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56. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

La première des difficultés, dans tous les gouvernements où les distinctions héréditaires sont établies, c’est la réunion des circonstances qui donnent de l’éclat à la vie ; les efforts que l’on fait pour sortir d’une situation obscure, pour jouer un rôle sans y être appelé, déplaisent à la plupart des hommes. […] Les individus de la même classe que soi, qui se sont résignés à n’en pas sortir, attribuant bien plutôt cette résolution à leur sagesse, qu’à leur médiocrité, appellent folie une conduite différente, et sans juger la diversité des talents, se croient faits pour les mêmes circonstances. […] Une idée peut se composer des réflexions de plusieurs ; un sentiment sort tout entier de l’âme qui l’éprouve ; la multitude, qui l’adopte, a pour opinion l’injustice d’un homme exercée par l’audace de tous ; par cette audace qui se fonde et sur la force, et plus encore sur l’impossibilité d’être atteint par aucun genre de responsabilité individuelle. […] L’un des caractères de ce long malheur est de finir par s’accuser soi-même : tant qu’on en est encore aux reproches que méritent les autres, l’âme peut sortir d’elle-même, mais le repentir concentre toutes les pensées, et dans ce genre de douleur, le volcan se referme pour consumer en dedans. […] Enfin, quoique cette passion soit pure dans son origine et noble dans ses efforts, le crime seul dérange plus qu’elle, l’équilibre de l’âme ; elle la fait sortir violemment de l’ordre naturel, et rien ne peut jamais l’y ramener.

57. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

Le moule de l’âme d’Horace était si parfait que toute pensée qui en sortait en vers avait la forme et le poli d’une statuette de Phidias en marbre de Paros. […] Jamais un monstre pareil ne sortit des forêts de la belliqueuse Apulie ni des déserts arides d’Afrique où le royaume de Juba enfante des lions !  […] Nous sommes tous chassés vers le même but par la mort ; plus tôt ou plus tard, notre sort est agité dans la même urne ; il en sortira, ce jour qui nous condamne à entrer tous dans la barque de notre éternel exil !  […] La philosophie sortit-elle jamais plus inattendue et plus funèbre du plaisir, comme le serpent de Cléopâtre de son panier de fleurs ? […] Une belette lui cria de loin : “Veux-tu sortir de là : attends que tu maigrisses ; maigre tu es entré, maigre tu sortiras !

58. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Il sortit en tirant avec force la porte après lui. […] Nous sortîmes ensemble. […] Birouk sortit mon cheval du hangar. […] — La femme de Nikolaï Ivanovitch était cramoisie : elle se leva vivement et sortit. […] Vous sortez du ravin… Le ciel prend à l’horizon une teinte de plomb.

59. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Oiseaux fixés sur cette plage, Nous portons envie à leur sort. […] Mes amis m’interpellèrent quand je sortis. — Eh quoi ! […] ajoutai-je : je me dépense, je me perds, en résistant aux folies des uns, aux dictatures prématurées des autres ; je ne sortirai pas de là bon à gouverner un village, mais la représentation nationale en sortira toute-puissante et invincible. […] Je serais mort avec des angoisses sur son sort, et tout est pour le mieux. […] J’en suis plus tourmenté que de mon propre sort !

60. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Cette rancune de fautes d’orthographe sortait après dix ans de silence. […] Fiévée n’en sortit que pour entrer en relation personnelle et directe avec le consul. […] Les hommes sortis de la Révolution et rangés autour du consul dénonçaient ces tendances monarchiques comme menant droit à une restauration des Bourbons ; M.  […] Le ridicule serait aujourd’hui un moyen de succès s’il aidait un homme à sortir de la foule. […] » (27 mai). — « Quand on réfléchit sur le sort de toutes les constitutions, etc. » (6 juillet 1831). — Et précédemment : « Intervention morale » (9 novembre 1830). — « De la modération en politique » (21 novembre). — « Naïveté » (21 novembre), etc., etc.

61. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De la philosophie. »

Il faut qu’on ait appris à concevoir la vie passivement, à supporter que son cours soit uniforme, à suppléer à tout par la pensée, à voir en elle les seuls événements qui ne dépendent ni du sort, ni des hommes. […] Rien cependant n’inspire autant d’horreur que la possibilité d’exister uniquement, parce qu’on ne sait pas mourir ; et comme c’est le sort qui peut attendre toutes les grandes passions, un tel objet d’effroi suffit pour faire aimer cette puissance de philosophie, qui soutient toujours l’homme au niveau de la vie, sans l’y trop attacher, mais sans la lui faire haïr. […] Ce n’est plus vis-à-vis du sort, mais de sa conscience qu’on se place, et, renonçant à toute influence sur le destin et sur les hommes, on se complait d’autant plus dans l’action du pouvoir qu’on s’est réservé, dans l’empire de soi-même, et l’on fait chaque jour avec bonheur quelque changement ou quelque découverte, dans la seule propriété sur laquelle on se croit des droits et de l’influence. […] Les aspects, les incidents de la campagne sont tellement analogues à cette disposition morale, qu’on serait tenté de croire que la Providence a voulu qu’elle devint celle de tous les hommes, et que tout concourut à la leur inspirer, lorsqu’ils atteignent l’époque où l’âme se lasse de travailler à son propre sort, se fatigue même de l’espérance, et n’ambitionne plus que l’absence de la peine.

62. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Je vous aimois, vous m’aimiez fort ; Cela n’est plus, sortons d’affaire. […] Il cite d’elle les vers qui terminent l’idylle du Ruisseau : Courez, Ruisseau, courez, fuyez-nous, reportez Vos ondes dans le sein des mers dont vous sortez ; Tandis que, pour remplir la dure destinée Où nous sommes assujettis, Nous irons reporter la vie infortunée Que le hasard nous a donnée, Dans le sein du néant d’où nous sommes sortis ! […] La cour de Sceaux s’y complut trop pour en sortir. […] Toutes les deux paraissent avoir senti l’infidélité avec une douleur qui n’éteignit pas l’amour : Amour, redonnez-lui le dessein de me plaire ; Mais, quoi que l’ingrat puisse faire, Ne sortez jamais de mon cœur. […] Il a voulu voir un pli essentiel et comme une marque de nature dans ce qui n’a été qu’une injure du sort et un accident ironique de la destinée.

63. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Les passions sont la plus grande difficulté des gouvernements ; cette vérité n’a pas besoin d’être développée, on voit aisément que toutes les combinaisons sociales les plus despotiques, conviendraient également à des hommes inertes qui seraient contents de rester à la place que le sort leur aurait fixée, et que la théorie démocratique la plus abstraite serait praticable au milieu d’hommes sages uniquement conduits par leur raison. […] La seconde partie doit traiter du sort constitutionnel des nations. Le premier volume est divisé en trois sections ; la première traite successivement de l’influence de chaque passion sur le bonheur de l’homme ; la seconde analyse le rapport de quelques affections de l’âme avec la passion ou avec la raison ; la troisième offre le tableau des ressources qu’on trouve en soi, de celles qui sont indépendantes du sort, et surtout de la volonté des autres hommes. […] Montesquieu, dans son sublime ouvrage sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains, a traité, tout ensemble, les causes diverses qui ont influé sur le sort de cet Empire ; il faudrait apprendre dans son livre, et démêler dans l’histoire de tous les autres peuples, les événements qui sont la suite immédiate des constitutions, et peut-être trouverait-on que tous les événements dérivent de cette cause : les nations sont élevées par leur gouvernement, comme les enfants par l’autorité paternelle. […] Autant le moraliste doit rejeter cet espoir, autant le législateur doit tâcher de s’en rapprocher : l’individu qui prétend pour lui-même à ce résultat, est un insensé ; car le sort qui n’est pas dans sa main déjoue de toutes les manières de telles espérances ; mais les gouvernements tiennent, pour, ainsi dire, la place du sort par rapport aux nations ; comme ils agissent sur la masse, leurs effets, et leurs moyens sont assurés.

64. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Ses travaux de revue en particulier, ou même ses simples articles de journal, qui sortaient des formes usitées, et dont chacun offrait un tout, le désignèrent d’emblée à l’attention comme un maître d’un genre nouveau. […] Il sortait d’une famille de marins ; par son père, il appartient à la race bretonne pure, à cette race triste, douce, inflexible, dont il a si bien parlé dans son Étude sur Lamennais. […] Dupanloup, homme d’éloquence et de zèle, mais d’un zèle qui n’est pas toujours sûr, il lui sembla tomber dans un monde tout nouveau : au sortir d’une nourriture chrétienne classique, sévère et sobre, il était mis à un régime bien différent ; il avait affaire pour la première fois à ce catholicisme parisien et mondain, d’une espèce assez singulière, que nous avons vu, dans ses diverses variétés, naître, croître chaque jour et embellir ; catholicisme agité et agitant, superficiel et matériel, fiévreux, ardent à profiter de tous les bruits, de toutes les vogues et de toutes les modes du siècle, de tous les trains de plaisir ou de guerre qui passent, qui vous met à tout propos le feu sous le ventre et vous allume des charbons dans la tête : il en est sorti la belle jeunesse qu’on sait et qu’on voit à l’œuvre. […] Renan, après ces deux années d’Issy, vint, pour son cours de théologie, au séminaire de Paris, et c’est là qu’en voyant se dérouler crûment et carrément devant lui la théologie scolastique, cette vieille doctrine de saint Thomas « remaniée et triturée par vingt générations sorboniques », son sens critique, déjà éveillé, se révolta : il n’y put tenir ; tant d’objections imprudemment posées, et qu’une logique robuste ou subtile se flattait à tout coup d’abattre, tant et de si rudes entorses données à la vérité historique le venaient relancer, malgré sa prudence, et le forcèrent enfin à sortir de derrière ses retranchements. […] Voyez-le au moment où il sort et où il paraît : il n’a rien à renverser, à bouleverser autour de lui, comme quand on se produit après coup ; il n’éclate point à tort et à travers ; il ne rompt pas, il se détache avant tout engagement.

65. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

Entré le second, sorti le second, — le premier dans les mines, il fut bientôt ingénieur en chef dans ce corps savant et professeur de métallurgie à l’École même des mines. […] Mais ceci sort tout à fait de notre appréciation et de notre portée : ce qui y rentre davantage, c’est l’étude morale et sociale qu’il ne tarda pas à joindre à celle des procédés techniques et qu’il mena bientôt parallèlement avec le même zèle. […] La nourriture, la boisson la plus recherchée et la plus agréable pour ces peuples pasteurs est du lait de jument fermenté, qui laisse ceux qui en ont trop pris dans un léger état d’assoupissement et d’ivresse d’où l’on sort d’ailleurs sans trop de fatigue et sans détérioration pour les organes. […] Serait-ce donc une loi fatale que plus l’homme s’élève dans l’échelle de la civilisation, moins il est satisfait et content de son sort ? […] On sort du collège, et, à peine sorti, on a déjà choisi son point de mire, son modèle dans quelque écrivain célèbre, dans quelque poète préféré : on lui adresse son admiration, on, lui porte ses premiers vers ; on devient son disciple, son ami, pour peu qu’il soit bon prince ; on est lancé déjà ; à sa recommandation peut-être, un libraire consent à imprimer gratis vos premiers vers ; un journal du moins les insère ; on y glisse de la prose en l’honneur du saint qu’on s’est choisi et à la plus grande gloire des doctrines dont on a le culte juvénile : comment revenir après cela ?

66. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

D’autre part, il est impossible de sortir d’un pareil état avec le suffrage universel. […] Étrangère à toute idée de politique savante, elle ne sortait pas de l’ornière du superficiel radicalisme français. […] De ce sérieux travail poursuivi pendant cinquante ans, la Prusse sortit la première nation de l’Europe. […] Un pays n’a qu’une dynastie, celle qui a fait son unité au sortir d’un état de crise ou de dissolution. […] Sans sortir de ce programme, on peut indiquer quelques réformes qui, en toute hypothèse, doivent être méditées.

67. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Chamfort »

Nous sortons tous d’un passé qui parfume ou souille à jamais la coupe du sang de notre vie, si nous ne mettons pas notre vertu à l’épurer. […] Fait, comme tout homme qui vient en ce monde, de mémoire, d’intelligence et de volonté, le bâtard, si loin qu’il recule en lui, trouve dans sa mémoire l’événement qui lui a retranché toute légitimité naturelle et sociale ; car le séducteur dont il est sorti n’est pas père. […] Leur affliction est la meilleure critique du passé dont ils sont sortis. […] X C’est criminel, en effet, gratuitement criminel, car il est toujours aisé de se tenir tranquille et de se taire, — de laisser passer, sans y répondre, une thèse vraie dans sa ferme généralité ; il est toujours aisé de vivre dans un sort honnête et obscur, ou même éclatant, si on a vraiment du mérite et si on est taillé pour la gloire, sans que l’impudence d’une révélation sinistre vienne tout à coup répandre une vile lumière autour de soi. […] Nous ne voulions pas nous pencher, pour le plaisir d’y regarder, sur le gouffre des mauvaises mœurs dont ils sont sortis.

68. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Il est vrai que cette gloire, qui, vu l’esprit de l’époque, tendrait un peu à devenir momie, Hugo et Lamartine, pour la raviver et pour la rajeunir, l’ont plongée, comme le vieil Éson, dans la cuve bouillante de la politique, tandis qu’Auguste Barbier, qui est sorti de cette cuve-là comme le bronze de la fournaise, n’y est pas rentré, et s’est — comme les morts — froidi à l’écart. […] Il sortait… D’où sortait-il ainsi en pleine maturité ? […] C’était là une illusion, un bien joué sans doute : les Minerves tout armées ne sortent de la tête des Jupiters que dans les Mythologies. […] Il nous suffira, pour en donner une idée, de citer des vers comme ceux-ci, que nous trouvons dans sa traduction du Jules César de Shakespeare : Octave a devant moi dit tout haut à Lépide Que, tels que des gens fous, troublés, anéantis, Brutus et Cassius de Rome étaient sortis.

69. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

Sa femme a été blessée d’un coup de fusil ; ce sont les paysans qui l’ont arrêté et qui faisaient la garde pour empêcher les gens de la religion qui veulent sortir du royaume… » — « Vendredi 25. — On mène du Bordage dans la citadelle de Lille, sa femme dans celle de Cambray, et Mlle de La Moussaye, sa belle-sœur, dans celle de Tournay. […] Ces locutions reviennent continuellement chez Dangeau : « Le roi alla voler l’après-dînée. — Le roi revint l’après-dînée de Marly, et vola en chemin. » Cependant (pour en rester aux choses sérieuses) des hommes considérables d’entre les réformés obtiennent de sortir du royaume. […] Les conversions, données comme si faciles chez Dangeau en 1685, ont leur contrecoup quelques années après, lorsqu’à la reprise de la guerre et quand toute l’Europe liguée est en armes contre Louis XIV, les protestants français y jouent leur rôle et sur les frontières et au-dedans du royaume : Lundi, 28 février 1689, à Versailles. — Hier, M. de Barbezieux vint dire au roi, comme il sortait du sermon, qu’il s’était fait quelques assemblées de mauvais convertis séditieux en Languedoc. […] Et encore, mercredi, 3 mars 1688 : L’après-dînée, le roi partit de bonne heure et alla à Saint-Germain voir sortir du parc quantité de cerfs et de daims qu’on en ôte, et ensuite revint à Marly. […] Les quatre années de loisir et de paix, depuis la trêve de Ratisbonne jusqu’à la guerre qui sort de la ligue d’Augsbourg (1684-1688), sont vite écoulées.

70. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Quand on parle de Santeul, l’inconvénient et le péril à chaque instant est de tomber dans la caricature ; aussi faut-il avoir sous les yeux le portrait qu’a tracé de lui La Bruyère et n’en jamais sortir. […] Puis, ayant pris son déjeuner, ses devoirs remplis et les offices entendus, il sort à midi sonnant, et va par le quartier latin pour réciter et produire les nouveau-nés, ce sont ses vers que je veux dire ; car les vers faits, vite la louange. […] C’est pour aller dîner en ville qu’il est sorti, mais sa route est semée de tant d’accidents et de rencontres qu’il va souvent autre part qu’à l’endroit où on l’attendait. […] Santeul, sorti de la bourgeoisie et connu des principaux de la robe, fut de bonne heure employé par la ville de Paris, par le prévôt des marchands et les échevins, pour les inscriptions des fontaines publiques et des monuments ; il fut le poète municipal, pensionné comme tel, avant d’être le vates ecclesiasticus et le fabricateur d’hymnes. […] On raconte que, lorsque ses hymnes eurent été adoptées dans les bréviaires et qu’elles se chantèrent dans les offices, il ne se tint pas de joie ; il courait les églises où on les chantait ; il grondait ceux près de qui il était placé lorsque leur ton n’était pas à son gré, et quand le chant lui paraissait convenir à la beauté des paroles, il sautait et grimaçait tellement qu’il lui fallait sortir, de peur d’esclandre.

71. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

Quand la nature crée un homme supérieur et d’une supériorité de premier ordre, quand elle l’a fondu et coulé tout d’un jet dans un de ses plus beaux moules humains, si cet homme, après avoir fourni sa grande carrière, tombe ou sort de la scène dans la plénitude de la vie et de ses facultés, sans que la maladie ou l’âge soit venu l’altérer ou l’affaiblir, il est bien clair qu’il est et qu’il a dû rester le même pendant toute cette durée de son rôle actif, que les événements n’ont fait que le produire, un peu plus tôt ; un peu plus tard, sous ses aspects différents, le montrer et le développer plus ou moins dans quelques-unes de ses dispositions naturelles et donner occasion à ses qualités ou à ses défauts primitifs de se manifester dans tout leur relief ou même dans leur exagération ; mais il y avait en lui, dès le principe, le germe et remboîtement de tout ce qui est sorti. […] Le premier Consul avait été vainqueur de l’Autriche à Marengo, Moreau avait achevé de l’abattre à Hohenlinden : Bonaparte était l’arbitre de la paix sur le continent ; le traité qui en sortit fut celui de Lunéville. […] Lefebvre) s’offrait à nous par des rapports tout différents ; avec elle la paix, une paix solide, permanente, était possible ; « mais elle ne l’était qu’à une condition : c’était que, désavouant les principes du Directoire, propagateur et créateur de républiques succursales, nous sortirions des voies où nous avait imprudemment engagés le traité de Campo-Formio. » Pour sortir de cette voie, pour pacifier véritablement l’Autriche, pour la désintéresser et nous rattacher, que fallait-il ? […] Je voudrais voir, par ses soins, la partie historique de 1800 jusqu’en 1808 et au-delà, doublée de quelques notes ou appendices où il serait fait usage de la Correspondance de Napoléon : l’œuvre en sortirait plus forte et comme cuirassée. […] Édouard Lefebvre de Béhaine ne saurait être mieux placé qu’à Berlin pour étudier et approfondir cette histoire de la coalition des forces morales sous lesquelles nous avons succombé en 1814 et ; 1815 : les millions de l’Angleterre, le froid même de la Russie, auraient été impuissants peut-être à nous détruire, s’ils n’avaient eu pour auxiliaires des caractères comme ceux de Stein, de Gneisenau, de Scharnhorst, toute une génération enfin de politiques, de militaires, de diplomates, légistes, poëtes, qui sortirent comme de terre sur tous les points de l’Allemagne après Austerlitz et Iéna, surtout après Moscou.

72. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

J’ai vécu dans la solitude et dans les cachots… Ce qu’il aurait dû ajouter, c’est qu’au sortir des cachots, il n’avait paru pour la première fois à la tribune politique qu’aux heures de l’arc-en-ciel, dans les intervalles de l’orage encore menaçant, pour y proclamer avec une douce gravité et une abondance persuasive les maximes saines, salutaires, équitables, tout ce qui calme et réconcilie. […] Nous en avons les preuves par deux petits écrits imprimés qu’il composa au sortir du collège, dès l’âge de seize et dix-sept ans, et pendant qu’il était étudiant en droit à l’université d’Aix. […] Il sort bientôt du cercle étroit que lui prescrit le dogme, pour entrer dans les régions immenses que lui ouvre l’opinion. » Le jeune homme, nourri dans la tradition et dans la pratique religieuse, paraît préoccupé des querelles et des dissensions théologiques qui agitaient encore à ce moment plusieurs classes de la société : « Un enthousiaste, dit-il spirituellement, ne cherche point dans les ouvrages divins ce qu’il faut croire, mais ce qu’il croit ; il n’y démêle point ce qui s’y trouve, mais ce qu’il y cherche… Les livres sacrés sont comme un pays où les hommes de tous les partis vont comme au pillage, où ils s’attaquent souvent avec les mêmes armes et livrent bien des combats d’où tous croient sortir également victorieux69. » On devine, à la manière dont il parle du « judicieux abbé Fleury », qu’il n’est disposé à donner dans aucun extrême en fait de doctrine ecclésiastique, de même qu’on le trouve très en garde contre les écrits de Rousseau. […] C’est assez montrer qu’il y a dans ce premier essai d’un auteur adolescent quelque tâtonnement et du mélange ; mais ce qui s’y reconnaît visiblement, c’est un esprit sage, sain, conservateur d’instinct, qui ne sort pas volontiers des choses établies, et qui a pourtant souci de les rectifier et de les épurer. […] Portalis, qui était depuis plusieurs mois dans l’une des prisons de Paris, en sortit après le 9 Thermidor.

73. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

Le peuple de 1793 sortait ignorant et furieux de la servitude ; le peuple de 1848 sortait instruit et modéré de la liberté. […] La reine embrassa la fille du concierge, se coupa elle-même les cheveux, se laissa lier les mains sans murmure, et sortit d’un pas ferme de la Conciergerie. […] « Le cortège sortit de la Conciergerie au milieu des cris de : “Vive la république ! […] D’involontaires exclamations sortaient inachevées de ses lèvres ; il levait les yeux au ciel et se promenait à grands pas autour du cachot. […] … ce cri sortira de mon cachot comme il est sorti de mon palais.”

74. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

Comme lui, il réchauffe et il dévore, il resplendit et il brûle ; les épidémies sortent de son carquois enflammé. […] sortez de ce temple ! […] Oreste a commis un terrible crime ; mais ce crime sort, comme le loup du bois, de la lignée meurtrière d’où il est issu. […] Oreste est absous et l’humanité sort avec lui de l’Aréopage, affranchie des servitudes de l’antique effroi. […] À sa voix, la main de Jéhovah sort une seconde fois de la nue, et rature la Table de ses lois aux endroits iniques.

75. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Cet état dont, selon l’opinion unanime des politiques, sortirent les peuples et les cités, l’histoire profane n’en fait point mention, ou en dit à peine quelques mots confus. […] Les fables imaginées par les premiers hommes furent sévères comme leurs farouches inventeurs, qui étaient à peine sortis de l’indépendance bestiale pour commencer la société. […] Les hommes aiment d’abord à sortir de sujétion et désirent l’égalité ; voilà les plébéiens dans les républiques aristocratiques, qui finissent par devenir des gouvernements populaires. […] Là aussi se fonda la première monarchie, celle des Assyriens, sortis de la tribu chaldéenne, laquelle avait produit les premiers sages, et Zoroastre le plus ancien de tous. […] Cette jurisprudence, ainsi que nous le démontrerons, est l’école publique d’où sont sortis les philosophes.

76. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Tous les cœurs français étaient en émoi ; on sortait d’une grande crise ; on respirait plus librement et à pleine poitrine. […] Les vers de premier mouvement et d’un seul jet y sortent à chaque pas ; c’est grandiose, c’est transportant. […] La scène entre le comte et don Diègue, la scène d’offense se passe dans une rue ou dans quelque antichambre ou vestibule, au sortir du Conseil dans lequel don Diègue l’a emporté sur le comte. […] Dans la fière énumération que fait le comte de ses titres, un vers entre autres se détache et sort des rangs : « Grenade et l’Aragon tremblent quand ce fer brille !  […] C’est sur cet éclat que Rodrigue sort brusquement de l’endroit d’où il l’entendait, et s’offre tout entier à sa colère.

77. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Mais, comme tant de vices de la Régence, le vrai Turcaret sortait de dessous les dernières années de Louis XIV. […] madame, reprit froidement Lesage, je vais vous en faire gagner deux. » Et tirant sa révérence, il sortit sans qu’on pût le retenir. […] Gil Blas est un homme de naissance très humble et commune, de toute petite bourgeoisie ; il se montre de bonne heure éveillé, gentil garçon, spirituel ; il a une éducation telle quelle, et il sort à dix-sept ans de chez lui pour faire son chemin dans le monde. […] Enfin, on sort de cette noble et troublante lecture plus orgueilleux qu’auparavant et plus désolé. […]  » il semblait s’être appliqué ce mot d’un ancien : « Que je rentre en vieillissant dans ces rangs obscurs dont je suis un moment sorti ! 

78. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

De la création divine directe sort Adam, le prototype. De la création divine indirecte, c’est-à-dire de la création humaine, sortent d’autres Adams, les types. […] sortez, si vous pouvez, de cette prison : aimer ! […] Une ouverture de tombe d’où sort un drame, ceci est colossal. […] Par moments son inaction s’entr’ouvre, et de la déchirure il sort des tonnerres.

79. (1860) Ceci n’est pas un livre « Les arrière-petits-fils. Sotie parisienne — Premier tableau » pp. 180-195

Cet animal d’huissier qui sort d’ici n’a pas l’air de se douter de ces choses-là, lui… Que faire ? […] Toi qui m’avais promis de me faire un sort… ha ! […] (Il sort comme une tempête.) […] (Ils sortent comme un ouragan.)

80. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Lorsqu’ils furent sortis du palais tout affligés, Chalciope, se gardant de la colère d’Éétès, eut hâte de rentrer dans sa chambre avec ses fils ; et Médée aussi, de son côté, se retira : elle agitait en elle tout ce que les Amours soulèvent de chers intérêts dans une âme. […] qu’il s’en retourne dans sa patrie ayant échappé à ce mauvais sort ! […] Longtemps elle demeura à la même place sous le vestibule de sa chambre, retenue par la pudeur ; et elle revint de nouveau en arrière, et de nouveau elle se remit à sortir, et de nouveau elle rentra. […] Si l’une glorifie trop l’amour et le vaporise, l’autre le vulgarise un peu trop fréquemment, deux manières contraires, et presque également certaines, d’en sortir : dans l’un des cas, il s’élève jusqu’à être une religion ; dans l’autre, il n’est plus qu’un plaisir. […] e Nemours s’est arrangé pour rencontrer la princesse chez elle sans témoins : « Il réussit dans son dessein, dit le délicat auteur, et il arriva comme les dernières visites sortaient.

81. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 26, que les sujets ne sont pas épuisez pour les peintres. Exemples tirez des tableaux du crucifiment » pp. 221-226

Son tableau répresente le moment où la nature s’émut d’horreur à la mort du créateur ; le moment où le soleil s’éclipsa sans l’interposition de la lune, et où les morts sortirent de leurs sepulchres. […] Leur épouvante fait un contraste avec une crainte mêlée d’horreur, dont sont frappez d’autres spectateurs, au milieu desquels un mort sort tout-à-coup de son tombeau. […] La bible qui est celui de tous les livres qu’on lit le plus, ne nous apprend-elle pas que la nature s’émût d’horreur à la mort de Jesus-Christ, et que les morts sortirent de leurs tombeaux ?

82. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

De ces natures le sort peut faire à son gré des hommes obscurs ou des hommes célèbres, mais on peut le défier de faire des hommes ordinaires. […] Heureux le sort caché dans une vie obscure ! […] On sortait aigri contre les hommes, de son entretien. […] J’en sortais quelquefois ébloui. […] Un sourd et immense bourdonnement en sortait autour de moi et loin de moi comme d’une ruche en ébullition.

83. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre V. Le théâtre des Gelosi (suite) » pp. 81-102

Isabelle sort au même moment ; elle dissimule d’abord et réclame son portrait. […] Il engage Oratio à en faire autant, et sort. […] Vittoria et Piombino sortent de dîner chez un riche gentilhomme qui leur a fait de magnifiques cadeaux. […] Mais Flaminia les aperçoit de sa fenêtre ; elle sort irritée, applique un soufflet à Flavio et rentre chez elle. […] Le capitaine sort de la maison en jurant qu’on l’a trahi.

84. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre V. L’Analyse et la Physique. »

Et ce n’est pas une chose indifférente qu’une langue bien faite ; pour ne pas sortir de la physique, l’homme inconnu qui a inventé le mot chaleur a voué bien des générations à l’erreur. […] Mais ce n’est pas tout ; la loi sort de l’expérience, mais elle n’en sort pas immédiatement. […] Ne soyons pas si puristes et soyons reconnaissants au continu qui, si tout sort du nombre entier, était seul capable d’en faire tant sortir.

85. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIII, les Atrides. »

Non content d’écraser la faiblesse humaine sous les fatalités du sort et de la nature, il l’asservit aux transmissions du passé. […] Dans les grandes crises de guerre et de calamité nationale, l’oblation humaine, forcée ou volontaire, sortait d’elle-même de l’exaltation de l’armée ou de l’effroi du peuple pressé d’apaiser un dieu famélique. Chaque tribu, avant d’entrer en campagne, offrait à Arès un guerrier choisi par le sort, primeur sanglante des combats prochains. […] L’homme désigné par le sort et présenté à l’autel s’échappait sur un signe des prêtres qui vite lui substituaient une chèvre, un gâteau de miel ou des fleurs. […] Vingt mains d’Ombres s’entrelacent à la main qui frappe, et la victime, qui ne voit qu’un glaive tendu sur sa gorge, tombe sous une troupe de fantômes sortis des Enfers pour l’y entraîner.

86. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Crétineau-Joly » pp. 247-262

Et si cela est vrai pour les hommes qui doivent prendre dans l’histoire une place incontestable, cela est bien plus vrai encore pour ceux dont la place y peut être contestée ou qui n’y entrent un jour que pour en sortir. […] Crétineau-Joly, l’auteur de l’Histoire de lα Compagnie de Jésus, de la Vendée militaire, de l’Histoire de la Révolution et de l’Église, du Pontificat de Clément XIV, l’éditeur et le dépositaire des Mémoires de Consalvi, ne peut pas sortir et disparaître entièrement de l’histoire religieuse, politique et littéraire du xixe  siècle. […] Mais cette gloire qui sort de l’obscurité et de l’obstacle, peu à peu, comme un chêne sort de terre, et sur le gland duquel, les racines et les premières pousses, des troupeaux de bêtes ont passé, cette gloire, qui fut celle de Joseph de Maistre, ce génie de trempe immortelle qui pouvait attendre et qui attendit, je ne crois point que Crétineau-Joly l’ait jamais, et peut-être n’était-il pas fait pour elle. […] Le chantage, par exemple, cette réputation qui plane sur toute la vie de Crétineau, dit l’abbé Maynard, et qui est le sort commun, fait par les ennemis, de tous ceux qui mettent la main dans la boue de la politique ; le chantage, cette revanche du fumier d’Augias qui se venge d’Hercule !

87. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « André Chénier »

Dans cette nouvelle édition, plus superstitieuse encore que religieuse en fait d’exactitude, on n’a pas uniquement ramassé tout ce qui est sorti de la plume du poète, mais même les choses raturées par sa plume. […] Seulement, par les traits qui en sont sortis, par les quelques flèches que nous pouvons juger, puisqu’elles brûlent, à force de talent, d’un feu inextinguible et immortel, nous pouvons induire quel poète il aurait été s’il eût vécu un jour de plus. […] Ce n’était pas tout à fait le mot de Shakespeare, mais cela le rappelait : « César et le danger sont deux lions mis bas le même jour, mais César est l’aîné et César sortira. » Des deux lions qui avaient rugi la même poésie, André Chénier était l’aîné, et c’était Barbier qui était sorti ! Eh bien, nous voudrions faire sortir l’autre et le faire entrer dans sa seconde gloire, qui devrait être la première : — sa gloire de poète lyrique, du plus puissant poète lyrique que certainement ait eu la France avant Lamartine et Hugo (le Hugo des Châtiments) et qui n’eut besoin que de trois ou quatre ïambes, mais de quel emportement !

88. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

Sa sœur le conseillait doucement : « Mon frère, sortez au plus vite de la solitude qui ne vous est pas bonne ; cherchez quelque occupation. […] … Dieu, la Matière, la Fatalité ne font qu’Un… Les hommes sortent du néant, ils y retournent. » Le doute torturait René ; jamais il n’eut l’énergie de s’élever à une conviction matérialiste. […] « J’ai vu, écrit Riousse, ces longues tramées d’hommes qu’on envoyait à la boucherie ; aucune plainte ne sortait de leur bouche, ils marchaient silencieusement… ils ne savaient que mourir. […] L’héroïne meurt à la trentième page du premier volume, mais son cadavre ensanglanté sort du tombeau et toutes les nuits va se coucher à côté de son mari, un Othello du temps de Charlemagne. […] Une littérature aussi pimentée pouvait seule convenir aux hommes qui sortaient de la Terreur.

89. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

Mais le premier but qu’on doit se proposer, en s’occupant du sort des hommes, n’est pas la conservation de leur vie ; le sceau de leur nature immortelle est de n’estimer l’existence physique qu’avec la possession du bonheur moral. […] Mais s’il est dans l’univers deux êtres qu’un sentiment parfait réunit, et que le mariage a lié l’un à l’autre, que tous les jours à genoux ils bénissent l’Être Suprême ; qu’ils voient à leurs pieds l’univers et ses grandeurs, qu’ils s’étonnent, qu’ils s’inquiètent même d’un bonheur qu’il a fallu tant de chances diverses pour assurer, d’un bonheur qui les place à une si grande distance du reste des hommes ; oui, qu’ils s’effrayent d’un tel sort. […] Ces mots ne sont jamais sortis de mon cœur. […] C’est ainsi que dans des degrés différents, l’amour bouleverse le sort des cœurs sensibles qui l’éprouvent. […] Ce n’est pas en renonçant au sort que la société leur a fixé, que les femmes peuvent échapper au malheur ; c’est la nature qui a marqué leur destinée, plus encore que les lois des hommes : et, pour cesser d’être leurs maîtresses, faudrait-il devenir leurs rivaux ?

90. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

Pour l’autre, il y a l’Univers, à la fois âme et corps, l’homme plongé dans l’océan des forces cosmiques, et prenant peu à peu conscience de la réalité du monde dont il est sorti pour y retourner. […] Elle sort du fond même de l’humanité, sans qu’il ait été besoin d’aucune révélation divine pour l’imposer. […] Le peintre des Cathédrales en est sorti. […] De la lutte ardente de ces deux groupes humains sort l’avenir. […] Et pour qu’à l’avenir, une nouvelle tentation d’en sortir ne vienne interrompre votre solitaire songerie, retenez cette vérité : Aux heures de lutte, aux « jours tumultueux et fiévreux », la nature intime de chaque homme apparaît sous son véritable jour.

91. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

De ces deux choses sort une conclusion morale, essentielle à la noblesse de la fiction tragique. […] Les Nymphes du Cygnus racontent le danger qu’elles lui avaient fait courir, lorsqu’il se baigna dans leurs eaux, et qu’il en sortit mourant. […] Ce serait sortir de mon sujet que de le suivre ici : ne tendons maintenant qu’au but proposé, qui est d’éclaircir les principes d’instruction. […] Nul de nous, je crois, n’ignore que, tout fraîchement sortis de nos écoles, déjà nous étions disposés à nous plaire aux belles tragédies, aux belles comédies. […] Il est convenu que l’action se-doit passer entre de grands personnages dont le sort, influant sur celui des peuples, la revêt d’une majesté imposante.

92. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Zola s’est enlevé le droit d’en sortir. […] D’où sortent-ils ? […] S’il ne sort de Médan, il finira par des livres d’un naturalisme apocalyptique, qui pourront, d’ailleurs, être fort beaux. […] « Mais le jour même de ses noces, comme elle sortait de la messe, elle mourut, sans s’en apercevoir, en embrassant son mari. » Ceci est un conte bleu, tout ce qu’il y a de plus bleu. […] Et le récit est épique, si l’on peut dire (comme tout ce qui sort de la plume de M. 

93. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Sorti de race calviniste, il en a conservé un certain tour austère, l’affinité pour comprendre et rendre ces naturels tenaces, ces inspirations énergiques et sombres. […] Guizot est sorti de ces épreuves de tribune plus ferme et mieux trempé qu’auparavant ; sa pensée en est sortie non modifiée. […] C’est méconnaître la grandeur des causes qui décident du sort des hommes éminents. […] Les hommes supérieurs qui ont passé par les affaires, et qui en sont sortis, ont un grand rôle encore à remplir, mais à condition que ce rôle soit tout différent du premier et que même ce ne soit plus un rôle. […] La leçon qui sort de l’histoire ne doit pas être directe et roide ; elle ne doit pas se tirer à bout portant, pour ainsi dire, mais s’exhaler doucement et s’insinuer.

94. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

» Ferdousi espérait déjà que son fruit allait mûrir à l’abri de l’orage ; mais le jeune gouverneur périt assassiné, et le poète se trouva de nouveau à la merci du sort. […] Au moment où les chameaux chargés d’or arrivaient à l’une des portes de Thous, le convoi funèbre sortait par une autre. […] On devine déjà que le poème sorti d’une telle main et couvé d’un tel cœur ne saurait être une œuvre vulgaire. […] Le sort a écrit autrement que tu n’aurais voulu, et, comme il te mène, il faut que tu suives. » Sohrab engage le combat ; tout plie devant lui. […] Mon sort était écrit au-dessus de ma tête, et je devais mourir de la main de mon père.

95. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

On sortait d’une affreuse et longue période de licence, de dévergondage et de confusion. […] Sorti du noviciat des Jésuites, il avait concouru pour un prix que décernait alors l’Université, et, trois années de suite, il avait remporté ce prix. […] Geoffroy sortait de cette dernière, mais il l’a singulièrement relevée, au moins à ses débuts, par l’audace énergique, fût-elle même un peu grossière, de son bon sens. […] Il était sorti de Sainte-Barbe, et se ressouvint toujours de sa rhétorique. […] Sa politesse extrême, que ses nombreuses relations entouraient de mille liens, n’empêchait pas la raillerie, quand elle avait à sortir, de se glisser dans ses articles je ne sais comment, dans le tour, dans la réticence ; il savait faire entendre ce qu’il ne disait pas.

96. (1890) L’avenir de la science « XI »

Enfin c’est de l’analyse du grec et du latin, soumis au travail de décomposition des siècles barbares, que sortent le grec moderne et les langues néo-latines. […] Fixée d’ordinaire dans une littérature antique, dépositaire des traditions religieuses et nationales, elle reste le partage des savants, la langue des choses de l’esprit, et il faut d’ordinaire des siècles avant que l’idiome moderne ose à son tour sortir de la vie vulgaire, pour se risquer dans l’ordre des choses intellectuelles. […] L’expérience prouve combien est imparfaite la connaissance des langues modernes chez ceux qui n’y donnent point pour base la connaissance de la langue antique dont chaque idiome moderne est sorti. […] Chaque idée moderne est entée sur une tige antique ; tout développement actuel sort d’un précédent.

97. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre sixième. »

dit le Sort en colère… Il faut convenir que l’âne n’a pas tout-à fait tort de se plaindre. […] Mais dans cet antre, Je vois fort bien comme l’on entre, Et ne vois pas connue on en sort. […] Voyez combien ce vers de sentiment jette d’intérêt sur le sort de cette pauvre allouette. […] La Fontaine ne sort pas du ton de la plus simple bonhommie, et c’est ce qui rend cette fable si piquante.

98. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pierre Dupont. Poésies et Chansons, — Études littéraires. »

ne donnait pas une très-vive envie d’entendre les sons qui devaient en sortir, les chansons ou plutôt les clameurs que devait vomir cet effroyable trou de fontaine publique, creusé en plein visage humain. […] Assurément, il y a du Burns sous son écorce, du Burns qui c’est pas encore sorti de sa tige, dans le poète qui nous a donné Les Sapins, Le Braconnier, La Vache blanche, Le Lavoir, Le Bûcheron, La Fille du Cabaret, La Chanson de la soie, même Les Bœufs, populaires pourtant, mais comme toute poésie inférieure, Les Bœufs, dont l’inspiration est brutale, car la femme et la fille y sont grossièrement et sordidement sacrifiées aux animaux, et enfin Le Tisserand, dont le refrain est idéal d’imitation pittoresque et d’harmonie ! […] IV Du reste, il sortira peut-être, ce Burns entr’aperçu, soupçonné, pressenti, que la faute de M.  […] Or, même au point de vue économique, qui ne devrait pas être celui du poète, la teinture de ce sang, d’où peuvent sortir des héros, rapporte plus à une nation que la plus précieuse et la plus rare des pourpres, faites par l’industrie.

99. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Ce soir, dans le silence de la nuit, j’entends une petite voix qui sort des rideaux blancs du berceau. […] Avec de Vigny et Musset, nous sortons déjà des lieux communs et des prédications édifiantes. […] Celui d’où sortit tout contenait tout en soi. […] La mobilité du poète traduit à nos yeux la mobilité des choses, ou plutôt leur enchaînement qui les fait sortir sans cesse les unes des autres. […] Ta pitié dut être profonde, Lorsqu’avec ses biens et ses maux, Cet admirable et pauvre monde Sortit en pleurant du chaos !

100. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

— Tout cela est très-bon, Monsieur, mais ce ne sont pas des phrases qu’il me faut, c’est de l’argent ; encore une fois, payez ou sortez ! […] pourquoi me suis-je précipité dans cet abîme dont il est si difficile de sortir avec honneur ? […] Si nous étions au temps des Romains, où le suicide était religieux et honorable aux hommes politiques malheureux, je me tirerais d’affaire comme un lâche, en fuyant dans un autre monde ; mais cette fuite serait une improbité envers le sort. […] La première, précédée d’une haute terrasse, et dont les fenêtres s’ouvrant toutes grandes au soleil levant, laissaient entrer l’air dans toute la maison ; on entendait sortir un certain murmure qui est sourd, comme des enfants qui apprennent leurs leçons. […] et sur le sort probable du château où nous les recevions encore aujourd’hui.

101. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

Je sortis ivre de cette soirée, et je suis resté ivre de souvenir. […] C’est le sort que le dieu de l’art réservait à ce chef-d’œuvre poétique et musical, écrit par un impie, noté par un saint. […] Ils boivent leur sueur comme des naufragés du sort, pour se désaltérer et retremper leurs forces. […] Vous penseriez que ces deux arts sortent des conditions propres que la nature leur a assignées, pour produire plus d’effets peut-être ; mais quels effets ! […] Il en sortit un accent faible et singulier, comme s’ils eussent murmuré ce nom chéri.

102. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Il sortit son fusil à la main ; mais il tournait à peine l’angle de l’hôtel de Nantes, maison isolée et pyramidale qui existait seule sur le Carrousel, qu’un coup de feu de hasard vint l’atteindre en pleine poitrine ; il tomba philosophe, on le releva héros. […] car, si nous ne nous respectons pas, comment voulez-vous que le sort nous respecte ? […] Là désormais, sans trouble, au port après l’orage, Rafraîchissant vos jours aux fraîcheurs de l’ombrage, Vous vous plaisez aux lieux d’où vous étiez sorti. […] C’est notre sort à tous ; tu l’as dit, ô grand homme ! […] Les vers sont admirables et des plus polis, des plus éblouissants qui soient sortis de dessous le ciseau de Virgile.

103. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Elle est sortie de l’Angleterre, le pays de l’utilité, des mains et des pieds de l’Angleterre, comme les guerriers et les parias de l’Inde sont sortis des mains et des pieds de Brahma. […] Mais dans ces détails même il porte encore l’empreinte de là société matérielle dont il est sorti ; il a sur les lèvres le lait épais de cette brutale nourrice qui a fini par l’étouffer. […] Jamais il ne sort de l’ordre des sensations, et encore des sensations troublées, pour monter dans une sphère plus haute. […] Mais, à tout prix, il veut sortir de leur esclavage. […] Quoique d’une race noble et ancienne, mais déchue, Poe était sorti d’un père comédien et d’une mère comédienne, morts tous deux de phtisie et de faim.

104. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Les femmes qui, dans certains temps, ont voulu sortir de la vie intérieure pour se hisser dans la vie extérieure sur les tréteaux de la politique, ne sont pas des femmes ; ce sont des êtres sans sexe, abdiquant l’un sans revêtir l’autre, scandalisant la nature plus encore que la société. […] On ne sort pas impunément de sa nature : ce qu’on gagne en gloire on le perd en amour. […] Il faut s’étonner seulement que tant de faveurs du sort n’aient pas étouffé le génie. […] Rousseau en était sorti pour étonner la société de ses invectives, et pour peindre la nature de couleurs neuves empruntées aux aspects, aux forêts, aux neiges, aux eaux de cette Tempé de l’Helvétie. […] Le soir, les portes de la prison ne s’ouvrirent plus, et cet événement, dont le bruit remplissait alors le monde, retombe tout entier sur deux femmes solitaires et malheureuses, et qui n’étaient soutenues que par l’attente du même sort que leur frère et leur époux.

105. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

dit-il, tu fis Armide Et tu peux accuser ton sort ! […] Je sortis précipitamment de ces lieux, je m’en éloignai à grands pas, sans oser tourner la tête. […] Je sortis du monastère comme de ce lieu d’expiation où des flammes nous préparent pour la vie céleste, où l’on a tout perdu comme aux enfers, hors l’espérance. […] Il portait en secret un cœur compatissant, mais il montrait au dehors un caractère inflexible ; la sensibilité du Sachem le fit sortir du silence. […] Votre sœur a expié sa faute ; mais, s’il faut dire ici ma pensée, je crains que, par une épouvantable justice, un aveu sorti du sein de la tombe n’ait troublé votre âme à son tour.

106. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

Le sort de son fils la tourmente, l’attente de son retour la consume. […] La louange même s’y fait impérieuse, ardente, excessive ; elle enfume le tombeau d’encens, comme pour forcer le mort d’en sortir. […] » Darius, réveillé par ces voix instantes, sort du sépulcre dans sa majesté royale et spectrale. […] Il exhibe et il secoue, en quelque sorte, sous les yeux d’Athènes, le despote déchiré par la main du sort. […] On le voyait, alors, parmi les rayons et les foudres, sur le point culminant du monde : le voici qui remonte meurtri, d’un abîme d’où sortent les râles d’une armée broyée.

107. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Le christianisme a passé là-dessus sans atteindre le principe de ce mysticisme naturaliste : il dut s’y adapter en adoptant les mythes qui en étaient sortis. […] Ne lui demandez pas ce que c’est que ces pays d’où l’on ne revient pas, ces ponts tranchants comme l’épée, ces chevaliers qui emmènent les femmes ou les filles, et retiennent tous ceux qui entrent en leurs châteaux, cette loi de ces étranges lieux, que si l’un une fois en sort, tout le monde en sort ; ce sont terres féodales et coutumes singulières ; s’il ne croit pas à leur réalité — comme il se peut faire. — ce sont fictions pures, dont il s’amuse et nous veut amuser. […] Cette triste mélopée ne sort-elle pas d’un vaste atelier de quelque industrieuse cité, plutôt que de la région mystérieuse « d’où nul n’échappe » ? […] Si les chefs-d’œuvre y sont bien rares, si la beauté presque toujours y manque, il faut songer à tout ce qui en est sorti. […] Bérout nous donne un Tristan assez ennuyé de son aventure d’amour et n’aspirant qu’à en sortir : un Tristan digne de la Petite Marquise.

108. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

On ne sort pas de la vie par une porte heureuse quand on y reste trop longtemps ». […] On convie ses amis à souper ; on boit, avec eux, une dernière coupe, et, au sortir du banquet, on sort aussi de la vie ; les uns en se perçant de l’épée de Caton et de Thraséas, les autres en s’ouvrant les veines, dans le bain parfumé de Pétrone. […] D’autres, tirées de la fange par l’amour ou par le hasard, ne souhaitent que d’y retomber, pour n’en plus sortir. […] Les nations ont de ces crises fébriles où le sang étouffe dans leurs veines, et cherche, pour sortir, des issues violentes et rapides. […] La jeune fille sort victorieuse et saintement fratricide de cette lutte horrible.

109. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

Mais vous traverseriez pendant des jours et des mois une plaine de cette fécondité et de ce niveau sans qu’un atome de poésie sortît pour les yeux ou pour l’âme de ce grenier de l’homme. […] Parce que de ces trois phénomènes et de ces trois images il sort pour nous une émotion, et que de cette immense plaine d’épis il ne sort que de la richesse. […] XVII Je ne sais pas ce que la Providence me réserve de sort et de jours. […] C’est une femme qui parle : Quand, assise à douze ans, à l’angle du verger, Sous les citrons en fleurs, ou les amandiers roses, Le souffle du printemps sortait de toutes choses, Et faisant sur mon cou mes boucles voltiger, Une voix me parlait, si douce au fond de l’âme, Qu’un frisson de plaisir en courait sur ma peau. […] Ce furent les plus belles années de Fénelon ; il était loin de supposer que les foudres sortiraient bientôt pour lui de ce cénacle où il ne respirait que la paix, la modestie et le bonheur.

110. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Le Brun, nommé secrétaire des commandements du prince de Conti et marié depuis un an, rencontra en 1760 une nièce de Corneille, réduite à la misère : on peut dire qu’il la découvrit, puisque ce fut lui qui la signala à Voltaire, et qui commença tout cet éclat dont on a vu les suites, et d’où sortit le Commentaire sur Corneille. […] Les troubadours du Midi sortaient chaque année avec le printemps, et faisaient leur tournée dans les châteaux, accompagnés de quelques jongleurs ou musiciens qui les aidaient à mettre en action leur gai savoir. […] Le Brun s’est frotté la tête, a dressé ses chevaux, froncé le sourcil, rongé ses doigts, ébranlé par ses cris les solives de son plancher, et, dans un enthousiasme qu’il a pris pour divin, a fait sortir avec effort de son cerveau rebelle une ode de trente-trois strophes seulement, qu’il a envoyée aux Délices. […] Alors le mépris, la fureur, la haine éclataient : les expressions les plus avilissantes sortaient de sa bouche, et presque toujours étaient accompagnées de traitements barbares. […] « Je ne meurs pas, disait-il, je sors du temps ».

111. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Là, il eut affaire à son maire, avec qui son garde était mal, et il entra dans les procès et les tracasseries pour n’en plus sortir. […] E. le ministre de l’Intérieur pour l’acquisition de Chambord (1821), est sorti de cette pensée, et c’est peut-être le chef-d’œuvre de son auteur. […] Cependant Courier, une fois sorti de prison et rendu aux champs, jure qu’on ne l’y prendra plus. […] Le colonel Bugeaud, pendant ces années, pratiquait sincèrement l’agriculture ; vaillant soldat pour qui le nom d’Austerlitz n’était en rien une métaphore, il tenait la charrue tout de bon, et il en devait sortir ce qu’on l’a vu, rude, plus aguerri encore et endurci, mais avec ces qualités supérieures qui ont forcé la destinée, et qui ont valu la gloire à sa vigoureuse vieillesse. […] Frémont, épuisé d’une si longue lutte et assiégé de terreurs, sortit de l’audience en chancelant.

112. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Aussi Cazalès n’obtenait-il guère en société qu’une faveur de souvenir… Les portraits qu’Arnault a donnés des personnages de sa connaissance, et qu’il s’est amusé à tracer dans les années de sa vieillesse, sont animés de ces traits heureux et vraiment spirituels, qui sortent tout à fait du commun. […] Ce conseil d’Aristote, et qui partait ici de la bouche d’Alexandre, fut suivi par le poète qui s’en trouva bien ; sa pièce sortit ainsi du romanesque et atteignit à l’effet tragique. […] Dans la soirée du 16, Arnault sortit du salon de M. de Talleyrand, rue Taitbout, où étaient réunis Regnault, Roederer, n’attendant plus que le mot d’ordre qui ne venait pas ; il se rendit chez Bonaparte. […] Voici le début qui est plein de grandeur et de poésie : Le vent s’élève : un gland tombe dans la poussière ; Un Chêne en sort. […] Un jour qu’on sifflait, pendant la représentation de sa pièce, La Rançon de Du Guesclin, il sortit de sa loge furieux, en s’écriant : « Sacréd… !

113. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

« Je suis si convaincue, disait-elle encore, que le malheur me suivrait en paradis, si j’y allais, que je me livre de bonne grâce à mon sort, et ne me plains que du peu. […] Je vous l’ai toujours dit : si mon père, mon frère ou mon fils était Premier ministre dans un État despotique, j’en sortirais demain ; jugez ce que je dois éprouver de répugnance en m’y trouvant aujourd’hui. […] Il y a des jours où l’on sort pourtant de ce train ordinaire de Cirey, et où il y a gala, représentation, fête à grand orchestre. […] pour se faire conduire au premier village et pour sortir sur l’heure de cette maison inhospitalière ; il lui fallait demeurer après cet affront. […] Mais, à partir de ce jour, le charme de Cirey fut tout à fait rompu et détruit pour la triste voyageuse : elle ne s’y considéra plus que comme en prison et dans une véritable geôle, jusqu’à l’heure où elle put en sortir.

114. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

De la doctrine saint-simonienne, si large et généreuse à l’origine, l’utopie tombant, il n’est guère resté que la forte impulsion donnée à l’activité industrielle : du grand rêve humanitaire sort un accroissement prodigieux de richesse pour les classes moyennes. […] Il est le plus remarquable de tous ces libéraux, sortis des écoles, qui combattirent par la presse le régime impérial en attendant que la tribune leur fût rouverte. […] Biographie : Prévost-Paradol (1829-1870), sort de l’Ecole Normale en 1851. […] Il se tua en juillet 1870 : de tout temps il avait, me dit-on, considéré le suicide comme un moyen de sortir des situations sans issue.Éditions : Du rôle de la famille dans l’éducation, 1857, in-8 ; les Anciens Partis, 1860, in-8 ; Quelques Pages d’histoire contemporaine, 4 séries. in-18, 1862-66 ; Études sur les moralistes français, 1864. in-18 ; la France nouvelle, 1868, in-18.A consulter : O. […] Francisque Sarcey (né en 1828). sorti de l’École Normale en 1851. professeur de 1851 à 1858, puis journaliste, chargé de la critique dramatique au Temps depuis 1867, se fit remarquer par ses conférences dès les dernières années de l’empire. — Éditions : Souvenirs de jeunesse, in-16. 1884 ; Comment je devins conférencier, n-16.

115. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Si l’on veut atteindre ce monde mystérieux des causes, il est y nécessaire de sortir de l’œuvre dans laquelle nous sommes jusqu’à présent restés enfermés. […] La chasse à l’inédit a fait sortir des greniers et des vieilles malles quantité de papiers qui auraient pu y rester sans dommage ; des chiffons sans valeur ont été érigés en documents précieux et publiés avec une exactitude implacable. […] Je sortis de sa maison aussi indigné qu’attendri et déplorant le sort de ces belles contrées à qui la nature n’a prodigué ses dons que pour en faire la proie des barbares publicains. » On sait, après cela, et de science certaine, l’une des causes qui firent de Rousseau un ancêtre du socialisme moderne. […] Et qu’on ne dise pas que nous sortons ici du domaine scientifique, parce que nous parlons de choses conjecturales.

116. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

d’où cela sort-il ? […] Pourquoi Commode sort-il de Marc-Aurèle ? […] La rêverie est un regard qui a cette propriété de tant regarder l’ombre qu’il en fait sortir la clarté. […] Maintenant revenons, — car toutes les questions qui se rattachent au mystère sont le cercle et l’on n’en peut sortir, — revenons à notre point de départ et à notre interrogation première : Qu’est-ce qu’un génie ? […] De quelle source prodigieuse sortent-elles donc, qu’elles sont toutes différentes ?

117. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre IV. Suite du parallèle de la Bible et d’Homère. — Exemples. »

Ézéchiel, prophétisant la ruine de Tyr, s’écrie : « Les vaisseaux trembleront, maintenant que vous êtes saisie de frayeur ; et les îles seront épouvantées dans la mer, en voyant que personne ne sort de vos portes114. » Y a-t-il rien de plus effrayant que cette image ? […] » Et il se hâta de sortir, parce que ses entrailles avaient été émues en voyant son frère, et qu’il ne pouvait plus retenir ses larmes ; passant donc dans une autre chambre, il pleura. […] Ulysse, caché chez Eumée, se fait reconnaître à Télémaque ; il sort de la maison du pasteur, dépouille ses haillons, et, reprenant sa beauté par un coup de la baguette de Minerve, il rentre pompeusement vêtu. […] » Joseph ne pouvant plus se retenir, et parce qu’il était environné de plusieurs personnes, il commanda que l’on fît sortir tout le monde, afin que nul étranger ne fût présent, lorsqu’il se ferait reconnaître de ses frères. […] Dans les scènes dramatiques, lorsque les passions sont émues, et que tous les miracles doivent sortir de l’âme, l’intervention d’une divinité refroidit l’action, donne aux sentiments l’air de la fable, et décèle le mensonge du poète, où l’on ne pensait trouver que la vérité.

118. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Police générale d’une Université et police, particulière d’un collège. » pp. 521-532

Chaque classe d’étudiants aura son enceinte particulière et séparée et pendant le temps des études sous les professeurs et au sortir des études. Au sortir des études, les élèves passeront sous un nouvel ordre de maîtres que nous appelons ici maîtres de quartier ou répétiteurs. […] Ils sortent de la maison de leurs parents pour venir aux écoles, et au sortir des écoles ils retourneront chez leurs parents. […] Il faut surtout créer des espérances pour l’avenir, en désignant à des places publiques, au sortir du cours, ceux des élèves qui se seront distingués.

119. (1767) Salon de 1767 « Les deux académies » pp. 340-345

C’est un petit ballon dont une piquure d’épingle fait sortir un vent violent. […] Il sort tous les ans de l’école de Paris trois élèves qui vont à l’école de Rome et qui font place ici à trois nouveaux entrans. […] Le premier qui se présenta pour sortir, ce fut le Bel abbé Pommier, conseiller au parlement et membre honoraire de l’académie. […] M’en voilà sorti.

120. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Bruyère » pp. 111-122

Deux ou trois sots, que le sort lui devait bien pour adversaires, et qu’il châtia, en passant, de sa noble plume, comme l’aigle secoue de sa grande aile les crottes tombées de l’escarbot sur la robe de Jupiter, constituèrent tous les malheurs de ce favori de la gloire, qui, avec deux volumes à peine, et mourant à quarante ans, honoré comme s’il ne le méritait pas, s’établissait, avec la sereine majesté d’un grand homme qui rentre dans sa demeure après sa journée, dans la plus solide et la plus tranquille immortalité. […] Nous pensions et nous espérions que l’on sortirait de l’éloge confus et de la petite explication à ras de terre, pour pénétrer dans cette haute valeur intellectuelle, dans le mystère de ce talent, et pour nous le faire bien comprendre ; Adrien Destailleur semblait un commentateur digne de La Bruyère. […] Nous nous disions qu’il aurait l’admiration révélatrice et féconde, et qu’il sortirait de la tourbe des gens d’esprit qui ont commenté, chacun à son tour, La Bruyère, et qui se sont efforcés — qu’on nous passe le mot en faveur de sa vérité ! […] Destailleur, qui est un esprit distingué et juste, s’est-il rappelé le mot de Voltaire, ou l’aurait-il subi, non seulement en passant aussi vite qu’il l’a fait sur la personnalité de son auteur, dont il ne nous dit que ce que dit l’histoire, mais en négligeant de nous donner la clef de ses divers Caractères, sortis, tous, de l’étude de quelque personnalité ?

121. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vitu » pp. 103-115

Car nous sommes sortis du moule des anciens et nous en portons la marque : or, les anciens, excepté au théâtre, ne savaient pas rire. […] Quand on sort du lyrisme historico-révolutionnaire de Michelet, ou du piétisme jacobin de Bûchez, et de tant d’autres histoires où les événements et les hommes sont grossis et grandis comme si on les avait soufflés, il est bon de revenir au génie comique de l’histoire, au terrible irridebit du bon sens, à la gaieté vengeresse, et à l’éventrante piqûre d’épingle qui dégonfle l’homme et l’événement et les réduit à leur normale platitude. […] Sorti de ce procès triomphant, ce qu’il avait été avec sa parole devant ses juges il le fut, avec sa plume, devant la France entière, jusqu’à ce matin du 10 août 1792 où, allant défendre le Roi, beau comme toujours, intrépide comme toujours, il fut assassiné par Théroigne de Méricourt et par des hommes plus lâches qu’elle ; car ils se mirent à deux cents pour frapper Suleau, qui avait son sabre et qui se défendit. […] Suleau, qui, au 10 Août, sortait de sa maison et des bras d’une jeune femme épousée par amour pour aller simplement se faire tuer aux Tuileries, et qui fut assassiné en chemin, est l’auteur d’un fier écrit adressé à Louis XVI sur « les crimes de ses vertus ».

122. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Dante »

Tel a été le sort du Dante. […] Dante sort du Moyen Âge, qui en doute ? […] Dante sort du Moyen Âge comme Byron sort du xixe  siècle, mais il est aussi nettement, aussi péremptoirement individuel que Byron.

123. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIII. P. Enfantin »

Enfantin25 [Le Pays, 7 mai 1858] I De quelles catacombes sortent-ils ? […] Campée audacieusement à la tête d’une théorie comme l’aurait lancée Saint-Simon tout seul, ce gentilhomme impertinent et dépravé, qui se croyait sorti de la cuisse de Charlemagne, dont il descendait peut-être par Eginhart, cette idée dans sa crudité eût probablement révolté jusqu’aux vices d’un temps aussi admirablement couard que le nôtre, sans le travail de haute confusion et d’immense hypocrisie que vient lui faire subir M.  […] Le bel Enfantin de la salle Taitbout ne se reconnaîtrait plus et ne pourrait maintenant fasciner personne ; mais quant à la Religion qu’il enseigne, elle sort du silence, qu’elle a gardé si longtemps, absolument la même qu’elle y était entrée. […] Toujours est-il qu’il n’a pas répondu comme au père Félix… et qu’il semble, lui et ses amis, recommencer un nouveau silence… En sortira-t-il encore une fois ?

124. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre IV. Conclusion. — D’une république éternelle fondée dans la nature par la providence divine, et qui est la meilleure possible dans chacune de ses formes diverses » pp. 376-387

Sortis ainsi de l’ordre naturel qui est celui de la justice, ils virent leurs clients se révolter contre eux. […] Cette noblesse consistait à sortir d’un mariage solennel, et célébré avec les auspices. […] Mais comme tout devait s’y ramener à l’urne du sort ou à la balance, la Providence empêcha que le hasard ou la fatalité n’y régnât en ordonnant que le cens y serait la règle des honneurs, et qu’ainsi les hommes industrieux, économes et prévoyants plutôt que les prodigues ou les indolents, que les hommes généreux et magnanimes plutôt que ceux dont l’âme est rétrécie par le besoin, qu’en un mot les riches doués de quelque vertu, ou de quelque image de vertu, plutôt que les pauvres remplis de vices dont ils ne savent point rougir, fussent regardés comme les plus dignes de gouverner, comme les meilleurs120. […] Sans doute les hommes ont fait eux-mêmes le monde social, c’est le principe incontestable de la science nouvelle ; mais ce monde n’en est pas moins sorti d’une intelligence qui souvent s’écarte des fins particulières que les hommes s’étaient proposées, qui leur est quelquefois contraire et toujours supérieure.

125. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 4. Physionomie générale du moyen âge. »

Sous la voûte tournante et constellée du ciel, par-delà laquelle résident la Trinité, la Vierge, les anges et les saints, au-dessus de l’horrible et ténébreux enfer d’on sortent incessamment les diables tentateurs, au centre du monde est la terre immobile, « où se livre le combat de la vie, où l’homme déchu mais racheté, libre de choisir entre le bien et le mal. est perpétuellement en butte aux pièges du diable, mais est soutenu, s’il sait les obtenir, par la grâce de Dieu, la protection de la Vierge et des saints8 » : lutte tragique, où la victoire assure à l’homme une éternité de joie, la défaite une éternité de supplices. […] La pensée n’est pas inerte non plus, mais elle se meut dans l’abstrait, et comme elle ne sort guère des écoles, elle ne pense guère non plus à régler la pratique ni à imposer aux faits sa forme. […] Même tout l’art dont est capable ce moyen âge qui lut les chefs-d’œuvre de la poésie antique sans y remarquer la fine splendeur des formes, cet art sortira de là : il manifestera l’énergie de son individualisme par ses châteaux, et la vivacité de sa foi par ses églises.

126. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre premier. Sujet de ce livre » pp. 101-107

D’une seule branche de ce tronc sortirent, en se séparant, la logique, la morale, l’économie et la politique poétiques ; d’une autre branche sortit avec le même caractère poétique la physique, mère de la cosmographie, et par suite de l’astronomie, à laquelle la chronologie et la géographie, ses deux filles, doivent leur certitude. […] De cette triple source nous verrons sortir les principes de l’histoire de la nature humaine, principes identiques avec ceux de l’histoire universelle qui semblent manquer jusqu’ici.

127. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Il s’affaiblissait cependant, ne pouvant plus sortir. […] De ce long corps qui se laisse tomber sur les divans, avec des affaissements de pantin cassé, sort une voix doucement dolente, se plaignant d’une fatigue qui ne lui permet pas même de soulever les bras. […] On parle de cet original conteur, de ses histoires dont le commencement semblait sortir d’un brouillard, ne promettait dès d’abord pas d’intérêt, et qui devenaient, à la longue, si prenantes, si attachantes, si empoignantes. […] Et quand Ebner sort : « N’est-ce pas, c’est bien entendu, les deux lettres seront portées ce soir ?  […] Le portrait n’est pas de La Tour, mais au milieu d’un fouillis de choses, je découvre chez le docteur, un petit chef-d’œuvre d’un des grands sculpteurs du xviiie  siècle, dont le nom retrouvé par moi dans un catalogue, m’est sorti de la mémoire.

128. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

» Mais les faits, puisqu’on les invoque, ont leur logique à eux, qui ne s’accorde pas toujours avec la nôtre, ni avec celle des traités de Logique, et, en fait, on sait déjà que les conclusions finales du positivisme ne sont pas celles qu’on se fût attendu qui sortiraient de ses principes. […] Aussi loin que s’étende la portée de notre vue, nous ne sortons pas du champ du « relatif » ; nous n’en sortons pas davantage, aussi profondément que nous nous efforcions de pousser nos recherches. […] Et quand d’un gland il sort un chêne, ou d’un œuf de poule un poulet, il est possible que ni le poulet, ni l’œuf, ni le chêne, ni le gland ne soient en soi, substantiellement, ce qu’ils nous semblent être ; mais ce qui est certain, c’est que le poulet n’est pas un chêne, et que la diversité de nos perceptions à sa cause en dehors de nous, — je veux dire sa raison d’être, — et dans la diversité substantielle du poulet et du chêne. […] et, d’abord, de la reconnaissance ou de l’aveu que le positivisme en a dû faire, — dont nous avons même vu, sous le nom d’Agnosticisme, sortir une doctrine entière, — quelles sont les conséquences qui ont suivi ? […] L’Académie française a mis récemment au concours, pour le prix d’Éloquence à décerner en 1904, l’Éloge de Fontenelle ; et de ce concours nous espérons voir sortir le livre que nous n’avons pas, qu’il nous faudrait sur Fontenelle, et un livre dont l’intérêt, nous osons en répondre, passerait de beaucoup l’intérêt de ceux que nos docteurs consacrent aux Favart ou aux La Chaussée.

129. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « en tête de quelque bulletin littéraire .  » pp. 525-535

La forme et le style poétique sont encore une fois tombés, en quelque sorte, dans le domaine public ; il coule devant chaque seuil comme un ruisseau de couleurs ; il suffit de sortir et de tremper. […] On ne passe point indifféremment sans doute par ces divers systèmes, on en garde des impressions, des teintes, un pli ; mais enfin l’on en sort, quand on a un talent capable de maturité. Ce qui est bon à rappeler, c’est qu’on n’en sort jamais, après tout, qu’avec le fonds d’enjeu qu’on y a apporté, je veux dire avec le talent propre et personnel : le reste était déclamation, appareil d’école, attirail facile à prendre, et que le dernier venu, eût-il moins de talent, portera plus haut en renchérissant sur tous les autres. La plus sûre manière de sortir du raisonnement systématique et de la fougue esthétique est de faire, de s’appliquer à une œuvre particulière ; on y entre avec le système qu’on veut vérifier et illustrer ; mais, si l’on a quelque talent propre, original, ce talent se dégage bientôt à l’œuvre, et, avant la fin, il marche tout seul, il a triomphé.

130. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le docteur Revelière » pp. 381-394

I C’est un livre qui sort d’un tombeau. […] Elle n’a peur d’aucun contresens et trouve une formule pour tous les gâchis… Après dix-huit ans de cet impudent concubinage, une république qui se croyait légitime sortit de cet adultère, et elle tomba, comme la première était tombée, sous un second Empire, et comme si la France, démonarchisée par la Révolution, avait pour destinée dans l’avenir de jouer à ce jeu alterné et sans fin des Républiques et des Empires. […] Il en était sorti, et les poètes qui ont fait cette phrase ont imbécilement menti quand ils ont dit « qu’il avait tué sa mère ». […] Sorti d’un tombeau, il rentrera dans le tombeau.

131. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre XI. De la géographie poétique » pp. 239-241

De la même partie de la Grèce sortirent les Hyperboréens, qui fondèrent les oracles de Delphes et de Dodone. […] De même le Pont où Jason conduisit les Argonautes, dut être la terre la plus voisine de l’Europe, celle qui n’en est séparée que par l’étroit bassin appelé Propontide ; cette terre dut donner son nom à la mer du Pont, et ce nom s’étendit à tout le golfe que présente l’Asie, dans cette partie de ses rivages où fut depuis le royaume de Mithridates ; le père de Médée, selon la même fable, était né à Chalcis, dans cette ville grecque de l’Eubée qui s’appelle maintenant Négrepont. — La première Crète dut être une île dans cet Archipel où les Cyclades forment une sorte de labyrinthe ; c’est de là probablement que Minos allait en course contre les Athéniens ; dans la suite, la Crète sortit de la mer Égée pour se fixer dans celle où nous la plaçons. […] Comment des bergers, qui ne savaient ce que c’est que la mer, seraient-ils sortis de l’Arcadie, contrée toute méditerranée de la Grèce, pour tenter une si longue navigation et pénétrer jusqu’au milieu du Latium ? Cependant toute tradition vulgaire doit avoir originairement quelque cause publique, quelque fondement de vérité.… Ce sont les Grecs qui, chantant par tout le monde leur guerre de Troie et les aventures de leurs héros, ont fait d’Énée le fondateur de la nation romaine, tandis que, selon Bochart, il ne mit jamais le pied en Italie, que Strabon assure qu’il ne sortit jamais de Troie, et qu’Homère, dont l’autorité a plus de poids ici, raconte qu’il y mourut et qu’il laissa le trône à sa postérité.

132. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

« Rien ne m’arrêterait, dit-elle, si j’avais à les braver seule (les dangers) pour aller te rejoindre ; mais exposer nos amis et sortir des fers dont la persécution des méchants m’honore, pour en reprendre d’autres que personne ne voit et qui ne peuvent me manquer, cela ne presse nullement. […] et si le sort ne nous permettait pas de nous réunir bientôt, faudrait-il donc abandonner toute espérance d’être jamais rapprochés, et ne voir que la tombe où nos éléments pussent être confondus ? […] Beugnot, chargé par Clavière d’une commission pour elle, épia le moment où elle sortirait de sa chambre et l’alla joindre au passage : « Elle attendait à la grille qu’on vînt l’appeler. […] Celles qui étaient mieux instruites du sort qui l’attendait sanglotaient autour d’elle, et la recommandaient en tout cas à la Providence. […] Je sais qu’il y a des personnes qui trouvent cela théâtral ; mais, en vérité, il me semble que l’échafaud est bien réellement un théâtre aussi ; elle ne l’avait pas choisi, il lui échut par le sort ; elle y parut comme il sied, et y joua son personnage d’une manière à la fois aisée, courageuse et supérieure, décente et digne.

133. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Sa fièvre passée, Lahorie put sortir et chercher une retraite plus sûre. […] Victor Hugo se propose de révéler un jour, fut découvert, arrêté aux Feuillantines, en 1811, et jeté de là dans le cachot d’où il ne sortit que pour mourir avec Malet. […] Amour, politique, indépendance, chevalerie et religion, pauvreté et gloire, étude opiniâtre, lutte contre le sort en vertu d’une volonté de fer, tout en lui apparut et grandit à la fois à ce degré de hauteur qui constitue le génie. […] Lebrun, il écrivait : « En général, une chose nous a frappé dans les compositions de cette jeunesse qui se presse maintenant sur nos théâtres ; ils en sont encore à se contenter facilement d’eux-mêmes ; ils perdent à ramasser des couronnes un temps qu’ils devraient consacrer à de courageuses méditations ; ils réussissent, mais leurs rivaux sortent joyeux de leurs triomphes. […] Et, toutefois, pour sortir de la magnifique vision où il s’était étalé et reposé, Victor Hugo n’attendit pas la révolution qui a soufflé sur tant de rêves.

134. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Il avait chargé Fontanes de prendre je ne sais quelle information sur le nombre d’éditions et de traductions, à Londres, du Paysan perverti, et son ami lui répondait : « Assurez hardiment que le conte des quarante éditions du Paysan perverti est du même genre que celui des armées innombrables qui sortaient de Thèbes aux cent portes… Les deux romans français dont on me parle sans cesse, c’est Gil Blas et Marianne, et surtout du premier. » M.  […] Mais dans le beau et le sublime, et dans tout ce qui y participe en quelque sorte que ce soit, on sort des temps, on ne dépend d’aucun, et, dans quelque siècle qu’on vive, on peut être parfait, seulement avec plus de peine en certains temps que dans d’autres. » Il devint un admirable juge du style et du goût français, mais avec des hauteurs du côté de l’antique qui dominaient et déroutaient un peu les perspectives les plus rapprochées de son siècle. […] Ses idées en philosophie sociale ne se modifièrent que par un contre-coup assez éloigné de ce moment : au sortir du 9 thermidor, il paraît avoir cru encore aux ressources du gouvernement par (ou avec) le grand nombre : il écrivait à Fontanes, qui, caché durant quelques mois, reparaissait au grand jour : « Je vous vois où vous êtes avec grand plaisir. […] Heureux ceux qui, toujours les mêmes, sont sortis purs de tant de crimes et sains de tant d’affreux périls ! […] La plupart mettent leurs soins à écrire de telle sorte, qu’on les lise sans obstacle et sans difficulté, et qu’on ne puisse en aucune manière se souvenir de ce qu’ils ont dit ; leurs phrases amusent la voix, l’oreille, l’attention même, et ne laissent rien après elles ; elles flattent, elles passent comme un son qui sort d’un papier qu’on a feuilleté. » Ceci s’adresse en arrière à l’école de La Harpe, au Voltaire délayé, et, en général, le péril n’est pas aujourd’hui de tomber dans ce coulant.

135. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Lucas-Montigny, et, au sortir d’une lecture si pleine d’impressions contraires, dont quelques-unes sont rebutantes et pénibles, je me plais à m’appuyer de ce jugement et à le répéter. […] Le Noir, au ministre, ou quand il entretient Sophie de ces sujets qui sortent de l’élégie et du roucoulement, il se dégage, il grandit ; l’écrivain se fait jour et se sent à l’aise ; l’orateur déjà se lève à demi. […] Mirabeau sortait d’une famille où l’on avait un style original, énergique, pittoresque, un style à la Saint-Simon, ou, pour nommer les choses comme elles le méritent, un style à la Mirabeau. […] Son cœur bon et tendre ne méritait-il pas un autre sort ?… On n’a point d’idée du genre de vie que l’on mène ici, d’où il ne peut sortir que des fous, si l’on y laisse longtemps les malheureux que l’on y renferme, et où l’on meurt enragé.

136. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

Avec Mirabeau, au contraire, tout sort des proportions ordinaires ; sa personne entière est taillée sur un autre patron. […] Il développa ses idées sur la situation à M. de La Marck et ses vues générales sur une direction possible : « Le sort de la France est décidé, s’écria Mirabeau ; les mots de liberté, d’impôts consentis par le peuple, ont retenti dans tout le royaume. On ne sortira plus de là sans un gouvernement plus ou moins semblable à celui de l’Angleterre. […] Sur quelques mots plus positifs que Mirabeau dit à M. de La Marck, au sortir d’un dîner où il s’était exprimé avec modération : « Faites donc qu’au Château on me sache plus disposé pour eux que contre eux », M. de La Marck se décida à quelques ouvertures précises. […] Si Louis XVI se décide à sortir de Paris comme il le lui conseille, que ce ne soit, point par une fuite, par rien qui ressemble à une évasion, car « un roi ne s’en va qu’en plein jour quand c’est pour être roi ».

137. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Alors une voix sortit de la foule des courtisans, et dit facétieusement : Ils sont restés embourbés. […] Quand l’envie de sortir est passée, il se fait tranquillement démailloter par son complaisant serviteur, et s’en va souper en ville. […] Il le sentit trop ; il chercha sa consolation dans le sommeil de ses facultés, et il se fit une habitude de l’ivresse, oubli volontaire du sort. […] L’impératrice Marie-Thérèse n’oublia pas la famille du général qui était mort sous ses drapeaux ; elle accorda une pension à sa veuve et assura le sort de ses filles. […] Le difficile était de déjouer la surveillance du comte, qui ne la quittait pas un instant, et la mettait littéralement sous clef chaque fois qu’il était obligé de sortir sans elle.

138. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Car cela, à quoi nous avons donné la netteté et le caractère, ne serait jamais sorti du savant, frappé du style et de l’osé de notre plume, — car il aurait eu, devant le papier, les timidités baveuses et les corrections un peu intimidées, qu’il nous a envoyées, en marge de nos épreuves. […] Souvenir de fange d’où l’on peut faire sortir du sublime ! […] C’est d’abord une espèce de patelinage, et des mots qui ressemblent à la caresse d’une patte de chat qui va sortir ses griffes, et les égratignures ne tardent pas. […] Le jour tombe, et le résumé du président sort de sa bouche édentée, comme d’un trou noir. […] Il a la parole nerveuse qui se presse et sort par saccades, et une espèce d’inquiétude générale qui le fait appeler, à tout moment, son fils, qu’il craint de voir écraser par les voitures.

139. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

De cette bouche horrible et souillée sort un éblouissement de poésie. […] Le cœur volcan s’ouvre ; il en sort cette colombe, le Cantique des Cantique, ou ce dragon, l’Apocalypse. […] Ses métaphores sortent de l’éternité, éperdues ; sa poésie a un profond sourire de démence ; la réverbération de Jéhovah est dans l’œil de cet homme. […] Ils en sortent comme des fleuves, et elle les reçoit comme une mer. […] C’est par le nuage que ces pluies qui fécondent la terre sortent de la mer ; c’est par la musique que ces idées qui pénètrent les âmes sortent de l’Allemagne.

140. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

On a rencontré d’abord une forêt qui est celle d’Ignorance ; on a peine à en sortir. […] Virgile remercie modestement de l’honneur qu’on lui fait, et expose son plan et la marche qu’il faut suivre pour arriver au susdit Bon Goût ; il donne à l’avance la carte du pays environnant, en homme qui l’a beaucoup pratiqué : La principale difficulté, dit Virgile, est de sortir de ce labyrinthe que nous avons devant les yeux ; mais j’espère y réussir. […] Acanthe, assis au pied d’un aulne, exhale donc ses regrets et maudit la poésie, qu’il accuse fort injustement de son malheur ; il allait de dépit briser ses chalumeaux, lorsque du lit profond de la Saône, qui coule devant lui, il voit sortir et apparaître un fantôme, une ombre vêtue à la romaine, celle du poète Maynard, l’auteur de deux ou trois belles odes et de quantité d’épigrammes oubliées. […] Elle est toute seule dans une grande place qui est environnée de trois couvents, des jacobins, des capucins et des carmélites ; de manière que je suis là comme dans un petit ermitage, où mes amis ne laissent pas de me venir voir quelquefois, et où quand il me plaît d’en sortir, je n’ai qu’à faire deux cents pas pour me trouver dans le cœur de la ville. […] En somme, il n’a pas trop à se plaindre de son sort, même comme poète, puisque après plus d’un siècle on le réimprime en y ajoutant de l’inédit, et que la postérité (car c’est bien ainsi que nous nous appelons par rapport à lui) s’occupe, ne fût-ce qu’un instant, de sa mémoire.

141. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

En supposant que ces machines si compliquées sortent des villes tyriennes, l’auteur croit parer à l’objection qui se présente naturellement : comment ces barbares, fortuitement ramassés et coalisés, auraient-ils trouvé tant d’habiles ingénieurs et des Archimèdes improvisés ? […] Toutes ces machines semblent sortir de terre à point nommé. […] Quand un artiste veut sortir de l’inspiration de son temps, il court grand risque d’être comme l’antique et fabuleux Antée, qui perd terre. […] Le talent lui-même y pousse : on veut sortir à tout prix du connu et du commun. […] Il n’a pas conquis ni dompté l’Afrique, c’est le cas de Charles-Quint et de bien d’autres ; mais il ne sort pas, en somme, amoindri et diminué, de cette expédition ou de cette aventure.

142. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Il a vu bien des pays, et il est avant tout un homme de bon sens, qui a gardé, je ne dis pas de son utopie première, mais de son ancienne religion, une faculté qui lui permet de sortir des classifications routinières et des compartiments convenus. […] Cependant vous avez eu le temps de remarquer que les chœurs mollissent et que les voix de femmes surtout manquent de vigueur dans l’attaque, qu’un trombone a émis un son d’une justesse douteuse ; et, la messe finie, vous sortez en vous demandant comment il se fait que les chœurs français soient si inférieurs à ceux de l’Allemagne et en regrettant vivement qu’une musique aussi belle ne soit pas rendue avec toute la perfection désirable. […] Vous sortez dilettante et non pas chrétien. » Belle et très-belle page, qui tiendrait son rang en tout lieu et en toute compagnie ! […] Il me représente quantité d’esprits comme il y en a dans notre pays et à notre époque, mais comme il n’y en a peut-être pas assez, qui vont au fait, à l’utile ; qui ne sont pas préoccupés plus qu’il ne convient de la forme ; qui acceptent ce qui est bien, avec bon sens et sans chicane ; dont l’opposition n’a ni arrière-pensée, ni amertume ; qui élèvent plutôt qu’ils ne rapetissent les questions, qui ne les enveniment jamais ; qui peuvent sans doute préférer les méthodes et les solutions libérales, mais qui ne tiennent pas pour suspect tout bienfait qu’apporte un gouvernement fort ; qui prennent le régime sous lequel ils vivent, avec le franc et sincère désir d’en voir sortir toutes les améliorations sociales dont il est capable. […] C’est de son journal, ne l’oublions pas, qu’est sorti ce premier appel si prompt, si vite entendu, ce cri précurseur qui a préparé l’opinion publique à la revendication de la Savoie22.

143. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Mais à mesure que l’on sort du grand monde, et que l’on descend vers le peuple, les choses deviennent plus sérieuses. […] Et puis il est sorti déjà de la valetaille, il a eu un emploi, il est homme à talents, gazetier, poète, auteur sifflé, entrepreneur de tous métiers, pour le profit, et pour la joie d’agir ; l’auteur lui a soufflé sa fièvre, son audace, son esprit aventurier. […] Enfin l’on sortait des ridicules de salon, des fats, des coquettes du cailletage. On en sortait par un retour hardi à la vieille farce à l’éternelle comédie. […] Bartholo passe au second plan, et va rejoindre Basile, toujours grave et toujours plat, Marceline, l’aigre duègne, d’où sortira bizarrement « la plus bonne des mères », Antoine, l’ivrogne têtu et sentencieux, Bridoison, le sot immense et profond.

144. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Je me fais seulement public, et je ne veux que désigner les œuvres qui ont fait sortir du cercle restreint des spécialistes les idées, les notions, les hypothèses, les acquisitions récentes de la philosophie, de la science et de l’érudition. […] Pour des raisons philosophiques, il a cessé de croire à la tradition catholique, et il est sorti du séminaire. […] Du principe fondamental de la science, de l’affirmation du déterminisme des phénomènes, il a fait sortir toute son œuvre. […] Contre la foi, nulle critique ne vaut : mais dès qu’on ne croit pas « comme un petit enfant », inutile de se monter la tête, inutile de se griser d’esthétique, de s’inventer des raisons de croire : de l’affirmation déterministe sort la dissolution des religions. […] Il sortit de ce dernier en 1845.

145. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Gabriel Naudé »

(Les Portraits littéraires, pour la plupart, et les Portraits contemporains en sont sortis.) […] En 1848, je fais ma campagne de Liège (de Sambre-et-Meuse, comme me le disait Quinet assez gaîment), ma seconde comme professeur : de là sortent Chateaubriand et son Groupe, publié plus tard. […] Elle est coupée par ma tentative de professorat au Collège de France, une triste campagne où je suis empêché, dès le début, par la violence matérielle : il en sort pourtant mon Étude sur Virgile.

146. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — I. Takisé, Le taureau de la vieille »

Elle sortit de sa case et en ferma l’entrée avec un séko136 puis, se tenant derrière le séko, elle s’assit et guetta à travers les interstices du nattage, ce qui allait se passer à l’intérieur. […] Elles restèrent longtemps avec la vieille sans que personne s’aperçut de leur présence car jamais elles ne sortaient. […] Elle se présenta, suivie de la vieille. « Ta fille est merveilleusement jolie dit le sartyi à cette dernière, je vais la prendre pour femme. — Sartyi, répondit la vieille, je veux bien te la donner comme épouse mais que jamais elle ne sorte au « soleil ou ne s’approche du feu, car elle fondrait « aussitôt comme de la graisse. » Le sartyi promit à la vieille que jamais Takisé ne sortirait aux heures de soleil et que jamais non plus elle ne s’occuperait de cuisine.

147. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XVIII. La bague aux souhaits »

Après avoir regardé la femme et le kélé, Ahmed sort doucement et va appeler ses captifs : « Gardez bien les issues du tata, leur commande-t-il, que personne ne puisse sortir !  […] A six heures Ahmed sort.

148. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » p. 386

On peut juger de sa maniere par ce Madrigal : Soupir, subtil esprit de flamme, Qui sors du beau sein de Madame, Que fait son cœur ? […] O Dieux, qui d’un si rare effort, Mîtes tant de vertus en elle, Détournez un si mauvais sort ; Qu’elle ne soit point infidelle : Et faites plutôt que la Belle Vienne à soupirer de ma mort, Que non pas d’une amour nouvelle !

149. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Je n’ose sortir. […] Il cherche à sortir de l’eau ; il se débat encore. […] Si je n’avais que moi à consulter, je courrais au village, et elle déciderait d’un mot de mon sort. […] Sa résolution est prise. — Arrive ce qui pourra, dit-il, je veux aller moi-même apprendre mon sort de sa bouche. […] Un parfum de piété et d’amour sort de tous les vers ; le cœur est doucement ému, mais jouit de son émotion comme d’une vertu.

150. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Guerre, famine, épidémie forment ainsi un cercle meurtrier dont il est bien difficile de sortir. […] A coup sûr, nous sommes loin avec lui de la vraie vie des champs ; et pourtant certaines descriptions de la vallée du Lignon nous sortent du monde convenu où il nous promène. […] Les révolutions sont les exécutrices testamentaires des penseurs qui les ont précédées et préparées ; elles sortent tout armées de leurs cerveaux et de leurs livres. […] Autant que la classe d’où sortent les auteurs, il importe de noter leur degré de fortune. […] Ils étaient en nombre confus : Théophile Gautier, dont les Grotesques se vendirent à 200 exemplaires, eut de la peine à sortir de cette catégorie.

151. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Le vrai culte de l’antiquité, c’est de sortir du sanctuaire avec l’esprit du dieu prêt à se répandre dans un monde nouveau. […] Est-il vrai que ton sort Est de ramper toujours, et que toi seule as tort ? […] Vous n’avez pu sortir de ces entretiens sans que votre âme ait été remuée et fécondée. […] Le petit livre des Destins, publié il y a six ans, sort déjà du cadre ordinaire des poésies de M.  […] Il faut chercher ailleurs les motifs de cette résistance, ceux que les meilleurs amis du poète doivent lui indiquer pour l’aider à la vaincre une autre fois, bien convaincus d’ailleurs que le poète ne sort pas diminué de cette difficile épreuve, qu’il en doit sortir au contraire fortifié, mais en même temps éclairé sur les conditions, la puissance et les limites de son art.

152. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Son aïeul était ce Théodore-Agrippa d’Aubigné, célèbre par son esprit et sa bravoure, par ses écrits et ses actions, illustré par la confiance et l’amitié de Henri IV, prix d’un dévouement sans réserve, et par la familiarité que le prince lui permettait avec lui, au risque de voir quelquefois Agrippa sortir des bornes du respect, et se permettre les saillies d’un camarade74. […] En 1639, d’Aubigné sortit de prison, et n’ayant pas voulu abjurer, il alla à la Martinique. […] J’allais à l’hôtel d’Albret ou de Richelieu, sûre d’être bien reçue et d’y trouver mes amis rassemblés, ou bien de les attirer chez moi, en les faisant avertir que je ne sortirais pas 78… » Quelques mois après la mort de son mari, elle refusa d’épouser un homme de qualité, à qui ses amis lui conseillaient de s’unir. […] C’est à ce prix qu’était la considération pour elle, cette considération qui, dans le monde, devait lui tenir lieu de la fortune si nécessaire pour en concilier un peu aux gens sans mérite, cette considération qui sans doute ne met pas absolument au-dessus du besoin, mais du moins aide puissamment à en sortir, en fait toujours sortir sans déshonneur, parce qu’elle intéresse l’honneur même d’un grand nombre de nobles amis à préserver de tout avilissement l’objet de leur affection et de leur estime.

153. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Héphestos compatit évidemment au sort tragique de Prométhée, mais il est résigné, sinon rallié à l’ordre nouveau. […] Des chefs-d’œuvre d’art et de mécanisme sortaient de leurs moules. […] Mais quand ses bourreaux sont partis, une clameur immense sort de sa poitrine. […] Un nuage d’où sortent des lueurs pénétrantes enveloppe sa montagne. […] Il sort de celui que Joël feuillette un souffle qui fait dresser ses cheveux.

154. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

… Tel a été mon sort, après avoir élevé et marié les miens. […] Nous sommes sortis aussitôt après déjeuner. […] Il a quitté son ouvrage en nous apercevant… Après être sortis de chez lui, nous nous sommes présentés tout de suite chez M.  […] Après dîner, je sortis avec mon papa et mes deux frères ; mais je les quittai près du pont tournant. […] Après dîner, je sortis avecM. 

155. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

VI Il ne fut pas plutôt sorti que je m’empressai de lire. […] Il sortit furieux et disposé à la plus radicale opposition à toute autre organisation. […] Il prit ces vociférations pour une menace personnelle ; et sortit en sursaut de sa demeure. […] Cette belle chienne, assise devant elle, les yeux sur ses yeux, la regardait avec un air d’attendrissement et de pitié qui n’est jamais sorti de mon âme. […] Il sortit, et j’allai chez M. de Marcellus.

156. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

Le temps était beau, et les petites allées étaient pleines d’hommes et de femmes, à l’air heureux de gens qui sortent de l’hiver et respirent le printemps. […] je suis malheureux, et ça a mis au dedans de moi une irritation colère, qui fait que je ne suis plus toujours maître des mouvements de mon âme… Donc je lui ai dit que je sortais et qu’il ne m’attendît pas, parce que je ne savais pas quand je rentrerais. […] Il y a chez lui une horrible angoisse muette, qui ne peut sortir de ses blondes moustaches, toutes frissonnantes… Serait-ce, mon Dieu ! […] Il résista un peu, puis céda, et se levant pour sortir de la chambre avec moi, je le vis trébucher et aller tomber sur un fauteuil. […] … » Aujourd’hui, je demande de le conserver, de le garder, aussi inintelligent, aussi impotent qu’il peut sortir de cette crise, je le demande à genoux.

157. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

M. de L’Épinois est sorti de l’École des Chartes, cet état-major d’historiens qui ne fait pas plus de grands généraux en histoire que l’École d’État-major ne fait de grands généraux sur le champ de bataille, mais qui, toutes deux, font de bons officiers. À coup sûr, un grand historien peut sortir de l’École des Chartes comme de partout, mais pas plus que de partout, et si M. de L’Épinois n’est pas cet historien-là, il est au moins un homme qui entend profondément et consciencieusement l’Histoire, quand il ne la domine pas. […] Mais il faut bien entendre ici que dans ce seul volume d’histoire, où les faits sont ramassés, concentrés et étreints pour en faire mieux sortir la moelle, il ne s’agit que de l’histoire politique de la Papauté. […] Je n’ai point à raconter ici les résistances héroïques, au point de vue divin tout autant qu’au point de vue humain, de la Papauté contre des hommes de l’acharnement des Frédéric II, des Philippe le Bel, des Henri VII et des Louis de Bavière, des Visconti, des antipapes, ni à dérouler les résultats de ces luttes glorieuses de la Papauté, qui profitèrent même à la liberté de l’Italie que la Papauté s’efforça toujours d’affranchir du joug étranger et des interventions impériales, et qui créa contre elles ce gouvernement des municipalités italiennes, sorti si généreusement du sien !

158. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 17, quand ont fini les représentations somptueuses des anciens. De l’excellence de leurs chants » pp. 296-308

Voilà quel fut le sort du théatre antique dans l’empire d’occident. […] Cet historien raconte avec indignation que Rome se trouvant menacée de la famine, on avoit pris la précaution d’en faire sortir tous les étrangers, même ceux qui professoient les arts liberaux. Mais, ajoûte-t’il, tandis qu’on chassoit les sçavans comme bouches inutiles, et qu’on leur prescrivoit même un temps fort court pour sortir, on ne dit mot aux gens de théatre ni à tous ceux qui voulurent bien se mettre à l’abri de ce beau titre.

159. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VI. Autres preuves tirées de la manière dont chaque forme de la société se combine avec la précédente. — Réfutation de Bodin » pp. 334-341

Les pères de familles desquels devaient sortir les nations païennes, ayant passé de la vie bestiale à la vie humaine, gardèrent dans l’état de nature, où il n’existait encore d’autre gouvernement que celui des dieux, leur caractère originaire de férocité et de barbarie ; et conservèrent à la formation des premières aristocraties le souverain empire qu’ils avaient eu sur leurs femmes et leurs enfants dans l’état de nature. […] Autrement, il est impossible de comprendre comment la société civile sortit de la société de la famille. […] Maintenant nous lui demandons comment la monarchie put sortir d’un tel état de famille.

160. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

La seule nouvelle que j’eus de mon sort, dans la matinée de mon départ, fut un mot de M.  […] Je sortis contristé de sa table, et je ne cherchai plus à le voir. […] Les disgrâces même, du sort sont gracieuses aux hommes de cette nature, ils ne prennent rien trop au sérieux dans la vie. […] Heureux les peuples qui ont leur sort dans des mains si pures et si douces ! […] J’en sortais pénétré d’une véritable estime pour le prince, d’une vénération enthousiaste pour la princesse.

161. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

On ne peut ainsi les transposer, car en elles rien n’est corps : elles sont un idéal qui sort de l’aine et parle aux âmes ; elles ne sauraient servir à exprimer un autre enthousiasme que celui qui les a fait naître. […] Mais un meilleur dessein de ce même sophiste grec et de son fils, des deux Apollinaire et de leurs disciples, c’était de vulgariser dans la langue grecque le génie hébraïque, d’où sort, en partie, le christianisme même ; c’était d’enrichir la Grèce, en lui apportant un nouveau reflet des couleurs et des feux de l’Orient. […] Il n’est en effet rien qui approche de la Divinité. » Ne diriez-vous pas, à ce langage, qu’une nouvelle poésie, méditative et profonde, semblable au regard mélancolique du solitaire penché sur l’abîme, sortait des obscurités mêmes de la foi chrétienne ? […] Ainsi, avec joie, j’échappe à l’envie ; et, sorti d’une grande tempête, j’ai jeté le câble dans le port, où désormais, élevant mon cœur par d’innocentes pensées, j’offrirai à Dieu mon silence, comme autrefois ma parole. […] mais, tandis que je demeure dans les liens de la vie corporelle, puissé-je, Père, goûter un sort paisible ! 

162. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

« Ainsi donc, Catilina, poursuis ta résolution : sors enfin de Rome ; les portes sont ouvertes, pars. […] Consul, j’ordonne à notre ennemi de sortir de Rome. […] Catilina, sors de Rome, et, puisque tu attends le mot d’exil, exile-toi de ta patrie. […] Mais, si tu veux me fournir un nouveau sujet de gloire, sors avec le cortège de brigands qui t’est dévoué ; sors avec la lie des citoyens ; va dans le camp de Mallius ; déclare à l’État une guerre impie ; va te jeter dans ce repaire où t’appelle depuis longtemps ta fureur insensée. […] » De temps en temps Cicéron interrompt ses dialogues et ses citations sur l’éloquence par des retours sur le sort des grands orateurs de son temps, sur lui-même et sur le sort de sa patrie, retours qui sont eux-mêmes des chefs-d’œuvre de sentiment, de raison, de patriotisme.

163. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Mais on sort de la pièce avec l’espoir que deux si nobles amants seront unis. […] Si l’on sort plus étonné d’une pièce de Corneille, on sort plus ému et plus instruit d’une pièce de Racine. […] Il se plaisait à développer cette logique des passions, par laquelle les actes sortent de la succession et du combat des pensées. […] Quiconque sort d’une représentation théâtrale sans y avoir été autant acteur que spectateur est incapable de ce noble plaisir. […] L’art, qui est sorti de l’homme, aurait-il la prétention d’être plus haut que son origine ?

164. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

Un théâtre d’où sortent des hommes en blouse, et des femmes qui remettent à la porte leurs sabots sur leurs chaussons. […] Bastide sorti de prison, ce voleur le rencontrant, le saluait, et Bastide lui adressait la parole, le prêchant un peu. […] Et pêle-mêle toutes sortes de choses lui sortent de la bouche comme des crapaud : « Ah ! […] Je lui dis qu’il faut absolument sortir de là, que je vais tâcher de lui obtenir une place dans un chemin de fer. […] — au sortir d’un bal de l’Opéra qu’il avait voulu revoir pour la dernière fois.

165. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

Je suis sorti de cette enquête historique sans trouver ni conjuration, ni plan, ni meneurs de cet événement inexpliqué. […] Il y a des événements qui sortent du ciel, comme des bouches de volcan, sans avoir été allumés par aucune main, ou qui sortent du ciel comme des météores, sans que personne puisse dire d’où ils viennent, ce qu’ils vont frapper et où ils vont s’éteindre. […] D’où sortirent-elles donc ? […] Elles sortirent, comme les horribles journées de septembre, d’une émotion atroce et soudaine, qui porte une populace au crime avant de l’avoir portée à la préméditation. […] Qui peut nier que l’attendrissement sur le sort de Louis XVI et de sa famille n’ait été pour beaucoup dans le retour vers la royauté quelques années après.

166. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

L’auteur de L’Éducation sentimentale doit avoir, pour les œuvres qui sortent si lentement et si péniblement de lui, cette maternité idolâtre qu’augmentent encore la durée et la difficulté de la gestation chez les mères. […] Les amis de Flaubert, qui ne sont pas des sauvages, mais des apprivoisés très aimables et très doux, pratiquent un peu le même système… Pour délivrer leur ami de sa grossesse intellectuelle, ils font du bruit, autour du livre qu’il porte, tout le temps de sa laborieuse gestation, croyant par là l’exciter et lui donner la force de le pousser et finalement de le pondre : Ce sera superbe, disent-ils, ce nouveau livre de Flaubert, mais il y met le temps, car de pareilles œuvres ne sortent pas aisément d’un homme. […] D’un autre côté, l’impitoyable froideur d’analyse, et les prétentions à l’érudition, de Flaubert m’inclinaient à penser qu’après tout il pourrait bien sortir des plis de l’auteur de Madame Bovary un Renan de second degré et de seconde portée, mais qui, hardi et précis d’expression autant que l’autre est lâche et vague, ne craindrait pas de nous donner, dans un livre d’impartialité moins chattemite, quelque explication avilissante de la vie du plus grand des Solitaires chrétiens… Je ne m’imaginais, certes ! […] et sort de son livre, — se remet en prière… X Eh bien, nous n’avons aussi qu’à nous y mettre… pour l’auteur ! […] Et si, un jour, on a cru voir la crinière du lionceau pointer autour de la tête de ce nouveau venu en littérature qui publia Madame Bovary, elle ne poussa bientôt plus, et le lion qu’on avait cru voir dans Flaubert, et qui s’est détiré opiniâtrement toute sa vie pour sortir de sa gaine, n’en est point sorti, et même ses efforts pour en sortir l’y ont enfoncé davantage !

167. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

C’est de là qu’est sorti le parti clérical actuel, nommé d’un nom dont il se glorifie lui-même et qu’il me répugnerait sans cela d’employer. — Je parcourrai ces quatre moments si distincts, et je tâcherai de les caractériser avec toute l’impartialité dont je suis capable. […] Le fait est que, le contrat une fois dressé et signé dans les termes de 1801, il en devait sortir, à cause du rapprochement et de l’enchevêtrement des ‘deux puissances, une lutte sourde et tôt ou tard déclarée. […] Nous aussi, nous avons nos souvenirs ; avec les années ils peuvent sortir sans inconvénient. […] » Celui-ci, dégageant tout d’un coup son talent de parole comme une épée qu’on sort du fourreau, a saisi toutes les occasions éclatantes, les a rehaussées même par une affectation de singularité, et n’a pas craint de pousser à bout son antithèse absolue et provocatrice, de poser hautement sa contradiction à la fois monacale et libérale, mettant désormais quasi sur la même ligne (nouveauté étrange !) […] — Enfin, troisième courant, je vois d’autres élèves moins lettrés, tout pratiques et positifs, dressés au bon sens et aux applications utiles, sortir des écoles du commerce et de l’industrie pour vaquer à toutes les professions usuelles du siècle.

168. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

…………………………………………………………………………………………………………… CCLV De tout le jour, monsieur, je ne sortis pas de ma tour. […] Je me sentais toute froide, mais ferme encore sur mes jambes ; je me remis dans leurs mains comme un agneau qu’on mène à la boucherie ; ils me firent sortir au milieu des sanglots du piccinino, du bargello et de sa femme ; je leur serrai la main comme pour les remercier de leur service et de leur douleur. […] Elle lui demandait de permettre que la pauvre montagnarde eût un asile dans sa maison pendant la nuit pour y recueillir sa misère, en lui permettant d’en sortir le jour pour voir son mari meurtrier condamné à mort, gracié et commué en deux ans de peine, enchaîné dans les galères du port de Livourne. […] Fior d’Aliza reprit la place qu’elle avait laissée, et continua en regardant sa tante : — Je partis à pied avec cette lettre, et en promettant à mon père et à ma tante de revenir ainsi de Livourne tous les samedis pour leur rapporter tout ce qui serait nécessaire à leur vie, et pour passer avec eux le dimanche à la cabane, seul jour de la semaine où les galériens ne sortent pas pour travailler dans le port ou pour balayer les grandes rues de Livourne. […] Seulement le père Hilario ne pouvait plus sortir du couvent à cause de ses infirmités croissantes, et la reconnaissante famille lui préparait un panier de châtaignes choisies, que Hyeronimo et Fior d’Aliza devaient lui porter, le lendemain, au monastère, en souvenir du salut qu’ils lui devaient.

169. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

Mercredi 14 janvier Aujourd’hui, je reste toute la journée triste de la visite d’un cousin dans le malheur, qui a le teint des gens qui ne mangent qu’incomplètement, et qui est par là-dessus entouré de je ne sais quoi de piteux des gens, sans chance — et cela avec une espèce de satisfaction de son sort, qui m’agace. Vendredi 23 février Des jours de souffrance, de faiblesse physique, de lâcheté morale, où peu à peu je perds l’énergie de sortir de chez moi, et où je m’habitue à une existence emprisonnée dans mon cabinet de travail, sans vouloir même descendre à la salle à manger pour y prendre mes repas. […] Mercredi 25 février De Nittis déjeune chez moi, et tout en mangeant, il sort de sa bouche un récit de sa vie : un de ces récits qu’on ne fait qu’une fois, dans de certaines conditions de bonheur, de plaisir, d’expansion. […] Et de cette vie de voyage, de ces compagnonnages avec des êtres de toutes sortes, de ces lectures économiques, statistiques, sociales, dans une existence où n’existe pas le besoin du sommeil, il est sorti un tout autre garçon, que celui que j’ai connu. […] Il s’arrête un moment, et avec un petit rire sarcastique, qui a l’air de moquer tout ce qui sort d’original de sa bouche, il s’écrie : « Oui cela, je veux le dire dans un livre, qui, sur la constitution des sociétés, serait, toute distance gardée, ce qu’est le livre de Laplace, sur la constitution du ciel ! 

170. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

si elle lève les yeux, il y a là de quoi l’empêcher de sortir. […] Ensuite, c’est que même sa métaphysique sort à brûle-pourpoint d’une théodicée, et qu’elle n’est, en dernière analyse, qu’une théologie, dans une époque qui n’admet plus Dieu et où le naturalisme le plus grossier est toute la réalité, en philosophie, et tout l’idéal, en littérature ! […] Pourquoi sortir de l’infini ? […] Il doit sortir de l’Infini pour prendre place dans l’éternelle béatitude, car le bonheur est la fin suprême de l’Être. […] On n’en voudra jamais sortir.

171. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

L’homme qui a cette disposition voit dans le monde beaucoup plus de sujets de jalousie qu’il n’en existe réellement ; et pour se croire à la fois heureux et supérieur, il faudrait juger de son sort par l’envie que l’on inspire : c’est un mobile dont l’objet est une souffrance, et qui n’exerce l’imagination, cette faculté inséparable de la passion, que sur une idée pénible. […] Quel triste sort, en effet, que celui d’une passion qui se dévore elle-même, et, poursuivie sans cesse par l’image de ce qui la blesse, ne peut se représenter une circonstance quelconque où elle trouverait du repos ! […] L’occupation où l’on est de son ressentiment, l’effort qu’on fait sur soi pour le combattre remplit la pensée de diverses manières ; après s’être vengé, l’on reste seul avec sa douleur, sans autre idée que la souffrance ; vous rendez à votre ennemi, par votre vengeance, une espèce d’égalité avec vous ; vous le sortez de dessous le poids de votre mépris, vous vous sentez rapprochés par l’action même de punir ; si l’effort que vous tenteriez pour vous venger était inutile, votre ennemi aurait sur vous l’avantage qu’on prend toujours sur les volontés impuissantes, quelle qu’en soit la nature et l’objet : tous les genres d’égarement sont excusables dans les véritables douleurs ; mais ce qui démontre cependant combien la vengeance tient à des mouvements condamnables, c’est qu’il est beaucoup plus rare de se venger par sensibilité, que par esprit de parti ou par amour propre.

172. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Rêveries sur un empereur »

Je sais bien que la Conférence de Berlin n’aura été qu’une cérémonie ; qu’elle aura peu de résultats, ou que, si elle en doit avoir, ils seront indirects et inattendus ; je sais bien que les membres de la Conférence, surpris et gênés de se trouver ensemble, se borneront à constater que le sort des ouvriers est digne d’intérêt, qu’il ne faut pas faire travailler les enfants de cinq ans, qu’il est excellent de se reposer le dimanche, et autres vérités de cette force. […] il l’ignore et cela l’effraie d’autant plus), il se sent réellement responsable du sort matériel et moral des millions d’hommes que Dieu lui a confiés ; il sent qu’il est leur maître pour leur bien, pour le bien de tous, et particulièrement des plus humbles. […] Cet invraisemblable Empereur devrait vaincre une telle masse de préjugés traditionnels et de mauvais sentiments, légitimes en apparence et même honorables, et si enracinés chez lui et chez une partie de son peuple ; il devrait, pour faire cette chose inouïe, sortir si complètement de lui-même, qu’assurément il ne la fera point.

173. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sully Prudhomme (1839-1907) »

Laissez-moi m’en sortir qu’un vers, La moisissure rose aux écailles d’argent. […] Après la guerre, il put s’écrier : Ô peuple futur, qui tressailles Aux flancs des femmes d’aujourd’hui, Ton printemps sort des funérailles, Souviens-toi que tu sors de lui.

174. (1887) Discours et conférences « Discours à l’Association des étudiants »

Les sociétés modernes sortiront-elles de la crise où elles sont engagées ? […] , voyez quel serait mon sort. […] Nous devons à la patrie d’être à sa disposition pour la servir ; mais nous ne sommes pas obligés de sortir de notre caractère pour obtenir ses mandats.

175. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) «  Poésies inédites de Mme Desbordes-Valmore  » pp. 405-416

Vaine étincelle échappée à la cendre, Mon sort qui brille égarerait vos pas. » Il parle ainsi, lui que j’ai cru si tendre ! […] Humiliée, anéantie, pitoyable dans tous les sens du mot et charitable, sévère à elle-même, indulgente aux autres, cette âme a pour ses compagnes en douleur des conseils pleins d’une douceur infinie et d’une résignation toute persuasive : Crois-moi Si ta vie obscure et charmée Coule à l’ombre de quelques fleurs, Âme orageuse mais calmée, Dans ce rêve pur et sans pleurs, Sur les biens que le ciel te donne,         Crois-moi, Pour que le sort te les pardonne,         Tais-toi ! […] Vois-tu, les profondes paroles Qui sortent d’un vrai désespoir N’entrent pas aux âmes frivoles, Si cruelles sans le savoir ! […] La mort de cette personne bienfaisante, annoncée a l’un de ceux qu’elle avait ainsi consolé, amena l’éloge suivant que je ne puis résister à transcrire, et qui, sorti d’une veine austère, a tout son prix.

176. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

Mais ce bonheur frappé par le sort, la confiance mutuelle, ce bien suprême, flétri par la calomnie ! […] Du moment où la littérature commence à se mêler d’objets sérieux ; du moment où les écrivains entrevoient l’espérance d’influer sur le sort de leurs concitoyens par le développement de quelques principes, par l’intérêt qu’ils peuvent donner à quelques vérités, le style en prose se perfectionne. […] Dans les pays où le talent peut changer le sort des empires, le talent s’accroît par l’objet qu’il se propose : un si noble but inspire des écrits éloquents par le même mouvement qui rend susceptible d’actions courageuses. […] Lorsque la pensée ne peut jamais conduire à l’amélioration du sort des hommes, elle devient, pour ainsi dire, une occupation efféminée ou pédantesque.

177. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 45, de la musique proprement dite » pp. 444-463

L’action du cinquiéme acte où elle est placée, consiste à rendre la raison à Roland, qui est sorti furieux de la scéne à la fin du quatriéme acte. […] Tels sont le mugissement de la terre quand Pluton sort des enfers, le siflement des airs, quand Apollon inspire la pythie, le bruit que fait une ombre en sortant de son tombeau, et le frémissement du feüillage des chênes de Dodone. […] Par exemple, les accens funébres de la symphonie que Monsieur De Lulli a placez dans la scéne de l’opera d’Amadis, où l’ombre d’Ardan sort du tombeau, font autant d’impression sur notre oreille, que le spectacle et la déclamation en font sur nos yeux. […] Je crois même que tous les poëtes et que tous les musiciens seroient de mon sentiment, s’il n’étoit pas plus facile de rimer séverement, que de soûtenir un stile poëtique, comme de trouver sans sortir du vrai, des chants qui soient à la fois naturels et gracieux.

178. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 32, que malgré les critiques la réputation des poëtes que nous admirons ira toujours en s’augmentant » pp. 432-452

Cette imitation servile des poetes qui ont composé en des langues étrangeres, est le sort des écrivains qui travaillent, quand leur nation commence à vouloir sortir de la barbarie. […] Il est si vrai de dire que ce sont les jeux de mots et l’abus des métaphores, qui, par exemple, défigurent la prose de Sidonius Apollinaris, que les loix faites par Majorien et par d’autres empereurs contemporains de cet évêque, paroissent faites du temps des premiers Cesars, parce que les auteurs de ces loix astreints par la dignité de leur ouvrage à ne point sortir d’un stile grave et simple, n’ont pas été exposez au danger d’abuser des figures et de courir après l’esprit. […] Ainsi, soit que le stile dans lequel nos bons auteurs du temps de Louis XIV ont écrit, demeure toujours le stile à la mode, je veux dire le stile dans lequel nos poetes et nos orateurs tâchent de composer, soit que ce stile ait le sort du stile en usage sous le regne des deux premiers Cesars qui commença de se corrompre dès le regne de Claudius, sous qui les beaux esprits se donnerent la liberté d’introduire l’excès des figures en voulant suppléer par le brillant de l’expression à la force du sens et à l’élegance simple où leur génie ne pouvoit pas atteindre ; je tiens que les poetes illustres du siecle de Louis XIV seront comme Virgile et comme l’Arioste, immortels sans vieillir.

179. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

Et si le puissant historien anglais a fait des grotesques énormes des scélérats de la première Révolution française, que ferait-il des pygmées criminels qui sont sortis d’eux, de tous ces eunuques de naissance que je n’appellerai même pas des petits crevés révolutionnaires ; car, pour être crevé, il faut avoir vécu, si peu que ce soit ! […] Comique âpre et profond, qui sort tout à coup du sérieux pour rentrer dans le sérieux ! […] J’ai dit qu’il s’éclaffait, — que du sérieux dont il sortait, par un bond, comme un tigre sort de son antre, il rentrait dans le sérieux immédiatement après son bond.

180. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

Je la promis à tous, et j’en envoyai une à Thomas del Bene, qui en fit transporter la moitié à Florence parce qu’il y avait là pour l’enlever de la rue lui, sa femme, sa servante et ses enfants, tellement qu’on aurait dit le gaburro quand, le jeudi, il sort armé de bûches avec ses garçons pour assommer un bœuf. […] Machiavel en sortit comme on sort d’une école de haute intrigue et de crimes habiles (s’il y eut jamais habileté dans le crime). […] Il sortit en même temps de cette cour militaire de César Borgia tellement rompu aux affaires politiques et aux intrigues d’ambition que nul ne perça jamais si profondément dans les ressorts cachés qu’on emploie pour conquérir ou gouverner les hommes. Il en sortit enfin seul capable de donner les conseils de l’ambition pratique aux bons ou aux mauvais desseins et d’écrire ce livre du Prince, manuel du bien et du mal pour les ambitieux. […] Son armée se débande au premier choc contre les Autrichiens ; il revient à Naples découronné et en sort le lendemain en fugitif.

181. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Mes rêves, pendant quelque temps, furent la chaîne brûlée de Galaad, le pic de Safed, où apparaîtra le Messie ; le Carmel et ses champs d’anémones semés par Dieu ; le gouffre d’Aphaca, d’où sort le fleuve Adonis. […] Je naquis avant terme et si faible que, pendant deux mois, on crut que je ne vivrais pas Gode vint dire à ma mère qu’elle avait un moyen sûr pour savoir mon sort. […] Je sortais de la vieille race idéaliste en ce qu’elle avait de plus authentique. […] Chaque année, sa jouissance était d’aller, le jour où l’on tirait au sort, humilier les recrues nouvelles de ses souvenirs de volontaire. […] Il sortait tous les jours pour aller acheter ses petites provisions ; le soir, il se promenait dans quelque lieu retiré.

182. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Alors une voix terrible sort du fond de la basilique comme d’un tombeau et s’écrie : « — Amfortas ! […] Puis, avec de grands gestes, il commence son évocation. « Sors du gouffre ! […] » Une femme superbe sort lentement du gouffre. […] Mais la voix de Kundry, douce et tentatrice, sort d’un bosquet et appelle Parsifal par son nom. […] Il sort de sa hutte ; car il a entendu un profond gémissement, un soupir d’angoisse derrière le buisson.

183. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Le payement de la voiture acheva d’épuiser sa bourse, et il entra dans la maison sans savoir comment il en sortirait le lendemain. […] Il en avait retenu jusqu’aux plus petites circonstances, et les expressions si simples de la pauvre Marie ne sortirent jamais de sa mémoire. […] je pourrais dire à ma sœur et à ma vieille bonne ; Venez vivre avec moi, vous partagerez mon sort, vous jouirez de mes travaux. […] Après avoir fait ces deux partages, j’engageai ces deux dames à les tirer au sort. […] Au pied du rocher est un enfoncement d’où sort une fontaine qui forme une petite flaque d’eau au milieu d’un pré d’herbe fine.

184. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Impossible de le faire sortir de sa solitude et de sa sauvagerie. […] Elle allait sortir. […] Delaunay sort du cabinet de Camille Doucet, qui nous dit avoir tout épuisé auprès de lui sans succès. […] La toile baisse, nous sortons sans paletot, et nous avons chaud aux oreilles. […] Une joie de se sentir sortis de cet enfer de gloire.

185. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Où en était-on à la veille de la Lucrèce de Ponsard, et de l’avénement de cette nouvelle école dramatique dont les principaux talents ont fait depuis bien autre chose et sont sortis de la ligne étroite et un peu secondaire où l’on prétendait les confiner d’abord, — mais où en était-on au théâtre, lors de leur premier début ? […] Elle veut un amant, il lui en sert, et il se réserve de faire avorter la crise, de sorte qu’après lui elle est préservée et ne cherchera plus : le bouton est sorti. […] Au moment où le docteur allait se prendre et sortir de son rôle en y entrant trop bien ; où la femme surtout, la tête en feu, se croyait déjà perdue sans retour, tout est sauvé par un effort heureux et un tour de clé habile du romancier. […] Il fait à sa femme une leçon de morale ; elle a l’air de s’en moquer et sort sous un prétexte. […] » On devine le reste ; c’est la femme qui tout à l’heure est allée brouiller la serrure, en y jetant du sable ; elle retient insensiblement son mari chez elle ; ce jour même, elle a découvert sur la tête du volage ce bienheureux cheveu blanc si désiré, elle prétend bien en tirer parti ; elle s’en empare au moral, ouvre son cœur, exhale ses plaintes du délaissement auquel elle s’est condamnée, dix années durant, pour lui laisser une indépendance entière à laquelle il tenait tant et dont, elle, elle n’a jamais entendu se prévaloir ni s’autoriser ; elle dit et fait si bien qu’elle reconquiert enfin l’infidèle qui ne pense plus à sortir du délicieux réduit.

186. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

David, au contraire, le méritant et le combattant, David a non-seulement aperçu à l’avance le Messie dans sa forme glorieuse, il a eu un privilège entre les voyants, il a de loin aperçu les ignominies et les humiliations du Christ jointes à sa grandeur royale : en cela il est sorti de l’horizon hébraïque circonscrit. […] On ne saurait mieux comprendre qu’en lisant Bossuet à cet endroit et dans tout ce qui suit, la difficulté qu’il y avait pour le monde, pour l’univers païen, à faire ce grand pas, à sortir non plus en la personne de quelques individus d’élite, mais en masse et par classes et nations tout entières, de cette chose confuse et qui nous paraît si absurde, l’idolâtrie. […] A force de poursuivre tous les perfectionnements qu’a apportés l’Évangile dans la vie humaine et de pousser à bout toutes les conséquences de Jésus-Christ telles qu’il les comprend et qu’il les aime, il excède et il sort de toutes les proportions de l’histoire ; il est dans le dogme, il entre dans les mystères mêmes de la vie future et des récompenses destinées aux élus. […] Une allocution à Monseigneur termine cette seconde partie, allocution essentiellement politique et qui s’adresse au futur souverain : Monseigneur, lui dit-il, tout ce qui rompt cette chaîne, tout ce qui sort de cette suite (la suite de l’Église), tout ce qui s’élève de soi-même et ne vient pas en vertu des promesses faites à l’Église dès l’origine du monde, vous doit faire horreur. […] Mais il est juste aussitôt d’ajouter qu’il n’y a pas là de quoi décourager ceux qui ne sont nullement rivaux du grand évêque, qui procèdent d’un autre esprit et qui, sans sortir du domaine des faits positifs et du champ visuel des causes secondes, ne prétendent qu’au genre de vérité sublunaire qui est à la portée de notre recherche et de notre raison.

187. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Du sort s’il faut fuir le courroux, Tu peux, hélas ! […] Il y a des mots qui détonnent ; des aspérités sortent de la trame ; toutes les couleurs ne s’y fondent pas. […] Les disciples, les maîtres même qui ont voulu sortir et agrandir en partant du milieu existant, n’ont guère réussi : on peut dire que, pour cette école et son développement, la formule de la courbe est donnée. […] Mais la comédie du temps, chacun le dira, s’il fallait la personnifier dans un auteur, ne se trouverait point porter un nom sorti des rangs nouveaux. […] « J’étais sorti le matin pour chasser le sanglier, et je suis rentré le soir ayant pris beaucoup de cigales. » Mais les cigales sont harmonieuses. — Eh bien, l’école poétique moderne, au pis, peut se dire comme ce chasseur-là.

188. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

Il lui conseillait aussi de s’appliquer à ne faire appeler que tard ceux qui avaient droit d’entrer chez le roi et d’obtenir de lui qu’il les fit sortir de bonne heure. […] Il ne sortait encore presque personne de la chambre, et ceux qui en sortaient ne parlaient pas ; on ne disait rien. […] M. de Bouillon vint à mon secours et dit la même chose, et les gens qui étaient sortis, nous voyant rester, rentrèrent aussi. […] Ceux-ci sortirent de la chambre du roi, et l’annoncèrent à la famille royale en disant qu’enfin on savait ce qu’était la maladie, qu’elle était bien connue, que le roi était préparé à merveille, et que cela irait bien. […] M. le comte de Provence, M. le comte d’Artois et leurs femmes sortirent aussi ; Mesdames seules restèrent.

189. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

« De quelle famille est sorti cet enfant ?  […] Le roi le fait poursuivre et envelopper dans sa maison par ses gardes, pour le tuer quand il en sortira le matin. […] Quand Saül s’éveilla et sortit de la caverne, David le suivit de loin avec ses compagnons de guerre, le bord du manteau coupé dans la main. […] » Quel poète épique a de pareils accents sortis du cœur ? […] « Que faire contre le sort et contre lui ?

190. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

Ainsi la décision soi-disant libre qui sort de l’examen des motifs s’exerce sur des matériaux qui n’ont pu eux-mêmes être choisis et qui furent au contraire imposés. […] Or cette inclination elle-même n’est pas choisie librement : elle. sort de l’inconnu physiologique. […] Le sentiment du mérite, avec la satisfaction intérieure qu’il apporte à ceux que le sort favorisa d’un équilibre profitable et de facultés en harmonie avec les nécessités du milieu, telle est en effet la face heureuse de cette conception bovaryque en vertu de laquelle l’homme se croit libre de se modifier et de créer sa destinée. […] Or durant le règne de cet instinct, la vie intense, inconnue et réelle, qui se donne cours, au regard de la conscience individuelle, sous le nom de l’amour, tend à sortir des limites et de l’habitat qui lui furent, jusqu’alors fixés. […] C’est à cet engouement, à ce souci thérapeutique qu’est due la fondation de l’Institut Pasteur, excellent monastère scientifique d’où sont sortis déjà, d’où sortiront par la suite nombre de travaux désintéressés dont le Génie de la Connaissance sera seul à profiler.

191. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Sortez-vous de l’abîme ? […] Au sortir du bois, nous ne retrouvâmes plus Kondrate. […] Le sort ne voulut pas lui accorder cette dernière et unique consolation. […] Honnête jeune fille, quel sera son sort ? […] « C’est le sort qui m’a conduit », pensa-t-il.

192. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Le Christianisme s’introduisit dans les Gaules avec saint Pothin sorti d’Asie, disciple de saint Polycarpe, — et avec saint Irénée, né en Asie Mineure, disciple de saint Polycarpe également, lequel Polycarpe avait vu les apôtres. […] C’est du ve au Xe siècle que se fait le grand mélange, le travail sourd et comme le broiement d’où sortirent les idiomes modernes. […] Ces règles, qui essayaient de se fixer depuis deux siècles, furent négligées, oblitérées : les œuvres, — une grande moitié des œuvres qui avaient le plus occupé les imaginations populaires, sortirent de la mémoire et tombèrent en désuétude, — au moins sous la forme littéraire épique qu’elles avaient d’abord revêtue. […] L’École des Chartes, de laquelle sont sortis plus d’un de ceux que je viens de nommer, produisait de savants élèves qui, devenus maîtres à leur tour, ont porté dans ces questions de linguistique nationale un genre de critique bien essentielle pour contrebalancer les théories absolues des Allemands. […] Le livre de M. de Chevallet, plein de faits, de considérations prudentes, incontestables, me paraît être l’œuvre la plus complète d’un homme sorti de l’école française et formé à la méthode de M. 

193. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

« La jeune fille prit quelques flacons vides et sortit ; je la suivis des yeux avec admiration. […] Je fis des reproches à mes amis de ce qu’ils avaient fait sortir cette enfant si tard dans la soirée. […] dit-il ; irai-je feuilleter ces milliers de volumes pour lire que partout les hommes se sont agités de même pour améliorer leur sort et qu’un homme heureux n’a jamais vécu ? […] Et tu me pardonnes la liberté que j’ai prise de t’aborder et de te parler l’autre jour, au moment où tu sortais de l’église ? […] Ils sortent du jardin.

194. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Alors commença une lutte entre ce petit nombre de pauvres gardes nationaux et ce ramas ignoble de coquins, les uns voulant nous aider à sortir, les autres nous retenir. […] on peut l’imaginer), je m’y jetai ; les postillons se remirent en selle, la grille s’ouvrit, et nous sortîmes au galop, accompagnés par les sifflets, les insultes et les malédictions de cette canaille. […] Voilà sous quels auspices je sortis enfin de France, avec l’espoir et la résolution de ne jamais plus y rentrer. […] Ce jour-là, s’étant levé en apparence mieux portant et plus gai qu’il n’avait coutume depuis longtemps, il sortit, après son étude habituelle du matin, pour se promener en phaéton. […] Le 5 au matin, après s’être rasé, il voulait sortir pour prendre l’air ; mais la pluie ne le permit pas.

195. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Il est gras, empâté, séduisant ; mais en sortira-t-il jamais une vérité forte ? […] J’entens, dit le peintre ; on verra quelques brins de paille sortir de dessous la femelle ; le mâle posé sur la visière fera sentinelle ; et mon tableau sera fait. […] Voyez ce vaisseau, il vient d’être lancé à l’eau ; et sa proue dorée sort de chez Guibert. […] Mon ami, sortons d’ici. […] Nous sortîmes.

196. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Du lac de l’Esclave, sort un fleuve qui coule au nord, et que M.  […] Le colon sort de sa cabane, et va sur ses défrichements examiner le désert. […] Mackenzie allait visiter les déserts, sortent avec joie de leurs cavernes. […] Quelques-uns même ont vu sortir des collèges, les doctrines d’anarchie et de révolution. […] La valeur des Gaulois décidait de toute part du sort des empires.

197. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

J’en vois sortir, entre deux mobiles, un homme pâle, à casquette blanche. […] Des troupiers enguirlandés de sacs, d’où sortent des touffes d’herbes potagères qui les habillent de verdure, vont aux marmites de fer-blanc. […] Il y a aujourd’hui au cimetière, pour entrer, pour sortir, la queue qui se fait à la porte d’un endroit de plaisir. […] Quel est l’inconnu destiné à sortir de ces jours-ci ! […] Décidément, je trouve mes amis trop supérieurs à l’humanité, et je sors de chez Brébant, presque colère !

198. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Désaugiers sortait d’une famille où les dons du chant et de l’esprit semblent avoir été héréditaires. […] L’évêque de Verdun, dont il est question dans cette lettre, était M. de Villeneuve, compatriote également de Désaugiers, et qui avait conseillé à son père, au sortir des études, de le placer dans l’Église, si bien que le jeune homme passa six semaines au séminaire de Saint-Lazare. […] Ce genre de vie convenait même beaucoup mieux à Désaugiers que le sort qui lui était primitivement destiné à Saint-Domingue comme régisseur de quelque plantation ; mais tous ses vœux se portaient vers la France, et il ne fut heureux que lorsqu’il revit le sol natal et sa famille, au printemps de 1797. […] C’est ce qui eut lieu en France au sortir des atrocités de la Terreur. […] Une fois au piano, on aurait dit que la chanson lui sortait par tous les pores, par les doigts, par les cheveux légèrement en désordre, par ses yeux brillants comme par ses lèvres riantes.

199. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

» Mais le poëte veut sortir de ces ténèbres, il en veut tirer l’humanité. […] » Disant ces mots, il sort… Elle était interdite ; Son œil noir s’est mouillé d’une larme subite ; Nous l’avons consolée, et ses ris ingénus, Ses chansons, sa gaieté, sont bientôt revenus. […] Les secrets pensers de mon âme Sortent en paroles de flamme, A ton nom doucement émus : Ainsi la nacre industrieuse Jette sa perle précieuse, Honneur des sultanes d’Ormuz. […] Je trouve, en effet, sans sortir du résidu que nous possédons, les diverses manières des trois prétendus portefeuilles : par exemple, l’idylle intitulée la Liberté s’y trouve d’abord dans un simple canevas de prose, puis en vers, avec la date précise du jour et de l’heure où elle fut commencée et achevée. […] Quand on relit un auteur ancien, quel qu’il soit, et qu’on sait André par cœur, les imitations sortent à chaque pas.

200. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Pour sortir de ces embarras insolubles, je m’enfonçais dans l’étude avec rage, et je n’y pensais plus. […] Le vicaire ne sortit pas d’une froideur absolue. […] Le vicaire évitait de sortir pour n’avoir pas à exprimer un doute qui l’obsédait. […] Elle ne sortit pas un moment de son complet anéantissement ; elle semblait hors du monde. […] Le manoir était devenu une sorte de tombeau, d’où l’on n’entendait sortir aucun signe de vie.

201. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Les comédiens, froids témoins de tant d’extravagances, séduits par votre éloquence, entraînés par vos disciples, se sont alors empressés de sortir de la voie sacrée que leur avaient tracée leurs prédécesseurs. […] C’était presque toujours celle de l’école polytechnique qui jouait à croix ou pile le sort de nos pièces10. Si l’ouvrage était repoussé, après deux ou trois représentations en appel, nous nous soumettions à notre sort avec résignation. […] Il sortit furieux du palais, s’enferma dans sa chambre, y passa la nuit à pleurer ; mais enfin, devenu plus calme, il comprit que l’orgueil devait céder à l’ascendant de la vérité, qu’il valait mieux profiter des avis d’un grand maître que de persévérer dans une ignorance obstinée. Cette lueur de raison décida de son sort pour l’avenir.

202. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

Il y a ce qu’on y met et il y a ce qui en sort. […] Zola ne peut nous donner que des tempéraments ; et, pour ma part, maintenant, je le défie de sortir jamais de l’animal ! […] L’abbé Mouret sort des bras de sa maîtresse d’un moment aussi vite qu’il y était entré, et croyez-vous que M.  […] … Mais, moi, je dis que, quand un homme tombe jusque-là, il sort de la littérature, et qu’il n’y a plus à s’occuper de ses élucubrations. […] On sort de sa lecture comme, du bourbier, sortent les cochons, ces réalistes à quatre pattes.

203. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Mais ces conséquences (là est le malheur), elles ne sont pas seulement immédiates et relatives à son temps, elles ont encore à sortir et à courir pour plusieurs générations, et elles sont loin d’être épuisées. […] Mais les cercles les plus agréables, cependant, ne suffisaient point à Voltaire et ne pouvaient l’enfermer : il en sortait, à tout moment, je l’ai dit, et par des défauts et par des parties plus sérieuses et louables. Il en sortait parce qu’il avait le diable au corps, et parce qu’il avait aussi des étincelles du dieu. […] Cette période de la vie de Voltaire, ces trois années d’étude et de silence, où il entra n’étant que le libertin du Temple et le plus charmant homme de société, et d’où il sortit homme et philosophe, sont restées assez obscures et mystérieuses, précisément parce qu’il les passa dans le silence. […] [1re éd.] et il en sortait bientôt par quelque accident.

204. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

Or c’est précisément à ce détroit que triomphe Corneille ; il en sort victorieux et comme à pleines voiles. […] Don Sanche sort des rangs et se présente : « Faites ouvrir le camp ; vous voyez l’assaillant. […] ……………………………… Sors vainqueur d’un combat dont Chimène est le prix !  […] Corneille, en faisant le Cid français, d’espagnol qu’il était, l’a sécularisé du même coup, l’a mondanisé et popularisé : il ne fallait pas moins que cela pour qu’il sortît de sa péninsule. […] Mais c’est là un sujet qui sortirait par trop de notre cadre, déjà tant élargi ; c’est un chapitre qu’il faut laisser à traiter aux historiens littéraires.

205. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

Lorsque l’Empereur sortit de son cabinet dans le grand salon, Jomini se trouvait par hasard un des premiers sur son passage. […] Je vous ai nommé chef d’état-major, et non sous-chef. » — « Mais, Sire, j’ai là ma nomination signée de Votre Majesté. » Et comme Jomini allait la sortir de sa poche. l’Empereur s’écria : « Ehl vous n’avez pas vu que c’était une faute de Berthier !  […] vous aviez raison : les Anglais sont sortis du Portugal, et, qui pis est, c’est qu’ils ont battu ce maladroit de Jourdan ! […] Je cherche autour de moi la puissance où je pourrais espérer un meilleur sort. […] La certitude que j’ai un ennemi puissant si près de l’Empereur ne me laisse aucun espoir d’améliorer mon sort.

206. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Au lieu que le XVIIe tout imprégné de philosophie cartésienne, mettait l’homme à part de la nature, nous nous sommes replacés au milieu des choses ; nous nous sommes mieux saisis comme une partie intégrante et inséparable de l’univers visible ; nous nous sommes sentis mêlés à tout le reste par nos obscures et profondes origines, plus proches du monde des plantes et des animaux, plus proches de la terre dont nous sortons, et nous l’avons mieux aimée. […] On peint de préférence les plus bruts, les plus intacts ; on a des tendresses pour les « innocents » et les idiots, parce qu’ils représentent l’humanité presque toute neuve et toute fruste, et telle à peu près qu’elle dut sortir de l’âge du bronze. […] Il s’occupe d’agronomie, passe ses vacances dans ses domaines, les parcourt en guêtres et en habit de chasse, cause avec les paysans, s’intéresse à leur sort, va voir l’instituteur, offre aux élèves de l’école primaire des livrets de caisse d’épargne, préside dans son canton les comices agricoles, gémit sur la désertion des campagnes et se plaint que l’agriculture manque de bras. […] On dirait qu’ils sont à peine sortis de la matrice universelle, à peine dégagés de la boue féconde des antiques déluges, et que leurs yeux viennent à peine de s’ouvrir sur le monde, tant ils y sentent d’inconnu et tant leurs idées sont simples et leurs sentiments abrupts. […] J’ai vu Méris, par la vertu de telles herbes, se changer en loup et traverser d’un bond les longues forêts, ou faire sortir les morts de leurs tombeaux ; je l’ai vu de même transporter les moissons d’un champ dans un autre. » André Fleuse fait songer aussi aux ascètes de la Thébaïde, dont la solitude faisait des voyants, et, par-delà, aux plus anciens hommes, aux pâtres chaldéens.

207. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Les faisceaux pacifiques des instruments du travail sortent en même temps de l’enclume qui sonne l’ère du monde transformé : le soc d’où le blé va jaillir, la bêche qui va féconder la glèbe, le marteau qui façonnera l’ustensile, le frein qui domptera le cheval attelé au char ou monté par le cavalier. […] » Mais ce dieu immensément agrandi sait se réduire à la mesure de l’homme qui l’a engendré ; l’incendie divin ne méprise point l’étincelle d’où il est sorti. […] L’un entre et l’autre sort, et jamais ce lieu ne les renferme tous deux à la fois. […] Il sort, en Perse, de l’épaule d’un taureau tué. […] L’homme sort de ses mains à l’état de statue vivante, semblable aux dieux qu’il adorera, digne de les figurer dans leurs temples.

208. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Ce sigisbéisme a ses petits profits : à l’occasion, M. de Ryons se glisse entre l’amant qui s’en va et celui qui s’en vient ; il occupe l’entracte des passions qu’il souffle ; puis, lorsque la pièce sérieuse recommence, il sort du boudoir de la dame, comme d’une loge où il serait venu rendre une visite, oubliant aussi vite qu’il est oublié. […] Il sort enfin ou plutôt il feint de sortir ; car M. de Ryons, qui est toujours là, le montre à la jeune femme embusqué, comme un satyre aux aguets, derrière une charmille du jardin. […] Telle est cette comédie étincelante et aride : on en sort le cœur altéré et l’esprit ébloui. […] » s’écrie Valmoreau, le mot sort de la situation : il fait rire, on est désarmé. […] Une impression salutaire de moralité se dégage de ce mélange de vérités et de paradoxes, de sophismes et de bons conseils ; comme des accords contrastés d’un savant orchestre sort une large et pénétrante harmonie.

209. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Thiers, il me semble qu’il entrait essentiellement dans le génie et le caractère de l’homme quelque chose de gigantesque, qui, en chaque circonstance, tendait presque aussitôt à sortir et qui devait tôt ou tard amener la catastrophe. […] Après les justes merveilles de l’installation du Consulat, le gigantesque apparaît et sort presque aussitôt ; on le retrouve dans cette expédition d’Angleterre, qui avait tant de chances aussi d’être une aventure ; car il se pouvait certes que, réussissant à débarquer, sa flotte fût détruite peu après par Nelson, et qu’il eût son Trafalgar le lendemain de la descente, comme il avait eu son Aboukir le lendemain de l’arrivée en Égypte. […] Ce n’était encore qu’un premier essai, une première atteinte, et elles auront à revenir à la charge avant de prendre pied dans la Péninsule pour n’en plus sortir que par la frontière de France. […] Génie si positif pourtant dans le détail, son idéal, pour dernier terme, sortait hors du possible. […] mon cher général, si vous pouviez coopérer à me sortir de la maudite galère où je suis, vous me rendriez un grand service !

210. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Il y a toute une moitié de la France qui rirait si nous avions la prétention de lui apprendre ce que c’est que Jasmin, et qui nous répondrait en nous récitant de ses vers et en nous racontant mille traits de sa vie poétique ; mais il y a une autre moitié de la France, celle du Nord, qui a besoin, de temps en temps, qu’on lui rappelle ce qui n’est pas sorti de son sein, ce qui n’est pas habituellement sous ses yeux et ce qui n’arrive pas directement à ses oreilles. […] Marthe était une pauvre fille qui vécut trente ans dans Agen de la charité publique, et que nous autres petits drôles, dit le poète, nous tourmentions sans crainte quand elle sortait pour remplir son petit panier vide. — Pendant trente ans on a vu la pauvre idiote, à notre charité tendre les mains souvent. Dans Agen on disait, quand elle passait : « Marthe sort, elle doit avoir faim !  […] Vous le devinez : ce jour-là, son sort se décide avec celui d’un autre. […] Depuis lors, cette langue éparse et morcelée avait encore eu ses poètes particuliers en Béarn, à Toulouse, dans le Rouergue, en différents lieux ; mais ces poètes d’un naturel aisé ne faisaient aucun effort pour sortir de l’esprit du cru, et pour élargir l’horizon tout local où les avait confinés la Fortune.

211. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

Ainsi le spectateur qui se proposerait de sortir de sa place d’aller à l’hôpital, monterait d’abord sur la terrasse, rencontrant ensuite la face verticale et à pic du massif, il tournerait à gauche, trouverait l’escalier, monterait l’escalier, traverserait le parvis et entrerait dans l’hôpital dont la porte a son seuil de niveau avec ce parvis. […] Au-dessous, au lieu le plus bas de la terrasse, à l’angle droit du massif, s’ouvre un égout d’où sortent les deux pieds d’un mort et les deux bouts d’un brancard. […] Au-delà de cette femme la terrasse s’affaisse, se rompt, et va en descendant jusqu’à l’angle droit inférieur du massif, à l’égout, à la caverne d’où l’on voit sortir les deux bouts du brancard et les deux jambes du mort qu’on y a jeté. […] Il vous fallait un égout pour en faire sortir les deux jambes de votre autre cadavre. […] C’est une belle idée, bien poétique, que ces deux grands pieds nus qui sortent de la caverne ou de l’égout ; d’ailleurs ils sont beaux, bien dessinés, bien coloriés, bien vrais.

212. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Toute une œuvre historique, écrite par un homme qui a prouvé, par ses fameux Mémoires, qu’il est un des plus éclatants génies d’écrivain que la France ait jamais eus, va sortir de l’engloutissement dans lequel on la tenait, le croira-t-on ? […] Elle est consacrée à Saint-Simon tout seul, au Lazare délivré, qui sortira prochainement tout entier de son sépulcre, mais qui n’en sort qu’une partie de lui-même aujourd’hui… Nous n’avons en ce présent volume que Saint-Simon dans une des spécialités de sa vie… Ce n’est plus le Saint-Simon des Mémoires. […] Et c’est là aussi, convenons-en, l’imprévu, le tonitruant imprévu, qui sort aujourd’hui de son carton, comme le soufre de la solfatare ! […] Il n’est pas moins certain qu’il y a eu divers bâtards de princes, de seigneurs et de particuliers qui se sont élevés, par leur mérite, au-dessus du sort de leur origine, et qui ont été revêtus de biens et d’emplois et quelques-uns même d’éclatants ; mais, si on les examine, on les trouvera inhabiles à tous autres biens qu’à ceux de la fortune, et que parmi tout le lustre acquis par leur mérite et la protection de leurs parents, les lois n’ont pas fléchi en leur faveur… De là ces noms si communs dans les plus considérables illégitimes, le bâtard de Bourbon, le bâtard d’Orléans, le bâtard de Rubempré, et tant d’autres de princes, de seigneurs et de particuliers, appelés ainsi de leur temps, sans qu’ils eussent d’autres dénominations, par laquelle ils sont transmis jusqu’à nous dans les histoires. » Tel est, pour le mâle et pratique esprit de Saint-Simon, le point de départ du Mémoire sur les légitimés. […] Dans ce Mémoire contre eux, il a relevé et compté avec beaucoup de soin et de détail tous les bâtards des races royales qui ont successivement régné sur la France, et que la faiblesse de leurs générateurs a fait sortir de l’obscurité à laquelle les mœurs et les lois de ce pays, qui fut la monarchie française, condamnaient toutes les bâtardises, et on peut s’étonner du petit nombre de ces bâtards.

213. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Le génie, sorti par élans de quelques sources qui ne changent pas, a d’infinis détours et des variétés sans fin. […] Et pourtant, si nous voulons, après Pindare, après Horace, donner une image de cette poésie sublime et calme qui retraçait, pour les anciens, les révolutions capricieuses du sort et les met tait au-dessous du courage et de la vertu, c’est au poëte de la Divine Comédie qu’il faudrait demander cet exemple. […] C’est au sortir du plus célèbre, mais non pas du plus étonnant des poëmes du Dante, que cette lumière apparaîtra le plus souvent à nos yeux. […] À chaque côté m’apparaissait je ne sais quoi de blanc ; et de là sortaient peu à peu d’autres couleurs. […] De ce contraste même entre le poëme et l’homme, entre les contemplations de la pensée religieuse et les épreuves de la vie soufferte, de ce contraste sort le pathétique humain qui se mêle à cet idéal.

214. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803 » pp. 2-15

Sa vie publique, tout en dehors et pleine d’excitation, a, durant de longues années, fait sortir aux yeux de la France et du monde entier certains défauts et certaines dispositions intérieures, dont ses amis seuls avaient jusqu’alors le secret : toutes ses humeurs, ses splendeurs de bile et ses âcretés de sang si je puis dire, ont fait éruption. […] Tout entre en lui, et rien n’en sort. […] Cette vertu suppose un esprit de réflexion pratique, d’attention à autrui, d’occupation du sort des autres et de détachement de soi, qu’il n’a pas reçu, ce me semble, infus avec la vie, et qu’il a encore moins songé à se donner. […] Je les attends à l’autre monde ; c’est là seulement que je renouerai mes amitiés2. » Est-ce donc trop s’avancer que de croire qu’après tant de preuves publiques et privées, et après ce dernier témoignage, longtemps resté secret, qui vient de sortir, — cette grande lettre datée de Villeneuve-le-Roi, — le moral et le caractère de Chateaubriand sont connus, et que, quelle que soit la mesure de sévérité ou d’indulgence qu’on y veuille apporter, les points principaux sur lesquels roule le jugement sont suffisamment fixés et établis ?

215. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

Un de ces chapitres ou plutôt une de ces proses composée, il rentrait l’écrire, et puis il sortait de nouveau, murmurant déjà la suivante. […] « Les riches et les puissants sortiront nus de leurs palais, de peur d’être ensevelis sous les ruines. […] Mais l’esprit chrétien, qui court dans ces pages comme un vent fécond et violent, enlève la pensée jusqu’à des extrémités sublimes et ne connaît pas d’horizon : « Au printemps, lorsque tout se ranime, il sort de l’herbe un bruit qui s’élève comme un long murmure.  […] « Vous êtes aussi cachés sous l’herbe, pourquoi n’en sort-il aucune voix ?

216. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Il est rempli de Virgile, il a traduit de lui des vers suaves et passionnés ; il parle comme lui des troupeaux « qui retranchent l’excès des moissons prodigues22 », des boutons printaniers « frêle et douce espérance, avant-coureurs des biens que promet l’abondance. » Il entend par lui le sourd et voluptueux murmure qui sort de la campagne endormie. […] C’est par cette réflexion supérieure que La Fontaine, comme Rabelais ou Voltaire, surpasse les purs Gaulois et sort de la foule des simples amuseurs. […] Il suit toutes les liaisons de toutes ces choses, voit l’épargne et les querelles, sent les odeurs de la cuisine, et sort attristé, égayé, la tête comblée d’histoires villageoises, prêt à déverser le trop-plein de ses imaginations sur l’ami ou la feuille de papier qui va tomber sous sa main. — Le coche l’emporte à Versailles ; il aperçoit un seigneur qui, au bord d’une pièce d’eau, fait une révérence et offre la main à une dame. […] Ensuite elles vont annoncer aux Muses quels hommes ici les honorent. » Il faut tâcher de croire que c’est là aujourd’hui le sort de La Fontaine.

217. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « II »

Apparemment les Germains ne sont pas sortis de terre à cette époque. […] Il est ce qui est sorti de la grande chaudière où, sous la présidence du roi de France, ont fermenté ensemble les éléments les plus divers. […] Cette religion était l’équivalent de ce qu’est chez nous l’acte de tirer au sort, ou le culte du drapeau. […] Ce qui était vrai à Sparte, à Athènes, ne l’était déjà plus dans les royaumes sortis de la conquête d’Alexandre, ne l’était surtout plus dans l’Empire romain.

218. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

Si le système de Copernic fut méconnu de la cour de Rome, n’éprouva-t-il pas un pareil sort chez les Grecs ? […] Elle a des paradoxes, des apparences de contradiction, des conclusions de système et de concession, des opinions de sectes, des conjectures même, et même des paralogismes156. » Si nous en croyons Buffon, « ce qu’on appelle vérités mathématiques se réduit à des identités d’idées, et n’a aucune réalité 157. » Enfin l’abbé de Condillac, affectant pour les géomètres le même mépris qu’Hobbes, dit, en parlant d’eux : « Quand ils sortent de leurs calculs pour entrer dans des recherches d’une nature différente, on ne leur trouve plus la même clarté, la même précision ni la même étendue d’esprit. […] D’Alembert aurait aujourd’hui le sort de Varignon et de Duhamel, dont les noms encore respectés de l’École n’existent plus pour le monde que dans les éloges académiques, s’il n’eût mêlé la réputation de l’écrivain à celle du savant. […] En vain il placera son nom dans un fourneau de chimiste ou dans une machine de physicien : estimables efforts, dont pourtant il ne sortira rien d’illustre.

219. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le colonel Ardant du Picq »

… L’expérience, le passé, les réalités qui en sortent, ces choses éternelles contre lesquelles l’homme, eût-il du génie, n’est pas le plus fort et ne le sera jamais, maintiennent et affermissent davantage dans son équilibre ce ferme esprit, — disons-le à sa gloire !  […] Le colonel Ardant du Picq ne la pose pas, cette thèse, altièrement, dans ses Études sur le Combat ; mais elle en résulte et elle en sort pour les esprits qui savent déduire. Elle en sort comme le boulet du canon ! […] je ne crois pas, pour ma part, qu’au fond de son âme et de sa robuste pensée ce grand spiritualiste de la guerre puisse accepter sans trouble que la guerre, qui sort de l’âme de l’homme et qui se fait avec l’âme de l’homme, ne soit pas éternelle comme l’homme et sa race, et qu’un jour elle doive disparaître, comme un fétu dans les airs, sous le souffle omnipotent des démocraties.

220. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

Écrite exclusivement pour le nombre, par un homme du nombre qui n’est pas campé pour en sortir, ni même pour aspirer à cette glorieuse impopularité des grands artistes dont se vantait Goethe, quand il disait avec orgueil : « Raphaël et moi, nous n’avons jamais été populaires », placée sous le patronage et la protection d’un Aréopage littéraire qui a finances et qui est le seul pouvoir de la société ancienne qui soit resté… dans son fauteuil, quand tous les autres se sont écroulés, cette histoire de M.  […] Henri Martin a, dit-on, fort pesé, pour les faire disparaître, sur les marques des philosophies d’où il est sorti : mais, s’il a gratté et regratté, il ne les a pas effacées. […] Prendre à la religion chrétienne, qui nous a pétris dans le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ (qui nous a donné le sein, si nous ne sommes pas sortis de son flanc ; qui est notre nourrice, si elle n’est pas notre mère), prendre à la religion chrétienne la plus belle civilisation qui fut jamais, — la civilisation de la chevalerie, — pour la donner à une société morte, atroce et barbare ; opposer et substituer à cette monarchie faite par des évêques, comme disait Gibbon, une monarchie faite… par des druides, voilà de l’habileté profonde, car elle semble désintéressée et ne prétend être que scientifique ! […] Le druidisme, qui est la seule idée historique de ces quinze volumes et qui déborde au Moyen Âge, est rentré un peu dans ses forêts, quand on est sorti du Moyen Âge.

221. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

Naturalisme d’abord, scepticisme ensuite, toutes les influences qui sortent, pour l’enfant, des premières impressions littéraires, des premières ivresses de son imagination ravie, M.  […] Voltaire et le dix-huitième siècle sont pourtant sortis de chez eux ! Nous ne dirons pas qu’ils en soient sortis comme l’enfant sort complet, organisé, achevé, du sein de la mère.

222. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Th. Ribot. La Philosophie de Schopenhauer » pp. 281-296

I Cette Philosophie de Schopenhauer n’est pas — ce que j’aurais voulu — une traduction exacte des ouvrages philosophiques de Schopenhauer tels qu’ils sont sortis de sa plume. […] Schopenhauer fut un de ces puissants pileurs de vide, et il aurait le même sort que les autres, s’il n’avait été qu’un métaphysicien. […] En effet, Schopenhauer, comme tous les spirituels, vivra par les détails de son œuvre, les aperçus, les paradoxes mêlés à son système ou qui en sont sortis. […] En 1839, Schopenhauer sortit de sa poutre percée.

223. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Funck Brentano. Les Sophistes grecs et les Sophistes contemporains » pp. 401-416

Ils sont en nous, sortent de nous, vivent de nous. […] Locke, sorti de Bacon, est le créateur de cette étroite philosophie de la sensation, qui a créé à son tour le sensualisme corrompu et corrupteur du xviiie  siècle, et Bacon, lui, le créateur de l’expérimentalisme, a créé encore, par-dessus la tête de Locke, ce Darwin qui a remplacé la métaphysique par de l’histoire naturelle, Darwin qui, en philosophie, a le même mérite que de Luynes, l’éleveur de pies-grièches, en politique. […] Il peut y avoir des parcelles de vérité dans un système philosophique, mais les erreurs foisonnent dans tous, et le génie lui-même a le sort de Sylla : il meurt des poux qu’il a engendrés. […] Funck Brentano vaut mieux par ses facultés que par son système, s’il en a un ; et, s’il en a un, — malgré le silence qu’il garde, — ce ne peut être qu’un système sorti de l’axiome psychologique de Descartes, dans lequel, enfermés, piétinent encore pour l’heure tous les philosophes spiritualistes.

224. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Christophe »

Elle aurait eu — politiquement, du moins, — le sort de la société féodale. […] On vient de sortir de l’effroyable scandale du concile de Constance, pour entrer dans les scandales diminués, mais bien grands encore, du concile de Bâle, qui ne fut, en réalité, que la queue du concile de Constance qu’il aurait dû autrement terminer. […] Seule, Lucrèce Borgia sort des mains de l’abbé Christophe nettoyée et essuyée des incestes qui l’avaient salie, et presque lumineuse de fidélité conjugale ; et cette vertu, pendant si longtemps calomniée, envoie comme un reflet de sa splendeur à Alexandre VI et comme une présomption d’innocence. […] Je sais bien que le temps qu’il décrit est une époque affreuse, perverse et basse, où l’envie des petits contre les grands élève sa tête de vipère jusque dans l’Église, où l’esprit byzantin envahissait les conciles d’Occident, et où les Visconti, les Louis XI et les César Borgia, pratiquaient leurs politiques empoisonnées et empoisonneuses… Déchet immense quand on sortait de ce grand Moyen Âge, qui eut ses passions, sans nul doute, mais qui, du moins, resta chrétien et chevaleresque, si pur de foi, si fier de mœurs !

225. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IV. »

Ailleurs, se faisant aussi guerrier que le Crétois Hybrias dans une vieille chanson, il disait43 : « Avec la lance, je trouve le pain pétri pour moi ; avec la lance, je recueille la vendange d’Ismare ; avec la lance, j’ai de quoi boire à mon aise couché. » Mais cette prouesse ne se soutint pas ; et, par une justice du sort, l’aveu de sa faiblesse a survécu dans le petit nombre de vers qui nous sont restés de lui. […] C’est lui qui dit dans de beaux vers ïambiques45 : « Il n’est dans les choses humaines rien d’inespérable, rien qu’on doive nier, rien qui puisse surprendre : car Jupiter, le maître des dieux, fait du plein midi sortir la nuit, quand il a voilé la lumière du soleil resplendissant ; et une froide terreur est descendue sur les hommes. […] On sait comment Horace se console ou se moque, dans sa philosophie, des caprices du sort. […] Nous voyons l’empereur Julien, dans sa défense et sa réforme du polythéisme, interdire la lecture d’Archiloque, dont il admire d’ailleurs la force d’âme à lutter, en se servant de la poésie, dit-il, pour alléger, par l’opprobre jeté sur ses ennemis, les maux que lui faisait le sort. » L’esprit chrétien fut encore plus sévère au poëte impur et diffamateur.

226. (1874) Premiers lundis. Tome I « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Deuxième édition. »

Même aujourd’hui, qu’après les tempêtes civiles, La Concorde au front d’or rit d’en haut sur nos villes, Et qu’il n’est ni couteau, ni balle à recevoir Pour le roi, pour le peuple, enfin pour un devoir ; Si du moins, en secret, des dévoûments intimes Pouvaient aux mains du sort échanger les victimes, Et si, comme autrefois, l’homme obtenait des cieux De racheter les jours des êtres précieux ! […] Sainte-Beuve n’aurait qu’à se féliciter devoir prolonger, pour lui, l’épreuve qui décide du sort des livres. […] Une entreprise comme la sienne devient respectable par ses dangers mêmes : elle est toujours intéressante et utile, quel qu’en soit le succès, et il est triste qu’au lieu d’en faire sortir une controverse instructive, on n’y ait trouvé, en général, qu’un prétexte de misérable taquinerie.

227. (1890) L’avenir de la science « XIV »

XIV Je sortirais de mon plan si je hasardais ici quelques idées d’une application pratique. […] Il ne faut pas espérer que le savant puisse sortir de la condition commune et se passer du pain matériel. […] Oratio, nous apprend-il, vient de os et ratio, raison de la bouche, (ce qui lui paraît d’une admirable profondeur), caecutire, caecus ut ire ; sortir, sehorstir ; maison est un mot celtique ; sopha vient de l’hébreu, de la racine saphan, laquelle, dit-il, signifie élever, d’où vient le mot sofetim, juge, les éleveurs des peuples (encore un sens profond) !

228. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Il est sorti de son cerveau à peu près comme Minerve du cerveau de Jupiter. […] Il vit qu’il aurait pu être un parfait chevalier sans sortir de son petit bourg de la Manche. […] Hamlet porte le deuil de son père ; il est à peine sorti de l’adolescence. […] Pour lui, l’idéal est non pas le contraire, mais l’épanouissement de la réalité : il sort de la réalité comme la fleur sort de la plante, pour la couronner, ou comme le gazon sort de la terre, pour jeter un manteau vert sur sa nudité. […] L’idéal sort de la réalité ; mais, une fois qu’il en est sorti, il ne peut plus y rentrer, de même que la fleur ne peut plus rentrer dans la tige sur laquelle elle s’est épanouie.

229. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 167-169

Il n’en est pas sorti un seul de sa plume [& nous en connoissons une douzaine], qui n’annonce un esprit pénétrant & un sage Observateur. […] Un célebre Critique a eu raison de dire de cet Ouvrage, « qu’il étoit la Production d’un excellent Citoyen, qui n’écrit que pour se rendre utile, qui voit tous nos travers & tous nos vices, non pour en plaisanter avec légéreté, mais pour nous en corriger ; qui gémit sur cet abîme-de corruption où nous sommes plongés, & qui voudroit nous en faire sortir ; qui nous offre la perspective la plus effrayante des maux que nous preparent des révolutions qu’amenera cette mollesse hébetée, qui tient nos sens engourdis : car le voile est aisé à lever ; ce tableau de la Grece est un miroir où la France doit se voir elle-même.

230. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Introduction »

En effet, les grands sociologues dont nous venons de rappeler les noms ne sont guère sortis des généralités sur la nature des sociétés, sur les rapports du règne social et du règne biologique, sur la marche générale du progrès ; même la volumineuse sociologie de M.  […] Un heureux concours de circonstances, au premier rang desquelles il est juste de mettre l’acte d’initiative qui a créé en notre faveur un cours régulier de sociologie à la Faculté des lettres de Bordeaux, nous ayant permis de nous consacrer de bonne heure à l’étude de la science sociale et d’en faire même la matière de nos occupations professionnelles, nous avons pu sortir de ces questions trop générales et aborder un certain nombre de problèmes particuliers.

231. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Mais cette façon d’envisager la nature, dont le discours du grand-prêtre Génius est demeuré l’expression la plus philosophique en notre littérature, a plutôt abouti à des conclusions relâchées de morale et à une poésie de plaisir ; il n’en est sorti aucune grande peinture naturelle. […] Ceux qui se font de cette terre des espèces de limbes grises et froides, qui n’y voient que redoutable crépuscule et qu’exil, ceux-là peuvent y passer et en sortir sans même s’apercevoir, comme Philoctète au moment du départ, que les fontaines étaient douces dans cette Lemnos si longtemps amère. […] C’est pendant cette crise et dans son effort pour en sortir qu’il se mit à rassembler avec feu et à mettre en œuvre les matériaux de l’ouvrage qui lui gagnera la gloire. […] Mais, scientifiquement parlant, son point de vue n’était qu’un aperçu heureux, instantané, un ensemble mêlé de lueurs vraies et de jours faux, et d’où il ne pouvait sortir autre chose que la peinture même qu’il en offrait, et l’impression enthousiaste, affectueuse, qu’elle ferait naître. […] Mais, à part ce portrait un peu complaisant de lui-même, je ne crois pas qu’il y en ait d’autre dans Paul et Virginie  ; ces êtres si vivants sont sortis tout entiers de la création du peintre.

232. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

  C’était un dimanche ; à deux cents pas de moi, derrière les murailles épaisses et hautes de Jérusalem, j’entendais sortir par bouffées de la noire coupole du couvent grec les échos éloignés et affaiblis de l’office des vêpres. […] C’était en effet la merveille du désert, la fabuleuse Balbek qui sortait tout éclatante de son sépulcre inconnu pour nous raconter des âges dont l’histoire a perdu la mémoire. […] Quelques-uns de ces monuments déserts semblaient intacts et sortis d’hier des mains de l’ouvrier ; d’autres ne présentaient plus que des restes encore debout, des colonnes isolées, des pans de muraille inclinés, et des frontons démantelés ; l’œil se perdait dans les avenues étincelantes des colonnades de ces divers temples, et l’horizon trop élevé nous empêchait de voir où finissait ce peuple de pierre. […] Pendant que nos Arabes plantaient en terre autour de la maison les chevilles de fer pour y attacher par des anneaux les jambes de nos chevaux et que d’autres allumaient un feu dans la cour pour nous préparer le pilau et cuire les galettes d’orge, nous sortîmes pour jeter un second regard sur les monuments qui nous environnaient. […]   La vallée s’abaissait d’abord par des pentes larges et douces du pied des neiges et des cèdres qui formaient une tache noire sur ces neiges ; là elle se déroulait sur des pelouses d’un vert jaune et tendre comme celui des hautes croupes du Jura ou des Alpes, et une multitude de filets d’eau écumante sortis çà et là du pied des neiges fondantes sillonnaient ces pentes gazonnées et venaient se réunir en une seule masse de flots et d’écume au pied du premier gradin de rochers.

233. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Je sortis de leurs mains avec un sentiment moral tellement prêt à toutes les épreuves que légèreté parisienne put ensuite patiner ce bijou sans l’altérer. […] En une minute, mon sort fut décidé : « Faites-le venir », dit l’impétueux supérieur. […] La vie sortait de lui ; il m’entraina. […] Je sortis de mes études classiques sans avoir lu Voltaire, mais je savais par cœur les Soirées de Saint-Pétersbourg. […] Je sortais ainsi de la direction de M. 

234. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Combien le sort de M. de Saint-Pierre fut différent ! […] Le sort, qui lui avait été si contraire jusque-là, lui réservait la plus belle des fleurs de la vie pour la respirer et l’enivrer avant de mourir. […] Des odeurs aromatiques sortent de la plupart de ces arbres, et leurs parfums ont tant d’influence sur les vêtements mêmes, qu’on sent ici un homme qui a traversé une forêt quelques heures après qu’il en est sorti. […] Elle a subi le sort réservé à la naissance, à la beauté et aux empires mêmes. […] Voilà le sort du grand homme de lettres de la France, Bernardin de Saint-Pierre, il vivra autant que l’amour.

235. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Il entend par l’implexe celle dont l’action est double, s’opère à l’aide de changements du sort, et se termine par le triomphe des bons et la chute des méchants. […] » La remarque est juste, et de ces dispositions naturelles aux deux auteurs, sortent les différences de leur style. […] Un tel merveilleux est grand, parce qu’il sort de la profondeur d’une grande âme. […] « Oses-tu frapper l’arbre auquel j’unis mon sort ? […] En quoi le goût sage des modernes serait-il offensé de voir un héros descendre dans les enfers de sa religion, et en sortir ainsi que les héros fabuleux ?

236. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 115-117

Il faut encore posséder l'art d'enchaîner naturellement les Scenes, d'exposer des caracteres variés & soutenus, d'amener des situations comiques qui sortent du sujet, de plaire enfin au Spectateur, sans l'égarer dans des routes nouvelles, & par-là même suspectes. […] Ainsi, pourvu qu'ils viennent à bout de se procurer une gloire éphémere, ils ne craignent pas de dégrader le talent, en détruisant l'Art même, qui se perd quand il sort de ses limites.

237. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henriette d’Angleterre » pp. 7-9

Tout ce qui sort de cette chaste plume de colombe héraldique mérite d’être lu. […] pas sorti de la tête rêveuse de madame de La Fayette.

238. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

— « Quelle est donc, lui dis-je avec l’accent d’un étonnement contenu, la personne qui vient de sortir de chez vous ? […] — Cela est vrai, dit-elle à Ballanche, M. de Chateaubriand est mon ami, mais de Lamartine est mon….. » La convenance plus que la modestie m’empêche d’écrire le mot qui sortit de ses lèvres ; le mot était trop adulateur pour qu’il puisse sortir de ma plume. […] On en sortait triste, on y sentait le renfermé. […] Je ne passe jamais devant le numéro 33 de la rue de l’Université sans gémir sur cette porte fermée d’où tant d’amitié sortit une fois avec son cercueil. […] — « Je viens, me dit-il, savoir de vous mon sort ; il est dans vos mains.

239. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

Mais ce n’était pas le coup le plus douloureux que me préparait mon triste sort. […] « Nous sortîmes, mon frère et moi, de l’Académie au mois d’octobre 1782, avec la pensée d’entrer dans la prélature. […] Cette charge ne portait avec elle aucune responsabilité, ainsi que je l’ai dit ; elle était très enviée et ne sortait pas du cercle d’études que je m’étais tracé. […] Je me précipitai à ses pieds ; je les baignai de larmes ; je lui racontai tout ce qu’il m’en coûtait pour le revoir, et combien je souhaitais de rester à ses côtés pour le servir, l’assister et partager son sort. […] Le pape sortit après dîner, et il alla processionnellement, avec le Sacré-Collège, à l’église, au milieu des plus vifs et des plus continuels applaudissements.

240. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Mauperin se leva et sortit du jardin. […] Il en sortait des tapées de toutes les chambres. […] Zakhare sortit, et M.  […] Je crus qu’il allait sortir, indigné. […] S’il vit, quel est son sort ?

241. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Après sa fuite de Motiers, après sa tentative manquée d’établissement en Angleterre, revenu en France, réfugié pendant quelque temps à Trie sous la protection du prince de Conti, il s’alarme, il se figure que la main du maître est insuffisante à le soutenir contre le mauvais vouloir des subalternes ; déjà il lit dans la contenance des habitants que la conjuration tramée contre lui opère : ce ne sont qu’allées et venues souterraines ; que va-t-il sortir des conseils caverneux de ces taupes ? […] Ferais-je mieux d’en sortir ? On m’a laissé entrer paisiblement ; je puis du moins espérer qu’on me laissera sortir de même. […] Monsieur, cela n’y fait rien ; je prendrai tout de même… » — « Non, monsieur, je n’ai pas l’habitude de livrer de la musique en cet état ; j’ai voulu vous donner cette explication, car je ne manque jamais à ma parole. » — « Mais, monsieur… » — « Non, monsieur ; je vous demande seulement quelques jours pour refaire la copie. » Le jeune homme avait peine à sortir : Rousseau lui-même s’oublie ; la conversation se renoue et s’engage. « Jeune homme, à quoi vous destinez-vous ?  […] Rousseau, si sensible aux fautes d’impression, avertissait pourtant qu’on y prît garde, quand il dit quelque part dans ce volume : « Depuis que j’ai eu le malheur de me faire imprimer, je me suis toujours vu sortir de la presse beaucoup plus sot que je ne m’y étais mis ; sottise sur sottise, et les commentaires des sots lecteurs brochant sur le tout, me voilà joli garçon. » y.

242. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Une fois fait, il fallait bien qu’il sortît, qu’il vit le jour. […] Sans remonter bien haut, et sans sortir de notre temps, je conçois M.  […] Ou bien encore, car son cas pathologique est curieux et appelle les comparaisons médicales, il est comme un homme qui aurait avalé un cent d’épingles ou plutôt de fines aiguilles, et toutes les aiguilles lui sortent après un certain temps par mainte issue et mainte voie douloureuse. […] Et puis, quand je rentre dans mes quartiers non lettrés et tout populaires, quand je m’y replonge dans la foule comme cela me plaît surtout les soirs de fête, j’y vois ce que n’offrent pas à beaucoup près, dit-on, toutes les autres grandes villes, une population facile, sociable et encore polie ; et s’il m’arrive d’avoir à fendre un groupe un peu trop épais, j’entends parfois sortir ces mots d’une lèvre en gaieté : Respect à l’âge ! […] Ce n’est pas ainsi qu’il faut prendre Paris ; demandez plutôt à l’aimable et heureux Auber qui n’en sort pas.

243. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Autrefois les Affaires étrangères étaient un domaine réservé, un labyrinthe interdit, tout un monde d’où celui qui y entrait une fois ne sortait plus. […] Si, par un hasard qui n’en était pas un et qui devait assez souvent se produire, quelque pièce dont ils étaient les premiers auteurs et rédacteurs sortait au jour, si quelque combinaison dont ils avaient suggéré le plan prenait corps et vie et devenait manifeste, ils se gardaient bien de dire : Elle est de moi, ou même de le penser seulement. […] La reine, déclarée déchue, et à regret fugitive, rentra, pour n’en plus sortir, dans le vrai de sa passion, de ses haines, de ses exécrations et de ses vengeances. […] Je lui disais, en parlant de notre littérature, que nous nous étions enfermés dans des bornes étroites dont nous ne voulions pas sortir, que nous restions obstinément dans les mêmes routes, ce que ne faisaient point les autres peuples. Il me répondit, avec une politesse infinie, qu’il ne trouvait pas que les Français eussent de la répugnance à sortir de leurs routes, mais seulement qu’ils étaient plus judicieux (il va y avoir un léger correctif à ce mot) que leurs voisins, lorsqu’il était question de s’en ouvrir de nouvelles.

244. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

N’eût-il pas trouvé plus simple et plus conforme à sa nature de retirer tout d’abord la passion du milieu de ces embarras étrangers dans lesquels elle aurait pu se perdre comme dans le sable, en s’y versant ; de la faire rentrer en son lit pour n’en plus sortir, et de suivre solitaire le cours harmonieux de cette grande et belle élégie, dont Esther et Bérénice sont les plus limpides, les plus transparents réservoirs ? […] Molière, penseur profond, triste au dedans, ayant hâte de sortir de lui-même et d’échapper à ses peines secrètes, sera cette fois d’un comique plus grave ou plus fou qu’à l’ordinaire. […] Villemain a déjà remarqué que, dans Euripide, le vieillard qui tient la place d’Arcas n’a qu’un langage simple, non figuré, conforme à sa condition d’esclave : « Pourquoi donc sortir de votre tente, ô roi Agamemnon, lorsque autour de nous tout est assoupi dans un calme profond, lorsqu’on n’a point encore relevé la sentinelle qui veille sur les retranchements ?  […] Tout s’y tient avec art, rien n’y jure et ne sort du ton ; dans cet idéal complet de délicatesse et de grâce, Monime, en vérité, aurait bien tort de parler autrement. […] Mais qu’on approche de plus près et qu’on observe avec soin : mille nuances fines vont éclore sous le regard ; mille intentions savantes vont sortir de ce tissu profond et serré ; on ne peut plus en détacher ses yeux.

245. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

C’est là le sort de Millevoye ; c’est la pensée que son nom harmonieux suggère. […] Il sortit de là pour être commis libraire dans la maison Treuttel et Würtz, espérant concilier son goût d’étude avec ce commerce des livres. […] Puisque j’ai eu occasion de nommer Parny et que probablement j’y reviendrai peu, qu’on me permette d’ajouter une note écrite sur lui en toute sincérité dans un livret de Pensées : « Le grand tort, le malheur de Parny est d’avoir fait son poëme de la Guerre des Dieux : il subit par là le sort de Piron à cause de son ode, de Laclos pour son roman, de Louvet jusque dans sa renommée politique pour son Faublas, le sort auquel Voltaire n’échappe, pour sa Pucelle, qu’à la faveur de ses cent autres volumes où elle se noie, le sort qu’un immortel chansonnier encourrait pour sa part, s’il avait multiplié le nombre de certains couplets sans aveu.

246. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

quel triste sort nous offrez-vous donc sans mobile, sans intérêt et sans but ? […] Les enfants reçoivent la vie goutte à goutte, ils ne lient point ensemble les trois temps de l’existence ; le désir unit bien pour eux le jour avec le lendemain, mais le présent n’est point dévoré par l’attente, chaque heure prend sa part de jouissance dans leur petite vie : chaque heure a un sort tout entier indépendamment de celle qui la précède ou de celle qui la suit, leur intérêt ne s’affaiblit point cependant par cette subdivision ; il renait à chaque instant, parce que la passion n’a point détruit tous les germes des pensées légères, toutes les nuances des sentiments passionnés, tout ce qui n’est pas elle enfin, et qu’elle anéantit. […] Il faut compter dans chaque caractère les douleurs qui naissent des contrastes de bonheur ou d’infortune, de gloire ou de revers dont une même destinée offre l’exemple ; il faut compter les défauts au rang des malheurs, les passions parmi les coups du sort, et plus même, les caractères peuvent être accusés de singularité, plus ils commandent l’attention du philosophe ; les moralistes doivent être comme cet ordre de religieux placés sur le sommet du mont St. […] Je dis à l’homme qui ne veut se plaindre que du sort, qui croit voir dans sa destinée un malheur sans exemple avant lui, et ne s’attache qu’à lutter contre les événements ; je lui dis : parcourez avec moi toutes les chances des passions humaines, voyez si ce n’est pas de leur essence même, et non d’un coup du sort inattendu que naissent vos tourments.

247. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Est-il si malaisé de voir qu’en compagnie de Voiture on ne se prépare à comprendre ni Corneille, ni Pascal, ni Bossuet, mais qu’au sortir des « banalités » de Balzac on est tout prêt ? […] Le « Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences » est la biographie d’une pensée ; et du seul caractère narratif et descriptif de l’ouvrage sortent visiblement deux traits de la physionomie intellectuelle de Descartes : au lieu d’une exposition théorique de sa méthode, il nous en décrit la formation dans son esprit, et présente ses idées comme autant d’actes successifs de son intelligence, de façon à nous donner en même temps qu’une connaissance abstraite la sensation d’une énergie qui se déploie ; le tempérament actif des hommes de ce temps est devenu chez Descartes une puissance créatrice d’idées et de « chaînes » d’idées. […] Il ne pouvait sortir du cartésianisme qu’une irréligion rationnelle. Mais cet effet ne sortit pas tout de suite. […] Seulement il ne pouvait sortir du pur rationalisme qu’une littérature scientifique, une sorte de positivisme littéraire, sans caractère esthétique, réduisant l’expression à la notation pour ainsi dire algébrique de l’idée : ni poésie, ni éloquence, ni forme d’art ; un langage sec, abstrait, logique.

248. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Il n’est pas indifférent pour une poésie de prendre ainsi son point de départ, sa source classique en haut lieu, et, par exemple, de descendre de Dante plutôt que de sortir péniblement d’un Malherbe. […] Cet hommage rendu à ce qu’il suffit d’apercevoir et de reconnaître, nous ne sortirions plus de nos horizons, et l’œil s’y complairait en mille spectacles agréables où augustes, s’y réjouirait en mille rencontres variées et pleines de surprise, mais dont la confusion apparente ne serait jamais sans accord et sans harmonie. […] La Fontaine s’y oublierait, et, désormais moins volage, n’en sortirait plus. […] En général, les nations diverses y auraient chacune un coin réservé, mais les auteurs se plairaient à en sortir, et ils iraient en se promenant reconnaître, là où l’on s’y attendrait le moins, des frères ou des maîtres. […] On n’a plus le temps d’essayer ni l’envie de sortir à la découverte.

249. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Elle y était entrée avant d’avoir quatorze ans, elle en sortit le jour où elle en avait dix-sept. […] Nous méprisions toutes les vexations, mais ce dernier degré de grossièreté faisait toujours rougir ma tante et moi. » Le plus cruel moment pour elle fut celui où, après la mort de son père, après la disparition de sa mère, de sa tante, ignorant le sort définitif de ces deux têtes si chères, dans les semaines qui précédaient le 9 Thermidor, elle entendait de loin son frère, déjà en proie aux corrupteurs, et à qui le cordonnier Simon faisait chanter des chansons atroces : Pour moi, dit-elle, je ne demandais que le simple nécessaire ; souvent on me le refusait avec dureté. […] On lui marqua pour la première fois des égards et le désir d’adoucir son sort. […] On lui fit des romances sentimentales qu’on lui chantait de loin, et dont le refrain l’avertissait que des amis veillaient désormais sur son sort. […] Elle était aumônière à un degré qu’on ne sait pas, et qu’il est difficile d’approfondir ; ceux qui étaient le plus au fait de ses charités et de ses œuvres en découvrent chaque jour qui sortent de dessous terre, et qu’on n’avait pas connues.

250. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

* * * Cependant, sur le tard, la quarantaine passée, comme si tout ce que d’épars ils avaient produit n’eût été que pour se faire prendre patience à eux-mêmes, tant ils sentaient le mal de leurs poésies sans lien en même temps qu’ils n’acceptaient de sortir du malaise Baudelairien par aussi quelque facile acceptation du néant : esprits très rares, MM.  […] Seulement, comme étrange fut l’air de croire inventer cela : car de toute éternité de la matière en devenir le Symbole étant virtuel en la Nature et attendant qui l’en tirera, depuis qu’existent geste et langage n’en sort-il pas peu à peu ? […] » quand a été proclamée sur ce siècle l’éternelle loi de l’Évolution des êtres, du Transformisme révélateur d’où une Philosophie enfin rationnelle était à faire surgir… Et ils continuèrent à mesurer sur leurs doigts des lignes plus ou moins longues d’écriture, sous prétexte de Rythmes et de musique verbale : quand sortait de ses certaines expériences sur les Harmoniques, Helmotz — montrant, en synthèse, qu’aux voyelles et aux instruments de musique sont et sont mêmes ces harmoniques, et donnant à en tirer la loi d’une musique verbale…   Contre tous ces poètes (exceptés sont ces génies instinctifs dont il est dit qu’ils firent, à des époques d’instinct et de non-savoir, leur devoir), contre ! […] Mais si elliptiquement elle meut : éternellement et infiniment elle sort par l’ellipse de la fatalité du cercle, elle évolue avec progrès — elle va vers l’affranchissement éternel et infini de la ligne droite, l’ellipse s’allongeant sans cesse vers celle-ci. […]   Et terminons en remarquant que par cette Philosophie évolutive, close en disparaissant est la vieille et prolixe et puérile querelle du Matérialisme et de l’Idéalisme : car elle les unit, en ce que ce dernier sort éternellement de l’autre.

251. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Au milieu de tant de vicissitudes, l’esprit humain marche toujours ; car il faut qu’il marche même pour franchir des déserts, même pour sortir des lieux et des temps que l’ignorance ou la tyrannie changent en vastes solitudes. […] Ne sortons point de ce qui fait la matière de ce chapitre ; et, après les considérations générales auxquelles nous venons de nous livrer, entrons dans quelques développements et quelques remarques de détail : ne mettons pas trop de soin à faire des applications particulières ; elles se montreront d’elles-mêmes par la suite. […] Une voix mélodieuse semble sortir continuellement de tous ces débris, et donner le prestige d’une existence nouvelle à tant de créations du génie. […] Le roi d’une petite contrée aride sort un jour de l’enceinte des montagnes stériles où est assis l’étroit domaine que déjà son père voulut agrandir. […] De chaque chose, de chaque état de choses, il sort une révélation.

252. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Veut-elle renaître comme le papillon qui sort de la chrysalide ? […] je m’étonne bien plus qu’elle ait pu en sortir. […] Ne voyez-vous pas la ruine de la société sortir de cet élan impétueux de la femme vers le bonheur ! […] Ce qui est certain, c’est que la connaissance que nous avons déjà de notre état est un grand pas pour en sortir. […] Et nous aussi, comme l’Adam de la Genèse, qui n’est que le type de l’Humanité, nous sommes sortis de la demeure que le Christianisme nous avait faite, et nous en sommes sortis en portant la main sur l’arbre de la science.

253. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Greuze  » pp. 157-158

Ce Berger qui tient un chardon à la main et qui tente le sort pour savoir s’il est aimé de sa bergère, ne signifie pas grand chose. […] J’aime assez dans un tableau un personnage qui parle au spectateur sans sortir du sujet.

254. (1925) Dissociations

Est-ce le juge qui a raison, est-ce nous qui ne savons pas sortir de notre naïveté ? […] Cette bête, donc, passa sous la roue d’une automobile et en sortit absolument aplatie, mais non morte. […] De quelle école sortait Du Guesclin et de quelle école sortait Jean-Bart ? De quelle école sortirent les architectes de nos cathédrales, que tout l’effort d’un architecte de maintenant serait de copier ? […] En attendant le modeste galon, il se déclare très content de son sort.

255. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Voilà un nœud qui met Honorius, Stilicon et Euchérius dans une situation très embarrassante ; et il est très difficile d’imaginer comment ils en sortiront. […] Il est obligé de sortir ; et elle écoute tranquillement les plaintes de son amant qui lui reproche ce qu’elle vient de faire pour lui prouver à quel point elle l’aime. […] Il paraît triste et sombre ; il ne sait s’il doit lui apprendre ou lui cacher son sort. […] La seconde est celle que nous ressentons lorsque, par réflexion, nous craignons pour nous-mêmes le sort d’un autre. […] La troisième manière de faire sortir le comique, est de faire contraster le décent avec le ridicule.

256. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Il a peut-être à se plaindre du sort, d’être venu ainsi un peu trop tôt et de n’avoir pas formé son talent selon une seule et même veine. […] Que l’oubli du passé me vienne à côté d’elle ; Que, rentré dans la paix, je craigne d’en sortir… Que cet amour surtout, bien que noble et fidèle. […] Ce négligent et tendre poëte d’élégies, jeté dans la retraite des champs, lut l’Évangile, les Pères du désert, le théosophe Saint-Martin, le Paroissien, et, de cette semence bien distribuée de lectures, sortit chez lui une dernière et meilleure moisson. […] Mais peu importe ; il suffit que le mal ne puisse sortir de sa confession, et qu’il y ait presque à toute page d’admirables instincts et élancements de pur amour. […] Ta carrière n’est point remplie ; Mon sort est toujours dans tes yeux : Attends, et que le Ciel t’oublie Quelque temps encor dans ces lieux !

257. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Quelque part, à bon droit, qu’on fasse à la vocation singulière et déclarée des talents, ce n’est pas sans une certaine préparation générale et une certaine prédisposition du terroir natal lui-même, qu’à titre d’écrivains français si éminents, on a pu voir sortir de Genève Jean-Jacques, Benjamin Constant de Lausanne, et les de Maistre de Savoie, ceux-ci surtout, qui n’en sont sortis que pour aller vivre tout autre part qu’en France. […] Il n’en fut pas aussi satisfait que moi : la douleur aride et quelquefois rebelle du Lépreux lui paraissait, me dit-il, comme une autre lèpre qui desséchait son âme ; cet infortuné (ajoutait-il), révolté contre le sort, n’offrait guère à l’esprit que l’idée de la souffrance physique, et ne pouvait exciter que l’espèce de pitié vulgaire qui s’attache aux infirmités humaines. […] Léger enfant de la prairie, Sors de ma lugubre prison ; Tu n’existes qu’une saison, Hâte-toi d’employer la vie. […] En parcourant les ouvrages à la mode, il s’est effrayé d’abord, il s’est demandé si notre langue n’avait pas changé durant ce long espace de temps qu’il avait vécu à l’étranger : « Pourtant ce qui me tranquillise un peu, ajoutait-il, c’est que, si l’on écrit tout autrement, la plupart des personnes que je rencontre parlent encore la même langue que moi. » En assistant à quelques séances de nos Chambres, il s’est trouvé bien dérouté de tant de paroles ; au sortir du silence des villas et du calme des monarchies absolues, il comprenait peu l’utilité de tout ce bruit, et l’on aurait eu peine, je l’avoue, à la lui démontrer pour le moment. […] Ainsi, par exemple, quand il nettoie machinalement le portrait, et que son âme, durant ce temps, s’envole au soleil, tout d’un coup elle en est rappelée par la vue de ces cheveux blonds : « Mon âme, depuis le soleil où elle s’était transportée, sentit un léger frémissement de plaisir ;… » en imposer pour imposer ; sortir de sa poche un paquet de papier… Mais c’est assez : je tombais l’autre jour sur une épigramme du spirituel poëte épicurien Lainez, compatriote du gai Froissart et contemporain de Chapelle, qu’il égalait au moins en saillies ; il se réveille un matin en se disant : Je sens que je deviens puriste ; Je plante au cordeau chaque mot ; Je suis les Dangeaux à la piste ; Je pourrais bien n’être qu’un sot.

258. (1890) L’avenir de la science « II »

Dans le beau mythe par lequel s’ouvre le livre des Hébreux, c’est le génie du mal qui pousse l’homme à sortir de son innocente ignorance, pour devenir semblable à Dieu par la science distincte et antithétique du bien et du mal. […] Il semble naturel de croire que la grâce vient d’en haut ; ce n’est que bien tard qu’on arrive à découvrir qu’elle sort du fond de la conscience. Le vulgaire aussi se figure que la rosée tombe du ciel et croit à peine le savant qui l’assure qu’elle sort des plantes. […] En poésie, il substitua la composition artificielle à l’inspiration intime, qui sort du fond de la conscience, sans aucune arrière-pensée de composition littéraire. […] Voilà un fait dont la cause n’est nullement ignorée, mais qui peut néanmoins s’appeler hasard ou part irrationnelle de l’histoire, parce que la direction d’un boulet à quelques centimètres près n’est pas un fait proportionné aux immenses conséquences qui en sortirent.

259. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Elle a tenté, pour sortir de l’enfer, un effort suprême ; l’époux invoqué l’y replonge, elle s’y renfonce, avec l’effrayant parti pris de la damnation. […] A un signal, Cantagnac se dresse contre la fenêtre, comme un diable d’opéra qui sortirait d’une trappe, au milieu de flammes du Bengale. […] Il allait accompagner, au chemin de fer, son ami Daniel partant pour l’exode ; il ne sort pas moins, après avoir appris tout cela, persuadé que le Dieu dont il est le prophète le fera revenir à temps. […] Elle l’a filé depuis le matin ; elle l’a vu de loin, sortir d’une maison de Rueil, avec un enfant. […] Au moyen âge, elle l’aurait accusé de lui avoir jeté un sort.

260. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

S’il prend un jour conscience de son état, de sa misère physique et mentale, et s’il possède encore, au tréfonds de son être, l’étincelle d’énergie suffisante pour l’en faire sortir, c’est à un véritable retour à la santé que nous assistons, a une lente ascension vers l’humanité, dont l’être misérable était déchu. […] Sa conscience s’éclaire : « La simple honnêteté ne lui commandait-elle pas de sortir d’une Église, où il niait que Dieu pût se trouver ?  […] Les causeries d’un vieux docteur sagace, un séjour à Paris achèvent le sourd travail qui s’opérait depuis des années au fond de son être douloureux : et après une nuit de méditation suprême, l’homme enfin, transfiguré, sort victorieux du prêtre […] C’est pour dessiller tes yeux que nous t’adjurons de prendre conscience de toi-même, avant de t’engager dans la voie pleine d’embûches dont tu sortiras méconnaissable. […] Tant qu’il y aura des voix sur la terre pour nous affirmer que le bonheur, pour l’humanité, consiste à vivre hors nature, à violer toutes les lois par lesquelles nous marchons et nous respirons, à honorer l’absurde et fouler aux pieds la raison, et que ces voix seront écoutées, l’humanité ne pourra évidemment prétendre à un sort meilleur.

261. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

» Il accepte désormais son sort des mains de sa femme. […] Des sons confus sortirent comme d’une bouche d’enfant. […] Et les gens qui auraient dû vous aider à lutter contre le sort… Ah bien oui ! […] Sa femme ne l’y suivit pas ; elle avait séparé son sort du sien. […] Croyez-vous donc que le christianisme est sorti des Évangiles ?

262. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « AUGUSTE BARBIER, Il Pianto, poëme, 2e édition » pp. 235-242

L’ancien art catholique, et l’art plus varié des écoles qui se succèdent ; la religion, aujourd’hui sans vie, réduite à des formes encore augustes dans leur inanité ; l’arène de l’antique politique foulée çà et là par quelque vieux prélat, quelque moine sale, par des pâtres velus ou des mendiants en guenilles ; la liberté qui peut toutefois sortir jusque des filets du pêcheur napolitain ; ce que retrouverait alors d’enchantement et de génie cette belle captive ressuscitée : voilà donc les idées vraiment grandes qui ont tour à tour passé de l’âme du poëte dans ses chants. […] La versification proprement dite n’est pas toujours assez strictement observée ; les images en foule sortent d’elles-mêmes à tous les points d’un si riche sujet, et décorent comme en se hâtant une pensée vive, continuelle, qui s’échappe au travers et que rien n’empêche. […] Mais en le lisant, en s’étonnant bien un peu de cette veine énergique, à outrance, de ces rimes débraillées, toutes rutilantes d’un beau cynisme, qui sortent violemment de la gamme du classique et qui éclatent à la face du lecteur comme un honnête et vertueux engueulement, on s’est aperçu pourtant qu’il avait lancé à la rencontre une de ses plus rudes apostrophes et invectives au Corse à cheveux plats : Je n’ai jamais chargé qu’un homme de ma haine, Sois maudit, ô Napoléon !

263. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres mises en ordre par M. J. Sabbatier. (Tome II, 1844.) » pp. 144-153

Une fois entré sous le patronage des hommes distingués qui l’adoptèrent, l’idée ne lui vient jamais d’en sortir, de s’en détacher ; il ne se dit pas que leur ombre, un moment tutélaire, lui est funeste en se prolongeant, que, s’il n’y prend garde, toutes ces belles fleurs et ces palmes du lauréat ne produiront jamais leur fruit : Nunc altæ frondes et rami matris opacant, Crescentique adimunt fœtus uruntque ferentem53. […] C’était 1811 pour Victorin Fabre, il n’en sortait pas. […] Lorsque Victorin fut mort, Auguste, atteint du coup, se renferma dans l’appartement de son frère, laissa croître sa barbe, ne sortit plus, ne permit plus qu’on enlevât la poussière des papiers et des meubles, désormais consacrés à ses yeux ; il mourut tout entier à ce deuil, et constatant sa pensée fixe dans un testament dont un récent procès est venu révéler les dispositions singulières.

264. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre IX. L’avenir de la Physique mathématique. »

Certes, nous avons beaucoup à faire sans sortir du domaine où on peut les appliquer en toute sûreté ; nous avons de quoi employer notre activité pendant cette période de doutes. […] Eh bien, alors, s’ils ont fait de leur mieux pour nous mettre dans l’embarras, il convient aussi qu’ils nous aident à en sortir. […] Je me hâte de dire, pour terminer, que nous n’en sommes pas là et que rien ne prouve encore qu’ils ne sortiront pas de la lutte victorieux et intacts3.

265. (1887) Discours et conférences « Discours lors de la distribution des prix du lycée Louis-le-Grand »

Est-ce là une raison pour vous envisager comme moins favorisés par le sort que ceux qui vous ont précédés ? […] Non ; elle est très courte ; mais à cela près, je vous l’assure, il est bon d’avoir vécu, et le premier devoir de l’homme envers l’infini d’où il sort, c’est la reconnaissance. […] Ne blasphémez jamais la bonté infinie d’où émane votre être, et, dans l’ordre plus spécial des faveurs individuelles, bénissez le sort heureux qui vous a donné une patrie bienfaisante, des maîtres dévoués, des parents excellents, des conditions de développement où vous n’avez plus à lutter contre l’antique barbarie.

266. (1879) Balzac, sa méthode de travail

Les hommes de talent mesuré, dont la phrase sort de premier jet du cerveau, calme et équilibrée, ne connaissent point ces tensions fiévreuses, ces bonheurs, ces promenades d’idées ou de forme qui faisaient sortir Jean-Jacques Rousseau de sa mansarde pour courir après le porteur d’un billet de dix lignes dans lesquelles l’auteur des Confessions croyait avoir employé un mot impropre. […] Balzac, ayant pour ainsi dire violé la forme qui lui résistait, sortait heureux de tels combats.

267. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Deuxième cours des études d’une Université » pp. 489-494

Le premier cours est élémentaire, celui-ci ne l’est pas ; on sort des classes de l’un, écolier ; des classes de l’autre, il serait à souhaiter qu’on en sortît maître. […] Et nous voilà sortis du second cours de la faculté des arts.

268. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VII. De la physique poétique » pp. 221-230

Ils disaient pour voir distinctement, cernere oculis (d’où l’italien scernere, discerner), mot à mot séparer par les yeux, parce que les yeux sont comme un crible dont les pupilles sont les trous ; de même que du crible sortent les jets de poussière qui vont toucher la terre, ainsi des yeux semblent sortir par les pupilles les jets ou rayons de lumière qui vont frapper les objets que nous voyons distinctement ; c’est le rayon visuel, deviné par les stoïciens, et démontré de nos jours par Descartes. […] Les héros, récemment sortis des géants, étaient au plus haut degré grossiers et farouches, d’un entendement très borné, d’une vaste imagination, agités des passions les plus violentes ; ils étaient nécessairement barbares, orgueilleux, difficiles, obstinés dans leurs résolutions, et en même temps très mobiles, selon les nouveaux objets qui se présentaient.

269. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Zola, vient de sortir d’un bond de l’école. […] lui dira le danger de ces liaisons que l’on croit devoir durer huit jours ; on n’en sort plus, ou si l’on en sort, à quel prix ! […] — Il doit faire bon dehors… Viens, sortons d’ici. […] Elle s’avançait déjà vers la porte pour sortir. […] Jamais un mot de raillerie sur les choses religieuses n’est sorti de mes lèvres.

270. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Sorti du plus profond des parcs arborescents,  Le Printemps est déjà dans l’air comme un encens. […] Chapelain, le futur auteur de la Pucelle : cinglante ironie du sort, qui n’en fait jamais d’autres. […] Quelles luttes pour sortir d’une atmosphère irrespirable à leurs poumons ! […] Ne sort pas de soi-même qui veut ! Et sortir de soi-même, c’est la condition première de tout art objectif.

271. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

. — Comment la faculté de se dédoubler, de sortir de soi, qui caractérise le génie, peut aboutir à la folie. […] Ce qui constitue le fond même du génie créateur, cette faculté de sortir de soi, de se dédoubler, de se dépersonnaliser, manifestation la plus haute de la sociabilité, est aussi ce qui fait le danger du génie. […] Le génie, à force de faire sortir l’homme de lui-même pour le faire entrer dans autrui, peut faire que l’artiste se perde un jour lui-même, voie s’effacer la marque distinctive de son moi, se troubler l’équilibre qui constituait sa personnalité saine. […] Il n’est donc pas facile de conclure d’une œuvre donnée à la société au milieu de laquelle elle s’est produite, si on veut sortir des généralités et des banalités. […] Le génie est donc, en définitive, une puissance extraordinaire de sociabilité et de sympathie qui tend à la création de sociétés nouvelles ou à la modification des sociétés préexistantes : sorti de tel ou tel milieu, il est un créateur de milieux nouveaux ou un modificateur des milieux anciens.

272. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Restout le fils » pp. 284-285

Le corps d’Anacréon est bien modelé, le bras qui tient la coupe fin de touche, quoique défectueux de dessin ; les étoffes étendues sur ses genoux sont belles ; la jambe droite qui porte le pied en avant sort du tableau. […] Mais je persiste, l’Anacréon est un charretier ivre, tel qu’on en voit sortir sur les six heures du soir des tavernes du faubourg st Marceau.

273. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Il est sorti d’un cerveau viril fécondé par l’idée et non par la présence de la femme. […] tu sors intacte de ces métamorphoses sacrilèges. […] … Au parfum qu’il exhale, on dirait qu’il sort de son panier de figues et de fleurs. […] Un cri sortit de la multitude : « Ne le pleurez point, adorez-le. […] Le sort redouté par le roi tombait sur la reine.

274. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Dans le présent recueil notre poésie reprend son cours naturel historique, trop souvent brisé ; car elle a eu sa perte du Rhône ; elle l’a eue, par malheur, plus d’une fois et sans jamais en sortir tout entière. […] Mais l’excuse est dans les dates mêmes : comment, de 1825 à 1830, les poètes, même les plus doués de seconde vue, auraient-ils pu savoir et lire couramment ce que les érudits alors déchiffraient, épelaient à peine, et qui ne devait sortir que quelques années plus tard de la poussière des bibliothèques ? […] En lisant les vers de Marot, on a pour la première fois, ce me semble, le sentiment bien vif et bien net qu’on est sorti des amphigouris de la vieille langue, si mal employée par les derniers rimeurs, qu’on est sorti des broussailles gauloises ; nous sommes en France, en terre et en langue françaises, et en plein esprit français, non plus rustique, non plus écolier, non plus bourgeois, mais de Cour et de bonne compagnie. […] Malgré l’épuration sensible qui s’était faite dans la poésie française depuis Marot, et l’aisance aimable qu’il y avait introduite, on n’était point encore sorti de la fausse voie qui avait ramené notre langue à une sorte d’enfance, à une puérilité laborieuse. […] Il l’est dans tout ce qui vient de source et qui sort involontairement de sa plume, pièces légères, satires, boutades, débuts de chants, vers saillants nés proverbes, qui lui échappent en tout sujet, et qui courent le monde.

275. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

La petite, qui remontait les yeux à terre, sans défiance, ne les ayant ni vus ni entendus, rougit tout à coup jusqu’au blanc des yeux, en se voyant toute nue et toute mouillée devant des étrangers ; elle se sauva, comme un faon surpris, dans la cabane, et rien ne put l’en faire sortir, bien qu’elle se fût habillée derrière la porte. […] Il semblait qu’une joie sortait du ciel, de l’eau, de l’arbre, de la terre, avec les rayons, et disait, dans le cœur, aux oiseaux, aux animaux, aux jeunes gens et aux jeunes filles : « Enivrez-vous, voilà la coupe de la vie toute pleine. » Dans ces moments-là, monsieur, on se sentait, de mon temps, soulevé pour ainsi dire de terre, comme par un ressort élastique sous les pieds. […] — Pourvu qu’ils nous laissent le chien de mon père pour me remplacer auprès de lui quand il sort en tâtant le terrain avec son bâton autour de la maison, je suis content ! […] XCI Dès qu’il fit jour, nous sortîmes tous ensemble, y compris les bêtes et le chien ; nous allâmes reconnaître de l’œil, aux beaux premiers rayons du soleil d’été rasant les montagnes, dont il semblait balayer les longues ombres et sécher la rosée, le dommage que la journée de la veille nous avait fait. […] Fior d’Aliza, toutes les fois qu’elle sortait pour mener les chèvres à la feuille, l’appelait pour l’accompagner ; avec lui, elle n’avait plus peur.

276. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

D’un poète si singulier, il ne pouvait manquer de sortir du nouveau. Il devait sortir un Catilina en sept actes, où l’on eût vu en action la scène du serment et la coupe de sang humain promenée à la ronde. […] Il devait sortir une tragédie romanesque, Cléomède, dont chaque acte se terminait par une catastrophe. […] Le péril qui s’accroît, le dénoûment qui s’approche, n’en font sortir aucun accent inattendu. […] Je retiens en vain un mot qui veut sortir ; les tragédies de Voltaire semblent toutes des ouvrages de jeunesse.

277. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VIII. La crise actuelle de la Physique mathématique. »

Ainsi voici quel serait le type du phénomène physique irréversible : cacher un grain d’orge dans un tas de blé, c’est facile ; l’y retrouver ensuite et l’en faire sortir, c’est pratiquement impossible. […] De tous ces résultats, s’ils se confirmaient, sortirait une mécanique entièrement nouvelle qui serait surtout caractérisée par ce fait qu’aucune vitesse ne pourrait dépasser celle de la lumière2 pas plus qu’aucune température ne peut tomber au-dessous du zéro absolu. […] C’était déjà là une entorse aux principes ; ces radiations, c’était en effet de l’énergie, et de ce même morceau de radium, il en sortait et il en sortait toujours.

278. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Du milieu de ces idées si étrangères au génie de La Fontaine, il sort pourtant des traits qui le caractérisent, tel que ce plaisant hémistiche : Jamais un roi ne ment. […] Ce second vers paraît froid après le premier ; mais La Fontaine l’ajoute à dessein, pour rentrer un peu dans son caractère de bonhommie, dont il vient de sortir un moment par un vers si satirique contre l’espèce humaine. […] Les six vers dans lesquels La Fontaine exprime la moralité de cet Apologue, ont le défaut de ne pas sortir de l’exemple de Mouflar. […] Le premier pauvre sortit de la mosquée, en rendant grâce aux dieux. » Fable XIV.

279. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

Je suis sorti d’un bain que j’avais déjà pris. […] Né depuis moins de temps et sorti fraîchement des mains de Dieu, il semble radieusement imprégné des baisers que Dieu lui donnait encore, ce matin… Il semble qu’il y ait sur les roses de son front un reflet des portes du ciel, et de la première aurore de la création… Eh bien ! […] Et qui la forçait en effet à sortir d’un silence de plus de trente années pour venir toucher à cette retentissante mémoire, si elle n’avait pas à ajouter quelque grand accord à cet immense retentissement ? […] Sorti d’un silence, ce livre est rentré dans le silence.

280. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Buloz »

Faut-il invoquer le témoignage de ceux qui sont sortis de sa Revue sans esprit de retour, ou de ceux qui en sont sortis pour y rentrer, sous l’empire de je ne sais quelle terreur ; car Buloz exerce sur quelques-uns de ses écrivains un véritable terrorisme. […] Ils se rappellent le sort de Balzac, brouillé avec Buloz et attaqué par lui, non de son vivant, mais dès qu’il a été mort, par la main d’un avocat général que Buloz, toujours heureux, avait déterré pour cette besogne ! […] Émile Montégut, qui lui succéda dans la critique, après être bruyamment sorti de la Revue y est rentré silencieusement et sur la pointe du pied.

281. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

En France, à part ceux-là, malheureusement nombreux, qui entrent au séminaire comme dans le réfectoire de toute leur vie, les vocations, si elles ne sont pas surnaturelles, s’égarent et flottent avant de se préciser, tandis qu’en Italie une forte éducation ecclésiastique vous prend dans son étau et ne vous lâche plus… Joachim Pecci sortit des Jésuites pour entrer à l’Académie des Nobles ecclésiastiques, et Grégoire, alors régnant, l’y distingua. […] C’est, en effet, après ces trente-deux ans d’épiscopat dans un pays pacifié par lui et qui l’avait demandé spontanément pour évêque, se souvenant de l’autorité virile qu’il y avait exercée comme délégat, qu’il en est sorti un jour, mûr pour la papauté et Pape ! […] Mais il n’en est pas moins certain que, dans les temps antérieurs, rien ne s’est produit de comparable à la situation présente de l’Église, depuis que le monde est sorti de ses entrailles, — car il en est sorti comme l’enfant du sein de sa mère, — et jamais ce monde ingrat qui veut la tuer n’a été plus près du parricide.

282. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’architecture nouvelle »

De cette erreur est sorti le jugement qui reconnaissait comme beaux un nombre très restreint d’objets, et comme laids tous les autres. […] Sa face ridée réapparaîtra brillante de jeunesse et de vie, et de sa bouche ne sortiront ni malédictions ni cris de douleur, mais des hymnes et des cris de joie. […] 39 Ce qui fait la grandeur de l’artiste, c’est d’avoir coordonné les éléments épars, de les avoir refondus dans son cerveau, d’où ils sont sortis puissamment marqués du caractère propre qui les fait concourir à la beauté de l’ensemble. […] Les motifs de ses vitraux, de ses étoffes, de ses objets d’art, de ses meubles, de tel lustre électrique, de tel départ de lampe, de telle décoration murale, sont entièrement conçus par lui, sortent exclusivement de sa pensée, en dehors de toute interprétation de la nature.

283. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Léopold Robert, le plus italien de nos peintres, est sorti de Neufchâtel. […] Quelques années après encore, vers l’âge de douze ans, sorti de la ville au hasard, sous l’impression d’un chagrin violent et un peu burlesque, d’un précoce dépit amoureux, il se retrouve le soir, seul, dans le même endroit de mystère. […] Une lettre à demi ployée sort de sa poche ; Charles l’a remarquée ; une lettre ! […] Éloquent et miséricordieux sermon durant lequel Louise, avant la fin, est obligée de sortir, qui fait fondre en pleurs tout l’auditoire, et amollit le chantre lui-même et sa dure nature ! […] Ce sauvage Cyclope dont parle Jean-Paul, et qui habite toujours au fond du cœur de l’homme, est sorti brusquement de son antre, et il a tout ravagé… fontibus aprum.

284. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Allegrain » p. 322

Comme la main sort bien du poignet ! […] Comme on avait une assez mince opinion du savoir faire de l’artiste, on ne lui laissa pas le choix du bloc, et le ciseau d’où le chef-d’œuvre devait sortir fut employé sur un marbre taché.

285. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Nul doute que si, au lieu de courir les mers de l’Inde, il s’était trouvé en France dans ces années brûlantes et fécondes où les géants se levèrent, sortirent des sillons, et où la Révolution enfanta ses hommes, il n’eût été l’un d’eux et n’eût fait grandement son chemin, s’il n’avait péri. […] Il est plein, chemin faisant, de citations littéraires admirables et qui sortent d’un fonds riche où toute doctrine s’est accumulée. […] Comment de ce mélange si confus, de ce broiement en tous sens, de cet amalgame d’apparence si incohérente, était-il sorti en ces divers lieux, et avec des différences tranchées, des produits congénères pourtant et marqués de certains traits de commune ressemblance ? […] Ils enterrent tant qu’ils peuvent leur mérite, et quand, à la fin, par la force des choses, il sort de terre, ils n’y mettent aucune enseigne et jamais une lanterne, ni un bec de gaz à côté, ni le moindre transparent. […] Elle sortit quand les troupes de la Convention investirent la ville et, retournant dans son pays, elle décida des paysans et des ouvriers à s’armer : dans son héroïsme filial, elle les conduisit elle-même au camp de Dubois-Crancé.

286. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Leur moindre geste, un air de tête boudeur, ou mutin, un bras mignon qui sort de son nid de dentelles, une taille ployante qui se penche à demi sur le métier à broder, le froufrou preste d’un éventail qui s’ouvre, tout ici est un régal pour les yeux et pour l’esprit. […] Un jour, au moment de sortir pour la promenade avec un gentilhomme, Mme de R… remarque que les franges d’or de son habit seraient excellentes à parfiler, et, d’un élan soudain, elle coupe une des franges. […] Se divertir, c’est se détourner de soi, s’en déprendre, en sortir ; et, pour en bien sortir, il faut se transporter dans autrui, se mettre à la place d’un autre, prendre son masque, jouer son rôle. […] Bref, de même qu’à Venise on ne sortait plus qu’en masque, de même ici l’on ne comprenait plus la vie qu’avec les travestissements, les métamorphoses, les exhibitions et les succès de l’histrion. […] Un mois après l’arrêt du Parlement contre les jésuites, paraissent de petits jésuites en cire ayant pour base un escargot. « À l’aide d’une ficelle on fait sortir et rentrer le jésuite dans la coquille.

287. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Adeline, Éléonore, Lilian, la Reine de Mai, étaient des personnages de keepsake, sortis de la main d’un amoureux et d’un artiste. […] Il est doux de sortir de notre civilisation savante, de remonter vers l’âge et les mœurs primitives, d’écouter le paisible discours qui coule abondamment et lentement comme un fleuve sur une pente unie. […] Il y a dans l’herbe de grands bœufs couchés, des moutons aussi blancs que s’ils sortaient du lavoir, toutes sortes de bestiaux heureux et modèles, capables de réjouir l’œil d’un amateur et d’un maître. […] Nous sortons à minuit de ce théâtre où il écoutait la Malibran, et nous entrons dans cette lugubre rue des Moulins où, sur un lit payé, son Rolla est venu dormir et mourir. […] c’est de cet ignoble lieu qu’est sorti le plus passionné des poèmes !

288. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Souvent dans des endroits écartés, lorsque je me flattais d’être seul, je la voyais sortir du tronc d’un arbre, du bassin d’une fontaine, du creux d’un rocher, d’un nuage, je ne sais où. […] De petits vents frais sortis des montagnes voisines, et plusieurs ruisseaux qui y serpentent, tempèrent les ardeurs de la canicule. […] Sors de sa petite maison, et vas agiter les palais des rois !  […] Bientôt les princes sortis de prison étaient rentrés dans leurs villes fortes, avaient levé leurs vassaux et marché contre le tribun. […] La vertu, la beauté, la politesse, sortiront de ce monde avec Laure.

289. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

De là sort tout le discours qui répond à la question de l’Académie de Dijon. […] Toute sa doctrine sort de la constitution particulière de son moi, et des conditions où ce moi a pris le contact de la société. […] Il n’y a, quoi qu’on en dise, rien de sophistique à faire sortir le socialisme de l’individualisme, et il n’y a aucune contradiction entre le Contrat social et le tempérament de Rousseau. […] Dans une crise douloureuse de sa conscience, Julie se relève de sa faute, purifie son âme, et la crée à nouveau : elle sort de l’église, où on la mène malgré elle, avec une volonté prête à l’effort moral. […] Si la caractéristique du romantisme est d’être lyrique, et si l’essence du lyrisme est l’individualisme, nous voyons du même coup d’où sort le lyrisme de Rousseau, et comment le romantisme y a en quelque sorte sa source.

290. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

« Une douce teinte de saphir oriental, qui se répercutait dans la sérénité d’un air transparent jusqu’au premier cercle, rendit la joie à mes regards, aussitôt que je sortis de l’air mort qui m’avait si longtemps contristé les yeux et le cœur. […] Six vers lui suffisent pour attendrir toute l’Italie sur le sort de la Pia, femme de Nello della Pietra, qui, sur un soupçon de son mari, avait été précipitée du balcon dans les fossés de son château. […] À la fin, au sortir d’une forêt enchantée, peuplée des plus charmantes apparitions féminines, — Béatrice elle-même lui apparaît de l’autre côté d’un ruisseau. […] ” — la glace qui s’était resserrée autour de mon cœur se fit à l’instant eau et souffle, et sortit avec angoisse de mes yeux et de mon sein !  […] « Tel qu’Hippolyte sortit d’Athènes par le crime de sa perfide et impitoyable marâtre, tel il te faudra partir de Florence !

291. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Tout est sorti de là. […] Comme il est écrit qu’avec Bailly on ne sortira des âges d’or qu’à la dernière extrémité, on rencontre ici le moins prévu assurément de tous ces âges fortunés en temps de révolution, celui dans lequel il se donne comme le plus heureux des présidents d’assemblée. […] Mais au moment où les députés se disposaient à sortir de la salle de l’Hôtel de Ville, une acclamation générale déclare La Fayette commandant de la milice parisienne, et, au même instant, une improvisation du même genre proclame M.  […] Au sortir d’un éden, il voyait tout d’un coup l’enfer. […] La mort de l’homme de bien sortirait de notre cadre et nous jetterait dans des tableaux lugubres qui demanderaient de l’étendue et d’énergiques pinceaux.

292. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Chaque flot a sa voix dans cette vaste mer : le souverain de l’Océan se tait seul dans sa grotte. » Prêt à sortir de Rome en 1832, il s’écriait : « J’espère que mon séjour à Rome ne se prolongera pasdésormais longtemps, et l’un des plus beaux jours de ma viesera celui où je sortirai de ce grand tombeau, où l’on netrouve plus que des vers et des ossements. […] Le Lamennais des Paroles d’un Croyant sortit un jour de cette lutte intérieure et de cette poignante agonie ; il brisa soudainement avec son passé. […] Il avait cru d’abord pouvoir se résigner au silence : « Pour moi, disait-il, je suis bien résolu de ne plus rentrer dans la lice ; blessé par ceux pour qui je combattais, j’en sors pour toujours. » Quelques mois étaient à peine écoulés qu’il rentrait dans cette même lice, mais par une tout autre barrière. […] En entrant à mon tour dans la chambre d’où sortait le prélat, en m’asseyant sur la chaise de paille où l’avait fait asseoir M. de Lamennais, je m’aperçus que celui-ci était très-agité ; il ne me laissa pas même commencer : « Mon cher ami, me dit-il sans plus de préambule, il est temps que tout cela finisse ; je vous ai prié de venir.

293. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

» — « Je désire m’occuper de Mme de Staël, répondis-je alors, parce qu’il me semble que je la sens et la comprends autant que personne ; et bien que sorti de terre à un tout autre endroit et d’une tout autre génération qu’elle, un sentiment d’admiration me dit, ainsi qu’à ceux de mon âge, qu’elle nous appartient à tous. » Depuis des années, j’éprouve un regret fréquent à son sujet. […] Et puis cette grande dame française qui leur tombe là comme la foudre, brillante, causante, interrogeante, représentant si bien de sa personne cette nation que William Cowper appelle « la nation ingérante » ou qui aime à se mêler de tout, cela les dérange dans leur travail et les tire de leurs habitudes ; ils ne s’y prêtent d’abord qu’en rechignant ; ils s’en inquiètent, jusqu’à ce qu’ils l’aient connue et qu’ils sortent de son entretien fixés et rassurés. […] Après les persécutions qui marquèrent l’essai de publication de cet ouvrage en 1810, on trouve Mme de Staël légèrement atteinte par les idées religieuses qui ne la quitteront plus, et Schlegel lui-même, qui avait été forcé de se séparer d’elle et de sortir de Coppet, nous apparaît en proie dans l’isolement à une sorte d’exaltation morale et mystique, mais qui ne fut chez lui que passagère. […] Il y a, je vous le dis, une fatalité dans mon sort ; je n’ai pas un hasard pour moi, tout ce que je redoute est ce qui m’arrive. […] M’appliquant, dans ces esquisses, à être aussi complet que possible, du moins par tout ce que j’y rapproche et que j’y rassemble, je veux indiquer encore une lettre écrite à Mme Sophie Gay par le marquis de Custine au sortit d’une soirée passée chez Mme de Staël dans son salon de Paris ; cette lettre est datée du 8 mars 1814, à deux heures du matin.

294. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Que serait-ce encore si l’on revendiquait ces autres savants d’un ordre élevé, ces moralistes implicites et d’autant plus sûrs qu’ils embrassent plus de rapports d’ensemble, ce Buffon qui se rendait d’autant mieux compte de l’homme qu’il était sorti comme naturaliste de la vue circonscrite de l’espèce, et qu’il inaugurait dans son ampleur l’étude, encore si neuve aujourd’hui, de la physiologie comparée en ce qui est des faits de sensibilité et d’intelligence ! […] Mais il en sortit et il surnagea, au milieu de ce flot de passions, j’allais dire de ce fleuve de sang, une plus grande connaissance des garanties, des forces et puissances sociales, et une idée, malgré tout persistante, d’espérance et de progrès pour l’espèce. […] Les meilleurs moralistes sortis de ces temps révolutionnaires ont été des serviteurs de la France, profitant de leur expérience pour l’appliquer avec une modération constante et un bon sens varié aux diverses situations, tels que nous avons vu par exemple feu le chancelier Pasquier ; la connaissance des hommes les a menés au maniement des hommes avec mesure et indulgence. […] Mais qu’on n’aille pas dire, à cause de cette inévitable imprévoyance mêlée à tant d’espérances légitimes et depuis justifiées, que le xviiie  siècle, dans son ensemble comme dans son élite, ne reste pas incomparablement supérieur à la seconde moitié du xviie  siècle par les lumières et la connaissance de l’homme vrai, de l’homme moderne en société, de l’homme civil, religieux, politique, tel qu’il sort et se prononce dans les cahiers des États-Généraux, et tel qu’il se retrouve, somme toute, après le naufrage même, au temps du Consulat : ce serait substituer un préjugé littéraire à un fait positif, à une vérité historique incontestable. […] Il fallait donner un heurt violent à la routine pour en sortir.

295. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

La réaction de 1815 peut s’étudier dans deux ordres principaux et parallèles de faits où elle s’est concentrée, déchargée, où elle a fait éruption : à savoir les condamnations capitales avec accompagnement de massacres organisés dans les départements du Midi, et les propositions de la Chambre introuvable, cette Chambre où il ne fut pas même permis de parler de ces massacres comme d’un on dit et par manière d’hypothèse, et de laquelle, pour peu qu’on l’eût laissée faire, toute une contre-révolution sociale allait sortir, au risque de faire éclater et sauter sur place la seconde Restauration dès sa naissance. […] Dès qu’on sort de son immobilité individuelle et qu’on prétend à une action publique en ces heures d’orage, force est bien d’en agir ainsi. […] J’ai présents à la pensée, en parlant comme je le fais, quelques-uns de ces hommes modérés et sages qui étaient alors au timon de l’État, dans le ministère, et qui tentaient honorablement et, comme on dit, contre vent et marée, de tirer la Restauration de ces passes dangereuses, et de faire sortir du principe de la légitimité un gouvernement réparateur. […] Mais d’où sortent-elles donc ces générations nouvelles, qu’un fanatisme abstrait séduirait et qui iraient choisir si mal leurs oracles ? […] Michaud dans un coin, lui parle longuement à l’oreille, et puis sort : il se ravise et rentre un moment après, en lui disant, le doigt sur les lèvres : « Au moins je vous recommande bien le secret, mon cher ami. » — « Soyez tranquille, répondit Michaud, je cacherai ce secret-là dans les Œuvres complètes de Lacretelle. » Il faisait ainsi d’une pierre deux coups et se moquait de deux amis diversement ridicules. — Une autre fois encore, rencontrant M. de Marcellus : « Eh bien, lui dit-il, vous devez être content de la Quotidienne, il y a de l’esprit. » — « Oui, répond le benoit Marcellus en faisant la grimace, mais voyez-vous, mon cher ami, il y a toujours quelque chose de satanique dans l’esprit. » Michaud racontait cela sans avoir l’air d’y toucher et en se moquant. — Puisque j’y suis, j’achève de rassembler les traits qui le peignent.

296. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Ici, c’est tout autre chose ; c’est le jeune homme en feu qui sort de la maison où il a conquis le bonheur ; il a besoin d’éclater, son cœur déborde ; il est dans l’impatience de dire au premier qui l’interrogera : Je suis heureux. […] pas un curieux, pas un ami, personne Qui s’attache à mes pas, me tourmente et s’étonne, Demande d’où me vient ce bonheur, cet habit, Où je vais, d’où je sors, si j’ai perdu l’esprit ? […] D’où sors-tu dans ce nouvel habit ? […] Il n’a pas de ces. mots, de ces traits qui sortent à tout instant du rang, et qui semblent dire avant la fin : Plaudite. […] Il y a des poètes plus ambitieux, plus complets aussi et plus forts que lui assurément ; mais, au sortir des lectures violentes, ma médiocrité même s’accommode mieux de celle de Térence.

297. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Dès qu’on en sort, dès qu’on brigue en ces matières l’assentiment et le suffrage de tous, on court risque d’employer de ces mots qui, comme cela a lieu dans le livre de M.  […] Mais ces projeteurs incomplets et prématurés ne sortirent jamais des préparatifs et ne purent se dégager de la masse des matériaux. […] Quand on ouvre les Évangiles pour les lire sans parti pris, et en ayant passé l’éponge en soi sur toute doctrine préconçue, il en sort, au milieu de mainte obscurité, de mainte contradiction qu’on y rencontre, un souffle, une émanation de vérité morale toute nouvelle ; c’est le langage naïf et sublime de la pitié, de la miséricorde, de la mansuétude, de la justice vivifiée par l’esprit ; l’esprit en tout au-dessus de la lettre ; le cœur et la foi donnant à tout le sens et la vie ; la source du cœur jaillissante et renouvelée ; les prémices, les promesses d’une joie sans fin ; une immense consolation assurée par-delà les misères du présent, et, dès ici-bas, de la douceur jusque dans les larmes. Là où il y a excès dans le précepte et un air de folie, ce délire qui est un délire de tendresse pour les hommes, est un des plus beaux qui soient jamais sortis d’une âme exaltée et compatissante. […] Havet, un écrivain qui sort tous les trois ou quatre ans de sa retraite et de son silence pour nous produire chaque, fois un chef-d’œuvre de critique en son genre, — que ce soit sur la Rhétorique d’Aristote, sur Pascal ou sur Isocrate, — a publié cette fois encore, dans la Revue des Deux Mondes, un essai de premier ordre pour le fond des idées comme pour l’élégance et la fermeté de l’expression ; il y a traité excellemment de cette Vie de Jésus.

298. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Il ne tarda pas à en sortir ; et son père, en le mariant, lui transmit sa charge de maître des eaux et forêts. […] Ce voyage et cette présentation décidèrent du sort de La Fontaine. […] Au sortir du collège, un chanoine de Soissons lui prête des livres pieux, et le voilà au séminaire ; un officier lui lit une ode de Malherbe, et le voilà poëte ; Pintrel et Maucroix lui conseillent l’antiquité, et le voilà qui rêve Quintilien et raffole de Platon en attendant Baruch. […] La Fontaine en fut touché comme d’un exemple à suivre ; sa fragilité et d’autres liaisons qu’il contracta vers cette époque le détournèrent, et ce ne fut que dix ans après, quand la mort de madame de La Sablière lui eut donné un second et solennel avertissement, que cette bonne pensée germa en lui pour n’en plus sortir. […] Au reste, si La Fontaine, dans ces dernières années, a été bien légèrement traité par un grand poëte qui s’est lui-même jugé par là, il a été étudié, approfondi par de savants critiques, et si approfondi même qu’il est sorti d’entre leurs mains comme transformé.

299. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre premier. La contradiction de l’homme » pp. 1-27

C’est d’elle que sort toute notre vie morale, avec ses joies et ses remords. […] On a imaginé qu’un être supérieur, sur notre planète, au lieu de sortir de la famille des singes, aurait pu prolonger, par exemple, la race de l’éléphant ou quelque autre espèce analogue et voisine. […] Cette irréductible originalité, issue, pour une part au moins, de la diversité des influences qui s’exercèrent sur chacun de nous, des conditions qui ont préparé dans l’infini du temps le germe d’où nous devions sortir et qui ont agi sur son développement, cette originalité se traduit partout et constamment en nous. […] C’est le conflit tragique de l’existence, et c’est de lui que sort la morale. […] Si nous devons ne pas devenir alcooliques, ce n’est pas seulement pour notre agrément, mais aussi et surtout pour les maux sociaux qui sortiraient de notre vice.

300. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Il narrait avec une grâce infinie ; toutes ces femmes sortaient charmées ; et l’auditoire grossit enfin à un tel point que, n’y ayant plus de quoi recevoir tout ce qui se présentait, les assemblées furent rompues. […] Il se développa et se forma dans la sphère de l’éloquence proprement dite, et y apporta un excellent jugement ; mais il sortait peu de cet ordre d’idées qui tiennent à la rhétorique. […] On sortait de la langue du xvie  siècle : que cette prose de Rabelais, de Montaigne, de d’Aubigné et de tant d’autres, fût en partie très regrettable et préférable même à celle qu’on essayait de former, ce n’était pas la question, puisque la société n’en voulait plus et prétendait, depuis Malherbe, s’en composer une moderne, plus choisie et toute réformée à son usage. […] Le poète Gombauld y vint sans savoir de quoi il s’agissait ; mais, dès qu’il eut appris qu’on attendait la princesse, il sortit ; car il avait contre elle une rancune de poète, de ce qu’ayant fait des vers où il louait le grand Gustave-Adolphe, père de Christine, elle ne lui avait pas écrit pour le complimenter : Le bonhomme que tu connais, écrit Patru, se fâche de cela tout de bon, quoiqu’il soit vrai qu’elle ait demandé de ses nouvelles plusieurs fois à ses deux voyages de Paris. […] Il y avait là un vieux fonds d’indépendants qui avaient tâté de la Fronde : J’oubliais à te dire, continue Patru, que le bonhomme de Priézac, aussitôt qu’il sut que la reine délibérait si nous serions debout, s’en vint à moi, comme à un grand frondeur, et me dit ce qui se passait ; et, en me demandant ce que j’étais résolu de faire, ajouta que sa résolution était de sortir, si elle voulait, qu’on fût debout devant elle.

301. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Il paraît que le même chanoine qui avait prêté à notre La Fontaine des livres de piété, le voyant peu propre à cette profession, l’aida à en sortir et lui fit épouser une de ses parentes. […] La Fontaine, en s’appliquant à mettre en vers des sujets de fables qui lui étaient fournis par la tradition, ne sort pas d’abord des limites du genre. […] C’est qu’il en est sorti, c’est qu’il se l’est approprié et n’y a vu, à partir d’un certain moment, qu’un prétexte à son génie inventif et à son talent d’observation universelle64. […] Le poète, dans sa préface, reconnaît lui-même qu’il est un peu sorti ici du pur genre d’Ésope, « qu’il a cherché d’autres enrichissements, et étendu davantage les circonstances de ses récits ». […] Sortira-t-il de la lutte amoindri et tant soit peu diminué en définitive, et cette belle poésie première de Lamartine, qui a excité tant d’émotions, fera-t-elle baisser d’un cran la sienne, si naturelle, si précise et si parlante ?

302. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Jouffroy autour du « problème de la destinée humaine. » Elle a perverti sa réponse par une équivoque91 involontaire, et l’a arrêté sur le seuil, dans un préjugé théologique d’où il n’est point sorti. […] Les vers sortaient du cerveau de Delille aussi parfaits et aussi vides que s’ils eussent été frappés par le balancier d’une machine. […] Soutenez la liberté française encore mal assurée et chancelante au milieu des tombeaux et des débris qui nous environnent, par une morale qui l’affermisse à jamais ; et cette forte morale, demandons-la à jamais à cette philosophie généreuse, si honorable pour l’humanité, qui, professant les plus nobles maximes, les trouve dans notre nature, et qui nous appelle à l’honneur par la voix du simple bon sens96. — Sorti du sein des tempêtes, nourri dans le berceau d’une révolution, élevé sous la mâle discipline du génie de la guerre, le dix-neuvième siècle ne peut en vérité contempler son image et retrouver ses instincts dans une philosophie née à l’ombre des délices de Versailles, admirablement faite pour la décrépitude d’une monarchie arbitraire, mais non pour la vie laborieuse d’une jeune liberté environnée de périls97. […] Royer-Collard avaient plu, par transition, au sortir des analyses prudentes de M.  […] Ceux-ci en sortiront-ils ?

303. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Je m’abstiens donc à regret de ces développements dans le passé ; je ne sortirai pas de notre siècle. […] Tel fut le caractère du cabinet directorial ; la fureur révolutionnaire en sortit, la conciliation y rentra. […] Tel fut, au moment suprême, le sort de M. de Talleyrand. […] Que pouvait faire M. de Talleyrand contre le monde et contre le sort ? […] Le roi Louis-Philippe sortit à pied de son palais, et vint recueillir en ce moment son avant-dernier mot.

304. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

L’armée alors joua le tout pour le tout, et accomplit son mouvement d’où sortit un homme. […] Le peu de personnes qui prétendaient vous connaître disaient que vous sortiez d’une de nos villes maritimes du Nord, où vous aviez marqué dans votre éducation très distinguée. […] Il s’habilla promptement, et sortit seul pour aller s’ébattre et rêver sous les ombrages de Meudon. […] Combien doivent leur faute à leur sort rigoureux, Et combien semblent purs qui ne furent qu’heureux ! […] Heureux qui n’en est jamais sorti !

305. (1888) Poètes et romanciers

Méritait-il un autre sort ? […] Lui aussi, il connut ce drame secret d’où l’Âme sort renouvelée. […] Il n’en sort que de mon école. […] Vous n’avez pu sortir de ces entretiens sans que votre âme ait été remuée et fécondée. […] Et il se plaint du sort qui l’amène au dénouement, triomphant, adoré et millionnaire !

306. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

Si un homme a vécu soixante et quelques années, et qu’il soit né écrivain, il y a à admirer sans doute, mais il n’y a pas à s’émerveiller de voir sortir de ses mains un pareil livre. […] Deux garçons de labour, en blouse, sortaient alors avec la charrue attelée. […] Il y a si longtemps que je n’étais sorti que cette petite course n’a fait que me dégourdir les jambes. […] — Oui, mère Orchel, oui, dans une heure. » Et ils sortirent. […] Ils sortirent.

307. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Cependant, si l’on fait réflexion sur deux choses singulières, l’une que les femmes, en Perse, hors celles des pauvres gens, sont recluses et ne sortent que pour affaires, on trouvera que cette ville doit être effectivement des plus peuplées. […] Les montagnes dont il sort sont de roche vive, assez égales et assez unies, entr’ouvertes çà et là par des ventouses ou soupiraux pour donner passage aux vents, comme l’on en voit aux murs des bastions en quelques pays. […] L’audience finie, le roi voulut monter à cheval, et, par malheur pour le premier ministre, il sortit par le grand portail du palais, par où il passe fort rarement, parce qu’il est le plus éloigné du sérail. […] Cette femme eut un sort digne de son métier. […] Le fils aîné fut nommé, et l’ombre du harem couvrit le sort du second fils.

308. (1887) Discours et conférences « Préface »

Le droit des populations à décider de leur sort est la seule solution aux difficultés de l’heure présente que peuvent rêver les sages ; c’est dire qu’elle n’a aucune chance d’être adoptée. […] Une ironie supérieure, celle du sort, a donné successivement de cruels démentis à ces infaillibles d’un jour.

309. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre III. Des Ruines en général. — Qu’il y en a de deux espèces. »

Nous en sortîmes le cœur flétri, et nous nous enfonçâmes dans le faubourg voisin, sans savoir où nous allions. La nuit approchait : comme nous passions entre deux murs, dans une rue déserte, tout à coup le son d’un orgue vint frapper notre oreille, et les paroles du cantique Laudate Dominum, omnes gentes, sortirent du fond d’une église voisine ; c’était alors l’octave du Saint-Sacrement.

310. (1912) L’art de lire « Avant-propos »

De même un épigrammatiste inconnu, du moins de moi, disait, au commencement, je crois, du XIX « siècle : Le sort des hommes est ceci : Beaucoup d’appelés, peu d’élus ; Le sort des livres, le voici : Beaucoup d’épelés, peu de lus.

311. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XII. Lo Ipocrito et Le Tartuffe » pp. 209-224

Et quand il est sorti, Zephiro fait à part lui cette réflexion : « Avec quelle adresse les gens comme Ipocrito savent s’insinuer dans les secrets des femmes !  […] De fait, le sort que le vieillard brave si ridiculement, lui redevient favorable. […] » Bref, tout le monde est content, sauf qu’Ipocrito ne parvient pas à faire sortir de la tête du vieux Liseo la philosophie éphectique dont il l’a « enivré ».

312. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIX » pp. 319-329

Je ne veux pourtant pas en sortir encore ; trop de charmes m’y attachent, et à ma faiblesse, je sens que je ferais des efforts inutiles, on vous a dit vrai, si l’on vous a peint mon directeur comme un homme rigide ; mais vous ne devriez pas vous le figurer ridicule, Il ne défend point les plaisirs innocents ; mais il ne permet pas de traiter d’innocents ceux qui sont criminels. […] Il en résulte que quand on habitait la grande maison de Vaugirard, c’est-à-dire en 1672, au lieu de la prétendue prévention du roi contre madame Scarron, on voit son inclination bien prononcée pour elle, puisqu’il allait la voir secrètement, qu’il en sortait désespéré, non rebuté ; que même madame de Montespan, dont les accès de jalousie sont des accusations d’intrigue entre le roi et madame Scarron, se défiait de ses visites clandestines, et qu’en rentrant chez elle, le roi trouvait à qui parler. […] D’un autre côté, peut-on penser que l’accent de madame Scarron dans l’expression de son chagrin, cet accent qui alla au cœur du roi, ne sortît du cœur de la gouvernante dont la douleur n’était pas toute pour la perte de l’enfant et s’était accrue de la douleur du père ?

313. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 18, reflexions sur les avantages et sur les inconveniens qui resultoient de la déclamation composée des anciens » pp. 309-323

Cette declamation arbitraire auroit mis souvent Roscius hors de mesure. à plus forte raison doit-elle déconcerter quelques-uns de nos comediens qui ne s’étant gueres avisez d’étudier la diversité, les intervalles, et s’il est permis de s’expliquer ainsi, la simpathie des tons, ne sçavent par où sortir de l’embarras où le défaut de concert les jette très-souvent. […] Le bon acteur qui sent l’esprit de ce qu’il chante, presse ou bien rallentit à propos quelques notes, il emprunte de l’une pour prêter à l’autre, il fait sortir de même ou bien il retient sa voix, il appuïe sur certains endroits, enfin il fait plusieurs choses propres à donner plus d’expression et plus d’agrément à son chant qu’un acteur mediocre ne fait pas ou qu’il fait mal à propos. […] Quintilien dit qu’il avoit vu souvent les histrions et les comediens sortir de la scene les larmes aux yeux, lorsqu’ils venoient d’y jouer des scenes interessantes.

314. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

Avant lui le sort de l’univers était comme indécis. […] Enfin, en plaçant le christianisme avec lui sur le trône, il fit la plus grande révolution qu’il y ait jamais eu dans les idées, les lois, les mœurs, l’esprit général des nations, changeant tout ce qui avait gouverné les hommes jusqu’alors, et devant influer, sans le savoir, sur presque tous les événements politiques et sacrés de l’histoire moderne ; tel fut le sort attaché au règne de Constantin. […] Cependant on rencontre quelques beautés de détail et des lueurs d’éloquence ; car dans les siècles qui penchent vers la barbarie, ou qui en sortent, il est encore plus aisé, sans doute, de trouver de l’éloquence que du goût.

315. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

On cherche, on étouffe : le bouton franc ne peut sortir. […] Et il sortit sans dire un mot de plus. […] Une fois sortis de la première enfance, nous courons le long de notre petit rivage dans le même sens que le grand fleuve, et plus vite que lui : nous le devançons. […] Royer-Collard, à qui son neveu n’avait rien dit encore, sortit de son cabinet un peu contrarié et vint trouver M. de Vigny dans l’antichambre ou la salle à manger, pour s’excuser de ne pouvoir le recevoir en ce moment. […] La scène se passe à la Bibliothèque impériale, au bureau des prêts, un mardi ou vendredi, c’est-à-dire l’un des jours où par exception, en vertu d’un article du réglement, les livres ne sortent pas.

316. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre premier, premières origines du théâtre grec »

C’est de son génie qu’est sorti ce monde qui double la vie humaine en la reflétant. […] Prométhée, évanoui dans les nuages du Caucase, remonte sur son rocher et rouvre sa plaie cicatrisée au vautour : Agamemnon sort de son tombeau d’Argos pour se rejeter sous la hache de Clytemnestre : Œdipe remonte de sa sépulture ignorée au soleil des vivants qu’il revoit encore ; il revient remplir de ses lamentations le palais de Thèbes, et mourir, une seconde fois, sur le Cythéron.

317. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XVII. La flûte d’ybilis »

Il reprit sa flûte et sortit de la case malgré la pluie qui continuait à tomber à torrents. […] Le bois manquant tout à coup pour entretenir le feu, il sortit de nouveau pour aller en ramasser.

318. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Nous sortons. […] J’en sors brisé, avec la viduité de tête et la faiblesse d’un homme qui a fait une maladie de quinze jours. […] Il dit qu’ils auraient dû parcourir la ville, et, parlant aux groupes, en faire sortir une résistance. […] On ne peut plus sortir. […] » vous sort soudain.

319. (1898) La cité antique

C’était le moment de l’invoquer ; l’hymne de la prière sortait du cœur de l’homme. […] On considérait que, la perpétuité de cette famille étant ainsi assurée, il pouvait en sortir. […] Il est sorti spontanément et tout formé des antiques principes qui la constituaient. […] Pour eux le sort n’était pas le hasard ; le sort était la révélation de la volonté divine. […] La loi antique ne sortit pas non plus des votes du peuple.

320. (1923) Nouvelles études et autres figures

En tout cas il y grandit, il y vécut, il n’en sortit guère. […] Elle sort d’une fondrière pour retomber dans une fondrière plus affreuse. […] Les deux voyages commencent la nuit au sortir d’un profond sommeil. […] De la première nul ne sort. […] Il était sorti d’Eton en 1808 : il avait alors seize ans.

321. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

De lui, comme d’un tronc plein de vigueur et de sève, sortent les autres branches dépendantes. […] Sont-ce des intrigues : il faut qu’elles ne sortent que les unes des autres, et que rarement le hasard s’y mêle d’une manière trop fortuite et trop brusque. […] sans sortir de la cour, n’a-t-il pas encore ? […] Les caractères accessoires sont ceux qui dérivent des premiers, comme les mots composés sortent des radicaux, ou les nuances, des couleurs primitives. […] Ce que Cléon exprime de malignité, dans ses amères satires, ne part que de son esprit : on hait ce qui sort de sa bouche.

322. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Sarah Bernhardt » pp. 14-18

À triompher dans les rôles de Phèdre et d’Andromaque, elle nous fera aimer Racine qu’elle a sorti de l’exil où l’avait confiné l’anathème romantique et sèmera ainsi les germes d’une future renaissance classique. […] Le Florentin éphèbe a des faiblesses fortes, Le Sphinx du Danemark meurt sous un sort félon ; Un sinistre palais du lugubre salon Sur le blond fils de l’Aigle a refermé ses portes.

323. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 467-471

Ses Ouvrages, presque tous au dessous du médiocre, ont eu le sort qu’ils méritoient ; leur foiblesse n’a pu soutenir l’analyse du temps, qui dévore tout ce qui n’est pas marqué au coin du Génie. […] Le sort que M.

324. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Il ne sortit de son état morne que par la botanique, cette science innocente dont le charme le reprit. […] Elle sortit un moment avec Julie, et je remerciai Élise qui me parla froidement. Avant de sortir, Julie m’apporta avec grâce les Lettres provinciales. […] J’entrai dans l’église d’où sortait un mort. […] Au sortir d’une charade ou de quelque longue et minutieuse bagatelle, il entrait dans les sphères.

325. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

C’est ainsi que l’esprit des philosophes ou des politiques, tels que Cicéron, échappe, en s’élevant dans les régions sereines et immuables de la pensée, aux préoccupations personnelles qui les agitent au milieu du sénat, du peuple, de la guerre civile, sur le sort de leur patrie ou sur leur propre sort, et que ces esprits sublimes se réfugient dans la philosophie et dans la religion pour ne plus entendre ou pour mépriser de si haut les bruits et les oscillations du monde. […] Que sortira-t-il de cette mêlée où la maison de Savoie a jeté le monde ? […] « Cette science sacrée fut apportée autrefois aux Romains par un petit dieu nommé Tagès, qui sortit de la terre en Toscane. […] Qu’une grande calamité vînt à nous frapper tous, du moins ne m’eût-elle pas plus particulièrement atteint ; le sort commun eût été mon partage : eh bien ! […] … C’est pourquoi, mon fils, toi et tous les hommes religieux, vous devez retenir votre âme dans les liens du corps ; aucun de vous, sans le commandement de celui qui vous l’a donnée, ne peut sortir de cette vie mortelle.

326. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Puis elle sort pour aller au logis de Valère ; Sganarelle la suit, la prenant pour Léonor. […] Il est sorti sur les pas d’Isabelle ; il la voit entrer chez Valère ; et comme il n’est pas homme à se contenter du bien qui lui arrive, s’il n’est mêlé du mal d’autrui, il court informer Ariste du tort que l’on fait à son honneur. […] Le dénoûment de l’École des femmes ne sort pas naturellement des caractères. […] La scène du sonnet, si fameuse, est doublement l’effet de son caractère, par la façon dont il y est jeté et par la façon dont il en sort. […] On sort d’une représentation du Cid ou d’Athalie avec une profonde admiration pour le génie ; on sort d’une pièce de Molière avec de l’amitié pour l’homme.

327. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Dans cette espèce d’hébétement, on voit les actrices venir, sortir, comme à un appel invisible, aller à quelque chose de lointain, d’où s’échappe un murmure profond comme une clameur d’océan. […] Et quand je repasse toute mon existence, ça été toujours comme ça, rien qui sort du train-train des événements ordinaires et j’ai le droit d’appeler la Providence une marâtre. […] On en sort à la voix du président qui, s’adressant au père de l’enfant, un mendiant idiot, lui reproche de n’avoir pas développé le sens moral dans son enfant. […] Puis on passe du Champagne, âgé de vingt-deux ans ; et il est question des morts de la Révolution, d’une sorte d’exhumation du cimetière de la Madeleine, et de l’échafaud de la du Barry, d’où sort — pourquoi ! […] Le pauvre petit vieillard, ensuairé dans sa longue redingote tachée du ruban d’une croix, avance vers moi sa tête, où deux yeux sortent, fixes et saillants, morts et terribles comme ceux d’un soldat, auquel on enfoncerait une baïonnette dans le ventre.

328. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Mais vous traverseriez pendant des jours et des mois une plaine de cette fécondité et de ce niveau, sans qu’un atome de poésie sortît pour les yeux ou pour l’âme de ce grenier de l’homme. […] Parce que de ces trois phénomènes et de ces trois images il sort pour nous une émotion, et que de cette immense plaine d’épis il ne sort que de la richesse. […] Écoute-moi donc, écoute les ordres qu’il te donne, et qui peuvent seuls te sauver de son sort ! […] Elle est enfin rendue à la tendresse du roi son père ; elle envoie de tous côtés des Brahmanes messagers, pour découvrir le sort et le séjour de son époux. […] En route, le mauvais génie qui possédait Nala sort de son corps à l’approche de sa femme.

329. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

Quand on a lu cette mort dans le Phédon, on se sent comme un air de joie et de fête dans l’âme ; on croit sortir d’un banquet au lieu de sortir d’un supplice. […] « Il nous reste à examiner si le sort du juste est meilleur et plus heureux que celui de l’homme injuste. » Il poursuit et termine en remontant à l’essence de l’âme, qui, selon lui, est composée de vertu. […] Lisez : « Et puis, la chicane et les procès ne sortiront-ils pas d’un État où personne n’aura rien à soi que son corps et où tout le reste sera commun ? […] Le gouvernement démocratique, entrecoupé de fréquentes tyrannies, sortait logiquement d’une pareille situation. […] Républicain dans ses chambres, dictatorial sur ses vaisseaux et dans ses colonies, monarchique dans sa cour, ce gouvernement seul correspondait à ses trois nécessités de situation : la liberté, la puissance, la stabilité ; il sortait de sa nature.

330. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Je n’ose pas sortir ; il n’est plus pour moi d’espérance. […] Qui sort ainsi de la terre ? […] Faust, c’est ton sort qui m’afflige.... […] Madame de Staël, élevée à cette école d’où sortit plus tard la secte politique de 1830, qu’on appela doctrinaire, non à cause de ses doctrines, mais à cause de son dogmatisme, ne comprenait pas assez la révolution française pour en écrire. […] Adieu, chère madame. » Et peu de minutes après, madame de Staël et quelques amis plus affidés de sa personne et de sa famille étaient sortis du salon pour partir cette nuit même.

331. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

» Puis il secoua la poussière de ses pieds, sortit d’Édimbourg et se retira au milieu des bois, dans une cabane de bûcheron, pour attendre ou le supplice ou la vengeance ! […] Murray vint à Lochleven conférer avec sa sœur captive sur le sort du royaume et de Jacques, l’héritier enfant du trône. […] Elle s’y prit ainsi : la blanchisseuse vint de bonne heure, ce qui lui était déjà arrivé plusieurs fois ; et la reine, suivant ce qui avait été convenu, mit la coiffe de cette femme, se chargea d’un paquet de linge, et se couvrant la figure de son manteau, elle sortit du château et entra dans la barque qui sert à passer le loch. […] La reine peut sortir jusqu’à l’église de la ville, mais toujours accompagnée de cent arquebusiers. […] Témoin de la lutte entre les différentes factions qui déchiraient l’Écosse, tout indique qu’elle s’en rapporta à ces factions pour lui livrer tôt ou tard leur pays ; elle parut l’abandonner à son sort.

332. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

Malgré le désir très marqué, quand elle parut, de se jeter à genoux devant cette œuvre inconnue et nouvelle, on est resté debout, et même assis… Il a manqué bien des tambours dans cette batterie aux champs… Il est vrai que l’Empereur n’était pas sorti ! […] Or, voilà la question : Ce livre d’Hugo mérite-t-il le sort qu’on lui fait ? […] Nous n’avons en ce volume que Rodrigue Borgia, mais nous avons aussi le grand seigneur, l’officier, l’homme marié, le cardinal, le prêtre et le légat que fut Borgia avant de monter à la papauté ; et ce Borgia-là est tellement tiré au clair par l’historien et mis dans un jour si lucide, sa vie est tellement dardée de pointes de lumière, cette vie qui dura soixante ans avant son élection et entre laquelle et nous se sont glissés ou étalés tant de mensonges, que le pape qui sort de ce Borgia on est déjà sûr, avant qu il en soit sorti, de son innocence, et que la preuve qu’on voulait faire on la fait toute, seulement avec sa moitié ! […] Borgia, en attendant le pape, en sort complètement justifié. […] C’est la seule figure qui, si elle n’est pas tout à fait la vie, approche de la vie dans ce livre qu’on dirait sorti des ateliers de Birmingham.

333. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Les services qu’il a rendus sont de deux sortes et de deux ordres : la plupart se sont passés, se sont usés aussi, il faut le dire, au sein même de la génération dont il faisait partie, et ne sont pas sortis du temps et des circonstances où il a vécu. […] Quand il allait dans le monde, il ne sortait qu’après lui avoir rendu ces derniers devoirs de la journée et lui avoir donné le bonsoir filial, et il n’avait pas moins de trente-cinq ans alors. […] Magnin, qui d’habitude avait besoin d’écrire à tête reposée, était au fond de l’imprimerie du Globe, voisine du Théâtre-Français ; nous étions venus là, plusieurs, au sortir du spectacle : on discutait, on admirait, on faisait des réserves ; il y avait, dans la joie même du triomphe, bien du mélange et quelque étonnement. […] Il n’était guère sorti de son cabinet, il n’avait pas voyagé, il n’avait pas même visité ce qui était à sa portée, il avait peu vu de ses yeux : sa myopie était extrême ; mais il avait lu, il avait écouté de sa fine oreille, il avait compris, il savait rendre ; il y a de ces tours d’adresse de l’écrivain et du lettré habile. […] Ses cours, au reste, ne comptèrent que par les résultats écrits, par les livres ou les articles qui en sortirent.

334. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

En 1819, ses études terminées, il entra à l’École normale, et il en sortait lorsque l’ordonnance du ministre Corbière brisa l’institution en 1822. […] La portion extérieure en est fort claire et fort simple ; il étudia beaucoup, se distingua dans ses classes, se concilia l’amitié de ses condisciples et de ses maîtres ; il allait deux fois le jour au collège ; il sortait probablement tous les dimanches ou toutes les quinzaines pour passer la journée chez sa grand’mère. […] « Je me plains du sort, « Qui ne m’a donné ni génie, ni richesse, ni naissance. […] » Et il sortit pour parcourir la ville. […] « Aujourd’hui (dans les Consolations) il sort de sa débauche et de son ennui ; son talent mieux connu, une vie littéraire qui ressemble à un combat, lui ont donné de l’importance et l’ont sauvé de l’affaissement.

335. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

La plupart des littérateurs ne savent guère sortir de l’amour, et ne peuvent guère employer que les aventures d’amour pour caractériser leurs héros. […] Classique de discipline comme il était, il sort du xviiie  siècle, par son horreur de l’atonie où deux cents ans de politesse et de mœurs de salon avaient réduit les âmes. […] Il regarde dans le secret des âmes comment se forme la disposition d’où sortent tous les effets qui donnent à la société contemporaine sa physionomie : il trouve que la Révolution a établi l’égalité entre tous les Français, et, supprimant tous les privilèges, a proportionné les droits au mérite. […] Colomba, Tamunjo, Matteo Falcone, le corps du récit de Carmen, etc. ; Mérimée s’efface ; ce n’est plus qu’un scrupuleux artiste qui s’efforce à faire sortir le caractère du modèle naturel. […] En 1839, elle se fixe à Nohant, d’où elle ne sortira plus guère que pour quelques voyages.

336. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

Et cet homme, le calme et la pondération en personne, ne sort de son imperturbabilité qu’à propos du domino, et non au café, mais au lit. […] le traqueur d’une voix sourde et brusque et coupée par des temps, comme s’il semait, en marchant, des maximes et des axiomes : « Besoin de pluie… tuyaux engorgés… alors ils sortent… » Devant nous, à vingt pas du traqueur, trottine quelque chose de grisâtre qui s’arrête, puis repart flairant : « Trim !  […] Mais quand Dutillard sortait par hasard avant cette heure et que le gamin avait à dresser le plan d’un quatrième étage, le gamin ouvrait un compas et le faisait tourner, se promettant, si la pointe allait du côté du boulevard, qu’il se donnerait campo, — et recommençait, vous le comprenez bien, jusqu’à ce que la pointe allât du côté désiré. […] Là, il travaillait du petit jour au crépuscule, — car c’était un piocheur inlassable, — il travaillait de cinq à six heures du matin à six ou sept heures du soir, heure où il sortait pour aller dîner chez Ramponneau. […] Oui, nous sortons de l’amour avec un abattement de l’âme, un affadissement de tout l’être, une prostration du désir, une tristesse vague, informulée, sans bornes.

337. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

Puisque Victor Hugo est le poète imprécatoire et maudissant du Moyen Age, on peut s’étonner qu’il ait perdu une occasion de maudire et qu’il n’ait pas fait sortir de la cendre de l’Histoire et de leur bûcher ces Templiers, par exemple, — calomniés peut-être, mais la Calomnie fait des légendes aussi bien que la Vérité ! […] … Dans son PROPRE GOUFFRE… On a sur soi le voile… C’est fini……………………………… … Il ne peut pas plus sortir de l’infamie, Que l’écume ne peut sortir de l’Océan ! (qui en sort très bien !) […] … Victor Hugo a tiré du fond de sa cervelle cette création qui n’avait pas besoin de la force de quarante chevaux pour en sortir et dont il est aisé de rendre compte en quatre mots, et les voici : Le Pape dort : La pensée a grandi ; car le rêve est venu ! […] ……………………………………………………… Et votre vain progrès, sinistrement léché Par la langue de feu qui sort du lac de soufre, ……………………………………………………… Jamais la royauté du prêtre n’apparaît Sans une transparence affreuse d’esclavage.

338. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Il n’est donné à aucun poète, quel que soit son talent, de faire sortir un effet tragique d’une situation qui admettrait en principe une immoralité. […] Je me confie sans crainte à ceux qui doivent être contents du sort, à ceux qui peuvent, de quelque manière, mériter les suffrages des hommes. […] Nous n’avons plus d’exemples de ces républiques qui donnaient à chaque citoyen sa part d’influence sur le sort de la patrie ; nous sommes encore plus loin de cette vie patriarcale qui concentrait tous les sentiments dans l’intérieur de sa famille. […] À Athènes, à Rome, dans les villes dominatrices du monde civilisé, en parlant sur la place publique, on disposait des volontés d’un peuple et du sort de tous ; de nos jours, c’est par la lecture que les événements se préparent et que les jugements s’éclairent. […] Vainement les âmes sensibles voudraient-elles exercer autour d’elles leur expansive bienveillance ; d’insurmontables difficultés mettraient obstacle à ce généreux dessein : l’opinion même le condamnerait ; elle blâme ceux qui cherchent à sortir de cette sphère de personnalité que chacun veut conserver comme son asile inviolable.

339. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Ainsi, dès que les clercs écrivent en langue vulgaire, dès le Poème de la Passion, ils y transportent l’allégorie : de leurs physiologues, où l’histoire naturelle est tournée en allégories, sortent les bestiaires. […] Il serait tout à fait oublié aujourd’hui, lui et son œuvre, si, vers 1277, âgé de vingt-cinq ans ou environ, au sortir des écoles, il n’avait donné une fin au poème de Guillaume de Lorris, qui depuis tantôt un demi-siècle restait inachevé. […] Mais il n’est pas de ces épicuriens qui poursuivent le plaisir, et bénissent toutes les sources dont il sort. […] En effet, il ne peut sortir de son temps, et le temps n’est pas venu de n’être pas chrétien. […] L’instinct, de soi, n’est moralement ni bon ni mauvais : il n’est pas mauvais, car l’acte qui en sort est bon ; il n’est pas bon, car l’acte qui en sort n’est pas volontaire.

340. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Pouchkine cherchait à sortir des routes battues. […] Du sommet du tumulus sort la tête d’un géant endormi. […] Un matelot racontait qu’il avait vu le fantôme de son capitaine, tué quelques jours auparavant : « Il sortait de la grande écoutille avec son chapeau à trois cornes… — Conte cela aux soldats, dit un de ses camarades. […] Puis il sortit du monastère en lui donnant la main. […] Mais Pouchkine attrapa bien ceux qui annonçaient que de la mission impériale sortirait un nouveau poème.

341. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Obligés de haïr tout ce qui a aidé l’esprit moderne à sortir du catholicisme, ces frénétiques s’engagent à haïr toute chose : Louis XIV, qui, en constituant l’unité centrale de la France, travaillait si efficacement au triomphe de l’esprit moderne, comme Luther, la science comme l’esprit industriel, l’humanité en un mot. […] Comment en sortiraient-ils, en effet, ces misérables qui doutent du sérieux et qui, à chaque effort qu’ils feraient pour sortir de cette paralysie intellectuelle, seraient arrêtés par l’arrière-pensée qu’eux aussi vont se mettre au nombre de ces badauds dont ils ont ri jadis ? […] Et vous croyez que ce sera de là que sortira ce dont nous avons besoin, une sève originale, une nouvelle manière de sentir, un dogme capable de passionner de nouveau l’humanité ? Autant vaudrait espérer que le scepticisme engendrera la foi et qu’une religion nouvelle sortira des bureaux d’un ministère ou des couloirs d’une assemblée. […] Ce qu’il faut à l’humanité, c’est une morale et une foi ; ce sera des profondeurs de la nature humaine qu’elle sortira, et non des chemins battus et inféconds du monde officiel.

342. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIV, l’Orestie. — Agamemnon. »

Un nouveau crime continua donc par lui les crimes précédents, et d’autres crimes sortis du sien rallongèrent cette chaîne de forfaits qui semblait brisée. […] Il en sait long, mais il se tait : « un bœuf est sur sa langue », selon le proverbe. — « Si ce palais prenait une voix, il parlerait clairement ; quant à moi, je parle volontiers à ceux qui savent : pour qui ignore ou ne comprend pas, je ne sais rien, j’oublie tout. » — La terreur sort déjà de cette réticence de l’esclave. […] Thaltybios sent bien qu’il sort du ton de son rôle, qu’il devrait célébrer et non déplorer ; il se reproche « de profaner un jour heureux par des récits de malheurs ». […] Il proclame en quelques mots la victoire, il montre, à l’horizon de l’Asie, la fumée qui dissipe Ilion dans les airs. — « Nous avons tendu des rêts inévitables, et, pour la cause d’une femme, le « monstre argien, ce peuple en armes sorti d’un cheval a détruit la ville. […] Égisthe se montre à cette fin du drame, comme s’il sortait d’un trou d’embuscade.

343. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

L’arrivée de sa mère jette un froid dans la flirtation commencée. « Par où sort-on ?  […] Baronnette sort de sa cachette, retrouve son ombrelle en loques, reconnaît que les ongles d’une femme du monde ont passé par là, et se pique au jeu. […] Et ce parvenu du sort, cet enfant gâté de la chance a l’insolence de se plaindre ! […] L’appel terminé, il passait devant les rangs, lorsqu’un mobile en sortit et lui dit : — « Commandant, on a oublié d’appeler un de vos hommes. — Comment vous nommez-vous ? […] Cent mille écus offerts en pur don, cela ressemble singulièrement à l’indemnité qu’on accorde à la maîtresse dont on ne veut plus, pour la passer à un autre et lui faire un sort.

344. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Ce jour-là il sortait du tuyau de poêle royal pour un milliard de fumée. […] Elles sortent de lui. […] La Division d’où sort le Règne, c’est là le despote à l’état abstrait. […] Des furoncles en éruption ; du pus qui sort d’un corps malade. […] Puis Nicolas sort dans les rues, et la foule se précipite sur sa botte pour la baiser.

345. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Le texte mal satisfaisant qui sortit de cette conférence détermina à travers tout l’été de 1915, jusqu’au congrès du 1er janvier 1916, des manifestations peu claires. […] Nul arrivisme ; respecter profondément la condition d’où l’on sort, rester en contact avec sa corporation de naissance. […] Le 4 septembre 1914, à la ferme d’Orbais, dans le Tardenois, il tombe blessé à l’épaule, est pris par les Allemands, et dix jours après, délivré par une contre-attaque française, il sortit de ces dix jours de captivité en disant à son ami Félix Bertaux : « Tu ne peux te figurer à quel point ils sont cruels et stupides. » Et, dans d’autres lettres : « Il faut d’abord vaincre, nous leur pardonnerons après. […] Au même moment, le 17 novembre, il crayonne sur un carnet cette note : « Dans un élan irrésistible, j’écris ces Conditions de la Paix… Il ne s’agit pas de les faire admettre, mais tout simplement de les penser, de savoir ce que nous voulons dire quand nous parlons de notre justice… » Et de cet éclair de novembre, son livre sort tout entier. […] De là nos efforts pour sortir de ce chaos.‌

346. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Quoi qu’il en soit, c’est cette lettre qui fait sortir Vauvenargues de la mesure qu’il a gardée jusqu’alors, et qui enfin l’oblige à se découvrir à son tour. […] » Ici nous retrouvons quelques-unes des idées particulières et, si l’on veut, des préventions de Vauvenargues, un reste de gentilhomme, ou plutôt un commencement de grand homme ambitieux, qui aimerait mieux franchement être Richelieu que Raphaël, avoir des poètes pour le célébrer que d’être lui-même un poète ; qui aimerait mieux être Achille qu’Homère : « Quant aux livres d’agrément, ose-t-il dire, ils ne devraient point sortir d’une plume un peu orgueilleuse, quelque génie qu’ils demandent ou qu’ils prouvent. » Il ne permet tout au plus la poésie à un homme de condition et de ce qu’il appelle vertu, que « parce que ce génie suppose nécessairement une imagination très vive, ou, en d’autres termes, une extrême fécondité, qui met l’âme et la vie dans l’expression, et qui donne à nos paroles cette éloquence naturelle qui est peut-être le seul talent utile à tous les états, à toutes les affaires, et presque à tous les plaisirs ; le seul talent qui soit senti de tous les hommes en général, quoique avec différents degrés ; le talent, par conséquent, qu’on doit le plus cultiver, pour, plaire et pour réussir. » Ainsi la poésie, il ne l’avoue et ne la pardonne qu’à titre de cousine germaine de l’éloquence, et qu’autant qu’elle le ramène encore à une de ces grandes arènes qui lui plaisent, à l’antique Agora ou au Forum, ou à un congrès de Munster, en un mot à une action directe sur les hommes. […] Il tient surtout dans sa lettre (car nous en sommes toujours à cette même lettre décisive, où il se découvre) à bien montrer à Mirabeau qu’on peut désirer de sortir d’une condition médiocre et d’arriver à une grande situation, par de grands motifs et sans du tout abjurer la hauteur des sentiments : Il y a des hommes, je le sais, qui ne souhaitent les grandeurs que pour vivre et pour vieillir dans le luxe et dans le désordre, pour avoir trente couverts, des valets, des équipages, ou pour jouer gros jeu, pour s’élever au-dessus du mérite et affliger la vertu, et qui n’arrivent à ce point que par mille indignités, faute de vues et de talents : mais, de souhaiter, malgré soi, un peu de domination parce qu’on se sent né pour elle ; de vouloir plier les esprits et les cœurs à son génie ; d’aspirer aux honneurs pour répandre le bien, pour s’attacher le mérite, le talent, les vertus, pour se les approprier, pour remplir toutes ses vues, pour charmer son inquiétude, pour détourner son esprit du sentiment de nos maux, enfin, pour exercer son génie et son talent dans toutes ces choses ; il me semble qu’à cela il peut y avoir quelque grandeur. […] Il me tomba, en même temps, un Sénèque dans les mains, je ne sais par quel hasard ; puis des lettres de Brutus à Cicéron, dans le temps qu’il était en Grèce, après la mort de César : ces lettres sont si remplies de hauteur, d’élévation, de passion et de courage, qu’il m’était bien impossible de les lire de sang-froid ; je mêlais ces trois lectures, et j’en étais si ému, que je ne contenais plus ce qu’elles mettaient en moi ; j’étouffais, je quittais mes livres, et je sortais comme un homme en fureur, pour faire plusieurs fois le tour d’une assez longue terrasse (la terrasse du château de Vauvenargues), en courant de toute ma force, jusqu’à ce que la lassitude mît fin à la convulsion. […] Ils sortent l’un et l’autre de ce conflit amical sans s’être convaincus, l’un décidé à se montrer plus absolu et plus bourru que jamais, l’autre n’aspirant qu’à être étendu et conciliant : Vous croyez qu’il dépend de nous de nous former un caractère, et vous ne donnez qu’une route et qu’un objet à tous les esprits ; moi, je voudrais que chacun se mesurât à ses forces, que l’on consultât son génie, qu’on s’étudiât à l’étendre, à l’orner, à l’embellir, bien loin de le contraindre ou de l’abandonner.

347. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Je ne puis guère, sans sortir de mon domaine qui est déjà bien assez étendu et assez vague comme cela, me mettre à mon tour à décrire en détail les principaux tableaux des frères Le Nain et m’appesantir sur le caractère de leurs œuvres. […] Il semble que vous entriez brusquement dans la maison, et que toutes ces bonnes gens, sans sortir de leur quiétude ni de leur caractère, tiennent les yeux fixés vers vous ; et encore semble-t-il que vous soyez plus d’un à entrer, car ils ne regardent pas tous au même point du seuil. […] Souvent encore, les Le Nain ont peint un vieux flûteur entouré de charmants enfants bouclés, qui prêtent une oreille attentive à la musique simple qui sort de cette flûte naïve. « On peut donner une façon matérielle de reconnaître les tableaux des Le Nain, à l’entassement de chaudrons, écuelles, légumes, qui se trouvent souvent sur le premier plan… « Ce sont des peintres de pauvres gens. » Théorie vraie, mais un peu absolue toutefois ; car, sans compter les tableaux de sainteté qui, par leur nature, sortent du programme, il faut toujours faire exception pour celui des trois frères qu’on appelait le chevalier Le Nain, le gros monsieur et le grand seigneur de la famille, celui qui peignait Cinq-Mars et Anne d’Autriche. […] Champfleury d’ailleurs, dans cette sorte de vie conjecturale des Le Nain, qu’il tire par induction de l’étude et de la comparaison prolongée de leurs œuvres, a de la chaleur, de la verve, et un accent de sympathie qui sort du cœur ; on sent que c’est bien pour ses maîtres d’adoption et presque pour ses saints qu’il prêche : « Qu’ils soient trois ou quatre frères, dit-il, les archivistes le découvriront peut-être un jour16.

348. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

.) — Gredin de sort ! […] Je sors de ce volume avec l’idée très-rafraîchie et très-présente de tout ce qui occupait en ces moments l’attention du public et de ce qui hantait l’imagination d’Horace Vernet. […] Les anciennes écoles, selon lui, ont très-peu cherché cet idéal qu’on adore et qu’on exalte après coup en elles ; le plus souvent, elles n’ont fait que reproduire exactement la nature qu’elles avaient sous les yeux : il suffisait, pour nous donner l’impression élevée qui en sort, que cette nature fût généralement belle, et que les organisations d’élite qui s’y appliquaient sussent y choisir leurs sujets. […] Dans les choses mêmes qu’il n’avait pas vues et qui sortaient de son horizon habituel, il portait encore cette facilité et cette grâce qui plaît. […] Debout, les derniers, sont restés Scheffer, Horace Vernet, Delacroix, celui-ci le seul demeurant aujourd’hui ; eux, privilégiés en cela et favorisés du sort, ils ont poussé à bout leur vocation, ils ont rempli toute leur destinée de peintres ; ils ont fait rendre à leur palette tout ce qu’elle recelait, l’un de poésie, l’autre de vérité, l’autre de flamme ; ils n’ont certes rien à regretter.

349. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

La composition n’est rien dans Émile ; ce sont des feuillets épars, des fragments écrits jour par jour, à celle qu’il aime, à Mathilde, fille d’un général ami de son père et qu’il a l’espérance d’épouser, si une demande bien tardive d’adoption est accueillie et si l’Arrêt qui doit prononcer de son sort lui est favorable. […] Avec une telle perspective peut-on se plaindre de son sort ?  […] Mais à côté de ces pensées délicates, généreuses, désintéressées, il se rencontre d’autres maximes effrayantes de précision, qui dénotent l’esprit positif du siècle, et qui prouvent qu’à vingt ans Émile avait déjà deviné le sphinx : « Aujourd’hui, se demande-t-il, quel moyen de sortir de l’obscurité ? […] Le premier Émile, celui du roman, meurt de désespoir et dans un transport au cerveau pour s’être vu enlever Mathilde au moment de l’obtenir : le second Émile, celui à qui nous aurons affaire désormais, sort de cette épreuve, au contraire, trempé, résolu, aguerri et enhardi, regardant la société en face, certain d’y entrer, décidé à forcer la barrière et à emporter l’obstacle, fut-ce d’assaut. […] Il savait que le plus grand ennemi de tout progrès et de toute réforme sociale, surtout en cette France qui passe pour le pays des nouveautés et qui est « la patrie des abus », c’est la paresse, l’apathie, et que la première chose à faire est de la piquer au vif, cette apathie, et de la faire sortir d’elle-même, dût-on l’avoir d’abord contre soi.

350. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

Le Conseil se réunit au sortir de là ; il venait de s’ouvrir lorsqu’un officier de service entra, s’approcha du roi et lui parla à voix basse : le roi, appelé par la reine, sortit, et en rentrant il ajourna la délibération, disant qu’elle serait reprise à Versailles. […] La Noblesse crut dans le premier instant à un triomphe ; les gentilshommes, en quittant la séance, allèrent chez la reine qui leur présenta son dernier fils, le nouveau Dauphin, et leur dit : « Je le confie à la Noblesse ; je lui apprendrai à la chérir, à la regarder toujours comme le plus ferme appui du trône. » Cependant, après que le roi était sorti, suivi de la Noblesse et d’une partie du Clergé, la séance continuait ; Mirabeau lançait à M. de Dreux-Brézé le mot mémorable ; l’Assemblée s’enhardissait, s’investissait du pouvoir et faisait acte de souveraineté. […] La première condition du plan de Mirabeau est notre éloignement avec toute la famille hors de Paris, non pas à l’étranger, mais en France… » Si la reine avait été charmée de Mirabeau, celui-ci, comme nous l’apprend de son côté M. de La Marck, sortit de l’entrevue plein de flamme et d’enthousiasme, « La dignité de la reine, la grâce répandue sur toute sa personne, son affabilité lorsque avec un attendrissement mêlé de remords il s’était accusé lui-même d’avoir été une des principales causes de ses peines, tout en elle l’avait charmé au-delà de toute expression. » Quand on la voit plus tard produire exactement le même effet sur Barnave, il faut reconnaître qu’elle avait de près ce don des femmes, le charme, la fascination. […] Mirabeau voulait que le roi sortît de Paris en roi, en plein jour, non déguisé ni, certes, en domestique, sans rien de ce qui avilit aux yeux d’une nation ; il voulait aussi l’appui d’un général, de M. de Bouillé ; la guerre civile peut-être, non la guerre étrangère… La reine, cependant, commençait à reconnaître qu’il y aurait eu avantage et peut-être salut à suivre plus tôt cette voie de conciliation et d’intelligence avec quelques-uns des hommes influents de l’Assemblée. […] Je serais indigne du nom de notre mère, qui vous est aussi cher qu’à moi, si le danger me faisait fuir loin du roi et de mes enfants. » Et un autre jour, aux discours qu’on lui rapporte de Vienne, et qui feraient supposer que son frère la considère comme menée par La Fayette ou tel autre personnage du dedans, elle s’indigne, elle se révolte (20 janvier 1791) : « Nous sortons tous d’un sang trop noble, écrit-elle à M. de Mercy, pour qu’aucun de nous puisse soupçonner l’autre d’une telle bassesse ; mais il y a des moments où il faut savoir dissimuler, et ma position est telle et si unique que, pour le bien même, il faut que je change mon caractère franc et indépendant. » Elle chargeait le comte de Mercy de réfuter en bon lieu ces bruits malveillants que semaient les émigrés exaltés et la cabale du comte d’Artois, afin de donner prétexte et carrière à leurs plans aventureux.

351. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

On aime à paraître se contrarier, même lorsqu’au fond on est d’accord ; cela fait aller la conversation et sortir toutes les idées. […] Ainsi l’on fait en Angleterre, en Amérique ; tous ceux et toutes celles qui se sentent une idée et qui croient avoir quelque chose à dire le disent tout haut, résolument, effrontément, et à leur manière : toutes les originalités sortent, et les singularités aussi. […] Sa distinction native, on l’a vu, l’avait faite une personne d’urbanité, naturellement élégante, et dans ce manoir champêtre, d’où elle sortit à peine, la sauvait de tout provincialisme, de toute recherche comme de toute vulgarité. […] Elle aussi, elle a visité les montagnes : dans les dernières années de sa vie, malade, on l’envoya prendre les eaux à Cauterets ; elle dut quitter sa chambre du Cayla, cette chambrette bien aimée devenue caveau par tout ce qu’elle contenait de chères reliques, un vrai « cloître de souvenirs. » Elle ne se plut que médiocrement dans les Pyrénées, « la plus magnifique Bastille où l’on puisse être renfermé », disait-elle, et, sa saison faite, elle fut heureuse d’en sortir. […] Merci encore de les juger avec beaucoup d’indulgence… — Croyez-le bien, je sens la valeur d’une expression sympathique, lorsqu’elle sort d’une plume telle que la vôtre ; croyez-le bien encore, l’attention sérieuse que vous accordez à ces petits volumes est un encouragement comme il est un privilège.

352. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Je n’ai pas voulu omettre ces premières circonstances ; car il n’est pas indifférent, selon moi, même pour les futures convictions et croyances, d’être sorti d’une race solide et saine, d’une race intègre et pure. […] Il a peint à ravir la paix, l’espèce de rajeunissement qu’on éprouve dans les premiers jours, lorsqu’au sortir du monde on entre au séminaire, et qu’on y retrouve son enfance de cœur, la docilité de ses jeunes années, la règle austère, toutes choses simples dont on a désormais la conscience réfléchie et le doux mérite. […] Quelquefois lui-même il s’arrête comme étonné devant les témérités de sa parole ; mais il la reprend, la répare aussitôt, ou seulement il la redouble, il l’explique ; car rien, chez lui, n’est sorti que d’un cœur net, d’une lèvre ardente et pure. […] Mais, assurément, si un tel sentiment avait quelque part sa place légitime, et si l’orateur a eu droit d’en user, ce dut être dans l’éloge du général Drouot, ce lieutenant fidèle, homme rare et simple, tout patriotique, qui représentait la probité dans les camps, que Napoléon appelait le sage de la Grande Armée, et qui, au sortir des grandes batailles dont il avait dirigé les formidables batteries, ne demandait au ciel d’autre faveur que de venir mourir sur la paroisse où il avait été baptisé. […] Drouot était fils d’un boulanger de Nancy, le troisième de douze enfants : Issu du peuple par des parents chrétiens, il vit de bonne heure, dans la maison paternelle, un spectacle qui ne lui permit de connaître ni l’envie d’un autre sort, ni le regret d’une plus haute naissance ; il y vit l’ordre, la paix, le contentement, une bonté qui savait partager avec de plus pauvres, une foi qui, en rapportant tout à Dieu, élevait tout jusqu’à lui, la simplicité, la générosité, la noblesse de l’âme, et il apprit, de la joie qu’il goûta lui-même au sein d’une position estimée si vulgaire, que tout devient bon pour l’homme quand il demande sa vie au travail et sa grandeur à la religion.

353. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Nous n’aurons pas ce dédain aujourd’hui ; nous tâcherons, sans mentir en rien et sans rien surfaire, d’apprécier à sa valeur ce talent qui ne fut ni très élevé, ni très énergique, ni très étendu, mais qui fut modeste, naturel, sincère, et qui se montra gai, vif, fertile, agréable et fin, lorsqu’il osa être tout entier lui-même, et qu’il ne sortit pas de ses justes emplois. […] Il l’aborda de préférence par le genre des pastorales et des nouvelles, et lui emprunta Galatée (1783), qu’il traita avec liberté d’ailleurs, et qu’il accommoda selon le goût du temps, en y donnant une teinte plus récente de Gessner : « J’ai tâché, écrivait-il à ce dernier, d’habiller la Galatée de Michel Cervantes comme vous habillez vos Chloés : je lui ai fait chanter les chansons que vous m’avez apprises, et j’ai orné son chapeau de fleurs volées à vos bergères. » Ce roman pastoral, mêlé de tendres romances, réussit beaucoup : toutes les jeunes femmes, tous les amoureux en raffolèrent ; les sévères critiques eux-mêmes furent fléchis : « C’est un jeune homme d’un esprit heureux et naturel, écrivait La Harpe parlant de l’auteur de Galatée, et qui aura toujours des succès s’il ne sort pas du genre où son talent l’appelle. » Il est vrai que, peu de temps auparavant, le chevalier de Florian avait adressé au même M. de La Harpe des vers d’enthousiasme, au sortir de la représentation de Philoctète : Je ne sais pas le grec mais mon âme est sensible ; Et, pour juger tes vers, il suffit de mon cœur ! […] Et enfin Rivarol, un jour qu’il rencontrait Florian avec un manuscrit anodin qui sortait à demi de sa poche : « Ah ! […] Pour La Fontaine, qui est comme le dieu ou l’Homère du genre, qu’il me soit permis de dire qu’il n’y est si grand et si admirable que parce qu’il le dépasse souvent et qu’il en sort. […] le récit est charmant ; il m’attache, il m’enchante, et le moment où le poète en sort m’enchante encore plus et me fait tout oublier.

354. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Mon ami est sorti, effrayé du radotage sénile et prudhommesque de notre grand homme d’État. […] Puis, je ne sais, à propos de quel crochet dans la conversation et les idées, Tourguéneff nous raconte qu’étant un jour en visite chez une dame, au moment où il se levait pour sortir, cette dame lui cria presque : « Restez, je vous en prie, mon mari sera ici dans un quart d’heure, ne me laissez pas seule !  […] Puis il revient à moi, et me crie que le grand Gavarni, l’immense Gavarni, le Gavarni qui touche à Michel-Ange est dans ses premières œuvres, mais qu’au sortir du Charivari, ce n’est plus qu’un procédé, qu’une manière… Il continue, dans une espèce de bagout à la Chenavard, à dire des choses qu’on ne dirait pas à un porteur de bandes. […] Nous sortons du Palais de l’Industrie, lui, moi, et un monsieur qu’il me présente, et dont je n’entends pas le nom. […] On dit bonsoir aux projets de la soirée, et l’on s’isole paresseusement dans un tête-à-tête vague avec soi-même, dans un néant trouble, dont le coup de sonnette de votre meilleur ami, vous sortirait le plus désagréablement du monde.

355. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

Et pourtant, malgré mon désir de sortir le plus tôt possible de ces temps de trouble et de révolution « où, comme l’a dit M. de Bonald, il est plus difficile de connaître son devoir que de le suivre36 », j’ai encore à exposer mieux que je ne l’ai fait jusqu’ici la conduite et le caractère du président Jeannin dans cette période orageuse, en le comparant surtout avec le personnage de Villeroi, auquel on l’associe volontiers, mais avec qui il ne doit point se confondre. […] On vit là ce qu’on a revu eu d’autres temps, un peu de sagesse sortir de la confusion, et une société en détresse se réorganiser petit à petit au sein du désordre. […] L’ambassadeur d’Espagne (le duc de Feria), dans une dépêche à Philippe II qui fut interceptée, donnant la liste des députés qui assistaient à la conférence de Suresnes, et ajoutant au nom de chacun une note et un signalement distinct, disait de tel et tel : « Celui-ci est neutre. — Celui-là agira dans son intérêt. » Et du président Jeannin il disait : « Il fera tout ce qui lui paraîtra avantageux au duc de Mayenne. » Les auteurs d’éloges et de discours académiques, Saumaise, plus tard Guyton de Morveau, ont couru un peu rapidement sur ce point, et se sont trop attachés à montrer dans le président Jeannin un ligueur qui avait hâte de sortir de la faction où il avait été jeté, et qui, « sans trahir son parti, en défaisait la cause ». […] Mayenne, voyant que la ville de Laon allait être investie, se hâta d’en sortir et y laissa son second fils, M. de Sommarive, avec Jeannin pour conseiller et Du Bourg pour gouverneur militaire.

356. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Variétés littéraires, morales et historiques, par M. S. de Sacy, de l’Académie française. » pp. 179-194

Mais les articles qui sortent de ligne, et dont tous ceux qui lisent avaient gardé le souvenir avant de les retrouver dans les présents volumes, ce sont les articles sur le De oratore, sur le Télémaque, sur La Rochefoucauld, sur Bossuet, Massillon, et bien d’autres. […] Car qu’on ne croie pas que ce soit une petite avance pour la vertu que de sortir de la race des justes. […] On lisait donc cette pièce, un poème fort long, fort dur, fort inégal, où tous les tons se heurtaient et où tout dansait à la fois, et on allait jusqu’au bout par conscience, par égard pour les traces de talent qui s’y révélaient, pour les étincelles qui sortaient de la fumée, pour les éclairs qui sillonnaient la nuit. […] Quelques-uns étaient sortis avant la fin ; quelques autres, en demeurant, n’avaient pu dissimuler leur impatience.

357. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Dans les premières séances des États-Généraux, ému de ces grandes scènes, Frochot écoutait : mandataire scrupuleux et honnête, « il ne voulait être d’aucun parti, si ce n’est du parti de ses cahiers. » Pourtant il n’y put tenir, et, dès le mois d’octobre 80, il entra, pour n’en plus sortir, dans la sphère d’idées et d’action où présidait l’astre tout-puissant du grand tribun. […] Un rayon sorti de la tombe illustre était allé donner sur son front modeste et continua d’y briller. […] Mais dans le bourg d’Aignay, comme ailleurs, les luttes commencèrent : l’étendue et la hauteur du théâtre n’y font rien ; c’étaient sous d’autres noms les mêmes hommes, les mêmes passions et les mêmes mobiles, les mêmes défections d’amitié, les mêmes arriérés de haine, les mêmes envies d’humilier, les mêmes besoins d’arriver à son tour, que sur la scène principale et centrale ; et Frochot eut à déployer les mêmes qualités de modération et de fermeté dont il aurait eu à faire preuve, s’il avait été de la Législative ou de la Convention. — Louis XIV demandait un jour au cardinal de Janson, aussi bon négociateur qu’habile courtisan, où il en avait tant appris : « Sire, répondit le cardinal, c’est en courant la nuit avec une lanterne sourde, tandis que j’étais évêque de Digne, pour faire les consuls d’Aix. » Et Lisola, le célèbre diplomate franc-comtois, disait qu’il s’était très bien trouvé, dans les grandes affaires, des subtilités qu’il avait apprises « dans le ménage municipal de Besançon. » Une seule maison quelquefois suffit à qui veut observer les variétés des passions humaines : un seul bourg peut suffire, en un temps d’agitation populaire, pour soulever et faire sortir toutes les variétés d’ambitions et de haines, et pour exercer d’autre part toutes les vertus civiques ; Frochot eut de quoi en faire de plus en plus l’apprentissage : il s’honora par toute sa conduite durant ces temps calamiteux ; il y montra une fermeté qui tenait encore chez lui au premier mouvement et à l’impulsion du sang dans la jeunesse. […] On se contenta donc de nommer Frochot conseiller d’État honoraire, et comme il était sorti de ses hautes fonctions avec une très-médiocre fortune, les maires et adjoints de Paris, réunis sous la présidence de M. de Chabrol, proposèrent qu’il lui fût accordé une pension sur les fonds de la ville.

358. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

Ce sont des espèces de victimes publiques, des Prométhées dont le foie est rongé par une fatalité intestine ; tout l’enfantement de la société retentit en eux, et les déchire ; ils souffrent et meurent du mal dont l’humanité, qui ne meurt pas, guérit, et dont elle sort régénérée. […] Au sortir des boudoirs, des toilettes et de tous ces bosquets de Cythère et d’Amathonte, dont il s’est tant moqué, mais dont il aurait dû se garder davantage, il se réfugie au sein de la nature, comme en un temple majestueux où il respire et se déploie plus à l’aise ; il la voit peu et sait peu la retracer sous les couleurs aimables et fraîches dont elle se peint autour de lui ; il préfère la contempler face à face dans ses soleils, ses volcans, ses tremblements de terre, ses comètes échevelées, et plonge avec Buffon à travers les déserts des temps. […] Amants des roses passagères, Ils ont les grâces mensongères Et le sort des rapides fleurs. […] Et qu’avec leurs mânes errants Sortent du sein de la patrie Les cadavres de ces tyrans !

359. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

Et là encore, en présence de tous ces gens d’esprit qui sortaient à chaque instant de terre, dont quelques-uns sortaient même de l’Université, non sans y avoir essuyé auparavant vos hauteurs et vos refus, et qui, armés désormais en guerre, ne vous laissaient paix ni trêve, ne vous épargnaient pas chaque matin les vérités piquantes et parfois les conseils sensés, vous aviez votre grand mot pour toute réponse : « Nous sommes forts ; nous avons pour nous les gros bataillons du suffrage universel ; ces plumes, plus ou moins fines et légères, s’y brisent, et ne les effleurent même pas ; quelques piqûres, quelques escarmouches tout au plus, qu’est-ce que cela nous fait ? 69   » Et voilà comment (et je n’ai indiqué qu’une seule branche, — qu’aurait-ce été si je les avais suivies et examinées toutes une à une), voilà comment de dédain en dédain, de négligence en négligence, quand on avait le plus beau jeu qu’ait jamais tenu en main Pouvoir public, on a fini par perdre la partie au premier tour, car on est au second ; voilà comment du mépris de toutes ces fractions de l’opinion, d’abord isolées entre elles, et de leur addition ensuite, de leur union subite qui s’est trouvée faite un jour contre vous, voilà comment il est sorti un total inattendu ; voilà comment l’opinion s’est réveillée, comment, à travers toutes les difficultés et les obstacles d’élections si tiraillées, si travaillées administrativement, elle s’est fait jour jusqu’à pouvoir vous atteindre et s’imposer à vous. […] Nous sommes destinés à voir se dérouler les conséquences prochaines du sénatus-consulte ; il n’y a pas à cet égard d’illusions à se faire, et il convient de se résigner à l’avance, sinon de se dévouer à presque toutes les conséquences qui en devront sortir.

360. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Les peines attachées à cette passion sont d’une autre nature que celles de l’amour de la gloire ; son horizon étant plus resserré, et son but positif, toutes les douleurs qui naissent de cet agrandissement de l’âme, en disproportion avec le sort de l’humanité, ne sont pas éprouvées par les ambitieux. […] Le but de l’ambition est certainement aussi plus facile à obtenir que celui de la gloire : et comme le sort de l’ambitieux dépend d’un moins grand nombre d’individus que celui de l’homme célèbre, sous ce rapport il est moins malheureux ; il importe cependant bien plus de détourner de l’ambition que de l’amour de la gloire. […] Il ne faut qu’ouvrir l’histoire, pour connaître la difficulté de maintenir les succès de l’ambition ; ils ont pour ennemis la majorité des intérêts particuliers, qui tous demandent un nouveau tirage, n’ayant point eu de lots dans le résultat actuel du sort. […] Non : jamais un effort impuissant ne laisse revenir au point dont il voulait vous sortir, la réaction fait redescendre plus bas ; et le grand et cruel caractère des passions c’est d’imprimer leur mouvement à toute la vie, et leur bonheur à peu d’instants.

361. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

Mlle Alberte, qui sort du couvent, met, pendant le dîner, son pied sur celui de l’officier qui est en pension chez ses parents, de bons bourgeois de petite ville. […] Un berger, qui la haïssait, le lui avait prédit, peut-être lui a-t-il jeté un sort ? […] C’est que Ryno et la Vellini ont bu du sang l’un de l’autre ; rien à faire contre cela : c’est un « sort », une « possession » (Une vieille maîtresse). […] Mettons, pour sortir de peine, que le chef-d’œuvre de M. d’Aurevilly, c’est M. d’Aurevilly lui-même.

362. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Plein de son idéal céleste, il ne sortit jamais de sa dédaigneuse pauvreté. […] Les premiers chrétiens sont des visionnaires, vivant dans un cercle d’idées que nous qualifierions de rêveries ; mais en même temps ce sont les héros de la guerre sociale qui a abouti à l’affranchissement de la conscience et à l’établissement d’une religion d’où le culte pur, annoncé par le fondateur, finira à la longue par sortir. […] Sa chimère n’a pas eu le sort de tant d’autres qui ont traversé l’esprit humain, parce qu’elle recelait un germe de vie qui, introduit, grâce à une enveloppe fabuleuse, dans le sein de l’humanité, y a porté des fruits éternels. […] Certes, il devait aussi en sortir de grands égarements.

363. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XV, l’Orestie. — les Choéphores. »

Au déclin du polythéisme, Cicéron écrivait encore : « Nos ancêtres ont voulu que les hommes qui avaient quitté cette vie fussent comptés au nombre des dieux… Rendez aux dieux Mânes ce qui leur est dû ; ce sont des hommes qui ont quitté la vie, tenez-les pour des êtres divins. » Dans cette vie muette et voilée qu’il continuait sous la tombe, le mort gardait ses passions terrestres : des haines et des amours brûlaient sous sa cendre, une éruption pouvait toujours sortir de ce volcan mal éteint. […] Cependant les Choéphores — « Porteuses de libations » — sortent du palais, en longue file, et se dirigent vers le tombeau. […] Un Songe formidable a bouleversé son sommeil. — « Voici que la terreur qui hérisse les cheveux et qui sort des songes, a rempli le palais de cris perçants dans cette nuit néfaste. […] — résonne comme un marteau d’airain sur une porte d’où des condamnés vont sortir.

364. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

M. de Lamartine, dont la disposition habituelle est plutôt le contentement et la sérénité, rentre bien vite dans le vrai de sa nature, lorsqu’il nous peint sa libre et facile enfance, sa croissance heureuse sous la plus tendre et la plus distinguée des mères : « Dieu m’a fait la grâce de naître dans une de ces familles de prédilection qui sont comme un sanctuaire de piété… Si j’avais à renaître sur cette terre, c’est encore là que je voudrais renaître. » Il aurait bien tort, en effet, et il serait bien injuste s’il croyait avoir à se plaindre du sort à ses débuts dans la vie. […] Et, par exemple, sans sortir des Confidences, dans l’ordre des choses de goût et de sentiment, que fait M. de Lamartine quand il nous parle de sa mère ? […] Selon lui, moyennant une corde lancée d’un toit à l’autre avec une flèche, son père et sa mère correspondaient, et son père put même quelquefois sortir la nuit de sa prison, pour aller passer quelques heures avec sa mère. […] Il y a trois volumes en tout : l’un est le roman de Jacopo Ortis ; l’autre est un volume de Tacite (le poète, dès ce temps-là, ne sortait jamais sans un Tacite, en prévision de ses futures destinées) ; enfin, le troisième volume est Paul et Virginie.

365. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

supposez un moment qu’après tout à l’heure deux siècles, d’Hacqueville soit revenu au monde, qu’il se mette à se ressouvenir de ce temps-là, à nous entretenir de Mme de Sévigné et de ses amis, à vouloir tout nous dire et ne rien oublier ; imaginez le récit intime, abondant, interminable, que cela ferait, un récit doublé et redoublé de circuits sans nombre et de toutes sortes de parenthèses ; ou, mieux encore, imaginez une promenade que nous ferions à Saint-Germain ou à Versailles en pleine cour de Louis XIV, avec d’Hacqueville pour maître des cérémonies et pour guide : il donne le bras à Mme de Sévigné, mais il s’arrête à chaque pas, avec chaque personne qu’il rencontre, car il connaît tous les masques, il les accoste un à un, il les questionne pour mieux nous informer ; il revient à Mme de Sévigné toujours, et elle lui dirait : « Mais, les d’Hacqueville, à ce train-là, nous n’en sortirons jamais. » C’est tout à fait l’idée qu’on peut prendre du livre de M.  […] Elle en sort telle que la première vue nous l’avait offerte, et plus que jamais pareille à elle-même. […] Il était venu un matin à l’Arsenal pour voir des canons ; elle sortait pour aller à la messe aux Célestins : Il me reconnut, dit-elle, à ma livrée, mit pied à terre et me mena à la messe, et l’entendit avec moi. […] Dans cet embarras, dont je ne savais par où sortir, je m’avisai un jour heureusement que j’avais des moyens sûrs pour cette persuasion, et que ce qu’elle m’avait écrit était si beau et si parfait qu’il ne fallait que le montrer pour persuader mieux que ce que je pouvais dire.

366. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Un jour le gouverneur, poëte, plus rêveur que de coutume, étant sorti, en robe de chambre, d’une forteresse qui faisoit sa résidence, tomba entre leurs mains. […] On ne voyoit partout que des Jupiter, des Mars, des Apollon & des Neptune, qui n’étoient jamais sortis de leurs vieux châteaux, ou de leurs comptoirs. […] Le roi, courroucé, le mande sur le champ, Le poëte, en paroissant, s’attendoit à une récompense ; mais, qu’il fut étonné quand ce monarque lui dit avec menace : Je vous ordonne de sortir incessamment de la ville & de mes états. […] Au sortir du sacrifice divin, il dicta les vers.

367. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

J’attendis la fin de ce torrent d’éloges sans justesse, sans portée et sans… lendemain, que l’on fait d’un homme qui entre au cercueil, — qu’on ne ferait peut-être plus, s’il en sortait ! […] Nous agissons un peu comme Platon quand un homme célèbre sort de la vie Nous ne lui marchandons pas sa couronne de départ. […] … Il y a des styles qui sortent de la pensée comme l’enfant du ventre de lu mère, avec des douleurs et du sang. […] D’autres qui sortent d’une incubation longue et pesante… Le style de Janin jaillissait à toute heure, et, comme dit Sterne, sans lui coûter un sou de réflexion et d’effort.

368. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Quand un grand homme a cessé de vivre, quand il est sorti de la phase historique qu’il a marquée de la double empreinte de son esprit et de son caractère, il laisse souvent après lui, et dans l’histoire même, quelques gouttes de son sang : — une famille, que la curiosité aime à étudier pour y retrouver les influences de sa gloire et de son génie ; car ceux qui croient le plus à la personnalité du mérite posent, malgré eux, la question de race à propos de tout, comme si c’était une fatalité ! […] De l’aventurier : — on ne sait d’où il était sorti. […] Encore une fois, c’est le sourire qui est le trait de ce livre, le sourire qui entre dans le sérieux, et qui en sort pour y rentrer ! […] Le sort marquait, selon lui, la volonté de Dieu.

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