Il redevint l’un et l’autre après les Cent-Jours, et fut de plus nommé conseiller d’État. […] Si on le prenait au mot et si l’on s’emparait de ses aveux au pied de la lettre, il serait l’homme le plus impropre aux affaires qui y ait jamais été mêlé ; mais, capable ou non dans tel ou tel emploi particulier, il est certes le moins homme d’État de tous les hommes.
Chapelain donc, écrivant au docte Nicolas Heinsius, « secrétaire latin de messieurs des États à la Haye », portait ce jugement péremptoire qui embrassait et sapait l’entreprise du fécond traducteur dans les douze premières années, qui sont encore les moins mauvaises de toutes (2 janvier 1659) : Cette traduction française de Stace par l’abbé de Marolles est un de ces maux dont notre langue est affligée. […] [NdA] Mémoires inédits et opuscules de Jean Rou, avocat au Parlement de Paris, et depuis secrétaire-interprète des États généraux de Hollande, publiés par M.
Faute d’un trône, il ambitionnait d’être ministre d’État et le premier conseiller du roi ; son astre politique semblait au zénith à Versailles, vers l’an 1755. […] Il fit observer qu’on excluait les protestants de tous les avantages dont jouissent les sujets d’un État ; qu’un protestant ne pouvait pas contracter de mariage valide ; que ses enfants étaient réputés illégitimes ; qu’il ne pouvait exercer aucun emploi ni dans l’épée, ni dans la robe, ni dans l’Église ; qu’il faut cependant que chaque homme ait une patrie, et que, s’il ne la trouve pas où il est né, il a droit d’en chercher une ailleurs : de là, la résolution qu’il avait formée dès l’âge de quinze ans, et qu’il avait exécutée quelques années après en passant en Angleterre.
La citoyenne Boufflers donne un cheval à la nation. » En 1793, 21 mai, dans l’État de la recette faite par le citoyen Rouvaux, secrétaire greffier provisoire, sur la liste des secours offerts pour l’expédition de la Vendée, on trouve la citoyenne Boufflers mère portée pour 200 livres, et sa belle-fille pour 100 livres. […] Déchue et appauvrie peu à peu, elle avait été réduite à vendre sa jolie maison d’Auteuil à M. de Rayneval, le sous-secrétaire d’État et un moment ministre des affaires étrangères.
La religion de l’histoire, en ce qu’elle a de fondamental, repose sur des pièces authentiques, actes et papiers d’État, traités, instructions, dépêches et correspondances, etc. […] Nous y verrons un à un tous les fils dont se compose la trame la plus solide de l’histoire, le dessous et l’envers de la tapisserie ; nous apprendrons à y connaître au naturel quelques figures de diplomates guerriers, d’hommes d’État, gens d’esprit ou même écrivains originaux, que les récits du dehors et le spectacle de l’avant-scène laissaient à peine soupçonner43.
Elle engage Chimène à se désister de sa poursuite, et lui dit des paroles fort sensées ; ce qui était juste hier ne l’est plus aujourd’hui ; Rodrigue est devenu nécessaire à l’État. […] Le roi résiste d’abord à l’idée de duel, toujours par des raisons d’État, et aussi parce qu’après les services rendus il ne veut plus voir dans Rodrigue rien de coupable : « Les Maures, eu fuyant, ont emporté son crime. » Vers admirable qui dit tout, qui rachète bien des choses un peu trop paternes et débonnaires.
La théorie des deux morales, c’est-à-dire, pour parler net, le privilège accordé aux souverains et aux hommes d’État de manquer à la morale dans un intérêt public ou qu’ils estiment tel, peut être également l’erreur volontaire et calculée d’un prince selon Machiavel — ou l’illusion d’un mystique, comme paraît avoir été ce mélancolique empereur au souvenir de qui trop de douleur s’attache pour que nous puissions, nous, le juger en toute liberté d’esprit, mais qui, au surplus, se trouverait sans doute suffisamment jugé, si l’on regarde sa fin, par le mot de Jocaste à Œdipe : « Malheureux ! […] La haine du désordre républicain ne l’avait point jeté dans la réaction ; il avait voté le 10 décembre 1848 pour le général Cavaignac ; et aux plébiscites qui suivirent le coup d’État de décembre 1831, il avait voté non.
Il était une fonction de l’État. […] Ce n’est pas un renouveau de l’activité de la Grèce où la vie publique était fondée sur l’intérêt public, où les fêtes mêmes étaient celles de la religion de l’État.
Il était une fonction de l’État. […] Ce n’est pas un renouveau de l’activité de la Grèce où la vie publique était fondée sur l’intérêt public, où les fêtes mêmes étaient celles de la religion de l’État.
Il vit juste ; car il vit la solution suprême des problèmes de la politique contemporaine dans la liberté, non dans cette collision puérile où chacun invoque à son profit un principe dont il est bien décidé à ne pas faire profiter les autres, mais dans la vraie liberté, égale pour tous, fondée sur la notion de la neutralité de l’État en fait de choses spéculatives. […] Le premier, c’est le progrès continu de la laïcité, c’est-à-dire de l’État neutre entre les religions, tolérant pour tous les cultes et forçant l’Église à lui obéir en ce point capital ; le second, c’est la confirmation incessante que le ciel scientifique reçoit de toutes les découvertes, sans que le ciel théologique obtienne rien qui en étaye la structure chancelante. » « Je me résigne, ajoute-t-il, aux lois inexorables de la nature… La philosophie positive, qui m’a tant secouru depuis trente ans, et qui, me donnant un idéal, la soif du meilleur, la vue de l’histoire et le souci de l’humanité, m’a préservé d’être un simple négateur, m’accompagne fidèlement en ces dernières épreuves.
Lorsque, deux ans après, en 1744, il entra pourtant dans l’administration, d’abord comme ambassadeur à La Haye et vice-roi d’Irlande, puis même comme secrétaire d’État et membre du cabinet (1746-1748), ce ne fut qu’à titre plus spécieux que réel. […] Il écrivait à ce fils en toute sincérité : « Du premier jour de votre vie, l’objet le plus cher de la mienne a été de vous rendre aussi parfait que la faiblesse de la nature humaine le comporte. » C’est vers l’éducation de ce fils que s’étaient tournés tous ses vœux, toutes ses prédilections affectueuses et mondaines, et, vice-roi d’Irlande ou secrétaire d’État à Londres, il trouvait le temps de lui écrire de longues lettres détaillées pour le diriger dans les moindres démarches, pour le perfectionner dans le sérieux et dans le poli.
après Richelieu et sous Louis XIV, il rêvait pour elle un rôle législatif dans l’État, tel qu’elle eût pu l’avoir du temps de Clovis ou de Pépin. […] Ce qu’il avait surtout en horreur et à quoi il était le plus antipathique, c’était la platitude, la servilité, la bassesse, l’asservissement d’un chacun à ses plus étroits intérêts, la cabale personnelle et sans un but élevé, l’oubli, la ruine de tous et de l’État en vue de soi ; en un mot, ce qui faisait le grand fonds de corruption des cours, et ce qui peut-être n’a pas cessé d’être encore la plus grande plaie des hommes réunis en commun, voire même des assemblées dites constitutionnelles, nationales ou populaires.
M. de Bonald avait pris pour épigraphe cette phrase de Rousseau dans le Contrat social : « Si le Législateur, se trompant dans son objet, établit un principe différent de celui qui naît de la nature des choses, l’État ne cessera d’être agité jusqu’à ce que ce principe soit détruit ou changé, et que l’invincible nature ait repris son empire. » — M. de Bonald se réservait de prouver qu’ici la nature n’était autre chose que la société même la plus étroitement liée et la plus forte, la religion et la monarchie. […] Dans un chapitre intitulé « Des gens de lettres », il saisit très finement les qualités distinctives de cette nouvelle espèce, née ou développée seulement au xviiie siècle ; il dénonce les inconvénients d’un pareil corps vaguement introduit dans l’État et y devenant une puissance ; il essaie de la restreindre et d’assigner les termes dans lesquels il conviendrait, selon lui, de renfermer toute discussion littéraire, soit par rapport à la religion, soit par rapport aux mœurs.
Insistant sur les ressorts inexpliqués du cœur humain, sur ces mobiles d’amour-propre et d’honneur ou même de vanité, que l’orgueil de la raison s’attacha à détruire, mais que les hommes d’État savent créer et faire mouvoir, il les montrait en action sous Louis XIV, et regrettait que le temps fût passé où le grand roi, pour récompenser les services d’un maréchal de Villars, n’avait qu’à lui permettre simplement de paraître à son lever demi-heure avant les autres. […] M. de Vitrolles, qu’il croyait un homme d’État et qui n’a pas eu son jour, était un de ceux avec qui il aimait le mieux s’animer et remuer les dés de la politique.
Ces considérations qu’il présente ont de l’étendue et de la portée ; ne soupçonnant pas que Voltaire est derrière ces questions, il croit répondre à l’arrière-pensée dans laquelle Frédéric l’avait consulté, quand il insiste sur les fortes qualités du soldat russe et sur les circonstances militaires du pays : « Je tiens cet État invincible sur la défensive. » Le moment alors était glorieux pour la Russie ; c’était l’heure des victoires du comte de Münnich, de la prise d’Otchakov ; Frédéric, en sa retraite de Remusberg, en est ému ; il a beau faire l’indifférent et le sage, on s’aperçoit que le sang des Alexandre et des César commence à bouillonner en lui : J’ai reçu, mon cher, voire belliqueuse lettre ; je n’y vois que les triomphes du comte de Münnich et la défaite des Turcs et des Tartares. […] Enfin, Frédéric-Guillaume ayant succombé, et les premiers soins donnés aux affaires de l’État, Frédéric, quinze jours après son avènement, pouvait écrire à M. de Suhm : « Il ne dépend plus que de vous d’être à moi, et j’attends votre résolution pour savoir comment et sur quel pied vous voudrez l’être. » M. de Suhm, tel que nous le connaissons, n’avait qu’une réponse à faire, se démettre auprès de sa cour des fonctions dont il était chargé, et voler dans les bras de son ami.
Cuvier qui se rapporte à cet homme d’État est d’une analyse ingénieuse et mordante ; on a remarqué un parallèle entre le général d’armée et l’administrateur : d’Alembert, dans ses Éloges, n’eût pas mieux fait.
En 89, tout était à détruire, clergé d’État, noblesse à privilèges, monarchie prodigue et dévorante, parlements usurpateurs et stationnaires ; le tiers état, accablé d’humiliations et de charges, se ressaisissait de ses droits ; une philosophie hostile battait en brèche la religion ; une politique absolue, éprise de certaines formes, tendait à se réaliser dans les lois.
Le remède au mal n’est pas de faire que le pauvre puisse devenir riche, ni d’exciter en lui ce désir, mais de faire en sorte que la richesse soit chose insignifiante et secondaire ; que sans elle on puisse être très heureux, très grand, très noble et très beau ; que sans elle on puisse être influent et considéré dans l’État.
Il faut, en effet, que l’horizon de ce petit Etat offre, sans interruption, des météores, des phénomenes, des monstres ; qu’on y joue des scenes plaisantes, qu’on y fasse des tours d’adresse : sans cela, qui voudroit s’en occuper ?
Sa plainte devint une affaire d’État. […] La Grâce a rétabli ce que le monde ne lui pouvoit rendre. » Autant, dans la Fronde, on voit Mme de Longueville supérieure, comme esprit, à Mme de Montbazon par exemple, ou à Mlle de Chevreuse (ce qui est trop peu dire), ou même à Mademoiselle, autant elle reste inférieure à son amie la princesse Palatine, véritable génie, ferme, ayant le secret de tous les partis, et les dominant, les conseillant avec loyauté et sang-froid ; non pas l’aventurière, elle, mais l’homme d’État de la Fronde. « Je ne crois pas que la reine Elisabeth ait eu plus de capacité pour conduire un État, » dit Retz. […] Elle écrivit au pape pour justifier les accusés et garantir leur foi ; elle écrivit au secrétaire d’État, le cardinal Azolin, pour l’intéresser à la conclusion.
Dargaud à ce roi mourant nous paraît donc une erreur d’homme d’État, expliqué par une préoccupation qui est aussi la nôtre pour la liberté religieuse. […] Le musicien élevé rapidement par elle de sa condition domestique au sommet du crédit et des honneurs, devint, sous le nom de secrétaire d’État, le favori plus que le ministre de sa politique. […] Elisabeth, fille de Henri VIII, moins femme qu’homme d’État, n’était pas de caractère à laisser périmer ce droit de médiation.
Là, est une des supériorités que présentent les établissements ecclésiastiques sur ceux de l’État ; le régime y est, très libéral, car personne n’a droit d’y être ; la coercition y devient tout de suite la séparation. L’établissement de l’État a quelque chose de militaire, de froid, de dur, et avec cela une cause de grande faiblesse, puisque l’élève a un droit obtenu au concours dont on ne peut le priver. […] Je trouve des diplomates, des conseillers d’État, d’honorables carrières dont quelques-unes eussent été plus brillantes si la tentative du 16 Mai eût réussi.
Tandis que les institutions remettaient le gouvernement des États à la multitude, les sciences rapportaient le gouvernement du monde aux atomes. […] Il marque dans une école, l’État le prend ; on l’adjoint à une de ces bandes d’étudiants qu’on expédie en Allemagne, sauf à les y laisser vivre d’aumônes dans les Universités. […] Pour les classes cultivées, l’Église était une institution d’État, inviolable comme les autres, ignorée en dehors des jours où l’on accomplissait ses rites par devoir d’étiquette. […] Voici une physionomie qui est bien de son pays et de son temps, un haut fonctionnaire de Saint-Pétersbourg, un futur homme d’État, venu en province pour revisser l’administration. […] Mais la littérature du proscrit ne trouva pas grâce en Russie ; on en voulut à Tourguénef de sa lettre indulgente, on l’accusa de complicité avec les ennemis de l’État.
L’homme d’État et l’écrivain s’agrandissaient mutuellement et ne permettaient pas à la multitude de les séparer l’un de l’autre ; envisagés individuellement, l’homme d’État et l’écrivain redescendent à des proportions beaucoup moins merveilleuses. […] Le conseil des ministres, le corps diplomatique, le conseil d’État, les pairs et les députés, ont envahi tous les bancs, et c’est à peine s’il a été permis à quelques journalistes persévérants de pénétrer au milieu de l’auditoire. […] Est-il concevable qu’un historien, un homme d’État, confonde la science philosophique et les salons philosophiques du xviiie siècle ? […] Guizot a raison, l’ambition est une belle et grande chose, une noble passion, une passion nécessaire ; c’est, pour les hommes d’État, un devoir, une vertu. […] les allées et les venues de cet homme d’État, depuis six ans, indiquent-elles chez lui cette volonté persévérante et sûre d’elle-même qui, selon nous, constitue la véritable ambition ?
Les dépouilles des vaincus, partagées entre les familles de l’Etat & le Trésor public, n’eurent pas plutôt formé un patrimoine aux particuliers, & assuré un fonds à la République, qu’il fallut des Loix. […] Les Grands alors, loin de rougir d’ajouter à leurs titres celui de Savans, étoient de tous les gens de Lettres les plus instruits ; ils le seroient encore aujourd’hui, s’ils vouloient se persuader, que l’éclat d’un beau nom ne suffit pas pour acquérir une véritable considération ; que destinés par leur naissance à former la Cour des Rois, ils sont faits aussi pour entrer dans leurs Conseils ; que là, autant leurs talens & leur mérite sont utiles au Prince, à l’Etat, aux Peuples, autant leur ignorance est préjudiciable au bien public ; enfin, que plus ils sont élevés au-dessus des autres hommes, plus ils doivent s’efforcer de mériter de l’être, & faire cesser ce murmure jaloux, qui réclame sans cesse les droits de l’égalité, & ceux du mérite négligé, contre les caprices d’une aveugle fortune. […] Le Cardinal de Richelieu, Ministre dont les vastes desseins ne tendoient qu’à élever sur les fondemens les plus solides la gloire de son Maître & de la Monarchie, fut le premier qui sentit la nécessité de s’occuper particulièrement du soin de polir la langue Françoise & de la perfectionner ; passionnée pour tout ce qui pouvoit contribuer à l’utilité de l’Etat, peut-être entra-t-il autant de politique, que d’amour pour les Lettres, dans l’établissement qu’il forma en leur faveur. […] Aux troubles intestins de l’Etat, aux factions les plus puissantes & les plus dangereuses, à la commotion universelle de la chose publique, aux tentatives indiscrètes & criminelles de l’indépendance, en un mot à la fermentation générale des esprits, succéda le calme le plus heureux. […] Corneille, au contraire, né dans un temps où la guerre civile déchiroit l’Etat, où les factions entraînoient dans des intrigues sanglantes, où les passions les plus fortes jetoient dans les esprits une sorte de courage & d’élévation, donnoient plus de vigueur à l’ame, augmentoient son ressort, Corneille n’avoit vu que des événemens propres à faire germer dans son ame ces sentimens dignes des premiers Romains, & si bien exprimés dans toutes ses Tragédies.
Que les communes tentent, encouragées par l’État, des expériences sur ces biens communaux. […] Un État est une solution cristallisée. […] Les véritables intrigues commencent pour l’évêque de Luçon avec les élections aux États généraux de 1614. […] Cette fois il revient pour la réunion des États, fier de la réussite, et du vent plein ses voiles. […] Dans les petites allées droites et correctes, on discutait les choses de l’État.
Qu’ont fait pour elle l’État et la loi ? […] Et quel souci de sacrifier toutes les considérations de personnes à l’intérêt de l’État. […] Alors, il faudra confier ces enfants à l’État ou les interner dans quelque Cempuis ? […] Né pour les fonctions publiques, mais n’ayant pu dépasser, sous notre régime, le grade d’auditeur au Conseil d’État, M. […] Il rôdait sur les bords du Danube, ralliant ses bandes, et appelant au pillage tous les nomades de ses États.
Il préféra l’État à sa sûreté. […] La bassesse devint crime d’État : on était coupable d’avoir connu, d’avoir salué le favori. […] L’État se chargeait, pour ainsi dire, d’amuser les citoyens. […] Leurs évêques se sont montrés, comme aux siècles de l’église primitive, défenseurs des peuples, hommes d’État et martyrs. […] Mais ses talents et l’ardeur de ses opinions l’ayant désigné au choix de Cromwell, il fut nommé, près le conseil d’État, secrétaire-interprète pour la langue latine.
Ouvriers et bourgeois, affranchis, enrichis, parvenus, ils sortent des bas-fonds où ils gisaient enfouis dans l’épargne étroite, l’ignorance et la routine ; ils arrivent sur la scène, ils quittent l’habit de manœuvres et de comparses, ils s’emparent des premiers rôles par une irruption subite ou par un progrès continu, à coups de révolutions, avec une prodigalité de travail et de génie, à travers des guerres gigantesques, tour à tour ou en même temps en Amérique, en France, dans toute l’Europe, fondateurs ou destructeurs d’États, inventeurs ou rénovateurs de sciences, conquérants ou acquéreurs de droits politiques. […] Il en a contre la société tout entière, contre l’État et contre l’Église. […] Ce seul mot, nouvelles de l’Inde, lui fera voir l’Inde elle-même, vieille reine empanachée, « avec son turban emplumé, brodé de perles1194. » Cette seule idée, l’impôt des boissons, mettra devant ses yeux « les dix milles tonnes incessamment suintantes, et qui, touchées par le doigt de l’État comme par le doigt de Midas, saignent de l’or pour la prodigalité des ministres. » À proprement parler, la nature est comme un musée de tableaux magnifiques et variés, qui pour nous, gens ordinaires, sont toujours recouverts de leur serge. […] Wordsworth lui-même, le troisième et le plus tempéré, avait débuté par des vers enthousiastes contre les rois, « ces fils du limon, qui de leur sceptre voulaient arrêter la marée révolutionnaire, et que le flot montant de la liberté allait balayer et engloutir. » Mais ces colères et ces aspirations ne tenaient guère ; et tous trois, au bout de quelques années, ramenés dans le giron de l’État et de l’Église, se trouvaient, l’un journaliste de M. […] Les conservateurs y contribuent comme les révolutionnaires, et l’esprit nouveau transpire des poëmes qui bénissent l’État et l’Église, comme des poëmes qui maudissent l’Église et l’État.
En expliquant pourquoi il regrette moins le séjour de Paris dans les années de son exil, Bernis revient plus d’une fois sur cette idée, que la politique y est devenue un sujet habituel de conversation : « Les hommes et les femmes n’ont aujourd’hui dans la tête que de gouverner l’État. […] Vous avez vu de notre temps que toutes les femmes avaient leur bel esprit, ensuite leur géomètre, puis leur abbé Nollet ; aujourd’hui on prétend qu’elles ont toutes leur homme d’État, leur politique, leur agriculteur, leur duc de Sully.
Lui qui, dans sa malice curieuse et son amour des nouvelles, était homme à inventer les gazettes et chroniques, si un autre ne les eût inventées, il en faisait presque à Renaudot un crime d’État. […] À toutes ces accusations Renaudot n’a qu’une réponse : c’est qu’en ce qui s’est passé depuis plus de dix ans dans les affaires d’État, sa plume n’a été que la greffière, il a obéi parce que tout le monde obéissait, et que c’était son devoir plus spécialement encore qu’à tout autre.
Poncher, était conseiller d’État, et que Saint-Martin, en se pressant, aurait pu hériter de sa place : mais il dit un jour à son père, plus gaiement qu’il ne se le permettait d’habitude : Voici la marche que cela suivra ; j’entrerai d’abord dans la magistrature inférieure, puis je serai conseiller au Parlement, puis maître des requêtes, puis intendant, puis conseiller d’État, puis ministre, puis exilé.