, que, lui aussi, il est de son temps, et d’en chercher en lui la marque.

726. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

Pour eux sans doute ils chercheront à la rendre plus juste et plus convaincante et plus vraie. […] Et les romanciers s’inquiètent, cherchent ailleurs, mais au hasard. — Tolstoï et Dostoïevskya les dominent, puissants, véridiques et « neufs ». […] Et à ceux qui cherchent un guide, un maître, je dirai : « Il en est un.

727. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre IV. Littérature dramatique » pp. 202-220

C’est parmi les essais incomplets du théâtre symboliste et les tragédies d’hier, qu’il faut chercher des indications sur notre avenir dramatique. […] Cherches-tu la sagesse ? cherches-tu le vice ?

728. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Rien n’est plus curieux que de voir comment il cherche par ses raisonnemens à établir cette idée, et comment son bon sens le ramène malgré lui à croire le contraire. […] L’auteur paraît l’avoir senti, et cherche à prendre un parti mitoyen entre les deux systèmes ; mais les raisonnemens où il s’embarque, sont entièrement inintelligibles. […] La Fontaine tire un parti ingénieux du ton qu’il vient de prêter au bœuf, c’est de le faire appeler déclamateur par l’homme qui lui reproche de chercher de grands mots : tout cela est d’un goût exquis.

729. (1912) L’art de lire « Chapitre V. Les poètes »

Oui, tout rythme est détruit et l’on se trouve en présence d’une de ces dissonances, ou plutôt d’une de ces arythmies que les poètes sans doute se permettent et même cherchent parfois, mais pour produire un effet particulier, à quoi ici on ne voit pas qu’il y ait lieu. […] Et de même dans Racine, mélodieux plutôt qu’harmonieux, flattant l’oreille par le nombre savamment observé et ingénieusement inventé, plutôt que peignant par les sons, cependant on trouve, sans bien chercher, des vers sonores dont les sonorités ont un sens, donnant une impression de grandeur, de triomphe ou d’immense désolation : Lorsque de notre Crète il traversa les flots, Digne sujet des vœux des filles de Minos, …. […] Et si vous me dites qu’à faire ainsi, l’on finit par dénaturer le poète, l’on finit par ne plus chercher en lui que le musicien et par ne plus le trouver poète quand il ne fait plus de la musique ; je vous répondrai que, quand on commence à sentir cela, on doit faire taire l’orchestre comme on éteint une lampe ; qu’on doit cesser de lire tout haut et recommencer à lire tout bas et que, de même que pour saisir l’idée et s’en pénétrer on doit d’abord lire tout bas, de même, après avoir assez longtemps lu tout haut, on doit revenir à la lecture intime pour retrouver devant soi l’homme qui pense.

730. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

Ceux-là, on les trouve sans les chercher dans ce qu’ils ont fait et dans les influences qu’ils ont laissées après leur passage, tandis que déjà, et à la distance d’une moitié de siècle, il nous faut chercher Saint-Martin, pour l’apercevoir. […] À notre sens, le philosophe inconnu n’existe réellement que dans sa pensée religieuse, et c’est exclusivement là qu’il faut le surprendre et le chercher.

731. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Le père Augustin Theiner »

À l’entendre, les amis des jésuites qui cherchèrent, hélas ! […] Theiner, c’est le scandale qu’il a ému et qu’il a cherché. […] Theiner s’est servi quand il a cherché à repousser les assertions de Crétineau-Joly.

732. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

Mais ici, excepté le filigrane d’un langage prodigieux de souplesse et de ténuité réussie, cherchez ce qu’il y a dans ces vers, — chalumeau où passe une haleine ! […] Charles Asselineau, dans une introduction aux Odelettes, où un esprit très fin cherche à justifier ses préférences, dit que, malgré quinze ans d’étude, Théodore de Banville produit toujours sur le public l’effet d’un jeune homme qui promet. […] Et quand nous disons qu’on ne les lit plus, nous ne parlons pas des curieux qui lisent tout ou des poètes qui cherchent des manières à renouveler parce qu’ils n’ont pas d’inspiration personnelle, nous parlons de cette masse lisante qui dispense la gloire et qui la fait.

733. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Cherchez-vous des sujets au-delà de la terre ? […] Et Oreste obéit ; et quand il revient chercher sa récompense, Hermione lui crie : « Qui te l’a dit ?  […] Et alors Racine cherche… Il veut montrer que, lui aussi, il est capable de grandes vues et de belles discussions et délibérations historico-politiques. […] Vains efforts qui ne font que m’instruire Des faiblesses d’un cœur qui cherche à se séduire ! […] Racine, jeune, s’était révolté contre Port-Royal, parce que Port-Royal prétendait l’empêcher de chercher la gloire.

734. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Il semble toujours dire : « Cherchez le bonheur ; ne cherchez pas autre chose ; du reste il n’existe guère. » En un mot c’est un homme du xviiie  siècle, moins l’optimisme. […] De ce fait il a étudié les caractères, cherché les causes, prévu les conséquences. […] Tel autre doit chercher le recueillement dans la solitude. […] Il pose la thèse, il pose l’antithèse et il cherche la synthèse. […] Proudhon l’a cherché.

735. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Laurent (de l’Ardèche) : Réputation de l’histoire de France de l’abbé de Montgaillard  »

En ce temps-ci, c’est chose aussi rare qu’édifiante de voir si bien réussir dans le monde un pauvre orphelin posthume, et de méchantes langues, qui cherchent malice à tout, se sont permis de gloser sur une adoption si paternelle. […] Laurent essaie de les faire servir à interpréter notre Révolution, comme on a cherché à les faire servir à l’interprétation des sociétés anciennes et du moyen âge, à l’intelligence de la féodalité et de la théocratie romaine.

736. (1874) Premiers lundis. Tome II « Deux préfaces »

Dès qu’on cherche l’homme dans l’écrivain, le lien du moral au talent, on ne saurait étudier de trop près, de trop bonne heure, tandis et à mesure que l’objet vit. […] En lâchant de les compléter et de les perfectionner dans le détail, nous n’avons pas cherché à faire disparaître ces marques, pour ainsi dire, originelles.

737. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Avertissement »

À ceux-là, il n’y a qu’un conseil à donner : Cherchez, trouvez n’importe quoi, ramassez tout ce que vous trouverez. […] J’ai voulu fournir à de jeunes esprits l’occasion de réfléchir sur les moyens par lesquels ils pourront donner à leurs écrits la bonté qu’ils ont dû rêver souvent et désespérer d’atteindre, sur les meilleures et plus courtes voies par où ils pourront se diriger à leur but et nous y mener ; leur inspirer des doutes, des scrupules, des soupçons d’où leur méditation pourra tirer ensuite des principes et des certitudes, sur toutes les plus importantes questions que l’écrivain doit résoudre et résout, bon gré mal gré, sciemment ou non, par cela seul qu’il écrit d’une certaine façon ; donner le branle enfin à leur pensée, pour que, s’élevant au-dessus de l’empirisme, ils cherchent et conçoivent la nature et les lois générales de l’art d’écrire, pour qu’ils développent en eux le sens critique, et que, mettant la conscience à la place de l’instinct, ils arrivent à bien faire en le voulant et en le sachant.

738. (1911) La valeur de la science « Introduction »

Et puis, pour chercher la vérité, il faut être indépendant, tout à fait indépendant. […] Dans une conférence faite à l’Exposition de Saint-Louis en 1904, j’ai cherché à mesurer le chemin parcouru ; quel a été le résultat de cette enquête, c’est ce que le lecteur verra plus loin.

739. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau et M. de Voltaire. » pp. 47-58

Rousseau, le plus jaloux des hommes, en est désespéré ; il cherche les moyens de le détruire. […] Peut-être aussi que Rousseau ne cherchoit point à tendre de piège, & qu’il croyoit que l’intérêt partagé ne nuisoit point à un poëme.

740. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Léon Feugère ; Ambroise-Firmin Didot »

Et qu’est ce livre de la Conformité du langage français avec le grec, sinon, sous la forme la plus innocente, car elle est la plus superficielle, la preuve, essayée vainement par un érudit, de cette origine et de cette descendance que les païens de la Renaissance ont toujours cherché à établir entre le monde moderne et l’antiquité ? […] Sous la pression de tant de détails, elle prend l’aspect d’une vaste nomenclature, abordable, sans doute, à l’énergique personnalité des gens spéciaux qui cherchent les informations dont ils ont besoin à travers toutes les broussailles, mais elle doit, par son continuel entassement et par sa sécheresse, repousser cette masse flottante de lecteurs qui, en fin de compte, est le véritable public.

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