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38. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. de Lacretelle » pp. 341-357

— parmi ceux-là qui doivent mourir. […] Réservés alors aux êtres qui ne devaient pas mourir, le marbre et le bronze, cette aristocratie, se sont démocratisés, comme le reste, dans l’abjection universelle. […] Depuis Racine, la Poésie était morte en France. […] Il y a des poètes qui meurent sans mourir, — qui deviennent les sarcophages vivants de leur poésie morte et de leur âme envolée. […] Du moins il se révolta contre cette pauvreté, fille de la générosité de toute sa vie et qui peut-être le fît mourir.

39. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sophie Arnould »

La Correspondance de Sophie Arnould donne un démenti à tout ce qu’on savait d’elle, — du moins à tout ce qu’on en imaginait ; car elle avait tant d’esprit qu’elle faisait l’effet d’être altière, d’avoir la fierté de cet esprit terrible, et la Correspondance nous apprend qu’au contraire elle ne l’avait pas, et qu’avant de mourir, la misérable s’est aplatie. […] Il y a des choses, il est vrai, dans cette Correspondance, qu’il est impossible même à MM. de Goncourt de ne pas voir… En leur qualité de peintres, d’ailleurs, et de peintres recherchant des effets de peinture, ils ont peut-être trouvé frappant et pathétique de montrer les vices et la misère, fille de ces vices, chez la plus brillante et la plus spirituelle courtisane du xviiie  siècle, morte de misère après l’éclat et les bonheurs du talent et de la fortune, le triomphe, l’enivrement, toutes les gloires sataniques de la vie, et de faire de tout cela un foudroyant contraste, une magnifique antithèse… Mais s’ils ont montré — hardiment pour eux — la fameuse Sophie Arnould, qui naturellement devait tenter la sensualité de leur pinceau, dégradée de cœur, de mœurs, de fierté, de talent et de beauté, au déclin cruel de la vie, ils n’ont pas osé aller jusqu’à la vérité tout entière. […] … Sophie Arnould est morte imbécile. Elle est morte ruinée d’esprit comme de cœur et de corps. Elle est morte en radotant de sa misère et dans l’écroulement complet, définitif, de l’être entier… Cette courtisane exceptionnelle, qui avait le génie du mot, de l’aperçu, de la répartie, et qui régnait sur la pensée autant que sur les sens des hommes, est morte aussi bête que les autres courtisanes vivent !

40. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Peu de jours avant de mourir, il prêchait encore à une solennité de vêture d’une religieuse ; ce fut là qu’il prit le mal qui l’emporta. […] Souvenez-vous, et pensez ce que c’est que l’ambition et la cupidité d’un homme qui doit mourir. — Vous délibérez sur une matière importante, et vous ne savez à quoi vous résoudre : Memento. Souvenez-vous, et pensez quelle résolution il convient de prendre à un homme qui doit mourir. — Les exercices de la religion vous fatiguent et vous lassent, et vous vous acquittez négligemment de vos devoirs : Memento. Souvenez-vous, et pensez comment il importe de les observer à un homme qui doit mourir. […] Mais quand on nous dit qu’il faut mourir, et quand nous nous le disons à nous-mêmes, ah !

41. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Peu de temps après elle mourut elle-même, la main dans la main de madame Récamier. […] Je ne veux plus entendre parler de cela ; je ne veux plus rien que mourir à Rome ou à l’Infirmerie, auprès de vous !  […] Vous me jugez mal ; vous ne me croyez peut-être pas sincère dans mon désir de tout quitter et de mourir dans un gîte oublié : vous auriez tort. […] C’est moi, je vous assure, qui voudrais souvent mourir. […] Puis M. de Chateaubriand mourut lui-même sous les yeux de madame Récamier et en tournant vers elle ses derniers regards.

42. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Il se trouve, en un mot, dans les trois quarts des hommes, comme un poëte qui meurt jeune, tandis que l’homme survit. Millevoye est au dehors comme le type personnifié de ce poëte jeune qui ne devait pas vivre, et qui meurt, à trente ans plus ou moins, en chacun de nous155. […] Millevoye a laissé au courant du flot sa feuille qui surnage ; son nom se lit dessus, c’en est assez pour ne plus mourir. […] Et vous par qui je meurs, vous à qui je pardonne. […] Il eut le col du fémur cassé, et le traitement, la fatigue qui s’ensuivit, déterminèrent la maladie de poitrine dont il mourut, le 12 août 1816.

43. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

« Mourir, dormir ! […] Kyd, un des premiers, meurt dans la misère. […] —  Pourquoi mourir alors, ou me désespérer lâchement ? […] Qu’elle souffre bien, et surtout ne meure pas trop vite ! […] Elle est désespérée, doucement, silencieusement, et se laisse mourir.

44. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

Si tu fais mourir, tu mourras, est la première aussi des lois écrites par la souveraineté sociale. […] Jamais la souveraineté de la nature n’a parlé plus clairement que dans cette révélation instinctive qui dit à l’homme par tous ses besoins : Tu posséderas, ou tu mourras. […] Morte la propriété, morte la terre ; morte la terre, morte l’humanité ! […] L’homme mort, sa volonté ne meurt pas : elle revit dans l’aîné, ou dans le plus chéri, ou dans le plus capable de sa race. […] Les Tartares vivent du droit d’aristocratie, les Chinois meurent d’égalité.

45. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

On peut mourir de faim à la porte des palais, jamais à la porte des chaumières. […] D’ailleurs, je me meurs. » La bonne excuse pour se taire ! […] D’ailleurs, je me meurs ! […] Désespoirs qui font mourir tous les jours et qui contraignent cependant à vivre comme si l’on espérait ! […] impossibilité de souffrir, impossibilité de vivre, impossibilité de mourir !

46. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

Mourez, honteux soupirs !     Mourez, importuns souvenirs, etc. […] il est flatté qu’on meure pour lui. » Dès que ce sentiment s’est laissé voir, tout le charme de la pièce est évanoui. […] que j’en ai vu mourir de jeunes filles ! […] Une mère tendre, un frère délicat, s’ils avaient à choisir entre les trois pièces, sur la tombe d’une morte chérie, pourraient-ils hésiter un seul instant ?

47. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

Ils y coururent et ils revinrent en pleurant, comme Adam et Ève qui sont en peinture là-haut aux Camaldules, quand ils virent pour la première fois mourir quoi ? […] … La vigne, notre vigne à nous, n’était pas malade, elle était morte, morte pour toujours ; morte comme si elle n’avait jamais vécu. […] s’écria tout le monde en sanglotant et en regardant mourir à petit feu nos chères tapisseries (sparterias) de vigne. […] Elle est morte et nous mourrons, il n’y a que cela pour nous consoler. Livrons les dernières grappes aux oiseaux, ces dernières feuilles aux chèvres, ces derniers sarments à notre foyer d’hiver ; morte elle nous servira encore tant qu’elle pourra, et nous bénirons encore ses dernières pousses.

48. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre I. Querelle des Anciens et des Modernes »

Le vieux Desmarets, avant de mourir, légua sa querelle à Charles Perrault. […] Pierre, le receveur général, mourut en 1680 ; Claude, le médecin, l’architecte, le traducteur de Vitruve, mourut en 1688. […] Il mourut en 1703. […] Il mourut en 1715.

49. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — III. La tête de mort »

Et la tête répond : « C’est ma bouche qui m’a fait mourir !  […] — « Que c’est ta bouche qui t’a fait mourir ». — « Un peu plus, reprend la tête et la bouche allait te faire mourir toi aussi.

50. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Tréguier »

Ma bonne, Marie-Jeanne, est morte, il y a quelques années. […] Il vaudrait sûrement mieux vivre et mourir solitaire ; mais on n’est pas le maître ; le monde vous prend par les cheveux, fait un peu de vous ce qu’il veut. […] Sur le bord de ces abîmes, un sourire de la nature ou d’une femme nous sauverait… Ma mère, mourant à quatre-vingt-sept ans, après une maladie longue et terrible, plaisantait encore une heure avant de mourir. […] Et je mourrai en félicitant les jeunes ; car la vie est devant eux, et la vie est une chose excellente.

51. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

il n’est peut-être pas ‘de douleur comparable à celle-là : survivre à un immense amour, et sentir peu à peu mourir en soi tout ce qui constituait notre joie d’exister. […] Ce ne sera pas la nostalgie de son pays qui l’inspirera, mais la curiosité des horizons nouveaux devinés du seuil de sa de meure qui regarde la mer. […] meurs sous mon geste ! […] Mourir jeune avec « cette gloire éclatante de n’avoir pas vécu ». […] On y meurt d’amour, mais comme on sent bien que cette petite mort dans un coin n’entrave en rien la vie qui coule sans daigner s’arrêter.

52. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Il revient et la trouve morte, voilà tout ; mais c’est écrit par Chateaubriand ; le mystère ajoute à l’amour. […] « René, dégoûté de tout, est décidé à en finir avec la vie, à mourir. […] loin du soir… « Elle est morte pour lui, dit Sainte-Beuve, c’est dommage. […] Ce tableau me rappela la fille d’Ischia que j’avais tant aimée et qui était morte de son amour, quelque temps après mon départ de Naples. […] La définition de l’univers, c’est la douleur d’être né, qui contient la douleur de mourir.

53. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

me disais-je, ma carrière est à sa fin, mon ambition, est morte… Aujourd’hui je pense comme hier, mais j’éprouve une certaine douceur à me raconter à moi-même, ces mois de désespoir ! […] Pour la première fois, j’eus l’idée que je n’avais jamais eue jusqu’alors, j’eus l’idée qu’il pouvait mourir. […] * * * Oui, je le répète, Dieu l’aurait fait mourir, comme il fait mourir tout le monde, j’aurais peut-être eu le courage de le supporter ; mais le faire mourir, en le dépouillant, petit à petit, de tout ce qui faisait en lui mon orgueil, la souffrance est au-dessus de mes forces. […] 4 heures de l’après-midi Tant de souffrances pour mourir ! […] 9 heures 40 minutes Il meurt, il vient de mourir.

54. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

répond-il, ou meurs, car les voilà. […] cher ami, qui mourra le premier ? […] Il prend la résolution de mourir. […] montez, monsieur, il va mourir ; sauvez-le… s’il est temps. […] Kitty Bell meurt dans les bras du Quaker.

55. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

Que n’es-tu aussi réellement vivant que je ne suis pas morte ? […] Non, j’aime mieux mourir ou vivre seul !  […] L’amitié en ce temps était une passion entre les esprits capables de se comprendre : on mourait de regret comme on meurt aujourd’hui d’envie. […] Honte à l’Italie qui l’a laissé mourir !) […] Elle meurt ; son poète ne meurt pas, mais l’âme de son adorateur la suit d’en bas dans le ciel et trouve dans son veuvage des accents d’une mélancolie pieuse qui sanctifient son deuil.

56. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

… Etc. » On calomnia jusqu’à sa douleur, en attribuant ces strophes, dont Politien mourut, aux regrets amoureux que lui inspira la mort d’un jeune Grec, son élève. […] Philippe, fait prisonnier et gardé un an dans les cachots de Castille, mourut en Romain, en se frappant, comme Caton, de sa propre main. […] Il n’avait excité l’envie de personne, il mourait avec l’amitié de tous. […] Quand il mourut, Florence était libre, la Toscane prospère, l’Italie pacifique, l’Europe édifiée de ses vertus ; il fallait ou reconnaître son ascendant ou se déclarer le peuple le plus ingrat de la terre. […] Vous auriez dit que Laurent seul avait appris à mourir.

57. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV. »

Voyons donc comment Louis XV était en train de mourir. On ne dira pas : Voilà comment meurent les voluptueux, car les voluptueux savent souvent finir avec bien de la fermeté et du courage. Louis XV ne mourut pas comme Sardanapale, il mourut comme mourra plus tard Mme Dubarry, laquelle, on le sait, montée sur l’échafaud, se jetait aux pieds du bourreau en s’écriant, les mains jointes : « Monsieur le bourreau, encore un instant ! 

58. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Lefèvre-Deumier »

peut-être le pressentiment de mourir. […] « Je ne pense pas — nous dit-il — que la poésie meurt, mais je suis fermement convaincu qu’elle s’endort, et je n’espère pas assister à son réveil. […] Il fut plus heureux que Byron, qu’il n’avait pas imité en cherchant un champ de bataille, et qui mourut d’un rhume en Grèce. Lui ne mourut pas ; il revint blessé, mais l’âme guérie, et ses Confidences nous retracèrent, avec la flamme qui ne sort jamais qu’une seule fois du volcan de la tête d’un homme, les douleurs de cet amour affreux qu’il noya enfin dans l’hémorragie des blessures. […] Par là, il se sépare vigoureusement de ces Titans du romantisme avec lesquels il a vécu, de ces Prométhées de la forme et de la ciselure qui ne sont Titans que jusqu’au cœur ; car avec eux les vautours de Jupiter mourraient de faim.

59. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Gères. Le Roitelet, verselets. »

La pièce en question est intitulée : On meurt de loin. […] Ainsi la sentence fatale Frappe d’avance — On meurt de loin ! […] Son secret mourait à sa bouche… Avant d’à jamais t’assoupir, Douleur déjà vieille et finie, Que de maux il fallut subir ! […] Ranger sa robe en tombant comme la pudique romaine, c’est un geste de près… et ici c’est mourir de loin. […] Lire peu les livres contemporains, qui ont déteint sur l’imagination publique et qui l’ont imprégnée, fermer ses livres, se faire un lazaret contre eux et leurs influences, enfin reconquérir cette originalité première, cette hermine bien tachée, mais qui n’en mourra pas, voilà quels doivent être la tactique et le but de M. 

60. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

« Mourir, renaître, dit Shakespeare, voilà le problème !  […] Il resterait donc : souffrir ou mourir. […] Cette formule devient donc jouir ou mourir. […] On aimerait mieux, sans doute, jouir et ne jamais mourir. […] Autant vaudrait dire que rien ne meurt, puisqu’en effet les éléments ne meurent pas.

61. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

Elle meurt dans ses bras, elle lui lègue Cosette, cette enfant abandonnée par force dans l’auberge des Thénardier. […] Fantine meurt dans la nuit ; cette mort jette plus de désordre encore dans la tête de M.  […] — La garde meurt et ne se rend pas ! […] » Mourir sans l’avoir dit, disons-nous à notre tour, mourir en montrant la dignité de la mort, et en se gardant bien de souiller la sublimité de son cœur par la turpitude de son expression. […] Mieux valait mourir en silence !

62. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

mourez. […] Pourquoi craignons-nous de mourir ? […] mourez. […] Cependant il mourut empereur, et fit bien. […] « Quand vous devriez mourir demain, il ne faudrait pas mourir aujourd’hui.

63. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Millet Francisque » p. 168

Le peintre entend de ses propres oreilles le mépris de son talent ; le bruit des sifflets va droit à celles de l’acteur, au lieu que l’auteur a la consolation de mourir sans presque s’en douter ; et lorsque vous vous écriez de dépit : la bête ! […] S’ils continuent de barbouiller de la toile, (comme la plupart de nos littérateurs continuent de barbouiller du papier) sous peine de mourir de faim, je leur pardonne aujourd’hui cette manie comme je la leur pardonnais par le passé ; car enfin il faut encore mieux faire de sots tableaux et de sots livres que de mourir ; mais je ne le pardonnerai pas à leurs parens, à leurs maîtres, que n’en fesaient-ils autre chose ?

64. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

On le jeta dans une loge d’aliénés, où il mourut dans le délire. […] Les hommes mouraient de froid. L’été venu on vit mourir de faim, une poignée d’herbe à la bouche. […] Au moment où notre armée sans subsistance allait mourir de faim, il eut la gloire de la sauver. […] Ainsi vécut et mourut Fénelon.

65. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Jean Lahor (Henri Cazalis). »

Les fleurs rêvent, les fleurs frissonnent sous la nuit ; Et, blanches, comme un sein adorable qui luit Dans la sombre splendeur d’une robe entr’ouverte, Les roses, du milieu de l’obscurité verte, Tandis qu’un rossignol par la lune exalté Pour elles chante et meurt sous cette nuit d’été, Les roses au corps pâle, en écartant leurs voiles, Folles, semblent s’offrir aux baisers des étoiles. […] Je suis le dieu sans nom aux visages divers, Mon âme il illimitée est le palais des êtres ; Je suis le grand aïeul qui n’a pas eu d’ancêtres, Dans mon rêve éternel flottent sans fin les deux ; Je vois naître en mon sein et mourir tous les dieux. […] Il sait aussi que l’amour est inséparable de la mort, parce que la mort est inséparable de la vie… Et maintenant lisez les Chants de l’Amour et de la Mort : Je voudrais te parer de fleurs rares, de fleurs Souffrantes, qui mourraient pâles sur ton corps pâle. […] Et je voudrais pourtant t’affranchir, ô mon âme, Des liens d’un passé qui ne veut pas mourir…      Mais c’est en vain ; toujours en moi vivra ce monde De rêves, de pensers, de souvenirs confus, Me rappelant ainsi ma naissance profonde, Et l’ombre d’où je sors, et le peu que je fus.

66. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

» Bothwell voulait mourir. […] Il ne nia point le crime, et mourut en homme qui s’attendait à l’ingratitude du prince. […] Dieu soit loué de tout cependant, puisqu’il me fait cet honneur de mourir pour lui et son Église !  […] Je meurs pour la foi et dans la foi catholique ; je meurs amie de l’Écosse et de la France. […] Encore une fois, Milords, n’écartez pas les miens de mon agonie, ils ne désirent rien que m’aimer jusqu’au bout, que ne point m’abandonner et que me voir mourir. » Les comtes, après s’être consultés, obtempérèrent au souhait de Marie Stuart.

67. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Son fils mourra, puisqu’elle a manqué de foi. […] Il mourut pendant les négociations du mariage. […] Elle salua celui qui allait mourir et se dispersa tranquillement. […] Il voulut, avant de mourir, visiter ses ancêtres morts. […] La mort y paraît plus morte qu’ailleurs.

68. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Il est pourtant bien jeune pour mourir ! […] et si on le laissait vivre avec ses instincts féroces, n’en ferait-il pas mourir bien d’autres avant lui ? […] Mon cœur, resserré par les nouvelles de la maîtresse du logis, se fit si petit dans ma poitrine que je me sentis aussi morte que mon ami. […] Car, pourvu que Hyeronimo vive, qu’importe que je meure ! […] C’est moi, c’est ta sœur, c’est mon père et ma tante, c’est tout ce qui t’aime entré avec moi dans ton sépulcre pour t’arracher à la mort au prix de leur propre vie, s’il le faut, ou du moins pour mourir avec toi si tu meurs.

69. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

S’il vient à mourir, il ne cessera pas d’exister. […] Quand des soldats se sont offerts et meurent pour la France, le prêtre les reconnaît pour ses modèles et reçoit d’eux avec prodigalité l’enseignement qu’il leur donnait la veille. « Leur mort leur a valu la sainteté suprême. […] Moi, dans mon abri tombeau, pouvant mourir à tout instant. […] Le Père de Gironde, sous-lieutenant de réserve au 81e d’infanterie, tué le 7 décembre 1914 dans la bataille d’Ypres, s’écrie : « Mourir jeune, mourir prêtre, en soldat, dans une attaque, en marchant à l’assaut, en plein ministère sacerdotal, en donnant peut-être une absolution ; verser mon sang pour l’Église, pour la France, pour mes amis, pour tous ceux qui portent au cœur le même idéal que moi, et pour les autres aussi afin qu’ils connaissent la joie de croire… Ah ! […] Je voudrais mourir en martyr pour mon propre salut et pour celui de la France entière. » (Semaine Religieuse, Nantes, 6 juin 1915.)‌

70. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Je ne la leur rendrai jamais ; en fait de haine je veux mourir insolvable. […] Le figuier, tronc qui vit et qui meurt avec l’homme, N’y fait-il pas briller sa figue en pleurs de gomme ? […] J’appris à t’estimer, non au vain poids d’un livre, Mais au poids d’un grand cœur qui sait mourir ou vivre. […] c’est assez pour vivre et même pour mourir ! […] Ainsi mourut, au site où se plaisait sa vie, La gloire des Romains, l’ennemi de Fulvie !

71. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre V. Résumé. »

. — Vous, monsieur de Condorcet, vous expirerez étendu sur le pavé d’un cachot, vous mourrez du poison que vous aurez pris pour vous dérober au bourreau, du poison que le bonheur de ce temps-là vous forcera à porter toujours sur vous ». […] « C’est précisément ce que je vous dis : c’est au nom de la philosophie, de l’humanité, de la liberté, c’est sous le règne de la raison qu’il vous arrivera de finir ainsi ; et ce sera bien le règne de la raison, car elle aura des temples, et même il n’y aura plus dans toute la France, en ce temps-là, que des temples de la raison… Vous, monsieur de Chamfort, vous vous couperez les veines de vingt-deux coups de rasoir, et pourtant vous n’en mourrez que quelques mois après. Vous, monsieur Vicq-d’Azyr, vous ne vous ouvrirez pas les veines vous-même, mais vous les ferez ouvrir six fois dans un jour, au milieu d’un accès de goutte, pour être plus sûr de votre fait, et vous mourrez dans la nuit. […] reprit Chamfort, je suis rassuré ; si nous ne devons mourir que quand Laharpe sera chrétien, nous sommes immortels  Pour ça, dit alors la duchesse de Gramont, nous sommes bien heureuses, nous autres femmes, de n’être pour rien dans les révolutions.

72. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

Petites et grandes affections, tout nous quitte et meurt à son tour. […] Ce jour n’est pas heureux ; maman mourut un vendredi, et d’autres événements tristes que j’ai remarqués. […] elle est morte la nuit dernière. […] Mon cher petit chien, mon joli Bijou est malade, si malade que je crains qu’il n’en meure. […] Ou souffrir ou mourir !

73. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

Elle porta son deuil avant de mourir elle-même. […] Elle mourut dans sa terre de Vessaux, et fut ensevelie près de son fils et de sa petite-fille. […] Jeanne de Vallon, le dernier descendant de son petit-fils, mourut jeune d’une maladie de langueur. […] « Mourir plustost que trahyr son debvoir ! […] Oui, m’apprenez, coulple d’oyseaulx fideles, Qu’en pareil cas ne reste qu’à mourir.

74. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Elle leva les yeux, elle les promena lentement sur ces portiques, morts eux-mêmes depuis tant d’années, et qui avaient vu tant mourir. […] Le ton de la correspondance est forcé, embarrassé, mais la correspondance subsiste toujours, pénible à lire, comme les désaveux d’une passion morte devant les reproches d’une passion immortelle. […] Louis XVIII mourut en roi ; Charles X fut quelques jours populaire. […] Le pape mourut ; il eut au conclave le succès que désirait la France : l’élection d’un souverain pontife modéré et royaliste. […] La femme meurt, et Chactas en reste stupéfié pendant sa longue et triste vie.

75. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Qu’était-ce que ce peu de miel qui fait mourir  ? […] Ses souffrances ne portèrent aucune atteinte à son étonnante gaieté ; elle plaisantait encore l’après-midi où elle mourut. […]  » Sa femme mourut, je crois, à Jersey. […] Elle repoussait ces rêves insensés ; mais, après s’y être livrée des heures, elle était pâle, à demi morte. […]  » La sacristine mourut la première.

76. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

Né à Paris en 1736, M. de Meilhan mourut à Vienne en août 1803. « Il est pour chacun, disait-il, un âge pour mourir. » Il prit mal son moment et son endroit. […] Lorsqu’il vient à mourir, on apprend avec surprise qu’il avait quatre-vingts ans. […] Je suis loin d’être là-dessus d’un avis aussi formel, et de croire que le règne de Louis XVI n’aurait pu, en se prolongeant, échapper au danger de mourir d’ennui sans une révolution. […] [NdA] Weisse, poète et moraliste allemand, qui vécut et mourut à Leipzig.

77. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Qu’Édouard, ton fils, aujourd’hui prince de Galles, pour Édouard, mon fils, naguère prince de Galles, meure dans sa jeunesse par une aussi brusque violence ! […] Que tes jours de bonheur meurent longtemps avant ta mort ! Et puisses-tu, après de longues heures de désespoir, mourir, n’étant plus mère, ni épouse, ni reine d’Angleterre ! […] Le matelot Sylvestre meurt sur un navire-hôpital, dans l’océan Indien. […] Le mouvement est aussi essentiel à tout ce qu’on écrit que l’unité : sans celle-ci, l’œuvre n’est pas ; sans celui-là, l’œuvre est morte.

78. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Royalistes et Républicains »

À partir de la Révolution française, de cette révolution qui, en faisant souvent mine de mourir, mais ne mourant jamais, nous a légué, pour nous consoler de sa perte momentanée, le parlementarisme, ce joli enfant de sa façon, qui nous ramènera toujours, dans un temps donné, à sa mère, si nous sommes assez aveugles pour nous fier à ce charmant petit, Thureau-Dangin a compté sur ses doigts le nombre de fois que la pierre de ce Sisyphe infortuné, qui a tant essayé de la mettre en équilibre, lui est retombée sur les pieds, mais il n’a jamais pensé que ce fût la faute de l’équilibriste ou de la pierre. […] Mallet-Dupan, dans lequel Thureau-Dangin a appris son latin politique et qui tient plus de place que Thureau-Dangin lui-même dans le livre de Thureau-Dangin ; Mallet-Dupan mourut à la peine d’une besogne impossible. […] , mourir éventré par cette brute de suffrage universel, et vous verrez ce qu’il a fondé, ce qu’il a sauvé, ce qu’il a défendu ! […] Louis-Philippe en meurt dix-huit ans après, et Napoléon III, l’homme de décembre qui descendait de l’homme de brumaire, en meurt aussi, pour l’avoir relevé et repris… Aujourd’hui, qu’il s’appelle République au lieu de s’appeler Monarchie, il n’en est pas moins toujours, malgré les mutilations qu’il a subies, le gouvernement parlementaire et fatal qui a perdu en cinquante ans trois dynasties, et qui n’a avancé qu’une seule question, des cent mille qu’il a stérilement agitées : celle du mépris qu’il a commencé d’inspirer !

79. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Vauvenargues » pp. 185-198

Quand on n’a que le livre d’un homme, on n’a guères que la lettre morte de son talent et de son âme ; mais quand on étudie l’un et l’autre à la lumière d’une correspondance ou d’une autobiographie, on en tient réellement la lettre vivante, et la Critique peut hardiment se prononcer. […] Mais il mourut jeune, à temps, avec la beauté d’une espérance que la mort a trompée, mais que la vie n’a pas trahie. Il mourut au moment où Voltaire lui disait le mot de Virgile : « Tu seras Marcellus ! […] puisqu’il aimait la gloire, Vauvenargues a bien fait de mourir. […] C’est, en effet, cette ambition, même infortunée, qui empêcha Vauvenargues de toucher au malheur suprême ; car l’ambition est faite dans nos cœurs avec de l’orgueil et de l’espérance, et Vauvenargues mourut avant de désespérer.

80. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XV. Vauvenargues »

Quand on n’a que le livre d’un homme, on n’a guère que la lettre morte de son talent et de son âme, mais quand on étudie l’un et l’autre à la lumière d’une correspondance ou d’une autobiographie, on en tient réellement la lettre vivante, et la Critique peut hardiment se prononcer. […] Mais il mourût jeune, à temps, avec la beauté d’une espérance que la mort a trompée, mais que la vie n’a pas trahie. Il mourut au moment où Voltaire lui disait le mot de Virgile : « tu seras Marcellus, tu Marcellus eris !  […] Certes, puisqu’il aimait la gloire, Vauvenargues a bien fait de mourir. […] C’est, en effet, cette ambition, même infortunée, qui empêcha Vauvenargues de toucher au malheur suprême, car l’ambition est faite dans nos cœurs avec de l’orgueil et de l’espérance, et Vauvenargues mourut avant de désespérer.

81. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Mlle de Lespinasse, qui, bien que philosophe et incrédule, était sur un point superstitieuse comme l’eût été une Espagnole, comme l’est une amante, remarqua qu’ayant quitté Paris un vendredi, ce fut un vendredi aussi qu’il repartit de Madrid (6 mai 1774), et qu’il mourut à Bordeaux le vendredi 27 mai. […] Que sera-ce quand, revenant exprès pour elle, il va tomber plus malade et mourir en route à Bordeaux ? Ainsi, jusqu’à la fin, on la verra partagée dans son délire entre le besoin, le désir de mourir pour M. de Mora, et l’autre désir de vivre pour M. de Guibert : « Concevez-vous, mon ami, l’espèce de tourment auquel je suis livrée ? […] Sa passion n’a fait la morte que pour se réveiller plus ardente et plus ulcérée. […] Aussi bien, elle se sent mourir ; elle redouble l’usage de l’opium.

82. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Pronostics pour l’année 1887. »

Au bout de six mois, l’officier de marine s’en ira, et Kouroukakalé mourra de désespoir. […] Et je songeais que la petite danseuse mourrait, et que Kouroukakalé mourrait aussi, et que je mourrais « pareillement… » Quant au prochain récit de M. 

83. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VIII. La religion chrétienne considérée elle-même comme passion. »

……………………………………………… ……………………………………………… Si mourir pour son prince est un illustre sort, Quand on meurt pour son Dieu, quelle sera la mort ! […] ……………………………………………… Seigneur, de vos bontés il faut que je l’obtienne, Elle a trop de vertu pour n’être pas chrétienne ; Avec trop de mérite il vous plut la former Pour ne vous pas connoître et ne vous pas aimer, Pour vivre des enfers esclave infortunée, Et sous leur triste joug mourir comme elle est née ! […] Enfin ma bonté cède à ma juste fureur : Adore-les, ou meurs !

84. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Archiloque, et Lycambe. » pp. 7-11

On croit même qu’il fut banni de la république, pour avoir inséré dans ses vers, qu’ il vaut mieux jetter bas les armes que mourir . […] Diodorus Cronus n’ayant pu résoudre quelques difficultés de logique qu’on lui avoit proposées à la table d’un roi d’Egypte, & ce prince l’en ayant plaisanté, il mourut de chagrin. Le cardinal Spinola mourut également pour avoir ouï proférer à Philippe II ces paroles de disgrace : Cardenal, yo soy el Presidente.

85. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Il ne s’agit plus que de savoir comment Bonaparte mourra : il ne peut plus vivre. […] Elle mourut tout entière. […] Son mari meurt. […] Il en fait faire dix copies qu’il confie à ses amis, pour que l’injure ne risque pas de mourir avec lui. […] Elle meurt cependant et se fait ensevelir dans le même tombeau.

86. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

… comme elle est morte épouvantée ! […] Elle cueillait ses jours en souriant, sans voir Qu’un peu d’elle mourait avec eux, chaque soir. […] Les mourants espéraient, au moment de mourir, Tant son regard versait de douceur infinie Sur le silence lourd des chambres d’agonie. […] — venez mourir ! […] Vous parlez de mourir de mon ingratitude ; Vous aimez à me voir souffrir d’inquiétude ; Vous m’offrez tous les vœux qui vous sont adressés.

87. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

Ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent ainsi de ne pas manquer de ce pain qu’ils ont semé. » — Ils en manquent pendant les vingt-cinq années suivantes, et meurent par troupeaux ; j’estime qu’en 1715 il en avait péri près d’un tiers608, six millions, de misère et de faim. […] Visiblement, pour l’homme du peuple, paysan, artisan, ouvrier, qui subsiste par le travail de ses bras, la vie est précaire ; il a juste le peu qu’il faut pour ne pas mourir de faim, et plus d’une fois ce peu lui manque621. […] Là, en pays de vignobles622, chaque année « les vignerons sont en grande partie réduits à mendier leur pain dans la saison morte ». […] Souvent ils ont moins, et, lorsqu’ils ne peuvent absolument subsister, le maître est obligé d’y suppléer… Le métayer est toujours réduit à ce qu’il faut absolument pour ne pas mourir de faim »  Quant au petit propriétaire, au villageois qui laboure lui-même son propre champ, sa condition n’est guère meilleure […] Vous n’en serez pas étonné dans un tel pays… On a soin de les marier d’aussi bonne heure que les grands seigneurs », sans doute par crainte de la milice. « Mais le pays n’en est pas plus peuplé, car presque tous les enfants meurent.

88. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Jean, le second fils de Côme, épousa Cornelia d’Alessandri, dont il eut un fils qui mourut très jeune, et auquel lui-même ne survécut pas longtemps : il mourut en 1461, à l’âge de quarante-deux ans. […] On ne peut pas dire qu’il mourut en chrétien ; Platon était son Christ et la philosophie grecque était sa foi ; il confondait dans cette foi la divinité de l’Évangile avec ces révélations de la sagesse humaine, émanées des inspirés de Dieu, dont il avait propagé le culte en Italie ; fidèle aux formes du catholicisme, plus fidèle à l’esprit dont il les animait. […] Morte bella parea nel suo volto. […] Il mourut, dit-on, dans un festin, au milieu de ses amis, précisément à la fin de sa quatre-vingt-unième année. […] Il se nommait Girolamo Olgiato et mourut en Romain sur l’échafaud ; dépouillé et nu devant le bourreau, il prononça ces paroles latines qui retentirent dans beaucoup de cœurs : Mors acerba, fama perpetua, stabit vetus memoria facti. — Mort amère, éternelle mémoire !

89. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

J’entends que ma mère mourra, Et le sait bien, la pauvre femme ; Et le fils pas ne demeurera. […] Et mourut Pâris et Hélène…… Puis vient la fameuse ballade : Dites-moi où, n’en quel pays, Est Flora la belle Romaine, …. […] Après quoi Villon poursuit son propos : Puisque papes, rois, fils de rois… Sont ensevelis morts et froids, En autrui mains (aux mains d’autrui) passent leurs rênes ; Moi, pauvre mercerot de Rennes, Mourrai-je pas ? […] Père, mère, petits et grands, Pâris et Hélène, les dames et les seigneurs du temps jadis, papes, empereurs et dauphins, sont morts : donc tous les hommes meurent Voilà l’induction, qui tire la loi d’une collection de faits particuliers. Tous les hommes meurent, donc je mourrai : voilà la déduction, qui tire la conséquence d’un principe incontestable et reconnu pour vrai.

90. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

C’est tout un monde que chacun porte en lui, un monde ignoré qui naît et qui meurt en silence. […] Il écrira, par exemple : « Dans l’incertitude où l’on était sur le genre de mort de Jeanne, la charité du bon curé Caillemer n’eut point à s’affliger d’avoir à appliquer cette sévère et profonde loi canonique qui refuse la sépulture à toute personne morte d’un suicide et sans repentance. » Il considère comme « abjecte et perverse » toute autre doctrine que la doctrine catholique. […] L’abbé Sombreval, le prêtre athée et marié, qui feint de se convertir pour que sa fille ne meure pas ; l’orgueilleux, farouche et impassible abbé de la Croix-Jugan, effroyable sous les cicatrices de son suicide manqué ; le chevalier de Mesnilgrand, le truculent et flamboyant athée…, il les voit immenses, il les aime, il bouillonne d’admiration autour d’eux. […] La duchesse, qui est innocente, se fait fille publique pour se venger. « Je veux mourir, dit-elle à l’un de ses clients d’une nuit, où meurent les filles comme moi… Avec ma vie ignominieuse de tous les soirs, il arrivera bien qu’un jour la putréfaction de la débauche saisira et rongera enfin la prostituée et qu’elle ira tomber par morceaux et s’éteindre dans quelque honteux hôpital. Oh alors ma vie sera payée, ajouta-t-elle avec l’enthousiasme de la plus affreuse espérance ; alors il sera temps que le duc de Sierra-Leone apprenne comment sa femme, la duchesse de Sierra-Leone, aura vécu et comment elle meurt » (la Vengeance d’une femme).

91. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Après ce seul morceau de La Curée, qui fit au poète complet une gloire complète, Auguste Barbier aurait pu mourir, il n’était pas moins immortel qu’après toute une vie de chefs-d’œuvre… Il ne mourut pas, et nous y gagnâmes. […] Seulement, il ne mourut pas plus après le Pianto qu’après La Curée et les Iambes, et de cette fois il eut tort de ne pas mourir. […] Au moins, Milon le Crotoniate, pris par les poignets dans son chêne fendu et refermé, mourut mangé par les loups, — des gueules dignes de lui ! 

92. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

« De pauvres femmes disaient, en allant à son agonie : — Celui-là n’aurait pas dû mourir. — Et elles priaient en pleurant pour sa bonne mort. […] non, je ne voudrais pas mourir la dernière ; aller au ciel avant tous serait mon bonheur. […] Aussi, quand on me disait qu’elle s’en allait mourir, je la regardais, et son air content me faisait croire qu’elle ne mourrait pas. Elle mourut cependant le 2 avril à minuit, à l’heure où je m’étais endormie au pied de son lit. […] Le 12 juin, meurt la bonne grand’mère, venue là pour y mourir.

93. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Ramenez votre manteau sur vos yeux, comme César mourant, pour ne pas voir mourir la littérature française. […] Tâtez le pouls du monde intellectuel, et dites s’il est prêt à mourir. […] Sa littérature à elle n’est pas morte. […] repose à jamais dans ce sein qui t’abrite,         Rose qui mourus sous ses pas, Et compte sur ce cœur combien de fois palpite         Un rêve qui ne mourra pas ! […] Reculer de quelques années sa mort, c’est toujours mourir.

94. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

Il l’allait redire à Voltaire, dans les meilleurs vers qu’il ait faits : Pour moi, menacé du naufrage, Je dois, en affrontant l’orage, Penser, vivre, et mourir en roi. […] J’ai une toux sèche qui est très forte et qu’on ne peut maîtriser ; mes jambes, ainsi que mes mains et mon visage sont enflés comme un boisseau… Je suis résignée sur mon sort ; je vivrai et mourrai contente, pourvu que vous soyez heureux. Elle mourut le 14 octobre de cette année (1758), à l’âge de quarante-neuf ans, le jour même où son frère était battu à Hochkirch par les Autrichiens. […] Il y a eu, en des temps plus voisins de nous, une autre sœur de roi aussi, qui a voulu partager la destinée de son frère et mourir avec lui : cet autre roi était loin d’être un grand homme ou même un homme supérieur, ce n’était qu’un honnête homme ; cette sœur, c’était une personne douce, pure, simple, pieuse, ayant surtout les trésors du cœur. Mourir avec son frère, mais non pas se tuer avec lui, voilà ce qu’avait médité dans son héroïsme patient et tranquille, et aux pieds du crucifix, cette angélique créature.

95. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Le plus grand éloge qu’on puisse faire de Marie Duplessis c’est qu’elle mourut à la peine, c’est que son âme eut bien vite assez de la vie que menait son corps, et qu’elle le tua pour en finir. […] Elle étalait, sur elle, tous les colliers et tous les diamants de son écrin, comme les impératrices romaines qui s’enveloppaient de pourpre pour mourir. […] Marie Duplessis mourut, en effet, quelques mois après. […] Marguerite arrive, pâle comme une morte, au bras de M. de Varville, et, juste ciel ! […] La Dame aux Camélias meurt avec grâce, comme elle a vécu.

96. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

76, de dix ans plus jeune que Franceschi, courait en toute hâte la même carrière, car ils semblaient tous, alors, pressés de se signaler, d’immortaliser leur nom et de mourir. […] Qu’y a-t-il de surprenant s’il s’y ronge et s’il en meurt ? […] Il aimait sa jeune femme, qui devait elle-même mourir de sa mort. « Je ne souffre que pour elle » : c’étaient par moments les seuls mots qu’il pût prononcer. […] Le général Franceschi ne meurt pas seulement comme un soldat, avec le courage, la résignation et en silence ; il meurt comme un homme, payant tribut à chaque affection, épuisant en quelque sorte la nuance de chaque sentiment : « Vainement, nous dit l’aide de camp fidèle, je retournai auprès de son lit et m’efforçai de lui persuader que le médecin n’avait pas dit ce qu’il croyait avoir entendu : il me tendit la main, me la serra en me regardant tendrement, et quelques larmes sillonnèrent son visage. […] » Le général Franceschi mourut le 23 octobre 1810.

97. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

La mort ou la ruine lui eussent peu coûté ; elle désirait mourir avec lui ; elle allait jusqu’à désirer un fils. […] mon ami, lui écrivait-elle, quelle femme riche d’amour et de flamme est morte en moi ! […] Cet amour sans infidélité, sans soupçons, sans accident du dehors, se mourait, en quelque sorte, de lui-même et de sa propre langueur. […] Le mari cependant, qui était aux Antilles, mourut. […] On la maria en effet ; mais bientôt elle mourut à son premier enfant.

98. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

V « Ainsi mourut en scène devant le peuple cet homme pour qui l’échafaud était encore un théâtre, et qui avait voulu mourir applaudi à la fin du drame tragique de sa vie, comme il l’avait été au commencement et au milieu. […] Elle présida avec une sollicitude touchante à la toilette funèbre des femmes qui allaient mourir avec elle. […] Fières de mourir avec l’innocence, elles s’approchèrent toutes humblement de la princesse avant de monter, une à une, sur l’échafaud, et lui demandèrent la consolation de l’embrasser. […] S’il mourut d’angoisses, de repentir et d’anxiété, ce fut dans cette muette méditation. […] Ses principes sont stériles et condamnés comme ses proscriptions, et il meurt en s’écriant avec le découragement de Brutus : “La république périt avec moi !

99. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Charles Monselet »

Monselet, ce gai, ce rieur, ce buveur, ce convive digne de Trimalcion, avait, au milieu de tout cela, dans un pli de son âme, comme une rose morte qui parfume plus étant morte que quand elle vivait, cette fleur coupée, la Mélancolie. […] Roger de Beauvoir, qui mourut de la sienne, l’avait en mourant. […] Et il en rapporte des histoires comme celle qu’il a intitulée Clorinde : C’était une petite blonde, Née à seize ans et morte à vingt ; et qui s’en est allée de la vie : L’estomac ruiné de Champagne Et le cœur abîmé d’amour.

100. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XX » pp. 215-219

En 1664, la comtesse de Grignan mourut, laissant deux enfants, dont il est plusieurs fois question dans les lettres de Sévigné. […] Elle mourut en 1665. […] Enfin, en 1683, il est fait gouverneur du duc de Chartres, et meurt l’année suivante dans cette place.

101. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

oui, il mourut après une pénible maladie de soixante-treize jours, pendant laquelle il offrit de très éclatants modèles de toutes les vertus chrétiennes. […] Nous y reviendrons souvent, seulement il faut aujourd’hui ne pas mourir. » — Ce vœu ne devait pas être entendu. Consalvi mourut peu de temps après ce dernier entretien. […] Je suis à chercher une meilleure distribution de ces objets ; mais dans le cas où je viendrais à mourir avant de l’avoir définitivement arrêtée, je maintiens celle-ci, qui, dans le moment, me paraît la plus convenable. […] Le Pape son ami étant mort, et avec lui son défenseur, il se laissa mourir.

102. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Je me meurs. […] Je me meurs. […] Va, laisse-moi mourir. […] …………………………………………… Que je meure. […] Que je meure.

103. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

« La rapidité et la précision de votre marche, lui écrivait le général Bonaparte, vous ont mérité la gloire de détruire Mourad Bey. » Mais Mourad Bey détruit renaissait sans cesse. « Je désire fort, lui récrivait le général Bonaparte, que vous ajoutiez aux services que vous n’avez cessé de nous rendre, celui bien majeur de tuer ou de faire mourir de fatigue Mourad Bey. Qu’il meure d’une manière ou de l’autre, et je vous en tiendrai également compte. » Souvent malade et indisposé, Friant marchait toujours, et ses opérations ne s’en ressentaient pas. […] Ceux qui ont servi sous le général Friant, questionnés sur ses mérites et qualités, nous ont donné de lui une idée que le colonel Michel, un d’entre eux, a résumée heureusement dans ce vivant portrait : Le général Friant, par son bon naturel, son excellent cœur, ses sentiments généreux, l’humanité qui le dominait, aimait ses soldats, les soignait comme ses propres enfants, vivant de leur vie, se mêlant avec eux, tout en conservant sa dignité ; il en était chéri et estimé au point que pas un d’eux n’eût balancé à sacrifier sa vie pour sauver celui qu’ils appelaient : Notre bon, notre brave père. — (Tombant mortellement blessé près de lui à la Moskowa, un voltigeur lui disait : « Mon général, voilà quatorze ans que je suis sous vos ordres ; votre main, et je meurs content […] s’écria Friant : pour six b… de malheureux sous que vous touchez par jour, on dirait que vous avez peur de mourir. […] Mis à la retraite le 31 août suivant à l’âge de cinquante-sept ans, exclu de tout service et de toute faveur sous la Restauration, il mourut, fidèle à ses dieux, le 24 juin 1829, à Gaillonnet, non loin de sa province natale, et voulut être enterré dans l’humble cimetière de Seraincourt. — Il ne se peut de vie militaire plus belle, plus pleine, plus simple, plus une, plus exactement enchâssée dans l’époque héroïque où son profil toujours se détachera.

104. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

Sans doute, c’est déjà une raison pour n’y plus toucher qu’une chose soit morte parmi les choses humaines. […] Une chose morte peut avoir laissé aux choses vivantes une âme, un esprit, que sais-je ? […] Qui en doute ne se rappelle donc pas comment elle est morte, avec Démosthène, aux pieds d’un des successeurs d’Alexandre ? […] Manquant, comme les démocrates grecs, du véritable instinct politique, méconnaissant la réalité de leur temps comme les Grecs méconnaissaient la réalité du leur, ils établissent entre les gouvernements et les nations modernes, et les gouvernements et les nations de l’antiquité, un rapport qui n’a jamais existé que d’eux seuls à cette partie de l’antiquité, morte ! morte tout entière !

105. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Émile de Girardin » pp. 45-61

Il avait, enfin, cette immense culture sans laquelle la puissance du génie le plus incontestable n’est jamais qu’une estropiée sublime, — et puis, il mourait de faim, Machiavel ! […] Pour peu qu’il eût pris son café, Turcaret, écrivant une comédie, ne l’écrirait pas de cette morte plume. […] Le dernier comte du nom vient de mourir, laissant toute une famille que Μ. de Girardin nous peint avec le goût désintéressé qu’il a pour la famille. […] Μ. de Girardin, journaliste en retraite et socialiste en démolition, nous était fort indifférent· Nous l’eussions miséricordieusement laissé mourir, comme un pieux Indien tenant la queue de sa vache, la queue du veau d’or dans la main. Mais il fallait qu’il mourût en silence.

106. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Horace Walpole »

Il est trop anglais pour être gai, même quand il rit, même quand il dit avec mélancolie : « Je veux mourir le jour où je ne trouverai plus quelqu’un pour rire avec moi. » Car on ne rit point avec lui ; on sourit peut-être, et c’est tout ! […] Il n’a peut-être jamais aimé de femme que Madame de Sévigné, mais c’était d’un amour littéraire, avec un platonisme forcé puisqu’elle était morte, heureusement pour lui ! […] Un boulet de canon ne m’aurait pas plus surpris. » On aurait dit que ce boulet de la mort de Gray, qui n’était que d’un an plus âgé que lui et qui mourait de cette terrible goutte dont lui, Walpole, devait aussi mourir, avait, du coup, commencé la dissolution qu’il prévoyait de cette craie qu’il était devenu sous les méchancetés de la douleur et de la vie, — ou qu’il avait été toujours ! […] Mais on n’en meurt pas, comme Achille de celle de Pâris !

107. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Funck Brentano. Les Sophistes grecs et les Sophistes contemporains » pp. 401-416

… La Grèce en est morte. […] Mais les Sophistes contemporains sont nos contemporains, et nous allons, un de ces jours, mourir d’eux, comme la Grèce est morte des siens ! […] Il peut y avoir des parcelles de vérité dans un système philosophique, mais les erreurs foisonnent dans tous, et le génie lui-même a le sort de Sylla : il meurt des poux qu’il a engendrés. […] Le père du Spiritualisme moderne ne peut mourir que d’une flèche spiritualiste.

108. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Régner ou mourir ; mourir, non-seulement pour cette vie, mais même pour l’autre ; mourir éternellement ! […] J’ai composé leur boisson du soir de telle sorte que la Nature et la Mort débattent entre elles s’ils vivent ou meurent. […] (Il meurt. […] Un de ses courtisans entre et lui dit : Monseigneur la reine est morte. […] Elle mourut retirée à Saint-Germain, fidèle à son attachement pour lui et à son amitié pour moi.

109. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

… Maintenant c’est l’heure de ma mort qui approche, je mourrai ; je ne puis sauver une vie lâche et criminelle en laissant mourir un des miens à ma place ! […] Il vaut mieux mourir tous ensemble ! […] ils périront privés de leur mère, nos deux chers enfants, ainsi que les poissons meurent privés d’eau dans le lit du fleuve desséché. […] Permets-moi de mourir pour toi et pour eux. […] nous mourons dans le doute de jamais pouvoir la posséder ; et toi, petite abeille, tu t’enivres de volupté.

110. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

Il suffirait seul à servir d’épitaphe à l’humanité morte et à immortaliser à jamais le génie humain devant sa postérité inconnue. […] C’est la température vraie de ce globe où l’on meurt, mais aussi de ce globe où l’on vit ; de ce globe où l’on souffre, mais aussi de ce globe où l’on aime ! […] Et le siècle qui meurt racontant ses misères             Au siècle renaissant ! […] et bientôt, sans doute aussi, le chien, cette incarnation de l’amitié, qui donnerait mille fois son sang de lui-même si on le lui demandait ; le chien, qui se réjouirait de mourir pour nourrir les enfants de son maître, comme il n’hésite jamais à mourir pour le défendre. […] que les Indiens sont sages de s’être refusés seuls à être les complices de cette anthropophagie, et de dire : Nous mourrons, ou nous soutiendrons notre vie par des aliments innocents.

111. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

On y assiste ; dans un tête-à-tête avec son fils, elle lui adresse successivement quatre requêtes, et lui demande au moins de quatre choses l’une : 1° de ne point mourir, lui son fils, de ne point souffrir mort, s’il est possible ; 2° cette première requête refusée, et puisque cette mort est jugée nécessaire, de ne point la souffrir si amère, si honteuse et si cruelle ; 3° cette requête rejetée encore par Jésus au nom des Écritures et des Prophéties, de permettre au moins que sa mère meure la première et n’ait point à voir de ses yeux une mort si terrible ; 4° puisque cette troisième pétition n’est pas plus accueillie que les deux autres, de vouloir bien qu’elle perde au moins connaissance pendant la durée de la Passion, qu’elle soit ravie en esprit et demeure comme une chose insensible, privée d’intelligence et de sentiment. […] C’est alors que la Vierge, ainsi repoussée, en remercie presque son fils et le prie de l’excuser de ses faiblesses ; mais au même moment, tout en paraissant se soumettre, elle revient doucement à la charge en refaisant presque ses mêmes demandes, ses mêmes prières, en les faisant à mains jointes et comme les plus petites, les plus humbles, les plus attendrissantes supplications qui puissent, à pareille heure, sortir des lèvres d’une mère : Notre-Dame Au moins veuillez, de votre grâce, Mourir de mort brève et légère ! Jésus Je mourrai de mort très-amère. […] Notre-Dame Mourez donc comme les barons ! Jésus Je mourrai entre deux larrons.

112. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Virgile de même mourut, on le sait, au retour d’un voyage en Grèce, au moment où il touchait le sol italique. […] Sur ces entrefaites, cette femme, cette Chrysis vient à mourir. […] s’écrie Sosie qui était dans une véritable anxiété, me voilà soulagé ; j’avais grand’peur de cette Chrysis. » Une fois morte, ses amis soignent ses funérailles, et Pamphile avec eux ; on le voyait aller et venir dans la maison de la défunte avec ceux qui l’avaient aimée ; il y avait même des moments où il mêlait ses larmes aux leurs. […] … » Le cortège s’avance ; on arrive au tombeau ; on place la morte sur le bûcher. […] pourquoi veux-tu mourir ? 

113. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Elle devait mourir avec les fleurs. […] qui est-ce qui parle de mourir ? […] J’aimerais mieux mourir ! […] Mieux vaut mourir ! […] Mais comment ferez-vous pour mourir à l’hôpital ?

114. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 329-336

On sait que celle de Madame, enlevée à la fleur de son âge, & morte entre ses bras, arracha des sanglots à ses Auditeurs, qui l’obligerent de s’arrêter lui-même après ces paroles foudroyantes : « O nuit desastreuse ! […] où retentit tout-à-coup, comme un éclat de tonnerre, cette épouvantable nouvelle : Madame se meurt, Madame est morte » !

115. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Elle fit respecter l’innocence des enfants dont elle était chargée, réfréna les désirs du roi, l’épousa en secret, n’en parla jamais, ne revendiqua aucun des privilèges de sa fonction, acheta et sauva des patrimoines de protestants indemnisés, ne répondit point aux calomnies, et, à la mort du roi, baissa ses coiffes qu’elle n’avait jamais beaucoup relevées, et s’en alla mourir à Saint-Cyr. […] Figurez-vous-le, en effet, cet ambitieux navré, n’ayant que son rang dans ce monde de Versailles où l’on n’était classé que par la faveur du roi et où l’on mourait, comme Racine, du refus d’un coup d’œil, figurez-vous-le revenant de l’Œil-de-bœuf et se rejetant à ses Mémoires ! […] Au milieu des autres morts qui tombent les uns sur les autres comme des capucins de cartes, le Régent meurt, dans ce volume, précédé par Dubois, ce valet-maître d’un maître-valet ! […] Il va son train, il insulte, il raille, il remet sa langue de tigre au sang de la bête morte, mais pas un mot qui révèle que son esprit soit un peu plus haut que son mépris et que sa haine. […] Il ne rappelle point enfin, et peut-être ne le sait-il pas, que la santé de Louis XV enfant étant faible, Dubois avait établi un système de gouvernement qui réglait la politique étrangère pour le cas où le roi mourrait, et toute l’administration intérieure pour le cas contraire.

116. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Il mourut le 26 octobre 1722, à l’âge d’environ soixante-quinze ans. […] En vous voyant, elle se souvient de moi ; et je meurs de peur qu’en me voyant elle ne se souvienne de vous. […] Celui qui vit ne voit qu’un prétexte et qu’un à-propos d’esprit dans celui qui meurt (M). […] L’abbé d’Aydie ne mourut qu’en 1792. […] Le chevalier d’Aydie mourut donc dans les derniers jours de 1700, ou, au plus tard, dans les premiers de 1761.

117. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Ces plantes poussent et verdissent de ce qui meurt. […] Une femme meurt sur la place. […] Rose est morte ce matin à sept heures. […] Il ne me paraît pas qu’elle soit morte ; j’ai seulement d’elle le sentiment d’une personne disparue. […] Et de quoi était-elle morte ?

118. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

Le style, savant et technique, y déploie une magnifique richesse de vocables qui ressemble aux pierres précieuses incrustées dans l’écaille de la tortue et qui la firent mourir. […] Les sociétés qui finissent, les nations perdues, les races sur le point de mourir, laissent derrière elles des livres précurseurs de leur agonie. […] Cette vieille et inepte amoureuse d’histrions et de cochers s’abaissa et s’avilit aux choses petites dans lesquelles meurent les peuples qui furent grands, et qui, quand ils sont vieux, se voûtent jusqu’à terre, mais elle n’est pas tombée dans des choses aussi petites que les choses inventées par un romancier ennuyé de l’œuvre de Dieu ! […] Baudelaire, le satanique Baudelaire, qui mourut chrétien, doit être une des admirations de M. 

119. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Meurice » pp. 231-241

C’est un carbonaro, un humanitaire, un philosophe, un révolutionnaire qui se bat pour la Révolution, fait des livres, car il faut toujours faire des livres dans l’école Hugo, et devient ministre, pour introduire au pouvoir la Révolution qu’il n’y introduit pas ; puis, comme toujours, accusé de trahison par ses amis, les autres Chevaliers de l’Esprit, qui n’ont point, eux, de ministère, finit par mourir de son ministère et de cette calomnie, comme un petit garçon, et non point comme un grand homme. […] Il cède sa fille à son ennemi, tremble devant la conscience armée de son fils, qui se tait et s’éloigne en emportant respectueusement son mépris, et il meurt de tout cela, comme un homme sans puissance d’ambition et d’idées ; car les grands hommes peuvent bien être tués par leur ambition ou par leurs idées, mais ils ne se laissent pas, comme une jeune fille allemande, mourir ! […] Césara, l’ennemi de l’Église romaine, meurt révolté, mais béni par l’Église romaine, plus forte que lui.

120. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XI. Des éloges funèbres sous les empereurs, et de quelques éloges de particuliers. »

On dit qu’à la fin de ce dernier éloge, il demanda aux dieux la faveur de mourir comme ce jeune prince, en combattant avec gloire pour le peuple romain. […] Il y eut encore, sous ce règne, un éloge funèbre qui fit du bruit ; c’était celui de Junia, nièce de Caton, sœur de Brutus, et femme de Cassius, morte soixante et trois ans après la bataille de Philippe. […] Nous ajouterons, pour l’honneur de l’éloquence et des lettres, qu’il eût mieux valu imiter Papinien, qui cent cinquante ans après, pressé par Caracalla de lui composer un discours pour justifier devant le sénat de Rome le meurtre de son frère, dit pour toute réponse : Il est plus aisé de commettre un parricide que de l’excuser  ; et aima mieux mourir que de se déshonorer. […] Sur une trentaine de princes qui régnèrent de Septime Sévère à Constantin, près de vingt-cinq périrent de mort violente ; et ceux qui montaient sur le trône étaient pour la plupart des soldats de fortune, plus féroces qu’instruits, et qui connaissaient moins la tribune que les champs de bataille ; d’ailleurs, on ne loue pas ordinairement ceux qu’on assassine, et souvent c’étaient les meurtriers même qui étaient les successeurs de ceux qu’ils faisaient périr ; ils conspiraient, frappaient, régnaient et mouraient pour faire place à d’autres meurtriers.

121. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

On ne vit, dans les temps modernes, de triomphe intellectuel comparable qu’au retour de Voltaire dans Paris, après une absence de quarante ans, pour être couronné et pour mourir. […] Supplice cruel par lequel un peuple toujours vivant est encadré dans une nationalité, non pas morte, mais ensevelie. […] De ce jour il ne songe plus qu’aux lettres, dont l’empire est éternel, et à l’amour qui ne meurt pas avec la beauté mortelle. […] Elle est morte doucement et sans effort, comme un flambeau qui pâlit et s’éteint. […] qu’il eût fait beau mourir il y a aujourd’hui trois ans ! 

122. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rodenbach, Georges (1855-1898) »

Je me demande avec inquiétude ce que va dire le lecteur bien portant de cette poésie débile, anémiée, valétudinaire, voilée de crêpes… Cela est fait pour être susurré en sourdine, dans une chambre close, près du lit blanc d’une convalescente, parmi des meubles vieux, bien rangés, sous un rameau de buis bénit, tandis que le tic-tac monotone d’une vieille pendule semble la palpitation légère des heures qui dépérissent et meurent comme nous… Pour moi, je le déclare, au risque de scandaliser les Voltairiens, cette mélodie en mineur ne me déplaît pas. […] Il a de même donné d’un peu longues, un peu insistantes, mais intéressantes sensations sur les vitres où meurt le soir, sur les malades à la fenêtre ; c’est souvent ténu, aigu et délicat. […] Sa fin prématurée, d’ailleurs, vient, témoigner pour lui-même, et aujourd’hui je puis penser qu’après tout j’ai pu mal le comprendre… Toute l’œuvre de Rodenbach atteste sa préoccupation de mourir jeune et la crainte de ne rien laisser de sa vie et de ses émotions. « Seigneur, s’écriait-il déjà aux pages de la Jeunesse blanche, donnez-moi cet espoir de revivre Dans la mélancolique éternité du livre. » [Mercure de France (1898).]

123. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Il allait mourir bientôt. […] il meurt bien d’autres fous ! […] Née en 1624, elle survécut à Molière (morte en 1675). […] Mourut en 1706. […] Elle mourut jeune.

124. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

Santi venait de mourir, laissant son atelier à son fils ; son premier ouvrier, nommé Lucagnolo, gouvernait la maison. […] Son père faillit mourir de joie de le revoir sauvé, riche et puissant. […] Venez, lui dis-je, monsieur Benedetto de Cagli, venez, je suis tout résolu : il vaut mieux mourir innocent que coupable. […] il ne se soucie ni de vivre ni de mourir, et il est plus hardi que lorsqu’il n’était point malade. […] On l’enferma dans le château Saint-Ange, où il mourut de la mort la plus cruelle.

125. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Il amena sa femme à Dublin, et après deux ans de mariage, y mourut au mois d’avril de l’année 1667. […] Pourquoi accrut-il par d’absurdes refus l’horreur de son agonie, et la laissa-t-il mourir désespérée, hors de la maison où elle avait le droit d’habiter, où elle lui demandait la grâce de mourir ? […] Voyons, que je vous les voie mettre avant de mourir. […] Elle approchait de sa fin et ne voulait pas mourir loin de lui ; elle espérait mourir publiquement sa femme. […] En 1728, Stella mourut.

126. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

Mille fois plutôt mourir que de céder ma fille à cet homme dur ! […] Elle fondit en larmes et elle devint rouge comme une feuille morte de notre treille coupée, de douleur et de honte de ce qu’on osait seulement lui faire une si offensante proposition. […] Pour toi, misérable taupe de rocher, et pour ta vieille Parque de sœur, ne vous inquiétez pas de votre pain ; il y a des hôpitaux dans le duché pour les aveugles et pour les veuves sans secours, et deux grabats ne vous y manqueront pas pour mourir. […] Et alors même que tu parviendrais à le découvrir et que tu te coucherais, comme une chienne sans maître, au pied de sa tour pour le voir un jour mener au supplice et pour demander à mourir avec lui, qui est-ce qui te nourrira en attendant, et où trouveras-tu, sans un baïoque seulement dans la main, un asile pour reposer ta tête ? […] Je me dis : Tu n’as pas à choisir, Hyeronimo est dans Lucques ; il est là, soit pour vivre, soit pour mourir, là tu dois être pour mourir ou pour y vivre le plus près de lui que Dieu le permettra.

127. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

Saint Louis, près de partir pour la dernière croisade où il mourut, était déjà d’une grande faiblesse et d’une extrême débilité de sa personne, et comme épuisé de vieillesse, quoiqu’il n’eût guère que cinquante-cinq ans. […] Joinville perd la plupart de ses chevaliers ; il voit mourir le bon prêtre qui lui sert d’aumônier. […] Le scorbut se déclare : Et il venait tant de chair morte aux gencives à nos gens, qu’il convenait que les barbiers l’enlevassent pour leur permettre de mâcher et d’avaler. […] Déjà chacun ne songe plus qu’à bien mourir : « Il y avait tout plein de gens qui se confessaient à un frère de la Trinité » là présent. […] Cet invincible et maladif désir d’une croisade dernière le prit comme prend à d’autres, après une longue absence, le désir de s’en revenir mourir dans la patrie.

128. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

Quand et où était-elle morte ? On ne le disait pas, on ne le savait pas ; la plupart des auteurs de notices se bornaient à dire vaguement qu’elle était morte vers 1800. […] Il ne saurait donc être exact de dire avec l’historien d’Auteuil, Feuardent, que Mme de Boufflers mourut pendant la Terreur dans la terre de DesAlleurs appartenant à sa bru, près de Rouen : elle survécut à l’époque sanglante ; mais de combien de temps ? […] Sa belle-fille, la comtesse Amélie, eut une fin mieux connue, mais non moins triste ; elle ne mourut qu’en mai 1825, à l’âge d’environ 74 ans. […] Il mourut, en effet, cinq jours après, et ce ne fut pas lui, sans doute, qui lut la réponse.

129. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Mlle Aïssé, qui mourut, il est vrai, d’une phthisie aux poumons, et non d’un anévrisme au cœur, était devenue bien maigre, comme elle le dit : « Je suis extrêmement maigrie : mon changement ne paraît pas autant quand je suis habillée. […] » Ernest est parfait, mais il n’est pas idéal ; mais, après cette amère et religieuse douleur d’une amie morte pour lui, morte entre ses bras, après cette sanctifiante agonie au sortir de laquelle l’amant serait allé autrefois se jeter dans un cloître et prier éternellement pour l’âme de l’amante, lui, il rentre par degrés dans le monde ; il trouve moyen, avec le temps, d’obéir à l’ordre de celle qui est revenue à l’aimer comme une mère ; il finit par se marier et par être raisonnablement heureux. […] Mlle de Lespinasse, après avoir pleuré amèrement et consacré en idée son Gustave, se prend un jour à M. de Guibert, l’aime avec le remords de se sentir infidèle à son premier ami, et meurt, innocente et consumée, dans les flammes et les soupirs. […] Ce sont de vraies lettres écrites à une amie sous le sceau de la confidence, destinées à mourir en naissant, puis trouvées et publiées dans la suite par la petite-fille de cette amie. […] Il la ramena en France, la fit très-bien élever, abusa d’e le, à ce qu’il paraît16, dès qu’il la crut en âge, et mourut en lui laissant une pension de 4,000 livres.

130. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

et si Jacques partait, tu en mourrais peut-être ?  […] mourir ! […] J’aime Joseph ; s’il part, je pourrai m’affliger, je pourrai laisser tomber quelques larmes ; mais, tout en l’aimant je l’attendrai sans mourir. Nul garçon ne meurt pour une fille, et ils n’ont pas tort ; ce n’est que trop vrai : personne ne perd plus que celui qui s’en va. […] Mais l’oncle meurt : elle ne se décourage point.

131. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Elle s’était fixée durant les années mêmes qui sont pour toute jeunesse celles de la légèreté, de la joie et de la première fleur, durant ces trois ans et quatre mois de captivité au Temple où elle vit mourir, l’un après l’autre, son père, sa mère, sa tante et son frère. […] Elle a raconté l’histoire de sa captivité et des événements arrivés au Temple depuis le jour où elle y entra jusqu’au jour où y mourut son frère, et elle l’a fait d’un style simple, correct, précis, sans un mot de trop, sans une phrase, comme il sied à un cœur profond et à un esprit juste parlant en toute sincérité des douleurs vraies, de ces douleurs véritablement ineffables et qui surpassent tout ce qu’on en peut dire. Elle s’y oublie elle-même et sans affectation, le plus qu’elle peut ; et elle s’arrête au moment où meurt son frère, la dernière des quatre victimes immolées. […] Sa famille, qui avait espéré le revoir une dernière fois, et l’embrasser le matin même de sa mort, est dans la désolation qu’on peut concevoir : Mais rien, écrit Madame, n’était capable de calmer les angoisses de ma mère ; on ne pouvait faire entrer aucune espérance dans son cœur : il lui était devenu indifférent de vivre ou de mourir. […] Mme la duchesse d’Angoulême est morte à Frohsdorf le 19 octobre 1851, à l’âge de soixante-treize ans moins deux mois, et dans la vingt et unième année de son dernier exil.

132. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Elle voudrait mourir tranquille. […] Je suis une âme simple et sincère ; n’estimant rien que le naturel ; une bergère des Alpes en littérature, un pauvre poëte rêveur, une bonne petite femme artiste, aveugle-née de génie qui n’a jamais su ce qu’elle faisait, quand elle écrivait, et qui n’a jamais visé qu’à être aimable, dût-elle en mourir de chagrin. […] la rosée tomber sur la mer Morte. » Je crois même que M.  […] N’ont-elles pas vieilli assez déjà pour nous permettre de prévoir qu’un jour elles pourraient bien mourir ? […] Aimable femme qui sera toujours aimable, dût-elle en mourir de chagrin.

133. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Appendice. »

« SAINTE-BEUVE. » Puisque j’en suis à recueillir des articles nécrologiques, j’ajouterai encore celui-ci qui a été inséré dans le Constitutionnel du vendredi 18 mai 1866 : « Mme la comtesse de Boigne, née d’Osmond, est morte le 10 mai, à l’âge de quatre-vingt-six ans. […] Elle est morte pleine de jours, avec son entière liberté d’esprit, universellement vénérée et regrettée. Pour tous ceux qui l’ont connue, on peut dire que c’est une personne unique qui meurt, quelqu’un à qui nulle autre ne ressemblera plus. […] Pasquier mourut, je me considérai comme obligé par reconnaissance de payer un hommage à sa mémoire ; j’attendis quelque temps jusqu’à ce qu’une occasion favorable se présentât. […] Hier un violent disciple de Balzac souffletait Vauvenargues (et en s’en prenant à Vauvenargues il se trompait, il faut lire La Rochefoucauld), pour avoir dit que ce n’est pas assez d’avoir de grandes facultés, qu’il faut en avoir encore l’économie, etc. » Au tome IX, page 155, à la note, le mot de M. de Barante sur Benjamin Constant doit être rétabli ainsi : « C’est une fille qui a été jolie, et qui mourra à l’hôpital. »

134. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

Malheureusement, Grégoire XVI, qui l’accorda, mourut la même année (1846), et Pie IX fit attendre dix ans la pourpre donnée par son prédécesseur. […] … L’Église libre dans l’État libre, c’est-à-dire l’Église morte dans un État délivré d’elle ; car on espère bien qu’elle mourra de cette liberté à outrance, fatale, du reste, à tous les genres de pouvoirs, qui doivent, un jour, irrémissiblement en mourir ! […] L’Église est assez forte pour embrasser tous les genres de gouvernement et ne pas mourir de cet embrassement.

135. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

D’ordinaire, les poètes jeunes encore, les poètes aux pensées infinies, pour parler comme eux, ne s’enterrent pas de leurs propres mains dans ce titre solennel et un peu funéraire de Poésies complètes, qui implique la fin de leurs travaux et le dernier mot de leur manière ; mais un détail touchant de cette publication, c’est que Banville, quand il en eut l’idée, croyait mourir. […] Mais un poète comme Banville, qui n’a eu qu’un tort pour sa gloire, c’est de venir dix ou vingt ans trop tard dans la poésie collective de son temps, nous montre, à travers l’éloquence de son talent et par elle, pourquoi les écoles meurent et pourquoi elles doivent mourir. III Elles meurent justement parce qu’elles sont des écoles, parce que la poésie collective, la poésie analogue, qui se tient et qui se ressemble par une communauté de parti pris ou de doctrines, est une poésie qui s’épuise vite, — les hommes de talent qui se donnent à elle, par cela même qu’ils se donnent, n’étant pas de force à la renouveler. […] Si, de toute l’école romantique emportée des bibliothèques de l’avenir, par un cataclysme imprévu, il ne restait que Théodore de Banville, il passerait peut-être pour un grand poète ; car il est une poésie générale qui meurt avec toute époque et qu’on impute parfois, quand l’époque n’est plus, au poète qui n’a fait que la réfléchir.

136. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Marie Desylles » pp. 323-339

— de ces lettres qu’on ne publie jamais, qui restent au fond des tiroirs et des cassettes inviolables, à moins que quelque main indiscrète ne les arrache au cercueil qui devrait toujours les emporter… Les Lettres de mademoiselle de l’Espinasse, morte en 1776, qui étaient des lettres d’amour, écrites à un homme qu’elle avait ardemment et cruellement aimé, n’ont été publiées qu’en 1809. […] Que me fait même que cette Réa soit morte ! […] L’amour de Réa peut porter tous les signes mortels de ce temps destructeur, mais il n’en est pas moins l’amour immortel qui ne disparaîtra qu’avec la dernière âme humaine… Cette Réa Delcroix, c’est bien là la femme amoureuse au xixe  siècle, dans ce siècle où l’amour s’en va des cœurs appauvris, mais où, quand il existe, il est d’autant plus intense et d’autant plus orageux qu’il s’est réfugié dans quelques âmes ardentes et profondes, et qu’il s’y débat pour y mourir ! […] Allez boire, à cette source mystérieuse, le voluptueux et pur breuvage qui ensorcelle… Elle l’a bu, elle, et elle en est morte, nous dit-on à la fin de ce livre, fait avec les fleurs d’une âme qui ne devaient s’épanouir que pour l’amour seul… Il faut bien qu’elle soit morte, puisqu’on l’a publié !

137. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Ainsi vécut et mourut ce sage, dont l’œuvre, étouffée de son vivant, devait revivre après lui dans la gloire, le patriotisme et le génie d’Athènes. […] « Qu’ainsi ferme à son rang, il excite encore son voisin à mourir ! […] Jamais ne meurent sou noble souvenir ni son nom ; mais, sous la terre qui le couvre, il est immortel celui que, dans le feu de la victoire, de la résistance, du combat pour la patrie et la famille, le terrible Mars a frappé. […] mourons pour nos enfants, sans ménager en rien nos vies. […] Car de ceux qui, serrés l’un contre l’autre, ont d’eux-mêmes affronté les premiers abords, il n’en meurt qu’un petit nombre ; et ils sauvent le peuple derrière eux.

138. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XVI » pp. 64-69

cet Athénée, vieillard aujourd’hui, se meurt ; mais au lieu de mourir de sa belle mort et en vieillard du xviiie  siècle qu’il est, il a recours aux charlatans. […] C'est ainsi que tout passe et que tout change, et qu’après soixante ans d’une vie honorable et constante, ce pauvre Athénée, tombé en enfance, s’en va avant peu de mois mourir.

139. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Guarini, et Jason de Nores. » pp. 130-138

Il mourut lorsqu’elle étoit sous presse. […] Le procès alloit être jugé, lorsqu’il mourut à Venise, où il s’étoit transporté pour les poursuivre. Guarini mourut très-estimé comme poëte, mais décrié comme père, comme ami, comme citoyen.

140. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Et Dieu l’exauce en la faisant mourir. […] Je crus voir renaître cette ville rétrécie et morte. […] Laure mourra au sortir de l’enfance, mais qu’importe ? […] Barthélémy mourut jeune en 1843. […] Sans cesse il naît des étoiles et sans cesse il en meurt.

141. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

« Il mourut, dit M.  […] Elle mourra, qui en doute ? […] Elle se meurt, elle est morte ! […] Cependant, est-elle bien morte ? […] Elle avait un amoureux qui l’attendait, afin de mourir.

142. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Le poète l’a célébrée, sans fatigue, vivante et morte. […] Pétrarque mourut d’apoplexie, le 18 juillet 1374, âgé de soixante-dix ans. […] Lazare de Baïf mourut en 1547. […] Tout confort meurt en moi, tout deuil se renouvelle ! […] Magny mourut fort jeune.

143. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Ainsi séparé d’Iseult, Tristan tomba malade et faillit mourir. […] — Vous perdez votre meilleur chevalier, dit Tristan, car je m’en vais mourir. […] — Mon vaillant chevalier, dit-elle, je croyais ne plus vous revoir. — Je m’en allais mourir, madame, dit Tristan ; sans votre amour je ne puis vivre. […] Mais la fille du roi de la Petite-Bretagne, qui a surpris le secret des amours de son mari, veut se venger ; elle lui fait accroire que la reine de Cornouailles refusa de se rendre à ses vœux et Tristan meurt de chagrin ; Iseult, arrivée trop tard, meurt à son tour auprès de son amant. […] Elle va donc se coucher près de lui, elle le serre dans ses bras, puis se roidit et rend l’esprit. » Tristan mourut pur sun désire Iseult qu’à lui ne peu venir ; Tristan mourut pur su amour E la belle Iseult pur tendrur.

144. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Et tout ce petit poème, vraiment parfait : Cette fille, elle est morte, est morte dans ses amours. […] Il faut que tout le monde meure, y compris M.  […] Mourir, c’est laisser en proie au hasard des yeux les yeux qui vous parlent. […] La princesse Est-ce là mourir ? […] Je meurs.

145. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XV. La commedia dell’arte au temps de Molière et après lui (à partir de 1668) » pp. 293-309

Molière mourut le 17 février 1673, en jouant pour la quatrième fois le rôle du Malade imaginaire. […] Aurelia quitta le théâtre en 1683 : elle vécut jusqu’à l’âge de quatre-vingt-dix ans et mourut en 1703, époque où Mademoiselle Belmont, femme de son petit-fils, se souvenait d’avoir vu, dans son lit, toujours et extrêmement parée, l’ancienne favorite de la reine Anne d’Autriche. […] Domenico Biancolelli mourut en 1688, à l’âge de quarante-huit ans, dans les circonstances suivantes : « Le sieur Beauchamp, maître à danser de Louis XIV et compositeur de ses ballets, avait dansé devant S.  […] La fièvre s’y étant jointe, il ne fut pas plus de huit jours malade, et après avoir renoncé au théâtre, il mourut le lundi 2 août 1688, à six heures du soir, et fut enterré à Saint-Eustache, derrière le chœur, vis-à-vis la chapelle de la Vierge. » L’Arlequin Dominique laissait, dit-on, trois cent mille livres de biens.

146. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

Il a tout fait pour être absolument insupportable à une époque où la distinction est honnie comme une aristocratie outrageante ; où, par exemple, le grand Lamartine est oublié pour les Lilliputiens du Parnasse, et où ce Flaubert, qui vient de mourir en emportant dans sa tombe la tête d’une littérature qui ne laisse plus derrière lui que ses parties honteuses, mugissait de son vivant, comme un bœuf qu’il était : « ce gueuloir de Chateaubriand !  […] De l’organisation la plus heureuse, fait essentiellement pour les lettres, il y débuta en se jetant éperdument dans le feuilleton dramatique, alors florissant, et malgré tous les Mentors, — il en avait plusieurs, — qui craignaient les Eucharis du théâtre pour ce Télémaque en plein feu d’imagination et de jeunesse… La grande littérature du milieu du dix-neuvième siècle était morte ou allait mourir : Balzac et Stendhal n’étaient plus ; Gozlan vivait encore, mais les deux plus grands poètes du siècle, de Musset et Lamartine, étaient tombés, l’un des bras d’une indigne femme dans le désespoir enivré qui devait le tuer, l’autre dans la vie politique, qu’on pourrait appeler la mort littéraire, où il s’engloutit, la lyre à la main, comme Sapho, qu’il avait chantée, dans la mer ! […] Malheureusement, il vient de mourir !

147. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le docteur Revelière » pp. 381-394

Ce ne fut point un penseur solitaire, un de ces Stylites qui vivent au désert et ne descendent pas de leur colonne… Cet hétéroclite d’outre-tombe, ce Revelière qui se réveille, sans avoir dormi ses cent ans, comme Épiménide, et qui se compare à Hypocrate, non par orgueil de sa sagesse, mais par mépris pour ses compatriotes, qui lui font l’effet d’être fous comme les Abdéritains, ce Burgrave de la Monarchie morte, n’a point passé ses jours, qui furent nombreux, à rêvasser ou à cuver ses indignations comme Alceste : Dans un petit coin sombre avec son noir chagrin… Il était trop robuste pour être misanthrope… et s’il fut, comme ils le diront certainement, un utopiste du passé, il l’a assez frottée contre les faits, son utopie ! […] III Elle est morte, en effet, — le cœur peut en saigner, — mais elle est morte à jamais, pour qui a le sentiment des réalités de l’Histoire… Aux yeux de ceux qui savent ce qui constitue la personnalité et l’identité d’un peuple, il faut, pour qu’il se sente toujours vivant, qu’il ait pu rester, sinon tout entier, au moins en partie, dans le principe de sa vie et de sa durée. […] Il savait bien que, plus d’un demi-siècle avant lui, Joseph de Maistre et de Bonald étaient morts désespérant de la Monarchie, l’un disant : « Je meurs avec l’Europe ! 

148. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gérard de Nerval  »

Ses amis de ce temps-là, devenus maintenant ce que Balzac, qui agrandissait tout, appelait des maréchaux littéraires, se sont souvenus et ont parlé de lui comme de vieux maréchaux de l’Empire auraient pu parler du jeune Marceau, quoiqu’il ne fût, ni par le mérite ni par la jeunesse, un Marceau littéraire quand il mourut. […] Il gagna à si tragiquement mourir. […] Il ne fut toute sa vie qu’un compagnon littéraire, qui mourut avant de devenir cette odieuse chose fausse qui vous serre la main en vous appelant : « mon vieux camarade !  […] Il était riche, ou du moins il avait assez pour ne pas craindre ce cruel baiser de la misère qui est une morsure dont les faibles meurent, mais qui fait regimber jusqu’au ciel un homme vraiment fort !

149. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Don Carlos, mort à vingt-trois ans, naquit le 8 juillet 1545, de Philippe, prince d’Espagne, alors âgé de dix-huit ans, et de la princesse doña Maria de Portugal ; sa mère mourut quatre jours après l’avoir mis au ; monde. […] Don Carlos crut voir, de plus, ce religieux lui apparaître en songe et lui dire qu’il ne mourrait pas cette fois. […] Il avait toujours l’idée de se tuer, ou de se laisser mourir ; il essaya d’abord du jeune et s’abstint d’aliments pendant cinquante heures (fin de février) ; mais il n’eut pas la force de persévérer. […] Il mourut, au commencement du septième mois de sa captivité, le 24 juillet, à une heure du matin, après avoir dicté, deux jours auparavant, un testament en bons termes, et faisant une fin très-chrétienne qui édifia ceux qui en furent témoins. […] Il faut s’y résigner : la légende, cette fleur primitive, est morte ou se meurt chaque jour dans ce vaste champ défriché de toutes parts.

150. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Elle va donner de sa main Rodrigue à Chimène, et cependant elle aime Rodrigue, toute fille de roi et tout amie de Chimène qu’elle est ; mais elle est décidée, dût-elle en mourir, à immoler sa flamme au devoir, à l’honneur, au sentiment de sa propre gloire. […] — As-tu peur de mourir ?  […] Et Chimène s’écrie : « Le poursuivre, le perdre et mourir après lui !  […] — Écoute-moi. — Je me meurs. — Un moment. […] Dans cette scène, comme on voit que les amants meurent d’envie tous deux que le père mort soit mis hors de cause !

151. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Elle est admirablement morte ; mais, comme tous les politiques en temps de révolution, elle a eu à faire de vilaines choses, et si elle n’y a pas mis les bras jusqu’aux coudes, elle y avait trempé les doigts. […] On peut mourir comme Mme Roland ou comme Louis XVI, comme sainte Blandine ou comme Socrate, comme Caton ou même comme Atticus. […] mon ami, dit-elle à un autre prisonnier, je vais mourir pour la patrie et la liberté : n’est-ce pas ce que nous avons toujours demandé ?  […] Dauban la fait mourir le 8 novembre 1793 ; M. Faugère la fait mourir le 10 ; mais il me semble, en comptant bien, que le 18 brumaire répond au 9 novembre.

152. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Il fait une chaleur partout dans les appartements, qu’il y a de quoi en mourir par la grande quantité de monde et de bougies le soir. […] Elle faisait mystère de son crédit qui eût augmenté si elle eût vécu ; mais elle se sentait tournée à mourir. […] Le bon Dieu a voulu que je survive à celui pour lequel j’aurais donné mille vies ; j’espère qu’il me fera la grâce d’employer le reste de mon pèlerinage à me préparer, par une sincère pénitence, à rejoindre son âme dans le Ciel, où je ne doute pas qu’il demande la même grâce pour moi. » Elle mourut quinze mois après son époux (12 mars 1767). […] L’automne où il mourut, il venait d’avoir une visite d’une élite de femmes de la Cour, une princesse du sang, Mademoiselle de Sens, à leur tête. […] Le maréchal sentit que l’heure était venue, et près de mourir, dans un instant lucide, il dit à Senac ce mot souvent cité : « Mon ami, J’ai fait un beau songe ! 

153. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

En 1748, Galiani, âgé de vingt ans, devint célèbre dans son pays par une plaisanterie poétique, une oraison funèbre du bourreau qui venait de mourir : c’était une parodie burlesque des éloges académiques, encore plus emphatiques en Italie qu’ailleurs. […] Cette Naples, qui a tant d’attraits pour qui l’a vue une fois, et où l’on voudrait mourir, ne lui paraît qu’un exil. […] J’entends à présent pourquoi les paysans meurent tranquillement et voient mourir les autres stupidement. […] Je sais à présent quelles sont les personnes qui m’ont le plus intéressé à Paris ; dans les premières années je ne les distinguais pas. » Le jour où il perd Mme d’Épinay, ce jour-là seulement son âme se brise, sa vie parisienne est close ; le Galiani parisien meurt avec elle, le Galiani napolitain continue de végéter. […] Ce qu’on peut dire, c’est que Galiani mourut selon les formes et les convenances de son habit et de son pays, non sans avoir trouvé jusqu’à la dernière heure quelque plaisanterie à la Rabelais.

154. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Moins de deux ans après, Mme Monmayeux mourut à Saint-Germain-en-Laye (11 novembre 1794), et le bruit public fut qu’elle s’était tuée. […] Le prêtre ne paraissait plus sur l’échafaud pour consoler celui qui allait mourir : il n’y montait que pour mourir lui-même. […] Il semblait, en effet, que, comme cet empereur romain qui voulait mourir debout, La Harpe se fût dit dans sa passion littéraire : « Il convient qu’un critique (même converti) meure en jugeant. » Depuis une quinzaine de jours que je vis avec La Harpe, je me suis demandé (à part les bonnes parties du Cours de littérature qui sont toujours utiles à lire dans la jeunesse) quelles pages de lui on pourrait aujourd’hui offrir à ses amis comme à ses ennemis, quel échantillon incontestable de son talent de causeur, d’écrivain, d’homme qui avait au moins, en professant, un certain secret dramatique, et qui savait attacher. […] voyons, dit Condorcet avec son air et son rire sournois et niais, un philosophe n’est pas fâché de rencontrer un prophète. » — « Vous, monsieur de Condorcet, vous expirerez étendu sur le pavé d’un cachot ; vous mourrez du poison que vous aurez pris pour vous dérober au bourreau, du poison que le bonheur de ce temps-là vous forcera de porter toujours sur vous. » On s’étonne un peu du genre de plaisanterie dite d’un ton si sérieux, puis on se rassure, sachant que le bonhomme Cazotte est sujet à rêver. Cette fois, c’est Chamfort qui revient à la charge avec le rire du sarcasme (car le caractère et le ton de chaque interlocuteur sont très bien observés), et il reçoit sa réponse à son tour : « Vous, monsieur de Chamfort, vous vous couperez les veines de vingt-deux coups de rasoir, et pourtant vous n’en mourrez que quelques mois après. » Ensuite, c’est le tour de Vicq d’Azyr, de M. de Nicolaï, de Bailly, de Malesherbes, de Roucher, tous présents : chaque convive curieux qui vient toucher Cazotte reçoit l’étincelle à son tour, et cette étincelle est toujours le coup de foudre qui le tue.

155. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

» et quand elle meurt, Hamlet, sans la plaindre, frappe Claudius avec ce cri tragique : Suis ma mère ! […] Et c’est ainsi que Desdemona, épouse de l’homme Nuit, meurt étouffée par l’oreiller, qui a eu le premier baiser et qui a le dernier souffle. […] Cordelia se met à nourrir cette vieille âme désespérée qui se mourait d’inanition dans la haine. […] Cordelia meurt. […] Il meurt sur cette morte.

156. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

Vous rappelez-vous la Ménagerie, qu’on nous avait annoncée lorsque Philarète Chasles mourut ? […] Dans ce livre-ci, expression dernière d’un homme qui se sentait peut-être à la veille de mourir, c’est comme dans la fameuse épigramme où la Mort pousse devant elle un homme qui, toute sa vie, s’est moqué de la vie : Allez, marchons ! […] Il mourut le lendemain. […] Et telles sont, en quelques mots, les nouvelles idées de cet homme, qui passa toute sa vie pour un talent aristocratique et original et qui meurt dans les idées communes, pires, pour un esprit de sa trempe, que le choléra qui l’a tué ! VI Et, en effet, mourir n’est rien, quand on meurt dans la logique de son esprit et l’honneur intellectuel de sa vie ; mais être traîné aux gémonies des idées communes qui ont fait, toute une vie, hausser les épaules de mépris, et s’y traîner soi-même, vivant encore, voilà vraiment ce qui nous autorise à dire que Philarète Chasles a vécu un livre trop tard !

157. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

Sénèque écrivit, vécut et mourut comme un sage. […] Qu’elle se justifie, ou qu’elle meure. […] c’est encore par la crainte de mourir. […] Néron meurt exécré ; quelques années plus tôt, Néron mourait regretté. […] Néron demande si Sénèque se dispose à mourir.

158. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Rêves et réalités, par Mme M. B. (Blanchecotte), ouvrière et poète. » pp. 327-332

La poésie n’est pas morte ; elle ne sommeille même pas. […] c’est contre moi-même alors que je m’indigne ; Il ne faut pas ployer, mais se taire et mourir… Au milieu des heureux je passerai rapide. […] laissez mourir mon âme agonisante ;     Larmes, ne tombez plus !

159. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Casuistique. » pp. 184-190

Une femme, jeune, jolie, et qui paraît n’avoir pas été du tout une mauvaise fille, est morte ensanglantée par deux opérations chirurgicales. […] Ce qu’avaient fait cette jeune femme qui est morte et cet homme qui s’est suicidé, est qualifié de crime et par la morale religieuse et par le Code. […] Ce meurtre enveloppé, invisible, et qui ne saurait être confondu avec l’infanticide proprement dit, si quelque pauvre servante l’a commis dans un accès de désespoir et de demi-folie et parce qu’elle n’avait à choisir qu’entre cela et être jetée sur le pavé pour y mourir de faim… il ne la faut point absoudre sans doute, mais comme il faut avoir pitié d’elle, et comme il faut se demander quelle part de responsabilité revient, dans son crime, à la dureté de notre état social !

160. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Hernani » (1830) »

L’auteur de ce drame écrivait, il y a peu de semaines, à propos d’un poète mort avant l’âge : « … Dans ce moment de mêlée et de tourmente littéraire, qui faut-il plaindre, ceux qui meurent ou ceux qui combattent ? […] Que les vieilles règles de d’Aubignac meurent avec les vieilles coutumes de Cujas, cela est bien ; qu’à une littérature de cour succède une littérature de peuple, cela est mieux encore ; mais surtout qu’une raison intérieure se rencontre au fond de toutes ces nouveautés. […] Il n’est pas de ces poètes privilégiés qui peuvent mourir ou s’interrompre avant d’avoir fini, sans péril pour leur mémoire ; il n’est pas de ceux qui restent grands, même sans avoir complété leur ouvrage, heureux hommes dont on peut dire ce que Virgile disait de Carthage ébauchée : Pendent opera interupta, minæque Murorum ingentes !

161. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Joseph Scaliger, et Scioppius. » pp. 139-147

On y voit Jules représenté comme le plus grand guerrier de son siècle, parce que, dépourvu de fortune & de talent, il avoit fait, dans sa jeunesse, quelques campagnes en Italie, en qualité de simple soldat ; comme le plus habile médecin de l’Europe, parce qu’il avoit pris des dégrés dans la faculté de médecine de Padoue, & qu’il exerçoit cet art, moins pour guérir les autres, que pour s’empêcher de mourir de faim ; comme meilleur latiniste qu’Erasme, & supérieur en tout à Cardan, parce qu’il fut l’ennemi juré de l’un & de l’autre. […] Il mourut à Leyde, 1609, victime des traits dont il avoit montré le funeste usage. […] Pour Gaspard Scioppius, il ne mourut que l’an 1649, à Padoue, où il s’étoit retiré, faute de pouvoir trouver ailleurs une retraite assurée contre la multitude d’ennemis qu’il s’étoit faits par l’impétuosité de son caractère.

162. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 445

Ces deux Ouvrages, si utiles au Public, n’enrichirent pas leur Auteur ; car il vécut & mourut dans la plus grande pauvreté. […] Vous savez comme il m’a fait vivre, voyez , ajouta-t-il en montrant son grabat, comme il me fait mourir .

163. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

Mais Marcellus persistait à penser que la meilleure place sous un tyran aimable et doux était la plus éloignée ; il vécut à distance et mourut en paix, véritable homme d’honneur de la République. […] En 1848, il se repentit de son repentir, et alla mourir vaincu, on ne sait dans quel parti, en Portugal ; la révolution en fit un héros de circonstance. […] Canning en mourut. […] « J’ai une lettre qu’Ali-Bey m’écrivit peu d’heures avant de mourir. […] Et j’y mourrai au moins de désir.

164. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

— Pour mourir », répond Blandine. — Et là-dessus, le gouverneur étant entré et Épagathus s’étant lui-même dénoncé comme chrétien, Æmilia et Attale se dénoncent librement à leur tour ; et Blandine, qu’on oubliait dans son coin, vient tendre les mains aux chaînes en disant : « Et moi ?  […] Toutefois, si la bête féroce n’est pas morte en elle et n’y est qu’endormie, ne peut-on pas dire que ses réveils se sont quelque peu espacés de notre temps, et que, s’il n’y a peut-être pas moins de cruauté latente dans l’âme des foules, il y en a moins de déclarée dans les lois et dans les mœurs ? […] Il n’a pas d’ailleurs été partout inégal à sa tâche ; et voici une scène, — la dernière, — où la maternité chaste et sanglante de Blandine, aidant le pauvre petit Ponticus à souffrir et à mourir, est peinte de traits assez forts et assez doux : PONTICUS Pardonne-moi, j’ai peur ! […] PONTICUS Non… je ne… souffre… pas… (Sa tête retombe ; il meurt.) BLANDINE Non… je ne… souffre… pas… (Sa tête retombe ; il meurt.)

165. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VI. Jean-Baptiste  Voyage de Jésus vers Jean et son séjour au désert de Judée  Il adopte le baptême de Jean. »

Les Esséniens ou Thérapeutes étaient groupés près du pays de Jean, sur les bords orientaux de la mer Morte 278. […] Jean avait fixé le théâtre de son activité dans la partie du désert de Judée qui avoisine la mer Morte 289. […] Makaur 326 ou Machéro était une forteresse colossale bâtie par Alexandre Jannée, puis relevée par Hérode, dans un des ouadis les plus abrupts à l’orient de la mer Morte 327. […] Le féroce Abdallah, pacha de Saint-Jean-d’Acre, pensa mourir de frayeur pour l’avoir vu en rêve, dressé debout sur sa montagne. […] Il est remarquable que les Elchasaïtes, secte sabienne ou baptiste, habitaient le même pays, que les Esséniens (le bord oriental de la mer Morte) et furent confondus avec eux (Épiph., Adv. hær., XIX, I, 2, 4 ; XXX, 46, 47 ; un, 4 et 2 ; Philosophumena, IX, iii, 15 et 46 ; X, xx, 29).

166. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Elle a de l’intérêt par elle-même ; il n’est pas indifférent à la morale, de voir comment cette femme, née dans une prison, d’un père protestant, qui se ruina au jeu et mourut à la Martinique, où elle fut laissée en gage à un créancier par sa mère obligée de venir chercher du pain en France ; renvoyée à sa mère, à quatorze ans, par ce créancier qui trouvait trop onéreux de la nourrir ; devient à quarante-cinq ans l’amie, la confidente d’un roi galant, parvient à le détacher de ses maîtresses, ne voulant prendre la place d’aucune, et à quarante-huit ans devient la femme de ce roi, plus jeune qu’elle de trois ans. […] Il vécut et mourut zélé protestant, sans que la conversion de Henri le détachât de ce prince. […] Le nom d’Agrippa fut joint à celui de Théodore, non, comme on l’a tant de fois répété, parce que sa mère était morte en lui donnant le jour, et qu’il était ægrè partus, mais par l’analogie de sa condition de posthume et de proscrit avec celle du Romain Marcus Julius Agrippa, surnommé le posthume, lequel fut proscrit par Tibère et tué à l’âge de vingt-six ans : cet Agrippa était petit-fils d’Auguste et le dernier de sa descendance mâle ; le père de d’Aubigné voulut que son nom rappelât à son fils sa propre condition et son serment. […] Il y mourut. […] Suivant Auger, Scarron n’aurait épousé Françoise d’Aubigné qu’en 1658, à l’âge de 23 ans, puisqu’il suppose que Scarron, mort en 1660, mourut 2 ans après son mariage.

167. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Béjot, Alfred »

Anonyme C’est un livre de poésie pure, c’est aussi un livre de réalité poignante, un salut en même temps qu’un adieu à la vie, puisqu’il s’agit d’un poète, atteint du mal inguérissable de la phtisie, dont il meurt, dont il se sent mourir, agonisant amoureux de la nature, des cieux de Provence, des joies des choses, des tendres caresses de la femme, de tout ce qui ravit les autres et qu’il faut quitter.

168. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

la belle destinée, de ne pouvoir plus mourir sinon avec un immortel !  […] Brutus meurt le dernier des Anciens, et il crie au monde qu’il s’est trompé dans sa noble espérance. […] Celui qu’aiment les Dieux meurt jeune. […] Il me semble qu’après de tels témoignages, Leopardi n’a plus qu’à mourir. […] Tempo verrà ch’io, non restandomi altra luce di speranza, ultra stato a cui ricorrere, porrù tutta la mia speranza nella morte : c allora ricorrerò a te, etc.

169. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

» Mais, pendant cette dure captivité, la protectrice du Tasse, Léonora, mourut de langueur dans le palais de Ferrare. […] Vous pouvez être sûr de son éternelle félicité dans le séjour de la bonté et de la piété. » Elle n’avait que quarante-deux ans quand elle mourut. […] cette sœur, son unique refuge sur la terre, était destinée à mourir avant lui de ses propres peines. […] Le Tasse, il est vrai, n’a donné la vie qu’à des fantômes, mais ces fantômes, qui n’ont point de corps, ont un cœur ; voilà pourquoi ils ne mourront pas. […] Le fer s’y enfonce et s’abreuve de son sang, l’habit qui couvre sa gorge délicate en est inondé : elle sent qu’elle va mourir ; ses genoux fléchissent et se dérobent sous elle.

170. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXI » pp. 129-130

. — Lucrèce n’a décidément reparu que pour mourir, et mourir non pas du poignard, mais de langueur, de froideur, de vieillesse déjà.

171. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Depuis l’âge de seize ans, j’ai la fièvre, et ceux qui m’aimaient un peu m’ont pleurée plusieurs fois comme morte, tant je leur paraissais peu vivante ! […] Jugez : toutes les misères à Lyon passant à travers la mienne ; vingt, trente mille ouvriers cherchant jour par jour un peu de pain, un peu de feu, un vêtement pour ne pas tout à fait mourir. […] « Elle n’y va pas de main morte », disait d’elle M.  […] Il est mort selon son vœu : il disait un jour, en pleine santé, qu’il fallait que l’homme de lettres mourût comme Eugène Delacroix, en ne laissant tomber le pinceau qu’au dernier moment. La plume ne lui est tombée de même à lui, définitivement, des mains que le jour où il s’est alité pour mourir.

172. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le comte de Fersen et la cour de France »

Le sentiment de Fersen pour Marie-Antoinette l’a revêtu d’une éternelle jeunesse, et il portera sur son front inextinguiblement cette lueur d’étoile… Cet admirable serviteur d’une Reine assassinée mourut longtemps après elle, assassiné comme elle, dans une émeute de son pays, mais avec des détails de cruauté à faire bénir le coup de tranchet de la guillotine qui emporta la tête de la Reine. Il mourut comme son maître, Gustave III, lui-même assassiné. […] Le royaliste ne dit pas aux Rois leur vérité, et il a vécu depuis, et il a dû mourir, avec le poids de cette vérité sur le cœur ! […] Ce fut tout à la fois un assassinat et un suicide (deux lâchetés en une seule) ; car, en ne frappant pas la Révolution, les royautés d’Europe se frappèrent elles-mêmes, et, dans un temps donné, elles pourraient bien en mourir !

173. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Du Deffand »

… » Horace Walpole nous raconte bien qu’elle aurait voulu être dévote, et on aurait pu lui répondre, comme le grand Condé à cette femme qui disait que, si elle était homme, elle voudrait mourir d’un coup de canon : « Pardieu ! […] En dehors de la conversation, elle mourait. […] « J’ai le cœur enveloppé », fit-elle une minute avant de mourir ! Elle l’avait eu toujours enveloppé, ce pauvre cœur, dans cette draperie sans bout de l’ennui ; elle mourait sous ce poids énorme bien avant d’avoir cessé de respirer.

174. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Favrot »

Le Docteur Favrot37 I Quand je lus le titre de cet ouvrage pour la première fois et que je sus que l’auteur était le docteur Favrot, je me dis que nous allions donc avoir enfin sur ce sombre sujet des inhumations un livre qui vigoureusement secouerait tous les genres de problèmes qui se rattachent à l’éternelle et toujours actuelle question des sépultures, puisque nous mourons tous les jours ! […] Il n’en reste absolument rien dans leurs nerfs ou dans leurs esprits, et c’est véritablement à faire croire que la superficialité humaine, qui paraissait si monstrueuse à Pascal, est peut-être tout le secret de vivre, et que si les hommes étaient plus profonds ils mourraient de leur profondeur. […] il nous parle seulement des avantages relatifs du cimetière de Méry, à cette heure en projet, et ne touche nullement à la question générale des grands cimetières, qui n’est, en somme, que la question retournée des grandes villes, de ces grands centres de population, les hypertrophies dont les peuples modernes, si on n’y prend garde, pourraient bien mourir ! […] Le pauvre Edgar Poe l’a poussé comme Pascal ; Edgar Poe, organisé comme Pascal, mais dans un milieu différent, qui eut horreur de cet enfer du matérialisme d’être enterré vivant, comme Pascal avait horreur de l’autre enfer ; Edgar Poe, qui eut le cerveau timbré de cette terrible idée, qui en timbra ses œuvres, qui en timbra sa vie, et qui en mourut fou plus encore que du delirium, tremens !

175. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Eugène Sue » pp. 16-26

Il est mort, dit-on, en libre penseur, et ses dernières paroles ont été pour se vanter de cette superbe manière de mourir. « Prenez acte de ceci, — a-t-il dit à ses amis, — que je meurs en libre penseur », c’est-à-dire sans souci de Dieu, de l’âme et de sa destinée. Il a donc réalisé le terrible mot de Stendhal, qui était aussi de cette boutique de la Libre Pensée et qui mourut frappé d’apoplexie sur le pavé, sans que Dieu lui laissai le temps d’être inconséquent à son célèbre dire : « la pénitence est une sottise. […] malgré cette fin d’un homme qui meurt en prenant toutes ses précautions pour qu’on s’en aperçoive et pour que la charité des gens de bien ne puisse calomnier sa mémoire en l’honorant d’une bonne action dernière, malgré l’exil volontaire dans lequel la vanité trouve moyen de s’encadrer encore, lorsque tous les autres cadres ont été brisés, enfin malgré des travaux… considérables, si vous comptez le nombre des volumes, et qui n’ont jamais (malheureusement) été interrompus, M. 

176. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Edgar Poe » pp. 339-351

Il y a plus triste que le talent foudroyé, c’est le talent qui se fourvoie, et qui meurt de s’être fourvoyé. […] C’était, de nature, un vrai poëte, une incontestable supériorité d’imagination, faite pour aller ravir l’inspiration aux plus grandes sources ; mais il n’est pas bon que l’homme soit seul, a dit le saint Livre, et Poe, ce Byron-Bohême, vécut seul toute sa vie et mourut comme il avait vécu, — ivre et seul ! […] C’est là que Poe mourut, le 7 octobre 1849, à l’âge de trente-sept ans, vaincu par le delirium tremens, ce terrible visiteur qui avait déjà hanté son cerveau une ou deux fois…. […] Poe ne mourut pas seulement du delirium tremens, il en avait vécu !

177. (1773) Essai sur les éloges « Morceaux retranchés à la censure dans l’Essai sur les éloges. »

Parmi les maréchaux de France, le maréchal Ornano, arrêté en 1636, meurt à Vincennes ; le maréchal de Marillac, après quarante ans de service, est décapité, sous prétexte de concussions, c’est-à-dire, comme il le disait lui-même, pour un peu de paille et de foin ; le maréchal de Bassompierre, un des meilleurs citoyens, est mis à la Bastille, en 1631, et y reste onze ans, c’est-à-dire, jusques après la mort du cardinal. […] En 1631, Marillac, le garde des sceaux, frère du maréchal, est aussi arrêté, et meurt prisonnier à Châteaudun. […] Le chancelier hésite et le combat ; le cardinal répond : Il faut que de Thou meure. […] On assure que le même homme fit demander au pape, sous le nom du roi, un bref pour faire mourir qui il voudrait dans les prisons, sans charge de conscience et sans forme de procès ; comme s’il y avait une puissance qui pût affranchir des lois de la nature et de l’humanité ; comme si un bref pouvait autoriser des assassinats.

178. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Malherbe, avec différens auteurs. » pp. 148-156

Une heure avant que de mourir, il reprit sa garde d’un mot qui n’étoit pas bien François. […] Il mourut en 1628. […] Tous ses enfans moururent avant lui.

179. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Quelle est donc la race qui n’ait pas suivi le cours régulier de naissance, de croissance, de décadence et de mort, conditions de ces collections d’hommes comme de l’homme lui-même, soumis à ces quatre phénomènes de la vie, naître, croître, vieillir et mourir ? […] « L’homme est un insecte éphémère, né des ténèbres et de la douleur un matin, pour mourir dans les ténèbres et dans la douleur un soir. […] Son chien seul, plus fidèle et plus inséparable de lui que l’amitié et que l’amour, suit en haletant les traces de son maître pour mourir à ses pieds ou pour triompher avec lui. […] Nous nous transformons, mais ce n’est pas mourir ; l’âme, dans ces transformations successives, éprouve l’enfance, la jeunesse, la vieillesse, comme nous les éprouvons ici-bas. […] Ne consulte pas tes vaines opinions ou tes vaines terreurs ; ne consulte que ta conscience et ton devoir, qui te commandent de mourir pour tes frères et pour la cause de ton peuple.

180. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Challe » p. 219

Il y a trente ans et plus que vous faites le métier, et vous ne vous doutez pas de ce que c’est, et vous mourrez sans vous en douter. […] La pauvre Esther se meurt, et le monarque la touche aussi de son sceptre.

181. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lautréamont (1846-1870) »

Il naquit à Montevideo, en avril 1846, et mourut âgé de 28 ans, ayant publié les Chants de Maldoror et des Poésies, Les Chants de Maldoror sont un long poème en prose, dont les six premiers chants seuls furent écrits. […] On sent, à mesure que s’achève la lecture du volume, que la conscience s’en va, s’en va, et quand elle lui est revenue, quelques mois avant de mourir, il rédige les Poésies, où, parmi de très curieux passages, se révèle l’état d’esprit d’un moribond, qui répète, en les défigurant dans la fièvre, ses plus lointains souvenirs, c’est-à-dire, pour cet enfant, les enseignements de ses professeurs !

182. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Janikan, ébloui de sa fortune et emporté de la haine qu’il avait pour la reine mère, à cause du défunt, répondit fièrement à l’eunuque: « Saroutaki était un chien et un voleur qu’il y a longtemps qu’on devait faire mourir. […] Il la communiqua à son parti, qui ne crut pas pouvoir se sauver qu’en faisant une conjuration opposée, qui était d’aller arracher la reine mère du milieu du sérail et de la faire mourir. […] Il arriva la dernière fois que l’épicier fut alité, que sa pauvre bête devint aussi malade, et elle se démena et se tourmenta si furieusement jusqu’au jour de sa mort, qu’elle mourut aussi au même instant. […] On y verra comment une femme pénitente mourut, par son repentir, avec le courage de la vertu. […] Pendant le dernier de ses voyages, le roi meurt à la campagne, et voici la manière curieuse dont il raconte l’élévation et le couronnement de Solyman, son successeur.

183. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

La nature obéissait à la volonté et lui prêtait toute sa vie pour mourir en reine. […] Elle ne sut que charmer, égarer et mourir. […] Il était redevenu prince par le sentiment de mourir en citoyen. […] Il mourut avec une sécurité qui ressemblait à une révélation de l’avenir. […] Il mourut sans adresser un reproche à cette cause, et comme si l’ingratitude des républiques était la couronne civique de leurs fondateurs.

184. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Elle a balayé la poussière d’une littérature morte ; elle a relevé le génie de la race qui semblait épuisé ou affaissé. […] Elle mourut après 1509. […] Il mourut après 1439. […] Il mourut en 1465. […] Il se retire chez lui en 1510 et meurt en 1511.

185. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Il y a de la cendre vraie, de celle-là sur laquelle on meurt vivant… Mais quand nous n’aurions ni Les Amoureuses ni Le Petit Chose, quand nous n’aurions que les Lettres de mon moulin, nous aurions assez pour trouver que la main qui a écrit cela, toute petite qu’elle est, peut mieux que caresser voluptueusement les surfaces de la vie, et peser sur le cœur d’un sujet comme la main d’un homme, et le pénétrer — en y pesant. […] à une République, le lit de Messaline où ils se consoleront de vivre et n’auront pas honte de mourir. […] Paris, ce chancre, ce cancer, dont la France doit crever, disait un jour Blücher avec la grossièreté de sa haine de Prussien, ils viennent le prendre, le contracter, se l’inoculer, s’en infecter, et avant que la France, qui en mourra, en meure, c’est eux qu’on en verra mourir ! […] Puis, comme si ce n’était pas assez que cette fin par elles-mêmes de l’Institution et de la Race, le peintre, désespéré et désespérant, d’une Royauté qui meurt, selon lui, de deux ignominies : l’ignominie morale et l’ignominie physique des personnalités royales, n’a placé auprès de cette royauté ni un homme de génie (quoique dans son livre il y en ait un), ni un homme de foi et de dévouement (quoiqu’il y en ait plusieurs), qui ne soient ou inutiles ou ridicules dans leur effort pour la sauver. […] Toute Royauté doit mourir à son poste, et son poste n’est jamais l’exil.

186. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Très-peu d’hommes du moins osent la considérer en face et se dire : « Ce sera tel jour, sans faute. » Je ne sais si Cervantes se trompa de beaucoup sur la date de dimanche qu’il assignait comme probable ; il mourut un samedi. […] Cette petite réunion d’adieux, dont le maître seul, avec un ou deux amis, avait le secret, se renouvela dix jours durant : après quoi il mourut, le onzième, comme à jour fixe. […] Mais s’il est décrété que je doive mourir, la volonté du Ciel s’accomplisse ! […] Cervantes mourut le 23 avril 1616, dans sa soixante-neuvième année. Ceux qui le font mourir le même jour que Shakespeare oublient la différence des calendriers ; il y a entre ces deux dates quelques jours d’intervalle.

187. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

» — « Mon fils, dit le vieillard, je vais à l’hôpital ; c’est là que les Jasmins meurent. » Cinq jours après, il n’était plus ; et, depuis ce lundi-là, l’enfant, pour la première fois, sut qu’ils étaient pauvres. […] Mais sans doute son ange était là pour la secourir, car si forte fut sa douleur, qu’au moment et avant de se frapper, elle tomba morte. Et le soir, un cercueil avec des fleurs passait au même chemin ; le De Profundis avait remplacé les chansons, et, dans la double rangée de jeunes filles en blanc, chacune maintenant semblait dire : Les chemins devraient gémir, Tant belle morte va sortir ; Devraient gémir, devraient pleurer, Tant belle morte va passer ! […] Vous nous accusez, nous autres d’ici, d’être enfants de Du Bartas, et voilà que du pays de Du Bartas, tout à côté, naît à l’improviste un poëte vrai, franc, naturel et populaire, qui nous ressemble peu, direz-vous, mais que nous saluons parce qu’il nous rend aussi et nous chante à sa manière cette même espérance que nous avons : « Non, la poésie n’est pas morte et ne peut mourir. » La publication de l’Aveugle a mis, dans le pays, le comble à la gloire de Jasmin.

188. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

On voit combien d’Antin prenait au sérieux un regard plus ou moins clément de Louis XIV ; rappelons-nous que Racine ne le prenait pas moins à cœur et qu’il en mourut. […] Et d’abord, dans le courant de l’été de 1707, Mme de Montespan mourut aux eaux de Bourbon. […] Louis XIV mourait, et le duc d’Orléans devenait la puissance du jour. […] C’est le courtisan incurable et qui mourra dans l’impénitence finale. […] Il mourut le 2 novembre 1736, à l’âge de soixante et onze ans.

189. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Virgile, et Bavius, Mœvius, Bathille, &c. &c. » pp. 53-62

Il mourut à Brindes, comme il alloit en Grèce pour mettre dans la retraite la dernière main à son énéide qu’il avoit été onze ans à composer & dont il étoit si peu satisfait, qu’il ordonna, par son testament, que l’on brûlât son poëme. […] L’auteur de cet ouvrage unique mourut assez riche pour laisser des sommes considérables à Tucca, à Varius, à Mécène, à l’empereur même. Son corps fut porté près de Naples ; & l’on mit sur son tombeau des vers* qu’il avoit faits en mourant : Parmi les Mantouans je reçus la naissance ;          Je mourus chez les Calabrois ; Parthénope me tient encor sous sa puissance.

190. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 46, quelques refléxions sur la musique des italiens, que les italiens n’ont cultivé cet art qu’après les françois et les flamands » pp. 464-478

On observera que Loüis Guichardin, qui mourut l’année de l’avenement de notre roi Henri IV à la couronne, parle de la possession où étoient les Païs-Bas, de fournir l’Europe de musiciens ainsi que l’Italie le fait aujourd’hui concurremment avec la France, comme d’une possession qui duroit depuis long-temps. […] Or Roland Lassé, qui mourut sous le regne de notre roi Henri IV étoit de Mons, comme on le peut voir dans l’histoire de Monsieur De Thou, qui fait un éloge assez long de ce musicien. […] Après avoir demeuré en differens endroits de l’Europe, il mourut au service de Guillaume duc de Baviere, et il fut enterré à Munich.

191. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 2, du génie qui fait les peintres et les poëtes » pp. 14-24

Les hommes nez avec le génie qui forme les grands generaux, ou ces magistrats dignes de faire des loix, meurent souvent avant que leurs talens se soient fait connoître. L’homme dépositaire d’un pareil génie, ne le sçauroit mettre en evidence sans être appellé aux emplois ausquels ce génie le rend propre, et il meurt souvent avant qu’on les lui ait confiez. […] Il doit donc arriver que plusieurs génies, nez propres aux grands emplois, meurent sans avoir manifesté leurs talens.

192. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 130-131

Ce n'est pas que le péril où je me trouve ne soit fort grand , répondit-il, puisqu'au moment où je vous écris, on sonne pour la vingt & deuxieme personne qui est morte aujourd'hui : ce sera pour moi quand il plaira à Dieu. Il mourut en effet de la contagion.

193. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Il avait poussé son odyssée jusqu’au Brésil et en était revenu pour mourir pauvre en 1834. […] Et ce mot, je ne l’entends pas : Car je suis une faible femme, Je n’ai su qu’aimer et souffrir ; Ma pauvre lyre, c’est mon âme, Et toi seul découvres la flamme D’une lampe qui va mourir… Je suis l’indigente glaneuse Qui d’un peu d’épis oubliés À paré sa gerbe épineuse, Quand ta charité lumineuse Verse du blé pur à mes pieds… Envoyant à M.  […] Au moyen âge on disait déjà la douce France ; les chevaliers, les braves Roland qui mouraient loin d’elle, la saluaient ainsi. […] « Stalle-sous-Uccle, 28 juillet 1859. » Mme Valmore mourut dans la nuit du 22 au 23 juillet 1859.

194. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Ernest Hello »

Il est impatient des applaudissements de ce temps dégradé, où la gloire n’est plus maintenant que là où Héliogabale mourut, — derrière une porte de latrines. […] Le dénouement de cette sacrilège passion de l’idolâtre, qui meurt étranglé par un chien (le chien qu’il veut vendre pour quelques sous de plus), en criant, sous les morsures de la gueule implacable, ce nom de Dieu qu’il avait oublié, dont les quatre lettres servaient à ouvrir le mécanisme de son coffre-fort, et qu’il se rappelle tout à coup, en mourant au pied de ce coffre-fort, qui ne s’ouvrira plus, est une invention digne de la tête à combinaison d’Edgar Poe. […] Un reproche pourtant que la critique pourrait hasarder, c’est d’avoir laissé un des Deux étrangers trop dans le vague de l’ombre, et de n’avoir pas mis assez de clarté dans ce redoutable personnage… On croit bien pressentir qu’il est l’Homme des Sciences occultes, quelque Magicien investi de sataniques pouvoirs, puisqu’il promet la Science universelle au docteur Williams, lequel meurt de ce funeste don ; mais le conteur aurait précisé davantage cette grandiose et inquiétante figure que son conte n’aurait été ni moins effrayant, ni moins mystérieux. […] Ils ont laissé mourir de faim Raymond Brucker, qui avait mis à leur service tout son génie.

195. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

Alfred de Musset, cet amoureux immortel de femmes mortes maintenant, heureux par toutes, malheureux par une seule, a fini par mourir de celle-là… mais il a vécu par les autres, et vous n’empêcherez jamais l’imagination humaine, éprise de ses poètes, de s’intéresser à toutes celles qui ont doublé, par le bonheur qu’elles lui ont donné, les facultés du poète qu’elle a peut-être aimé le plus, et d’en désirer obstinément l’histoire. […] … Né dans les premières années du siècle, quand le canon de Wagram fêtait le baptême de ceux-là qui pouvaient avoir l’espérance de mourir un jour en héros, et qui, l’Empire tombé, ne surent que faire de la vie, Alfred de Musset se jeta aux coupes et aux femmes de l’orgie comme il se serait jeté sur une épée si on lui en eût offert une, et il a peint cette situation dans les premières pages qui ouvrent les Confessions d’un enfant du siècle, avec une mélancolie si guerrière ! […] , cette vie de monde que le monde lui avait faite, à ce dandy qui ne l’était que par les habits de Staub et les gants de Geslin, mais qui, sous ses caparaçons de mondain, garda toujours sa tendresse dans son incorruptible sensitivité… Hermine de pensée et de cœur jusqu’à sa dernière heure, qui mourut de ses taches encore plus que de ses blessures, pour qu’il fût bien et dûment puni d’avoir, étant hermine, cru qu’on peut se guérir de ses blessures en se roulant dans le ruisseau de feu du vice, comme le bison dans son bourbier ! […] … C’est cette vie-là d’Alfred de Musset qui nous manque, et puisqu’il ne l’a pas écrite, puisqu’il ne s’est pas appesanti sur elle, qui nous manquera probablement toujours… S’il l’avait écrite, on l’aurait jugé ; et on ne peut que le deviner, ce tendre cœur qui vivait de son cœur quand on le croyait un mondain frivole, et qui mourut de son cœur quand on le croyait un mondain vicié.

196. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Malot et M. Erckmann-Chatrian » pp. 253-266

Ce n’est pas un Racine qu’il faudrait maintenant pour ranimer la tragédie morte. […] Elle était morte, doit-on dire, sous l’étreinte d’esprits imbéciles qui n’eurent que de lâches embrassements ? […] … Le chevalier de Tréfléan, le curé Hercoët, le médecin matérialiste Michon, la mère de Maurice, la mère, cette sublime ordinaire, à laquelle j’ose demander, au nom de l’art, quelque chose de plus que la même manière de toujours se dévouer et de toujours mourir en pardonnant, ne les avons-nous pas tous rencontrés et coudoyés, non pas seulement dans la vie, mais aussi dans la littérature, et sur un pavé de littérature plus haut que celui sur lequel M.  […] Chatrian n’a pas de plus grands ennemis de son livre que les souvenirs éveillés par son livre, et c’est la réminiscence qui le fait vivre qui le fait mourir !

197. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Tout se tait, tout est mort : mourez, honteux soupirs, Mourez, importuns souvenirs Qui me retracez l’infidèle ; Mourez, tumultueux désirs, Ou soyez volages comme elle ! […] Rien que par ce seul cri Parny mériterait de ne point mourir. […] Son chant, comme celui des oiseaux qui ne chantent que durant la saison des amours, s’en irait mourir vaguement dans les bois. […] Parny mourut le 5 décembre 1814, avant d’avoir pu même entrevoir le déclin et l’échec de sa gloire. […] je voulais mourir.

198. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

La jeune fille mourut de douleur, non sans avoir senti fuir auparavant sa raison égarée ; et lui, il passa de longues années à gémir amèrement en lui-même, à moduler avec douceur ses regrets. […] Il prend au sérieux la poésie, l’élégie ; il la pratique, il en vit, il en meurt : c’est là une bien grande faiblesse, j’en conviens, mais c’est humain et touchant. […] C’est dans ces ombres tutélaires, C’est ici que je veux mourir ! […] Il ne réussit pas à s’en détacher, à laisser mourir ou s’apaiser en lui ses facultés aimantes et tendres ; il mourut avec elles et par elles.

199. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Lemontey a cherché grande malice dans quelques mots d’elle sur l’abbé de Chaulieu, lorsqu’elle le va voir en sortant de la Bastille, et qu’elle le trouve si différent de ce qu’il était par le passé : « Il étoit déjà fort mal, dit-elle, de la maladie dont il mourut trois semaines après. […] — M. de Silly mourut le 19 novembre 1727 ; il était lieutenant-général des armées du Roi257. […] Les femmes du xviie  siècle, après les orages du monde, retournent volontiers au couvent et y meurent ; les femmes du xviiie ne le peuvent plus. […] Elle avait soixante-six ans, lorsqu’elle mourut le 15 juin 1750. A peine la duchesse du Maine fut-elle morte a son tour, qu’on se disposa à publier les Mémoires : ils parurent en 1755 ; on n’attendit même pas que le baron de Staal eût disparu.

200. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Tout mourait autour d’eux, l’oiseau dans le feuillage. […] Et sur tous ces débris joignant leurs mains d’argile, Étourdis des éclairs d’un instant de plaisir, Ils croyaient échapper à cet être immobile Qui regarde mourir. Et nous pouvons ajouter aux paroles du poète : Oui, tout meurt, mais pour renaître, et tout renaît pour mourir. […] En 1715, Louis XIV meurt, et la littérature officielle de ses dernières années, littérature dévote, guindée, retenue, fait place à un dévergondage d’athéisme, d’impudeur, de cynisme, de nudité.

201. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Lequel valait le mieux pour toi d’être l’appui de ton vieux père qui se meurt de douleur, de ta femme qu’on cherche à séduire depuis vingt ans quoiqu’elle n’en vaille pas la peine, de ton fils que les princes voisins vont dépouiller, de gouverner tes sujets avec sagesse, de nous rendre heureux en nous laissant pratiquer sous nos cabanes des vertus que tu aurais pratiquées dans ton palais ? […] C’est lui qui fut élu roi de Pologne en 1697, et qui mourut en 1709, sans avoir pu prendre possession de cette couronne. […] Ce pronostic fut malheureusement bien démenti, puisque ce jeune prince mourut en 1685, deux ou trois ans peut-être après cette pièce. […] Elle ne mourut qu’en 1739. […] Cette dernière fut mariée au duc d’Orléans régent, et ne mourut qu’en 1749.

202. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

Il n’est pas d’expression pittoresque qui puisse articuler, pour ainsi dire, les paroles du vieil Horace, quand il répond à celui qui lui demandoit ce que son fils pouvoit faire seul contre trois combattans : qu’il mourût. […] Par exemple, le Poussin a bien pu dans son tableau de la mort de Germanicus exprimer toutes les especes d’affliction dont sa famille et ses amis furent penetrez, quand il mourut empoisonné entre leurs bras ; mais il ne lui étoit pas possible de nous rendre compte des derniers sentimens de ce prince si propres à nous attendrir. Un poëte le peut faire : il peut lui faire dire : je serois en droit de me plaindre d’une mort aussi prématurée que la mienne, quand bien même elle arriveroit par la faute de la nature ; mais je meurs empoisonné : poursuivez donc la vengeance de ma mort, et ne rougissez point de vous faire délateurs pour l’obtenir. […] On conçoit facilement comment un peintre varie par l’âge, le sexe, la patrie, la profession et le temperament, la douleur de ceux qui voïent mourir Germanicus ; mais on ne conçoit point comment un poëte épique, par exemple, viendroit à bout d’orner son poëme par cette varieté, sans s’embarasser dans des descriptions qui rendroient son ouvrage ennuïeux. […] L’un meurt vuide de sang, l’autre plein de sené.

203. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

On sait qu’il mourut l’année suivante ; et tandis que le peuple, toujours extrême, était loin de témoigner, pour sa cendre, le respect qu’il lui devait, et comme à son souverain, et comme à un homme qui avait fait de grandes choses pour la France, les orateurs sacrés et les gens de lettres portèrent leurs derniers hommages sur sa tombe. Par une loi éternelle, tout prince doit naître, vivre, mourir, et être enterré au bruit des éloges : l’habitude, la reconnaissance et le respect satisfirent à tout. […] Trajan et Henri IV, quand ils commandaient leurs armées, marchaient et vivaient en soldats ; Louis XIV, dans les camps, parut toujours en roi : il mêla la pompe du trône à la fierté imposante des armées ; et déployant une grandeur tranquille, sans jamais se montrer de près à la fortune, son mérite fut d’inspirer à ses généraux l’orgueil de vaincre, et à ses troupes l’orgueil de combattre et de mourir pour lui. […] Dans ces moments où tout fuit, mais où la vertu reste ; où les flatteries et les éloges de cinquante années se taisent pour laisser élever la voix de la conscience et de la vérité qui ne meurt pas, où l’âme tranquille et courageuse pèse dans un calme terrible tout ce qui a été, et seule avec elle-même, apprécie les crimes, les succès, les victoires, et toutes ces tristes grandeurs humaines qui vont la quitter ; dans ces moments il se reprocha d’avoir sacrifié à un vain désir de gloire la félicité des peuples. […] Je voudrais qu’on le représentât debout et désarmé, tel qu’il était dans sa vieillesse et peu de temps avant de mourir, foulant à ses pieds toutes les médailles de ses conquêtes : lui-même, au lieu d’esclaves, serait entouré de la plupart des grands hommes qui ont illustré son règne.

204. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Il put mourir satisfait. […] Elle est morte. […] J’appelle mourir, mourir à trente ans, à quarante ans, à cinquante ans. Si mourir c’est quitter la vie, mourir à quarante ans, c’est mourir ; et si l’on s’en aperçoit, c’est vraiment pénible. […] Elle mourut en 1773.

205. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Mme de Châteauroux étant morte subitement, elle se dit que c’était à elle de la remplacer. […] Le peuple français n’y va pas de main morte. » Ces paroles me firent trembler, ajoute la bonne Mme Du Hausset qui nous transmet le récit, et je m’empressai de sortir. […] Il semble que la nation elle-même l’ait senti, qu’elle ait senti surtout qu’après cette brillante favorite on allait tomber bien bas ; car, lorsqu’elle mourut à Versailles, le 15 avril 1764, le regret de cette population de Paris qui l’aurait lapidée quelques années auparavant, fut universel. […] Si Voltaire, écrivant de Mme de pompadour morte à ses amis, disait : « Elle était des nôtres », à plus forte raison les artistes avaient droit de le dire. […] Mme de Pompadour mourut au moment où on la croyait hors de péril.

206. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

L’admiration pour l’harmonie des langues mortes et savantes, se remarque surtout dans ceux qui ayant mis beaucoup de temps à les étudier, se flattent de les bien savoir, et les savent en effet aussi bien qu’on peut savoir une langue morte, c’est-à-dire très mal. […] Despréaux, quoique lié avec beaucoup de poètes latins de son temps, sentait bien le ridicule de vouloir écrire dans une langue morte. […] vous devriez mourir de pure honte d’être battus de l’oiseau pour le petit malheur qui vous est arrivé. […] Donc nous en sentons la différence d’avec le bon latin, quoique le latin soit une langue morte. […] De l’imagination, du goût, de l’oreille ; pourquoi des Français, qui prétendent avoir eu le bonheur de posséder ces qualités en parlant une langue morte et étrangère, ne les ont-ils plus retrouvées quand ils ont hasardé de faire des vers dans la leur ?

207. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Quand mourut son triste mari, elle manqua perdre la raison, et on entendait ses cris dans la rue. […] J’entrai dans un tel paroxysme de rage que je m’évanouis presque… Je présume que je finirai comme Swift, c’est-à-dire que je mourrai d’abord par la tête, —  à moins que ce ne soit plus tôt et par accident. » Horrible attente, et qui l’a hanté jusqu’au bout ! […] Le premier meurt, et les survivants demandent qu’on l’enterre du moins à l’endroit où vient cette pauvre clarté. […] Celui qui meurt — ne peut pas mourir davantage. —  Je sentais les ténèbres venir et s’en aller, —  et je luttais pour m’éveiller ; mais je ne pouvais m’accrocher et gravir jusqu’à la vie. —  Je me sentais comme un naufragé à la mer sur une planche, —  quand toutes les vagues qui fondent sur lui — le soulèvent en même temps et l’engloutissent1282. » Les nommerai-je tous ? […] Il a aimé, trop aimé, trop près de lui, sa sœur peut-être ; elle en est morte, et le remords impuissant est venu remplir cette âme que nulle occupation humaine n’avait pu combler. « Ma solitude n’est plus une solitude ; —  elle s’est peuplée de furies.

208. (1924) Critiques et romanciers

Et de quoi est-elle morte ? […] « All’ est ben morte ! […] Est-ce que la fourmi est morte en chemin ? […] » lui dit cette morte. […] Cécile a vieilli ; elle n’est pas morte.

209. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

David, qui vient de mourir, génie plus romain que grec, n’a pas emporté son marteau ; de jeunes émules rêvent le beau moderne sur sa tombe, et le rêve dans l’art précède toujours le réveil. […] Paturle vient de mourir ; que deviendra ce précieux héritage ?). […] Et Raphaël ne mourut-il pas lui-même d’admiration pour la beauté plébéienne de la Fornarina ? […] Elle devait bientôt mourir, afin de laisser une ombre sur le cœur de son amant et un éblouissement de jeunesse dans ses yeux. […] Gérard parle une langue morte, Robert parle une langue vivante et vulgaire.

210. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

« Pendant que l’une de ces âmes parlait ainsi, l’autre âme pleurait avec de tels sanglots que je m’évanouis de pitié, comme si j’allais mourir, et je tombai à terre comme un corps mort tombe !  […] ” « Il mourut là, et, de même que tu me vois là devant toi, je vis tomber et mourir successivement les trois autres, un à un, entre le quatrième et le sixième jour. […] Ils sont dans ce plus jeune et plus aimé des enfants qui se jette et s’étend pour mourir aux pieds de son père, et qui lui adresse dans le délire de l’agonie ce mot plus cruel que mille morts, ce reproche déchirant du mourant au mourant : « Mon père, pourquoi ne me secours-tu pas ? » Ils sont dans l’erreur des enfants qui, voyant le père se ronger les mains de rage, croient qu’il veut dévorer sa propre chair et lui offrent celle qu’il leur a donnée avec la vie ; Ils sont enfin dans ces quatre fils venant successivement se coucher et mourir aux pieds du père, un à un, dit le poète, et le faisant mourir ainsi quatre fois en eux avant sa propre mort. […] Enfin les enfants sont beaux dans leur innocence, beaux dans leur ignorance de la signification du bruit de la porte qu’on mure sur eux, beaux dans leur songe quand ils rêvent la nourriture, beaux dans leur silence pour ne rien reprocher à leur malheureux père, beaux dans leur cri pour lui offrir leur propre corps, qui lui appartient, à dévorer ; beaux dans leur délire quand, s’adressant encore à lui comme à une Providence, ils lui demandent pourquoi il les laisse mourir ainsi sans secours ; beaux enfin dans ce dernier mouvement filial de leur agonie qui les rapproche de lui et les pousse à se coucher sur ses pieds pour mourir à son ombre.

211. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

Et à présent je ne sais comment vous pouvez croire que je regrette rien, quand je suis avec vous pour vous aider à vivre, ou pour mourir avec vous si vous mourez. […] Sa mère était morte. […] — On me répond : Il pouvait déchirer l’ordre et mourir lui-même. […] Elle mourut en le bénissant. […] C’était comme une lutte de cœur à qui mourrait le premier.

212. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Mais Nodier mourut avant d’avoir laissé échapper les pages riantes, et nous voilà en demeure, nous poëte autrefois intime, critique aujourd’hui très-grave, de payer le tribut au plus joyeux et au plus bachique des chanteurs. […] Celui-ci est le dernier chansonnier vraiment gai, le pur chansonnier sans calcul, sans arrière-pensée, dans toute sa verve et sa rondeur ; à ce titre, il demeure original et ne saurait mourir. […] A ne les juger que sur le papier, les pièces lues (qu’on ne s’en étonne pas) ne rendent que bien peu les mêmes pièces chantées ; c’est une lettre morte et muette ; il faut l’air pour leur rendre le souffle et le sens. […] Il continua aussi de présider les dîners du Caveau moderne, qui ne mourut qu’avec lui. […] Il n’avait que cinquante-quatre ans accomplis lorsqu’il mourut (9 août 1827).

213. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

Elle était morte quand ma réponse parvint à son sépulcre. […] C’est alors que ma paupière Vous vit pâlir et mourir, Tendres fruits qu’à la lumière Dieu n’a pas laissés mûrir ! […] » C’est l’ombre pâle d’un père Qui mourut en nous nommant ; C’est une sœur, c’est un frère Qui nous devance un moment. […] Qui aurait dit qu’elle mourrait avant d’avoir fini d’allaiter son enfant, Fior d’Aliza, que vous voyez devant vous. […] Quand il fut revenu à lui : — Couche-moi, me dit-il, je n’ai plus qu’à mourir ; la fièvre de Terracine m’a tué.

214. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Mais point ; et Schopenhauer s’est laissé mourir dans son lit. […] Maitreya se souvient d’une jeune fille, Narada pleure sa mère morte, Angira cherche et doute. […] Le fils du Richi, qui doit, à peu près comme Iphigénie, être immolé pour expier la faute du roi Maharadjah, aime Çanta et ne veut pas mourir, et Çanta ne veut pas qu’il meure. […] Les nouveaux convertis au Christ, Saxons, Germains, Gaulois, n’ont point dépouillé leurs moeurs barbares ni leur facilité à tuer et à mourir. […] je crois, seigneur, en y réfléchissant, Que l’homme a toujours eu soif de son propre sang, Comme moi le désir de sa chair vive ou morte.

215. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Le bel adieu d’un jeune Français aux Lettres, quand il ferme sa cantine de sous-lieutenant, et quelle image de soi-même à léguer, s’il meurt, à ses frères d’armes et de pensée !‌ […] si je meurs, ce sera en bon Français, vous pourrez en être fière !‌ […] »‌ Pourtant il ne meurt pas avant d’avoir pu détendre la corde de l’arc. […] Il mourut à l’ambulance de Montereau le 30 octobre 1916, âgé de vingt ans.‌ […] Tu verras, je reviendrai en bonne santé, et puis, même si je mourais, je trouve que c’est une si belle mort qu’elle est enviable.

216. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Ce que paraît bien réellement Bernis d’un bout à l’autre dans ces lettres à Choiseul, c’est un honnête homme qui est au-dessous de la situation, qui est l’auteur désigné et responsable d’une alliance devenue funeste, qui se sent engagé, et qui n’a pas le pouvoir de tenir ni de réparer : On ne meurt pas de douleur, écrit-il à Choiseul (13 décembre 1757), puisque je ne suis pas mort depuis le 8 septembre (époque de la convention étourdie de Klosterzeven). […] Je crois même sur cela que mon calcul aurait été à l’avantage de la conservation des hommes… J’ai pensé en mourir de honte et de douleur. » Et à un autre endroit il ajoute : J’ai fait la lettre que le roi a écrite au comte de Clermont pour l’empêcher de quitter le Rhin où, chose incroyable ! […] Je voudrais que cela fût, et mourir subitement après. Tenons-lui compte de ces paroles, où il n’a que le tort de parler un peu trop souvent de mourir, et voilons tout à côté l’exposé hideux et trop circonstancié qu’il trace de l’abaissement général d’alors, abaissement qui avait envahi même les camps, ce dernier refuge de l’honneur. […] On ne veut point s’inquiéter ni du présent ni de l’avenir ; il faut que je meure chaque jour de l’indifférence des autres.

217. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Les prétendus mémoires font mourir la marquise de Créqui à l’âge de 98 ans au commencement de 1803, et il y est dit, dès les premières lignes, qu’elle était née je ne sais quand (les registre de l’état civil faisant défaut) et approximativement de 1699 à 1701, ce qui même la ferait mourir à plus de cent ans. […] En fait, la vraie marquise de Créqui était née le 19 octobre 1744, et elle mourut le 2 février 1803, âgée de 88 ans et quelques mois. […] Mme de Créqui a un frère, le comte de Froullay, qui est blessé à la bataille de Laufeld le 2 juillet 1747, et qui, transporté à Tongres, y meurt le 11 du même mois. […] Le fabricateur des mémoires fait mourir ce frère de la marquise à l’armée de Villars, de la petite vérole, et en 1713, époque où il n’était pas né. […] Ce mariage, qui paraît avoir été assez heureux, fut de courte durée, et la laissa veuve à vingt-six ans (1744) avec un fils unique ; une fille qu’elle avait eue était morte peu après sa naissance.

218. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Un pareil homme aimera mieux mourir de faim que de se procurer à un tel prix les besoins de la vie. […] Pour moi, je me suis sauvé dans la solitude, et j’ai résolu d’y mourir, sans me rembarquer sur la mer du monde. […] Non, je ne doute point de ton existence ; et soit que tu m’aies destiné une carrière immortelle, soit que je doive seulement passer et mourir, j’adore tes décrets en silence, et ton insecte confesse ta divinité. […] Joubert avant de mourir, comme une harpe éolienne qui rend quelques beaux sons, et qui n’exécute aucun air. » C’était triste et vrai. […] Par quel miracle l’homme consent-il à faire ce qu’il fait sur cette terre, lui qui doit mourir ? 

219. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Saint-Évremond, né en 1613, était de trois années plus âgé que Ninon, qui était de 1616 ; il mourut en 1703, à l’âge de plus de quatre-vingt-dix ans, et elle en 1705, au même âge moins quelques mois. […] Au comte de Choiseul, qui l’ennuyait un peu, et qui, un jour qu’il avait été d’une promotion, se mirait revêtu de tous ses ordres : « Prenez garde, monsieur le comte, lui dit-elle devant toute la compagnie ; si je vous y prends encore, je vais vous nommer vos camarades. » Il y avait eu, en effet, de déplorables choix. — Atteinte dans sa jeunesse d’une grave maladie et dont on désespérait, on se lamentait autour d’elle ; chacun, à son exemple, voulait mourir, et elle, raillant un peu tout ce jeune monde, même en le consolant : « Bah ! […] Elle est morte avec toute sa raison, et même avec l’agrément de son esprit, qui était le meilleur et le plus aimable que j’aie connu en aucune femme. […] Saint-Évremond a beau écrire à Ninon : « La nature commencera par vous à faire voir qu’il est possible de ne vieillir pas » ; il a beau lui dire : « Vous êtes de tous les pays, aussi estimée à Londres qu’à Paris ; vous êtes de tous les temps, et quand je vous allègue pour faire honneur au mien, les jeunes gens vous nomment aussitôt pour donner l’avantage au leur : vous voilà maîtresse du présent et du passé… » ; malgré toutes ces belles paroles, Ninon vieillit, elle a ses tristesses, et sa manière même de les écarter peut sembler plus triste que tout : Vous disiez autrefois, écrit-elle à son ami, que je ne mourrais que de réflexions : je tâche à n’en plus faire et à oublier le lendemain le jour que je vis aujourd’hui. […] Ninon voit mourir Charleval, son vieil ami le plus fidèle ; Saint-Évremond voit mourir Mme de Mazarin, qui était toute sa ressource et son soutien.

220. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

Il avait le même mal que cette autre ennuyée, la marquise du Deffand, de cette femme, charmante aussi, que le monde fais ait mourir d’ennui pour sa peine de l’avoir aimé, de l’avoir diverti, et d’avoir mis à son service un esprit fait pour monter plus haut ! […] Oui, c’était là le vrai et le grand Rivarol, aussi pour moi le Rivarol impossible à retrouver, comme la beauté d’une femme morte, le Rivarol imaginé, puisque je ne l’ai pas entendu, et qui enivre toujours ma pensée comme si je l’avais entendu, et même peut-être davantage ! […] Mais, pour ma part, j’ai peine à croire que le perçant historien des Tableaux de la Révolution, qui ne s’était jamais trompé sur personne dans son histoire, ni sur le Roi, ni sur la Reine, ni sur Necker, ni sur Lafayette, ni sur Mirabeau, ait été ici la dupe de quelqu’un et n’ait pas pénétré de son regard l’impuissance radicale des intrigues dans lesquelles, en émigration, le royalisme s’agitait, Rivarol y mourut au milieu des tronçons dispersés de ces intrigues, qui ne se rejoignirent jamais. Il mourut jeune encore. […] Cet Alcibiade du Royalisme, par sa puissance de séduction et par sa beauté, mourut à l’étranger, comme Alcibiade chez les Perses.

221. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Il continua de correspondre avec cette princesse depuis 1753 jusqu’en 1767, presque jusqu’à l’année où elle mourut. […] Il considère cette société antérieure et postérieure à l’individu ; il la voit subsistante, nécessaire, harmonieuse, agissant en mille façons et par toutes sortes d’influences inappréciables, plus mère encore que marâtre, ne retirant à l’homme primitif du côté des forces physiques que pour rendre davantage par le moral à l’homme actuel, et imposant dès lors à quiconque naît dans son sein des devoirs, des obligations qui ne sont point proprement de particulier à particulier, mais qui prennent un caractère commun et général : Car les individus, dit-il, à qui je dois la vie, et ceux qui m’ont fourni le nécessaire, et ceux qui ont cultivé mon âme, et ceux qui m’ont communiqué leurs talents, peuvent n’être plus ; mais les lois qui protégèrent mon enfance ne meurent point ; les bonnes mœurs dont j’ai reçu l’heureuse habitude, les secours que j’ai trouvés prêts au besoin, la liberté civile dont j’ai joui, tous les biens que j’ai acquis, tous les plaisirs que j’ai goûtés, je les dois à cette police universelle qui dirige les soins publics à l’avantage de tous les hommes, qui prévoyait mes besoins avant ma naissance, et qui fera respecter mes cendres après ma mort. Ainsi mes bienfaiteurs peuvent mourir ; mais, tant qu’il y a des hommes, je suis forcé de rendre à l’humanité les bienfaits que j’ai reçus d’ellex. […] La vicomtesse d’Houdetot, femme aimable, spirituelle, morte de très bonne heure, laissa quelques vers que ses amis se plurent à recueillir après elle et à faire imprimer en un tout petit volume (Poésies de la vicomtesse d’Houdetot, 1782).

222. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

Questions sociales, religieuses, sont autant de saignées faites à la force vive de la patrie  Titius : Oui, on meurt par le fait de trop vivre, comme par le fait de ne pas vivre assez  Voltinius : Albe, je crois, mourra par le gâchis  Titius : On va bien loin avec cette maladie. » Nous sommes maintenant dans le vestibule du temple de Diane. […] Tandis que Prospero s’éteint voluptueusement entre les bras des sœurs Célestine et Euphrasie, les nonnes douces et jolies élevées pour la distraction des cardinaux, Antistius meurt pour ses chimères d’une mort sanglante. […] vous dites qu’on ne meurt que pour des chimères.

223. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

Lacordaire, un homme de son ordre, ce Savonarole qui, en secouant son crucifix au-dessus de sa tête, secouait les passions de Florence comme une torche qu’on veut allumer, a laissé à la postérité distraite un volume de sermons politiques dont la lettre est à peu près morte, et un volume de sermons, purement catholiques, qui vivront toujours, comme le cœur de l’homme et la doctrine de vérité qui s’applique à ce cœur immortel : Immortale jecur ! […] L’illusion des heures ou des années, la palpitation d’une âme passionnée qui s’est inventé un langage, tout cela meurt, et même ne met pas longtemps à mourir. […] Or, comme la vérité religieuse est la plus grande de toutes, la plus achevée, la plus complète, il se trouve que les orateurs religieux sont le plus longtemps des orateurs, que leur voix ne meurt pas, comme les autres voix, le long des siècles, parce qu’ils sont éminemment quelque chose de plus que des orateurs » Ce quelque chose de plus, c’est ce que je signalerai dans les œuvres oratoires du père Lacordaire ; c’est ce qu’on rencontre toujours, dans tous les orateurs chrétiens, depuis la fondation du Christianisme jusqu’à nos jours.

224. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Edmond About » pp. 91-105

En France, nous aimons, avant tout, tout ce qui est facile, ce qui fait jouer l’esprit au lieu de le faire s’efforcer ; et, nous l’avons dit, l’auteur de Germaine a une qualité dont il doit mourir, la facilité. […] Il y a au faubourg Saint-Germain une illustre et antique maison, — la maison de La Tour-d’Embleuse, — laquelle est tombée de la splendeur dans la misère et qui n’a pour tout rejeton qu’une fille de quatorze ans minée de consomption et qui va mourir. […] Ce n’était pas fort difficile à deviner, cette péripétie) Germaine ne meurt pas, et son mari se met sincèrement à l’aimer. […] Maître Pierre, un Landais, une espèce de Robinson Crusoé de la Lande, est un paysan conçu à l’envers des paysans de Walter Scott, qui sont les fils respectueux du passé, qui aiment leurs coutumes et meurent pour elles.

225. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

Peut-être même que le sort d’une jeune princesse, fille, sœur et belle-sœur de roi, jouissant de tous les avantages de la grandeur et de tous ceux de la beauté, morte en quelques heures, à l’âge de vingt-six ans, par un accident affreux, et avec toutes les marques d’un empoisonnement, devait faire sur les âmes une impression encore plus vive que la chute d’un trône et la révolution d’un État. […] où retentit comme un éclat de tonnerre, cette étonnante nouvelle : Madame se meurt, Madame est morte. » Et quelques moments après, ayant parlé de la grandeur d’âme de cette princesse, tout à coup il s’arrête ; et montrant la tombe où elle était renfermée : « La voilà, malgré son grand cœur, cette princesse si admirée et si chérie ; la voilà telle que la mort nous l’a faite ! […] « Tant il est vrai, s’écrie l’orateur, que tout meurt en lui, jusqu’à ces termes funèbres par lesquels on exprimait ses malheureux restes. » Il est difficile, je crois, d’avoir une éloquence et plus forte et plus abandonnée, et qui, avec je ne sais quelle familiarité noble, mêle autant de grandeur.

226. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

.) — Dona Teresa aime don Juan, qui a tué son père, continue de l’aimer au cloître, le revoit, consent à l’enlèvement et meurt de ne pas être enlevée, comme elle serait morte de l’avoir été. […] Après quoi les bons nègres, qui ne savent pas conduire le vaisseau, s’entre-mangent, et les derniers meurent de faim.

227. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XII. Ambassade de Jean prisonnier vers Jésus  Mort de Jean  Rapports de son école avec celle de Jésus. »

Mourut-il consolé et sûr que celui qu’il avait annoncé vivait déjà, ou bien conserva-t-il des doutes sur la mission de Jésus ? […] Mais, en un sens plus général, Jean resta dans la légende chrétienne ce qu’il fut en réalité, l’austère préparateur, le triste prédicateur de pénitence avant les joies de l’arrivée de l’époux, le prophète qui annonce le royaume de Dieu et meurt avant de le voir. […] L’école de Jean ne mourut pas avec son fondateur.

228. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Latine. » pp. 147-158

Encore ce crime est-il moins énorme que celui de déchirer son prochain. » Erasme mourut de chagrin à Basle, le 12 juillet 1536. […] voilà sept ans perdus, & vous perdrez encore tout autant d’années que vous en mettrez pour cela, parce qu’il n’est pas possible qu’un moderne soit jamais au fait d’une langue morte, qu’il connoisse parfaitement la propriété des termes, l’harmonie & la grace du discours. La plus grande difficulté qu’il y a, selon ce même écrivain, à posséder une langue morte, vient sur-tout de la propriété des termes.

229. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 33, de la poësie du stile dans laquelle les mots sont regardez en tant que les signes de nos idées, que c’est la poësie du stile qui fait la destinée des poëmes » pp. 275-287

Le vieil Horace ne m’interesseroit plus autant qu’il m’interesse si, au lieu de dire simplement le fameux qu’il mourût, il exprimoit ce sentiment en stile figuré. […] Un homme qui nous diroit simplement : je mourrai dans le même château où je suis né, ne toucheroit pas beaucoup. Mourir est la destinée de tous les hommes, et finir dans le sein de ses pénates, c’est la destinée des plus heureux.

230. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sardou, Victorien (1831-1908) »

Un poète trop peu connu, Jules Lefèvre-Deumier, a écrit cet admirable vers : « On meurt en plein bonheur de son malheur passé ! » Sardou ne meurt pas, Dieu merci !

231. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

Coligny reçut une blessure, dont il mourut, et on assura que Mme de Longueville était cachée derrière une fenêtre, à voir le combat. […] Celle-ci mourut pendant que la duchesse était à Stenay167. […] Car j’étois morte, comme la mort, à tout ce qui n’étoit pas dans ma tête, et toute vivante aux moindres parcelles des choses qui me touchoient. […] Elle mourut aux Carmélites le 15 avril 1679, âgée de cinquante-neuf ans et sept mois. […] Il disait agréablement qu’elle morte, il avait baissé de beaucoup en considération : « J’y ai même perdu, disait-il, mon abbaye, car on ne m’appelle plus M. l’abbé Nicole, mais M.

232. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Et tout cela est présenté et raconté aussi avec une simplicité digne de cette jeune fille… incroyable ; car les jeunes filles faussées qui ont l’orgueil insensé d’être des hommes meurent ordinairement dans leur orgueil, quand elles ne l’humilient pas sous la croix. […] Ils font aller leur Renée Mauperin à confesse quand elle est sur le point de mourir, par bon goût, pour elle et pour eux. […] comme les pulmoniques crachent leurs poumons avant de mourir. […] Mais l’âme de ces clowns, qui ont une âme, et qui, comme tous ceux qui en ont une, vont souffrir et mourir de leur âme, M. de Goncourt ne la montre point dans sa beauté, ne la creuse pas dans sa profondeur, ne la dramatise pas dans son action et dans sa destinée. […] Ce fratricide involontaire, dans lequel l’Abel adoré de ce Caïn innocent ne meurt pas en réalité, — mais meurt seulement pour l’art qui est sa vraie vie, — prêtait aux plus inattendues, aux plus déchirantes péripéties, aux plus pathétiques développements.

233. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 13-15

Un pareil marché lui eût été aussi avantageux que nécessaire ; car il mourut si pauvre, qu’il ne laissa pas de quoi se faire enterrer. […] On fut que Colletet, avant de mourir, avoit composé les adieux de Claudine au Parnasse : aussi La Fontaine, qu’on dit avoir été amoureux de cette femme, qui l’avoit même célébrée par quelques vers, s’égaya-t-il à ses dépens par ceux-ci : Les Oracles ont cessé : Colletet est trépassé.

234. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Dans toutes vos actions, dans toutes vos pensées, vous devriez être tel que vous seriez s’il vous fallait mourir aujourd’hui. […] S’il est terrible de mourir, peut-être est-il plus dangereux de vivre si longtemps. Heureux celui à qui l’heure de sa mort est toujours présente, et qui se prépare chaque jour à mourir ! Si vous avez vu jamais un homme mourir, songez que, vous aussi, vous passerez par cette voie. […] Naître et ne pas mourir est l’utopie contradictoire.

235. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

… Cette exclamation nous est inspirée par la mémoire d’un homme qui vient de chanter et de mourir comme un rossignol au printemps, ivre de mélodie, de rayons et de gouttes de rosée. […] Il refusa de rentrer en France, voulant mourir où il avait aimé. […] Elle fut heureuse quelques jours, puis elle mourut dans le bonheur et dans le triomphe. […] La philosophie du plaisir ne laisse dans la bouche que cendre amère, elle ne survit pas à la jeunesse : il faut mourir quand les feuilles tombent, à l’approche de l’hiver, de l’arbre de vie. Musset désirait mourir ; il disait à son excellent frère, homme d’une grâce aussi tendre, mais d’une raison plus saine que lui : « Je suis le poète de la jeunesse, je dois m’en aller jeune avec le printemps.

236. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

. — Les lettres de Mme de Créqui — Ses jugements sur les auteurs ; excès dans la justesse, — De l’atticisme en France et de ses variations depuis deux siècles, — De la bonne compagnie qui ne meurt pas. […] Et Garat, « qui s’est fait député du Tiers, et qui va être de l’Académie : c’est un pauvre mérite que ce Garat » ; — et le Chamfort, quelle force bel et bien de rétracter une de ses atrocités sur une pauvre morte qui n’est plus là pour se défendre ; — et le Raynal, dont elle se prive très volontiers à la lecture : « Je ne connais que sa conversation, très fatigante, et ses prétentions, très satisfaites : mon âme est naturellement chrétienne, et tout ce qui me ferait perdre ce sentiment, si cela était possible, il m’est facile de m’en abstenir » ; — et Cérutti, qui avait alors son instant de lueur et jetait sa première et dernière étincelle : L’administrateur Cérutti vient d’achever sa rhétorique : il promettait beaucoup, il y a vingt ans ; il n’a pas fait un pas depuis ce temps-là. […] Combien de fois n’a-t-on pas dit que la bonne compagnie s’en va, qu’elle est morte ! […] Son fils mourut deux ans avant elle, lui laissant des ennuis derniers et des embarras d’affaires, et prolongeant ses torts envers elle jusqu’au-delà de la mort. Elle-même mourut le 2 février 1803.

237. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Fouquet mourait à Pignerol en mars 1680, presque au lendemain du jour où l’on avait enfin permis aux siens de le visiter dans ce donjon où il languissait depuis quatorze ans. […] Il fit mine d’en vouloir sortir, il est vrai, mais il se laissa persuader assez aisément d’y rester sous couleur de patriotisme, et il y était encore quand il mourut en janvier 1761, à la veille, dit-on, d’être remercié par le roi. […] Il était arrivé à la perfection ; il semble qu’il n’avait plus qu’à mourir… Songeons pourtant que, s’il lui avait été donné de vivre Page de son père, soixante-dix-sept ans, il serait mort seulement en 1809. […] Lui aussi, Gisors comme Pallas, s’il avait un vieux père que sa mort navrait, du moins il n’avait plus de mère : …….Tuque, o sanctissima conjux, Felix morte tua, neque in hunc servata dolorem, s’écriait le vieil Évandre. — Malgré le caractère tout historique du livre de M.  […] Ces dames, qui sont sur la paroisse de Saint-Sulpice, allèrent trouver le curé de cette paroisse, qui est aussi celle de M. de Voltaire, et firent promettre à ce pasteur imbécile et aussi fanatique qu’elles de ne point enterrer M. de Voltaire s’il venait il mourir.

238. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Un travail sans relâche, une prière continuelle, point d’ambition que pour les emplois les plus vils et les plus humiliants, aucune impatience dans les sœurs, nulle bizarrerie dans les mères, l’obéissance toujours prompte et le commandement toujours raisonnable. » Et vers le même temps il écrivait à son fils : « M. de Rost m’a appris que la Champmeslé étoit à l’extrémité, de quoi il me paroît très-affligé ; mais ce qui est le plus affligeant, c’est de quoi il ne se soucie guère apparemment, je veux dire l’obstination avec laquelle cette pauvre malheureuse refuse de renoncer à la comédie, ayant déclaré, à ce qu’on m’a dit, qu’elle trouvoit très-glorieux pour elle de mourir comédienne. […] Boyer est mort fort chrétiennement ; sur quoi je vous dirai, en passant, que je dois réparation à la mémoire de la Champmeslé, qui mourut avec d’assez bons sentiments, après avoir renoncé à la comédie, très-repentante de sa vie passée, mais surtout fort affligée de mourir : du moins M. Despréaux me l’a dit ainsi, l’ayant appris du curé d’Auteuil, qui l’assista à la mort ; car elle est morte à Auteuil, dans la maison d’un maître à danser, où elle étoit venue prendre l’air. » On a besoin de croire, pour excuser ce ton de sécheresse, que Racine voulait faire indirectement la leçon à son fils, et condamner ses propres erreurs dans la personne de celle qui en avait été l’objet. […] Le jour que mourait dans les larmes Ou La Fontaine ou Champmeslé27.

239. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

Quand elle fut conduite à l’échafaud révolutionnaire pour y mourir avec plusieurs dames de la cour et avec leurs filles, elle demanda à mourir la dernière, et elle partagea avec elles le mouchoir qui protégeait son sein pour sauver au moins la pudeur de celles dont elle ne pouvait sauver la vie. […] Sa mère était morte après 1830. […] Cette jeune femme était morte bientôt après son mariage, brûlée dans son appartement en faisant sa toilette pour aller au bal. […] Il y vécut en sage, repentant d’un peu trop de zèle ; il y mourut à la fleur de son âge, plein de mansuétude et de précoces vertus.

240. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Le roi, qui était bon justicier, mourut. […] Elle était morte. […] Elle mourut royalement. […] La prosodie de Boileau et des classiques est morte. […] Nous nous mourons d’orgueil.

241. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

. — Son père meurt en 1786. […] Outougamiz meurt. […] Il fut presque pauvre et mourut caché. […] Il ne meurt qu’à soixante-treize ans. […] Elle mourut le 4 novembre.

242. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre III. La Phèdre de Racine. »

Sophocle fait mourir Jocaste, il est vrai, au moment où elle apprend son crime, mais Euripide la fait vivre longtemps après. […] Curæ non ipsa in morte reliquunt41.

243. (1860) Ceci n’est pas un livre « À M. Henri Tolra » pp. 1-4

L’attention morte, la littérature mourra bientôt.

244. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Ne pas savoir se créer une occupation sérieuse lorsque la vieillesse commence, c’est vouloir mourir d’une mort anticipée. […] Mimnerne demandait, pour extrême limite, à mourir à soixante ans. Mais Solon, cet autre sage, le réfutait et lui disait également en vers de se rétracter et de dire avec lui, en corrigeant légèrement son vœu : « C’est à quatre-vingts ans que je veux mourir. » Horace Walpole, qui avait bien cinquante ans, écrivait à Mme Du Deffand, qui en avait bien près de soixante-dix : « Ah ! […] Humble et patiente amitié, pensai-je, c’est ainsi qu’on t’oublie aux heures splendides de la jeunesse et de l’amour ; c’est ainsi que tu apparais, douce et consolatrice, vers le soir de la vie, quand la passion est morte et l’existence dénudée32. […] Greffulhe, le frère de Mme de Castellane, le grand ami d’Augustine Brohan, et celui que nous avons vu mourir le plus riche portefeuille de France.

245. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Il faut y revenir ou mourir. […] Cette clef, c’est précisément la chose qui ne meurt pas. […] J’espère mourir dans l’ignorance du vrai nom de cet imbécile. […] Seulement, il ne meurt pas comme tout le monde. […] Ce monde immatériel est d’une grandeur à faire mourir l’imagination et à étonner même l’extravagance !

246. (1874) Premiers lundis. Tome II « Adam Mickiewicz. Le Livre des pèlerins polonais. »

Or, plusieurs d’entre vous mourront dans la parure d’insurgé, et tous doivent être prêts à mourir ainsi. […] Vous avez combattu à Grochow ou à Ostrolenka, et les derniers de nous, abusés qu’ils étaient, et, certes, remplis de l’esprit de sacrifice, mouraient, il y a un an, à Saint-Merry.

247. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

Faiblesse de la poésie au xviiie  siècle : littérature morte. […] Il n’est pas utile d’insister : cette partie de notre littérature est une partie morte ; ayons le courage d’en alléger notre exposition471. […] Il mourut en 1731.

248. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Contes de Noël »

Il songe que plusieurs sont mortes, et qu’il mourra, et que nous mourrons tous. […] Lise étant morte des suites d’un coup de pied qu’il lui a donné en plein ventre dans un moment de vivacité, Buteau a épousé en secondes noces la Guezitte, une veuve qui possède les meilleures terres de Rognes.

249. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre premier. Prostitués »

Elle a des maladies qu’on ne nomme pas ou elle se meurt de la poitrine. […] Et la pensée, qui se nourrit de liberté, mourut comme l’amour : on décora de son nom la flatterie et le sophisme comme le nom de l’autre dieu était porté par les baisers menteurs et par les comédies de caresses. […] Aujourd’hui, ceux qui échappent au seul travail ont plus de fatigue que leurs frères, souvent ils meurent jeunes, parfois ils sombrent dans la folie.

250. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 16, objection tirée du caractere des romains et des hollandois, réponse à l’objection » pp. 277-289

On est aussi peu surpris de voir mourir celui qui en arrivant de la campagne, loge dans les endroits où l’air est corrompu, et même ceux qui dans ce temps-là y viendroient habiter des endroits de la ville où l’air demeure sain, que de voir mourir l’homme qu’un boulet de canon a touché. […] Les annales de Rome nous apprennent qu’en l’année quatre cent quatre-vingt de sa fondation, l’hyver y fut si violent que les arbres moururent.

251. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

On le sait, les plus célèbres de ces incroyables promesses furent celles qu’il fit d’abord à Diane de Guiche, la belle Corisandre, ensuite à Gabrielle d’Estrées, laquelle mourut de son parjure quand il épousa Marie de Médicis, enfin, à Henriette d’Entragues, marquise de Verneuil, à qui on le vit, incorrigible, en signer une encore au moment où ses ambassadeurs signaient de leur côté à Rome le mariage qui tua Gabrielle. […] Nous ne l’avons trouvé ni bon ni grand, nous, en ce livre consacré à une maîtresse qui meurt du chagrin qu’il lui cause, et qu’il remplace quelques jours après. Bon, il la tue de désespoir, puis il l’oublie ; grand, il meurt du coup de couteau qu’une politique qui allait de l’abjuration à l’Édit de Nantes aiguisa sur les deux tranchants ; et il trouve sa gloire dans des projets de gloire, l’intention — et c’est la première fois en histoire — étant réputée pour le fait !

252. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

Le fameux Fernand Cortès lui envoya son portrait, avant de mourir. […] Dans le nouvel empire d’Occident, Charlemagne, le plus grand homme de la France, et peut-être de l’Europe moderne ; et ce Frédéric Barberousse, sous qui commença la lutte sanglante du sacerdoce contre l’empire, qui fit la guerre aux papes et aux Sarrazins, et mourut dans son pèlerinage guerrier. […] En Espagne, vous trouverez Ferdinand-le-Catholique, qui chassa et vainquit les rois Maures, et trompa tous les rois chrétiens ; Charles-Quint, heureux et tout-puissant, politique par lui-même, grand par ses généraux, et cette foule de héros dans tous les genres qui servaient alors l’Espagne ; Christophe Colomb, qui lui créa un nouveau monde ; Fernand Cortez qui, avec cinq cents hommes, lui soumit un empire de six cents lieues ; Antoine de Lève qui, de simple soldat, parvint à être duc et prince, et plus que cela grand homme de guerre ; Pierre de Navarre, autre soldat de fortune, célèbre par ses talents, et parce que le premier il inventa les mines ; Gonzalve de Cordoue, surnommé le grand Capitaine, mais qui put compter plus de victoires que de vertus ; le fameux duc d’Albe, qui servit Charles-Quint à Pavie, à Tunis, en Allemagne, gagna contre les protestants la bataille de Mulberg, conquit le Portugal sous Philippe II, mais qui se déshonora dans les Pays-Bas, par les dix-huit mille hommes qu’il se vantait d’avoir fait passer par la main du bourreau ; enfin, le jeune marquis Pescaire, aimable et brillant, qui contribua au gain de plusieurs batailles, fut à la fois capitaine et homme de lettres, épousa une femme célèbre par son esprit comme par sa beauté, et mourut à trente-deux ans d’une maladie très courte, peu de temps après que Charles-Quint eut été instruit que le pape lui avait proposé de se faire roi de Naples.

253. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Rousseau ; les théories matérialistes de la philosophie de l’intérêt ne peuvent aboutir qu’à la proclamation de droits aussi antisociaux, le droit de tuer ou le droit de mourir. […] Le devoir de défendre la patrie, de vivre et de mourir au besoin pour elle, pour ceux même qui ne sont pas encore nés, dignifie, sanctifie en passion désintéressée, en dévouement sublime, en sacrifice méritoire, en vertu glorieuse sur la terre, en mérite immortel dans la patrie future, ce devoir patriotique. […] Devoir d’obéir aux lois promulguées par l’autorité législative même quand ces lois nous commandent de mourir pour la société civile ou politique ! […] Parce que la société politique ne se compose pas seulement de corps qui produisent, qui consomment, qui vivent et qui meurent ensevelis dans le sillon qui les a nourris ; mais parce que la société morale se compose avant tout d’une âme immortelle dont la destinée immortelle est de rendre gloire à son Créateur en se perfectionnant et en se sanctifiant éternellement devant lui. […] Le bonheur de vivre vaut-il, pour une pareille société, la peine de mourir ?

254. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Berquin mourait le 17 avril 1530 ; le 6 septembre, Rabelais inscrivait son nom sur les registres de la faculté de médecine de Montpellier. […] Il mourut au mois d’avril 1553, en sceptique, selon quelques anecdotes en athée, selon d’autres mais qui en a eu le secret ? Les deux partis qu’irritait son indifférence railleuse avaient un égal intérêt à le faire mal mourir. […] Que prouvent toutes ces anecdotes douteuses comme faits, sinon comme impressions populaires : la niche de saint François, l’usage des coups de poing donnés aux bacheliers nouvellement reçus, la promenade sous les fenêtres du chancelier Duprat, les poisons pour le roi et pour la reine, les trois ou quatre manières bouffonnes dont on le fait mourir ? […] Dans une lettre latine à Geoffroy d’Estissac, il raconte qu’ayant comparé ses traductions d’Hippocrate et de Galien, qu’il avait expliqués à Montpellier devant un nombreux auditoire (frequenti auditorio), avec un manuscrit grec fort ancien et très-élégamment écrit en lettres ioniques, il y a trouvé beaucoup d’omissions et d’inexactitudes ; et il qualifie ces fautes de crimes, le plus petit mot ajouté ou retranché, dit-il, le moindre accent devant ou derrière, dans des livres de médecine, pouvant faire mourir des milliers d’hommes.

255. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Mme Valmore est morte à Paris le 23 juillet 1859, après deux années d’une maladie cruelle. Elle eut la douleur de voir mourir sous ses yeux ses deux filles, la plus jeune, Inès, en décembre 1846, à peine âgée de vingt ans : sa fille aînée, Ondine, celle même que j’indiquais tout à l’heure en finissant, comme tenant de sa mère le don de poésie, mourut à trente ans, le 12 février 1853. […] Mme Valmore est morte, je l’ai dit, dans la nuit du 22 au 23 juillet 1859. […] Le voyage à la Guadeloupe, où elle alla mourir. […] Pourquoi ne suis-je pas morte dans cette chapelle où je priais pour nous tous la Mère des affligés !

256. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

« À l’aurore elle fleurit et passe, le soir elle est desséchée et morte ! […] Une large ouverture dans les collines de l’est conduit de pente en pente, de cime en cime, d’ondulation en ondulation, jusqu’au bassin de la mer Morte. […] En prêtant plus attentivement l’oreille je distinguai la récitation cadencée des psaumes du poète, qui sortait du couvent des moines latins de Terre-Sainte, et qui, de terrasse en terrasse, venait mourir au tombeau du harpiste de Dieu. […] de l’instrument j’ai parcouru la gamme, De la plainte des sens jusqu’aux langueurs de l’âme, Chaque fibre de l’homme au cœur m’a palpité, Comme un clavier touché d’une main lourde et forte, Dont la corde d’airain se tord brisée et morte,         Et que le doigt emporte         Avec le cri jeté ! […] Est-ce là mourir ?

257. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

La mère de Marceline meurt de la fièvre jaune. « Après une traversée où sa vie et son honneur sont en péril », l’orpheline revient en France. […] Son enfant meurt. […] Elle meurt après deux années d’une maladie atroce. […] Ce qui l’empêche de mourir de ses propres souffrances, c’est qu’elle souffre et palpite et vit continuellement des souffrances des autres. […] Tout s’y jette par larmes, par sanglots, par une étreinte passionnée qui n’a rien dit, mais qui a empêché de mourir.

258. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Les gentilshommes ni ne meurent ni ne font la fête comme ceux qui ne sont pas « nés ». […] Il pouvait vivre et mourir « centre gauche », s’immobiliser dans une attitude de « sagesse » et de « modération » clairvoyante, ironique et totalement stérile. […] * * * Personne n’aima plus la vie que celui qui vient de mourir après avoir souffert vingt ans. […] Surtout au crépuscule : « … Le jour meurt…, les limites des choses se dissolvent. […] Bernadette le savait bien, elle qui, ayant procuré tant de guérisons, ne fut point guérie, et mourut, à trente ans, d’une nécrose, et fut heureuse d’en mourir… Et voilà des sentiments qui font furieusement honneur aux hommes.

259. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre I. Les mémoires »

D’autant que la science de Palissy n’est point abstraite : ce curieux obstiné, qui vécut tant d’années pour son idée, ce sévère huguenot, qui n’échappa à la Saint-Barthélemy que pour mourir à la Bastille, s’est mis tout entier dans tous ses ouvrages ; il ne peut parler agriculture et chimie sans répandre au dehors toute son originale et forte nature, sa large intelligence, sa liante moralité, son ample expérience de l’homme et de la vie. […] Il mourut, en 1615. […] Huguenot fervent, il mourut peut-être à la Bastille. […] Fait maréchal de France en 1574, il se retire à son château d’Estillac, où il dicte ses Mémoires, et meurt en 1577.

260. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

Galilée y meurt, Newton y naît. […] Voici une disparition : le 23 avril 1616, le même jour, presque à la même minute, Shakespeare et Cervantes meurent. […] Le jour où Diogène meurt à Corinthe, Alexandre meurt à Babylone.

261. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

Quoique poète, comme nous allons le voir, quoique ayant à un degré éminent les qualités qui doivent un jour produire l’écrivain, il n’avait pas, il n’eut jamais l’inquiétude du xixe  siècle, le vague à l’âme des Obermann et des René, ces génies idiots de caractère, qui ont une tête, mais pas de cœur, mais pas de mains, et qui finissent par mourir d’une hypertrophie de rêveries ! […] C’était la vieille idée si simple et si vraie contre laquelle la philosophie proteste et réclame, et que tous les Congrès de la paix à mourir de rire ne parviendront jamais à déshonorer ! […] Un homme meurt, tué sur son idée, cela fait engrais à l’avenir sous les gouvernements qui prévoient et qui se souviennent. […] Mais c’est un chrétien et non pas un giaour, un chrétien profond, resté tel dans les abîmes de son être, — dans le cours de son sang, — par-delà et par-dessous tous les doutes, toutes les mauvaises pensées, toutes les tentations du xixe  siècle ; c’est un chrétien naïf de foi, qui écrit à son frère, avant de mourir comme il convient, disait-il, à un gentilhomme ; « Le curé de Guaymas sort d’ici : c’est un homme intelligent et doux, un homme comme il en faut pour adoucir ce qu’il y a de trop léonin et d’indompté en moi.

262. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « L’Abbé Prévost et Alexandre Dumas fils » pp. 287-303

Charlotte Corday, l’ange exterminateur de Marat ; l’octogénaire abbesse de Montmorency, montant majestueusement ses quatre-vingts ans à la guillotine et y bénissant, avant de mourir, sa jeune porte-croix, qui va y mourir avec elle ; et les héroïques vivandières de l’Empire, la firent oublier, cette intéressante Manon ! […] cette potée d’eau morte et incolore qui est le style de l’abbé Prévost ! […] Il y a encore un autre coup de pistolet, dans Manon Lescaut : c’est celui qui tue le frère de Manon ; mais je veux mourir si on sait pourquoi.

263. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Taine admirait tant, semble un tableau de nature morte. […] Aliette meurt empoisonnée. […] Georges, il me semble que tu meurs ! […] Il mourait le 17 août de la même année. […] La mère de Michelet venait de mourir.

264. (1893) Alfred de Musset

Il mourut chargé de jours en 1828. — M.  […] idolâtrée, jusqu’à mourir. […] J’en meurs, mais j’aime, j’aime… Qu’ils m’empêchent d’aimer !  […] J’aime, j’en mourrai, ou Dieu fera un miracle pour moi. […] N’est-ce rien que de savoir qu’elle en meurt ?

265. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

Il se réfugia en Angleterre et végéta à Londres dans un tel dénuement qu’il faillit mourir de faim. […] « J’ai vu, écrit Riousse, ces longues tramées d’hommes qu’on envoyait à la boucherie ; aucune plainte ne sortait de leur bouche, ils marchaient silencieusement… ils ne savaient que mourir. […] L’héroïne meurt à la trentième page du premier volume, mais son cadavre ensanglanté sort du tombeau et toutes les nuits va se coucher à côté de son mari, un Othello du temps de Charlemagne. […] Oscar aime Malvina, la femme de son ami, qui meurt au deuxième acte, ressuscite au quatrième, juste à temps pour empêcher le mariage d’Oscar et de Malvina. […] Ce n’est qu’après avoir « goûté dans toute sa plénitude cet éclair de délice, qu’il n’appartient qu’à l’amour de sentir, qu’après avoir connu cette jouissance délicieuse et unique », qu’elle songe à « la foi conjugale violée » et qu’elle meurt.

266. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

qu’il y ferait bon mourir ! […] Il serait heureux de ne pas mourir à l’hôpital. […] t je mourus. […] Je préfère mourir, mourir tout de suite !  […] Il meurt durant la traversée.

267. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 451-455

Quoiqu’il eût infiniment plus d’esprit & de talent que n’en ont les Laharpe & les Marmontel, il vécut & mourut dans l’indigence. […] Il mourut paisiblement, comme il avoit vécu, sans souffrances, sans maladie ; on crut qu’il s’étoit endormi ».

268. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Elle avait à peine quinze ans lorsque son père mourut. […] Elle y mourut en 1665. […] C’est là aussi que Sully-Prudhomme mourut. […] Puis, il meurt de la poitrine à la maison Dubois. […] Elle revint à Paris pour y mourir.

269. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Il te répondra à propos, et des choses aisées à comprendre… —  Mieux vaudrait que tu fusses morte devant moi, quand je t’aurais tuée de mes mains1524. […] Quoi donc, faut-il que je meure ?  […] À présent, j’irai1537. » Elle meurt, et, selon sa dernière prière, ils l’emportent « comme une ombre à travers les champs qui brillent dans leur pleine fleur d’été », et la posent sur la barque toute tendue de velours noir. […] Nous sortons à minuit de ce théâtre où il écoutait la Malibran, et nous entrons dans cette lugubre rue des Moulins où, sur un lit payé, son Rolla est venu dormir et mourir. […] Il a senti, au moins cette fois dans sa vie, cette tempête intérieure de sensations profondes, de rêves gigantesques et de voluptés intenses dont le désir l’a fait vivre et dont le manque l’a fait mourir.

270. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

Métastase meurt, et d’Aponte aspire à lui succéder. […] Mozart avait perdu son père, qui mourut à Salzbourg, le 28 mai 1787, à l’âge de soixante et dix ans, dans un état voisin de la misère, mais heureux devant Dieu et devant les hommes d’avoir accompli sa mission en donnant au monde le plus sublime des compositeurs. […] Il était à peine rétabli qu’il eut encore la douleur de voir mourir le meilleur de ses amis, le docteur Siegmund Barisani, premier médecin de l’hôpital, à Vienne, dont les soins éclairés et affectueux avaient contribué à prolonger jusqu’alors sa frêle existence. […] me dit-il, maintenant que je t’ai revu, je mourrai content ! […] Mais Rossini allait naître au moment où Mozart mourait, comme si la Providence avait voulu que la voix et l’écho ne fussent séparés que d’un instant dans l’oreille du siècle.

271. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Je n’y ai pu résister que trois jours… J’en mourrais. […] * * * — Je lis qu’en ce moment tous les arbres de Paris sont en train de mourir. […] La femme, la parente, dont nous avons fait la monographie dans ce roman, est morte comme nous la faisons mourir, en s’habillant pour se rendre à son audience, — et nous n’avons fait que reculer sa mort de deux heures. […] Comment ne s’est-il pas formé, à aucune époque de l’histoire, à aucune place de la terre, une secte de sages pour laisser mourir la vie devant la férocité de ses maux ? […] Phillips parle encore ce soir de lord Hertford, qui meurt d’un cancer à la vessie, d’un mal où l’on meurt en pleine torture, et dont l’archimillionnaire anglais supporte les souffrances, depuis neuf ans, avec une énergie extraordinaire.

272. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Déjà vieux et hors de la carrière (et il ne mourut qu’à près de quatre-vingt-six ans), il disait avec un soupir, en rejetant ses regards sur le passé : Je m’en irai sans avoir déballé ma marchandise ; et comme on ne m’a jamais mis en œuvre, on ne saura point si j’étais propre à quelque chose ; je ne le saurai pas moi-même : je m’en doute pourtant, et, croyant me sentir des talents, il y a eu des temps dans ma vie où je me suis trouvé affligé en songeant qu’ils étaient perdus, et en les comparant avec ceux des personnes à qui je voyais occuper les premières places. […] Il la perdit après peu d’années de mariage, et tomba dans un abattement et un désespoir qu’il crut éternel ; on lui doit cette justice qu’il fit tout son effort pour conserver et consacrer cette disposition d’âme, et il eût volontiers écrit alors à M. de Tréville, ou à tel autre de ses amis avancé dans la pénitence, cette belle parole qui résume toute la piété d’un deuil vertueux : « Priez Dieu d’accroître mon courage et de me laisser ma douleur. » On a dans plusieurs lettres de lui, et dans des réflexions écrites en ce temps-là, l’expression très naturelle et très vive de ses sentiments ; il s’écriait : Dieu a rompu la seule chaîne qui m’attachait au monde ; je n’ai plus rien à y faire qu’à mourir ; je regarde la mort comme un moment heureux… Que je me trouve jeune ! […] Ces lettres de Lassay à la princesse sont assez jolies, mais pâles ; ce n’est point là le langage de la passion vraie : il a beau dire en dénouant et en s’éloignant : « Il vaut mieux que je meure et que vous viviez moins malheureuse. Cessez donc d’écrire à un homme qui traîne tous les malheurs après lui, et dont l’étoile est empoisonnée… » Lassay fera toute sa vie grand usage de cette étoile, pour lui imputer tout ce qui sera faute ou légèreté de sa part : et quant à vouloir mourir sans cesse, cette manière de dire le mènera jusqu’à quatre-vingt-six ans. […] Je suis un exemple qu’on ne meurt point de douleur, puisque je ne suis pas mort en la perdant. » Si c’est une dernière illusion de Lassay, de croire qu’il aurait évité ses échecs et ses fautes en supposant que Marianne eût vécu, c’est du moins une illusion touchante et qui honore sa sensibilité.

273. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

À la comtesse de Grammont, railleuse et piquante, Fénelon conseillait de jeûner de conversation mondaine ; au duc de Chevreuse, spéculatif et renfermé en lui-même, il conseille de jeûner de raisonnement : « Quand vous cesserez de raisonner, vous mourrez à vous-même, car la raison est toute votre vie… Plus vous raisonnerez, plus vous donnerez d’aliment à cette vie philosophique. […] Il l’exhorte à mourir « à ses goûts d’esprit, à ses curiosités et à ses recherches philosophiques, à sa sagesse intempérante, à ses arrangements étudiés, à ses méthodes de persuasion pour le prochain » ; à ne pas être un affairé d’esprit à tout propos et hors de propos, un ardélion de la vie intérieure. […] Ce n’est que dans une lettre du 27 juillet 1711 (et le prince mourut le 18 février 1712) que Fénelon, écrivant au duc de Chevreuse, dit pour la première fois : J’entends dire que M. le Dauphin fait beaucoup mieux. […] C’est nous qui mourons : ce que nous aimons vit, et ne mourra plus.

274. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Ma sœur me manda le dernier vœu de ma mère : quand la lettre me parvint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus ; elle était morte aussi des suites de son emprisonnement. […] Je viens encore de perdre une sœur16 que j’aimais tendrement et qui est morte de chagrin dans le lieu d’indigence où l’avait reléguée Celui qui frappe souvent ses serviteurs pour les éprouver et les récompenser dans une autre vie. […] Puissé-je vous embrasser encore avant de mourir ! […] non, je ne doute point de ton existence ; et soit que tu m’aies destiné une carrière immortelle, soit que je doive seulement passer et mourir, j’adore tes décrets en silence, et ton insecte confesse ta divinité » ; c’est à côté de ces mots que Chateaubriand écrit en marge : Quelquefois je suis tenté de croire à l’immortalité de l’âme, mais ensuite la raison m’empêche de l’admettre. […] Ne désirons donc point survivre à nos cendres : mourons tout entiers, de peur de souffrir ailleurs.

275. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Tout le monde avait un air contraint, et l’on mourait d’ennui. […] La duchesse d’Estissac meurt d’envie de faire le voyage des cantons ; Mme d ’Anville a déjà tracé sur sa carte la route qu’elle prendra ; la duchesse de La Rochefoucauld fait rapiécer un château ruiné qu’elle a sur les frontières ; l’abbé se désole de ce qu’il est né Français. […] Pourquoi rechercher des dignités qui dépendent de mille hasards, et ne vous empêcheraient pas de mourir d’ennui ? Tout cela, pour être utile dans trente ans d’ici, quand vous et moi n’existerons peut-être plus, à un fils qui ne naîtra peut-être jamais, qui peut-être mourra jeune… ! […] Veux-tu être M. le conseiller, M. le trésorier, Son Excellence de Berne, et comme Son Excellence un tel, mourir d’ennui toute l’année et subir mille mortifications ?

276. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Si je meurs, il me sera doux, du moins, de mourir de la main des hommes : Si pereo, manibus hominum periisse juvabit. […] Investi de toute l’estime et de toute la confiance de Napoléon, qui lui témoignait de l’attachement même, Portalis mourut, après une courte maladie, le 25 août 1807, à l’âge seulement de soixante et un ans, mais plein de services et d’œuvres, et ayant même un moment recouvré la lumière, assez pour voir ses petits-enfants. On ne saurait dire de lui qu’il mourut prématurément et avant son heure. […] Elle se couronna, en finissant, d’honneurs proportionnés à ses mérites : comme il était le premier des grands fonctionnaires civils qui mourut sous l’Empire, de magnifiques obsèques lui furent décernées, et leur solennité presque triomphale ne fit qu’égaler le sentiment profond d’estime qui, à ce moment suprême, s’exhalait unanimement de tous les cœurs.

277. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Quand on a des amis, les uns meurent, les autres souffrent ; il en est d’imprudents, il en est d’infidèles. […] Je vois un homme malade, je le soulage autant qu’il m’est possible : s’il meurt, quel qu’il soit, cela me touche peu. […] Après bien des souffrances et des vicissitudes, Caliste, mariée à un autre, pure et dévorée, meurt ; elle meurt, comme cet empereur voulait mourir, au milieu des musiques sacrées ; génie des beaux-arts et de la tendresse, elle exhale à Dieu sa belle âme en faisant exécuter le Messiah de Haendel et le Stabat de Pergolèse. […] Et même quand elles sembleraient ne pas venir et quand on ne mourrait pas, n’est-ce donc rien que de faire souffrir ? […] Mistriss Henley, personne romanesque et tendre, épouse un mari parfait, mais froid, sensé, sans passion, un Grandisson insupportable, lequel, sans s’en douter et à force de riens, la laisse mourir.

278. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

je vais donc mourir pour ta sottise ! […] Je suis venu d’Italie en France, lui répondis-je, pour servir votre grand prince, et je n’ai pas peur de mourir, parce que tôt ou tard il faut le faire. […] Je ne pensai plus ni à ma fièvre, ni à ma peur de mourir, quand tout à coup il se fit une explosion qui nous effraya tous, et moi plus que les autres. […] dit-elle, voilà cet homme qui comptait mourir hier ! […] Benvenuto lui survécut peu ; il mourut lui-même, riche et honoré, le 1er février 1570, et ses obsèques furent dignes de Florence et de lui.

279. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

On peut se plaindre quelquefois d’y vivre, mais il faut se féliciter au moins d’y mourir ! […] Beaucoup devaient mourir, sans doute, mais la fortune au dernier ! […] Je veux rester peuple pour vivre et mourir plus près du peuple !  […] Il est comme l’orateur politique : l’heure passée, la passion morte, la faction oubliée, on ne l’écoute plus. […] Le premier Empire, en comprimant par la censure la pensée, qui vit de liberté, et qui quelquefois en meurt, avait respecté et même favorisé la liberté bachique.

280. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

On était pressé de tout, de vivre, de jouir et même de mourir. […] L’enfant grandit, est mis au collège et meurt. […] Il mourait à son tour dans la même journée. […] — Les âmes peuvent-elles mourir ? […] Pourquoi ne puis-je m’attacher à ce qui naît et à ce qui meurt ?

281. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Au moins revêtez-moi de ma cuirasse, ceignez-moi mon épée, mettez mon casque sur ma tête, mon bouclier dans ma main gauche, ma hache dorée dans ma main droite, afin qu’un grand guerrier comme moi meure en guerrier. » On fit comme il disait, et il mourut ainsi honorablement avec ses armes. » Ils avaient fait un pas hors de la barbarie, mais ce n’était qu’un pas. […] Elle mourrait, comme Sigrun, sur le cadavre de celui qu’elle a uniquement aimé, si par un breuvage magique on ne lui faisait perdre la mémoire. […] Ainsi, pour l’amour de toi, elle se consume et elle est bien près d’être morte de larmes et de chagrin. » Déjà, dans les légendes de l’Edda, on a vu Sigrun au tombeau d’Helgi, « avec autant de joie que les voraces éperviers d’Odin lorsqu’ils savent que les proies tièdes du carnage leur sont préparées », vouloir dormir encore dans les bras du mort et mourir à la fin sur son sépulcre. […] Et on dit aussi que la femme du joueur de harpe mourut et que son âme fut conduite en enfer. […] Cette année mourut Alfred, le fils d’Ethelwolf, six jours avant la messe de tous les saints.

282. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alphonse Karr. Ce qu’il y a dans une bouteille d’encre, Geneviève. »

Mais tandis que Rose répond à Léon, Albert ignore et méconnaît le sentiment de Geneviève, qui en souffre et qui en meurt. Cependant madame Lauter est morte de bonne heure, et son mari, reparu incognito et assez fabuleusement, espèce de millionnaire à la façon des héros de M. de Balzac, devient comme le Deus ex machina des péripéties finales.

283. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Mort le comédien, morte la comédie. […] moins que rien, un coin pour vieillir, un coin pour mourir. […] Seulement les œuvres du génie ne sauraient mourir. […] la comédie est morte ! […] Rien ne peut les tirer de cette misère : il faut mourir !

284. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — II »

Nous trouvons cette sorte d’amour énergiquement exprimée dans une pièce de vers inédits adressée à un jeune homme qui se plaignait d’avoir passé l’âge d’aimer : Va, si tu veux aimer, tu n’as point passé l’âge ; Si le calme te pèse, espère encore l’orage ; Ton printemps fut trop doux, attends les mois d’été ; Vienne, vienne l’ardeur de la virilité, Et, sans plus t’exhaler en pleurs imaginaires, Sous des torrents de feu, au milieu des tonnerres, Le cœur par tous les points saignant, tu sentiras, Au seuil de la beauté, sous ses pieds, dans ses bras, Tout ce qu’avait d’heureux ton indolente peine Au prix de cet excès de la souffrance humaine ; Car l’amour vrai, tardif, qui mûrit en son temps, Vois-tu, n’est pas semblable à celui de vingt ans, Que jette la jeunesse en sa première sève, Au blondi duvet, vermeil et doré comme un rêve ; C’est un amour profond, amer, désespéré, C’est le dernier, l’unique ; on dit moins, j’en mourrai ; On en meurt ; — un amour armé de jalousie, Consumant tout, honneur et gloire et poésie ; Sans douceurs et sans miel, capable de poison, Et pour toute la vie égarant la raison. […] Elle revenait du spectacle ; elle était morte de lassitude, et elle tombait de sommeil.

285. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

Notre monde effraie, dégoûte sa pauvre âme : elle revient, et meurt dans un naufrage, sous les yeux de Paul. Paul et les deux mères meurent bientôt. […] Il meurt en 1814, à Eragny-sur-Oise, où il avait sa campagne.

286. (1894) Notules. Joies grises pp. 173-184

L’analyse subtile que Becq de Fouquières dans son Traité de versification française a fait des vers magnifiques de Racine : Ariane ma sœur, de quelle amour blessée, Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée. […] Comme la phrase s’alanguit dans ces deux vers, jusqu’à en mourir, et chante l’ondulation des vagues d’étang qui déferlent silencieusement vers les berges (redoublement des l) ; comme se balancent et palpitent les ramées frôlées d’ailes d’oiseaux (les trois v du premier vers), et soudain dans le lointain éclate la fanfare sombre des cors (dort, mort) et se prolonge la plainte altière et virginale d’une qui se meurt d’avoir été chaste.

287. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVII. »

Et lorsque ainsi mes jours auront passé sans bruit, que je meure vieillard plébéien ! Le poids de la mort est lourd à celui qui, trop connu de tous, meurt sans se connaître lui-même. » Rien de moins fécond et de plus monotone que cette passion du repos et de l’oubli sur la terre, quand elle ne se tourne pas en aspiration vers le ciel. […] Ainsi mourait le génie romain, glacé par la terreur et avili par la servitude.

288. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

… Mais, regarde-moi, je meurs de cet effroyable secret… C’est fini. […] m’écriai-je, puisque tu ne veux pas te faire justice toi-même, meurs donc tout de suite ! […] Elle ne pouvait pas mourir ainsi, il était vaincu par son charme dans la mort. […] Et, dans ce baiser, elle mourut. […] meurs !

289. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Aimons-les ; nous en mourons. […] J’avoue que j’en meurs d’envie. […] et je mourrai contente à trente ans. […] Et il faut mourir. « Mourir, c’est un mot qu’on dit et qu’on écrit facilement, mais penser, croire qu’on va mourir bientôt ? […] Il meurt avec nous ; il renaît dans nos enfants.

290. (1896) Le livre des masques

Le soleil meurt, la foule imaginaire est morte Mais le monde subsiste en ta seule âme : vois ! […] Le romantique naquit le premier et mourut le dernier : Elën et Morgane ; Akédysséril et Axël. […] « Ils mettent longtemps à mourir, et ils gardent les morts debout jusqu’à la chute en poussière. […] Plus tard Mauxgavres jouit et meurt de l’épouvante d’avoir vu ses paroles se réaliser jusqu’à leurs convulsions suprêmes et la cravate rouge du prédestiné devenue le garrot d’acier qui coupe en deux les cous blancs. […] Né à Morlaix, en 1845, Tristan y revint mourir d’une fluxion de poitrine en 1875.

291. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Et ce fut un frisson dont je faillis mourir. […] C’est ainsi qu’il ne mourut pas de faim. […] On mourait de faim ; n’importe ! […] Aujourd’hui, elle se disperse, s’évanouit, se meurt. […]Morte ?

292. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Pauline meurt, Sylvia se condamne à vivre et tue son amour. […] , dit-elle, d’une voix irritée,-en étendant une main de morte comme pour me barrer le passage. […] Aziyadé est morte, il l’apprend par ses compagnes, vieillies, méconnaissables. […] Tout à coup, dans sa retraite, on lui annonce que celle qui l’a aimé, qu’il aimait aussi, va mourir. […] eux qui allaient mourir pour lui.

293. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

On passerait sa vie à préparer tout, et on mourrait sur ses préparatifs. […] mourir sans avoir vengé son père ? […] Que je meure au combat, ou meure de tristesse, Je rendrai mon sang pur comme je l’ai reçu. […] Je ne veux pas vivre, si mon père meurt. […] Le vieil Horace commence par : Qu’il mourût !

294. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — I. Sur M. Viennet »

Viennet est et sera l’une des originalités littéraires de ce temps-ci : “Je suis le seul homme, disait-il un jour gaiement, qui se soit relevé d’une chose dont on meurt ordinairement en France, du ridicule.” […] Viennet, debout, se retourne, regarde et de cet air militaire qu’il a toujours, et qui lui sied, il répond fièrement : “Je vis, la poésie classique n’est pas morte.”

295. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « César Cantu »

Sans la position incroyable de considération intellectuelle dont jouit l’auteur en Italie, et sans l’éminent talent du traducteur qu’il vient de rencontrer en France, il n’y aurait qu’à laisser mourir cette histoire, de sa propre faiblesse, dans l’obscurité. […] Si quelques sons plus ou moins agréablement combinés suffisent pour enivrer la musicienne Italie, nous aimons mieux Rossini et Verdi que ce Cantu qu’elle honore et cet autre déclamateur sonore qui vient de mourir, ce Gioberti, plus fort pourtant que Cantu, dans son ordre de préoccupations, mais bien chétif aussi, bien petit, quand on le lève debout dans la gloire exagérée qu’on lui fait !

296. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Pourquoi mourir, puisqu’une vie longue et douce s’ouvrait encore devant lui ? D’ailleurs il est probable que son père chéri vivait encore, et que la pensée de consoler ce tendre auteur de ses jours lui parut un devoir plus sacré et plus vertueux que celui de mourir pour des regrets. […] En se sentant mourir il légua à Auguste son ami Horace comme la meilleure partie de ses biens terrestres. […] Horace, brisé de douleur par la mort de Mécène, tomba malade à Rome le 27 novembre, et mourut d’amitié comme il en avait vécu. […] La jeunesse d’Horace devint maturité en vieillissant : il vécut voluptueux et mourut philosophe ; La Fontaine mourut aussi enfant qu’il avait vécu.

297. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Sous la régence, il prit les armes avec Rohan, et se retira à Genève en 1620 ; il s’y remaria à plus de soixante-dix ans, et mourut en 1630. […] Il mourut en 1623. […] Car il mourut en 1611 et ne sortit plus de chez lui après 1608. […] Il mourut en 1646, n’ayant fait que de rares séjours à Paris ou à la cour depuis 1615. […] Il mourut en 1670.

298. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

Sur le plan matériel cette hiérarchie bourgeoise, est déjà morte, ce qui témoigne d’elle à l’heure actuelle c’est la décomposition de son cadavre. […] « M… La garde meure mais ne se rend pasw » C’était le cri d’un Maréchal qui était homme. […] La date est étrange : un peu tardive pour les romantiques (Shelley meurt en 1822, Keats en 1821, Byron en 1824), elle est au contraire précoce pour les premiers poètes victoriens : Tennyson naît en 1809 et Browning en 1812. […] Il meurt en 1920. […] Il meurt de la grippe espagnole en 1919 : ses amis lui consacrent alors un numéro de l’Avenir international.

299. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

on dit que vous allez mourir ! […] Cela dura ainsi sept mois, pendant lesquels je le répète, il ne laissa jamais voir qu’il savait devoir mourir à tel jour. […] Aujourd’hui, il ne frétille pas ce bout de nez, et répète ce que la voix morne du romancier formule sur le ton de : « Frère, il faut mourir », à propos de la vente de nos livres futurs : « Les grandes ventes… nos grandes ventes sont finies !  […] Eh bien, la réflexion que cette réunion amène, est celle-ci : la grande société aristocratique est morte ; il n’y a plus que des financiers et des cocottes ou des femmes à l’aspect de cocottes. […] Et la pauvre tata était renvoyée dans sa province, où elle mourait quelques mois après, dans un état d’enragement, et déchirant et mettant en pièces tout ce qui tombait sous ses vieilles mains.

300. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Ondine, dont le vrai nom était Hyacinthe, mais qu’on avait toujours appelée Ondine de son nom d’enfant, était poétique aussi et même poète ; elle tenait de sa mère le don du chant ; elle mourut à trente ans, le 12 février 1853. […] Il faut l’en empêcher pour sa mère : — c’est affreux, affreux de voir mourir jeune, et de rester… » Ses deux filles étaient mortes quand elle écrivait cette lettre85, et Ondine depuis quelques mois seulement. […] « Elle n’y va pas de main morte », disait le ministre, et il accordait presque toujours. — À propos de ce passage de l’article, un littérateur distingué, professeur à la Faculté même de Douai, M.  […] Absente, c’est-à-dire morte. […] Le voyage à la Guadeloupe, où sa mère était allée mourir.

301. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Le fait est (comme Saint-Simon bien informé le raconte, et je ne vois pas de raison d’en douter) que madame de Montbazon mourut de la rougeole en fort peu de jours, que M. de Rancé était auprès d’elle, ne la quitta point, lui fit recevoir les sacrements et fut présent à sa mort. […] On nomma Dom Zozime, qu’il avait désigné, et qui mourut après quelques mois (1696). […] Enfin, Rancé eut la satisfaction de voir l’abbaye remise en bonnes mains sous la conduite de Dom Jacques de La Cour (1698), et il ne pensa plus qu’à mourir. […] « Le roi de Prusse, l’impératrice de Russie, toutes les grandeurs, toutes les célébrités de la terre reçoivent à genoux, comme un brevet d’immortalité, quelques mots de l’écrivain qui vit mourir Louis XIV, tomber Louis XV et régner Louis XVI, et qui, placé entre le grand roi et le roi martyr, est à lui seul toute l’histoire de France de son temps. […] N’importe : c’est l’amour qui meurt avant l’objet aimé.

302. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Il mourut âgé de soixante-treize ans, écrit l’honnête Niceron, ayant conservé jusqu’à son dernier moment son bon sens, sa réputation et ses amis : rien que cela ! […] Malgré ses injustices contre Racine, malgré l’inimitié de Boileau et les allusions vengeresses du satirique peu galant, elle a survécu ; elle a joui longtemps de la première place parmi les femmes poëtes, et ce n’est que devant un goût plus nouveau et dédaigneux que sa renommée est venue mourir. […] Il commence à mourir longtemps avant qu’il meure : Il périt en détail imperceptiblement184 ; Le nom de mort qu’on donne à notre dernière heure N’en est que l’accomplissement. […] Sa santé se dérangea d’assez bonne heure ; elle mourut le 17 février 1694, d’une maladie au sein, n’ayant pas plus de cinquante-six ans. […] Toujours le cœur brisé qui chante, toujours le cri en poésie de cette autre parole dite à voix plus basse, en prose plus résignée, et que bien des existences sensibles ont pensée en avançant : « Il n’y a qu’une date pour les femmes et à laquelle elles devraient mourir, c’est quand elles ne sont plus aimées. » Mais je touche à l’élégie moderne, et je n’y veux pas rentrer aujourd’hui196.

303. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

2° Il faut apprendre à mourir, ou plutôt à supporter la pensée de mourir ; car la mort elle-même n’est rien. […] Et l’idéal de Montaigne n’est pas la raideur dédaigneuse du stoïcien, c’est la brute résignation du paysan, qui ne se couche que pour mourir, et meurt sans se plaindre, comme les animaux. […] Il y fut collègue de La Boétie, avec qui il se lia vers 1559, et qui mourut en 1563. […] Il meurt en 1592.

304. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

ne le laisse pas mourir dans son Péché Cet errant qui s’enlace à ta croix et qui pleure Las d’avoir tant cherché l’Amour qui, seul, demeure. […] Si jamais elle meurt, l’âme du monde est morte. […] Daniel ne meurt pas car Dieu met des épées Dans ses regards qui sont des feux étincelants. […] Il prévoyait l’heure où, las de ce duel sans merci : Et se jetant de loin un regard irrité Les deux sexes mourront chacun de leur côté. […] Le monde s’étonne, et eux-mêmes, s’étonnent, peut-être, plus encore de ces réflexes qui les poussent, à chaque instant, à détourner la tête vers les brumes du passé : Où rêvent, fraternels, les éphèbes antiques Et Narcisse au grand cœur qui mourut de s’aimer, Eux-mêmes ne s’expliquent guère cette obsession à rouvrir : L’Ère auguste des dieux et des amours bizarres, « Bizarres »,, c’est le désaveu qu’ils jugent prudent de s’infliger.

305. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

* * * — Toute la valeur du romantisme, ça été d’avoir infusé du sang, de la couleur dans la langue française, en train de mourir d’anémie, — quant à l’humanité qu’elle a créée, c’est une humanité de dessus de pendule. […] Un pensionnat, où il mourut de faim et de froid, une seule année, soixante élèves, et dont le maître et la maîtresse de pension faillirent être pendus. Dimanche 5 octobre Beaucoup de gens meurent très bien, mais bien peu de personnes ont la belle résignation de la mort, tant que la condamnation définitive n’est pas prononcée. […] Il avait épousé par principe une femme quelconque, mais comme exutoire de la papillonne, nourrissait une passion platonique pour une Mme D… Or cette Mme D… mourut, et tous les jours Auguste Comte portait des fleurs sur sa tombe. […] Mais là, un beau jour, il fut rattrapé par sa femme, se remit à boire, et finalement mourut d’une seconde attaque de delirium tremens .

306. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Deux heures avant de mourir, Jaurès a dit : « Cette diplomatie allemande est d’une brutalité et d’une hypocrisie que je ne me figurais pas. »‌ En conséquence, le 4 août, unanimité : pas de grève générale, pas de sabotage. […] Génin mourait au champ d’honneur. […] Une blessure au front qu’il reçoit, quand un obus jette bas son gourbi, le fait longtemps et terriblement souffrir, puis il meurt. […] Thierry meurt, rend l’esprit avant que son esprit ait conquis la maîtrise de ces grandes hauteurs. […] Je serais content (si je dois mourir ici) de mourir en définissant (bien) cette Justice bien-aimée.

307. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Quand Turenne meurt, il trouve des accents dignes du sujet. […] Mme de Coulanges était sans doute de celles qui avaient le plus pris sa défense : aussi était-elle outrée plus tard au nom de tout son sexe quand elle vit qu’il n’y avait plus moyen de se faire illusion, et que le héros de roman n’était décidément qu’un joueur, un voluptueux et le plus spirituel des libertins : « La Fare m’a trompée, disait-elle plaisamment, je ne le salue plus. » Cette trahison de cœur et la douleur qu’elle en ressentit conduisirent Mme de La Sablière, âme fière et délicate, à une religion de plus en plus touchée, qui se termina même, par des austérités véritables : elle mourut plusieurs années après aux Incurables, où elle avait fini par habiter. […] Peu après, à la date de 1712 (22 ou 29 mai), Saint-Simon écrivait : Deux hommes d’une grosseur énorme, de beaucoup d’esprit, d’assez de lettres, d’honneur et de valeur, tous deux fort du grand monde et tous deux plus que fort libertins, moururent en ce même, temps, et laissèrent quelque vide dans la bonne compagnie : Comminges fut l’un… La Fare fut l’autre démesuré en grosseur. […] Il était grand gourmand, et, au sortir d’une grande maladie, il se creva de morue et en mourut d’indigestion. […] Et puisque j’en suis à rappeler ces souvenirs fortifiants et ces antidotes en regard d’un exemple de dégradation qui afflige, qu’il me soit permis de joindre ici la traduction de la fameuse Hymne d’Aristote à la Vertu, où circule encore et se resserre en un jet vigoureux toute la sève des temps antiques : Vertu qui coûtes tant de sueurs à la race mortelle, ô la plus belle proie de la vie, c’est pour toi, pour ta beauté, ô Vierge, qu’il est enviable en Grèce, même de mourir, et d’endurer des travaux violents d’un cœur indomptable ; tant et si bien tu sais jeter dans l’âme une semence immortelle, supérieure à l’or et aux joies de la famille, et au sommeil qui console la paupière !

308. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Il meurt d’envie de faire connaissance avec vous, et il en est très digne ; je compte bien vous l’amener à Cirey. Votre ami (Voltaire) qui l’aime beaucoup veut lui faire avoir ses entrées à la Comédie pour Sémiramis… C’est un homme de condition de ce pays-ci, mais qui n’est pas riche, qui meurt d’envie d’aller à Paris, et à qui ses entrées à la Comédie feront une grande différence dans sa dépense. […] Il ne mourut que le 9 février 1803. […] Car tous, attachés qu’ils sont aux affaires et enchaînés à la rame qu’il est donné à si peu de pouvoir quitter, tous, quand déjà le flot de la vie sensiblement se retire et baisse, aspirent à quelque abri aux champs, sous les ombrages, là où, mettant de côté les longues anxiétés, ou ne s’en ressouvenant plus que pour ajouter un embellissement et comme un sourire à ce qui était doux déjà, ils puissent posséder enfin les jouissances qu’ils entrevoient, passer les années du déclin au sein de la quiétude, réparer le restant de leurs jours perdus, et, après avoir vécu dans la bagatelle, mourir en hommes. […] Les habitudes d’attention forte, les têtes qui pensent deviennent plus rares à mesure que la dissipation se répand, jusqu’à ce que les auteurs entendent autour d’eux ce cri général : Amuse-nous, amuse-nous à tout prix, ou nous mourons !

309. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

« Je mourais de peur en arrivant, écrit-il, et je me suis tenu caché. […] Il faillit en mourir. […] Oh sait que, jeune, il avait eu un fils naturel qu’il éleva, et auquel il était disposé à donner son nom, mais qui se montra peu digne de lui en tout, et qui alla mourir à l’île Bourbon. […] L’enfant se mit à pleurer en disant : “Je n’ai plus de bon Dieu, je vais mourir !” […] Mais je n’ose me fier à mon jugement, car je trouve des longueurs : à tout, — même à la vie, je crois. » Ainsi encore, à Latouche, auquel il reprochait sa paresse à publier : « Mon cher ami, il ne vous a manqué que de mourir de faim : cela a manqué à plus de gens qu’on ne pense. » Mais toutes ces jolies façons cachaient quelque incertitude ; et aussi l’amitié, la politesse le retenaient.

310. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Issu d’une ancienne famille noble, assez peu aisée, qui vivait dans le Midi au château du Cayla, du côté d’Alby ; élevé dans une maison religieuse à Toulouse, puis au collège Stanislas, abrité quelque temps à La Chesnarye en Bretagne, dans le petit monde de M. de Lamennais au moment critique et alors que ce grand et violent esprit couvait déjà « sa séparation » d’avec l’Église, revenu bientôt à Paris et se livrant à la littérature, il mourut avant d’avoir rien publié de remarqué ni d’important. […] Aujourd’hui c’est une seconde édition plus complète qui se publie et qui, se joignant au Journal et aux Lettres de Mme Eugènie de Guérin, sœur aînée du poète et morte elle-même peu de temps après lui, vient montrer quel couple poétique distingué c’était que ce frère et cette sœur : — lui, le noble jeune homme « d’une nature si élevée, rare et exquise, d’un idéal si beau qu’il ne hantait rien que par la poésie » ; — elle la noble fille au cœur pur ; à l’imagination délicate et charmante, à la croyance vaillante et ferme ; toute dévouée à ce frère qu’elle adorait, qu’elle admirait : et que, sans le savoir ; elle surpassait peut-être ; qu’elle craignait sans cesse devoir s’égarer aux idées et aux fausses lumières du monde ; qu’elle fût heureuse de ramener au bercail dans les heures dernières ; qu’elle passa plusieurs années à pleurer, à vouloir rejoindre, et dont elle aurait aimé cependant, avant de partir, à dresser elle-même de ses mains le terrestre monument. […] Vers la fin il souffrait de la poitrine ; il retourna au Cayla après cinq ans d’absence, en 1838, pour respirer l’air natal ; il se maria cette année-là même avec une jeune Anglaise née dans l’Inde, qui lui apportait de la fortune, « une Ève charmante, venue tout exprès d’Orient pour un paradis de quelques jours. » Elle et lui jouirent peu de ce bonheur ; il mourut dans l’année. […] Elle mourut en mai 1848. […] » Il meurt, et dès lors sa vie, à elle, n’est plus qu’un deuil, une consécration de toutes ses pensées et de toutes ses heures au cher et unique absent, un soin religieux de sa mémoire, un dialogue avec lui d’un monde à l’autre.

311. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

Quelles furent les causes qui amenèrent un politique si profond, si ambitieux, si habile, émancipé et souverain depuis l’âge de quinze ans, initié dès lors aux plus grandes affaires, qui avait reçu coup sur coup en héritage des royaumes et des mondes, avait brigué et obtenu l’Empire, qui défendait, la Catholicité et aux frontières contre les mécréants, et au cœur contre les hérétiques, qui avec toutes ses couronnes recommençait presque la grandeur et l’universalité de la puissance de Charlemagne (moins, il est vrai, ce quartier du milieu qu’on appelle la France), — quelles raisons, dis-je, quels motifs véritables ramenèrent un jour à renoncer à tout cela en plein démêlé, en plein écheveau d’affaires, à se démettre à l’âge de cinquante-cinq ans, à se confiner dans un cloître, à vouloir y mourir ? […] Charles était bien capable d’avoir un dernier et soudain réveil avant de mourir, et de se sacrifier pour l’intérêt des siens. […] Pour nous, les témoins de cette scène, ce fut un spectacle bien imposant et bien nouveau que des funérailles faites ainsi pour un personnage qui vivait encore, et j’assure que le cœur nous fendait de voir qu’un homme voulût en quelque sorte s’enterrer vivant et faire ses obsèques avant de mourir. […] Que ceux qui négligent le soin de leur salut me le disent : n’est-ce pas là un exemple suffisant pour que chacun regarde comme il vit, et comment il doit mourir ?  […] Il mourut occupé jusqu’à la fin et des intérêts de la monarchie et du soin de son propre salut, entouré de prélats et de religieux qui l’exhortaient, de moines qui priaient, d’amis qui pleuraient, mettant sa confiance dans le Crucifix, — ce même Crucifix que l’impératrice avait tenu en mourant, qu’il avait réservé à son tour pour l’heure suprême, et qu’il porta à sa bouche, puis serra deux fois sur sa poitrine (21 septembre 1558).

312. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Ce n’est pas une étude morte et purement savante, que celle à laquelle notre époque s’est vouée. […] Le souvenir d’une sœur de ce nom d’Élisabeth, morte à quinze ans, s’y mêla par une religion touchante. […] Mais l’esprit, je le sais, qu’une foi absolue possède, mourrait plutôt que de s’en laisser un instant séparer. […] Dans l’histoire de cette sainte, morte à vingt-quatre ans, fille de rois, mariée enfant au jeune landgrave de Thuringe et de Hesse qu’elle appelle jusqu’au bout du nom de frère, et qui la nomme sœur, bientôt veuve par la mort de l’époux parti à la croisade, persécutée, chassée par ses beaux-frères, puis retirée à Marbourg au sein de l’oraison, de l’aumône, et mourant sous l’habit de saint François ; dans cette histoire si fidèlement rassemblée et réédifiée, ce qui brille, comme l’a remarqué l’auteur, c’est surtout la pureté matinale, la virginité de sentiment, la pudeur dans le mariage, toutes les puissances de la foi et de la charité dans la frêle jeunesse. […] La sœur Emmerich, née dans l’évêché de Munster en 1774, morte au couvent d’Agnetenberg, à Dulmen, en 1824, est la dernière des saintes âmes mystiques qui jouirent de tels spectacles.

313. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Heureux celui qui, puisant en lui-même ou autour de lui, et grâce à l’idéal ou grâce au souvenir, enfantera un être digne de la compagnie de ceux que j’ai nommés, ajoutera un frère ou une sœur inattendue à cette famille encore moins admirée que chérie ; il ne mourra pas tout entier ! […] On suivrait à la trace cette succession illustre, depuis Mme de Maintenon, Mme de Lambert, Mme du Deffand (après qu’elle se fut réformée), Mme de Caylus et les jeunes filles qui jouaient Esther à Saint-Cyr, jusqu’à la maréchale de Beauvau20, qui paraît avoir été l’original de la maréchale d’Estouteville dans Eugène de Rothelin, jusqu’à cette marquise de Créquy qui est morte centenaire, nous dit-on, et dont je crains bien qu’un homme d’esprit ne nous gâte un peu les Mémoires21. Mme de Flahaut, qui était jeune quand le siècle mourut, en garda cette même portion d’héritage, tout en la modifiant avec goût et en l’accommodant à la nouvelle cour où elle dut vivre. […] Mme de Souza est morte à Paris le 16 avril 1836, conservant jusqu’à son dernier moment toute la bienséance de son esprit et l’indulgence de son sourire. — On trouvera dans un volume publié depuis peu (1863), par M. […] Tant de malheur peut-il fondre à plaisir, Quand le matin rit dans la vapeur blanche, Quand le rayon qui mourait sur la branche Est en passant si tiède à ressaisir ?

314. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Il mourut le 12 février 1763. […] Il mourut en 1754. […] Il mourut le 14 mars 1754 […] Il mourut en 1782. […] Gresset, né à Amiens en 1709, auteur de Ver-vert (1733), de Sidney drame moral, et du Méchant (1745) ; il mourut en 1777.

315. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Henry Bordeaux nous explique gravement : « C’est la fin d’une race de déracinés. » Et je suppose qu’avant d’écrire cette phrase péremptoire, il avait longuement songé aux Américains du Nord, pauvre race transplantée qui se meurt d’impuissance et d’anémie. […] On finit par reconnaître que l’atmosphère est empoisonnée et que les vivants, aussitôt entrés ici, meurent. […] La fortune d’Hartevel résiste, mais le souci ruine sa santé : son cerveau s’affaiblit, il revient aux croyances de son enfance et meurt. Mathieu Soulières laisse mourir son meilleur ami qu’il pourrait sauver : c’est qu’il aime la femme et la fortune de cet ami. […] Montégut a trop de respect pour le positivisme — mais par une étrange taquinerie scientifique qui s’appelle, paraît-il, la télégonie : il a un fils qui ressemble au premier mari et il se tourmente jusqu’à en mourir de la présence de ce spectre approuvé par l’Académie de Médecine.

316. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Mais tout à coup les malheurs viennent fondre : la duchesse de Bourgogne meurt le 12 février 1712 ; le duc de Bourgogne la suit le 18, six jours après, âgé de vingt-neuf ans ; et toutes les espérances, toutes les tendresses, oserons-nous dire les ambitions secrètes, du prélat s’évanouissent. […] Ce ne sont pas là les grands accents, les larges coups d’aile de Bossuet, du haut de la chaire, s’écriant : « Madame se meurt ! Madame est morte ! […] J’aurais été vivement peiné de vous voir ici ; songez à votre mauvaise santé ; il me semble que tout ce que j’aime va mourir. » Écrire ainsi au chevalier Destouches dans une telle douleur, c’était le placer bien haut. […] La mort du duc de Beauvilliers (31 août 1714) acheva de briser les derniers liens étroits qui rattachaient Fénelon à l’avenir : « Les vrais amis, écrivait-il en cette occasion à Destouches, font toute la douceur et toute l’amertume de la vie. » C’est à Destouches aussi qu’il écrivait cette admirable lettre, déjà citée par M. de Bausset, sur ce qu’il serait à désirer « que tous les bons amis s’entendissent pour mourir ensemble le même jour », et il cite à ce sujet Philémon et Baucis ; tant il est vrai qu’il y a un rapport réel, et que nous n’avons pas rêvé, entre l’âme de Fénelon et celle de La Fontaine.

317. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

Le père signe toujours Delharpe, et sur l’acte de décès d’une fille morte, âgée de dix ans, le 3 novembre 1751, il prend les qualités de gentilhomme et officier suisse. […] « Il n’avait pas dix ans quand son père mourut (6 mai 1749) : il en avait un peu plus de seize lorsqu’il perdit sa mère (16 février 1756) morte à l’Hôtel-Dieu. » La Harpe ne parla qu’assez tard de sa naissance ; soit mépris réel pour des propos à demi calomnieux, soit difficulté d’aborder ce point délicat, il ne s’expliqua pour la première fois qu’en 1790, et il le fit sur un ton qui nous montre assez son caractère. […] Voltaire venait de mourir à Paris (30 mai), et la foule des petits auteurs, ennemis de La Harpe, n’attendait qu’une occasion pour tomber sur le disciple que la protection du maître ne couvrait plus. […] Il continua de vivre quelques années dans cette exaltation honorable, mais un peu maladive, dont se ressentent ses derniers écrits, et il mourut le 11 février 1803, à l’âge seulement de soixante-quatre ans.

318. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

Du moment que Frédéric monte sur le trône, ces riens prennent de l’importance et du caractère : ainsi, dès les premiers jours du règne, à la fin d’un billet insignifiant : « Adieu, lui écrit Frédéric ; je vais écrire au roi de France, composer un solo, faire des vers à Voltaire, changer les règlements de l’armée, et faire encore cent autres choses de cette espèce. » Dans un court voyage au pays de Liège, Frédéric voit pour la première fois Voltaire qui vient le saluer au château de Meurs sur la Meuse ; le roi, avant d’arriver en Belgique, avait fait une pointe sur Strasbourg où le maréchal de Broglie l’avait reçu, l’avait reconnu à travers son incognito, et lui avait fait les honneurs de la place. […] Nous avons fait de plus six cents prisonniers hongrois, et nos braves soldats, qui ne savent que vaincre ou mourir, ne me font rien redouter pour ma gloire. […] Jordan venait de mourir ; on vendait sa bibliothèque ; Frédéric indiquait à Duhan ce moyen de se procurer les ouvrages qu’il désirait et qui devaient se trouver parmi les livres du défunt. […] L’impératrice de Russie meurt, et le nouvel empereur se déclare pour lui ; cela fait péripétie dans la situation : « Je me reviens, dit-il, comme un mauvais auteur qui, ayant fait une tragédie embrouillée, a recours à un dieu de machine pour trouver un dénouement… ; — trop heureux, après sept actes, de trouver la fin d’une mauvaise pièce dont j’ai été acteur malgré moi. » Une place pas la gloire plus haut ; il ne monte pas au Capitole plus fièrement que cela : — « Je soupire bien après la paix, mon cher Milord ; ballotté par la fortune, vieux et décrépit comme je le suis, il n’y a plus qu’à cultiver mon jardin. » — Jean-Jacques Rousseau, sur ces entrefaites, poursuivi en France pour l’Émile, s’était réfugié dans la principauté de Neuchâtel. […] Ce vieil et dernier ami, objet de ses respects et de ses soins, ne mourut qu’à l’âge de quatre-vingt-douze ans, le 25 mai 1778.

319. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Jamais, ou bien rarement, il s’est aventuré sur la terre commune, celle où l’être humain, dépouillé des oripeaux de la convention sociale, nu et désarmé, lutte, souffre et meurt. […] Tout l’œuvre du poète qui vient de mourir est inspiré par cette double pensée : relever, à ses propres yeux, le bourgeois défaillant et décadent par l’exemple des hautes vertus bourgeoises ; flétrir, comme on flétrissait la forfaiture d’un gentilhomme, les défaillances des bourgeois indignes d’être inscrits au livre d’or de la bourgeoisie. […] Mais elle admirera comme nous la puissance dramatique, la sincérité d’exécution, la probité littéraire, la fermeté et la pureté de la forme du grand auteur dramatique et de l’homme de bien qui vient de mourir. […] Et c’est ainsi qu’Augier est mort, entouré des siens, comme il le désirait, sans s’être senti mourir. […] » Et lorsque l’on construisit l’église de Croissy, qui coûta deux cent mille francs, Augier tint à apporter son obole et m’envoya cinq cents francs… Il n’allait pas à la messe, il est vrai ; mais que de fois, il a donné le pain bénit… Un jour même, je m’en souviens, il blâma Victor Hugo de n’avoir pas voulu recevoir de prêtre à son lit de mort… » Aussi je suis persuadé que, s’il eût gardé sa connaissance, il eût été heureux de recevoir mes encouragements et mes exhortations au moment où il était rappelé vers un monde meilleur… » Les funérailles aux frais de l’État Les paroles si conciliantes et si prudentes du vénérable curé de Croissy, le souci que montra naguère l’illustre mort de s’opposer à la reprise du Fils de Giboyer, pour ne pas paraître s’allier au gouvernement républicain dans sa lutte contre le sentiment chrétien, cette vie de travail, de gloire et de probité, doivent, dans un journal catholique, épargner un blâme, si discret soit-il, à l’homme de génie qui meurt sans que les siens lui aient permis, dans un but que nous n’avons pas à juger, de mettre son âme en règle vis-à-vis de Celui dont émane tout génie.

320. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Bossuet, grand théologien, grand orateur funèbre, meurt aux premières années du xviiie  siècle (12 avril 1704) : sa mémoire recueille aussitôt la gloire qui lui est due et qui, depuis longtemps, le couronnait ; mais l’admiration, sur son compte, s’attache littérairement aux endroits célèbres, aux chefs-d’œuvre en lumière. […] Ce studieux et ardent jeune homme meurt à la peine ; il a, le premier, donné le signal devant le public. […] Bossuet meurt en combattant en écrasant Richard Simon, c’est-à-dire en repoussant la critique exacte, consciencieuse, qui se présentait sous la forme théologique, et il se flatte d’avoir fermé la porte à l’ennemi : la critique élude la difficulté, elle tourne la position ; elle s’élance à la légère, à la française, à la zouave, sous forme persane et voltairienne, et elle couronne du premier jour les hauteurs du xviiie  siècle. […] Ledieu fait des phrases sur Homère et Démosthène ; pour couper court à ces assertions vagues qui tendraient à faire du lévite et du prêtre par vocation un nourrisson des neuf Muses, on peut recourir à Bossuet lui-même dans une note qu’il a tracée de ses études jusqu’à l’âge de quarante-deux ans environ : à cette première époque, et avant d’entrer dans cette seconde carrière de précepteur du Dauphin qui le ramena heureusement par devoir aux lettres et aux lectures profanes, il était sobre dans ses choix de ce côté, sobre et même exclusif : Virgile, Cicéron, un peu Homère, un peu Démosthène, … mais les choses avant tout, c’est-à-dire les saintes Écritures anciennes et nouvelles, l’Ancien et le Nouveau Testament, médité, remédité sans cesse dans toutes ses parties ; ce fut du premier jour sa principale, sa perpétuelle lecture, celle sur laquelle il aspirera à vieillir et à mourir : Certe in his consenescere, his immori, summa votorum est , disait-il.

321. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

» Or, M. de Clèves meurt de cette confession, tout simplement. […] Et le livre se termine par des méditations de l’idéalisme le plus émouvant sur « l’amour par-delà la mort », sur le culte rendu au défunt par la veuve « qui est son âme attardée » ; car il sied que la femme survive. « C’est à l’homme de mourir et à la femme de pleurer. » Tout cela est très beau. […] Il dira, par exemple : « Chaque fois que la femme consent au désir de l’homme, elle accepte de mourir pour lui. » Cela est bien exagéré. […] Il est très bon de leur persuader que vivre ainsi, c’est suivre la nature en l’interprétant, et que, par la vertu d’un amour unique et qui dure, l’homme atteint à son maximum de force. « Ou concentre-toi, ou meurs.

322. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Guy de Maupassant »

Une vie est l’histoire — un peu laborieusement contée, sous l’influence encore proche de Flaubert — d’une pauvre créature sacrifiée, qui souffre par son mari, puis par son fils, et qui meurt. […] oui, on mange, on boit, on bâille, on travaille, on fait ce que font les autres, on est comme tout le monde, on n’a rien d’extraordinaire : et on meurt de désespoir et d’amour ; on meurt d’une passion fatale comme les passions de tragédie.

323. (1856) Cours familier de littérature. I « IIe entretien » pp. 81-97

Les langues meurent avec les civilisations et avec les peuples qui les parlent. […] Comment accumuler et contenir une perfectibilité toujours croissante dans des langues qui ne s’entendent pas l’une l’autre, et qui meurent tous les jours en laissant fuir ce que les générations antérieures leur ont confié ? […] Notre critique est la recherche et la contemplation du beau ; nous ne citerons que les belles choses : les mauvaises n’ont pas besoin d’être jetées à l’oubli, elles meurent d’elles-mêmes.

324. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Philippiques de la Grange-Chancel »

Ces Philippiques 36 effroyables, ces furies lyriques, insinuées d’abord dans l’opinion comme un secret, puis y détonant comme une indiscrétion, n’étaient pas d’un pauvre poète obscur, plein de courage et de génie, qui aurait eu le temps de mourir de faim avant qu’on eût entendu s’élever sur sa lyre la voix divine de la justice. […] La Grange-Chancel mourut tout entier, même de son vivant, même avant que le fossoyeur Fréron lui eût jeté sa pelletée d’éloges ! Accablé par la méprisante clémence du duc d’Orléans, qu’il avait platement invoquée, souffert en France après son exil, il écrivit quatorze tragédies illisibles maintenant, et c’est de dessous ces quatorze blocs, roulés par lui sur sa mémoire, qu’il décocha, vieillard, çà et là, quelques flèches satiriques encore, qui n’atteignirent pas plus que le trait du vieux Priam épuisé… Il avait quatre-vingt-un ans quand il mourut.

325. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Et l’on ne meurt point sans souffrir. […] De plus, il la croit morte, — et morte par lui. […] » Il veut mourir. […] Il meurt bientôt de chagrin, d’ennui et de langueur. […] Morte comme une damnée, enterrée comme un chien !

326. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre V. Moralistes. — La Bruyère. »

» La Bruyère dit encore : « Il n’y a pour l’homme que trois événements : naître, vivre et mourir ; il ne se sent pas naître, il souffre à mourir, et il oublie de vivre. » Pascal fait mieux sentir notre néant : « Le dernier acte est toujours sanglant, quelque belle que soit la comédie en tout le reste.

327. (1930) Le roman français pp. 1-197

Rien ne meurt jamais si vite ! […] Tous demandaient à mourir, et aucun ne voulait frapper. […] Une race superbe, qui se sent mourir, n’a pas peur de mourir, mais a peur des morts, et se sent attirée par eux. […] » La pauvre femme était morte sur le coup. […] Mais enfin elle meurt.

328. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Furieuse de l’entendre solliciter pour son maître, elle ne peut supporter la vie et meurt de douleur. […] Laure est morte. […] Morte bella parea nel suo bel viso8. […] Glocester, naturellement faible, succombe à la misère, et ne résiste pas davantage à la joie : il meurt en reconnaissant Edgar. […] Rime di Petrarca, Trionfo della morte, c.

329. (1940) Quatre études pp. -154

L’année suivante, il meurt en combattant. […] Mais tous les jours elle croyait mourir. […] Jamais, plus qu’en ce temps-là, la poésie ne sembla près de mourir. On la crut tout à fait morte, sous l’Empire. […] Leopardi, Amore e Morte.

330. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Est-ce mourir cela ? […] Est-ce mourir si, même après dix ans, un seul homme se rappelle ce grand cri qui l’a frappé ? […] Il mourut sur le théâtre, ou pour mieux dire il tomba sur son champ de bataille. […] il faut que celui-là meure debout, le fard à la joue et le sourire aux lèvres. […] C’est un homme qui mourra avant qu’il soit peu et qui n’a tout au plus que six mois dans le ventre.

331. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Malgré les défauts de sa manière, a dit M. de Chateaubriand au même endroit, elle ajoutera un nom de plus à la liste des noms qui ne doivent point mourir. […] Elle se désespérait, elle se plaignait d’être calomniée ; elle passait du stoïcisme mal soutenu à la lamentation éloquente ; elle voulait aimer, elle croyait mourir. […] votre enfant, si vous livrez Léonce au tribunal, votre enfant, il mourra ! il mourra !  […] Dans le tombeau du monde apprenons à mourir !

332. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Ainsi le cheval mourrait de faim sans le gassyara (coupeur d’herbes), ou de soif sans le beetcheti (porteur d’eau). […] Le 5 juillet, le choléra fit invasion à Poona avec une violence effrayante ; il mourait au-delà de soixante personnes par jour. […] Quand il mourut, la douleur de ces malheureux éclata par des témoignages d’une telle violence qu’elle ressemblait à de la fureur. […] Souffrir et mourir ! […] Mourir si jeune, après tant de travaux accomplis, tant de dangers bravés pour la science, au moment d’atteindre le terme d’une si longue épreuve et de toucher au but de tant d’efforts courageux, mourir !

333. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Ponsard » pp. 301-305

Ponsard a fait une digression, toute naturelle dans sa bouche, sur la tragédie : elle est morte comme genre ? peut-elle mourir ?

334. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Troïlus aime Cressida, en troubadour ; sans Pandarus, l’oncle de Cressida, il languirait et finirait par mourir en silence. […] Quand Pandarus lui apporte pour la première fois une lettre de Troïlus, elle refuse d’abord, elle a honte de l’ouvrir ; elle ne l’ouvre que parce qu’on lui dit que le pauvre chevalier va mourir. […] comme nous avons été près de mourir tous deux191 ! […] Le savant passe pour magicien, l’illuminé pour hérétique ; les Vaudois, les Cathares, les disciples de Jean de Parme, sont brûlés ; Roger Bacon meurt à temps pour ne pas être brûlé. […] Le régime scolastique a érigé en reine la lettre morte et peuplé le monde d’esprits morts.

335. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Il faut que son adversaire tombe à ses pieds, qu’il reste muet d’admiration, ou qu’il meure de honte. […] Laisser mourir de faim ses enfants eût été sans doute plus romain, mais eût-ce été moins barbare ? […] Il m’aimait comme un homme de même nature, je le vénérais comme un modèle d’homme public et d’homme privé ; enfin il mourut. […] En naissant, elle était condamnée à mourir. […] Paul mourut deux mois après la mort de sa chère Virginie, dont il prononçait sans cesse le nom.

336. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Mais en ce temps d’influenza, qui dit qu’il ne peut pas mourir un second membre du comité ; d’ici à la semaine prochaine. […] Je me sens mourir de faim, n’ayant absolument rien mangé. […] Triste famille, où la belle-sœur d’Oscar, une pauvre créature, chez laquelle l’indignation est morte, disait à Shérard, que tous les Wilde étaient des fous. […] Une révélation curieuse de cette causerie, c’est que la mère de Baudelaire, qui mourait après son fils, mourut de la même maladie, mourut aphasique. […] La traduction de la lettre m’apprenait que cette poudre, vendue très cher là-bas par les prêtres, était de la poudre qui, prise avant de mourir, empêchait la rigidité du cadavre après la mort.

337. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Ariane, ma sœur, de quel amour blessée Vous mourûtes, aux bords où vous fûtes laissée ! L’harmonie de ces deux derniers vers évoque la vision du rivage où Ariane se meurt lentement d’amour. […]       Plus d’un bon vivant       Qui fendait le vent Aujourd’hui sous le vent du destin mourra. […] Mais, quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien. […] L’air est si doux qu’il empêche de mourir.

338. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre X. Prédictions du lac. »

Comme exemple de la folie humaine, Jésus aimait à citer le cas d’un homme qui, après avoir élargi ses greniers et s’être amassé du bien pour de longues années, mourut avant d’en avoir joui 492 ! […] Or, il arriva que le pauvre mourut, et qu’il fut porté par les anges dans le sein d’Abraham. Le riche mourut aussi et fut enterré 500.

339. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

Il mourut de chagrin l’année 1142, dans la soixante-troisième année de son âge. […] Sa gloire n’étant plus balancée, il en jetta plus d’éclat : mais il mourut lui-même quelques années après, dans la soixante-troisième année de son âge. Il mourut réputé le Thaumaturge de l’Occident, pour le nombre & le caractère de ses miracles ; un père de l’église, pour l’excellence de ses écrits ; un chef zélé de moines, pour le nombre & la magnificence des établissemens qu’il leur procura.

340. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Les mots de Ninon sont trop connus, ses lettres authentiques et les livres qui nous parlent d’elle ne sont point des manuscrits grecs, confiés à des savants qui meurent (peut-être du plaisir de les lire), et qui ne se retrouvent plus. […] Cette « probité d’honnête homme » dans une malhonnête femme ne lui a pas paru si sublime, et le trait du dépôt rendu, dont on nous rabat les oreilles, valoir la peine que toute une époque en parlât comme du Qu’il mourût des Horaces. […] On dit que sur son lit de mort elle avoua qu’elle aimerait mieux mourir de la main du bourreau que de recommencer sa vie… cette vie que Debay a écrite et qu’il a transformée en apothéose.

341. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice Bouchor »

Quand on l’arrache, on en meurt, et le talent n’est plus. […] Jamais au clair soleil je ne tendrai les bras, Car il ne connaît point les rayons qu’il nous jette ; Rien ne peut animer notre sol qui végète… Sans savoir que tu meurs, ô terre, tu mourras !

342. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre V. Des Grecs, et de leurs éloges funèbres en l’honneur des guerriers morts dans les combats. »

Ce monument est celui d’une femme qui aima mieux mourir que trahir des citoyens qui voulaient rendre la liberté à l’État. […] Il les transporte au moment où leurs pères mouraient sur le champ de bataille. […] Les guerriers de la Grèce, après avoir lu ou entendu de pareils discours, devaient être plus enflammés que dans les pays où le soldat mercenaire, méprisé et payé, combat sans vertu, meurt sans gloire, essuie le dédain pendant sa vie, et l’oubli après sa mort.

343. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXV. Des éloges des gens de lettres et des savants. De quelques auteurs du seizième siècle qui en ont écrit parmi nous. »

Ils meurent, et leurs pensées restent. […] Las des contradictions et des querelles, il se consola de mourir. […] Scévole de Sainte-Marthe, né en 1536, et mort en 1623, naquit et mourut dans cette même ville de Loudun, où, onze ans après, Urbain Grandier, par arrêt de Laubardemont, et sur la déposition d’Astaroth et d’Asmodée, devait être traîné dans les flammes.

344. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

Les peintres qui s’établirent alors en France y moururent sans éleves, du moins qui fussent dignes d’eux, ainsi que ces animaux qu’on transporte sous un climat trop different du leur, meurent sans laisser race. […] Ciceron qui fut égorgé dans les temps malheureux dont parle Virgile mourut la victime de ses talens. […] Despreaux avant que de mourir, vit prendre l’essort à un poëte lyrique né avec les talens de ces anciens poëtes, à qui Virgile donne une place honorable dans les champs élisées, pour avoir enseigné les premiers la morale aux hommes encore féroces. […] Stace, Juvenal, Martial et plusieurs autres qui ont pû le voir mourir, n’ont pas laissé de composer. […] Il semble du moins que Quellins, qu’on peut regarder comme son dernier peintre, doive mourir sans éleves dignes de lui.

345. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Un marguillier d’Igornay vient de mourir brusquement. […] Il meurt, âgé de plus de quatre-vingts ans : avant de mourir, il abjure son hérésie. […] « Nous mourons seuls !  […] Mais, en un autre sens, nous ne mourons pas seuls. […] Elles ne me furent pas lettre morte, mais, vive !

346. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Voltaire, qui l’a plus loué que personne, a retiré, à la fin, tous ses éloges, lorsqu’il a vu le président mourir en reniant la philosophie. […] Il fit un discours tout à la louange de ce dernier, comme on le pense bien ; mais il lui arriva un accident dans l’intervalle de l’élection à la réception : le Régent mourut subitement le 2 décembre ; il lui fallut donc faire une autre harangue (cela se voit quelquefois), « parce que, dit-il fort sensément, ce qu’il convenait de dire sous le Régent n’était plus de saison sous M. le duc, qui lui succéda. » Tout cela n’est rien, et une harangue aussi courte qu’on les faisait alors se refait aisément en huit jours. […] douce, simple, m’aimant uniquement, crédule sur ma conduite qui était un peu irrégulière, mais dont la crédulité était aidée par le soin extrême que je prenais à l’entretenir, et par l’amitié tendre et véritable que je lui portais. » Mme Du Deffand est très bien traitée dans ces Mémoires, et s’y montre presque sans ombre, sous ses premières et charmantes couleurs ; mais la personne évidemment que le président a le plus aimée est Mme de Castelmoron, « qui a été pendant quarante ans, dit-il, l’objet principal de sa vie. » La page qui lui est consacrée est dictée par le cœur ; il y règne un ton d’affection profonde, et même d’affection pure : « Tout est fini pour moi, écrit le vieillard après nous avoir fait assister à la mort de cette amie ; il ne me reste plus qu’à mourir. » On raconte que dans les derniers instants de la vie du président et lorsqu’il n’avait plus bien sa tête, Mme Du Deffand, qui était dans sa chambre avec quelques amis, lui demanda, pour le tirer de son assoupissement, s’il se souvenait de Mme de Castelmoron : Ce nom réveilla le président, qui répondit qu’il se la rappelait fort bien. […] Que lui a fait ce malheureux qui vient de perdre son bien, dont la femme vertueuse vient de mourir, suivie d’un fils unique qui donnait les plus grandes espérances ? […] Il est question (p. 24) du comte de Verdun « dont la fille, dit-on, avait épousé la fille aînée du maréchal de Tallard. » Je serais dans une grande inquiétude et perplexité pour savoir, dans ce mariage, qui des deux était la fille ou le garçon, si Saint-Simon ne nous disait : « Le maréchal de Tallard s’en alla en Forez marier son fils aîné à la fille unique de Verdun, très riche héritière. » Le cardinal de Bouillon, qui a mécontenté Louis XIV, reçoit l’ordre de quitter Rome et d’aller en exil dans une de ses abbayes ; mais s’il quitte Rome, où le doyen des cardinaux se meurt, il court risque de ne pas devenir doyen du Sacré-Collège à son tour ; car il faut être à Rome pour succéder : « On peut juger de l’embarras du cardinal de Bouillon, entre l’exil et le décanat. » Ici on lit (p. 17) la même phrase avec cette différence : « … outre l’exil et le décanat », ce qui n’a aucun sens.

347. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Marceline-Félicité-Josèphe Desbordes, qui est morte à Paris le 23 juillet 1859, était née à Douai le 20 juin 1786, au nº 32 de la rue Notre-Dame (aujourd’hui rue de Valenciennes, 36). […] Mais à leur arrivée, la colonie était en révolte et en feu, la fièvre jaune sévissait, le parent était mort, et la mère de Mlle Desbordes mourut elle-même, atteinte du fléau. […] Trop sensible au mépris, de gloire peu jalouse, Blessée au cœur d’un trait dont je ne puis guérir, Sans prétendre aux doux noms et de mère et d’épouse,                   Il me faut donc mourir ! […] N’apprenons qu’à mourir à nous-mêmes. […] Mme Branchu (Rose-Timoléone-Caroline), née Chevalier de Lavit, à Saint-Domingue ; morte à Passy le 14 octobre 1850.

348. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Galloix, Farcy, Fontaney, ont comme prélevé cette fraîcheur d’intérêt qui s’attache aux funérailles précoces ; et en allant mourir, hélas ! […] et honneur avant tout à ceux qui ont aimé la poésie jusqu’à en mourir ! […] Bertrand mourut dans l’un des premiers jours de mai. […] La fable antique parle d’un berger ou chevrier, Comatas, qui, pour avoir trop souvent sacrifié de ses chèvres aux Muses, fut puni par son maître et enfermé dans un coffre où il devait mourir de faim ; mais les abeilles vinrent et le nourrirent de leur miel. […] Étoc, souche morte.

349. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Il y eut peu d’âmes plus belles, plus fortes, que celle de ce magistrat, qui mourut évêque : il eut, de ses deux états, la justice et la charité. […] Il mourut jeune, à quarante ans, ayant gaspillé sa vie et son talent. […] Il mourut en 1619. […] Jean Vauquelin, né à la Fresnaye-au-Sauvage, près Falaise, en 1536, fut lieutenant général à Caen (1572), député aux États de Blois (1588), président au présidial de Caen, 1594 ; il mourut en 1606 ou 1608. […] Dupleix (qui meurt en 1661), donne sa première édition en 1621 ; la science qu’il mêle à sa rhétorique vient d’André Duchesne. — A consulter : A.

350. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Écrivain, il se recommande encore aujourd’hui par de véritables mérites : ses quatre volumes de Souvenirs sont d’une très agréable et instructive lecture ; ses tragédies, pour être appréciées, ont besoin de se revoir en idée et de se replacer à leur moment ; mais ses fables, ses apologues, plaisent et parlent toujours ; un matin, dans un instant d’émotion vraie et sous un rayon rapide, il a trouvé quelques-uns de ces vers légers, immortels, qui se sont mis à voler par le monde comme l’abeille d’Horace et qui ne mourront plus : c’est assez pour que, nous qui aimons à rechercher dans le passé tout ce qui a un cachet distinct et ce qui porte la marque d’une époque, nous revenions un instant sur lui et sur sa mémoire. […] Dans cette pièce, en effet, les deux amants d’abord ne mouraient pas : Blanche, malgré sa désobéissance à son père, Montcassin, malgré son infraction à la loi de l’État, trouvaient grâce devant des inquisiteurs généreux ; il y avait assaut et rivalité de grandeur d’âme, et la pièce finissait bien. […] Il faut que le héros meure. […] Il mourut en septembre 1834, à l’âge de soixante-huit ans, plein de force et sans vieillesse. […] En revanche, Mme Lemercier disait qu’elle ne mourrait jamais que d’une première représentation. — Arnault n’était pas, tant s’en faut, de l’humeur patiente de Lemercier.

351. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

II Or, en quelques mots, voici cette histoire dont Edouard Drumont a tiré un parti charmant, mais trop doux… Le duc de Saint-Simon mourait en 1755, insolvable et probablement ruiné par son ambassade d’Espagne, qu’il avait menée avec cette grandeur désintéressée et ce luxe que notre siècle, peu accoutumé à ces généreux spectacles, a pu admirer quand le duc de Northumberland vint, comme ambassadeur d’Angleterre, au sacre du roi Charles X. […] Louis XV mourut, la Révolution vint, l’empereur brilla et s’éteignit comme l’éclair du canon, et les manuscrits de Saint-Simon, ensevelis dans leurs cartons, et y restant gardés comme des odalisques par des eunuques qui ne pensaient même pas à regarder la beauté de ce qu’ils gardaient par un trou de serrure quelconque, attestèrent l’étrange amour que les gouvernements ont toujours eu pour les lettres en France ! […] Il ne voudrait pas — dit-il, — n’avoir pas eu la petite vérole en Espagne (dont il avait failli mourir), « puisqu’elle lui avait rapporté l’honneur des marques d’amitié » de Dubois ! […] Tel le droit que dans deux Mémoires55, restés inédits et remis aujourd’hui en lumière, Saint-Simon a établi de la manière la plus péremptoire et la plus irréfragable, avec la logique la plus victorieuse, car là où il y a l’obscurité d’un hiatus dans la chaîne des faits nécessaires au développement de sa thèse il répond par l’impérieuse et inévitable nature des choses, que les fautes et les crimes des gouvernements et des hommes peuvent violer, mais dont, pour l’avoir violée, les hommes et les gouvernements meurent nécessairement toujours ! […] VIII C’est, en effet, un olifant qui sonne la fin de la monarchie, — de cette monarchie qui a duré plus qu’aucune monarchie du monde, parce qu’elle était fondée sur le principe divin de la paternité et de la famille, et qui allait mourir par les bâtardises ; car toutes les bâtardises s’appellent comme l’abîme appelle l’abîme.

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