/ 2170
1985. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

On n’aperçoit plus sous ses récits les angoisses et les brutalités que les événements recèlent ; le conte file prestement, éveillant un sourire, puis un autre, puis encore un autre, si bien que l’esprit tout entier est emmené, d’un mouvement agile et facile, du côté de la belle humeur. […] Regardez maintenant ce qu’entre ces mains flétrissantes deviennent les plus précieuses fleurs. « La musique, la peinture, la poésie, sont agréables comme imitations qui rappellent le passé, parce que, si le passé à été bon, il est agréable en imitation comme bon, et que, s’il a été mauvais, il est agréable en imitation comme passé. » C’est à ce grossier mécanisme qu’il réduit les beaux-arts ; on s’en est aperçu quand il a voulu traduire l’Iliade. […] VII Quand les théâtres, fermés par le parlement, rouvrirent, on s’aperçut bientôt que le goût avait changé. […] Quand on a écarté les phrases d’auteur tout oratoires et pesamment composées d’après les Français, on aperçoit le vrai talent anglais, le sentiment poignant de la nature et de la vie.

1986. (1902) Le critique mort jeune

Ses regards distraits errent sur la rive ; elle feint d’apercevoir pour la première fois les deux étrangers ; le rouge monte à ses joues ; elle détache ses cheveux qu’un nœud rassemblait sur sa tête ; ils tombent et couvrent d’or l’ivoire de son col ; que de charmes disparaissent ! […] L’utopiste, le « dormeur éveillé », n’a rien vu de la désorganisation qui se faisait à son foyer : quand il s’en aperçoit, et seulement après un éclat, il n’y comprend rien encore. […] Jules Lemaître au préambule de son livre. « J’ai vu de près des réalités que je n’avais aperçues que de loin ; j’ai touché du doigt les conséquences de certaines idées de Rousseau ». […] Il faudrait d’abord en exposer le plan, puis avertir le lecteur de l’abondante richesse d’idées et d’aperçus que contient ce livre.

1987. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Pour s’en apercevoir, et pour se sentir transporté dans un monde où la fiction ne recouvre plus la réalité, n’enveloppe et ne vêt que la fantaisie du romancier, il ne faut que passer de d’Urfé à Gomberville, et de l’Astrée à la Caritée, au Polexandre ou à la Cythérée. […]  » Comment ne s’est-il pas aperçu qu’il définissait en ces termes la casuistique même ? […] Bien loin, comme Descartes lui-même, de mettre à part et en dehors de la science les problèmes les plus généraux de la religion et de la morale, c’est à ces problèmes qu’ils se sont presque uniquement attachés ; — et cela seul suffit à mettre entre eux et lui bien plus de différences que les historiens du cartésianisme n’y ont aperçu de rapports. […] Je m’en suis bien aperçu quand, pour avoir insinué que la philosophie de Molière était ce que nous appelons une « philosophie de la nature », ils m’ont triomphalement objecté que je prêtais à Molière des idées plus jeunes que lui de quelque cent ans, et qu’ainsi je brouillais, tout à fait impertinemment, en y mêlant des traits du xviiie , la vraie physionomie du xviie  siècle. […] Et ce n’était pas enfin un « libertin » ordinaire, ou un vulgaire « épicurien », que le comédien qui rentrait à Paris, en 1658, pour n’en plus désormais sortir : il avait ses idées, il avait sa philosophie, il avait ses intentions de derrière la tête ; et tous ceux qu’il eût volontiers, comme autrefois Rabelais, traités de « matagots, cafards et chattemittes », n’allaient pas tarder à s’en apercevoir.

1988. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Pareillement, l’imitation de la vie n’y est pas plus fidèle, mais, comme l’inexactitude en est plus promptement aperçue ou sentie, il faut donc que la ressemblance y soit aussi plus apparente, et par conséquent le détail plus réel. […] Tous ses romans sont dramatiques ; — et pour apercevoir le prix de ce genre de mérite jusque dans l’Histoire de Sibylle, il suffit de la comparer à Mademoiselle La Quintinie. […] Ce fanatisme anti-chrétien est le seul trait de ressemblance que je puisse apercevoir entre Hugo et Leconte de Lisle. […] Dans la nature et dans l’histoire, mais surtout dans les religions, n’ayant aperçu que motifs de désespérer de Dieu, l’auteur des Poèmes antiques, des Poèmes barbares et des Poèmes tragiques est allé d’abord au fond de la doctrine. […] Paul Bourget, en définissant les caractères du roman psychologique, a voulu provoquer une discussion d’art, la critique en général a semblé ne pas s’en apercevoir, ni se douter seulement de l’intérêt ou de l’importance de ces idées.

1989. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Dans l’article que cette Revue a publié, si l’on s’en souvient, sur Mme de Charrière99, sur cette Hollandaise si originale et si libre de pensée, qui a passé sa vie en Suisse et a écrit une foule d’ouvrages d’un français excellent, il a été dit qu’elle connut Benjamin Constant sortant de l’enfance, qu’elle fut la première marraine de ce Chérubin déjà quelque peu émancipé, qu’elle contribua plus que personne à aiguiser ce jeune esprit naturellement si enhardi, que tous deux s’écrivaient beaucoup, même quand il habitait chez elle à Colombier, et que les messages ne cessaient pas d’une chambre à l’autre ; mais ce n’était là qu’un aperçu, et le degré d’influence de Mme de Charrière sur Benjamin Constant, la confiance que celui-ci mettait en elle durant ces années préparatoires, ne sauraient se soupçonner en vérité, si les preuves n’en étaient là devant nos yeux, amoncelées, authentiques, et toutes prêtes à convaincre les plus incrédules. […] Je crois, ma chère grand’mère, que ce mal est incurable, et qu’il résistera à la raison même ; je devrais en avoir quelque étincelle, car j’ai douze ans et quelques jours ; cependant je ne m’aperçois pas de son empire : si son aurore est si faible, que sera-t-elle à vingt-cinq ans ? […] Si alors de nouveaux Marat, Robespierre, etc., etc., viennent la troubler et qu’ils ne soient pas aussitôt écrasés qu’aperçus, j’abandonne l’humanité et j’abjure le nom d’homme. » 185.

1990. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

La Mothe-Le-Vayer, né en 1588 à Paris, avait été d’abord substitut du procureur général : on s’en apercevrait peut-être à son style qui sent quelque peu le Palais et le Parlement.

1991. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

Augier, par exemple), des tours d’opinions où chaque membre était appelé à improviser son feuilleton pour ainsi dire : chacun savait trouver son point de vue nouveau, son aperçu ; les hommes politiques avaient le leur, et souvent qui n’était pas le moins piquant.

1992. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Triste, dégoûté de tout, voyant sa sœur peu heureuse, sa mère peu consolante, craignant son père au point que, si au retour de ses courses sauvages il l’apercevait assis sur le perron, il se fût laissé tuer plutôt que de rentrer au château, le chevalier essaya en effet de mourir ; il s’enfonça dans un bois avec son fusil chargé de trois balles : l’apparition d’un garde l’interrompit.

1993. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Sous cet aspect, sa prévoyance et, comme l’a dit très-exactement Dumont, son étendue d’horizon politique, n’ont jamais été si évidentes qu’aujourd’hui, où, après tant d’efforts et d’épuisements, on s’aperçoit qu’on n’a presque fait que tourner dans un cercle douloureux.

1994. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

Il y a des endroits où, en marchant dans l’œuvre, dans le poëme, dans le roman, l’homme qui a le pied fait s’aperçoit qu’il est sur le creux : ce creux ne rend pas l’écho le moins sonore pour le vulgaire.

1995. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

On s’apercevait trop bien que cette loi n’était qu’une fille adoptive, qui n’était point secourue par ses vrais auteurs.

1996. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

D’après les aveux officiels, le déficit annuel était de soixante-dix millions en 1770, de quatre-vingts en 1783565 : quand on a tenté de le réduire, ç’a été par des banqueroutes, l’une de deux milliards à la fin de Louis XIV, l’autre presque égale au temps de Law, une autre du tiers et de moitié sur toutes les rentes au temps de Terray, sans compter les suppressions de détail, les réductions, les retards indéfinis de payement, et tous les procédés violents ou frauduleux qu’un débiteur puissant emploie impunément contre un créancier faible. « On compte cinquante-six violations de la foi publique depuis Henri IV jusqu’au ministère de M. de Loménie inclusivement566 » et l’on aperçoit à l’horizon une dernière banqueroute plus effroyable que toutes les autres.

1997. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

On les voyait glisser sur les eaux comme des fumées transparentes, puis se condenser au-dessus, et s’arrêter immobiles à la moitié des collines du détroit ; de sorte que par-dessous leur couche épaisse j’apercevais en Asie la base de la montagne du Géant, dont la cime semblait s’unir à l’Europe par un pont de nuages argentés.

1998. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

À ses premières publications, les hommes s’aperçurent qu’il n’était pas comme les autres hommes.

1999. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Il trouve la Trinité au Thibet, à Otaïti ; dans une dévotion populaire, il aperçoit une trace du culte des Dieux lares : il croit donner des appuis à la religion par ces rapprochements, et il ne se doute pas que, pour en ôter le ridicule, il en ruine la divinité.

2000. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

« Depuis cinquante ans que je demeure en France, disait à ce sujet Malherbe, je ne me suis point aperçu que la France se fût enlevée de sa place. » Il voulait que le poète ne se consumât point dans ce vain travail, et que la poésie, comme la prose, n’exprimât que des réalités.

2001. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Pasquier, qui ne s’en aperçoit pas dans Ronsard, en est frappé dans Montaigne.

2002. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Elle est sans colère contre ceux qui ne la pratiquent pas ; aussi ne l’aperçoit-on pas toujours, mais on la sent.

2003. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Il n’est pas mauvais que nous nous en apercevions quelquefois et que nous n’ayons point trop la prétention d’ériger en dogme éternel et immortel, nos opinions et nos goûts qui sont toujours affaire de temps, de lieu, de circonstances et qui relèvent même de notre fantaisie.

2004. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

Les écailles lui tombèrent des yeux et, soudainement, il s’aperçut qu’il avait vécu jusqu’à ce jour dans un rêve, qu’il était seul, qu’aucun lien n’existait entre le public pour lequel il écrivait et lui, entre ce théâtre dont le dégoût couvait dans son cœur depuis le premier jour de son entrée et le poète, le musicien, qui avait rêvé autre chose qu’un « établissement pour l’exploitation de l’art » ; même les « serrements de mains de ses amis » le laissaient sans consolation.

2005. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

mais quand je n’apercevrai que des hommes plus ou moins spirituels, intrigants, hâbleurs, vaniteux et, légers, viveurs et prodigues, des hommes de luxe et de fantaisie, jouant à la république comme ils joueraient à tout autre jeu, pariant de ce côté sans avoir le sérieux ni les habitudes du régime qu’ils appellent et qu’ils préconisent, je douterai et je sourirai.

2006. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

… Le joli causeur à la malice amusante que ce Banville, et tout ce qu’il raconte sur le théâtre qu’on ne lit pas, avec des aperçus si philosophiquement blagueurs, et les portraits si bien mordus à l’eau-forte qu’il enlève des comédiens et des comédiennes, et le délicieux comique et le parfait acteur qu’il est pour jouer ce monde des planches, et l’art unique qu’il a, avec son ironie flûtée et poignardante, d’exposer les dessous infâmes ou ironiques des choses des coulisses… Et les paradoxes charmants, énormes, stupéfiants, les paradoxes de lettré, où au fond de l’exagération hyperbolique, existe toujours un grain infinitésimal de vérité ou de bon sens, et qui sortent de sa bouche à tout moment.

2007. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

C’était l’enragement d’un homme de lettres, d’un fabricateur de livres, qui s’aperçoit qu’il ne peut plus même lire.

2008. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

Ils ont opéré la même scission entre dessin et dessein sans s’apercevoir, les pauvres gens, que la langue, incorrigible, recommençait exactement avec le mot plan les mêmes et indispensables confusions sans lesquelles les hommes cesseraient bientôt de se comprendre.

2009. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Leur vie est à la fois naïve et sublime ; ils célèbrent les dieux avec une bouche d’or, et sont les plus simples des hommes ; ils causent comme des immortels ou comme de petits enfants ; ils expliquent les lois de l’univers, et ne peuvent comprendre les affaires les plus innocentes de la vie ; ils ont des idées merveilleuses de la mort, et meurent sans s’en apercevoir, comme des nouveau-nés. » Ce qu’il faut exclure, c’est la théorie qui, dans l’art, demeure indifférente au fond.

2010. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Il avait engagé sa muse à gratter à la porte du roi, à montrer de loin son chapeau, à monter sur quelque chose pour être aperçue, à crier : Monsieur l’huissier !

2011. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

» Enfin c’est l’animal qui a continuellement peur, exactement comme le lièvre qui est si craintif que Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donne la fièvre et qu’il s’enfuit non pas devant un chien, mais devant l’ombre du chien, et qui, pourtant, redresse ses oreilles quand il s’est aperçu, passant le long d’un étang, qu’il effrayait les grenouilles.

2012. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Nous, venus après lui, moins inspirés, mais vivant plus près des choses qui vont éclore, nous voyons mieux, à cette heure, ce que de Maistre apercevait.

2013. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

… Du reste, dans cette lettre où le comte de Camors juge son fils, tout en voulant en faire un homme, un prince de ce monde, il laisse apercevoir qu’il n’a pas grande confiance dans l’énergie de sa progéniture, — ce qui rend plus imprudente encore et plus sotte sa théorie sur l’honneur : « Vous déferez-vous — dit-il à son fils — de cette faiblesse de cœur que j’ai remarquée en vous, et qui vous vient sans doute du lait maternel ? 

2014. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

À concevoir les choses sous leur aspect philosophique, on s’aperçoit que le groupe total (humanité) présuppose la liberté totale ; et inversement ; le facteur de l’espace et le facteur du temps coïncident en cette harmonie.

2015. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Des voyageurs ont pu apercevoir un grand singé se chauffer à quelque foyer naturel ou artificiel ; aucun n’a eu le spectacle d’un chimpanzé ou d’un gibbon entretenant volontairement un brasier encore moins essayant d’obtenir mécaniquement l’étincelle productrice du feu. […] Nous n’avions encore aperçu que l’homme ; nous entrevoyons l’humanité. […] Il ne faut pas abuser d’une telle idée ; il faut prendre garde de ne pas refaire le trop ingénieux Vieux-neuf d’Edouard Fournier où tant de belles précisions sont noyées dans un océan d’aperçus fallacieux. […] Peu à peu, on comprit que la question n’était pas de celles qui peuvent se résoudre avec des exemples historiques, et l’on s’aperçut aussi que les hommes de génie sont trop exceptionnels pour que l’on puisse, de l’examen de leurs facultés, conclure, à une thèse générale. […] Je me borne à exprimer, en souriant et tout bas, mon étonnement de ce que l’on ne s’est pas encore aperçu que le corps humain est une excellente machine électrique.

2016. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Le résultat de ses visites dans le faubourg Saint-Germain est de se voir éconduit comme un fou dangereux, au moment où il s’imagine avoir séduit tous les cœurs de femmes par les grâces de son imagination, et conquis les hommes par la profondeur de ses aperçus. […] J’ai rejeté, pour être clair, bien des aperçus nouveaux qui auraient fait grand plaisir à ma vanité.

/ 2170