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1394. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Que si vous regardez maintenant non plus un court moment comme tout à l’heure, mais quelqu’un de ces larges développements qui embrassent un ou plusieurs siècles, comme le moyen âge ou notre dernière époque classique, la conclusion sera pareille. […] C’est d’après cette loi que se forment les grands courants historiques, j’entends par là les longs règnes d’une forme d’esprit ou d’une idée maîtresse, comme cette période de créations spontanées qu’on appelle la Renaissance, ou cette période de classifications oratoires qu’on appelle l’âge classique, ou cette série de synthèses mystiques qu’on appelle l’époque alexandrine et chrétienne, ou cette série de floraisons mythologiques, qui se rencontre aux origines de la Germanie de l’Inde et de la Grèce. […] Si par exemple on admettait qu’une religion est un poëme métaphysique accompagné de croyance ; si on remarquait en outre qu’il y a certains moments, certaines races et certains milieux, où la croyance, la faculté poétique et la faculté métaphysique se déploient ensemble avec une vigueur inusitée ; si on considérait que le christianisme et le bouddhisme sont éclos à des époques de synthèses grandioses et parmi des misères semblables à l’oppression qui souleva les exaltés des Cévennes ; si d’autre part on reconnaissait que les religions primitives sont nées à l’éveil de la raison humaine, pendant la plus riche floraison de l’imagination humaine, au temps de la plus belle naïveté et de la plus grande crédulité ; si on considérait encore que le mahométisme apparut avec l’avènement de la prose poétique et la conception de l’unité nationale, chez un peuple dépourvu de science, au moment d’un soudain développement de l’esprit ; on pourrait conclure qu’une religion naît, décline, se reforme et se transforme selon que les circonstances fortifient et assemblent avec plus ou moins de justesse et d’énergie ses trois instincts générateurs, et l’on comprendrait pourquoi elle est endémique dans l’Inde, parmi des cervelles imaginatives, philosophiques, exaltées par excellence ; pourquoi elle s’épanouit si étrangement et si grandement au moyen âge, dans une société oppressive, parmi des langues et des littératures neuves ; pourquoi elle se releva au seizième siècle avec un caractère nouveau et un enthousiasme héroïque, au moment de la renaissance universelle, et à l’éveil des races germaniques ; pourquoi elle pullule en sectes bizarres dans la grossière démocratie américaine, et sous le despotisme bureaucratique de la Russie ; pourquoi enfin elle se trouve aujourd’hui répandue en Europe avec des proportions et des particularités si différentes selon les différences des races et des civilisations.

1395. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Il y eut assez d’unité morale, d’homogénéité sociale, pour que l’épopée, cette expression synthétique des époques primitives, se développât puissamment. […] Sauf les interpolations que la flatterie et l’intérêt peuvent introduire dans la rédaction des poèmes, les derniers événements dont le souvenir y soit élaboré en récits légendaires sont de cette époque. […] Ce lieu commun vivace regermera chez nous à chaque époque, et, dans un siècle comme le nôtre, idolâtre de l’enfance, deviendra d’une culture très facile et rémunératrice.

1396. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Lacaussade nous parle d’un rimeur « versé dans l’art d’Ovide », n’y eut-il pas, à cette époque, un certain Saint-Ange qui traduisit en vers les Métamorphoses ? […] Ou, plus exactement, j’écartais André-Charles, qui n’aurait eu que seize ans à l’époque du malheur de Marceline ; mais j’inclinais à croire que son père, le comte Auguste du Tirac, comte de Marcellus-Demartin, auteur d’Odes sacrées, de Cantates sacrées, et d’une traduction des Bucoliques de Virgile, étant né en 1776, pourrait bien être le séducteur cherché. […] Si l’on pouvait savoir à quelle époque elle changea le nom d’Hyacinthe en celui d’Ondine, on saurait peut-être, du même coup, la date de la guérison de son pauvre cœur.

1397. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

» * * * — Au dix-huitième siècle, en cette époque humanisée, l’exil est toujours attaché à la chute d’un ministre : l’exil, un châtiment qui n’est pas du temps, et où il y a la cruauté d’une époque barbare. […] M. de Zeddes me disait qu’en automne, à l’époque des tourmentes équinoxiales, il venait s’asseoir en ces combles, et y restait deux ou trois heures, englouti dans la volupté de ce grand bruit plaintif.

1398. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Car dans le panthéisme original de Poe, Dieu, suivant un rythme grandiose, tantôt se dissocie et s’immerge dans l’univers, cessant d’exister par cette incarnation dilatée, tantôt se concentre et se récupère en une unité mystique : Il fut une époque dans la nuit du temps, où existait un être éternel, — composé d’un nombre absolument infini d’êtres semblables qui peuplaient l’infini domaine de l’espace infini… De même qu’il est en ta puissance d’étendre ou de concentrer tes plaisirs (la somme absolue de bonheur restant toujours la même), ainsi une faculté analogue a appartenu et appartient à cet être divin, qui ainsi passe son éternité dans une perpétuelle alternation du Moi concentré, à une diffusion presque infinie de Soi-Même. […] L’on oublie, devant ce magistral artifice, que l’Eurêka possède une certaine valeur scientifique, que l’hypothèse nébulaire s’y trouve défendue à une époque où elle paraissait compromise, qu’à la page 143. […] Si l’amour sain, doux et heureux manque aux écrits de Poe, on n’y trouve pas non plus, malgré leur diabolisme et leur cruauté, leurs monstres et leurs grotesques, l’élément qui accompagnent les grylles de toutes les époques, l’obscénité.

1399. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Deuxième leçon »

Si la puissance prépondérante de notre organisation ne corrigeait, même involontairement, dans l’esprit des savants, ce qu’il y a sous ce rapport d’incomplet et d’étroit dans la tendance générale de notre époque, l’intelligence humaine, réduite à ne s’occuper que de recherches susceptibles d’une utilité pratique immédiate, se trouverait par cela seul, comme l’a très justement remarqué Condorcet, tout à fait arrêtée dans ses progrès, même à l’égard de ces applications auxquelles on aurait imprudemment sacrifié les travaux purement spéculatifs ; car les applications les plus importantes dérivent constamment de théories formées dans une simple intention scientifique, et qui souvent ont été cultivées pendant plusieurs siècles sans produire aucun résultat pratique. […] L’ordre dogmatique ne peut, en effet, être suivi d’une manière tout à fait rigoureuse ; car, par cela même qu’il exige une nouvelle élaboration des connaissances acquises, il n’est point applicable, à chaque époque de la science, aux parties récemment formées dont l’étude ne comporte qu’un ordre essentiellement historique, lequel ne présente pas d’ailleurs, dans ce cas, les inconvénients principaux qui le font rejeter en général. […] Chaque siècle ne compte qu’un bien petit nombre de penseurs capables, à l’époque de leur virilité., comme Bacon, Descartes et Leibnitz, de faire véritablement table rase pour reconstruire de fond en comble le système entier de leurs idées acquises.

1400. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Le Pymandre, livre assez peu intelligible, attribué à Mercure, mais qui paraît avoir été composé dans les premiers siècles de l’Église, c’est-à-dire à une époque où une foule de traditions graduellement défigurées et affaiblies finissaient, et où l’on cherchait à les faire revivre en les rattachant au christianisme ; ce livre, qui contient, quoi qu’il en soit, les éléments de la philosophie hermétique, fait de la pensée et de la parole une émanation directe de Dieu. […] Remarquons en même temps qu’à cette époque sinistre, où, pour me servir d’une expression énergique employée par nos vieux traducteurs de la Bible en parlant du déluge, remarquons, dis-je, qu’à cette époque où le génie antisocial avait résolu de racler toutes les institutions humaines, la voix des traditions anciennes se faisait encore entendre.

1401. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

Il ne s’y agit plus de Carthage, dont nous ne savons rien ou presque rien ; il s’y agit de la vie moderne, et d’une époque (1848) par laquelle nous avons passé. Or, qu’a vu Flaubert dans cette époque ? […] Il a eu la haine et le mépris du bourgeois autant que ceux qui les ont eus le plus à cette époque de leur règne.

1402. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Celui qui, dit-on, a posé pour le duc de Mora dans Le Nabab, n’a-t-on pas prétendu, à une autre époque, qu’il avait aussi posé pour le de Marsay de Balzac ? […] C’est le Nabab de notre pays, et d’une époque qui jouirait de toutes les adorables platitudes de l’égalité, si l’argent n’était pas comme la seule montagne qui fasse ici bomber le sol. […] … Chose heureuse, d’ailleurs, et d’importance, en cette époque où la littérature, vieille et décadente, a la prétention d’être moderne par rage d’être décrépite, cette question d’histoire, qui pouvait porter dans ses entrailles la fortune d’un romancier, est une question moderne, pour le coup !

1403. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Eh bien, que l’on compare, si on l’ose, ce traité du gentilhomme, ce rituel mondain de l’aristocratie anglaise, avec le traité de Balzac, et on verra si l’abîme qui sépare ces deux livres vient uniquement du mouvement des temps et de la différence des époques, mais s’il ne tient pas plutôt au fond même des notions de l’écrivain ! Je sais bien que lord Chesterfield, ce vieux damoiseau du xviiie  siècle, avec sa manière de concevoir la vie élégante de son temps (car il n’y a pas de vie élégante absolue), a fait plus d’une fois sourire la race orgueilleuse de ces « Beaux » de l’époque du prince de Galles et de Brummell, qui cherchèrent et trouvèrent leur expression littéraire dans les premiers romans de Bulwer. […] … Doré, qui est un artiste vrai, a pensé, lui, à bien autre chose qu’à daguerréotyper tout le mobilier d’une époque, armes et bagages, et il s’est mis à peindre, en pied et en esprit, les divers personnages des Contes, puis, s’inspirant des différentes scènes de ce drame multiple, à composer des tableaux.

1404. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Dans cette période qui suivit le déluge universel, les descendants impies des fils de Noé retournèrent à l’état sauvage, se dispersèrent comme des bêtes farouches dans la vaste forêt qui couvrait la terre, et par l’effet d’une éducation toute bestiale, redevinrent géants à l’époque où il tonna la première fois après le déluge. […] Les sciences doivent prendre pour point de départ l’époque où commence le sujet dont elles traitent34. […] Ils commencent par les nations déjà formées et composant dans leur ensemble la société du genre humain, tandis que l’humanité commença chez toutes les nations primitives à l’époque où les familles étaient les seules sociétés et où elles adoraient les dieux majorum gentium.

1405. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

L’homme qui devait renouer la chaîne et relever l’entreprise monarchique à sa manière, Richelieu connut Sully à cette époque d’irrésolution et de désarroi, et il l’a jugé avec dureté. […] Comme tous les hommes qui ont manié les grandes affaires et pris part à une belle et mémorable époque, il la proclamait incomparable ; il était indigné quand il voyait des écrivains inexacts, légers, mercenaires, parler inconsidérément de ces choses et de ces hommes au gré des intérêts divers et nouveaux.

1406. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

On y voit Milan depuis 1796, époque de la première campagne d’Italie, jusqu’en 1813, la fin des beaux jours de la cour du prince Eugène. […] Il y a des époques d’artistes, il en est d’autres qui ne produisent que des gens d’esprit, d’infiniment d’esprit si vous voulez. » Beyle répondait à cette théorie désespérante dans une lettre insérée au Globe le 31 mars 1825 : Pour être artiste après les La Harpe, il faut un courage de fer.

1407. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Elle revint à diverses époques sur ce récit qu’elle se faisait à elle-même, et le continua jusqu’au moment où elle devint margrave, et où son frère ensuite monta sur le trône. […] Ce fut la belle époque et la plus littéraire du règne de Frédéric : c’est alors qu’il cherche à rassembler autour de lui l’élite des hommes distingués de son temps, et qu’il semble un instant près d’y réussir.

1408. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Taine excelle à situer les auteurs qu’il étudie, dans leur époque et dans leur moment social, à les y encadrer, à les y enfermer, à les en déduire : ce n’est pas seulement chez lui une inclination et une pente, c’est un résultat de méthode et une conséquence qui a force de loi. […] Il en est de même pour les hommes et pour les esprits qui vivent dans le même siècle, c’est-à-dire sous un même climat moral : on peut bien, lorsqu’on les étudie un à un, montrer tous les rapports qu’ils ont avec ce temps où ils sont nés et où ils ont vécu ; mais jamais, si l’on ne connaissait que l’époque seule, et même la connût-on à fond dans ses principaux caractères, on n’en pourrait conclure à l’avance qu’elle a dû donner naissance à telle ou telle nature d’individus, à telles ou telles formes de talents.

1409. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

De même que M. d’Estrades, à l’époque de la conquête de Louis XIV, savait cette particularité si essentielle, ce secret des écluses dont la clef était à Muyden (mais il ne fut pas interrogé à temps), de même un homme dont on ne doit parler qu’avec bien de l’estime, le Père Griffet, continuateur du Père Daniel pour l’Histoire de France, l’excellent historien de Louis XIII, celui qui, sans l’exil qui le frappa avec tous les jésuites, allait nous donner un règne de Louis XIV de première main, le Père Griffet avait connu ces sources, y avait puisé et en avait tiré huit volumes de lettres qui sont imprimés (1760-1764) ; mais ces huit volumes, trop peu consultés eux-mêmes, sont peu de chose eu égard à l’immensité du dépôt. […] Et qui dit Louvois, dit en même temps tous les hommes importants de son époque, qui étaient en correspondance suivie avec lui, de sorte qu’on tient d’un même coup de filet toute la politique et toute l’histoire militaire de la plus belle période de ce grand règne.

1410. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Quant à l’époque intermédiaire et aux alentours, à ce qui se prêchait un peu avant Bourdaloue ou à côté, les jugements de l’abbé Legendre aideront beaucoup à s’en faire une idée précise. […] Il aimait plus tard à raconter gaiement comment il avait dû, à cette époque, emprunter plus d’une fois à des amis.

1411. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Ainsi d’époque en époque, de trente en trente années, on saurait les recommencements, les ardeurs premières et les folles cocardes de chaque jeunesse, ce qui faisait que son rêve délirant n’était pas tout à fait le délire d’une jeunesse qui avait précédé.

1412. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Eh bien, il caractérise la personne ou l’époque ; laissez-le… » Cela est juste à la rigueur, mais cela est dit d’un ton bien solennel et vraiment un peu déclamatoire. […] D’autres passages, relatifs à l’époque de la puberté, déjà donnés, puis ôtés, puis remis tour à tour par les précédents éditeurs, se trouvent entièrement rétablis par M. 

1413. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

M. de Lamartine a là-dessus une fort belle page41 : c’est au point de départ de la jeune fille et à l’époque où Manon Phlipon voyait encore le monde et ses horizons lointains de sa fenêtre du quai de l’Horloge : « Du fond de cette vie retirée, elle apercevait quelquefois le monde supérieur qui brillait au-dessus d’elle ; les éclairs qui lui découvraient la haute société offensaient ses regards plus qu’ils ne l’éblouissaient. […] Formé par la double lecture de Plutarque et de Jean-Jacques, admirant également Montesquieu et Mably et les mettant sur la même ligne, Buzot a tous les nobles préjugés, toutes les lumières incomplètes de son époque : il est, lui aussi, de Rome et de Sparte plutôt qu’un législateur moderne ; mais de près, dans la familiarité sérieuse, il pouvait avoir un certain charme contenu et voilé, et Mme Roland le subit.

1414. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Fils d’un père explorateur hardi dans la région des idées et l’un de ceux qui méritent le plus de compter dans le mouvement intellectuel de notre époque, il a dirigé de bonne heure son activité sur un champ plus positif et plus défini. […] Jeune encore, à l’époque des grandes guerres du premier Empire français, il était à Ghadamès au milieu d’une réunion d’hommes graves, lorsqu’on apporta la nouvelle d’une reprise d’hostilités entre les chrétiens. « Tant mieux 1 dit un vieux marchand, puissent-ils s’entre-tuer jusqu’au dernier ! 

1415. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Et nous tous, qui que nous soyons, nés heureusement à une époque d’égalité, — de presque égalité, — quand nous avons à juger ces régimes antérieurs et les hommes qui en font partie, qui nous les représentent par des aspects criants, justice est que nous nous disions : Qu’aurions-nous été nous-mêmes, qu’aurions-nous fait, si nous étions venus dans des conditions pareilles où l’on se croit tout permis ? […] Rochambeau, fort intéressant pour nous dans cette partie de ses Mémoires, raconte une anecdote qui caractérise bien les mœurs et procédés militaires de l’époque ; les princes du sang y conservaient jusque dans les hasards de la guerre, leurs immunités et privilèges : « Le maréchal de Saxe envoya demander au prince Charles des sauvegardes, qu’il envoya honnêtement au nombre de cinquante hussards, auxquels on joignit cinquante cavaliers du colonel général, sous le même titre de sauvegarde.

1416. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Et quant à l’époque de l’Empire, je citerai un autre témoin encore, impartial et même favorable, le comte de Senfft, ministre de Saxe à Paris en 1806, et ensuite ministre des affaires étrangères à Dresde. […] Il y eut, vers l’époque du divorce, une scène qui n’eut pour témoins que le duc de Bassano et le comte de Ségur, et que tous deux ont racontée depuis.

1417. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

remy n’ait pas été à cette époque en âge de se former un avis ; on peut conjecturer, au ton dont il en parle, que cette supposition ne lui aurait pas déplu ; ce qui est bien certain, c’est que M. […] André Chénier, en effet, à le prendre comme un de nos contemporains, selon la fiction qu’on aime, serait du groupe de Béranger, Victor Hugo et Lamartine ; c’est un des quatre, si l’on veut, et à ce titre il ne représenterait qu’un des côtés de la poésie de notre époque, ce qui est tout différent.

1418. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

La grande époque de notre ancien théâtre, au moins par l’éclat des représentations, par le goût déclaré du peuple, par le nombre ou le développement des pièces qui nous sont conservées, est le xve  siècle ou plutôt le siècle qui s’étend de la moitié du xve à la moitié du xvie  : le genre dramatique, abstraction faite de la valeur poétique et littéraire des œuvres, se développe le dernier, à l’extrême limite du moyen âge. […] Pour cette rareté dans l’époque qui nous occupe, pour un peu de fine sensibilité, l’« histoire de Griselidis » est à lire.

1419. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Il l’aime un temps, puis est repris par la peinture, se détache de sa compagne, la fait horriblement souffrir sans le savoir, et, après des années d’efforts douloureux et d’essais avortés, convaincu enfin et désespéré de son impuissance, se pend devant son grand tableau inachevé  Le milieu où se déroule le drame, c’est le monde des artistes (peintres, sculpteurs, hommes de lettres)  L’époque, c’est la fin du second empire. […] Zola est captif d’une doctrine, captif d’une époque, captif d’une famille, captif d’un plan.

1420. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

On pourrait peut-être aussi tirer de là quelques considérations sur les rapports qui unissent maintenant notre prose et notre poésie : car il est évident que la prose avait pris les devants sur la poésie ; et peut-être trouverait-on qu’il en a été de même à une autre époque de formation, à la grande époque du Dix-Septième Siècle.

1421. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Et, en sa bonne époque, il agita souvent d’un geste robuste la vie élémentaire et formidable d’une foule. Peut-être Paul Adam se croit-il un pouvoir semblable à celui de faire grouiller la vie d’une époque.

1422. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Tailhade reproche volontiers à notre époque « son absence totale d’aristocratie ». […] Il proclame prochaine l’époque où montera vers le soleil « avec les chœurs et les parfums de Cybèle rajeunie, la pieuse allégresse du banquet où l’Homme, à jamais débourbé des dogmes et des lois, communiera, dans une agape généreuse, avec l’humanité ».

1423. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

« Un homme qui ne se croit pas tombé du ciel, dit-il, qui ne date pas l’époque du monde du jour de sa naissance, doit être curieux d’apprendre ce qui s’est passé dans tous les temps et dans tous les pays. » Tout homme doit au moins se soucier de ce qui s’est passé avant lui dans le pays qu’il habite. […] Quand il en vient aux époques de la Réforme, de la guerre de Trente Ans, l’historien-roi définit en peu de mots ces grands événements par leurs traits généraux et dans leurs principes réels ; toujours et partout il démêle le fond d’avec les accessoires.

1424. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Chaque grande époque produit de ces esprits qui sont faits avant tout pour la servir, qui s’en enflamment, qui s’en enivrent, et qui ne datent que d’elle en quelque sorte. […] Il nous montre le procédé par lequel on les fabrique, et, si cette raillerie ne saurait en aucun temps atteindre les dignes et véritables érudits, elle frappait d’aplomb sur « un certain peuple tumultueux de savants » qui, à cette époque, se maintenait encore.

1425. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Dans les mémoires qu’il adressa à ce sujet à la Convention, et qu’il divisa en six Époques, il lui arrive (chose inattendue et singulière !) […] On lit à la fin de sa sixième Époque ou de son sixième mémoire, après un quatrain digne de Pibrac, cette signature pleine d’innocence : « Le citoyen toujours persécuté, Caron Beaumarchais. — Achevé pour mes juges, à Paris, ce 6 mars 1793, l’an second de la République. » Tout rempli de son unique objet, il ne se représente pas au juste ce que c’est que la Convention nationale ; ce qui étonne, c’est qu’il y ait sauvé sa tête.

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