« Le roi de Prusse, l’impératrice de Russie, toutes les grandeurs, toutes les célébrités de la terre reçoivent à genoux, comme un brevet d’immortalité, quelques mots de l’écrivain qui vit mourir Louis XIV, tomber Louis XV et régner Louis XVI, et qui, placé entre le grand roi et le roi martyr, est à lui seul toute l’histoire de France de son temps.
Tandis que pour cette tâche, en effet, M. de Bonald était trop purement métaphysicien, M. de Chateaubriand trop distrait et profane, M. de Maistre d’une lecture peu accessible et alors presque inconnu, voilà que s’élevait un théologien ardent, unissant la hauteur des vues au caractère pratique, écrivain, raisonneur et prêtre, empruntant à Port-Royal, aux gallicans et à Jean-Jacques les formes claires, droites et françaises de leur logique et de leur style, les emplissant par endroits d’une invective de missionnaire, catholique d’ailleurs en doctrine comme Du Perron et Bellarmin.
Sue au contraire a toujours, avec une convenance parfaite, essuyé la critique sans la braver ; il n’y a jamais en aucune préface riposté avec aigreur ; homme du monde et sachant ce que valent les choses, il a obéi à son talent inventif d’écrivain et de conteur sans faire le grand homme à tout propos.
C’est le propre des écrivains de cet ordre d’avoir pour eux la presque unanimité des suffrages, tandis que leurs illustres adversaires qui, plus hauts qu’eux en mérite, les dominent même en gloire, sont à chaque siècle remis en question par une certaine classe de critiques.
Ce génie, dans son idéal complet (et Bayle réalise cet idéal plus qu’aucun autre écrivain), est au revers du génie créateur et poétique, du génie philosophique avec système ; il prend tout en considération, fait tout valoir, et se laisse d’abord aller, sauf à revenir bientôt.
Les grands écrivains, deux siècles après, ont admis et fait admettre le genre simple ; et le discours du sauvage qui s’écriait : dirons-nous aux ossements de nos pères, levez-vous et marchez à notre suite ?
En effet, on le croyait raisonnable et même bon par essence Raisonnable, c’est-à-dire capable de donner son assentiment à un principe clair, de suivre la filière des raisonnements ultérieurs, d’entendre et d’accepter la conclusion finale, pour en tirer soi-même à l’occasion les conséquences variées qu’elle renferme : tel est l’homme ordinaire aux yeux des écrivains du temps : c’est qu’ils le jugent d’après eux-mêmes.
Jean-Jacques Rousseau ne fut qu’un écrivain chimérique, rédigeant bien des phrases, incapable de rédiger une loi.
De même les nouveautés de sa syntaxe seraient singulièrement diminuées, si l’on en retranchait ce qui est purement et simplement laisser-aller ou inadvertance, les constructions rompues ou boiteuses qui résultent moins du choix que de la paresse de l’écrivain, ce que lui-même n’eût pas donné comme un précédent, même pour lui-même.
Si nous appelons génie l’instinct que traduit une parole spontanée et nouvelle et talent la faculté d’ordonner, d’harmonier les mots, les images et les sons, on décidera que tout écrivain créateur, s’il veut faire œuvre pérennelle, doit avoir à un égal degré talent et génie, qu’il doit être à la fois artiste et poète, subjectif puisqu’il est trouveur et conscient aussi des masses objectives pour douer sa trouvaille d’une forme aux justes proportions.
Et un écrivain aussi a très bien défini Saint-Just : « C’est un monstre bien peigné et qui débite des apophtegmes. » Dans sa parole brève, concise et coupante, et assez habilement relevée de rares images, il ne doutait de rien : Travaillons enfin pour le bonheur du peuple, disait-il magistralement, et que les législateurs qui doivent éclairer le monde prennent leur course d’un pied hardi, comme le soleil.
La Fontaine a connu et Montaigne et Rabelais, et Bonaventure des Périers, Beroalde de Verville, de Noël du Fail, et un très grand nombre d’écrivains du seizième siècle, et l’on voit qu’il en est épris.
Si les esprits contemporains n’étaient pas troublés et rompus jusqu’à l’axe même, il suffirait, sur Eugénie de Guérin, de cette page où l’écrivain oublie jusqu’à la langue qu’il emploie et se sert des mots comme d’un doigt pour montrer les choses.
Qu’un commerce constant et réglé par les usages mondains mette en présence, dans les salons du xviiie siècle, le roturier et le gentilhomme, et ils se rapprocheront insensiblement ; c’est ainsi que, plus encore peut-être que leurs théories, la vie mondaine de nos grands écrivains préparait le succès des idées égalitaires.
Si jamais un écrivain a hérité d’un lecteur, il a fallu que le lecteur le connût, le fréquentât, approchât du corps de cet esprit. […] Et involontairement, pendant qu’il parlait, nous pensions comme un seul article d’une plume amère et vraie, un coup d’épingle de sincère honnête homme dégonflerait ce ballon de blague d’un martyr à trente mille francs de traitement, — un article où l’on rappellerait que, seul parmi, les lettrés, ce Sainte-Beuve a été l’écrivain qui, en 1852, pendant la terreur blanche de l’écriture littéraire, lors de notre poursuite en police correctionnelle, lors de la poursuite de Flaubert, en ce temps du silence, de la servitude universelle, a été, on peut le dire, le souteneur autorisé du régime.
Dumas, qui fait qu’ils ne vivent pas seulement de la vie des personnages qu’ils mettent aux prises, mais que l’âme même de l’écrivain, toute son âme, s’y agite intérieurement ; et qu’ils n’intéressent pas seulement notre esprit et qu’ils n’émeuvent pas seulement notre cœur, mais remuent toute notre conscience dans ses profondeurs les plus secrètes. […] Mais l’écrivain fait son œuvre avec je ne sais quoi dont il n’est pas sûr et qui peut sans cesse se dérober. […] Moi, je trouve le cas du grand écrivain on ne peut plus intéressant, — je dirai même touchant, pour peu que vous me pressiez. […] Si maintenant vous voulez pénétrer jusqu’au fond de l’œuvre, vous la trouverez intéressante de deux façons : par la bizarrerie de l’idée principale qui reste obscure, ou du moins inexpliquée, et par l’étrangeté du sentiment dominant qui, en revanche, est fort clair et nous fait entrer assez avant, ce me semble, dans l’âme de l’écrivain. […] Cette bizarrerie s’explique par l’invincible sentiment de pudeur qui est, comme j’ai dit, au fond de l’œuvre et qui paraît surtout par l’effort que fait l’écrivain pour se mettre au-dessus.
Les principaux écrivains qui travaillèrent en France pour le théâtre, de 1548 à 1588, époque de transition, sont : Fonteny, ancien confrère de la Passion, qui fit paraître, en 1587, le Beau Pasteur, la Chaste Bergère et Galathée, assez ennuyeuses pastorales. […] Parmi les écrivains d’un mérite relatif qu’il avait à sa dévotion, se trouvait Jean Desmarets de Saint-Sorlin, né en 1595, qui dut à son crédit auprès de lui, d’être contrôleur-général de l’extraordinaire des guerres, secrétaire-général de la marine du Levant, et l’un des premiers des quarante immortels. […] C’est à des écrivains de cette trempe que le siècle doit être redevable de l’annonce et de la réclame qui sont en si grand honneur de nos jours, et sans lesquelles le bon public rejette impitoyablement tout ouvrage. […] Cette pièce a du mérite et eut du succès, ce qui n’empêcha pas la Gazette Burlesque, le Charivari de cette époque, d’en rendre compte ainsi qu’il suit : L’histoire d’Endymion, Qui, selon mon opinion, Est celle de tout le monde, En plusieurs beaux traits est féconde, Et fait juger Monsieur Gilbert Écrivain tout à fait expert.
Comparez à nos sobres écrivains cette phrase que je traduis au hasard dans un dialogue tranquille215 : « Chaque vie particulière est tenue de se garder contre le mal avec toute la force et toutes les armes de sa pensée ; à bien plus forte raison, l’âme de qui dépendent et sur qui reposent tant de vies. […] Nous autres, écrivains et raisonneurs, nous pouvons noter précisément par un mot chaque membre isolé d’une idée et représenter l’ordre exact de ses parties par l’ordre exact de nos expressions : nous avançons par degrés, nous suivons les filiations, nous nous reportons incessamment aux racines, nous essayons de traiter nos mots comme des chiffres, et nos phrases comme des équations ; nous n’employons que les termes généraux que tout esprit peut comprendre et les constructions régulières dans lesquelles tout esprit doit pouvoir entrer ; nous atteignons la justesse et la clarté, mais non la vie. […] C’est pourquoi, aux yeux d’un écrivain du dix-septième siècle, le style de Shakspeare est le plus obscur, le plus prétentieux, le plus pénible, le plus barbare et le plus absurde qui fut jamais.
Vous n’avez pas seulement jugé son talent avec cette sûreté de coup d’œil et d’analyse d’un maître, vous avez aussi apprécié son caractère avec une justice et une bienveillance qu’il n’a pas toujours rencontrée dans les écrivains de son camp.
La place qu’ils occupent à l’Institut leur fait croire qu’ils sont au pinacle, et ils considèrent les livres qu’on leur envoie comme un hommage qu’on leur doit, et qui ne les engage à rien. » Il a souvent l’occasion de rencontrer Chateaubriand chez Mme de Duras ou chez Mme de Vintimille ; il l’entend causer, et il revient, à son sujet, de quelques-unes des préventions que lui avaient inspirées les livres brillants, mais de parti pris, de l’illustre écrivain.
Mais un écrivain breton que de ce temps-là je tenois avec moi en faisoit des copies secrètement, lesquelles, comme je découvris depuis, il vendoit aux gentilshommes françois qui pour lors étoient à Rome, et M. de Saint-Ferme même fut le premier qui m’en avertit.
Enfin, avec les écrivains français de cette époque, on est sans cesse exposé à les croire originaux, si on n’est pas tout plein des anciens ou des modernes d’au-delà des monts.
En effet, à de certains moments, pendant une demi-seconde, on croit voir des objets réels ; je l’éprouvais tout à l’heure, et les artistes, les écrivains, tous ceux qui ont la mémoire exacte et lucide, savent bien qu’il en est ainsi ; une personne nerveuse, qui a subi une opération chirurgicale ou quelque accident tragique, porte le même témoignage18 ; l’acuité du souvenir est telle que parfois elle pâlit et jette des cris.
Toutes les fois que l’auteur a besoin d’un personnage, il l’appelle du fond du néant, comme dans les contes de fées ou comme dans les contes de Voltaire, et le personnage obéit contre toute vraisemblance au signe de l’écrivain.
Jeune encore, il fit briller, au milieu des ténèbres de la barbarie qui s’étaient étendues sur toute l’Italie, une simplicité de style, une pureté de langage, une versification heureuse et facile, un goût dans le choix des ornements, une abondance de sentiments et d’idées, qui firent encore une fois revivre la douceur et les grâces de Pétrarque. » Si l’on ajoute à ces témoignages respectables les considérations suivantes, que les deux grands écrivains dont on prétend établir la supériorité sur Laurent de Médicis employèrent principalement leurs talents dans un seul genre de composition, tandis qu’il exerça les siens dans une foule de genres différents ; que, dans le cours d’une longue vie consacrée aux lettres, ils eurent le loisir de corriger, de polir, de perfectionner leurs ouvrages, de manière à les mettre en état de supporter la critique la plus minutieuse, tandis que ceux de Laurent, presque tous composés à la hâte, et, pour ainsi dire, impromptu, n’eurent quelquefois pas l’avantage d’un second examen, on sera forcé de reconnaître que l’infériorité de sa réputation comme poëte ne doit pas être attribuée à la médiocrité de son génie, mais aux distractions de sa vie publique.
Son dessein était de « prouver que, de toutes les religions qui ont jamais existé, la religion chrétienne est la plus poétique, la plus humaine, la plus favorable à la liberté, aux arts et aux lettres ; que le monde moderne lui doit tout ; … qu’il n’y a rien de plus divin que sa morale, rien de plus aimable, de plus pompeux que ses dogmes, sa doctrine et son culte ; … qu’elle favorise le génie, épure le goût, développe les passions vertueuses, donne de la vigueur à la pensée, offre des formes nobles à l’écrivain, et des moules parfaits à l’artiste649…. » Ce vaste dessein d’apologie se développait à travers quatre parties : Dogmes et doctrines, Poétique, Beaux-Arts et Littérature, Culte.
On a vu aussi de fins ironistes, délicats écrivains, se jeter naguère dans la bataille des partis.
Les historiens, les critiques, les polygraphes, les écrivains d’histoire littéraire devront y trouver place 68.
Edouard Rod (1857-1910) est un écrivain et critique suisse.
Pour cette propagande, nous avons demandé la collaboration de ceux de nos écrivains que le public connaît, aime et admire comme défenseurs de la cause Wagnérienne.
Tandis que, pendant le second empire, le public courait entendre les opéras de Meyerbeer, d’Auber et de Gounod, des critiques, de jeunes écrivains et même des musiciens cherchaient du nouveau, et, comme Wagner leur en offrait une ample provision, ils se firent ses adeptes.
Macaulay parle d’un écrivain anglais dont la mémoire était à la fois extrêmement puissante et extrêmement faible au déclin de sa vie.