/ 2930
54. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

L’une ou l’autre de ces deux sortes d’intérêt donne son caractère aux tragédies où elle domine. […] Soutenir un caractère est aussi essentiel que de l’établir avec force. […] Un seul de ces traits suffirait pour faire un grand caractère. […] Si quelque chose pouvait être au-dessous des caractères bas et méprisables, ce serait les caractères faibles et indécis. […] Un récitatif qui n’aurait pas tous ces caractères, ne pourrait jamais être employé sur la scène avec succès.

55. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre I : De la méthode en psychologie »

Son caractère est déterminé ; elle est (ou peut être) une science ; science non exacte, mais approximative et suffisante pour la pratique. […] Cela explique leur caractère d’infini, sans rien introduire de « nécessaire. » Il se peut que le temps et l’espace aient des limites, mais dans notre condition présente nous sommes totalement incapables de les concevoir. […] D’après cette définition, l’éthologie est la science qui correspond à l’art de l’éducation, au sens le plus large du mot, en y comprenant la formation des caractères nationaux ou collectifs aussi bien que des caractères individuels. » « L’éthologie peut être appelée la science exacte de la nature humaine », mais elle n’est exacte qu’à condition d’affirmer des tendances, non des faits. […] Les lois de la formation du caractère sont-elles abordables par la méthode expérimentale ? […] « Il existe des lois universelles de la formation du caractère, quoique le genre humain n’ait pas un caractère universel.

56. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

Seulement il était l’homme d’action et de caractère de ce groupe dont ils étaient, eux ! […] Il était, en effet, tout un caractère et peut-être ne fût-il que cela, mais qui peut dire que ce ne soit pas assez pour l’honneur d’un homme, car le caractère suppose plus que la volonté solitaire ; il implique aussi et toujours le bon sens ! Le caractère n’est point fait d’une seule pièce. […] Ce fut un homme de caractère, ce qui, dans un temps comme le nôtre où l’on n’en a qu’à certains jours, est plus rare peut-être que le génie. […] Mais elle eût été certainement retardée et arrêtée par le bloc des caractères forts et des fières décisions.

57. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

Cependant les écrivains dont le génie s’était formé au milieu des luttes sanglantes de la liberté, devaient avoir un autre caractère que les écrivains dont les talents s’étaient perfectionnés sous les dernières années du paisible despotisme d’Auguste. […] Malgré cette mollesse de caractère, qui se fait remarquer sous le règne d’Auguste dans la plupart des poètes, on trouve en eux un grand nombre de beautés réfléchies. […] L’amour de la campagne, qui a inspiré tant de beaux vers, prend chez les Romains un autre caractère que chez les Grecs. […] Mais cette affectation est le défaut de l’esprit d’Ovide ; il ne rappelle en rien le caractère général de l’antiquité. […] Le gouvernement républicain donne aux hommes, comme aux événements, un grand caractère ; et des siècles de monarchie despotique ou de guerres féodales, n’inspirent pas autant d’intérêt que l’histoire d’une ville libre.

58. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Les caractères se sont dépravés par les haines particulières, sans s’agrandir par l’amour de la patrie ; l’on s’est familiarisé avec l’assassinat, tout en se soumettant à la tyrannie. […] Un tel livre est dû tout entier au génie de l’auteur ; il n’a point de rapports avec le caractère général de la littérature italienne. […] Ces deux différents caractères s’aperçoivent à travers la couleur générale que la même langue, le même climat, les mêmes mœurs donnent aux ouvrages d’un même peuple. […] On en trouve dans quelques poésies arabes, et surtout dans les psaumes des Hébreux ; mais elle a un caractère distinct de celle dont nous allons parler en analysant la littérature du Nord. […] Les poésies hébraïques, les complaintes de Job en particulier, ont un caractère de mélancolie qui ne ressemble en rien à celui qu’on peut remarquer dans les poésies du Nord.

59. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

On remarquera que les êtres varient selon les temps et les lieux, et que, pour être vrai, il faut, avec les caractères, représenter les moeurs. […] Nous aurons des caractères, une action, des dialogues, car tout cela est dans la nature et s’offre aux premiers regards. — Mais quels seront les caractères ? […] Non, car la vue primitive ne découvre pas cette expression complexe et personnelle qui distingue un caractère de tous les autres. […] Le caractère ne sera donc ni assez dégagé, ni assez complet. […] Parmi les lignes, les teintes et les attitudes, il n’a plus vu que celles qui exprimaient ce caractère deviné.

60. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

L’émotion esthétique et son caractère social— L’agréable et le beau. […] L’émotion artistique et son caractère social. […] C’est que le caractère agréable ou pénible d’une émotion provient, non du premier état mental qui lui sert de prélude, mais de l’activité de la réaction intérieure consécutive. […] Si le sentiment de la nature est déjà un sentiment social, à plus forte raison tous les sentiments esthétiques excités par nos semblables auront-ils le caractère de sociabilité. […] Le but le plus haut de l’art est de produire une émotion esthétique d’un caractère social.

61. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

Mais avant d’être des nations nous n’avons tous formé qu’une même Europe, homogène, indivise, inarticulée, si l’on peut ainsi dire, — l’Europe féodale, l’Europe des croisades ; — et c’est pourquoi le premier caractère de la littérature française du Moyen Âge, c’est son caractère d’uniformité. […] Leur littérature est donc très générale, dépourvue de signification individuelle comme de signification locale, et c’est ce que l’on veut dire quand on en note le caractère d’impersonnalité. Enfin, — et par rapport à la rapidité de succession des idées ou des formes d’art dans nos littératures modernes, dans nos littératures contemporaines surtout, — l’immobilité de la littérature du Moyen Âge en fait un dernier caractère. […] C’est ainsi que dans cette Europe naguère encore étroitement unie, les nationalités se forment, par agglomération du semblable au semblable, par une espèce de groupement autour de quelques idées ou de quelques sentiments que l’hérédité transformera plus tard en caractères de race. […] De tous les caractères de la littérature européenne du Moyen Âge, il n’en est pas qui soit demeuré plus national et, si l’on ose ainsi parler, plus personnel à la littérature française que cette tendance à l’universalité.

62. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Mais dans nos assemblées, où toutes les invectives étaient admises contre tous les caractères, qui aurait saisi la nuance délicate des expressions de Cicéron ? […] Mais en France, la force, en recourant à la terreur, a voulu cependant y joindre encore une espèce d’argumentation ; et la vanité de l’esprit s’unissant à la véhémence du caractère, s’est empressée de justifier par des discours les doctrines les plus absurdes et les actions les plus injustes. […] Voulez-vous du moins faire entendre aux caractères haineux quelques paroles de bienveillance : vous serez également repoussé. […] Un très petit nombre d’hommes se vouait, chez les anciens, à cette morale stoïcienne qui réprimait tous les mouvements du cœur : la philosophie des modernes, quoiqu’elle agisse plus sur l’esprit que sur le caractère, n’est qu’une manière de considérer tous les objets de la vie. […] Ce sentiment de mélancolie que chaque siècle doit développer de plus en plus dans le cœur humain, peut donner à l’éloquence un très grand caractère.

63. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Caractères généraux de l’œuvre de Taine […] Sa critique est purement réaliste, d’une grande valeur artistique, par l’expression des caractères individuels, d’une insignifiante portée scientifique, parce qu’il n’y a pas de science de l’individu. […] Elle ne tient pas compte de la nature individuelle : non pas du caractère, qui est résolu en influences composées de la race, du milieu et du moment ; mais du génie, de la précision de la vocation, et de l’intensité de la création. […] Il a pour objet les caractères essentiels, dominateurs ; il les dégage, suppléant à la nature partout où elle les fait insuffisamment saillir. […] Elles se hiérarchisent selon que le caractère exprimé est plus ou moins bienfaisant : principe dangereux, qui ferait Aricie supérieure à Phèdre, Eugénie Grandet au père Grandet.

64. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Pajou » pp. 325-330

Entre tous ces soldats, où est le regret d’un caractère singulier ? […] La recherche et le luxe de son vêtement réclament encore contre son prétendu caractère ; l’innocence est simple en tout. […] Elle est debout ; elle est sage, bien drapée, d’un caractère de tête extrêmement sévère ; c’est bien la supérieure de ce couvent. […] L’homme qui se repose se soulage d’un malaise, on le voit sur son visage, dans l’affaissement, l’abandon de ses membres, et ces caractères manquent à ce berger. […] Figure commune, plate de caractère et d’expression, sans aucun mérite qui la distingue.

65. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Les ouvrages qu’il a publiés depuis, n’ont plus un caractère polémique. […] Bacon réunit ces deux caractères (cogitare, videre). […] Ce caractère est surtout sensible dans tout ce qui touche le droit naturel. […] Vico présente, par ce double caractère, une analogie remarquable avec l’auteur de la Divine comédie. […] Le caractère religieux de la Science nouvelle a disparu.

66. (1889) La critique scientifique. Revue philosophique pp. 83-89

., est le signe le plus important de l’individualité du poète ou de l’artiste ; elle nous livre directement les premiers caractères à connaître, les caractères mentaux, qu’on serait impuissant à déterminer d’après les données de l’hérédité, de l’ethnologie, etc. […] Je ne saurais, toutefois, m’abstenir de remarquer qu’on ne saisit directement, par cette méthode, que l’homme intellectuel2 ; car elle consiste à subordonner, à l’étude des caractères mentaux, celle des caractères physiques, physiologiques, pathologiques et moraux de l’individu. […] Toute œuvre, du reste, et c’est le cas pour la peinture, ne manifeste guère ces caractères intellectuels : le raisonnement juste ou fautif, le jugement sain ou faux, la faculté forte ou faible de généralisation, etc. […] On peut admirer dans l’œuvre d’autrui des qualités qu’on n’apporte pas dans la sienne propre, ou qu’on ne possède point dans son propre caractère. […] S’il nous dit que l’habitat ne modifie pas les traits généraux d’une race (p. 119), c’est donc qu’une race possède des caractères généraux, suffisamment persistants, et qui s’héritent.

67. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Il se retourna alors vers la peinture, luttant contre les circonstances pénibles avec l’opiniâtreté de sa volonté jointe à de la timidité dans le caractère. […] Raphaël a pour loi et pour règle secrète un caractère suprême d’unité et d’adorable fusion ; il tient moins, en un mot, à frapper fort qu’à toucher divinement. […] Il n’est dans le principe qu’un excellent peintre de caractère et d’imitation ; il creuse son unique objet ou lui donne tout son relief ; en cela, il a du graveur encore. […] Cette figure de Corinne est ingrate à faire, car on ne sait quel caractère lui donner ni quel costume. […] Quoi qu’il en soit, j’ai un caractère trop inquiet, un caractère mal fait, je puis dire, qui m’empêche d’avoir ce contentement que tant d’autres auraient à ma place.

68. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre IX. Caractères sociaux. — Le Prêtre. »

Caractères sociaux. — Le Prêtre. Ces caractères, que nous avons nommés sociaux, se réduisent à deux pour le poète, ceux du prêtre et du guerrier. Si nous n’avions pas consacré à l’histoire du clergé et de ses bienfaits la quatrième partie de notre ouvrage, il nous serait aisé de faire voir à présent combien le caractère du prêtre, dans notre religion, offre plus de variété et de grandeur que le même caractère dans le polythéisme. […] M. de La Harpe a montré, dans sa Mélanie, ce que peut devenir le caractère d’un simple curé, traité par un habile écrivain.

69. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

Le caractère de la littérature a nécessairement varié suivant ces diverses circonstances. […] Enfin la philosophie anglaise, à la fin du dix-septième siècle, prit son véritable caractère, et l’a soutenu depuis cent ans toujours avec de nouveaux succès. […] Ils ont développé d’une manière supérieure la théorie métaphysique des facultés de l’homme ; mais ils connaissent et étudient moins les caractères et les passions. […] Smith, Hume, Shaftesbury, étudient les sentiments et les caractères sous des points de vue presque entièrement métaphysiques. […] Enfin les modernes ont en général un respect pour les lois qui doit nécessairement aussi changer à quelques égards le caractère de leur éloquence.

70. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

Ce que la foule demande presque exclusivement à l’œuvre dramatique, c’est de l’action ; ce que les femmes y veulent avant tout, c’est de la passion ; ce qu’y cherchent plus spécialement les penseurs, ce sont des caractères. […] Les femmes, l’action intéresse d’ailleurs, sont si absorbées par les développements de la passion, qu’elles se préoccupent peu du dessin des caractères ; quant aux penseurs, ils ont un tel goût de voir des caractères, c’est-à-dire des hommes, vivre sur la scène, que, tout en accueillant volontiers la passion comme incident naturel dans l’œuvre dramatique, ils en viennent presque à y être importunés par l’action. […] En effet, au-delà de cette barrière de feu qu’on appelle la rampe du théâtre, et qui sépare le monde réel du monde idéal, créer et faire vivre, dans les conditions combinées de l’art et de la nature, des caractères, c’est-à-dire, et nous le répétons, des hommes ; dans ces hommes, dans ces caractères, jeter des passions qui développent ceux-ci et modifient ceux-là ; et enfin, du choc de ces caractères et de ces passions avec les grandes lois providentielles, faire sortir la vie humaine, c’est-à-dire des événements grands, petits, douloureux, comiques, terribles, qui contiennent pour le cœur ce plaisir qu’on appelle l’intérêt, et pour l’esprit cette leçon qu’on appelle la morale : tel est le but du drame. On le voit, le drame tient de la tragédie par la peinture des passions, et de la comédie par la peinture des caractères. […] C'est-à-dire du style ; car si l’action peut, dans beaucoup de cas, s’exprimer par l’action même, les passions et les caractères, à très-peu d’exceptions près, ne s’expriment que par la parole.

71. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Caractère de l’homme. […] Peinture de caractères généraux dans les conditions bourgeoises ou populaires. […] Elle a su faire des personnages qui évoluent, dont le caractère se défait et se refait. […] Balzac, avec son génie robuste et vulgaire, est incapable de rendre les caractères et les mœurs dont la caractéristique est la délicatesse. […] Les caractères se dessinent par une action significative, que le romancier a su choisir en faisant abstraction du reste.

72. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre III »

J’ignore comment les Grecs articulaient [mot en caractère grec], mais certainement ils ne disaient pas Hèraklès. […] Quant à la nécessité de différencier [mot en caractère grec] d’avec Neptunus, elle est certaine ; là, on pourra peut-être innover, mais en se souvenant que notre langue est latine et que la transcription latine de [mot en caractère grec] est Posidion 41. […] Les Grecs, qui avaient ce mot, l’écrivaient [mot en caractère grec], ce qui est beaucoup moins difficile à prononcer. […] [mot en caractères grecs] veut dire broche ou brochette. […] Sans doute pour scytogène [mot en caractère grec].

73. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Caractère pieux des représentations. […] Mais dans ce dernier cas, le caractère pieux disparaît devant l’intention morale. […] Tout le comique de la pièce est dans ces attributions de caractères. […] Mais ce qui ne laisse aucun doute, c’est le caractère du genre. […] Les allusions à la comédie et au caractère de Patelin se suivent jusqu’à 1470 : avant, il n’y a rien.

74. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

Louis XIV eut dans son caractère je ne sais quoi d’exagéré qui se répandit sur sa personne, comme sur tout son règne. […] Mais le même caractère, qui peut-être donna à Louis XIV toutes ces qualités, fit aussi la plupart de ses défauts. […] Il forma au-dedans le caractère de sa politique, et fit croire que la nation était lui, et que ses propres besoins étaient ceux de l’État. […] On peut dire en général que Louis XIV mesura un peu trop ses forces par son caractère. […] Ainsi Louis XIV eut un caractère unique, et qui ne fut qu’à lui.

75. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

La théologie et la physique sont si profondément incompatibles, leurs conceptions ont un caractère si radicalement opposé, qu’avant de renoncer aux unes pour employer exclusivement les autres, l’intelligence humaine a dû se servir de conceptions intermédiaires, d’un caractère bâtard, propre, par cela même, à opérer graduellement la transition. […] C’est alors, en effet, que les conceptions positives se sont dégagées nettement de l’alliage superstitieux et scolastique qui déguisait plus ou moins le véritable caractère de tous les travaux antérieurs. […] Mais elles seront destinées à imprimer à cette dernière classe de nos connaissances ce caractère positif déjà pris par toutes les autres. […] En un mot, l’organisation moderne du monde savant sera dès lors complètement fondée, et n’aura qu’à se développer indéfiniment, en conservant toujours le même caractère. […] Ne tiendrait-elle pas à ce même caractère général, propre à tous les corps organisés, qui fait que, dans aucun de leurs phénomènes, il n’y a lieu à concevoir des nombres invariables ?

76. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Malheureusement il s’appliqua surtout au grand, au noble genre de la comédie de caractère : il y fut parfaitement ennuyeux. […] Quant à remplacer les caractères par les conditions, il est facile de réfuter Diderot. […] n’est-on pas obligé de donner à la profession le support d’un tempérament, d’un caractère ? […] Au lieu des « caractères » abstraits et généraux, il faut, dit-il, montrer des « conditions », c’est-à-dire des caractères encore, mais particularisés, localisés, modifiés par les circonstances de la vie réelle, dont la plus considérable est l’attache professionnelle. […] Après Destouches, il ne faut plus parler de la comédie de caractère.

77. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Alexandre Dumas fils » pp. 281-291

Au poète dramatique il faut des situations et des caractères, et des implications formidables entre ces caractères et ces situations. […] Mais dans le livre que voici, où sont les situations et les caractères ? […] Et pour les caractères ! Est-ce un caractère que Pierre Clémenceau, le sculpteur, le héros du livre, que j’écrirais Clément-sot pour le mieux nommer, si je ne craignais pas d’être désagréable à Dumas ? […] … Est-ce enfin (car les voilà tous), est-ce enfin et cela peut-il s’appeler un caractère que cette Iza, épousée pour sa beauté seule par cet homme chaste et réfléchi, dont elle fait, en un tour de reins, une marionnette voluptueuse, le polichinelle de l’amour ?

78. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Le génie combine les possibles ; son premier caractère est la puissance de l’imagination. — Son second caractère est la puissance du sentiment, de la sympathie et de la sociabilité. […] Dans la composition des caractères, par exemple, l’art combine, comme les chimistes dans la synthèse des corps, des éléments empruntés à la réalité. […] De plus, nous ne connaissons pas scientifiquement les caractères intellectuels et physiques des races mélangées. […] Nous ne pouvons déterminer jusqu’à quel point et en quelle mesure le caractère de la race persiste chez les individus, en particulier chez les artistes. […] Ribot : Hérédité : « Les caractères individuels sont-ils héréditaires ?

79. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Son caractère est essentiellement barbare. […] Ainsi, tous ces caractères particuliers du génie anglo-saxon que M.  […] Il y a bien des lacunes dans son caractère. […] Tout a changé subitement : mœurs, langage, caractères et passions. […] Quel était le caractère de l’auteur ?

80. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Lesage ; son caractère. […] C’est, sous une forme propre à caresser l’imagination, une répétition des Caractères de La Bruyère. […] Il me semble qu’il faut prendre garde de trop louer l’idée philosophique qui a déterminé le caractère de Gil Blas. Ce n’est, si je puis dire, qu’un caractère à tiroirs. […] Ce style est d’un caractère à peu près constamment satirique : très rarement, il est tout à fait objectif.

81. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Tels sont les caractères de la parole considérée comme son ; ils se retrouvent tous dans la parole intérieure. […] Reste un quatrième caractère, le timbre : il appartient également à la parole, et il se retrouve aussi dans la parole intérieure. […] Ce ne sont pas là des caractères intrinsèques. […] Tous les états qui offrent ces caractères sont en même temps des états forts. […] Implicite, sa racine première est dans les caractères précédemment énumérés [§ 7].

82. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre troisième. La volonté libre »

On a soutenu aussi que la liberté est simplement une coloration particulière et un caractère spécifique des actions portant la « marque du moi ». […] Notre caractère, s’il est cause, est aussi avant tout l’effet du dehors ; il est l’accumulation de nécessités pour la plupart organiques. […] Mon caractère n’est pas mon vrai moi ; il existe en grande partie pour moi, malgré moi, et non par moi. […] Etre déterminé par son caractère, ce n’est donc pas être déterminé par soi. […] « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas », la passion aussi, et l’habitude, et le caractère.

83. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Ces caractères vivent ; nous les connaissons, nous les aimons. Zaïre est un des plus touchants caractères de la scène. […] Seulement, chez ces deux grands poètes, les caractères restent vrais, en dépit de l’anachronisme. Dans Voltaire l’anachronisme est souvent tout le caractère de ses héros. […] Toutes les qualités prenaient cette forme à ses yeux, même la douceur dans un caractère de femme.

84. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Zola n’a d’autre caractère spécifique que l’abondance, qualité appartenant à tous ceux qui ont frayé avec les romantiques, et, par endroits, un coloris fumeux. […] Le Ventre de Paris regorge de physionomies et de caractères. […] Zola a constamment proposé à son analyse des caractères simples et sains, ou déséquilibrés par une maladie concrète. La facilité choisie de cette tâche permet qu’on l’accuse de manquer de psychologie, défaut dont la présence est confirmée par la fixité de ses caractères. […] Zola en vient à assigner à ses principales figures les caractères de toute une classe.

85. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

Ce nombre ne doit-il pas être proportionné au temps, au lieu, au caractère du fait, au caractère de l’accusé, au caractère des accusateurs ? […] Il est de la plus grande vérité de caractère, c’est un personnage réel, il est grand sans être exagéré ; il est beau, quoiqu’il ait le nez gros et les joues creuses et décharnées, parce qu’il a le caractère de son état, et l’expression de son ministère. […] La vierge est de très-beau caractère. […] Du reste, grande économie de crayon ; regard farouche, sourcils froncés, caractère d’indignation très-propre à passer dans une composition historique. […] Cette femme promet un beau caractère de tête.

86. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Comment se fait-il que telle œuvre littéraire ait tels caractères et non tels autres ? […] Les détails patiemment rassemblés de la sorte révèlent des façons habituelles de penser, de sentir et surtout de vouloir, ce qu’on appelle souvent du nom vague de caractère. La science des caractères est encore dans l’enfance. […] Mais, au moyen des ressources que fournit la psychologie, on peut déjà esquisser le caractère d’un homme. […] On se gardera, d’ailleurs, de vouloir, par un amour périlleux de l’unité, concentrer tout un caractère dans une seule faculté.

87. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

Il y a des caractères indécis qui sont un mélange de grandeur et de faiblesse, et quelques personnes mettent Cicéron de ce nombre. […] On ajoute que faible par caractère, il n’était grand que par réflexion. […] On peut dire que des trois, Brutus était, sinon par son génie, du moins par son caractère, le plus digne peut-être de louer Caton. […] qui pouvait lui faire un crime de parler de ses grandes actions, dans ces moments où l’âme réclamant contre l’injustice des hommes, semble élevée au-dessus d’elle-même par le sentiment et le caractère auguste du malheur ? […] Cet affaiblissement du caractère, qu’on nomme politesse, et qui craint tant d’offenser l’amour-propre, c’est-à-dire la faiblesse inquiète et vaine, était alors plus inconnu.

88. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre II. Des tragédies grecques » pp. 95-112

Les Grecs n’exigeaient point comme nous le jeu des situations, le contraste des caractères ; leurs tragiques ne faisaient point ressortir les beautés par l’opposition des ombres. […] Euripide prodigue ces maximes dans les discours de ses personnages, sans qu’elles soient toujours parfaitement liées à la situation et au caractère. […] Dans les tragédies modernes, on aperçoit presque toujours, par le caractère du style, que l’auteur lui-même a éprouvé quelques-unes des douleurs qu’il représente. […] Leur destinée était pour les Grecs un sujet national ; le poète dramatique, en les représentant, n’avait qu’à développer les idées reçues : il n’était point obligé de créer à la fois le caractère et la situation ; le respect et l’intérêt existaient d’avance en faveur des hommes qu’il voulait peindre. […] Les caractères tragiques de l’amour maternel ont tous une analogie quelconque avec la douleur de Clytemnestre, et le dévouement filial doit toujours rappeler Antigone17.

89. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

Exposer son sujet, c’est-à-dire indiquer le temps, le lieu, toutes les circonstances particulières, présenter les personnages, marquer les caractères, annoncer l’action qui va mettre aux prises ces personnages et ces caractères, en rappelant tous les événements antérieurs qu’il est nécessaire de connaître pour comprendre ce qui va se passer ensuite ; développer le sujet, c’est-à-dire montrer le jeu des caractères, l’évolution des idées et des sentiments, la série des faits qui résultent des états d’âme et qui les modifient aussi, faire agir en un mot et souffrir les personnages, dénouer enfin le sujet, c’est-à-dire pousser l’action et les caractères vers un but où l’une s’achève et les autres se complètent, de telle sorte que le lecteur n’ait plus rien à désirer et que toutes les promesses du début soient remplies, voilà la formule classique de l’œuvre dramatique, qui s’adapte merveilleusement aux conditions des brèves narrations. […] Il faut observer, dans le choix des détails qui exprimeront l’action et les caractères, que tout ce qui est réel et vrai n’est pas à recevoir. […] Sauf toujours le besoin des cas particuliers, cela en soi n’a rien d’intéressant et est en dehors de l’art : cela seul a droit d’entrer dans le récit, qui est expressif, qui contribue à peindre les caractères ou à faire avancer l’action. […] Même si elles sont étrangères l’une à l’autre, elles n’ont pas le souci de se faire connaître, d’étaler leur caractère. […] Il n’est pas aisé d’y réussir : on voit des hommes de talent, au théâtre, présenter des personnages qui sont à tour de de rôle de plates photographies et des types abstraits, qui tantôt parlent le verbiage insignifiant de leur condition dans le monde, et tantôt proclament la théorie profonde de l’auteur sur leur caractère.

90. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

Ce sont là les caractères essentiels de la substance ; partant, rien d’étonnant si nous nommons ces possibilités des substances et si elles jouent le rôle prépondérant dans notre esprit. […] Et comme ceci arrive tour à tour pour chacune d’elles, le groupe dans son ensemble se présente à l’esprit comme permanent et fait contraste non seulement avec le caractère temporaire de ma présence corporelle en cet endroit, mais encore avec le caractère temporaire de chacune des sensations qui composent le groupe ; en d’autres termes, il se présente à l’esprit comme une sorte de substratum permanent sous une série d’expériences ou manifestations temporaires, ce qui est un autre caractère essentiel par lequel notre idée de la substance ou matière se distingue de notre idée de la sensation. […] Nous y sommes conduits par le caractère particulier de ces couples uniformes que l’expérience nous dévoile parmi nos sensations. […] Comme on l’a vu tout à l’heure, de la série des sensations musculaires par laquelle nous concevons le mouvement, nous retranchons tous les caractères qui peuvent la distinguer d’une autre série. […] Rien de plus en lui ; il n’a pas le langage, il lui manque le moyen de discerner et d’isoler les caractères de son image. — Nous avons ce moyen, et nous nous en servons.

91. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Les femmes de Racine : variété des caractères. […] Plus de caractères : l’amour égalise les humeurs au lieu de se diversifier selon les humeurs. […] Ces huit caractères de femmes sont tous des types bien tranchés, et d’une absolue vérité. […] Même dans les tragédies où l’amour est tout, il y a d’autres caractères que des amoureux. […] Les tragédies sacrées de Racine ont le même caractère.

92. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Essayons d’en déterminer les caractères psychologiques. […] C’est donc un caractère tout différent. […] Mais d’où tient-elle ce caractère ? […] Nous voici amenés ainsi à poser le caractère vraiment distinctif des sentiments poétiques, le caractère de beauté. […] Prat, Le caractère empirique et la personne, F.

93. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

Mais est-il bien vrai, dira-t-on, que les langues aient un caractère différent ? […] Le caractère de l’original doit donc passer aussi dans la copie. […] Mais comment se revêtir d’un caractère étranger, si l’on n’y est pas disposé par la nature ? […] Le caractère des écrivains est ou dans la pensée, ou dans le style, ou dans l’un et dans l’autre. Les écrivains dont le caractère est dans la pensée, sont ceux qui perdent le moins en passant dans une langue étrangère.

94. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XV. De l’imagination des Anglais dans leurs poésies et leurs romans » pp. 307-323

Ce qu’il me reste à examiner maintenant, c’est le caractère particulier à l’imagination poétique des Anglais. […] Au moment de la renaissance des lettres, et au commencement de la littérature anglaise, un assez grand nombre de poètes anglais s’écarta du caractère national, pour imiter les Italiens. […] On s’aperçoit souvent que le poète est contraint ou dirigé par sa soumission à l’orthodoxie : mais ce qui fait de Milton l’un des premiers poètes du monde, c’est l’imposante grandeur des caractères qu’il a tracés. […] Avant de donner une forme à Satan, il l’avait conçu immatériel ; il s’était représenté sa nature morale, avant d’accorder avec ce caractère sa gigantesque stature, et l’épouvantable aspect de l’enfer qu’il doit habiter. […] Les sujets ne sont pas les mêmes ; mais la manière de les traiter, mais le caractère général de cette sorte d’invention appartiennent exclusivement aux écrivains anglais.

95. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

Les lettres doivent souvent prendre un tel caractère, lorsque les hommes qui les cultivent sont éloignés de toutes les affaires sérieuses. […] Les anciens éprouvaient une admiration passionnée pour leurs illustres chefs, dont la grandeur native imprimait son caractère à des talents divers et à des gloires différentes. […] L’être moral d’un grand homme doit présenter cette organisation, cette balance, cette compensation, qui seule donne l’idée, dans les caractères comme dans les gouvernements, du repos et de la stabilité. […] Vous ne pouvez attacher le peuple à l’idée même de la vertu, qu’en la lui faisant comprendre par les actions généreuses et le caractère moral de quelques hommes. […] Rome l’admirait, de cette admiration libre qui honore la nation qui l’éprouve, et présente à la tyrannie mille fois plus d’obstacles que la confusion des noms, des actions et des caractères.

96. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Généralités sur la Comédie, et sur ses différents caractères à toutes les époques. […] Sont-ce des caractères : il faut que l’événement ne soit produit que par eux. […] Ceci ne concerne que le ridicule de caractères, et non celui de situation et d’état. […] Dans la comédie de caractère, il ne porte que sur le langage et les humeurs des personnages. […] Les caractères.

97. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la religion. »

Sa destinée, ni son caractère ne le préparant point à s’exposer aux coups du sort, il semblait que son âme devait succomber au premier trait du malheur. […] Le cœur est aussi borné que l’esprit ; par la dévotion proprement dite, ce genre d’exaltation a divers caractères. […] Quelque chose d’enthousiaste comme elle, des pensées qui, comme elle aussi, dominent l’imagination, servent de recours aux esprits qui n’ont pas eu la force de soutenir ce qu’ils avaient de passionné dans le caractère : cette dévotion se sent toujours de son origine ; on voit, comme dit Fontenelle, que l’amour a passé par là  ; c’est encore aimer sous des formes différentes, et toutes les inventions de la faiblesse pour moins souffrir, ne peuvent ni mériter le blâme, ni servir de règle générale ; mais la dévotion exaltée qui fait partie du caractère au lieu d’en être seulement la ressource, cette dévotion, considérée comme le but auquel tous doivent tendre, et comme la base de la vie, a un tout autre effet sur les hommes. […] Des caractères privés de qualités naturelles, à l’abri de ce qu’on appelle la dévotion, se sentent plus à l’aise pour exercer des défauts qui ne blessent aucune des lois dont ils ont adopté le code. […] On peut encore penser, en reconnaissant l’avantage des caractères inspirés par leurs propres penchants, que la dévotion étant d’un effet général et positif, donne des résultats plus semblables et plus certains dans l’association universelle des hommes ; mais d’abord, la dévotion a de grands inconvénients pour les caractères passionnés, et n’en eût-elle point, ce serait, comme je l’ai dit, au nombre des événements heureux, et non des conseils efficaces qu’il serait possible de la classer.

98. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VII. De la littérature latine, depuis la mort d’Auguste jusqu’au règne des Antonins » pp. 176-187

Ce n’est pas seulement à la diversité des caractères, c’est à celle des temps qu’il faut attribuer de telles dissemblances. L’opinion qui domine est un centre avec lequel les individus conservent toujours de certains rapports ; et l’esprit général du siècle, s’il ne change pas le caractère, modifie les formes que l’on choisit pour le montrer. […] Sénèque (que je ne juge ici que par ses ouvrages), Tacite, Épictète, Marc-Aurèle, quoique dans des situations différentes, et avec des caractères que l’on ne peut comparer, furent tous inspirés par l’indignation contre le crime. Leurs écrits en latin et en grec ont un caractère tout à fait distinct de celui des littérateurs du temps d’Auguste ; ils ont plus de force et plus de concision que les philosophes républicains eux-mêmes. […] On ne trouve donc point, dans les écrits de ce temps, le caractère qu’imprime toujours l’espoir d’être utile, cette juste mesure qui a pour but de déterminer une action, d’amener par la parole un résultat actuel et positif.

99. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Greuze » pp. 234-241

Chacun ici a précisément le degré d’intérêt qui convient à l’âge et au caractère. […] le caractère du vieillard est unique ; le caractère du gendre, unique ; l’enfant qui apporte à boire, unique. […] Son caractère même s’en ressent. […] Du reste, pour l’habit, le caractère et la couleur, c’est l’ouvrage d’un habile homme. […] On reproche à ce visage son sérieux et sa gravité : mais n’est-ce pas là le caractère d’une femme grosse qui sent la dignité, le péril et l’importance de son état ?

100. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre II : Variations des espèces à l’état de nature »

Il ne faut pas oublier que les classificateurs systématiques sont loin d’être satisfaits, quand ils rencontrent quelque déviation en des caractères importants. […] Dans la plupart des genres polymorphes, quelques espèces ont un caractère fixe et défini. […] Nous avons toutes raisons pour croire que beaucoup de ces formes douteuses, ou étroitement alliées, ont gardé avec permanence leurs caractères en leur contrée natale pendant une longue période de temps et, autant que nous en pouvons juger, aussi longtemps que de véritables espèces. […] En fin de compte, on ne saurait contester que beaucoup de formes considérées comme des variétés par des juges hautement compétents ont si parfaitement le caractère d’espèces, qu’elles sont rangées comme telles par d’autres juges d’égal mérite. […] Cependant la brièveté avec laquelle cette question doit être traitée ici est d’autant plus embarrassante, qu’elle nécessite quelques allusions à la concurrence vitale, à la divergence de caractères et à quelques autres questions qui ne seront discutées que plus tard.

101. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Entre l’individualité historique et le symbolisme philosophique disparaît la psychologie, l’étude des caractères généraux, vrais et vivants. […] Tous ses caractères sont d’une simplicité élémentaire ; ils tiennent dans de sèches formules, qui sont en général des antithèses. […] Et ce seront là des caractères compliqués : les caractères simples sont de raides et monotones abstractions, celui-ci la haine, celui-là l’ambition, cet autre l’envie, un autre la royauté, etc. […] Hugo ne compose pas ses caractères autrement que les tragiques du xviiie siècle. […] Abstraits dans les caractères, les drames de V.

102. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Ceux qui ont besoin de vous, sont si ingénieusement aimables, leur dévouement est si varié, leurs louanges prennent si facilement un caractère d’indépendance, leur émotion est si vive, qu’en assurant qu’ils aiment, c’est eux-mêmes qu’ils trompent autant que vous. […] C’est dans la lutte de leurs intérêts, et non dans le silence de leurs passions, qu’on croit découvrir les véritables opinions des hommes : et quel plus grand malheur que d’avoir mérité une réputation opposée à son propre caractère ! […] L’ambitieux n’a jamais mis la dignité du caractère au-dessus des avantages du pouvoir, et comme aucun prix ne lui a paru trop cher pour l’acquérir, aucune consolation ne doit lui rester après l’avoir perdu. […] Enfin, les malheurs de l’ambition sont d’une telle nature, que les caractères les plus forts n’ont jamais trouvés, en eux-mêmes, la puissance de s’y soumettre. […] Non : jamais un effort impuissant ne laisse revenir au point dont il voulait vous sortir, la réaction fait redescendre plus bas ; et le grand et cruel caractère des passions c’est d’imprimer leur mouvement à toute la vie, et leur bonheur à peu d’instants.

103. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome II

Magendie, Tiedemann et Gmelin indiquent que la coagulabilité est un des caractères de ce liquide. […] Le liquide coula immédiatement après l’opération avec les caractères de sécrétion normale. […] Ce dernier caractère est donc lié à l’existence de la matière spéciale à la sécrétion pancréatique. […] L’autopsie ne montra pas, du reste, des caractères bien évidents de péritonite. […] Les excréments rendus ce jour-là présentaient les mêmes caractères que la veille.

104. (1861) La Fontaine et ses fables « Conclusion »

Une race se rencontre ayant reçu son caractère du climat, du sol, des aliments, et des grands événements qu’elle a subis à son origine. Ce caractère l’approprie et la réduit à la culture d’un certain esprit comme à la conception d’une certaine beauté. […] Car le génie n’est rien qu’une puissance développée, et nulle puissance ne peut se développer tout entière, sinon dans le pays où elle se rencontre naturellement et chez tous, où l’éducation la nourrit, où l’exemple la fortifie, où le caractère la soutient, où le public la provoque. […] Il a fallu la vue intérieure des caractères, la précision, l’énergie, la tristesse anglaise, la fougue, l’imagination, le paganisme de la Renaissance pour produire un Shakspeare. […] Par lui nous voyons les gestes, nous entendons l’accent, nous sentons les mille détails imperceptibles et fuyants que nulle biographie, nulle anatomie, nulle sténographie ne saurait rendre, et nous touchons l’infiniment petit qui est au fond de toute sensation ; mais par lui, en même temps, nous saisissons les caractères, nous concevons les situations, nous devinons les facultés primitives ou maîtresses qui constituent ou transforment les races et les âges, et nous embrassons l’infiniment grand qui enveloppe tout objet.

105. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Diderot demandait aux dramatistes, pour renouveler le théâtre, de remplacer les caractères par les professions et l’étude des caractères par l’étude des professions. […] On a pu lui faire celle objection qu’il faudra bien que son militaire, son médecin ou son magistrat ait un caractère personnel, et que dès lors de deux choses l’une : ou le caractère professionnel sera d’accord avec le caractère personnel et dans ce cas en peignant le caractère professionnel c’est le caractère personnel que l’on peindra tout comme autrefois ; ou le caractère personnel et le caractère professionnel seront en divergence et par conséquent en lutte, et dans ce cas ce sera deux caractères en un seul homme que l’on aura à peindre, ce qui donnera un résultat confus, ambigu et trouble. […] Il n’y a que le premier cas prévu dans l’objection où l’objection soit juste : si le caractère professionnel et le caractère, personnel sont d’accord, en peignant le caractère professionnel vous ne peignez que le caractère personnel ; oui, mais le second cas prévu dans l’objection laisse matière à une comédie qui peut être excellente, puisque cette lutte même entre le caractère personnel et le caractère professionnel peut être merveilleusement dramatique ; exemple la Robe rouge de M.  […] C’est le caractère ecclésiastique. […] Il y a bien là deux caractères.

106. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Elles ont fait ainsi la fortune de ces genres qu’on appelle « communs », dont le caractère est de n’exister qu’autant qu’il existe un public pour les y encourager. […] S’il emprunte un sujet à l’Espagne, — parce que l’Espagne est à la mode, — il imprime donc à ses personnages, dans Le Cid ce caractère d’humanité, dans Le Menteur ce caractère de politesse, et, dans l’un et dans l’autre, ce caractère de généralité qui sont autour de lui les caractères des « honnêtes gens », et comme les signes auxquels ils se reconnaissent entre eux. […] La cour elle-même change de caractère. […] C’est ainsi que, comme les Caractères, le roman de Fénelon répond à ce besoin nouveau de connaître ou de savoir. […] Sous l’influence de toutes ces causes, la langue, elle aussi, change de caractère.

107. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

Il y a plus : le langage change, non seulement selon les conditions, mais selon les caractères, ou plutôt le langage change selon les conditions et le style change selon les caractères. […] Il ne suffit pas de lui donner un style laconique ; il faudrait qu’il ne dît rien ; ce n’est pas un personnage de théâtre. » Il est plus difficile de trouver le style d’un caractère que d’inventer le caractère lui-même. […] Mais le maître en ce genre, maître incomparable, du moins à considérer tous les auteurs français, et pour les autres je sens mon incompétence, c’est Molière, qui trace un caractère par le style même du personnage dès les premières répliques qu’il prononce, qui met des nuances de style sensibles entre des personnages à peu près semblables, et par exemple entre Philaminte, Armande et Bélise, peut-être et je le crois, entre Mademoiselle Cathos et Mademoiselle Madelon ; qui indique par des styles différents les différents âges, même, d’un même personnage ; car on sait parfaitement que Don Juan n’a pas le même âge au cinquième acte qu’au premier, malgré l’apparente observation de la règle des vingt-quatre heures, et qu’il change de caractère du commencement à la fin de la pièce ; or, observez le style, et vous verrez que de ces différences dans le caractère et de ces différences d’âge, le style même vous avertit. Il est à remarquer même que l’auteur dramatique varie naturellement son style selon les nuances de caractère d’un même personnage. On sait assez qu’Orgon, — et c’est une des grandes beautés de l’ouvrage — a deux caractères, selon, pour ainsi dire, qu’il est tourné du côté de Tartuffe ou tourné du côté de sa famille, autoritaire dans sa maison, docile au dernier degré devant « le pauvre homme ».

108. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Il faut, lorsqu’on examine le recueil de La Fontaine qui est intitulé les Fables, bien tirer à part les fables qui sont des contes, parce que ce sont certainement celles qui ont le caractère le plus élevé, même le caractère moral le plus élevé. […] S’il y a une lettre domestique, c’est bien celle où un mari fait des reproches à sa femme, il y a là un caractère d’authenticité domestique non douteux. […] Le caractère intime et confidentiel est marqué ici autant et même plus que partout ailleurs. […] Ce n’est pas un « Voyage de Chapelle et de Bachaumont » ; c’est un voyage de La Fontaine ayant le caractère domestique et familial au plus haut degré. […] Il n’y a rien comme le Voyage en Limousin qui nous renseigne sur le caractère de La Fontaine, sur son humeur, sur son esprit — et aussi sur ses limites.

109. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « de la littérature de ce temps-ci, a propos du « népenthès » de m. loève-veimars (1833). » pp. 506-509

Quoi qu’il advienne de ce jugement vénérable et suprême, pour ce que nous savons et voyons directement nous avons bien le droit de dire que le caractère de notre littérature actuelle est avant tout la diversité, la contradiction, le pour et le contre coexistants, accouplés, mélangés, l’anarchie la plus inorganique, chaque œuvre démentant celle du voisin, un choc, un conflit, et, comme c’est le mot, un gâchis immense. Précisément à cause de cela, dès qu’on veut assigner un caractère un peu précis à la littérature de ce temps, elle est telle qu’à l’instant même il devient possible d’alléguer des exemples frappants du contraire. […] Loève-Veimars, en sa spirituelle préface : « La littérature actuelle est toute d’improvisation ; c’est là son caractère, et il est bon d’avoir un caractère, quel qu’il soit. […] En un mot, à chaque fait un peu général que vous cherchez à établir touchant cette pauvre littérature, l’exception se lève aussitôt et le ruine ; quelque caractère particulier et déterminé que vous tâchiez d’indiquer, il se trouve toujours à côté autre chose d’assez imposant et d’aussi légitime que le reste, qui vous répond : « Non, la littérature de notre temps n’est pas cela. » C’est toute la définition que j’en veux donner aujourd’hui.

110. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre IX. Application des principes établis dans les chapitres précédents. Caractère de Satan. »

Caractère de Satan. […] En reprenant ce que nous avons dit, dans les précédents chapitres, nous commencerons par le caractère attribué aux mauvais anges, et nous citerons le Satan de Milton. […] Ainsi paraissait l’Archange obscurci, mais encore brillant au-dessus des compagnons de sa chute : toutefois, son visage était labouré par les cicatrices de la foudre, et les chagrins veillaient sur ses joues décolorées76. » Achevons de connaître le caractère de Satan. […] Satan se repentant à la vue de la lumière qu’il hait, parce qu’elle lui rappelle combien il fut élevé au-dessus d’elle, souhaitant ensuite d’avoir été créé dans un rang inférieur, puis s’endurcissant dans le crime par orgueil, par honte, par méfiance même de son caractère ambitieux ; enfin, pour tout fruit de ses réflexions, et comme pour expier un moment de remords, se chargeant de l’empire du mal pendant toute une éternité : voilà, certes, si nous ne nous trompons, une des conceptions les plus sublimes et les plus pathétiques qui soient jamais sorties du cerveau d’un poète. […] Quiconque a quelque critique et un bon sens pour l’histoire, pourra reconnaître que Milton a fait entrer dans le caractère de son Satan les perversités de ces hommes qui, vers le commencement du dix-septième siècle, couvrirent l’Angleterre de deuil : on y sent la même obstination, le même enthousiasme, le même orgueil, le même esprit de rébellion et d’indépendance ; on retrouve dans le monarque infernal ces fameux niveleurs qui, se séparant de la religion de leur pays, avaient secoué le joug de tout gouvernement légitime, et s’étaient révoltés à la fois contre Dieu et contre les hommes.

111. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Alcide Dusolier »

Alcide Dusolier I Nos gens de lettres, leurs caractères et leurs œuvres [I]. […] Le livre très distingué d’Alcide Dusolier : Nos gens de lettres, leur caractère et leurs œuvres 25, promet un critique de plus à cette fin de siècle, dont le caractère intellectuel, qui se précise de plus en plus, tend à devenir éminemment critique. […] d’un roman inédit dont je ne sais encore ni la conception ni les caractères. […] III L’attendrissement sous la gaîté, et la gaîté, non à grands éclats, non à grandes volées, mais la gaîté contenue de l’ironie, voilà le caractère du talent de peintre de Dusolier.

112. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Le caractère de Pyrrhus essuya des critiques plus spécieuses. […] Si Molière fut l’inventeur de la comédie de caractère, on peut dire que la tragédie de caractère est une création de Racine. […] Un pareil caractère est bien au-dessus de tous les confidens et confidentes des tragédies de Voltaire. […] Athalie, pleine de l’esprit, du caractère et de la religion des Juifs, n’en est que plus parfaite. […] Dans les opéras mêmes de Quinault, il n’y a ni caractère, ni invention, ni vérité.

113. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Ces deux particularités font le caractère archaïque des deux compositions dont je parle. […] Au reste, on peut dire que dès lors la période d’invention est finie pour le théâtre du moyen âge : il est en possession de tous les éléments, caractères, procédés, qui lui serviront jusqu’à la fin du xvie siècle. […] Ces pièces ne sont pas d’un art nouveau : moins graves que les anciens drames liturgiques, plus sérieuses que le jeu de saint Nicolas et que les mystères, très familières et rarement comiques, elles ont un caractère à la fois populaire et dévot que leur destination explique. […] Simples chansons et fabliaux, chansons de caractère et monologues, tout cela, comme les parades des bateleurs, contenait de quelque façon en puissance la comédie : tout cela dut en influencer le développement. […] Je veux parler de l’imagination psychologique, du don de distinguer les formes générales des caractères et des vies humaines, et de composer les actes et paroles d’un personnage en parfait accord avec ses sentiments.

114. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIX. De la littérature pendant le siècle de Louis XIV » pp. 379-388

Les Français cultivaient la littérature espagnole au commencement du dix-septième siècle : cette littérature avait en elle une sorte de grandeur qui préserva les écrivains français de quelques défauts du goût italien alors répandu dans toute l’Europe ; et Corneille, qui commence l’ère du génie français, doit beaucoup à l’étude des caractères espagnols. […] Corneille, plus rapproché des temps orageux de la Ligue, montre souvent dans ses tragédies le caractère républicain ; mais quel est l’auteur du siècle de Louis XIV dont l’indépendance philosophique peut se comparer à celle des écrits de Voltaire, de Rousseau, de Montesquieu, de Raynal, etc. ? […] Ce point d’honneur si susceptible, qu’il ne tolérait pas dans les relations de la vie la plus légère expression qui pût blesser la fierté la plus exaltée, ce point d’honneur donnait aussi ses lois à l’imitation théâtrale, aux jeux de l’imagination ; et la diversité des caractères qu’on pouvait peindre devait rester dans les bornes prescrites. […] La grandeur factice qu’il fallait accorder à Louis XIV portait les poètes à peindre toujours des caractères parfaits, comme celui que la flatterie avait inventé : l’imagination des écrivains devait au moins aller aussi loin que leurs louanges ; et le même modèle se répétait souvent dans les tableaux dramatiques. Le caractère d’Achille, dans Iphigénie, avait quelques traits de la galanterie française ; on retrouvait dans Titus des allusions à Louis XIV.

115. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Dans la première les sentiments avaient un caractère de généralité simple, pur, élevé ; ils sont devenus dans la seconde plus riches, plus profonds, plus intimes. […] L’analyse du cœur humain, la peinture des caractères remplacèrent sur la scène l’antique guerre des Dieux. […] En dehors de la chevalerie, il est accompli ; c’est un esprit sensé, c’est un cœur généreux, c’est un beau caractère. […] Euripide abandonne la grandeur et la simplicité plastiques qui distinguent les caractères antiques, pour passer au pathétique sentimental. […] Or, le nœud de ce drame présente un caractère prosaïque.

116. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Dans le même ordre d’idées, voici un autre caractère qui n’est que général. […] Rien de plus logique ; rien qui montre mieux le caractère double et en quelque sorte hybride de l’époque. […] Ce qui s’observe ensuite dans la littérature du temps, c’est un caractère aristocratique et mondain. […]   Un quatrième caractère se découvre bientôt. […] Molière y obéit encore, quand il s’efforce de tracer, non plus des portraits, mais des caractères, des types, quand il prétend peindre « l’avare » ou « le misanthrope  ».

117. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

D’où vient cependant que ce caractère assez laid en somme s’est prêté aux idéalisations de la critique ? […] Ce n’est pas la seule fois où l’on voie l’égoïsme radical faire un caractère charmant : ces libres déploiements de la nature primitive, antérieure à toute morale, ont d’infinies séductions. […] Ses légendaires distractions ne l’empêchaient pas de voir clair dans la vie : le caractère était mou et ployable en tous sens, mais l’intelligence était aiguisée et pénétrante. […] Et par un raisonnement que nous faisons tous les jours à propos de nos semblables, du profil et de l’aspect de l’animal, il en induit le caractère, c’est-à-dire un caractère humain, qu’il lui attache : il en explique les actes familiers par les motifs et les mobiles qui rendent compte des actes des hommes. […] Comme Molière, il a refusé de s’enfermer dans le langage académique et dans l’usage mondain : mettant en scène toute condition et tout caractère, il lui faut des mots de toute couleur et de toute dignité.

118. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VIII. La Fille. — Iphigénie. »

Iphigénie et Zaïre offrent, pour le caractère de la fille, un parallèle intéressant. […] La religion chrétienne est si heureusement formée, qu’elle est elle-même une sorte de poésie, puisqu’elle place les caractères dans le beau idéal : c’est ce que prouvent nos martyrs chez nos peintres, les chevaliers chez nos poètes, etc. […] Pour achever le cercle des caractères naturels, il faudrait parler de l’amitié fraternelle, mais ce que nous avons dit du fils et de la fille s’applique également à deux frères, ou à un frère et à une sœur. […] En un mot, le christianisme n’enlève rien au poète des caractères naturels, tels que pouvait les représenter l’antiquité, et il lui offre de plus son influence sur ces mêmes caractères.

119. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Doyen » pp. 244-247

Elle a les bras étendus, le corps incliné et la tête relevée ; son vêtement, son caractère, son attitude sont nobles et pathétiques. […] Je l’ai déjà dit, le peintre a voulu faire une Andromaque qui fût belle d’action, de caractère, de draperie et d’attitude, et il y a réussi. […] Cet Ulysse droit, roide, froid, sans caractère a été pris dans la boutique d’un vannier. […] Si Doyen eût montré son ébauche à un homme de sens, voici ce que cet homme lui aurait dit : Écartez-moi ces soldats les uns des autres, et donnez-leur plus de caractère, plus de force, des têtes, [des] corps et des visages relatifs à l’action. […] Il faut que chacun marque sa passion d’une manière convenable à son rang et à son caractère.

120. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre VII » pp. 278-283

Mais ces deux poèmes qui nous sont parvenus, nous forcent de n’admettre cette opinion qu’à demi, et de dire qu’Homère a été l’idéal ou le caractère héroïque du peuple de la Grèce racontant sa propre histoire dans des chants nationaux. […] Le caractère individuel d’Homère, disparaissant ainsi dans la foule des peuples grecs, il se trouve justifié de tous les reproches que lui ont faits les critiques, et particulièrement de la bassesse des pensées, de la grossièreté des mœurs, de ses comparaisons sauvages, des idiotismes, des licences de versification, de la variété des dialectes qu’il emploie ; enfin d’avoir élevé les hommes à la grandeur des dieux, et fait descendre les dieux au caractère d’hommes. Longin n’ose défendre de telles fables qu’en les expliquant par des allégories philosophiques ; c’est dire assez que, prises dans leur premier sens, elles ne peuvent assurer à Homère la gloire d’avoir fondé la civilisation grecque. — Toutes ces imperfections de la poésie homérique que l’on a tant critiquées répondent à autant de caractères des peuples grecs eux-mêmes. — 5. Nous assurons à Homère le privilège d’avoir eu seul la puissance d’inventer les mensonges poétiques (Aristote), les caractères héroïques (Horace) ; le privilège d’une incomparable éloquence dans ses comparaisons sauvages, dans ses affreux tableaux de morts et de batailles, dans ses peintures sublimes des passions, enfin le mérite du style le plus brillant et le plus pittoresque.

121. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

On pourrait, à son exemple, indiquer aussi les caractères littéraires, politiques et religieux exclusivement propres aux nations du Nord. […] Or, quel fut le caractère de cette poésie nouvelle ? […] L’universalité et la nécessité sont donc les caractères propres des connaissances pures à priori. Où manquent ces caractères, il est aisé de reconnaître les connaissances à posteriori. […] Le caractère commun des jugemens de cette espèce est de rapporter à un sujet un attribut qui n’y était pas renfermé logiquement.

122. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Caractère encyclopédique et philosophique de cette continuation. […] On voit d’abord le caractère de cette fiction : c’est en quelque sorte la figure schématique des formes, phases, accidents et progrès île l’amour. […] On méconnaîtrait le caractère de la courtoisie du xiiie  siècle, si l’on ne se rappelait que les commandements d’amour comprennent même la civilité. […] Il y a là un art d’individualiser par l’extérieur les caractères généraux, qui est au fond identique à l’art de La Bruyère. […] Jean Clopinel est un vrai bourgeois, qui n’entend rien aux raffinements de l’amour courtois, ou qui n’y voit que ridicule fadaise : aussi, dès les premiers vers qu’il écrit, imprime-t-il à sa matière un tout autre caractère, un caractère tout pratique et positif.

123. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre IV. La comédie »

Relief des caractères ; vérité des peintures de mœurs. — 3. […] Peinture des mœurs, description des caractères, invention du pathétique, tout est machiné, artificiel, « insincère », dans ces œuvres dont le brillant déjà s’écaille de toutes parts. […] Les caractères sont d’un relief remarquable, d’une analyse un peu sommaire, mais bien vivants et dramatiques en leurs énergiques raccourcis. […] Poirier (1854), qui met aux prises deux types si vrais de bourgeois enrichi et de noble ruiné ; dans les Lionnes pauvres (1858), où l’honnête Pommeau et sa femme forment un couple digne de Balzac, et nous offrent le tableau des ravages que l’universel appétit de richesse et de luxe peut faire dans un modeste ménage ; dans Maître Guérin (1864), enfin, qui, malgré son sublime colonel, est peut-être l’œuvre la plus forte de l’auteur par le dessin des caractères : ce faux bonhomme de notaire, qui tourne la loi et qui cite Horace, gourmand et polisson après les affaires faites, cette excellente Mme Guérin, vulgaire, effacée, humble, finissant par juger le mari devant qui elle s’est courbée pendant quarante ans, cet inventeur à demi fou et férocement égoïste, qui sacrifie sa fille à sa chimère, ces trois figures sont posées avec une étonnante sûreté ; Guérin surtout est peut-être le caractère le plus original, le plus creusé que la comédie française nous ait présenté depuis Molière : Turcaret même est dépassé. […] Il y a quelques œuvres surtout, où les caractères semblent vidés de toute réalité, à l’état de purs symboles : toute la Femme de Claude, et le principal rôle de l’Étrangère nous laissent l’impression de dessins apocalyptiques sous lesquels il ne faut chercher que des idées.

124. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Bruyère » pp. 111-122

La Bruyère Caractères de La Bruyère. […] Mais, en attendant ses publications ultérieures, voici un ouvrage qu’elle offre au public, marqué du caractère qui provoque la réimpression et la justifie : Les Caractères de La Bruyère 14, d’une grande gloire acquise. […] Seul, Boileau, chagrin et chagrinant, avait dit de ce style que La Bruyère, en écrivant ses Caractères, s’était épargné ce qu’il y a de plus difficile, — la peine des transitions. […] Destailleur, qui est un esprit distingué et juste, s’est-il rappelé le mot de Voltaire, ou l’aurait-il subi, non seulement en passant aussi vite qu’il l’a fait sur la personnalité de son auteur, dont il ne nous dit que ce que dit l’histoire, mais en négligeant de nous donner la clef de ses divers Caractères, sortis, tous, de l’étude de quelque personnalité ? […] Nous n’avons besoin d’aucun commentateur, d’aucun savant, d’aucun scoliaste, pour savoir ce qu’il y a d’humain et d’universel dans les Caractères de La Bruyère.

125. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Les caractères doivent être vraisemblables. Or notre expérience nous dit que chaque caractère a son ineffaçable pli, chaque visage sa grimace familière. […] Donc l’auteur variera les caractères et leur expression. — Nous savons, et nous disons souvent que « l’homme n’est pas parfait ». […] Voilà pourquoi la tragédie doit être pathétique, ne pas nous décrire les caractères en repos, niais les figurer dans la passion, en convulsion. […] Forte : afin d’en faire sentir le caractère.

126. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

Nous rechercherons plus tard si ces émotions, inefficaces sur le moment, ne deviennent pas, dans la suite, des motifs de conduite, en d’autres termes, si le genre de lectures ne modifie pas le caractère ; on pourra examiner encore si l’habitude de ces émotions sans aboutissement, quelle qu’en soit la nature, n’entraîne pas certaines conséquences morales. […] Le vocabulaire d’abord de l’écrivain contiendra en prépondérance des termes d’une certaine sorte qui, selon les images directes ou associées qu’ils suscitent, la sensation même qu’ils donnent à la vue ou à l’oreille, leur caractère familier ou rare, seront colorés, fantasques, magnifiques, sonores, rustiques, bas, etc. […] L’ensemble de ces moyens constitue, comme nous l’avons dit, le dehors, la forme d’un roman et de tous, et ne tient à ce genre, au sujet, aux spectacles, aux idées qui en forment le fond, que par l’unité de caractère qui doit relier toutes les parties d’un livre. […] D’autre part, il est évident que ces travaux sur l’effet émotionnel des œuvres, sur les émotions esthétiques, c’est-à-dire les émotions les plus définies de toutes dans leur cause et dans leurs caractères, seront d’un grand secours pour constituer une partie à peine esquissée de la psychologie : la connaissance générale des émotions. […] Sur ces points, on s’entend naturellement, comme on est accord sur les caractères généraux de la sculpture grecque, de la peinture flamande, de la musique italienne.

127. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre I. »

. — Nécessité de les transcrire avant qu’ils aient perdu leur caractère pré-islamique. — De quelle façon la forme a été respectée. — Justification d’un titre, en apparence, un peu trop général […] Classification des contestables et légendes d’après leurs caractères prédominants. […] Caractère essentiel, différent de celui qui leur est attribué dans les fables. […] Cette division en catégories n’a rien que de relatif et, pour l’établir, j’ai dû ne tenir compte que du caractère le plus marqué du récit à classer, alors que, par ses caractères accessoires, ce même récit pourrait se voir rangé dans une ou deux autres catégories. […] Le caractère fixé pour chaque animal dans la littérature « fablesque » est purement conventionnel.

128. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVI. Des éloges académiques ; des éloges des savants, par M. de Fontenelle, et de quelques autres. »

Les éloges de l’Académie française, tous composés par des mains différentes, portent chacun le caractère de leur auteur. […] Je sais bien que ce genre d’esprit a trouvé des critiques ; mais sans l’excuser entièrement, on peut dire que ce caractère de beautés convenait à Fontenelle, comme il y a des parures qui embellissent certaines femmes, et qui siéraient mal à d’autres. Un écrivain ne peut manquer de plaire quand il est lui, c’est-à-dire, quand son esprit est assorti à son caractère ; mérite plus rare qu’on ne pense. […] Par le même caractère, il devait se faire un plan raisonné du bonheur ; il consentait bien à instruire, mais il voulait plaire ; il ne mettait assez d’intérêt ni à la vérité, ni aux hommes, pour se compromettre : il ne devait donc jamais présenter la vérité avec chaleur ; et son système devait être de la laisser entrevoir plutôt que de la dire. […] Comme ils ont un caractère qui leur est propre, et que leur auteur n’a voulu imiter ni Fontenelle ni personne, ils méritent d’être distingués ici comme ils l’ont été par le public.

129. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre III. Trois espèces de jurisprudences, d’autorités, de raisons ; corollaires relatifs à la politique et au droit des Romains » pp. 299-308

La jurisprudence héroïque eut pour caractère de s’entourer de garantie par l’emploi de paroles précises. […] Puis, lorsque se formèrent les démocraties, sorte de gouvernement dont le caractère est plus ouvert et plus généreux et dans lequel commande la multitude qui a l’instinct de l’équité naturelle, on vit paraître en même temps les langues et les lettres vulgaires, dont la multitude est, comme nous l’avons dit, souveraine absolue. Ce langage et ces caractères servirent à promulguer, à écrire les lois dont le secret fut peu à peu dévoilé. Ainsi le peuple de Rome ne souffrit plus le droit caché, jus latens dont parle Pomponius ; et voulut avoir des lois écrites sur des tables, lorsque les caractères vulgaires eurent été apportés de Grèce à Rome. […] L’équité civile, ou raison d’état, devient le privilège d’un petit nombre de politiques et conserve dans le cabinet des rois son caractère mystérieux.

130. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre III. De la comédie grecque » pp. 113-119

Les caractères tragiques doivent avoir entre eux une certaine ressemblance qui exclut la finesse des observations ; et les modèles de l’histoire héroïque tracent d’avance la route qu’il faut suivre. […] Ils éprouvaient beaucoup plus d’enthousiasme que de respect pour les grands caractères. […] Aristophane saisissait quelques plaisanteries populaires ; il présentait quelques contrastes d’une invention commune et d’une expression grossière ; mais ce n’est jamais par la peinture des caractères, ni par la vérité des situations, que les ridicules des hommes et les travers de la société ressortent dans ses pièces. […] Aristophane n’a composé que des pièces de circonstance, parce que les Grecs étaient extrêmement loin de la profondeur philosophique, qui permet de concevoir une comédie de caractère, une comédie qui intéresse l’homme de tous les pays et de tous les temps. Les comédies de Ménandre et les caractères de Théophraste ont fait faire des progrès, l’un dans la décence théâtrale, l’autre dans l’observation du cœur humain ; parce que ces deux écrivains avaient sur Aristophane l’avantage d’un siècle de plus ; mais, en général, les auteurs se laissent aisément séduire dans les démocraties, par l’irrésistible attrait des applaudissements populaires.

131. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre II. Du sens et de la valeur des mots »

De même que la définition d’une espèce ne donne que les caractères communs à tous les individus de l’espèce, et de même que ces caractères communs ne peuvent jamais se présenter isolés, mais s’accompagnent toujours de caractères individuels qui sont infiniment variables, de même la définition d’un mot ne donne que la portion de sens commune à tous les emplois que les écrivains ont fait de ce mot : à cela vient s’ajouter une valeur spéciale, qui résulte de la combinaison particulière où le mot est entré. Quand le philologue, outre le sens primitif ou général du mot, en note les acceptions dérivées ou particulières, il ne fait que ce que fait le naturaliste, qui divise une espèce en variétés et en races : il y a toujours un point où il faut s’arrêter, et les dernières subdivisions où l’on parvient réunissent toujours des individus qui ont des caractères communs et des caractères propres.

132. (1864) Études sur Shakespeare

Dans notre monde moderne, toutes choses ont porté un autre caractère. […] Partout on verrait les caractères aussi peu tenaces que les passions, les résolutions aussi mobiles que les caractères. […] Le tragique et le comique se réunissent quelquefois dans un seul individu, et éclatent dans le même caractère. […] Celui qui n’eût pas détesté Iago eût-il pénétré, comme Shakespeare, dans les replis de son exécrable caractère ? […] La littérature de l’Espagne, fruit naturel de sa civilisation, possède déjà son caractère original et distinct.

133. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

En considérant l’insuffisance de son objet, on serait tenté d’en douter ; mais en observant la violence des mouvements qu’elle inspire, on y reconnaît tous les caractères des passions, et l’on retrouve tous les malheurs qu’elles entraînent, dans la dépendance servile où ce sentiment vous met du cercle qui vous entoure. […] La vanité règne quelquefois à l’insu même du caractère qu’elle gouverne ; jamais du moins sa puissance n’est publiquement reconnue par celui qui s’y soumet : il voudrait qu’on le crût supérieur aux succès qu’il obtient, comme à ceux qui lui sont refusés ; mais le public, dédaignant son but, et remarquant ses efforts, déprise la possession, en rendant amère la perte. […] Le hasard amène quelques exceptions, s’il est quelques âmes entraînées, ou par leur talent, ou par leur caractère, elles s’écarteront, peut-être, de la règle commune, et quelques palmes de gloire peuvent un jour les couronner ; mais elles n’échapperont pas à l’inévitable malheur qui s’attachera toujours à leur destinée. […] D’ailleurs, rien n’efface dans les femmes ce qui distingue particulièrement leur caractère. […] La peine se multiplie par la peine, et le but s’éloigne par l’action même du désir ; et dans ce tableau qui semblerait ne devoir rappeler que l’histoire d’un enfant, se trouvent les douleurs d’un homme, les mouvements qui conduisent au désespoir et font haïr la vie ; tant les intérêts s’accroissent par l’intensité de l’attention qu’on y attache ; tant la sensation qu’on éprouve, naît du caractère qui la reçoit bien plus que de l’objet qui la donne.

134. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

On voit par l’histoire qu’il soutint toujours le même caractère. […] Si on regarde les talents, il eut plus de génie ; si on regarde le caractère, il eut plus de fermeté peut-être, et fut plus loin de cette bonté dont on abuse, et qui, voisine de l’excès, peut devenir une vertu plus dangereuse qu’un vice. […] Son caractère ardent est souvent inégal ; souvent il voit le but, l’atteint et le passe ; enfin, il eut dans ses idées plus d’impétuosité que de règle, et, dans plusieurs de ses sentiments, plus de grandeur que de sagesse. […] On s’attacha surtout à imiter plusieurs des caractères du christianisme. […] Nous savons par l’histoire quels furent son caractère et ses goûts.

135. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Quels caractères que ceux de César, de Cornélie et même de Cléopâtre ! […] Quelle conception sublime que celle du caractère de Cornélie ! […] Voltaire était-il fait pour ne pas sentir que Cléopâtre agit d’après son caractère ? […] Ces incidents, qu’on appelle invraisemblables, sortent naturellement du caractère et de la situation. […] La proposition n’est point absurde, parce qu’elle est conforme au caractère de celle qui la fait.

136. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

Ses plans sont réguliers, son dialogue & ses caractères bien soutenus. […] Le caractère vertueux de Destouches est peint dans ses ouvrages. […] Il avoit le talent de saisir les traits essentiels d’un caractère & de le peindre des couleurs qui lui sont propres. […] La gaieté de son caractère le porta à un genre singulier, dont il fut le créateur. […] Gresset a un caractère moins marqué que M.

137. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VI. Des Esprits de ténèbres. »

Ce merveilleux d’un fort grand caractère en fournit ensuite un second d’une moindre espèce, à savoir : la magie. […] Un autre trait distinctif de nos êtres surnaturels, surtout chez les puissances infernales, c’est l’attribution d’un caractère. Nous verrons incessamment quel usage Milton a fait du caractère d’orgueil, donné par le christianisme au prince des ténèbres. […] Il faudra seulement prendre garde, en les mêlant aux tremblements de terre, aux volcans ou aux ombres d’une forêt, de donner à ces scènes un caractère majestueux.

138. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Ses héros sont concentrés et fixés à n’être qu’un penchant, une attitude, une phrase, un trait de caractère sans lequel ils n’existeraient pas plus qu’un morceau de bois qui cesserait d’être ligneux. […] Pour la démonstration d’un caractère, d’une physionomie, pour les procédés de personation d’un auteur, cette tendance affective aura des effets plus marqués encore. […] De sorte qu’il ne faut point s’étonner qu’un écrivain affectif soit redondant dans les traits de caractère qu’il donne à ses personnages et dans les développements par lesquels il en trahit l’impression. […] Le sentiment bien plus que les idées étant ce qui constitue le caractère, en déterminant les élans de la volonté, les actes, la conduite, Dickens fut exactement dans la vie ce qu’il apparaît dans ses livres. […] Il eut les dehors, le caractère, la vie, l’art surtout d’un enthousiaste.

139. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Il sera d’un caractère plus sévère, quoiqu’il ait quelque rapport au premier. […] Ils seront vus en même temps avec plus d’intérêt que si je les expose séparément ; car le caractère de celui qui m’occupe paraîtrait triste et monotone, si on ne pouvait faire de comparaison avec un autre où j’aimerais à exprimer le bonheur. […] C’est encore un pays tout neuf et qui conserve beaucoup du caractère étrusque, mêlé avec celui de la Renaissance qui plaît toujours tant. […] C’est autre chose que mes brigands de Sonnino, et je suis sûr qu’en restant dans le pays, on ferait les choses avec bien plus de caractère, bien plus larges, d’un plus beau style, plus original en tout, plus riche de couleurs. […] Ce qui frappe et touche dans la peinture est un caractère d’énergie, de force dans les hommes, et de sensibilité, de douceur dans les femmes.

140. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Il ne devait pas dire : Je préfère Aristophane à tous les poètes comiques, parce que la comédie à tel ou tel caractère que je trouve seulement dans son théâtre. Il devait dire : Je déclare que la comédie à tel ou tel caractère, parce que je préféré Aristophane à tous les poètes comiques. […] Or, quels sont les grands caractères de l’ode ? […] Uranie répond qu’à la vérité ces mots ne sont pas du tout plaisants en eux-mêmes, mais qu’ils le deviennent par réflexion à Arnolphe, et que l’auteur ne les a pas donnés, comme des traits d’esprit, mais comme des traits de caractère. […] Elle pardonne à l’auteur d’Alceste d’avoir sacrifié l’intrigue à l’étude profonde des caractères : elle excuse Caldéron d’avoir sacrifié les caractères au jeu divertissant de l’intrigue.

141. (1890) Dramaturges et romanciers

Il n’est pas misanthrope par caractère, mais pour ainsi dire par métier. […] Leurs caractères et leurs mœurs sont en parfait accord avec leurs noms. […] De là un des caractères les plus curieux de son talent : l’optimisme. […] Ce caractère est-il vrai ? […] Un mot sur le caractère de Mme de Tècle.

142. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre V. Observations philosophiques devant servir à la découverte du véritable Homère » pp. 268-273

Les fables furent à leur origine des récits véritables et d’un caractère sérieux, et (μῦθος, fable, a été définie par vera narratio). […] Les caractères poétiques, qui sont l’essence des fables, naquirent d’une impuissance naturelle des premiers hommes, incapables d’abstraire du sujet ses formes et ses propriétés ; en conséquence, nous trouvons dans ces caractères une manière de penser commandée par la nature aux nations entières, à l’époque de leur plus profonde barbarie. — C’est le propre des barbares d’agrandir et d’étendre toujours les idées particulières. […] D’après cette explication des caractères poétiques, les allégories poétiques qui y sont rattachées, ne doivent avoir qu’un sens relatif à l’histoire des premiers temps de la Grèce. — 9. […] Aristote trouve qu’il est impossible d’égaler les mensonges poétiques d’Homère ; Horace dit que ses caractères sont inimitables ; deux éloges qui ont le même sens. — Il semble s’élever jusqu’au ciel par le sublime de la pensée ; nous avons expliqué déjà ce mérite d’Homère, livre II, page 225.

143. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Mais, en obéissant à son caractère sombre et hautain, Maturin parte de la faim avec d’autres paroles. […] Les caractères, les situations et le langage n’appartiennent qu’à l’imagination. […] Une pareille scène écrite par Schiller aurait eu un tout autre caractère. […] Le commencement surtout est confus ; mais le caractère de la comédienne est parfait. […] Cette liberté prématurée a donné à son esprit un caractère quelque peu viril.

144. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

L’infini a le caractère opposé ; il est fixe. […] Tous présentent ce caractère. […] Ce caractère distingue bien ces deux facultés. […] Subordination des caractères. […] Pouvons-nous penser ces caractères sans signes ?

145. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

« Qui dit développement de caractère, dit d’ordinaire mise au jour, exposition lucide, détaillée et complète d’un caractère. […] Jamais on n’a appelé action dramatique une évolution de caractère. […] le caractère d’Alceste serait un caractère en évolution ! […] Mais il s’agissait d’un bon, de caractère aigri. […] Autre siècle, autre caractère.

146. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Argument » pp. 287-289

Il les présente ici sous une forme toute historique, il ajoute l’indication générale des caractères de l’âge des hommes, et trace ainsi une esquisse complète de l’histoire idéale indiquée dans les axiomes. […] Trois espèces de langues et de caractères. — Langues et caractères hiéroglyphiques, symboliques et emblématiques, vulgaires. […] Autres preuves tirées des caractères propres aux aristocraties héroïques.

147. (1842) Discours sur l’esprit positif

Les spéculations dominantes y ont conservé le même caractère essentiel de tendance habituelle aux connaissances absolues : seulement la solution y a subi une transformation notable, propre à mieux faciliter l’essor des conceptions positives. […] C’est uniquement ainsi que nos connaissances positives peuvent former un véritable système de manière à offrir un caractère pleinement satisfaisant. […] Les quatre caractères généraux que nous venons de rappeler la distinguent à la fois de tous les modes possibles, soit théologiques, soit métaphysiques, propres à la philosophie initiale. […] Mais il n’en peut plus être ainsi quand une telle instruction est directement destinée à l’éducation universelle, qui en change nécessairement le caractère et la direction, malgré toute tendance contraire. […] Avant même de comporter encore aucun caractère vraiment scientifique, cette classe de conceptions a surtout déterminé le passage décisif du fétichisme au polythéisme, partout résulté du culte des astres.

148. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVIII. Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté » pp. 366-378

Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté La gaieté française, le bon goût français, avaient passé en proverbe dans tous les pays de l’Europe, et l’on attribuait généralement ce goût et cette gaieté au caractère national ; mais qu’est-ce qu’un caractère national, si ce n’est le résultat des institutions et des circonstances qui influent sur le bonheur d’un peuple, sur ses intérêts et sur ses habitudes ? […] Leurs écrivains connaissaient mieux les caractères, les peignaient mieux qu’aucune autre nation. […] Les Français n’approfondissent pas, comme les Anglais et les Allemands, les sentiments que le malheur fait éprouver ; ils ont trop l’habitude de s’en éloigner pour le bien connaître : mais les caractères dont on peut faire sortir des effets comiques, les hommes séduits par la vanité, trompés par amour-propre, ou trompeurs par orgueil, cette foule d’êtres asservis à l’opinion des autres, et ne respirant que par elle, aucun peuple de la terre n’a jamais su les peindre comme les Français. […] Les courtisans venant se mêler aux habitants de la capitale, voulaient y montrer un mérite personnel, un caractère, un esprit à eux ; et les habitants de la capitale conservaient toujours un attrait irrésistible pour les manières brillantes des courtisans. […] L’influence des femmes est nécessairement très grande, lorsque tous les événements se passent dans les salons, et que tous les caractères se montrent par les paroles ; dans un tel état de choses, les femmes sont une puissance, et l’on cultive ce qui leur plaît.

149. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre V : Rapports du physique et du moral. »

Il verra que pour l’auteur « les actions les plus élevées de l’esprit ont essentiellement le même caractère que les actions réflexes, mais sont bien plus compliqués. » C’est là une grosse question posée en passant : à notre avis elle contient la question du rapport du physique et du moral dans sa totalité : mais ce n’est pas ici le lieu de l’aborder193. […] Bain a publié un livre : On the study of character including an estimate of phrenology, 1861, dans le but de raviver les études analytiques sur le caractère humain, a qui semblent avoir suivi le déclin de la phrénologie. » Après avoir passé en revue les très rares travaux consacrés à la science du caractère avant Gall (Théophraste, la Bruyère, Fourier), et après avoir consacré une moitié de l’ouvrage à la critique détaillée et impartiale des classifications phrénologiques, M.  […] Il propose donc, comme base de l’étude des caractères, la triple division de l’esprit en volition, émotion, intelligence. 1° La source de la volition, comme nous l’avons vu, est dans cette énergie spontanée qui a son siège physique dans les muscles, mais qui dépend encore plus du cerveau que du système musculaire, et donne naissance, quand elle est à son maximum, au caractère ou tempérament énergique. 2° Le caractère émotionnel se distingue par la prédominance des affections et de leurs manifestations extérieures.

150. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Si, en effet, les caractères dont la réunion forme le type normal ont pu se généraliser dans une espèce, ce n’est pas sans raison. […] Dans le premier cas, il aura le droit de traiter, le phénomène de normal et, dans le second, de lui refuser ce caractère. […] S’il est un fait dont le caractère pathologique paraît incontestable, c’est le crime. […] Car ce qui leur confère ce caractère, ce n’est pas leur importance intrinsèque, mais celle que leur prête la conscience commune. […] Nous ne croyons pas que jamais on se soit systématiquement astreint à décider du caractère normal ou anormal des faits sociaux d’après leur degré de généralité.

151. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Deshays  » pp. 134-138

Son imagination est pleine de grands caractères. […] La constance, la foi, l’espérance, et la douleur sont fondues sur son visage qui est d’un caractère simple, fort, rustique et pathétique. […] Il faut voir après cela, les détails ; les têtes de ces satellites ; leurs actions ; le caractère du préteur et de ses assistants ; toute la figure du saint ; tout le mouvement de la scène. […] La distribution des figures, la couleur, les caractères des têtes, en un mot toute la composition me ferait le plus grand plaisir, si le St Benoit était comme je le souhaite, et ce me semble comme le moment l’exige. […] Il semble qu’il ait renoncé à sa couleur, à sa sévérité, à son caractère, pour prendre la touche et la manière de son confrère.

152. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Argument » pp. 93-99

Corollaires relatifs aux caractères poétiques employés comme signes du langage par les premières nations. […] Caractère farouche et religions sanguinaires des hommes de l’âge d’or. […] Pirateries et caractère inhospitalier des premiers peuples. […] Le gouvernement de Rome fut, dans son origine, plus aristocratique que monarchique, et malgré l’expulsion des rois, il ne changea point de caractère, jusqu’à l’époque où les plébéiens acquirent le droit des mariages solennels et participèrent aux charges publiques. […] Les héros qui passent pour avoir fondé des colonies lointaines, Hercule, Évandre, Énée, etc., ne sont que des expressions symboliques du caractère des indigènes qui fondèrent ces villes.

153. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Les formules des situations, des caractères, des passions se sont fixées. […] La qualité des matériaux lui est indifférente : il prend à La Calprenède, à Corneille, à Racine, des situations, des caractères, des sentiments ; il amalgame des lieux communs, il invente des férocités ou des héroïsmes sans exemple ; peu lui importe ; jamais il n’a jeté un regard vers la nature. […] Arsame sera le premier instruit ; et cette révélation lui donnera occasion de développer le caractère du généreux qui se sacrifie. […] Dans Zaïre, trois caractères sont en relation et réagissent l’un sur l’autre : Orosmane, l’amour jaloux ; Lusignan, la foi fervente ; Zaïre, l’amour passionné aux prises avec le respect filial. […] Aussi dessine-t-il des caractères vraisemblables, en indications rapides, un peu sommaires ; voilà pourquoi ses tragédies gagnent à être vues plutôt que lues, s’il y a un bon acteur pour compléter l’esquisse tracée par le poète.

154. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

C’est une certaine lumière de gloire et un certain caractère de grandeur que la vertu héroïque imprimée sur le visage des à omet mes ; elles défendent la solitude et la nudité d’une personne exposée aux outrages de la fortune, accablée sous les ruines d’un parti détruit, abandonnée de ses propres vœux et de sa propre espérance. Ce caractère rend inviolable à des ennemis irrités, lie les mains à des traîtres. C’est ce caractère qui crie : Qui es-tu, malheureux, qui oses mettre la main sur Caïus Marins ? L’autorité de ce caractère survit à celle du pouvoir, elle se conserve dans les ruines de la puissance, elle rend affliction sainte et vénérable. […] Pas un de leurs gestes, pas un de leurs mouvements qui fût indigne de la souveraineté du monde ; ils riaient même, ils se jouaient avec une sorte de dignité. » Ici l’auteur fait un retour vers madame de Rambouillet, pour remarquer qu’elle est de ce caractère, qu’elle descend du même principe, fille de leur discipline et de leur esprit , et ne tient pas moins de l’a magnanimité des César et des Scipion que de l’honnêteté des Livie et des Cornélie.

155. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Il en est de même de certaines idées si ancrées qu’elles semblent moins tenir à l’intelligence qu’au caractère. […] Or, ce qui est du caractère persiste, se recouvre peut-être, mais se creuse assurément plutôt que de diminuer, avec l’âge. […] Nous prenons place parmi les nations de la terre, et nous avons un caractère à établir. […] Mais en rayant toute une histoire de rois, on ne raye pas aussi aisément un caractère de peuple. […] J’insiste, parce que c’est ici le nœud du caractère de La Fayette ; mais voici un trait encore.

156. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Il y a donc un système dans les sentiments et dans les idées humaines, et ce système a pour moteur premier certains traits généraux, certains caractères d’esprit et de cœur communs aux hommes d’une race, d’un siècle ou d’un pays. […] L’homme, forcé de se mettre en équilibre avec les circonstances, contracte un tempérament et un caractère qui leur correspond, et son caractère comme son tempérament sont des acquisitions d’autant plus stables, que l’impression extérieure s’est enfoncée en lui par des répétitions plus nombreuses et s’est transmise à sa progéniture par une plus ancienne hérédité. […] Quand le caractère national et les circonstances environnantes opèrent, ils n’opèrent point sur une table rase, mais une table où des empreintes sont déjà marquées. […] À présent supposez que cet élément commun reçoive du milieu, du moment ou de la race des caractères propres, il est clair que tous les groupes où il entre seront modifiés à proportion. […] J’ai choisi l’Angleterre, parce qu’étant vivante encore et soumise à l’observation directe, elle peut être mieux étudiée qu’une civilisation détruite dont nous n’avons plus que les lambeaux, et parce qu’étant différente, elle présente mieux que la France des caractères tranchés aux yeux d’un Français.

157. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

Quand cela est possible, il faut faire la contre-épreuve des indications recueillies de la sorte, en examinant le caractère des frères, des sœurs, des descendants de l’écrivain qu’on examine. […] Pour cela il accumule les faits, associe les anecdotes et les citations, les récits historiques et les caractères littéraires, expose et raconte, généralise et conclut, tente en un mot une démonstration au lieu de prononcer des jugements, de défendre ou d’attaquer une esthétique. […] Bourget ne s’attarde pas à justifier l’assertion principale de ses préfaces, celle que les auteurs d’une époque déterminent les caractères de l’époque artistique suivante. […] La critique d’art n’a revêtu un caractère scientifique intéressant que chez M.  […] Les manifestations qu’elle analyse : livres, partitions, tableaux, statues, monuments, ont en commun le caractère d’être « esthétiques », de tendre à être belles et à émouvoir.

158. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

En métaphysique c’est le contraire : l’œuvre est personnelle ; elle porte le caractère d’un individu ou au moins d’une race. […] Ainsi entendue, elle perdra ce caractère abstrait qui la fait ressembler si souvent à la logique. […] Il est aussi différent de déterminer le caractère d’un peuple et de raconter son histoire, que de faire le portrait d’un homme et de tracer sa biographie. […] L’Ethologie élimine ce dernier élément et n’en tient compte qu’autant qu’il sert à mieux pénétrer le caractère. […] Elle prendra son vrai caractère : l’impersonnalité.

159. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Il veut que les mœurs soient nobles et invariables en chaque personnage, toujours pareil à lui-même, ou également inégal, suivant son caractère donné. […] par les ressorts des caractères qui meuvent les tissus de l’intrigue. […] Est-ce un soin superflu que de tracer nettement leur caractère aux hommes qui n’ont pu s’en former une idée fixe, nécessaire à motiver leurs suffrages ? […] Eschyle étonne par l’éminence des idées, par la sublime concision des maximes, et par le choix des caractères prédominants. […] Le caractère particulier des trois tragiques est vivement empreint dans leurs œuvres.

160. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Cette intolérance de Bossuet, inévitable peut-être dans sa situation et commandée par sa foi, par son caractère, éclate aujourd’hui à tous les yeux ; et quand on lit l’ouvrage éloquent où il s’est si bien passé de Richard Simon, il est impossible d’en séparer désormais le souvenir de ce savant qui le gênait, qui lui était une épine au pied, et qu’il supprimait autant qu’il lui était possible. […] Je l’aime mieux quand ses longueurs portent sur le caractère merveilleux du Christianisme, sur le règne de la charité, sur l’explication qu’il donne de la folie et du mystère de la Croix, qu’il semblait déjà avoir épuisé ; mais encore est-il décidément trop long, traînant ; il abonde dans ses pensées ; il y nage, mais il s’y noie. […] erreur du temps, de la profession tant que l’on voudra, mais aussi erreur et faiblesse de caractère ou d’esprit en celui qui parle et qui, à force d’embrasser l’universalité des siècles, ne prévoit pas ce que lui garde le jugement du lendemain ! […] Les portraits qu’il trace d’Athènes et de Lacédémone pourraient être sans doute plus creusés ; Montesquieu, en son Esprit des Lois, a opposé le caractère des deux peuples dans des chapitres qui seraient définitifs, si rien était définitif en ce monde. […] Chez Bossuet, les considérations ont plutôt le caractère moral, et chez Montesquieu un caractère politique.

161. (1739) Vie de Molière

Ce sont de petits faits, mais ils peignent le caractère. […] La pièce est sans intrigue et toute de caractère. […] C’est une pièce de caractère et d’intrigue. […] Ils peignaient au hasard des caractères chimériques. […] La naïveté, peut-être poussée trop loin, en fait le principal caractère.

162. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Une classification naturelle suppose deux choses : une comparaison des phénomènes, et une analyse rigoureuse qui, sans s’arrêter aux caractères accidentels, pénètre jusqu’à ce qui est fondamental. […] Bain avoue lui-même qu’il a adopté, comme base de classification, les caractères les plus manifestes des émotions, tels qu’ils nous sont donnés subjectivement et objectivement. […] quels en sont les caractères ? […] Un sentiment tendre, au contraire, donnerait lieu à une manifestation d’un caractère moins tranché, le sourire ; si toutefois il est exact de dire que le sourire est une espèce de rire. […] Il me semble cependant que sa grande préoccupation a été celle-ci : donner à la moralité un caractère purement humain.

163. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Mérimée donne du caractère de Boris paraît la plus vraisemblable, et on conçoit que l’historien se soit plu, non pas à le réhabiliter, mais à le dessiner. […] Sa fin est toute dramatique, et l’historien en a marqué le caractère en quelques mots qu’il n’avait qu’à pousser un peu pour atteindre, au drame ; mais M.  […] Ce n’est pas nous qui l’en détournerons : ce caractère simple, ferme et marqué en tout genre, est son cachet et son honneur. […] Il va au fait, il met tout en action ; la parole serre de près chaque situation, chaque caractère. […] Ne leur demandez point d’ailleurs cette continuité dans les caractères, cette suite dans l’action et dans l’expression qui fait la force intérieure de ceux de M. 

164. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Doutez-vous des caractères essentiels de la Divinité ? […] De là deux choses : 1º la nécessité des grands hommes ; 2º leur caractère propre. […] Leur caractère général. […] Ces travaux manquant de caractère propre ne nous occuperont point ici. […] Kant est un élève de Descartes comme Locke ; il a le même caractère général, la même méthode que Locke, car ce caractère et cette méthode, qui n’appartiennent ni à Locke ni à Kant, sont à jamais la méthode et le caractère de la philosophie moderne.

165. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

L’éloge d’une reine qui, par caractère, autant que par les circonstances, éloignée des grands intérêts et des affaires, n’a pu avoir qu’une grandeur modeste et des vertus presque obscures sur le trône, peut être difficilement piquant. […] Ainsi, par un hasard singulier, ces deux grands hommes ont trouvé dans leurs panégyristes un genre d’éloquence analogue à leur caractère. L’oraison funèbre de Turenne n’en est pas moins un des monuments de l’éloquence française ; l’exorde sera éternellement cité pour son harmonie, pour son caractère majestueux et sombre, et pour l’espèce de douleur auguste qui y règne. […] S’il faut à l’orateur, comme un peintre, des physionomies à caractère, on peut dire qu’il n’y en eut jamais une plus marquée que celle-là. […] Pour tracer un pareil caractère, il fallait avoir une grande vigueur de pinceau, et Fléchier ne l’avait pas.

166. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Et c’est pourquoi si nous entendons par caractère quelque chose de plus profond et de plus général à la fois, le Menteur n’est donc pas une comédie de caractère. […] Pas de liberté, pas de satire ; pas de satire, pas de caractères, mais des ébauches de caractères seulement, des commencements de caractères, et rien de « creusé » ni de profond. […] Croirons-nous donc avec Voltaire que les « caractères » s’épuisent ? […] Turcaret est de son temps, et il en exprime l’un des caractères essentiels. […] ORONTE Des caractères, monsieur, des caractères… et des portraits.

167. (1895) Hommes et livres

Ses travaux mêmes ont un caractère plus profane. […] Le caractère s’éparpille en tous sens, jusqu’à en être indéterminé. […] Chaque tête même a son caractère : voyez dame Léonarde. […] Où sont les caractères ? […] Le comique de caractère ou de situation n’est plus possible.

168. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Caractères propres du roman anglais. —  En quoi il diffère des autres. […] —  Caractère du squire. —  Les héros de Fielding. —  Amélia. […] Sterne. —  Étude excessive des particularités humaines. —  Caractère de Sterne […] Quel caractère ! […] Je ne juge plus les caractères, je laisse là les règles morales.

169. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Il imprimait déjà à ses vers ce tour spirituel, original, capricieux, caractère des drames légers de son petit-fils. […] Cette molle incurie de l’âme et du talent qui faisait la faiblesse de son caractère, faisait le charme de son esprit. […] Ils ont ajouté l’impiété à la débauche dans ce caractère. […] Ces trois conditions sont : un amour, une foi, un caractère. […] La troisième condition, un caractère, ne lui a pas moins manqué.

170. (1772) Éloge de Racine pp. -

La tragédie, soumise comme tout le reste au caractère patriotique, fut donc chez les grecs leur histoire en action. […] Un homme tel que toi ne pouvait être formé que par la nature ; ton excellente organisation fut entièrement son ouvrage, et portait un caractère original, indépendant de toute imitation. […] Quelle modestie noble et douce dans le caractère d’Andromaque ! […] Son caractère ne l’y portait pas. […] Oublions que Corneille ait pu méconnaître à ce point le caractère de son talent.

171. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Caractère de Montaigne ; sa vie ; son temps. — § V. Caractère général des Essais. […] Les caractères n’y profitèrent pas moins que les intelligences. […] Il y a de tous les caractères dans ce caractère, il y a de tous les hommes dans cet homme. […] Sa condition n’y servit guère moins que son caractère.

172. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

La plus grande attention de l’auteur doit être de faire marcher de front le comique, le développement du sujet et celui des caractères. Quand la pièce est un tissu de caractères, il est permis de s’occuper de leur développement, plus encore que de l’exposition du sujet. Telle est la première scène du Misanthrope, qui est employée principalement à dessiner les caractères d’Alceste et de Philinte. […] Si la pièce dans laquelle on introduit un épisode est une comédie de caractère, il faut avoir égard à deux choses : la première, que les intrigues des deux actions soient légères ; la seconde, que le caractère les embrasse toutes deux. […] Ces deux intrigues sont légères, parce qu’elles sont subordonnées au caractère principal de l’Avare, qui les occupe et les fait marcher.

173. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Docilement, patiemment, il s’applique à la copier pour la rendre en son propre et singulier caractère. […] Zola apparaît assez curieusement dans le caractère particulier de chacun des romans qui doivent l’exprimer. […] Flaubert lui apprit à poursuivre le caractère original et particulier des choses, à choisir l’expression qui fait sortir ce caractère. […] Dans le développement de ses caractères, point d’outrance philosophique, point d’exclusion a priori de la psychologie. […] Bourget fait l’éducation de son « disciple », notant toutes les circonstances et influences qui déterminent le caractère, de la première enfance à l’âge d’homme.

174. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

Le dieu s’appelle Allah dans les contes des peuples anciennement islamisés et il a, en gros, le caractère du dieu de Mahomet. […] Quant au dieu des Môssi, il est d’un caractère plus autochtone, c’est Ouinndé. […] Ces génies ont ici un caractère si différent de celui des djinns de la légende arabe et des génies tels que nous les concevons que j’ai cru devoir leur conserver le nom générique indigène. […] Leurs pieds ne présentent pas le caractère anormal de ceux des guinâdyi. — Les gotteré sont robustes et trapus et porteurs d’une très longue barbe. […] Caractère.

175. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

En général, l’éloquence italienne a peu de caractère et de force. […] On peut dire que leur éloquence participe à ce caractère général. […] Cependant le discours, semblable à de l’harmonie sans caractère, s’arrête à la surface des sens ; l’âme n’a aucun des plaisirs qui l’intéressent ; elle n’est ni remuée par des passions, ni attachée par des idées. […] Ailleurs, on loue le souverain ; son caractère ou son génie fait le sort de sa nation. […] Je ne parle pas de ces gazettes où les écrivains politiques, animés par une faction ou par leur propre caractère, vantent toutes les semaines, à tant par feuilles, un projet ou un homme.

176. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Préface de la seconde édition » pp. 3-24

Subdivisez les phrases de ce style autant que vous le voudrez, les mots qui les composent se rejoindront d’eux-mêmes, accoutumés qu’ils sont à se trouver ensemble ; mais jamais un écrivain n’exprima le sentiment qu’il éprouvait, jamais il ne développa les pensées qui lui appartenaient réellement, sans porter dans son style ce caractère d’originalité qui seul attache et captive l’intérêt et l’imagination des lecteurs. […] Ne voient-ils pas de tous côtés les sentiments les plus vils, l’avidité la plus basse s’emparer chaque jour d’un caractère de plus, dégrader chaque jour quelques hommes sur lesquels on avait reposé son estime ? […] Si l’on joint à ces deux exemples ceux que l’on trouvera cités dans ce livre, si l’on examine avec soin tous les ouvrages de l’antiquité, l’on verra qu’il n’en est pas un qui ne confirme la supériorité des Romains sur les Grecs, de Tibulle sur Anacréon, de Virgile sur Homère dans tout ce qui tient à la sensibilité ; et l’on verra de même que Racine, Voltaire, Pope, Rousseau, Goethe, etc. ont peint l’amour avec une sorte de délicatesse, de culte, de mélancolie et de dévouement qui devait être tout à fait étrangère aux mœurs, aux lois et au caractère des anciens. […] Un des caractères les plus frappants dans l’homme, dit le citoyen Talleyrand, dans son Rapport sur l’instruction publique du 10 septembre 1791, pag. 7, c’est la perfectibilité ; et ce caractère sensible dans l’individu, l’est bien plus encore dans l’espèce : car peut-être n’est-il pas impossible de dire de tel homme en particulier qu’il est parvenu au point où il pouvait atteindre, et il le sera éternellement de l’affirmer de l’espèce entière, dont la richesse intellectuelle et morale s’accroît sans interruption de tous les produits des peuples antérieurs. […] Je conçois qu’on puisse se plaire dans ces plaisanteries, quoiqu’elles soient un peu usées ; mais je ne comprends pas comment il serait possible que mon caractère ou mes écrits inspirassent des sentiments amers.

177. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Le caractère de Gusman ne se dément-il pas par cette lâche patience ? […] Le même caractère de nouveauté et d’originalité se retrouve dans un front qui lève les yeux. […] Les caractères sont faibles et très inférieurs à ceux du roman. […] Du reste, le caractère de Tancrède est parfaitement beau ; c’est un vrai chevalier. […] Voilà un pauvre caractère et une fable bien mal tissue.

178. (1874) Premiers lundis. Tome II « Loève-Veimars. Le Népenthès, contes, nouvelles et critiques »

Quoi qu’il advienne de ce jugement vénérable et suprême, pour ce que nous savons et voyons directement, nous avons bien le droit de dire que le caractère de notre littérature actuelle est avant tout la diversité, la contradiction, le pour et le contre coexistants, accouplés, mélangés, l’anarchie la plus inorganique, chaque œuvre démentant celle du voisin, un choc, un conflit, et, comme c’est le mot, un gâchis immense. Précisément à cause de cela, dès qu’on veut assigner un caractère un peu précis à la littérature de ce temps, elle est telle qu’à l’instant même il devient possible d’alléguer des exemples frappants du contraire. […] Loève-Veimars, en sa spirituelle préface : « La littérature actuelle est toute d’improvisation ; c’est là son caractère, et il est bon d’avoir un caractère quel qu’il soit. […] Quelque caractère particulier et déterminé que vous tâchiez d’indiquer, il se trouve toujours à côté autre chose d’assez imposant et d’aussi légitime que le reste, qui vous répond ; « Non, la littérature de notre temps n’est pas cela. » C’est toute la définition que j’en veux donner aujourd’hui. […] Chasles qui, dans une publication récente, sous le titre de Caractères et Paysages, vient de recueillir des morceaux de critique, d’érudition, et quelques souvenirs animés et touchants ; nous reviendrons plus particulièrement à lui un autre jour.

179. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre IV. Moyens de déterminer les limites d’une période littéraire » pp. 19-25

Il faut recourir aux procédés des classifications naturelles : rapprocher, comparer les œuvres littéraires nées à différents moments ; constater les caractères principaux qu’elles présentent ; noter à quelle date apparaissent ceux-ci et disparaissent ceux-là. Nous avons le droit de dire : L’existence de tels caractères constitue une époque. La disparition de ces mêmes caractères marque la fin de cette époque et le commencement d’une autre. On découvre à première vue qu’il y a des caractères d’une persistance inégale. […] est alors tout animée de l’esprit de l’antiquité classique qu’elle se modèle de parti pris sur les Grecs et sur les Romains qu’elle est par suite savante et faite surtout pour une aristocratie ; les œuvres qui la composent ont presque toutes un caractère hybride ; elles sont semi-païennes et semi-chrétiennes ; elles sont anciennes par la forme, les sujets, les titres, l’imitation voulue, l’emploi de la mythologie ; modernes par les idées et les sentiments qui sont coulés dans ces moules d’autrefois.

180. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre V. Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur » pp. 69-75

Recherche délicate, qui demande beaucoup de prudence et de tact, mais qui peut réussir à prouver que tel trait de physionomie ou de caractère est un trait de famille. […] Benjamin Constant disait : « Ce qui a décidé du caractère de Talleyrand, ce sont ses pieds21 ». […] Soumettez un caractère faible à une éducation sévère et rigide ; il en restera ployé pour toute sa vie. Appliquez les mêmes procédés à un caractère énergique et résistant ; il se raidira contre ce qu’on prétend lui imposer et peut-être ira-t-il par réaction jusqu’à en prendre le contrepied. […] Reste, parmi les milieux qu’il a traversés, la cour de Louis XIV, de ce roi qui, au dire de Mme Sévigné, gardait sa majesté jusqu’en jouant au billard, et il faut bien admettre que la cour, où l’on retrouve ces mêmes caractères dans la vie de tous les jours, a marqué de son empreinte le génie naturellement fin et délicat du poète.

181. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Or, si ces différentes saisons ont des caractères si distincts, comment ces caractères ne perceraient-ils pas dans les ouvrages de l’esprit ? […] On y retrouve la complexion, le caractère, les habitudes de l’artiste. […] elle me déshonore, et est d’ailleurs tout à fait contraire à mon caractère. […] Là, se retrouve l’antithèse constante du caractère dorien et du caractère ionien. […] Caractère très noble, mais un peu ombrageux, par sa délicatesse même.

182. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

pourquoi dénaturer des caractères antiques, pour les vétir à notre mode ? […] Il faut dans une Comédie non pas un caractère dominant, mais plusieurs caractères agissans, de sorte qu’on soit incertain & qu’on ne sache vraiment lequel domine. […] Le caractère sortira de l’assemblage des autres caractères, & non par des traits outrés, ou des maximes ; car ces prétendues pièces de caractères sont des efforts pénibles, qui n’aboutissent qu’à montrer les recherches minutieuses du Poëte, au-lieu d’offrir la liberté, la grâce & la franchise de sa touche. […] La Tragédie, en France, a peint l’homme en efforts & non dans ses habitudes, qui révèlent le fond des caractères. […] Ne doit-il pas se modifier & devenir aussi étendu que le sont les mœurs, les caractères & les évènemens ?

183. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Musset achevait d’user dans la débauche une vie dont l’erreur avait été de vouloir se conformer au caractère de sa poésie : l’enfant terrible du parti en était devenu la plus lamentable victime ! […] 2º Ses Œuvres critiques, qui sont : — ses Lettres sur les écrits et le caractère de J. […] 3º Ses Écrits politiques, qui sont : ses Réflexions sur le procès de la reine, 1793 ; — son apologie de son père : Du caractère de M.  […] Quel en est le caractère ? […] Pomairols, dans son Lamartine] ; — et qu’aux caractères des premières elles en joignent un autre ; — qui est d’allier plus de grâce [Cf. 

184. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la comédie chez les Anciens. » pp. 25-29

On divise ordinairement la comédie en deux espèces, la comédie d’intrigue et la comédie de caractère. […] La seconde espèce est la comédie de caractère : c’est celle qui est la plus utile aux mœurs et la plus difficile. […] Dans la comédie de caractère, l’auteur dispose son plan de manière que les situations mettent en évidence le caractère qu’il veut peindre : expressions, sentiments, actions, incidents, épisodes, tout doit se rapporter à cet unique but.

185. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre XII. Suite du Guerrier. »

Montrons à présent que ces vertus du chevalier, qui élèvent son caractère jusqu’au beau idéal, sont des vertus véritablement chrétiennes. […] Les poètes modernes ont tiré une foule de traits nouveaux du caractère chevaleresque. […] On sait combien le caractère chevaleresque est favorable à l’Épopée. […] Mais c’est dans Godefroi qu’il faut admirer le chef-d’œuvre du caractère héroïque.

186. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre I. Introduction. Trois sortes de natures, de mœurs, de droits naturels, de gouvernements » pp. 291-295

Pour que les hommes déjà entrés dans la société pussent se communiquer les mœurs, droits et gouvernements dont nous venons de parler, il se forma trois sortes de langues et de caractères. […] Trois sortes de mœurs Les premières mœurs eurent ce caractère de piété et de religion que l’on attribue à Deucalion et Pyrrha, à peine échappés aux eaux du déluge. — Les secondes furent celles d’hommes irritables et susceptibles sur le point d’honneur, tels qu’on nous représente Achille. — Les troisièmes furent réglées par le devoir ; elles appartiennent à l’époque où l’on fait consister l’honneur dans l’accomplissement des devoirs civils. […] Ces curètes furent à Rome les quirites, ou citoyens investis du caractère sacerdotal, du droit de porter les armes, et de voter aux assemblées publiques. Gouvernements humains, dans lesquels l’égalité de la nature intelligente, caractère propre de l’humanité se retrouve dans l’égalité civile et politique.

187. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

L’épopée y prendra plusieurs formes, mais ne perdra jamais son caractère. […] Architecture et poésie, là, tout porte un caractère monumental. […] Le caractère de la première poésie est la naïveté, le caractère de la seconde est la simplicité, le caractère de la troisième, la vérité. […] Il n’avait, ni dans le génie ni dans le caractère, l’âpreté hautaine de Corneille. […] Il y a surtout une époque dans sa vie où ce caractère singulier se développe sous toutes ses formes.

188. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

La tristesse fait pénétrer bien plus avant dans le caractère et la destinée de l’homme, que toute autre disposition de l’âme. […] Toutes mes impressions, toutes mes idées me portent de préférence vers la littérature du Nord ; mais ce dont il s’agit maintenant, c’est d’examiner ses caractères distinctifs. […] La culture, l’industrie, le commerce ont varié de plusieurs manières les tableaux de la campagne ; néanmoins l’imagination septentrionale conservant toujours à peu près le même caractère, on doit trouver encore, même dans Young, Thomson, Klopstock, etc., une sorte d’uniformité. […] En appelant Ossian l’origine de la littérature du Nord, j’ai voulu seulement, comme on le verra par la suite de ce Chapitre, l’indiquer comme le plus ancien poète auquel on puisse rapporter le caractère particulier à la poésie du Nord. […] Il n’y a point de mythologie ; mais on y retrouve sans cesse une élévation d’âme, un respect pour les morts, une confiance dans une existence à venir ; sentiments beaucoup plus analogues au caractère du christianisme que le paganisme du Midi.

189. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre III. L’analyse externe d’une œuvre littéraire » pp. 48-55

L’analyse des œuvres appartenant à cette dernière catégorie a un double caractère, un caractère mixte. […] De quel caractère ? […] Est-elle, au contraire, l’accessoire, comme cela se produit dans une comédie de caractère telle que le Misanthrope ou dans un roman d’analyse signé Stendhal ? […] Minces détails, si l’on veut, qui sont pourtant des traits de caractère, des indices révélateurs d’un ensemble d’opinions et qui peuvent en certains cas devenir le point de départ de conjectures intéressantes  ! […] En chimie, on soumet un corps à chacun de nos sens pour en déterminer les caractères distinctifs : il y a lieu de soumettre un style à une enquête semblable et plus complète encore, parce que nous avons affaire ici à quelque chose de vivant.

190. (1813) Réflexions sur le suicide

Ce serait vouloir compter les flots de la mer, qu’analyser les combinaisons du sort et du caractère. […] Et d’ailleurs l’éducation, que nous devons recevoir de la douleur, porte nécessairement sur la portion de notre caractère, qui a le plus besoin d’être réprimée. […] Ce sentiment n’appartient-il pas à la véritable fermeté du caractère ? […] Mais ceux qui se représentent les Anglais comme des hommes d’un caractère froid, se laissent tout à·fait tromper par la réserve de leurs manières. […] Des paris extraordinaires, quelquefois même des excès blâmables sont une preuve de la véhémence de leur caractère.

191. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Il appelle ces amis de son choix, à qui il resta de tout temps fidèle, « des hommes remplis de défauts, mais de probité, de caractère et de courage ». […] J’ai dit qu’une parole malheureuse vint, presque dès les premiers jours changer sa situation à l’Assemblée et altérer la candeur de son caractère. […] Cet homme de caractère, c’est lui-même, et c’est lui aussi qui, à un certain moment, fut cet homme faible. […] Mais tout en s’y refusant par respect pour son caractère moral, on ne sait quelle autre explication trouver. […] Combien d’esprit dans les individus, combien de courage dans la masse ; mais combien peu de caractère réel, de force calme, et surtout de véritable vertu !

192. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Ce caractère de Mlle d’Ette est admirablement saisi et rendu ; c’est par la peinture des caractères, par le développement et le naturel des conversations que les Mémoires de Mme d’Épinay sont un livre unique. […] Leur originalité propre consiste dans l’expression naïve et nue des autres caractères ; dans le caractère de Mlle d’Ette, cette peste domestique ; dans celui de Duclos, son digne pendant, tel qu’il se révèle ici ; dans les confidences de Mme de Jully, confessant crûment à sa belle-sœur son amour pour le chanteur Jélyotte, et lui demandant service pour service. […] Duclos, avant la publication de ces Mémoires, jouissait d’une bonne réputation, de celle d’un homme original d’humeur et de caractère, ayant son franc-parler, droit et adroit. […] Au reste, s’il y perd comme caractère, il n’y perd pas comme esprit. […] Comme caractère et comme homme, il semble avoir eu plus de qualités réelles et positives qu’aimables ; mais gardons-nous de le juger d’après Rousseau.

193. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Louis XIV en ressentit en lui l’inspiration et en révéla sensiblement à tous le caractère. […] En cela Louis XIV ne sut réussir qu’à demi ; il força évidemment dans ses pompes le caractère de la monarchie française, et, en vieillissant, il en vint à n’être plus en accord avec l’esprit public de la nation. […] Je laisse de côté Louis XV et les lâches indignités de son règne : mais on peut dire que le caractère bon, honnête, modéré, des respectables Bourbons qui ont succédé, n’était plus à la hauteur des circonstances ; ils n’ont pas su remplir le vœu et le conseil de leur grand aïeul. […] [NdA] En réimprimant cette étude, le mot de La Bruyère m’est souvent revenu à la mémoire : « Le caractère des Français demande du sérieux dans le souverain. » l. […] [1re éd.] ce caractère incisif du conquérant, ce rythme court et pressé sous lequel on sent palpiter le génie de l’action, diffère complètement du style plus tranquille, plus plein et, en quelque sorte, héréditaire de Louis XIV.

194. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Avec la fortune extraordinaire a disparu le héros singulier ; le malheur fait voir le grand caractère. […] Pourtant, même à ce moment de sa vie, il ne sort pas du caractère moyen. […] Ainsi s’améliorent, en s’avançant dans la vie, les caractères moyens. […] Ses compagnons sont comme lui, des caractères moyens. […] Sur un fond qui reste le même, il jette les diversités des conditions et des caractères.

195. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

Une certaine bassesse de cœur avec une fausse élévation d’esprit forme le plus souvent son caractère. […] Voilà des caractères tout au moins singuliers. […] On dit le cœur humain, et non le caractère humain. […] le piège, c’est son caractère. […] La société peut modifier les caractères : les changer, non.

196. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Athéisme, matérialisme, préoccupation exclusive du fini, des avantages terrestres, des plaisirs des sens, voilà le fond du caractère et de l’esprit chinois. […] Selon lui, le caractère dominant de l’enfance, chez l’individu comme chez la race tout entière, c’est un débordement de vie joyeuse et sensitive qui trouve son expression dans l’art. […] On a souvent essayé de déterminer avec quelque précision les caractères que revêtent successivement les sociétés dans l’enfance et la jeunesse, dans l’âge mûr, dans la vieillesse. […] Ils sont uniquement dans l’énergie morale, l’intégrité du caractère, la pratique ferme et constante de la vertu. […] Infléchis vers les tempes, ils indiquent un esprit d’imitation moqueuse et de raillerie ; abaissés, ils indiquent un caractère envieux… Quand les coins des paupières sont allongés, c’est le signe d’un caractère mauvais ; quand leur chair est dentelée comme les peignes du côté du nez, cela indique une nature vicieuse. » Enfin des yeux gris sont, paraît-il, le signe d’un très bon caractère.

197. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De la tendresse filiale, paternelle et conjugale. »

Le cœur tend à l’égalité, et quand la reconnaissance se change en véritable tendresse, elle perd son caractère de soumission et de déférence : celui qui aime, ne croit plus rien devoir ; il place au-dessus des bienfaits leur inépuisable source, le sentiment, et si l’on veut toujours maintenir les différences, les supériorités, le cœur se blesse et se retire ; les parents cependant ne savent, ou ne veulent presque jamais adopter ce nouveau système, et la différence d’âge est, peut-être, cause qu’ils ne se rapprochent jamais de vous que par des sacrifices ; or il n’y a que l’égoïsme qui sache s’arranger du bonheur avec ce mot là. […] Une très grande simplicité dans le caractère de vos parents, ou une supériorité si marquée, que leurs enfants soient heureux d’entretenir avec eux plutôt un culte qu’une liaison, peuvent détruire ces observations, mais c’est aux situations les plus communes qu’elles s’appliquent. Dans la seconde supposition, peut-être la plus naturelle, le sentiment maternel, accoutumé par les soins qu’il donne à la première enfance, à se passer de toute espèce de retour, fait éprouver des jouissances très vives et très pures, qui portent souvent tous les caractères de la passion, sans exposer à d’autres orages que ceux du sort, et non des mouvements intérieurs de l’âme ; mais il est si tristement prouvé que, dès que le besoin de la réciprocité commence, le bonheur des sentiments s’altère, que l’enfance est l’époque de la vie, qui inspire à la plupart des parents l’attachement le plus vif, soit que l’empire absolu qu’on exerce alors sur les enfants, les identifie avec vous-mêmes, soit que leur dépendance inspire une sorte d’intérêt, qui attache plus que les succès mêmes qu’ils ne doivent qu’à eux, soit que tout ce qu’on attend des enfants alors, étant en espérance, on possède à la fois ce qu’il y a de plus doux dans la vérité et l’illusion, le sentiment qu’on éprouve, et celui qu’on se flatte d’obtenir. […] L’éducation, sans doute, influe beaucoup sur l’esprit et le caractère, mais il est plus aisé d’inspirer à son élève ses opinions que ses volontés ; le moi de votre enfant se compose de vos leçons, des livres que vous lui avez donnés, des personnes dont vous l’avez entouré, mais quoique vous puissiez reconnaître partout vos traces, vos ordres n’ont plus le même empire ; vous avez formé un homme, mais ce qu’il a pris de vous est devenu lui, et sert autant que ses propres réflexions à composer son indépendance : enfin, les générations successives étant souvent appelées par la durée de la vie de l’homme à exister simultanément, les pères et les enfants, dans la réciprocité de sentiments qu’ils veulent les uns des autres, oublient presque toujours de quel différent point de vue ils considèrent le monde ; la glace, qui renverse les objets qu’elle présente, les dénature moins que l’âge qui les place dans l’avenir ou dans le passé. […] La conclusion que j’ai annoncée, c’est que les âmes ardentes éprouvent par l’amitié, par les liens de la nature, plusieurs des peines attachées à la passion, et que par-delà la ligne du devoir et des jouissances qu’on peut puiser dans ses propres affections, le sentiment, de quelque nature qu’il puisse être, n’est jamais une ressource qu’on trouve en soi, il met toujours le bonheur dans la dépendance de la destinée, du caractère, et de l’attachement des autres.

198. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

En un mot, si l’Empire est admirablement exposé par lui, son Napoléon, en tant que caractère politique, est relâché et un peu épars. […] Son mérite original est d’avoir toujours eu présent dans le cours de son étude et d’avoir toujours montré un Napoléon fidèle à lui-même, constant, et dont le caractère se soutient du commencement jusqu’à la fin. […] Armand Lefebvre ne reconnaisse les exagérations et les fautes, là où elles viennent du caractère plutôt que de la situation ; mais il croit que la position prise à Lunéville suffisait à décider bien des choses qui ont suivi et qu’elle recelait la plupart des conséquences qu’on a vues éclater. […] Armand Lefebvre a écrit là-dessus des pages très-vraies, très-fermes et qui, exemples de passion comme de complaisance, expriment très-bien le caractère du régime dominant à l’extérieur depuis 1806 jusqu’en 1813. […] Sa politique extérieure prit, dès ce moment, ce caractère extraordinaire qui la sépare de toutes les traditions de l’ancienne monarchie et qui rompt entièrement avec les pratiques du passé.

199. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Elle devient épique ; elle enfante Homère… L’épopée prendra plusieurs formes, mais ne perdra jamais son caractère. […] Shakespeare, c’est le drame ; — et le drame est le caractère propre de la troisième époque de poésie, de la littérature actuelle. — Ainsi, pour résumer rapidement, la poésie a trois âges dont chacun correspond à une époque de la société : l’ode, l’épopée, le drame. […] La société, en effet, commence par chanter ce qu’elle rêve, puis raconte ce qu’elle fait, et enfin se met à peindre ce qu’elle pense… Une observation importante : nous n’avons aucunement prétendu assigner aux trois époques de la poésie un domaine exclusif, mais seulement fixer leur caractère dominant. […] Il y a tout dans tout ; seulement il existe dans chaque chose un élément générateur auquel se subordonnent tous les autres, et qui impose à l’ensemble son caractère propre. — Le drame est la poésie complète. […] Nous englobons, sous le nom de « comédies », des œuvres très dissemblables ; par exemple, des tableaux de mœurs, des revues, qui n’ont de dramatique que la forme dialoguée, mais qui sont sans action et sans caractères.

200. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Il ne manquait pas de quelque talent ni de connaissances ; mais, avec un caractère vulgaire et sans principes, il avait une fatuité et une insolence qui allaient mal au pays où sa nouvelle destination l’appelait. […] Dans ce travail d’exploration j’avais à surmonter de nombreuses difficultés, dont la principale tenait au caractère même de la nation polonaise. […] C’était, d’ailleurs, un homme d’un caractère doux, de formes très aimables. […] La main de l’ambassadeur ne devait pas se laisser apercevoir dans ce mouvement national, « mais il devait tout voir, tout savoir, tout diriger, tout animer. » Un archevêque, un haut dignitaire de l’Église avait paru plus fait qu’un autre pour assister et pousser à cette œuvre militante dans un pays catholique, et comme devant aussi, par son caractère, moins prêter qu’un autre à tout conflit. […] Bignon, en se justifiant en bonne partie des inculpations de l’abbé de Pradt, n’a jamais mieux répondu que par ce mot qui qualifie et marque l’ensemble du procédé : « Quand le caractère d’un homme s’est décelé par de certains traits, il n’est plus possible de compter pour rien son jugement. » Ce mot mérite de rester définitivement attaché à tout portrait de l’abbé de Pradt.

201. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

Un homme diversement célèbre, M. de Condorcet, avait précisément le caractère de l’esprit de parti. […] Ce sont des esprits crédules, soit qu’ils se passionnent pour ou contre les vieilles erreurs ; et leur violence, sans arrêt, leur donne le besoin de se placer à l’extrême de toutes les idées, pour y mettre à l’aise leur jugement et leur caractère. […] Son premier caractère est de voir son objet tellement au-dessus de tout ce qui existe, qu’il ne peut se repentir d’aucun sacrifice quand il s’agit d’un tel but. […] Malgré ces différences cependant, les caractères généraux sont toujours pareils. […] Il manque encore un beau spectacle au monde, c’est un Sylla dans la route de la vertu, un homme dont le caractère démontre que le crime est une ressource de la faiblesse, et que c’est aux défauts des hommes de bien, mais non à leur moralité, qu’il faut attribuer leurs revers.

202. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Par son réalisme exact, par ses notes mises sous les yeux du public, par ses déductions avec preuves à l’appui, et ses caractères établis sur leurs actes, M. de Goncourt a pu accomplir pour des milieux et une époque restreints, des livres d’enquête sociale qui flottent entre l’histoire, et le recueil de notes psychologiques. […] Il a acquis quelques-uns des caractères qui différencient les livres de science des livres d’art. […] Dans le spectacle des paysages, des vues urbaines, des objets forcément immobiles, il perçoit le caractère mouvant et variable, les vibrations de la lumière, les variations du jour, le frisson passager de l’air. […] Il sait goûter la malice d’une vieille pantomime italienne et en inventer de poétiques pour ses clowns, rendre la douceur de gestes et de caractère d’un soldat, ancien berger, la grâce native d’une actrice naturellement fine, s’arrêter aux idylliques visions enfantines qui fleurissent la folie d’une vieille idiote. […] Ajoutez encore à ces anomalies individuelles d’organisation cérébrale, les caractères généraux de toute âme d’artiste et d’écrivain, la vive sensibilité, le don plastique du mot expressif, le don dramatique de la coordination des incidents, l’infinie ténacité de la mémoire pour les perceptions de l’œil, toutes les multiples conditions qui permettent de réaliser cette chose en apparence si simple, un beau livre.

203. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

Wagner, il ne reconnaît ce caractère qu’à M.  […] Ici certains anatomistes se sont crus obligés, pour sauver la dignité et la supériorité de l’espèce humaine, de trouver dans le cerveau de l’homme des caractères particuliers et significatifs qui manqueraient au cerveau du singe. […] Deux anatomistes célèbres se sont distingués dans cette recherche, Owen en Angleterre, Gratiolet parmi nous ; mais le premier va beaucoup plus loin que le second et admet des caractères distinctifs que celui-ci n’a pas reconnus. […] Le cerveau du singe est en effet moins gros que celui de l’homme ; mais on a vu que ce caractère était insuffisant, puisque le cerveau de l’éléphant est de beaucoup plus gros et plus lourd que celui de l’homme. […] Cependant un caractère important a été signalé par M. 

204. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Hors ce cas exceptionnel, la pensée discursive existe pour elle-même, et, dès lors, il y a lieu de la concevoir comme une chose qui peut avoir un signe et qui, si elle a un signe, doit s’en distinguer par quelque caractère. […] Les caractères distinctifs de l’image-signe et de l’image-idée apparaissent clairement si l’on compare les diverses sortes de sons qui figurent dans la précédente analyse. […] Rôle des signes dans l’activité intellectuelle Résumons-nous sur les caractères du signe comme tel. La signification est un rôle, un pouvoir, une fonction, qui semble convenir également à tous les faits psychiques, à tous les états de conscience ; et pourtant, parmi les états de conscience, ceux-là seuls se trouvent remplir un tel rôle qui possèdent certains caractères intrinsèques déterminés ; ou du moins nous n’appelons signes certains états et notre esprit ne leur attribue la fonction significative que si nous apercevons en eux ces caractères. […] Sans doute le signe précède le signifié dans certains cas ; mais, d’autres fois, il l’accompagne ou le suit ; son caractère constant et spécifique n’est pas l’antériorité, mais l’éclat, l’intensité prépondérante.

205. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « De la peinture. A propos d’une lettre de M. J.-F. Raffaëlli » pp. 230-235

Mais l’hallucination n’a justement ce pouvoir civilisateur admirable que lorsqu’elle renferme, détient et porte l’enthousiasme sur un caractère important, enthousiasme admiratif par amour, ou caricatural par haine. […] Je pourrais les citer tous et nous trouverions toujours la même chose : enthousiasme pour un caractère dominant à une époque et dans une société donnée, interprété en admiration par amour, ou en haine par amour de la vertu contraire au vice découvert. » M.  […] Raffaëlli, est dans le caractère individuel de ses hommes, de ses hommes qui ont su conquérir lentement leur raison, au milieu des affolements de la peur ; de ses hommes qui ont su conquérir leur liberté, après des centaines de siècles de misère, de vexations et d’abus misérables où le plus fort a toujours asservi le plus faible. […] Étant donné que toute œuvre d’art ne vaut que par l’émotion qu’elle produit, ce peintre désire exciter la sympathie de ses spectateurs par l’exactitude minutieuse et il faut le dire, magistrale, avec laquelle il reproduit ses types ; par leur choix généralement excellent et notable ; par leurs occupations et manières d’être parfaitement appropriées à leur extérieur ; en d’autres termes, par sa pénétration dans une série de caractères, d’âmes, de natures humaines ; et par sa faculté de nous les faire pénétrer, de nous les révéler.

206. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Autre caractère de l’esprit humain : s’il ne peut se faire aucune idée des choses lointaines et inconnues, il les juge sur les choses connues et présentes. […] Dans les axiomes 47, 48 et 49, nous trouvons le principe des caractères poétiques, lesquels constituent l’essence des fables. […] Le caractère des peuples est d’abord cruel, ensuite sévère, puis doux et bienveillant, puis ami de la recherche, enfin dissolu. […] Voilà les trois caractères qui distinguent exclusivement la jurisprudence romaine. […] Il nous démontre le premier principe du christianisme, qui se trouve dans le caractère d’Adam, considéré avant le péché, et dans l’état de perfection où il dut avoir été conçu par son créateur.

207. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — IV »

Au contraire, la digue qu’opposait au mouvement ce pouvoir d’arrêt vient-elle à se rompre, le caractère fictif qu’impliquait le récent état de connaissance se dévoile au regard de l’esprit qui va s’ingénier à recommencer son œuvre de construction systématique à l’égard d’un état plus fragmentaire de la substance phénoménale immobilisée par une intervention nouvelle et victorieuse du pouvoir d’arrêt. […] Si nous ne les voyons pas changer, si, en raison de leur durée, elles assument à nos yeux un caractère d’éternité, et nous masquent, sous l’apparence de la loi, l’acte arbitraire qui leur donna naissance, c’est parce qu’en raison de leur utilité fondamentale, au point de vue de la connaissance, l’esprit exerce à leur profit, avec une ténacité extraordinaire, le pouvoir d’arrêt dont il dispose. […] Ce caractère d’utilité fondamentale pour l’exercice de toute connaissance subséquente suffirait à expliquer l’autorité en apparence souveraine et l’aspect nécessaire des notions de temps, d’espace et de cause, ainsi que des lois arithmétiques, géométriques ou logiques qui se bornent à décrire les conséquences de ces notions et les relations qu’elles nouent entre elles. Aussi quelques philosophes ont-ils contesté déjà le caractère de nécessité métaphysique de ces notions et de ces lois. […] Les vérités scientifiques nous apparurent les dernières venues parmi les créations de l’utilité intellectuelle, elles nous montrèrent aussi, sous leur aspect provisoire de vérités successives, leur valeur purement transitoire, leur caractère de moyen pour atteindre des conceptions nouvelles et des représentations plus complexes.

208. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’architecture nouvelle »

Il ne s’ensuit nullement qu’un palais de Ninive, un temple grec, une cathédrale du Moyen-âge ou un palais de la Renaissance, doivent à nos yeux, perdre leur caractère de beauté ; pas plus qu’Eschyle n’est effacé par Shakespeare ou Shakespeare par Wagner. […] Vous reconnaissez en même temps de quel frappant caractère esthétique elle est empreinte. […] Originalité, beauté, également puissantes, tels sont les deux caractères dont la révélation vous saisit à première vue. […] Tel édifice exige, selon lui, des objets complémentaires appropriés à son caractère. […] Leur seul caractère commun est la marque qu’elles portent toutes de la profonde originalité de leur auteur. « La maison-type n’existe pas pour lui »40 a-t-on avec juste raison.

209. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

Quelle que soit leur origine, leur fin, leur organisation, qu’elles soient famille, armée ou club, les sociétés ont ce caractère commun qu’il existe entre leurs éléments plus ou moins de ressemblances ou de différences. […] Plus les individus avec lesquels nous vivons en leur reconnaissant des droits sont différents, et plus se restreint le nombre des caractères que nous exigeons d’un individu pour lui reconnaître des droits : en termes de logique nos idées juridiques ont moins de compréhension par cela même qu’elles prennent plus d’extension. […] S’en rapportera-t-on, pour résoudre le problème, à l’examen de caractères en quelque sorte plus extérieurs et plus visibles que les dimensions céphaliques ? Ils sont en effet plus importants pour notre objet, s’il est vrai que les caractères les plus manifestes doivent aussi exercer la plus sensible influence sur l’attitude et la conduite des individus vis-à-vis les uns des autres. […] Il est bien vrai qu’en suivant une mode nous nous enrégimentons ; nous masquons notre personnalité sous un caractère qui ne nous appartient pas en propre ; nous portons une « lettre sociale ». — Mais, en suivant une autre mode, c’est une autre lettre que nous portons ; et cela même empêche que notre personnalité s’efface absolument.

210. (1802) Études sur Molière pp. -355

Les caractères. — Nous avons jugé le principal en parlant des imitations. […] Les Adelphes de Térence ont fourni à notre auteur deux de ses principaux caractères. […] En jugeant les imitations, nous parlerons de l’effet qu’aurait dû produire l’opposition de ces deux caractères. […] Quel trait profond de caractère ! […] Que Molière l’a consignée dans chaque rôle principal, en marquant bien distinctement le caractère de chacun des personnages.

211. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

Le Colaptes de la Plata est donc bien un Pic par tous les caractères essentiels de son organisation, et, jusqu’à une époque encore toute récente, on l’a toujours classé dans le même genre que les autres. […] En conséquence, nous l’aurions considérée comme un caractère de haute importance qui pouvait avoir été acquis par sélection naturelle. […] Il résulta du principe de la divergence des caractères une sélection sévère des variations les plus extrêmes, procédé qui put produire, dans un laps de temps relativement assez court, plusieurs ordres rivaux. […] De plus, toutes ces souches mères pouvaient elles-mêmes à l’origine être moins différentes les unes des autres que ne le sont leurs descendants actuels, encore en vertu de la divergence des caractères. […] Ce caractère d’avoir la peau lisse, qui semble les rapprocher, peut donc être tout simplement lié à la présence de leurs organes électriques par une loi de corrélation inconnue.

212. (1900) Molière pp. -283

Que lui importe en effet, puisqu’il a l’art de faire une pièce avec un seul caractère qu’il suit jusqu’où la logique le conduit ? […] Dans un prochain entretien, nous aurons quelques observations à faire sur le dessin des caractères dans Molière, car c’est aux caractères surtout qu’il s’est attaché. […] Son procédé n’est pas de bâtir des caractères de pièces et de morceaux. […] Voilà pourquoi il fallait à toute force qu’Arnolphe expliquât et commentât Les Maximes du mariage pour qu’il fût un caractère vrai, et Molière n’a sans doute pas eu d’autre intention que de faire un caractère vrai. […] En quoi cette pièce était-elle de la même portée et du même caractère que Tartuffe ?

213. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Enfin, les caractères passionnés sont les seuls qui, par de certains points de ressemblance, peuvent être tous l’objet des mêmes considérations générales. […] Si dans le traité sur le bonheur individuel, je ne parle que des caractères passionnés, il est encore plus naturel d’analyser les gouvernements sous le rapport de la part qu’ils laissent à l’influence des passions. […] Et l’effet du gouvernement n’est pas incertain comme celui de l’éducation particulière, puisque, comme je l’ai déjà dit, les chances du hasard subsistent par rapport au caractère d’un homme, tandis que dans la réunion d’un certain nombre, les résultats sont toujours pareils. […] La première partie, que j’imprime à présent est fondée sur l’étude de son propre cœur, et les observations faites sur le caractère des hommes de tous les temps. […] Ces deux idées premières dans l’existence, s’appliquent également à toutes les situations, à tous les caractères, et ce que j’ai voulu montrer seulement, c’est le rapport des passions de l’homme avec les impressions agréables ou douloureuses qu’il ressent au fond de son cœur.

214. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

Ordonnance, suite, progrès, transitions ménagées, développement continu, tels sont les caractères de ce style. […] D’après ces caractères du style, on devine ceux de l’esprit auquel il a servi d’organe  Deux opérations principales composent le travail de l’intelligence humaine. […] Dans ce monde abstrait, on se dit toujours « vous », « seigneur » et « madame », et le style noble pose la même draperie sur les caractères les plus opposés. […] Elle a pris son caractère dans celui du peuple qui la parle. […] Sur le caractère oratoire de ce style, cf.

215. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Il y a dans leurs ouvrages une certaine ressemblance qui se retrouve également dans leurs caractères. […] Pourtant il est encore tout plein d’idées romanesques et juvéniles, et ses caractères appartiennent plus à la convention qu’à la nature. […] Ses caractères sont bien russes et pris sur la nature. […] Mais ses ennemis ne se bornèrent pas à noircir son caractère : ils prétendirent qu’il n’écrivait pas le russe purement. […] Tous les caractères sont d’une vérité merveilleuse.

216. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

C’est aussi le caractère le plus leste et le plus élastique qui ait jamais rebondi d’un pôle à l’autre dans la sphère de la pensée ou de l’action. […] Une nation n’a pas deux élites de caractères et de talents en dix ans. […] Il le laissait voir avec une faiblesse indigne de son caractère. […] Thiers, homme d’action, déteste ces caractères, et il a raison ; ce sont quelquefois les moyens, plus souvent les obstacles des grandes choses. […] Thiers ravale ce grand génie et ce grand caractère.

217. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Il faut donc arrêter le caractère pittoresque de la décoration, son plus ou moins de relief et de profondeur, etc. […] Toute cette première partie de l’acte a un caractère délibératif qui permet à Thésée d’être assis. […] En soi, ce costume ne me paraît approprié ni à la situation ni au caractère du héros grec. […] Aussi les personnages y prennent un caractère remarquable de vérité et de naturel. […] En revêtant ce nouvel aspect, elle en prend le caractère.

218. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

» Voilà des assertions bien absolues ; ce serait la première fois qu’une idée aurait triomphé, durant une longue période, du caractère personnel des gens. […] Les assemblées des Franks, avant la conquête, n’avaient aucun caractère aristocratique, et ce ne fut que par une usurpation réelle qu’elles en vinrent depuis à plus d’importance. […] Pénétré des vieilles maximes de la royauté germanique, conseillé de saint Éloi et de Dadon, très-ferme personnellement de caractère, il combattit et contint la ligue aristocratique et épiscopale. […] L’Austrasie aurait plutôt gardé un caractère romain prédominant dû à ces premières fondations de Cologne, de Mayence, de Trèves et de Metz. […] sLa tradition populaire tend à imprimer un certain caractère de débonnaireté et de bonhomie à ce qu’elle touche de longue main familièrement, même quand ce quelque chose a été d’abord héroïque et redoutable.

219. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Cette tête est ferme, tranquille, simple, noble, douce, d’un caractère un peu rustique et vraiement apostolique. […] Les deux compositions sont l’une à l’autre comme les caractères des deux hommes. […] Cette loi s’observe au moral et au physique, c’est la loi des masses au physique c’est la loi des caractères au moral. […] Conservez aux figures de son tableau du démoniaque les caractères qu’il leur a donnés ; introduisez-y plus de mouvement, et jugez si vous ne le gâtez pas. […] Cependant il n’est personne qui sur leur caractère tranquille, ferme, immobile, grave, froid et composé, ne les imagine beaucoup plus grands.

220. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre premier. Que personne à l’avance ne redoute assez le malheur. »

L’égoïsme est ce qui ressemble le moins aux ressources qu’on trouve en soi, telles que je les conçois ; l’égoïsme est un caractère qu’on ne peut ni conseiller, ni détruire ; c’est une affection dont l’objet n’étant jamais ni absent, ni infidèle, peut, sous ce rapport, valoir quelques jouissances, mais cause de vives inquiétudes, absorbe, comme la passion pour un autre, sans faire éprouver l’espèce de jouissance toujours attachée au dévouement de soi : d’ailleurs, la personnalité, soit qu’on la considère comme un bien ou comme un mal, est une disposition de l’âme absolument indépendante de sa volonté. […] Enfin, les caractères passionnés ne sont jamais susceptibles de ce qu’on appelle l’égoïsme, c’est bien à leur propre bonheur qu’ils tendent avec impétuosité ; mais ils le cherchent au-dehors d’eux, mais ils s’exposent pour l’obtenir, mais ils n’ont jamais cette personnalité prudente et sensuelle qui tranquillise l’âme, au lieu de l’agiter. Et comme cet ouvrage n’est consacré qu’à l’étude des caractères passionnés, tout ce qui n’entre pas dans ce sujet en doit être écarté. […] Ce sont les caractères sans véritable chaleur, qui parlent sans cesse des avantages des passions, du besoin de les éprouver ; les âmes ardentes les craignent ; les âmes ardentes accueilleront tous les moyens de se préserver de la douleur, c’est à ceux qui savent la craindre que ces dernières réflexions sont dédiées ; c’est surtout à ceux qui souffrent, qu’elles peuvent apporter quelque consolation.

221. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Restout » pp. 187-190

Ses Parques sont un peu françaises ; mais l’attitude en est variée, et elles ne sont pas sans caractère. […] Si dans un tableau ce qui occupe le plus d’espace, remplit le milieu, arrête l’œil, et se montre uniquement, en est le sujet principal, la table a ici tous ces caractères. […] Il est entouré de quelques-uns de ses ministres qui ont à la vérité l’air rustique : ce caractère déplaît fort à nos artistes modernes dont l’imagination captivée par des idées de dignité du dix-huitième siècle, ne remonta jamais dans l’Antiquité ; mais cela me plaît à moi. […] Même faiblesse de composition, de couleur et de caractères.

222. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

La philosophie exige de la force dans le caractère, l’étude, de la suite dans l’esprit ; mais malheur à ceux qui ne pourraient pas adopter la dernière consolation, ou plutôt la sublime jouissance qu’il reste encore à tous les caractères dans toutes les situations. […] La bonté recueille aussi toutes les véritables jouissances du sentiment ; mais elle diffère de lui par cet éminent caractère où se retrouve toujours le secret du bonheur ou du malheur de l’homme ; elle ne veut, elle n’attend rien des autres, et place sa félicité tout entière dans ce qu’elle éprouve. […] Les premiers mouvements de la reconnaissance ne laissent rien à désirer, et dans l’émotion qui les accompagnent, tous les caractères s’embellissent ; on dirait que le présent est un gage certain de l’avenir ; et lorsque le bienfaiteur reçoit la promesse, sans avoir besoin de son accomplissement, l’illusion même qu’elle lui cause est sans danger, et l’imagination peut en jouir, comme l’avare des biens que lui procurerait son trésor, si jamais il le dépensait. […] La bienfaisance remplit le cœur comme l’étude occupe l’esprit ; le plaisir de sa propre perfectibilité s’y trouve également, l’indépendance des autres, le constant usage de ses facultés ; mais ce qu’il y a de sensible dans tout ce qui tient à l’âme, fait de l’exercice de la bonté une jouissance qui peut seule suppléer au vide que les passions laissent après elles ; elles ne peuvent se rabattre sur des objets d’un ordre inférieur, et l’abime que ces volcans ont creusé, ne saurait être comblé que par des sentiments actifs et doux qui transportent hors de vous-même l’objet de vos pensées, et vous apprennent à considérer votre vie sous le rapport de ce qu’elle vaut aux autres et non à soi ; c’est la ressource, la consolation la plus analogue aux caractères passionnés, qui conservent toujours quelques traces des mouvements qu’ils ont domptés.

223. (1897) Manifeste naturiste (Le Figaro) pp. 4-5

Si des jeunes gens contemporains paraissent si avides de gloire et d’exploits, c’est que la violence de leurs pères, exaspérés par la déroute et par la période de l’insurrection, sut leur constituer, en effet, un extraordinaire caractère de frénésie intellectuelle. […] Tant de fêtes commémoratives qui formèrent nos spectacles d’enfant, les cérémonies régionales en l’honneur des « héros morts pour la patrie », une telle activité civique n’a pas été assurément sans accentuer le caractère de nos passions et sans en purifier l’objet. […] Cependant on peut discerner dans les poèmes de quelques jeunes auteurs un caractère de véhémence qui dénonce assez chez ceux-ci les généreuses fureurs dont ils sont animés. […] Quand les qualités d’ordonnance qui forment la base du caractère français (cela apparaît assez dans notre architecture, la symétrie de nos jardins taillés et les lois de notre équilibre, auxquelles se sont toujours soumis nos grands écrivains classiques) ; quand ces qualités d’ordonnance semblaient tout à fait détruites, au contact de poètes allemands si incohérents dans leur frénésie, Zola en garda le goût, et ses romans en portent l’empreinte. […] * *   * Réveil de l’esprit national, culte de la terre et des héros, consécration des civiques énergies, voilà donc les sentiments qui constituent à la jeunesse contemporaine un caractère si singulier, si inattendu et admirable.

224. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Dans une seconde partie, l’impératrice arrive à des recommandations qui touchent à la politique : ces conseils sont fort prudents et fort sages, marqués au sceau de ce caractère maternel et royal qui est imprimé dans toute la correspondance. […] Son caractère d’écriture n’est pas fort bon ; le plus fâcheux est qu’un peu par paresse et distraction, un peu aussi, à ce qu’on croit, par la faute de ses maîtres d’écriture, elle a contracté l’habitude d’écrire on ne peut pas plus lentement. […] Son Age et son caractère ont besoin d’un peu de gêne pour toute application suivie ; l’engagement d’écrire sur ces lectures la rendrait plus exacte et plus attentive ; mais comment écrira-t-elle ? […] Les caractères francs et ouverts, comme celui de Mme la dauphine, ne sont guère susceptibles d’une confiance particulière, et en ont rarement besoin. […] La fatuité insoutenable avec laquelle il s’en vantait dévoilait le caractère d’un homme plus flatté d’être initié dans les secrets intimes, que jaloux d’avoir rempli dignement, les importantes fonctions d’instituteur.

225. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

La tragédie du xvie  siècle ; ses caractères. […] Parmi toutes ces tragédies, il en est assurément de plus vives, et qui approchent plus du caractère dramatique : même M.  […] Il a été un charpenteur plutôt qu’un écrivain de drames ; mais il a eu le très juste instinct de ce que le théâtre français devait être : des situations faisant saillir des caractères. […] Il s’en est servi pour resserrer le poème dramatique dans l’espace et dans le temps, c’est-à-dire pour placer l’intérêt dans l’action morale et dans le mouvement des caractères plutôt que dans l’agitation des corps. […] Ainsi ils font eux-mêmes leur fortune : le principe de l’action tragique est dans la définition première de leurs caractères.

226. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Il y a trois choses à considérer dans un roman : les caractères, l’action, le style. Les caractères, M. de Balzac excelle à les poser ; il les fait vivre, il les creuse d’une façon indélébile. […] Après les caractères vient l’action : elle faiblit souvent chez M. de Balzac, elle dévie, elle s’exagère. […] La première partie de ce roman (La Cousine Bette) présente des caractères d’une grande vérité, et aussi des exagérations telles qu’en a presque inévitablement l’auteur. […] En un mot, cette sûreté de maître qu’elle porte dans l’expression et la description, elle ne l’a pas également dans la réalisation de ses caractères.

227. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

Boullée ; voyons s’il n’y a pas à ajouter, à retrancher peut-être quelque chose à ce qu’il dit du d’Aguesseau littéraire, et à faire entrer aussi dans l’idée générale de l’homme quelques traits essentiels que le biographe a jugés incompatibles avec l’ensemble du caractère, et qui, selon moi, ne le sont pas. […] Porté par son mérite, et par l’autorité que lui conférait la vertu paternelle, à la charge d’avocat général à vingt-deux ans, il fit, disent ses biographes, une révolution dans le palais par le caractère nouveau de son éloquence. […] C’est ici qu’il convient de restituer à Saint-Simon toute la part qui lui est due dans l’étude de ce caractère. […] Mais, pour bien étudier un tel exemple et en tirer toute la leçon qu’il renferme, il faut oser introduire dans l’idée de ce caractère de d’Aguesseau tous les vrais éléments tels que les donnent les témoins les plus clairvoyants et les plus sagaces. […] Cette biographie, destinée d’abord au seul cercle de la famille, a conservé le caractère d’une douce et sainte solennité domestique.

228. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Comment ces deux caractères, qui, au premier abord, semblent contradictoires, peuvent-ils se concilier ? […] La valeur, dit-on, tient essentiellement à quelque caractère constitutif de la chose à laquelle elle est attribuée, et le jugement de valeur ne ferait qu’exprimer la manière dont ce caractère agit sur le sujet qui juge. […] La valeur incomparable qui leur était attribuée ne tenait donc pas à leurs caractères intrinsèques. […] Un timbre-poste n’est qu’un mince carré de papier dépourvu, le plus souvent, de tout caractère artistique ; il peut néanmoins valoir une fortune. […] C’est alors que les caractères intrinsèques de la chose peuvent paraître — à tort d’ailleurs — la cause génératrice de la valeur.

229. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Mais où est le caractère du dieu des batailles ? […] De bonne foi, sont-ce là leur caractère, leur expression ? […] Sa chair est d’un jeune homme et son caractère d’un vieillard. […] Tout est d’un caractère petit et commun. […] Autre raison pour en exagérer davantage les caractères.

230. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

Pour s’emparer de caractères si différents, ceux du Nord et ceux du Midi, il fallait combiner ensemble plusieurs mobiles divers. […] Mais la religion chrétienne ranima cependant des principes de vie morale dans quelques hommes sans but et sans liens ; elle ne put leur rendre une patrie ; mais elle donna de l’énergie à plusieurs caractères. […] Les vainqueurs, à la guerre et dans l’intérieur, ont plusieurs caractères de ressemblance avec les hommes du Nord, les vaincus beaucoup d’analogie avec les lumières et les préjugés, les vices et la sociabilité des habitants du Midi. […] Plus de modestie, plus d’indulgence dans les principes, plus d’abandon dans les aveux permettaient davantage au caractère de l’homme de se montrer ; et la philosophie, qui a pour but l’étude des mouvements de l’âme, a beaucoup acquis par la religion chrétienne. […] On a reproché à la religion chrétienne d’avoir affaibli les caractères : l’Évangile a eu pour but de combattre la férocité ; or il est impossible d’inspirer tout à la fois beaucoup d’humanité pour ses semblables, et la plus complète insensibilité pour soi.

231. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

. — Vous pourrez répondre que bien des déductions de la science ont ce caractère d’empirisme ; telle est celle par laquelle on affirme qu’un courant électrique circulant dans une direction donnée fera dévier l’aiguille aimantée dans une direction définie. […] On voit par là l’importance de l’événement central ; quel qu’il soit, il communique son caractère au reste. — Or, des deux points de vue par lesquels nous l’atteignons, l’un, qui est la conscience, est direct : connaître une sensation par la conscience, c’est avoir présente son image, qui est la même sensation réviviscente. Au contraire, l’autre point de vue, qui est la perception extérieure, est indirect : il ne nous renseigne en rien sur les caractères propres de son objet ; il nous renseigne simplement sur une certaine classe de ses effets. […] Mais, à mesure que nous avançons dans le livre, ils le sont moins, et, de chapitre en chapitre, il s’y glisse quelques caractères nouveaux qu’on a peine à ramener aux premiers. […] Nous avons d’abord étudié longuement l’idiome original, et montré que les pages du dernier chapitre, écrites en apparence avec des caractères de diverses sortes, sont toutes écrites avec les mêmes caractères.

232. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

Il s’adonne à un certain art, à un certain genre, à un certain procédé, en un mot, il fait une œuvre se distinguant de celles d’autrui par certains caractères, ceux-là mêmes que nous avons appris à dégager dans le précédent chapitre. Il écrira, il peindra, il composera, comme le lui permettront ses facultés acquises et naturelles, comme le lui commanderont ses désirs, son idéal ; c’est-à-dire que les caractères particuliers de son œuvre résulteront de certaines propriétés de son esprit. […] Ce caractère constant peut s’expliquer par le plaisir qu’il procurait à l’écrivain, par une disposition organique qui lui faisait ressentir vivement les émotions de grandeur et qui a influé sur toutes les parties de son œuvre. […] Comme esprit individuel et surtout comme esprit supérieur, ce mécanisme général est affecté de certaines altérations particulières qui constituent à proprement parler, sa personnalité, sa discernabilité, son essence à part, les caractères par lesquels il se sépare et existe. […] (NdE)] par contre, (Pathologie de l’esprit) tout en admettant le caractère vésanique de certains talents, se refuse à croire que des hommes tels que Shakespeare et Gœthe aient eu rien de maladif.

233. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Les faits de la psychologie individuelle eux-mêmes présentent ce caractère et doivent être considérés sous cet aspect. […] Il n’est pas moins inadmissible que chaque aspect de la vie, chacun de ses caractères principaux s’incarne dans un groupe différent d’atomes. […] Aussi acceptons-nous très volontiers le reproche qu’on a fait à cette définition de ne pas exprimer tous les caractères du fait social et, par suite, de n’être pas la seule possible. […] Et c’est ce que nous avons reconnu nous-même être parfois nécessaire en sociologie ; car il y a des cas où le caractère de contrainte n’est pas facilement reconnaissable (voir p. 19). […] Le pouvoir coercitif que nous lui attribuons est même si peu le tout du fait social, qu’il peut présenter également le caractère opposé.

234. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIV. Des panégyriques depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’en 1748 ; d’un éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. »

Ajoutez qu’il y a des caractères de princes qui, même avec des talents et des vertus, déconcertent pour ainsi dire l’éloge. […] Il s’ouvrit une grande scène en Europe ; les dépouilles de la maison d’Autriche à partager, la France et l’Espagne unies contre l’Angleterre, la Hollande, la Sardaigne et l’Empire, une guerre importante, un jeune roi qui se montra à la tête de ses armées, les présages de l’espérance, les vœux des courtisans, enfin l’éclat des conquêtes et des victoires, et le caractère général de la nation, à qui il est bien plus aisé de ne pas sortir du repos que de s’arrêter dans son mouvement, tout donna aux esprits une sorte d’activité qu’ils n’avaient point eue peut-être depuis Louis XIV. […] Fontenelle et La Mothe, en donnant le ton à notre littérature, firent comme tous les législateurs ; ils donnèrent des lois d’après leur caractère. […] Ce livre, où les idées morales sont souvent profondes, où l’expression est quelquefois négligée, mais vigoureuse, où l’on voit partout une âme pleine d’humanité jointe à un caractère plein de force, peut à plusieurs égards être comparé à nos meilleurs livres de morale. […] On citerait les grandes actions ; on citerait cette foule de traits qui, dans le cours d’une campagne ou d’une guerre, échappent à des héros que souvent on ne connaissait point ; car il est des hommes qui, simples et peu remarqués dans l’usage ordinaire de la vie, déploient dans les grands dangers un grand caractère, et révèlent tout à coup le secret de leur âme.

235. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

. — Caractères généraux des premiers écrits en prose française. — Les Chroniqueurs. — § II. […] Où commence l’histoire de la langue. — Caractères généraux. — Des premiers écrits en prose française. — Les chroniqueurs. […] La grandeur des événements et des hommes, et la délicatesse relative des mœurs, lui ont imprimé un caractère particulier. […] Tel est, en effet, pour la plus grande partie, le caractère des chroniques de Froissart. […] Les caractères de l’histoire se montrent, dans ces chroniques, par plusieurs qualités propres à Comines, et dont s’est enrichi l’esprit français.

236. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

L’institution de ces solitaires, leurs études, leurs travaux, sont marqués du même caractère que l’Académie française. […] Il y avait pourtant, parmi les solitaires, pour ne parler que des gens de plume, de grandes diversités de caractères. […] Et pourtant, quel caractère vit-on plus énergique et plus tranché ? […] Mais ni dans cette fécondité, ni dans cette science, ne se trahit le caractère de l’homme. […] Il a su du moins garder son caractère à l’héroïne de Vaucouleurs ; et il faut en louer, dans Chapelain, l’homme et le Français.

237. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre premier. Idée générale de la seconde Partie » pp. 406-413

Je crois donc toujours intéressant d’examiner quel devrait être le caractère de la littérature d’un grand peuple, d’un peuple éclairé, chez lequel seraient établies la liberté, l’égalité politique, et les mœurs qui s’accordent avec ces institutions. […] Personne ne conteste que la littérature n’ait beaucoup perdu depuis que la terreur a moissonné, en France, les hommes, les caractères, les sentiments et les idées. […] J’ai essayé de démontrer comment la démocratie de la Grèce, l’aristocratie de Rome, le paganisme des deux nations donnèrent un caractère différent aux beaux-arts et à la philosophie, comment la férocité du Nord se mêlant à l’avilissement du Midi, l’un et l’autre, modifiés par la religion chrétienne, ont été les principales causes de l’état des esprits dans le moyen âge. […] Il me reste maintenant à examiner, d’après l’influence que les lois, les religions et les mœurs ont exercée de tout temps sur la littérature, quels changements les institutions nouvelles, en France, pourraient apporter dans le caractère des écrits.

238. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre VI »

De [mot en caractère grec] nous ne pouvons plus faire sortir que filactère, qui garde un air un peu gauche, surtout si on le compare au vieux filatire 57 que le pèlerin Richard avait au XIIe siècle tiré des mêmes syllabes : A crois, a filatires, a estavels de cire, Les encensiers aportent, si vont le messe dire. […] Le mot étant un signe, et rien de plus, doit avoir les caractères du signe, la diversité et la fixité des formes. […] Si, pour ne pas changer d’exemple, tous les sons en o étaient rendus par l’unique lettre o, outre que la langue perdrait un de ses caractères particuliers qui est de ne posséder aucune syllabe finale terminée par un o, il en résulterait une monotonie insupportable. […] L’étude des formes verbales n’en est pas moins légitime, ainsi que le souci de la conservation de la pureté qui détermine leur caractère et leur race.

239. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

La grandeur dans l’ordre est le caractère commun de tous les gouvernements bien réglés ; c’est aussi le caractère de tous les écrits durables. […] Il avait les plus rares qualités du corps, de l’esprit et du caractère. […] Les circonstances avaient exagéré tous les caractères. […] La société doit tout fournir à la comédie, événements, caractères, langue. […] La disgrâce du roi était insupportable aux plus fermes caractères.

240. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

les caractères qui en sont les mobiles ? […] Sur les caractères, et sur les passions propres à l’épopée. […] Les caractères et leurs espèces. […] Comment nous conseillent-ils de peindre les caractères ? […] « Conservez à chacun son propre caractère.

241. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Lettres persanes, nº 99], La Bruyère, dans ses Caractères, avait dit quelque chose de cela. […] Ce nouveau caractère de la littérature allait se préciser maintenant de jour en jour, et finalement trouver son expression dans l’Encyclopédie, 1750. […] Les nuances des caractères leur échappent. […] Tous ces ouvrages, d’un caractère assez général, doivent d’ailleurs être complétés, contrôlés et reliés au moyen des recherches plus particulières de M.  […] Dernières années de Bernardin de Saint-Pierre ; — et qu’il est encore un bon exemple de ces écrivains dont le caractère a étrangement différé de celui de leur style [Cf. 

242. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

S’il y a dans ces volumes quelques questions accessoires, étrangères à ce qui en doit faire le principal intérêt, je les laisserai de côté pour ne m’attacher qu’à la personne et au caractère de Bossuet même, et je tâcherai de marquer en quoi la publication présente ajoute à l’idée de ce grand homme et augmente ou modifie sur quelques points les notions qu’on a de lui. […] Son journal proprement dit n’a guère d’autre caractère que celui de Dangeau, et de tels écrits, très curieux pour la postérité, ont rarement pour effet de grandir les personnages qui en font les frais et dont on nous raconte jour par jour toutes les actions et toutes les fonctions. […] C’est qu’en effet celui qu’on a appelé l’Aigle de Meaux était essentiellement remarquable comme orateur par un caractère de douceur et d’onction. […] Après tous les témoignages rassemblés par Le Dieu, il n’y a plus moyen d’en douter, le caractère ordinaire des discours de Bossuet, tels qu’il les faisait avec une grande abondance de cœur et une appropriation vive de chaque parole à son auditoire, c’était d’être touchants, d’ouvrir les cœurs de tous comme il y ouvrait le sien, de faire couler les larmes, de persuader enfin, grand but de l’orateur. « Comment faites-vous donc, monseigneur, pour vous rendre si touchant ? […] Nous avons vu également ce qu’est l’homme de lettres dans son mélange avec le prêtre, avec celui qui se glorifiait de ce caractère sacré et qui se flattait d’en toujours porter haut la marque ; nous avons vu tout ce que cet élément trop littéraire, cette trop grande activité et cette fièvre d’écrivain, a de périlleux et de dissolvant, surtout dans un siècle sans calme, au sein d’une atmosphère échauffée où tout excite et enflamme.

243. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

Ces derniers doivent précéder les Égyptiens, puisque, selon la tradition, ils leur ont transmis les connaissances astronomiques qu’ils avaient tirées de la Chaldée, et qu’ils leur ont donné en outre les caractères alphabétiques, comme nous devons le démontrer. […] L’Occident a ses Hercule, l’Orient ses Zoroastre qui présentent le même caractère. […] Les Grecs avaient commencé sous le règne de Psammétique à mieux connaître l’Égypte ; à partir de cette époque, les récits d’Hérodote sur cette contrée prennent un caractère de certitude. (3553.) […] Les héros investis du triple caractère de chefs des peuples, de guerriers et de prêtres, furent désignés dans la Grèce par le nom d’Héraclides, ou enfants d’Hercule ; dans la Crète, dans l’Italie et dans l’Asie mineure, par celui de Curètes (quirites, de l’inusité quir, quiris, lance). […] La découverte des caractères poétiques, des types idéaux, que nous venons d’exposer, fera luire un jour pur et serein à travers ces nuages sombres dont s’était voilée la chronologie.

244. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Il faut en déterminer le caractère, l’étendue, la durée. […] Dès qu’on a aperçu dans un objet un certain caractère, on étend ce caractère à tous les autres objets un peu semblables. […] En formant des groupes de plus en plus généraux, on laisse, à chaque degré nouveau de généralité, tomber les caractères différents pour ne retenir que les caractères communs. […] Nous distinguerons d’abord : 1° les monographies ; 2° les travaux d’un caractère général. […] — Comment faire comprendre le caractère des événements et des coutumes ?

245. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

L’objet désigné par le son n’est pas encore un caractère général ; cependant je crois que le pas a été franchi (douze mois) ; voici un fait décisif à mes yeux. […] Comme les peuples primitifs, ils sont enclins aux idées générales et vastes ; les linguistes nous disent que tel est le caractère des racines, et partant des conceptions premières telles qu’on les trouve dans les plus anciens documents, notamment dans le Rig-Véda. En général, l’enfant présente à l’état passager des caractères mentaux qui se retrouvent à l’état fixe dans des civilisations primitives, à peu près comme l’embryon humain présente à l’état passager des caractères physiques qui se retrouvent à l’état fixe dans des classes d’animaux inférieurs. […] Dans la septième semaine ont commencé des sons d’un tout autre caractère et que j’appellerais volontiers des sons intellectuels. […] « Ces concepts sont formés par ce qu’on appelle la faculté d’abstraire, mot très bon, qui désigne l’action de décomposer des intuitions sensibles en leurs parties constituantes, de dépouiller chaque partie de son caractère momentané et concret », pour l’isoler et en former un caractère général.

246. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

En effet, le lien de solidarité qui unit la cause à l’effet a un caractère de réciprocité qui n’a pas été assez reconnu. […] Si donc la généralité des phénomènes sociaux avait ce caractère parasitaire, le budget de l’organisme serait en déficit, la vie sociale serait impossible. […] Cet acquiescement ne lui enlève pas son caractère impératif. […] Il est clair, au contraire, que les caractères généraux de la nature humaine entrent dans le travail d’élaboration d’où résulte la vie sociale. […] En effet, les caractères ethniques sont d’ordre organico-psychique.

247. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De l’amitié. »

Un jour heureux, un être distingué rattachent à ces illusions, et vingt fois on revient à cette espérance après l’avoir vingt fois perdue ; peut-être à l’instant où je parle, je crois, je veux encore être aimée, je laisse encore ma destinée dépendre toute entière des affections de mon cœur ; mais celui qui n’a pu vaincre sa sensibilité, n’est pas celui qu’il faut moins croire sur les raisons d’y résister ; une sorte de philosophie dans l’esprit, indépendante de la nature même du caractère, permet de se juger comme un étranger, sans que les lumières influent sur les résolutions, de se regarder souffrir, sans que sa douleur soit allégée par le don de l’observer en soi-même, et la justesse des méditations n’est point altérée par la faiblesse de cœur, qui ne permet pas de se dérober à la peine : d’ailleurs, les idées générales cesseraient d’avoir une application universelle, si l’on y mêlait l’impression détaillée des situations particulières. […] L’amitié n’est point une passion, car elle ne vous ôte pas l’empire de vous-même ; elle n’est pas une ressource qu’on trouve en soi, puisqu’elle soumet au hasard de la destinée et du caractère des objets de son choix : enfin, elle inspire le besoin du retour et sous ce rapport d’exigence, elle fait ressentir beaucoup des peines de l’amour, sans promettre des plaisirs aussi vifs. […] Qu’on exclut du tête-à-tête tout jugement comparatif sur le mérite de son ami et sur le sien, et qu’on s’est connu sans se classer : je ne parle pas des rivalités perfides, qui pourraient naître d’une concurrence quelconque, je me suis attachée dans cet ouvrage à considérer les hommes selon leur caractère sous le point de vue le plus favorable. […] La confidence même que l’on s’adresse l’une à l’autre de sentiments moins exclusifs, porte avec elle le même caractère, et l’occupation qu’on a de soi, est un tiers importun successivement à toutes deux. […] Quoi, plus le caractère est susceptible d’attachements passionnés, plus il faut craindre de faire dépendre son bonheur du besoin d’être aimé : est-ce une réflexion qui doive livrer à la froide personnalité ?

248. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

Caractère et philosophie : causes finales et sentimentalité philanthropique. […] Jamais caractère d’écrivain ne fut plus en contradiction avec son œuvre. Et cependant cette œuvre s’explique par son caractère. […] Ce ne sont pas deux caractères, ce sont deux noms, quelques sentiments élémentaires, simples, larges, plus rêvés qu’observés, quelques attitudes gracieuses ou touchantes ; c’est un doux et triste songe d’amour pur, par lequel l’humanité se repose des réalités rudes. […] Marié deux fois, père d’un Paul et d’une Virginie, il jouit de sa gloire aussi paisiblement que son caractère quinteux le lui permet.

249. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XII. Mort d’Edmond de Goncourt » pp. 157-163

Le cerveau de Charles Demailly, le caractère de Renée Mauperin, l’instinct de Manette Salomon, l’âme de Germinie Lacerteux existent. […] C’est un mental, un amateur de caractères.   On sait, sans qu’il soit utile de s’appesantir aujourd’hui que par-delà la fin on envisage toute l’œuvre, on sait que le dégoût du banal l’induisit à ne s’intéresser plus qu’aux caractères exceptionnels et dégénérés : une écuyère morphinomane entre deux gymnasiarques, dans Les Frères Zemganno, une prostituée meurtrière, dans La Fille Élisa. […]   Ces divers déboires avaient aigri un caractère naturellement ombrageux et personnel.

250. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Sophocle, et Euripide. » pp. 12-19

On outroit sur-tout les caractères. […] Ses plans, furent réguliers ; ses caractères beaux, nobles & soutenus ; ses peintures vives ; ses pensées sublimes & vraies ; sa diction belle, majestueuse, coulante. […] Soit par douceur de caractère, soit par considération pour son ancien maître, Euripide ne vouloit pas éclater, Il garda toujours les bienséances. […] Cette lettre d’Euripide nous l’atteste : « L’inconstance n’est pas mon caractère.

251. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Du moins notre attention aurait-elle été appelée ainsi sur le caractère essentiel de l’organisation. […] Tel est le caractère de notre évolution intérieure. […] Il aura hérité de l’écart et non pas du caractère. […] Or, en mettant les choses au mieux pour la thèse de la transmissibilité des caractères acquis, en supposant que le prétendu caractère acquis ne soit pas, dans la plupart des cas, le développement plus ou moins tardif d’un caractère inné, les faits nous montrent que la transmission héréditaire est l’exception et non pas la règle. […] Le mécanisme reprochera donc avec raison au finalisme son caractère anthropomorphique.

252. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Comte de Champagne et roi de Navarre, Thibaut a réuni les caractères des deux poésies. […] Schlegel appelle le caractère analytique des langues. […] Tel est aussi le caractère de la poésie provençale. […] C’est un des caractères de ce livre. […] Netteté, vivacité touchante, voilà leur caractère.

253. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

L’homme m’explique l’événement, le visage m’explique l’homme, les traits me révèlent le caractère, la vie privée me dévoile les motifs souvent cachés de la vie publique. […] Le caractère de son génie, tant défini et tant méconnu, est encore moins l’audace que la justesse. […] On affecta de croire que j’avais voulu par ce mot donner un caractère d’impudicité à la conduite de la reine. […] La facilité, cette grâce du génie, assouplissait tout en lui, talent, caractère, attitude. […] Ce fut le caractère unique de cette Assemblée, que cette passion pour un idéal qu’elle se sentait invinciblement poussée à accomplir.

254. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

L’amateur du beau est un de ces phénomènes que La Bruyère aurait placé dans sa galerie des caractères et des curiosités morales s’il l’avait rencontré sur sa route. […] XI Longtemps réunis à l’Allemagne sous la maison d’Autriche, gouvernés par les vice-rois espagnols de Charles-Quint et de Philippe II, le régime et le caractère espagnols y sont restés fortement empreints dans des mœurs et dans des familles castillanes ; la gravité catholique et la loyauté chevaleresque sont des traits du visage comme du caractère franc-comtois. […] L’âpre bon sens aiguisé d’esprit et rendu tranchant comme l’acier par l’expression originale, était le caractère de style de cet oncle, ami des Christins de Ferney. […] Il aurait été éloquent, il était sage de caractère, il serait mort en souriant pour son idéal, sûr de le retrouver réalisé au-delà de l’échafaud de madame Roland, de Vergniaud, d’André Chénier. […] Ce servage volontaire et avoué d’une âme enthousiaste à la femme suzeraine ne fut-il pas, dans le moyen âge de l’Italie, de l’Espagne et de la France, un des caractères de la chevalerie des sentiments ?

255. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Quand on est en état de sentir la beauté et d’en saisir le caractère, franchement on ne se contente plus de la médiocrité, et ce qui est mauvais fait souffrir et vous tourmente à proportion que vous êtes enchanté du beau. […] Mais, là où il le trouve incomparable, c’est dans l’art de dessiner des caractères, et de donner à tous ses personnages un air de vérité : Quel génie a pénétré jamais plus profondément dans tous les caractères et dans toutes les passions de la nature humaine ? […] Son Jules César est aussi plein de Plutarque que Britannicus l’est de Tacite ; et, s’il n’a pas appris l’histoire mieux que personne, il faut dire qu’il l’a devinée, au moins quant aux caractères, mieux que personne ne l’a jamais sue. […] Voltaire n’est nulle part mieux défini dans ses œuvres et dans son caractère, que par le détail des anecdotes et l’ensemble des jugements qui sont consignés dans Grimm. […] Au lieu de cela, il a observé une réserve digne ; il s’est borné à donner les traits principaux du caractère, et il a discuté de près les écrits.

256. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Je craindrais de trop généraliser les caractères d’un talent que je n’ai pu juger que par échantillons ; M. Viardot, dans le choix qu’il a fait, a dû songer surtout à la variété ; les cinq nouvelles qu’il nous offre ont chacune un caractère à part, et appartiennent à un genre différent ; ce qui peut être plus agréable pour le lecteur, mais ce qui ne laisse pas d’embarrasser le critique. […] C’est le nom d’un chef cosaque zaporogue, et, dans ce caractère sauvage, féroce, grandiose et par instants sublime, le romancier a voulu nous offrir un portrait de ce qu’étaient encore quelques-uns de ces chefs indépendants des bords du Dnieper durant la première moitié du xviie  siècle, date approximative à laquelle se rapportent les circonstances du récit : « C’était, dit-il, un de ces caractères qui ne pouvaient se développer qu’au xvie  siècle, dans un coin sauvage de l’Europe, quand toute la Russie méridionale, abandonnée de ses princes, fut ravagée par les incursions irrésistibles des Mongols ; quand, après avoir perdu son toit et tout abri, l’homme se réfugia dans le courage du désespoir ; quand sur les ruines fumantes de sa demeure, en présence d’ennemis voisins et implacables, il osa se rebâtir une maison, connaissant le danger, mais s’habituant à le regarder en face ; quand enfin le génie pacifique des Slaves s’enflamma d’une ardeur guerrière, et donna naissance à cet élan désordonné de la nature russe qui fut la société cosaque (kasatchestvo). […] Les caractères de ces deux jeunes gens diffèrent : l’aîné, Ostap (ou Eustache), Cosaque accompli, est calme, plein de sang-froid et de coup d’œil autant qu’intrépide dans le danger ; il annonce dès l’âge de vingt-deux ans les hautes qualités d’un chef futur. […] Gogol, mais je regrette que, pour un premier recueil, on n’ait pas pu choisir une suite plus homogène et plus capable de fixer tout d’abord sur les caractères généraux de l’auteur : le critique se trouve un peu en peine devant cette diversité de sujets et d’applications.

257. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre III : Théorie psychologique de la matière et de l’esprit. »

L’idée de ce quelque chose de fixe qui se distingue de nos impressions flottantes, par ce caractère que Kant appelle la permanence ; c’est là notre croyance à la matière. […] Mes sensations présentes sont généralement de peu d’importance et fugitives ; les possibilités, au contraire, sont permanentes ; ce qui est précisément le caractère qui distingue notre idée de substance ou de matière, de notre idée de la sensation. Il y a un autre caractère important qui ajoute à a certitude ou garantie de ces possibilités de sensations ; c’est que les sensations sont non pas isolées, mais jointes en groupes. […] Par suite, le groupe, considéré comme un tout, se présente à l’esprit comme permanent, caractère principal qui distingue notre idée de substance ou de matière de notre idée de la sensation. […] Mill donne la première pour complète, mais il refuse expressément ce caractère à la seconde122.

258. (1824) Notice sur la vie et les écrits de Chamfort pp. -

Son caractère, plus fort que l’adversité, luttait avec avantage contre elle ; il se repaissait à l’avance du succès des ouvrages qu’il n’avait pas encore composés. […] Le caractère principal de l’un s’alliait avec ce que l’autre avait d’accessoire. […] Le caractère connu de Mirabeau laisse douter de la sincérité de ces protestations. […] « Je suis un homme libre, ajouta-t-il, jamais on ne me fera rentrer vivant dans une prison. » Il signa cette déclaration où respire l’énergie du plus ferme caractère ; et sans daigner s’apercevoir qu’il pouvait être entendu des nombreux agents de la tyrannie, il continua de s’expliquer librement sur les motifs de l’action qu’il venait de commettre. […] La vivacité de son esprit, le sel de ses réparties, une certaine causticité naturelle, qui fait trop souvent suspecter la bonté du caractère, une invincible aversion pour la sottise confiante, et l’impossibilité absolue de déguiser ce sentiment, inspirèrent à beaucoup de gens une sorte de crainte qu’il prenait trop peu de soin de dissiper, et qui, pour l’ordinaire, se change facilement en haine.

259. (1868) Curiosités esthétiques « VIII. Quelques caricaturistes étrangers » pp. 421-436

Je ne veux pas faire ici une analyse détaillée des œuvres de Hogarth ; de nombreuses appréciations ont déjà été faites du singulier et minutieux moraliste, et je veux me borner à constater le caractère général qui domine les œuvres de chaque artiste important. […] Cependant, tel n’est pas, en général, le caractère italien. […] Tout le monde a de l’esprit, chacun devient artiste comique ; Marseille et Bordeaux pourraient peut-être nous donner des échantillons de ces tempéraments. — Il faut voir, dans la Princesse Brambilla, comme Hoffmann a bien compris le caractère italien, et comme les artistes allemands qui boivent au café Greco en parlent délicatement. […] Son originalité se manifesta bien plus dans son caractère que dans ses ouvrages ; car il fut un des types les plus complets de l’artiste, tel que se le figurent les bons bourgeois, c’est-à-dire du désordre classique, de l’inspiration s’exprimant par l’inconduite et les habitudes violentes. […] Celle-ci, que notre siècle, pour qui rien n’est difficile à expliquer, grâce à son double caractère d’incrédulité et d’ignorance, qualifierait simplement de fantaisies et de caprices, contient, ce me semble, une espèce de mystère.

260. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Necker, nous saisissons la dissidence à l’origine, le divorce à sa naissance ; mais les partis, ou du moins les familles politiques auxquelles ils se rattachent l’un et l’autre, se sont assez perpétuées ensuite, pour qu’on puisse en généraliser les caractères hors de leurs personnes. […] Entre tous ces hommes de bien et de mérite elle cherche vainement un grand caractère propre à rassurer dans cette crise et à rallier le bon parti par ses conseils. […] qu’elle dut alors regretter un Mirabeau honnête homme et désintéressé t Tout en excitant Brissot à être ce grand caractère, on voit assez qu’elle y compte peu, et qu’elle le connaît excessivement confiant, naturellement serein, même ingénu. […] Mlle Phlipon se fit donc un caractère plus mâle et plus simple ; elle eut de bonne heure l’habitude de réprimer sa sensibilité, son imagination, de s’arrêter à des principes raisonnés, et d’y ranger sa conduite. […] La parole, le style de Mme Roland est plus ferme, plus concis, plus net que le style de Mme de Staël en sa première manière ; cette différence tient au caractère, aux habitudes d’éducation des deux écrivains, et à dix années de plus chez Mme Roland.

261. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Pour acquérir le droit de dessiner d’admirables caractères, de composer d’immortels monologues, de hasarder des scènes sublimes, des situations et des catastrophes véritablement tragiques, il a fallu qu’il consentît à les entremêler d’inepties populaires. […] La confusion de toutes les espèces de drames est l’un des caractères de l’enfance ou de la vieillesse prématurée de l’art. […] Mais enfin ce n’est pas tout que de faire danser, dormir, rêver et périr des personnages ; il faut encore leur donner des mœurs, un caractère, des passions, et nous devons avouer que Shakespeare y réussit fort souvent. […] Transporter ainsi le vague de la musique dans la tragédie, voilà bien un des caractères du romantique. […] On réclame d’un côté la vérité des faits matériels, de l’autre celle des mœurs et des caractères.

262. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Caractère général de sa réforme. — § IV. […] Du caractère et du tour d’esprit de Malherbe […] Caractère des poésies de Desportes. […] Caractère général de sa réforme. […] Du caractère et du tour d’esprit de Malherbe.

263. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Il idéalise et c’est là son caractère propre. Que l’on reprenne le substantif chêne ; seul, ce vocable, exprimant un genre, l’exprime par ses caractères génériques saillants de force, de hauteur, d’ombre, de végétation vigoureuse ; l’esprit en le prononçant, aperçoit vaguement un arbre magnifique, idéal. […] Ses analyses de caractère sont mieux poussées que celles du romancier anglais chez lequel elles sont médiocres, ses peintures de milieux beaucoup plus exactes, ses descriptions, ses scènes plus renseignantes, sa composition mieux entendue. […] Ils y ont triomphé par leur caractère ardemment sentimental. […] On aura remarqué, cependant, qu’un petit nombre d’écrivains seulement étaient frappés de ce qui est, pour le public, la principale innovation des œuvres russes, leur caractère passionne et moral.

264. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Qui vous a conféré le caractère et le langage de l’autorité ? […] L’ignorance des traditions mythiques et l’oubli des caractères spéciaux propres aux époques successives ont donné lieu à des méprises radicales. […] L’éclectisme actuel, représenté par la critique, n’est dû qu’à l’indifférence publique et à l’énervement des caractères. […] Alfred de Vigny, semblable en ceci au plus grand nombre des poètes contemporains, n’avait aucun sens intuitif du caractère particulier des diverses antiquités. […] Le reproche de sacrifier l’étude des caractères et la vérité historique aux fantaisies de l’imagination, est-il donc juste ?

265. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Il n’insiste pas sur ce qui est douteux : il s’attache à démêler et à dégager le vrai caractère qui a différencié Rome des autres cités antiques. […] Gaie et plaisante chez les Grecs, la satire chez Lucilius ressemble à de véritables discours de censeurs ; celle de Juvénal aura le caractère d’accusations publiques. […] Il s’est attaché à y bien saisir et à y marquer la nuance de caractère de chacun des premiers empereurs : cette diversité de caractères personnels décide, en effet, du degré de transformation dans le gouvernement, qui est surtout alors le gouvernement d’un seul. […] L’historien arrive ainsi, en saisissant les traits principaux du caractère, à trouver le sens du règne de chacun. […] Les Empereurs romains, caractères et portraits historiques : un vol. in-8°.

266. (1903) Propos de théâtre. Première série

Ensuite, parce que, s’il vous plaît, c’est tout à fait conforme au caractère général, au caractère historique de la Tragédie française. […] que, sur ce caractère et sur l’évolution de ce caractère, c’est-à-dire sur ce rôle, il y avait deux opinions parfaitement contradictoires. […] Ce n’est pas là leur caractère. […] Il a peint, non des caractères, mais des professions, ou, si l’on veut, il a peint des caractères professionnels. Il a réduit le caractère à la manie contractée.

267. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXI » pp. 220-221

Le Misanthrope est sans doute un caractère élevé. […] Cependant, en considérant la position de Molière, et le plaisir que le roi prenait à diriger son talent, on se persuaderait sans peine qu’en approchant l’oreille des rideaux du roi, on sur prendrait quelques paroles dites à demi-voix, pour désigner à Molière ce caractère qui, bien que respecté au fond du cœur, avait quelque chose d’importun pour les maîtresses et pour les femmes qui aspiraient à le devenir. […] C’était en effet un coup de maître pour Molière, de représenter Montausier, ce censeur énergique, sous les couleurs les plus nobles, et d’opposer son caractère même aux prétentions de bel esprit sans esprit, et le poète sans talent ; de le montrer intraitable pour un mauvais ouvrage, quelque honnête, quelque estimable que fut l’auteur, en respectant en lui l’homme de bien et de mérite ; précisément comme Racine et Boileau prétendaient en user avec Chapelain, Cottin et leurs semblables.

268. (1910) Rousseau contre Molière

Ces moyens doivent être assortis à son caractère. […] Et cela est vérité et cela est très théâtral, parce que le spectateur n’aime rien tant que de voir ces brusques retours du caractère inné à travers le caractère acquis. […] Dès le commencement, Molière le montre très soigneusement avec ce double caractère. […] Caractère sans défaut, humeur désagréable. […] Sans cela, votre humeur faisant tort à votre caractère, que dira-t-on de vous ?

269. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Des caractères généraux du calvinisme. […] Caractères généraux du calvinisme. […] Ces contrastes si frappants, ces caractères et ces tours d’esprit si opposés, qui se produisent à la même époque et sous les mêmes influences, je n’imagine pas que ce soit pur hasard. N’y a-t-il pas là comme une double personnification et une double tradition des deux grands caractères de l’esprit français, la rigueur logique, et cette liberté aimable que la logique a réglée sans la gêner ? […] Tel est en effet le caractère de ses écrits, quant à la méthode.

270. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

Si on éprouve de la difficulté à le croire, c’est que l’œil contribuant à produire notre notion actuelle de l’étendue, en altère beaucoup le caractère, et nous empêche de reconnaître que la notion d’étendue a été successive à l’origine. […] Reste le caractère de nécessité. […] Qui doute que si nous connaissions à fond le caractère d’une personne et toutes les circonstances qui agissent sur elle, nous puissions prédire avec certitude ses résolutions ? […] Le fatalisme, que l’on peut appeler modifié, soutient que nos actions sont déterminées par notre volonté, notre volonté par nos désirs, et nos désirs par l’influence jointe des motifs qui se présentent à nous et de notre caractère individuel ; mais que ce caractère ayant été fait pour nous et non par nous, nous n’en sommes point responsables ni des actions auxquelles il nous conduit, et que nous tenterions vainement de le modifier. […] En d’autres termes, nous sommes soumis à l’obligation morale de rechercher l’amélioration de notre caractère moral.

271. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Le caractère de l’homme était en harmonie parfaite avec sa vie. […] Il venait tout d’abord du sérieux de son caractère. […] Un tel caractère, une telle vie, une telle œuvre sont le caractère et la vie d’un sage. […] Son caractère était aussi calme et paisible que sa vie était régulière. […] Si j’avais à définir quel est le caractère propre de Michelet comme écrivain, je dirais qu’il est un grand musicien.

272. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

La parole intérieure passionnée ; la parole intérieure imaginaire ; leurs caractères distinctifs Dans la description qui précède, nous avons négligé à dessein les cas où la parole intérieure se rapproche des caractères de la parole extérieure. […] Si l’intervention illégitime de la perception externe est le caractère spécifique de l’hallucination, il faut dire que la parole intérieure vive devient alors une véritable hallucination. Ce phénomène est propre au caractère imaginatif. […] Surprendre un aparté, recevoir à l’improviste la confidence involontaire d’un taciturne, dérober un secret soigneusement caché sans être soi-même indiscret, voir à nu dans une exclamation le vrai caractère ou la passion maîtresse d’un politique, ce sont là de petits événements qui font pour une soirée la joie d’un observateur ; un moraliste en tire un portrait, un auteur comique l’idée d’une scène heureuse ou d’un caractère nouveau. […] Si c’est un de mes semblables, je m’imagine lui parler, et il est difficile que je le suppose à la fois attentif et silencieux, que je n’imagine pas une réponse conforme à ses idées et à son caractère, réponse à laquelle je m’empresse de répliquer.

273. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Bossuet : sa vie, son caractère, son style, sa langue. — 3. […] Il s’attacha à lui former surtout le caractère, à développer la raison, en ornant l’esprit. […] Oeuvres oratoires de Bossuet Dans la diversité des ouvrages de Bossuet, le caractère le plus constant et le plus général qui se manifeste, est le caractère oratoire : c’est donc sur l’orateur qu’il faut porter d’abord notre étude. […] Il a saisi dans leur caractère, dans leur activité, un trait, un caractère, qui mettaient bien en lumière une vérité importante du dogme ou de la morale : et c’est sur cette vérité qu’il prêchait son panégyrique. […] Son discours a un caractère avant tout moral et pratique : il s’attache à régler la conduite.

274. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Nous voudrions également montrer comment il est possible de maintenir à l’histoire son haut caractère d’enseignement moral avec la nouvelle méthode qui en a fait une œuvre éminemment scientifique depuis le début de notre siècle. […] Nul ne se doute, parmi les anciens, des vraies sources et des caractères propres de la poésie homérique. […] « Jamais le caractère français n’éclata d’une manière plus touchante dans sa sensibilité facile, sa vivacité, son entraînement généreux. […] Fatalité des passions ou fatalité des idées, l’histoire perd son véritable caractère du moment que la liberté en a disparu ; elle devient une sorte de physique sociale. […] L’ordre se reconnaît à de tout autres caractères : à la vérité des principes, à la justice des actes, à la beauté et à la bonté des œuvres.

275. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

D’un caractère doux, réservé, de manières aimables, parfaitement honnête homme, il n’était pas le partisan du système français, lorsqu’il fut envoyé chez nous pour la première fois par un prince, bientôt roi, qui allait devenir l’ami sincère de Napoléon. […] Fouché, on le sait, quand le mal ne servait à rien, ne le faisait pas ; il était « bon diable », comme le disait de lui l’Empereur ; il aimait à rendre service par facilité de caractère, et aussi parce qu’on né sait jamais ce qui peut arriver. […] M. de Talleyrand, qui était tout aussi supérieur par les lumières, ne le fût pas toujours autant par le caractère. […] C’est bien de lui qu’on peut dire, par une image tout à fait au niveau de son caractère, qu’il avait un pied dans tous les souliers. […] Dans les jugements réciproques et contradictoires qu’ils porteront les uns sur les autres, nous verrons encore mieux se dessiner leur ligne et leur caractère.

276. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

Une sorte de ridicule s’est attaché à ce qu’on appelle des sentiments romanesques, et ces pauvres esprits, qui mettent tant d’importance à tous les détails de leur amour propre, ou de leurs intérêts, se sont établis comme d’une raison supérieure à ceux dont le caractère a transporté dans un autre l’égoïsme, que la société considère assez dans l’homme qui s’occupe exclusivement de lui-même. […] Enfin, il est des caractères aimants, qui profondément convaincus de tout ce qui s’oppose au bonheur de l’amour, des obstacles que rencontre et sa perfection, et surtout sa durée ; effrayés des chagrins de leur propre cœur, des inconséquences de celui d’un autre, repoussent, par une raison courageuse, et par une sensibilité craintive, tout ce qui peut entraîner à cette passion : c’est de toutes ces causes que naissent et les erreurs adoptées, même par les philosophes sur la véritable importance des attachements du cœur, et les douleurs sans bornes, qu’on éprouve en s’y livrant. […] cette douleur, sans bornes, est la moins redoutable de toutes : comment survivre à l’objet dont on était aimé, à l’objet qu’on avait choisi pour l’appui de sa vie, à celui qui faisait éprouver l’amour tel qu’il anime un caractère tout entier créé pour le ressentir ? […] Sans doute, il est des hommes dont le caractère est une honorable exception ; mais telle est l’opinion générale sous ce rapport qu’il en est bien peu qui osassent, sans craindre le ridicule, annoncer dans les liaisons du cœur la délicatesse de principes, qu’une femme se croirait obligée d’affecter si elle ne l’éprouvait pas. […] Si la beauté leur assure des succès, la beauté n’ayant jamais une supériorité certaine, le charme de nouveaux traits peut briser les liens les plus doux du cœur ; les avantages d’un caractère élevé, d’un esprit remarquable, attirent par leur éclat, mais détachent à la longue tout ce qui leur serait inférieur.

277. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Ainsi peu à peu il s’est formé dans les esprits un caractère d’élévation, ou plutôt de justice. […] Des sons tracés, des caractères muets sont la seule communication qu’il y ait entre vous et lui : il n’y a que sa pensée qui parle à la vôtre. […] Si donc, en célébrant les grands hommes, vous voulez être mis au rang des orateurs, il faut avoir parcouru une surface étendue de connaissances ; il faut avoir étudié et dans les livres et dans votre propre pensée, quelles sont les fonctions d’un général, d’un législateur, d’un ministre, d’un prince ; quelles sont les qualités qui constituent ou un grand philosophe ou un grand poète ; quels sont les intérêts et la situation politique des peuples ; le caractère ou les lumières des siècles ; l’état des arts, des sciences, des lois, du gouvernement ; leur objet et leurs principes ; les révolutions qu’ils ont éprouvées dans chaque pays ; les pas qui ont été faits dans chaque carrière ; les idées ou opposées ou semblables de plusieurs grands hommes ; ce qui n’est que système, et ce qui a été confirmé par l’expérience et le succès ; enfin tout ce qui manque à la perfection de ces grands objets, qui embrassent le plan et le système universel de la société. […] Ce n’est pas tout ; observez l’influence de son caractère sur ses talents, ou de ses talents sur son caractère ; en quoi il a été original, et n’a reçu la loi de personne ; en quoi il a été subjugué ou par l’habitude la plus invincible des tyrannies, ou par la crainte de choquer son siècle, crainte qui a corrompu tant de talents ; ou par l’ignorance de ses forces, genre de modestie qui est quelquefois le vice d’un grand homme ; mais surtout démêlez, s’il est possible, quelle est l’idée unique et primitive qui a servi de base à toutes ses idées ; car presque tous les hommes extraordinaires dans la législation, dans la guerre, dans les arts, imitent la marche de la nature, et se font un principe unique et général dont toutes leurs idées ne sont que le développement. […] Dans ce contraste, et d’organisation et de caractère, chacun cependant prend pour la nature ce qui est lui : nos passions ou nos faiblesses, voilà la règle de nos jugements.

278. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Greuze  » pp. 157-158

Avec ses mains croisées sur sa poitrine ; ce visage long ; cet âge ; ces grands yeux tristement tournés vers le ciel ; cette draperie ramenée à grands plis sur la tête, c’est une mère de douleurs, mais d’un petit caractère, et un peu grimaçante. […] Il y a une grande variété d’actions, de physionomies, et de caractères dans tous ces petits fripons dont les uns occupent cette pauvre Marchande de marrons, et les autres la volent. […] Il porte dans la société le caractère du sujet qu’il traite dans son atelier ; triste ou gai ; folâtre ou sérieux ; galant ou réservé selon la chose qui venait d’occuper son pinceau.

279. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Même caractère de foi robuste et naïve dans les autres œuvres du temps. […] La Bruyère termine ses Caractères par un chapitre dirigé contre les esprits forts. […]   §3. — On voit assez quel caractère différent prennent tous les genres littéraires, suivant que l’époque est religieuse ou antireligieuse. […] Il est évident que jésuites, jansénistes, quiétistes imprimeront des caractères spéciaux aux œuvres écrites sous leur inspiration. […] Les plus croyants des écrivains ont contribué sans le vouloir à élargir, à humaniser, même à laïciser la religion, à la dépouiller de son caractère de chose intangible et surnaturelle.

280. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Le caractère social de la morale est plus manifeste encore. […] Et le caractère de ces jouissances, c’est qu’elles ne s’excluent plus l’une l’autre, à la façon des plaisirs égoïstes, mais sont au contraire en essentielle « solidarité ». […] Précisément en ce que les sensations et sentiments supérieurs auront un caractère à la fois plus intense et plus expansif, par conséquent plus social : — « La solidarité sociale est le principe de l’émotion esthétique la plus haute et la plus complexe. » Les plaisirs qui n’ont rien d’impersonnel n’ont, rien de durable ni de beau : « Le plaisir qui aurait, au contraire, un caractère tout à fait universel, serait étemel ; et étant l’amour, il serait la grâce. […] Guyau attachait d’autant plus d’importance au caractère social et à l’influence sociale de fart qu’il considérait les religions comme destinées à s’affaiblir et à disparaître de plus en plus, d’abord dans les classes supérieures de la société, puis, par une contagion lente, dans les classes inférieures. […] Le sentiment, avec son caractère communicatif et vraiment social, deviendra l’homme même, sa plus haute et dernière expression ; quant à son individualité propre, elle comptera pour peu de chose.

281. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Mais nous appellerons son attention sur le vrai caractère de l’histoire et des personnages historiques. […] Elle n’explique pas un seul trait du caractère de Louis de Rohan, et par conséquent n’ajoute rien à l’intérêt du livre. […] Pour ceux qui connaissent le caractère et la pensée de M.  […] Mais il faut bien s’entendre sur le caractère de l’ambition vraie. […] À des caractères complexes quel langage peut convenir, si ce n’est un langage complexe ?

282. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

Attachons-nous au caractère. […] Son caractère manquait donc tout à fait de consistance, de volonté propre. Et son esprit, notons-le bien, si brillant et si fin qu’il fût, n’avait rien qui s’opposât trop directement à ce manque de caractère. […] On peut avoir de la raison dans l’esprit et pas dans la conduite, le caractère entre les deux faisant faute. […] Quand ils parlent d’elle, ou de Mlle de Vertus, ou de M. de Pontchâteau, ils ne tarissent plus, et dans l’uniformité de leur louange, dans la plénitude bien légitime de leur reconnaissance, il ne leur faut pas demander le discernement des caractères.

283. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Malheureusement, l’allusion perpétuelle qu’il voulait faire comme philosophe au fanatisme persécuteur des premiers temps du christianisme fit dévier le poëte du véritable caractère de Mahomet. […] Il eût été mille fois plus beau de représenter ce grand caractère du martyr inspiré, persécuté et triomphant que de représenter dans Mahomet un incrédule de sa propre religion qui se moque de Dieu et des hommes. […] Un livre de Thucydide poétise plus les événements et les hommes, une page de Tacite reflète plus d’éclairs sur l’abîme des caractères. […] Au printemps, il alla passer quelques mois dans l’abbaye de Senones, auprès du savant dom Calmet, religieux d’une érudition immense et indigeste, mais d’un caractère naïf et tolérant, qui plaisait beaucoup à Voltaire. […] Voilà, avec l’impartialité que l’on doit à la vérité et même à l’erreur, le vrai caractère de Voltaire philosophe.

284. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Déterminons donc les caractères essentiels par lesquels la vie, envisagée du dehors, paraît trancher sur un simple mécanisme. Il nous suffira alors de passer aux caractères opposés pour obtenir la formule abstraite, cette fois générale et complète, des procédés de comédie réels et possibles. […] La comédie de situation, ainsi entendue, confine donc à la comédie de caractère. […] La comédie de caractère pousse dans la vie des racines autrement profondes. […] Nous nous proposons, en effet, d’étudier les caractères comiques, ou plutôt de déterminer les conditions essentielles de la comédie de caractère, mais en tâchant que cette étude contribue à nous faire comprendre la vraie nature de l’art, ainsi que le rapport général de l’art à la vie.

285. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

De même encore que dans la nature, il arrive donc un moment dans l’évolution d’un genre, où la somme des caractères instables l’emporte sur celle des caractères stables, et où, si l’on peut ainsi dire, le composé qu’il était se dissout. […]   Et vous voyez encore quelle erreur on commet lorsqu’on impute à Descartes et au caractère de sa philosophie le caractère « abstrait » ou « rationnel » de notre système dramatique. […] Je ne m’étonne pas alors qu’il y retrouve l’esprit français, puisque, comme vous le voyez, la définition en est faite pour lui du caractère de ces œuvres et de ces hommes mêmes. […] et ces caractères physiques ont-ils dans son œuvre une traduction qui leur soit en quelque sorte adéquate ? […] Alors, le principal caractère d’un esprit étant donné, on pourra en déduire plusieurs autres.

286. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

C’est un caractère, en effet, que d’être avare, c’est un caractère que d’être jaloux, c’est un caractère que d’être hypocrite, c’est un caractère que d’être débauché, c’est un caractère que d’être misanthrope ; mais ce n’en est pas un que d’être financier, pas plus que d’être baronne de contrebande ou marquis d’aventure ; et c’est même si peu ce que l’on appelle un caractère que c’est justement là ce que l’on opposera bientôt aux caractères sous le nom de conditions. […] Ces caractères sont généraux avant d’être individuels. […] J’en sais bien la raison, c’est que nous n’avons point de caractère. […] Le caractère est conforme à lui-même : sibi constat. […] A-t-on fait assez ressortir ce caractère de Rousseau ?

287. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Le caractère, l’éducation, les habitudes des Français n’ont rien d’artiste. […] Ses leçons prendraient un caractère bien plus vivant encore et tout à fait actuel, car c’est sur le terrain de la poésie que les grands combats se livrent, et que les grandes questions doivent se décider. […] Il est juste toutefois d’excepter les caractères de chevaliers que Voltaire a tracés avec beaucoup de charme et une fidélité de couleur plus que suffisante pour l’époque. […] Casimir de la Vigne, œuvre essentiellement philosophique, qui peut-être n’a pas cet intérêt vulgaire que cherche d’abord la foule, mais qui frappe tous les esprits distingués par des situations fraîches, des caractères créés et par un style de poète. […] Voltaire, en se tenant toujours dans le style pompeux, s’est privé de la ressource immense des contrastes de mœurs et de caractères.

288. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Pourtant la vie intérieure et privée de Frédéric est entièrement connue ; toutes les parties de son caractère sont éclairées ; on a ses lettres, ses vers, ses pamphlets, boutades et facéties, ses confidences de toutes sortes ; il n’a rien fait pour les supprimer, et il est impossible de ne pas reconnaître en lui un autre personnage bien essentiel, et qui est au cœur même de l’homme. […] Sa condition de roi, son amour de la noble gloire, et le grand caractère dont il était doué, le dirigèrent à d’autres applications qui avaient pour but l’utilité sociale et la grandeur de sa nation : il estimait « qu’un bon esprit est susceptible de toutes sortes de formes, qu’il apporte des dispositions à tout ce qu’il veut entreprendre. […] Dans la seconde partie de la correspondance, lorsqu’ils la renouèrent après la brouille, on trouve un tout autre caractère que dans la première moitié. […] Frédéric avait ce caractère propre aux grands hommes, qu’avec lui la première vue surpassait encore l’attente. […] Le malheur de Frédéric fut de n’être entouré de tout temps, et surtout vers la fin, que de gens de lettres secondaires, et dont le caractère peu élevé se prêtait trop à ses jeux de prince.

289. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Tous ses traits annoncent un grand caractère. […] Un véritable poète comique, un auteur qui a verve et gaieté franche, un Molière, ou simplement un Regnard, ne sont pas sujets à ces fatuités ni à ces raffinements épigrammatiques, qui font essentiellement partie du caractère et de l’habitude d’esprit de Rulhière. […] Mais ses meilleures raisons étaient encore dans son caractère et dans le tour de son esprit, qu’on pourrait définir, de tout temps, libéral mais ministériel. […] Lorsqu’il aborde enfin sa vraie matière, qui commence avec l’élection du roi Stanislas Poniatowski, Rulhière a l’inconvénient d’avoir à se prononcer sur des caractères vivants qui n’ont pas eu leur entier développement, sur des personnages qui n’ont pas donné leur dernier mot. […] Parmi les chefs polonais, il en choisit pour ses héros qui n’ont pas soutenu plus tard ce caractère : il les voit de loin dans les poses chevaleresques qu’ils se donnent, et tout à leur avantage.

290. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

Ses malheurs même et la bataille de Pavie, où, à des fautes trop réelles, il mêla de la grandeur de caractère, durent ajouter à sa célébrité, en fixant sur lui les yeux de l’Europe, et devaient surtout intéresser un peuple qui pardonne tout pour le courage, et se rallie toujours au mot de l’honneur. […] Les événements eurent de l’importance, sans avoir une sorte de caractère ; et presque toujours en action, mais sans être animé de ces forces vives qui font les grands changements et dessinent avec énergie les caractères, soit en bien, soit en mal, ce prince donna beaucoup de mouvement à l’Europe, sans acquérir beaucoup de célébrité. […] Sa gaieté au milieu des combats, ses bons mots dans la pauvreté et le malheur, toutes ces saillies d’une âme vive et d’un caractère généreux, cette foule de traits que l’on cite, et qui sont à la fois d’un homme d’esprit et d’un héros, semblaient peindre en même temps l’imagination française, et le genre d’esprit avec le caractère national. […] La nation en l’admirant, aimait à se persuader qu’on peut mêler la galanterie à la grandeur et que le caractère d’un Français fut en tout temps d’allier la valeur et les plaisirs. […] Peu de princes dans l’histoire ont eu ce caractère de bonté, comme Henri IV.

291. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Avec quels caractères se sont-ils montrés d’abord, avant d’avoir pris ceux dont ils sont maintenant revêtus et qui ne peuvent guère être leurs caractères primitifs ? […] En présence de plusieurs objets particuliers, vous mettez de côté les caractères qui les distinguent, et vous considérez à part un caractère qui leur est commun à tous : vous abstrayez ce caractère. […] Quels sont ses caractères et ses différentes espèces ? […] Aussi excelle-t-il particulièrement dans les caractères de femmes. […] Et saisissez bien son vrai caractère.

292. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Leconte de Lisle, qui n’est encore apprécié que de quelques-uns, a un caractère des plus prononcés et des plus dignes entre les poètes de ce temps. […] Le caractère saillant de l’œuvre de Leconte de Lisle est le vaste plan, prémédité dès le début, et qui se révèle à mesure que l’on avance dans cette œuvre : l’étude du rôle assigné aux théogonies dans l’histoire des âges. […] Don magique de réflexion objective, puissance étonnante d’impersonnalité créatrice, telles sont les deux qualités principales qui lui ont permis d’élever ce monument poétique dont le caractère est sans précédent dans notre littérature, sans analogue nulle part. […] C’est une vérité commune à tout le monde, mais qui paraît plus sensible dans certaines natures dont l’originalité est nette et le caractère arrêté. […] Ferdinand Brunetière Tout diffère dans les Poèmes barbares et dans cette Légende des siècles, à laquelle on les a si souvent comparés : l’inspiration, le dessin, la facture, le caractère, l’effet, la forme et le fond, le style et l’idée.

293. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

S’il y avait eu de l’effet, de la couleur, de l’expression ; si, sans rien changer à l’ordonnance, à la position des figures, l’artiste avait su leur donner seulement ce contour mou et fluant, cette variété d’attitudes naturelles faciles, aisées, qui tient à l’âge, au caractère, à l’action, à la sympathie des membres, à l’organisation, on aurait après cela jugé de ce morceau. […] Regardez bien le caractère innocent, champêtre, fin, original et de verve des enfans. […] Mais il n’en est pas de même de ceux-ci, ce ne sont pas des natures sveltes ; ils ont un caractère dont on ne saurait s’affranchir sans pécher contre la vérité ; des chairs molles, je ne sais quoi de non développé qui est de leur âge. […] Est-ce que les proportions, les caractères, les figures des dieux payens n’étaient pas déterminés par leurs fonctions ? […] Mais voici ce qu’a fait le Poussin ; il a tâché d’ennoblir les caractères ; il s’est assujetti selon les convenances de l’âge, aux proportions de l’antique ; il a fondu avec un tel art la bible avec le paganisme, les dieux de la fable antique avec les personnages de la mythologie moderne, qu’il n’y a que les yeux savans et expérimentés qui s’en aperçoivent, et que le reste en est satisfait.

294. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

L’homme est tellement fait pour le deuil, la tristesse, le désastre ; sa destinée est si bien l’inachèvement en toutes choses, que les grands efforts, les grands caractères, le génie, répandus en pure perte sur cette terre qui boit tout indifféremment, le sang et les larmes, nous prennent le cœur bien plus que le succès, les résultats éclatants, les fortunes ! […] Jeté par ses folies de jeune homme et les passions d’une époque qui avait aussi ses folies sur le pavé de Paris, ce bitume d’enfer qui fond les fortunes, les caractères et les courages, Gaston de Raousset, même quand il fut le plus ce qu’on appelle un franc jeune homme, ivre de ce pauvre luxe dont il eut bientôt vu la fin, éprouva toujours ces virils tressaillements intérieurs qu’éprouvent les natures héroïques quand elles sentent que l’action leur manque, l’action pour laquelle elles sont faites ! Quoique poète, comme nous allons le voir, quoique ayant à un degré éminent les qualités qui doivent un jour produire l’écrivain, il n’avait pas, il n’eut jamais l’inquiétude du xixe  siècle, le vague à l’âme des Obermann et des René, ces génies idiots de caractère, qui ont une tête, mais pas de cœur, mais pas de mains, et qui finissent par mourir d’une hypertrophie de rêveries ! […] Mais qu’on lise ses admirables lettres, qu’on lise les notes qu’y a attachées de la Madelène, et l’on reconnaîtra que le fond du caractère de Raousset-Boulbon fut la probité, — une probité chevaleresque, immense, étendue sur toutes les relations de la vie. […] La véritable supériorité de Raousset est dans son caractère, et c’est ce qu’il faut surtout glorifier, car, au xixe  siècle, c’est la volonté qui défaille, et les caractères sont infiniment plus rares que l’esprit.

295. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXI. De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. »

En bien, en mal, ils ont un caractère ; ils sont eux. […] Il trouve que le principal caractère de Dieu est la bonté. […] Il n’en est pas de même du prince : il est la loi qui parle et qui respire, et non pas cette loi muette et sourde représentée par des caractères immobiles. […] Il fit couler le sang des ennemis, avec cette fureur que les caractères atroces nomment justice : l’orateur, en le louant d’une humanité qu’il n’avait pas, tâche au moins de lui inspirer les sentiments qu’il devait avoir. […] Dieu l’entendit, et sauva son armée. » Nous avons déjà vu que Valens était cruel ; et comme tous les hommes il porta son caractère dans la religion.

296. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

Ce caractère est toujours le même dans le vulgaire ; voient-ils une comète, un parélie, ou tout autre phénomène céleste, ils s’inquiètent et demandent ce qu’il signifie (axiome 39). […] Par un effet de ce caractère de l’esprit humain que nous avons remarqué d’après Tacite ( mobiles ad superstitionem perculsæ semel mentes , axiome 23), dans tout ce qu’ils apercevaient, imaginaient, ou faisaient eux-mêmes, ils ne virent que Jupiter, animant ainsi l’univers dans toute l’étendue qu’ils pouvaient concevoir. […] Originairement Jupiter fut en poésie un caractère divin, un genre créé par l’imagination plutôt que par l’intelligence (universale fantastico), auquel tous les peuples païens rapportaient les choses relatives aux auspices. […] Ce qui nous prouve que la poésie a dû naître ainsi, c’est ce caractère éternel et singulier qui lui est propre : le sujet propre à la poésie c’est l’impossible, et pourtant le croyable (impossibile credibile). […] Il prétend que le droit des enfants de Dieu s’étendit à toutes les nations, sans faire attention au caractère inhospitalier des premiers peuples, ni à la division établie entre les Hébreux et les Gentils ; sans observer que les Hébreux ayant perdu de vue leur droit naturel dans la servitude d’Égypte, il fallut que Dieu lui-même le leur rappelât en leur donnant sa loi sur le mont Sinaï.

297. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Le style des historiens grecs est remarquable par l’art de narrer avec intérêt et simplicité, et par la vivacité de quelques-uns de leurs tableaux ; mais ils n’approfondissent point les caractères ; ils ne jugent point les institutions. […] Ils ne blâment ni n’approuvent ; ils transmettent les vérités morales comme les faits physiques, les beaux discours comme les mauvaises actions, les bonnes lois comme les volontés tyranniques, sans analyser ni les caractères, ni les principes. […] La doctrine calme et forte qu’ils enseignaient donne à leurs écrits un caractère que le temps n’a point usé. […] Ils ont toutes les qualités nécessaires pour exciter le développement de l’esprit humain ; mais on n’éprouve point, en les voyant disparaître de l’histoire, la même douleur qu’inspire la perte du nom et du caractère des Romains. […] On ne trouve pas un seul portrait de femme dans les caractères de Théophraste ; leur nom n’y est jamais prononcé comme celui d’un être faisant partie des intérêts de la société.

298. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVII. Morale, Livres de Caractéres. » pp. 353-369

Il est sans contredit un de nos premiers auteurs pour la prose ; notre langue paroît avoir dans ses écrits un caractère particulier, qu’on ne lui connoissoit pas encore. […] Certains portraits satyriques, & un caractère de galant homme & d’homme du monde, ont fait le succès de ce livre. […] Depuis que l’égoïsme est devenu le ton du siécle, nous avons eu beaucoup de livres de morale & de caractères où l’on prend ce ton. […] Les Conseils à une amie & les Caractères, par Mme. de Puisieux, sont écrits avec beaucoup de légéreté. […] Les caractères sont tracés avec autant de vérité que de finesse.

299. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre XI. De la géographie poétique » pp. 239-241

Les Grecs ayant retrouvé dans toutes les contrées du monde un caractère de fondateurs des sociétés analogue à celui de leur Hercule de Thèbes, ils placèrent partout son nom et le firent voyager par toute la terre qu’il purgeait de monstres sans en rapporter dans sa patrie autre chose que de la gloire. […] Les Grecs observèrent encore qu’il y avait eu partout un caractère poétique de bergers parlant en vers ; chez eux c’était Évandre l’Arcadien ; Évandre ne manqua pas de passer de l’Arcadie dans le Latium, où il donna l’hospitalité à l’Hercule grec, son compatriote, et prit pour femme Carmenta, ainsi nommée de carmina, vers ; elle trouva chez les Latins les lettres, c’est-à-dire, les formes des sons articulés qui sont la matière des vers. Enfin ce qui confirme tout ce que nous venons de dire, c’est que les Grecs observèrent ces caractères poétiques dans le Latium, en même temps qu’ils trouvèrent leurs Curètes répandus dans la Saturnie, c’est-à-dire dans l’ancienne Italie, dans la Crète et dans l’Asie. […] Les noms d’Hercule, d’Évandre et d’Énée passèrent donc de la Grèce dans le Latium, par l’effet de quatre causes que nous trouverons dans les mœurs et le caractère des nations : 1º les peuples encore barbares sont attachés aux coutumes de leur pays, mais à mesure qu’ils commencent à se civiliser, ils prennent du goût pour les façons de parler des étrangers, comme pour leurs marchandises et leurs manières ; c’est ce qui explique pourquoi les Latins changèrent leur Dius Fidius pour l’Hercule des Grecs, et leur jurement national Medius Fidius pour Mehercule, Mecastor, Edepol. 2º La vanité des nations, nous l’avons souvent répété, les porte à se donner l’illustration d’une origine étrangère, surtout lorsque les traditions de leurs âges barbares semblent favoriser cette croyance ; ainsi, au moyen âge, Jean Villani nous raconte que Fiesole fut fondé par Atlas, et qu’un roi troyen du nom de Priam régna en Germanie ; ainsi les Latins méconnurent sans peine leur véritable fondateur, pour lui substituer Hercule, fondateur de la société chez les Grecs, et changèrent le caractère de leurs bergers-poètes pour celui de l’Arcadien Évandre. 3º Lorsque les nations remarquent des choses étrangères, qu’elles ne peuvent bien expliquer avec des mots de leur langue, elles ont nécessairement recours aux mots des langues étrangères. 4º Enfin, les premiers peuples, incapables d’abstraire d’un sujet les qualités qui lui sont propres, nomment les sujets pour désigner les qualités, c’est ce que prouvent d’une manière certaine plusieurs expressions de la langue latine.

300. (1875) Premiers lundis. Tome III « Le roi Jérôme »

Il a de l’esprit, du caractère, de la décision et assez de connaissance générale du métier pour pouvoir se servir du talent des autres. » Dans une autre lettre du même jour, Napoléon écrivait à Jérôme lui-même : « Mon frère, je vous envoie une lettre du ministre de la marine ; vous y verrez tout le bien que vous pouvez faire à mes flottes par une bonne conduite. Il ne me manque point de vaisseaux, ni de matelots, ni d’un grand nombre d’officiers de zèle, mais il me manque des chefs qui aient du talent, du caractère et de l’énergie. » Le désir, le besoin de Napoléon eût été de susciter quelque part, dans les rangs trop éclaircis de ses flottes, un grand homme de mer et du premier ordre, qui pût tenir en échec la puissance rivale dans cette moitié flottante de l’empire du monde ; mais un tel génie, à la fois supérieur et spécial, se rencontre quand il plaît à la nature, et ne se suscite pas. […] Un caractère cependant bien fait pour frapper encore dans le prince Jérôme exilé, était ce qu’on peut appeler le caractère napoléonien.

301. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Addisson, et Pope. » pp. 17-27

Ce nom de sage, qu’il a reçu pour avoir cherché, dans tous ses écrits, à plier le génie Anglois à l’ordre, aux règles, aux convenances, il le mérita également par son caractère & sa bonne conduite. […] Quel homme que celui dont le caractère est une contradiction honteuse, une vile antithèse, animal équivoque, ayant, en même temps, la tête occupée de riens & le cœur rempli de crimes. » Si Pope eût voulu mépriser d’indignes ennemis & leurs cris impuissans, il se fût épargné bien des chagrins. […] Elles sont une espèce d’écriteau où l’on lit, en gros caractère, ce qui vous a mérité ce traitement si dur. » Les ennemis de Pope, terrassés par la Dunciade, & voyant qu’il étoit plus fort qu’eux en écrits satyriques, se relevèrent furieux & lui portèrent un coup accablant. […] Je paye mes dettes ; je crois en dieu & dis mes prières. » La langue Angloise est redevable à cet excellent écrivain d’un caractère qu’elle n’avoit pas.

302. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau et M. de Voltaire. » pp. 47-58

Ces beautés sans nombre dont la Henriade est remplie ; caractères vrais & soutenus ; tableaux frappans des discordes civiles présentés sans partialité ; amour du bien public recommandé sans cesse ; ressors des passions humaines développés habilement ; intérêt croissant de chant en chant ; magie des vers poussée aussi loin que l’imagination peut aller : tout cela parut un crime aux yeux de Rousseau. […] Un héros de ce caractère étoit capable, sinon d’éclipser, de balancer au moins Henri IV. […] « Ses talens, ses malheurs, & ce que j’ai oui dire ici de son caractère, ont banni de mon cœur tout ressentiment, & n’ont laissé mes yeux ouverts qu’à son mérite. » *. […] Porée, dont l’esprit & le caractère se feront regretter long-temps, s’étendirent à plusieurs autres jésuites.

303. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Conclusion »

Conclusion En résumé, les caractères de cette méthode sont les suivants. […] Nous avons montré comment le sociologue devait écarter les notions anticipées qu’il avait des faits pour se mettre en face des faits eux-mêmes ; comment il devait les atteindre par leurs caractères les plus objectifs ; comment il devait leur demander à eux-mêmes le moyen de les classer en sains et en morbides ; comment, enfin, il devait s’inspirer du même principe dans les explications qu’il tentait comme dans la manière dont il prouvait ces explications. […] Nous avons, au contraire, entrepris d’établir qu’il était possible de les traiter scientifiquement sans rien leur enlever de leurs caractères spécifiques. […] Nous croyons, au contraire, que le moment est venu pour la sociologie de renoncer aux succès mondains, pour ainsi parler, et de prendre le caractère ésotérique qui convient à toute science.

304. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre V. Beau côté de l’Histoire moderne. »

En donnant de nouvelles bases à la morale, l’Évangile a modifié le caractère des nations, et créé en Europe des hommes tout différents des anciens par les opinions, les gouvernements, les coutumes, les usages, les sciences et les arts. […] L’Espagne, séparée des autres nations, présente encore à l’historien un caractère plus original : l’espèce de stagnation de mœurs dans laquelle elle repose lui sera peut-être utile un jour ; et, lorsque les peuples européens seront usés par la corruption, elle seule pourra reparaître avec éclat sur la scène du monde, parce que le fond des mœurs subsiste chez elle. […] Fils aînés de l’antiquité, les Français, Romains par le génie, sont Grecs par le caractère.

305. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Virgile, dit-il, n’en vaut que mieux, pour n’avoir pas étalé cette profusion de caractères qu’on remarque dans l’Iliade. […]   La troisième dispute roule sur les caractères de l’Énéide. […] Le Franc, que le caractère d’Énée étoit pitoyable, & que quiconque mettroit aujourd’hui, soit dans un poëme ou dans un roman, un pareil caractère, seroit infailliblement sifflé. […] Le président Bouhier justifie Virgile quant aux caractères. […] Quel choix encore dans les caractères !

306. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Tel est le privilège des grands caractères. […] Un tel caractère est digne des plus beaux jours de l’antiquité. […] C’est dans le caractère de Satan qu’il s’est élevé au-dessus de lui-même. […] Mais les bois du druide n’avaient-ils pas ce caractère solennel et sacré ? […] C’est que cet éloge a tous les caractères que j’ai indiqués dans l’oraison funèbre.

307. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

— De l’influence de Fénelon sur le caractère et la conduite du duc de Bourgogne. — § V. […] CARACTÈRE GÉNÉRAL DES ÉCRITS DE Fénelon. […] De l’infuence de Fénelon sur le caractère et la conduite du duc de Bourgogne. […] Tout ce qui s’y rapporte au caractère des femmes y est dit librement et peint au vif. […] La vérité manque souvent à ces caractères formés de traits qui appartiennent à des civilisations différentes.

308. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

Or, tous les événements que je m’attribue ont un caractère commun ; ils m’apparaissent comme intérieurs. […] Par conséquent, mes événements passés, comme mes événements présents, ont tous ce caractère qu’ils apparaissent comme internes. — À ce titre, ils forment une chaîne dont les chaînons, tous du même métal, apparaissent à la fois comme unis et comme distincts. […] Il faut ensuite que, grâce aux abréviations de la mémoire, les particularités de nos événements s’effacent, qu’un caractère commun à tous les éléments de la file prédomine, se dégage, s’isole et soit érigé par un substantif en substance. […] La série totale qui constitue le moi se scinde alors en deux, parce que les deux séries partielles qui la composent présentent des caractères distincts ou même opposés. […] Mais ce n’est pas dès l’abord que nous la savons générale ; primitivement, elle agit en nous, sans que nous démêlions son caractère ou que nous sondions sa portée.

309. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Cherchons donc, plutôt, à nous expliquer par quelle particularité de son caractère personnel, et par quel effort moral de ce caractère, le grand musicien a pu concentrer son génie dans cette action extraordinaire que nous révèle son œuvre artistique. […] La structure même de son cerveau nous fait sentir ce caractère. […] La première rend le texte clair et lui donne même un caractère « français ». La seconde conserve le caractère « national, historique et idiomatique » du livret. […] Elle seule rend vraiment compte du style wagnérien et du caractère littéraire de ses textes.

310. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Ce gain se manifeste, aussitôt, pour toute âme humaine, dans le caractère spécial donné par Beethoven à la forme essentielle de toute musique : la Mélodie. […] Les voix y jouent le rôle d’instruments humains, le texte sert, seulement, à revêtir les morceaux d’un caractère religieux plus défini. […] Ainsi que le Drame ne cherche pas à peindre, par une description, le caractère humain, mais laisse ce caractère se représenter, immédiatement, lui-même, devant nous ; ainsi la Musique, au moyen de ses motifs, nous donne le Caractère de toutes les Apparences de l’Univers, dans leur essence et leur Moi le plus intime. […] Beethoven choisit, pour son drame, uniquement, ces deux motifs principaux qui, plus précisément que toute représentation par des concepts définis, nous fait sentir l’essence intérieure de ces deux caractères. […] Ce qui, dans le drame, nous apparut, immédiatement, au travers de l’action vivante, nous le saisissons ici, et comme le fond très-intime de cette action : et les émotions sont également précises que nous produisent, dans le drame, la force naturelle des caractères, ici, les motifs du musicien recréant l’être profond agissant en ces caractères.

311. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Elle est encore plus particulièrement un résultat des qualités, du caractère et de la conduite personnelle. « Pour rendre ceci plus palpable, j’en ferai le syllogisme suivant : « Les qualités et le caractère seront la majeure ; « La conduite, la mineure ; « La fortune ou l’infortune, la conclusion. […]  » Le caractère préexiste et se révèle tout entier. […] Ensuite je rendis au comte Gyllenbourg son écrit, comme il m’en avait priée, et j’avoue qu’il a beaucoup servi à former et à fortifier la trempe de mon esprit et de mon âme. » Si nous suivons le parallèle des deux intelligences et des deux caractères si mal appareillés par le sort, quel contraste ! […] Mon amour-propre et ma vanité gémirent tout bas, mais j’étais trop fière pour me plaindre ; je me serais crue avilie si on m’avait témoigné de l’amitié que j’aurais pu prendre pour de la pitié. » C’est là un trait de son caractère, et qui est le propre de toutes les âmes fières : elle n’aime pas à être plainte ni à se plaindre ; la seule idée d’être ou de paraître malheureuse lui est insupportable.

312. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

La science du bonheur moral, c’est-à-dire d’un malheur moindre, pourrait être aussi positive que toutes les autres, on pourrait trouver ce qui vaut le mieux pour le plus grand nombre des hommes dans le plus grand nombre des situations ; mais ce qui restera toujours incertain, c’est l’application de cette science à tel ou tel caractère : par quelle chaîne, dans ce genre de code, peut-on lier la minorité, ni même un seul individu à la règle générale ? […] Il faut dans cet examen reconnaître d’abord, combien, des événements semblables en apparence, diffèrent, selon le caractère de ceux qui les éprouvent. […] Il faut compter dans chaque caractère les douleurs qui naissent des contrastes de bonheur ou d’infortune, de gloire ou de revers dont une même destinée offre l’exemple ; il faut compter les défauts au rang des malheurs, les passions parmi les coups du sort, et plus même, les caractères peuvent être accusés de singularité, plus ils commandent l’attention du philosophe ; les moralistes doivent être comme cet ordre de religieux placés sur le sommet du mont St. […] en s’approchant par la réflexion de tout ce qui compose le caractère de l’homme, on se perd dans le vague de la mélancolie ; les institutions politiques, les relations civiles vous présentent des moyens presque certains de bonheur ou de malheur public ; mais les profondeurs de l’âme sont si difficiles à sonder ! […] La pitié est souvent séparée de tout retour sur soi-même ; si, par abstraction, vous vous figuriez un genre de douleurs qui exigeât, pour la souffrir, une organisation tout-à-fait différente de la vôtre, vous auriez encore pitié de cette douleur ; il faut que les caractères les plus opposés puissent éprouver de la pitié pour des impressions qu’ils n’auraient jamais ressenties : il faut enfin que le spectacle du malheur remue les hommes par commotion, par talisman, sans examen ni combinaison.

313. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Érudit universel à la mode du xvie  siècle, homme du monde à celle du xviie , ayant le goût de la politique, de l’histoire, de la philosophie, poète, ou du moins faiseur de poèmes, son vrai caractère, celui par lequel, même après la Pucelle, il conserva son autorité dans les salons et la confiance de Colbert, ce fut d’être l’« expert », le critique des œuvres littéraires. […] Mais il est comme la conscience de son siècle : j’aperçois chez lui nettement ce qu’il faudrait beaucoup de peine et de temps pour analyser dans la société et dans la littérature du temps ; il révèle certains dessous, qui expliquent les caractères apparents. […] L’affirmation de l’universalité de la raison engageait à poursuivre dans l’œuvre d’art aussi un objet universel, et à faire consister la perfection dans le caractère général du sujet étudié, dans le caractère commun du plaisir procuré. […] Mais le cartésianisme, par son caractère rigoureusement scientifique, exclut l’art : il n’y a pas d’esthétique cartésienne, ou, si l’on veut, elle consiste à réduire l’art à la science, à l’y confondre. […] Seulement il ne pouvait sortir du pur rationalisme qu’une littérature scientifique, une sorte de positivisme littéraire, sans caractère esthétique, réduisant l’expression à la notation pour ainsi dire algébrique de l’idée : ni poésie, ni éloquence, ni forme d’art ; un langage sec, abstrait, logique.

314. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Caractère et esprit. […] Mme de Staël, avec une impartialité intelligente, note les caractères distinctifs de chaque peuple : elle voit l’âme allemande, la vie allemande même, elle distingue la vie de Vienne et la vie de Berlin, l’âme allemande du Sud et l’âme allemande du Nord. […] Corinne, entre autres caractères, a celui d’être un roman international : l’Anglais, l’Italien, le Français y sont définis en formules un peu sèches, dont la réalisation actuelle a quelque chose d’abstrait et mécanique. […] Ainsi à l’idéal absolu de Boileau se trouve substituée une pluralité de types idéaux, relatifs chacun au caractère national et au développement historique de chaque peuple : la tyrannie des règles éternelles est rejetée. […] Mme de Staël a vu une Allemagne sentimentale, rêveuse, loyale sincère, fidèle, un peuple de doux métaphysiciens sans caractère, sans patriotisme, impropres à faction, capables d’indépendance, et non de liberté.

315. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Pourvu qu’on conserve le caractère du lieu, il est permis de l’embellir de toutes les richesses de l’art ; les couleurs et la perspective en font toute la dépense : cependant il faut que les mœurs des acteurs soient peintes dans la même scène, qu’il y ait une juste proportion entre la demeure et le maître qui l’habite, qu’on y remarque les usages des temps, des pays, des nations. […] En conséquence, on distribue les scènes de chaque acte, faisant venir pour chacune les personnages qui y sont nécessaires ; observant qu’aucun ne s’y montre sans raison, n’y parle que conformément à sa dignité, à son caractère, n’y dise que ce qui est convenable et qui tend à augmenter l’intérêt de l’action. Les parties du drame étant ainsi esquissées, ses actes bien marqués, ses incidents bien ménagés et enchaînés les uns aux autres, ses scènes bien liées, bien amenées, tous ses caractères bien dessinés, il ne reste plus au poète que les vers à composer. […] Le plan d’un drame peut être fait et très bien fait, sans que le poète sache rien encore du caractère qu’il attachera à ses personnages. Des hommes de différents caractères sont tous les jours exposés à un même événement.

316. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Il faut avoir vu la figure dans les attitudes, dans les impressions les plus diverses, en avoir saisi, par la pensée, le caractère, et, s’étant bien fixé ce caractère dans l’esprit, s’en faire comme un modèle invisible. […] La perfection et l’éternité, n’est-ce pas là le caractère du divin ? […] L’art est la physionomie d’une époque, c’est son âme devenue visible, c’est son caractère qui tombe sous les sens. […] L’histoire des ironiques les plus célèbres est là pour attester le peu de noblesse de leur caractère et leur peu d’indépendance. […] Le raisonnement seul est universel ; l’imagination, le caractère sont individuels.

317. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Sa vie ; enfance et formation du caractère. — 2. Caractère et esprit : orgueil, rêve, ennui ; médiocrité des idées : puissance d’imaginer et de sentir. — 3. […] D’une prédisposition naturelle, les circonstances, le milieu firent un caractère déterminé, d’où la réflexion dégagea une « pose » solennelle. […] En vertu même de ce caractère, la forme de l’intelligence, en Chateaubriand, n’est pas philosophique ou scientifique, mais artistique. […] Le ton local, le caractère singulier est partout attrapé avec une délicatesse puissante.

318. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

C’est en effet l’esprit ancien, avec cette différence, tout à son avantage, que le caractère pratique y est encore plus d’obligation et s’y étend à plus de choses. […] Tel n’est pas le caractère des autres littératures modernes, et particulièrement de celles du Nord. […] Dans les littératures du Midi, ce même caractère individuel et de localité se montre sous d’autres formes. […] Or, c’est par l’accent et l’inversion, ce semble, que se marque, dans une langue, le tempérament particulier d’une nation ; c’en est le caractère le plus local. […] Je n’en veux pas décider ; c’est assez pour mon objet que, de l’aveu de tout le monde, l’absence d’inversions soit un des caractères distinctifs de notre langue.

319. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre II. Du Chant grégorien. »

L’In exitu, arrangé par Rameau, est d’un caractère moins ancien ; il est peut-être du temps de l’Ut queant laxis, c’est-à-dire, du siècle de Charlemagne. […] Il a varié la musique sur chaque strophe ; et pourtant le caractère essentiel de la tristesse consiste dans la répétition du même sentiment, et, pour ainsi dire, dans la monotonie de la douleur. […] La leçon des Lamentations de Jérémie porte un caractère particulier : elle peut avoir été retouchée par les modernes, mais le fond nous en paraît hébraïque ; car il ne ressemble point aux airs grecs du plain-chant.

320. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Il faut que le caractère soit un, complet, c’est-à-dire qu’il ne se démente jamais. […] Il ne faut pas confondre la contradiction dans le caractère et la contradiction entre le caractère et l’action. […] Ici la contradiction est une manifestation du caractère. […] Un caractère étant donné, l’auteur ne peut faire aller son personnage à sa fantaisie, puisque les déterminations de celui-ci sont dépendantes de son caractère. […] Sans caractères pas de roman.

321. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre I. Vue générale »

Caractères généraux du xviie  siècle littéraire […] Caractères généraux du xviiie  siècle littéraire. […] Les uns analysent les passions, les caractères, les forces, les états de l’âme ; d’autres construisent les formes générales qui contiennent et classent l’infinie diversité des tempéraments individuels. […] De ce double caractère a priori et mondain résultera l’étonnante innocence de cette philosophie téméraire. […] Il reste à signaler un caractère de la philosophie du xviiie  siècle, qui dépend de tous les autres ou s’y relie : elle est cosmopolite, et elle donne naissance à une littérature cosmopolite.

322. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. Des oraisons funèbres de Bourdaloue, de La Rue et de Massillon. »

Tout homme qui le premier s’applique avec succès à un genre, le choisit et l’adopte, parce qu’il est analogue à son esprit et à son âme ; c’est lui qui fait le genre et en constitue le caractère. […] Qui ne sait d’ailleurs qu’outre les beautés de tous les temps et de tous les lieux, il y a pour chaque genre, des beautés analogues au climat, au gouvernement, à la religion, à la société, au caractère national ? […] C’est une leçon à tous les hommes ; aux uns pour ne pas sortir de leur caractère ; aux autres pour ne pas sortir de leur talent. […] Cet orateur, si connu par son éloquence, tantôt persuasive et douce, tantôt forte et imposante, qui développait si bien les faiblesses de l’homme et les devoirs des rois, et qui, à la cour d’un jeune prince, parlant au nom des peuples comme au nom de Dieu, fut digne également de servir à tous d’interprète ; cet orateur, qui sut peindre les vertus avec tant de charmes, et traça de la manière la plus touchante le code de la bienfaisance et de l’humanité pour les grands, n’a pas, à beaucoup près, le même caractère dans ses éloges funèbres. […] L’éloge funèbre du grand dauphin et celui de la duchesse d’Orléans sont dans le même genre ; mais celui de Louis XIV a un caractère un peu différent.

323. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

J’ai prouvé ce caractère littéraire de la musique dans mes Entretiens sur Mozart, et ce caractère littéraire de la peinture dans mes Entretiens sur Léopold Robert. […] L’Académie des inscriptions admet et honore dans son sein le savant qui a restitué un texte dans un vieux livre ou qui a déchiffré, sur des monuments inconnus, des caractères problématiques ; que fera-t-elle de l’homme qui a signalé au monde les caractères du beau suprême dans les débris de Phidias, cet Homère du marbre, et recomposé sur les murs du Parthénon tous ces Olympes de pierre, la plus merveilleuse légende du paganisme ? […] Quelquefois, pour lui conserver un caractère encore plus mystérieux, ils représentaient cette divinité sans aucune forme et voilée d’une façon singulière. […] Je n’en avais pas besoin : l’obligeance est le caractère de presque tous nos agents à l’étranger. […] Ceci n’a aucun caractère de l’élégance du peuple de Périclès ; cela sent le Romain ; les souvenirs seuls y sont beaux.

324. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Nous tenons à démontrer que tel est, en effet, le caractère de la poésie de notre temps. […] Voilà des œuvres qui n’ont pas ce caractère de tristesse, de doute, de scepticisme, dont vous parlez. […] Walter Scott est un grand artiste qui symbolise admirablement des époques historiques dans des tableaux et des caractères. […] Mais qu’on ne parle pas de Scott et de Cooper pour nier le caractère général que nous assignons à la poésie de ce temps. […] Et d’un autre côté nous pensons que cette foi chrétienne n’a pas un caractère aussi profond chez eux qu’on le croit généralement.

325. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Les citations évangéliques, dans les écrits pseudo-clémentins d’origine ébionite, présentent le même caractère. […] Mais le ton mystique de ces discours ne répond en rien au caractère de l’éloquence de Jésus telle qu’on se la figure d’après les synoptiques. […] Aucun miracle ne s’est produit devant une réunion d’hommes capables de constater le caractère miraculeux d’un fait. […] Strauss suppose le caractère individuel de Jésus plus effacé pour nous qu’il ne l’est peut-être en réalité. […] X) y ont un caractère particulier d’exaltation.

326. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Tous ses Héros ont de la valeur ; mais les traits dont il peint leur courage sont aussi variés que leurs caractères mêmes. […] On y rencontre par-tout ce vrai comique qui va chercher les ridicules jusques dans les replis du caractère, pour l’exposer ensuite en plein Théatre. […] Il observe que la Bruyere a répandu dans ses caractères presque toutes les sentences de ce Poëte ; les exemples qu’il en rapporte sont sensibles. […] Cette abondance excessive est comme le fond de son caractère ; & les exemples en sont si fréquens dans ses Elégies sur-tout, qu’elle n’a pas besoin d’être prouvée. […] Son caractère est la force & la verve.

327. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Le caractère de M.  […] Des caractères, des dialogues, des scènes, M.  […] Théodore Leclercq n’est qu’un caractère à la La Bruyère développé, étendu, mis en action. […] Théodore Leclercq est maître dans ces touches délicates et intimes de caractère. […] On n’a que le choix dans les proverbes qui ont ce caractère politique et qui méritent, d’être cités.

328. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Au milieu de ses succès de commerce, il avait gardé de l’enfance un trait de son caractère qui semblait en tout l’opposé de l’esprit d’entreprise. […] Moyennant cette incroyable subtilité et cette précaution très peu oratoire, il se donnait carrière et satisfaisait sa propre pensée en définissant le caractère du ministre des Finances, tel peut-être que Colbert l’avait été, tel surtout que M.  […] Dans l’intervalle, il avait eu l’idée d’écrire sur les hommes et sur leurs caractères en société, et, quoiqu’il n’ait laissé sur ce sujet que des remarques éparses et des fragments de Pensées, il s’y est assez bien peint par un côté imprévu pour que j’y insiste ici. […] Ce sont des pensées-anecdotes, si je puis dire ; on sent qu’il y a là-dessous un ou plusieurs noms propres, qu’il a sous-entendus ; par exemple : On pourrait se former une idée du principal caractère d’un homme en remarquant seulement les mots parasites qui lui échappent habituellement. […] Le caractère distinctif de la sottise est de prendre toujours les limites de sa vue pour les bornes de ce qui est.

329. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

En effet, le caractère agréable ou désagréable des sensations est réglé par des lois ne serait scientifiques qu’il pas impossible de déterminer un jour. […] Ce qui fait que la science de la vie morale et du caractère aura peine à sortir de l’état d’enfance dans lequel elle se trouve, c’est qu’elle est réduite, pour toute méthode, à l’observation au lieu de l’expérimentation. Le seul expérimentateur, en une certaine mesure, c’est le poète ou le romancier qui, lorsqu’il a le don de vie, nous fait voir et toucher des caractères se développant dans un milieu nouveau, qu’il varie à sa volonté. […] L’art, c’est de la vie concentrée, qui subit dans cette concentration les différences du caractère des génies. […] Il existe nombre d’études de caractères sur le prises vif, parfaitement vraies, qui n’exerceront pourtant jamais d’influence notable dans la littérature ; pourquoi ?

330. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Ou bien il faut reconnaître qu’il y a un genre de beautés dont l’ordre et la règle ne sont pas le principe, ou il faut condamner les Pensées de Pascal comme une œuvre déréglée où quelques beautés sublimes ne compensent pas le dangereux exemple d’une raison fière et solitaire, qui dans l’obéissance même a tous les caractères de la révolte, et, tout en se soumettant, ne veut se soumettre qu’à sa manière et ne servir que comme un roi vaincu. […] Ajoutez à ce premier caractère que ce théâtre est à la fois religieux et national : ce sont des légendes sacrées et toutes grecques, mais touchantes et effroyables, que le génie d’un Eschyle ou d’un Sophocle développait dans une action simple, relevée et animée par le mélange des chœurs et de la musique. […] De ce caractère fondamental de notre drame, qui le distingue, comme on voit, si radicalement du théâtre grec (et même du théâtre anglais, le système de Shakespeare étant encore tout différent), de ce caractère naissent toutes les conditions particulières de notre théâtre : d’abord sa noblesse, son caractère idéal et héroïque. […] Nisard a si bien pénétré le vrai caractère de notre génie dramatique : c’est on cherchant dans le drame, non la vérité extérieure ou la vérité de costume, mais la vérité morale, idéale, éternelle, qu’il nous a montré combien ce théâtre est beau. […] Si je résiste à Bossuet, c’est pour obéir à Dieu. » Il me semble que les erreurs de Bossuet n’ont pas un caractère si particulier et si miraculeux.

331. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

D’un autre côté, qui ne sait pas que l’esprit religieux, quand il est énergique, a pour conséquence et pour caractère d’appeler de grandes contradictions ? […] Rien n’y montre cette forte adhésion de toutes les puissances de l’âme qui est le caractère de la foi. […] Esprit étendu, cœur sincère, il pratiquait la justice comme il aimait la science, en vertu des plus naturels, des plus harmonieux instincts de l’intelligence et du caractère. […] Mais ce n’est pas seulement par le caractère que ce grand homme exagéré diminua la force de son pontificat ; il y fit échec aussi par l’intelligence, par l’absence d’une juste pénétration. […] Le perçant, le vif, le fier y manquent ; nulle grande manière dans la peinture des caractères et dans le récit des événements.

332. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Ce génie rude et sauvage trouve une délicatesse inconnue dans l’expression des caractères de femmes. […] Ses pièces historiques sont moins disparates, plus simples, surtout dans les sujets modernes ; car, lorsqu’il met en scène l’antiquité, il a souvent défiguré tout à la fois le caractère national et les caractères individuels. […] Les caractères monstrueux qu’il invente n’ont plus de place pour se mouvoir. […] C’est le caractère même de l’inspiration poétique : c’est la source de l’intérêt et de la variété. […] Le caractère antique et simple de l’Homère anglais disparaît quelquefois sous le luxe du traducteur.

333. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VI. De l’emploi des figures et de la condition qui les rend légitimes : la nécessité »

Celles qui resteront se seront imposées à vous, non comme figures, mais comme propres expressions de votre pensée et de votre sentiment : elles auront ce caractère de nécessité, qui seul les justifie. […] Mais là est précisément le danger, et il ne suffit pas que les figures jaillissent spontanément de l’esprit, pour avoir ce caractère de nécessité que j’y réclame. […] Chez tous nos grands écrivains, dans leurs œuvres les plus parfaites, les figures ont bien ce caractère. […] Au reste, on sera peut-être moins tenté de rechercher ou d’accueillir les figures sans nécessité ou pour le pur ornement, si l’on remarque d’abord que l’emploi des figures inutiles est un des caractères de la préciosité, ensuite que le style peut être expressif, éclatant, émouvant, presque sans figures.

334. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XV. De Tacite. D’un éloge qu’il prononça étant consul ; de son éloge historique d’Agricola. »

Quoique Tacite n’ait composé aucun panégyrique de prince, Cependant l’ordre des temps, la liaison des idées, le mérite de ce grand homme et le caractère particulier de ses ouvrages, semblent exiger que nous en parlions ici. […] Qu’on me cite un homme qui ait jamais donné un caractère plus imposant à l’histoire, un air plus terrible à la postérité. Philippe II, Henri VIII et Louis XI, n’auraient jamais dû voir Tacite dans une bibliothèque sans une espèce d’effroi. » Si de la partie morale nous passions à celle du génie, quel homme a dessiné plus fortement les caractères ? qui est descendu plus avant dans les profondeurs de la politique ; a mieux tiré de grands résultats des plus petits événements ; a mieux fait à chaque ligne, dans l’histoire d’un homme, l’histoire de l’esprit humain et de tous les siècles ; a mieux surpris la bassesse qui se cache et s’enveloppe ; a mieux démêlé tous les genres de crainte, tous les genres de courage, tous les secrets des passions, tous les motifs des discours, tous les contrastes entre les sentiments et les actions, tous les mouvements que l’âme se dissimule ; a mieux tracé le mélange bizarre des vertus et des vices, l’assemblage des qualités différentes et quelquefois contraires ; la férocité froide et sombre dans Tibère, la férocité ardente dans Caligula, la férocité imbécile dans Claude, la férocité sans frein comme sans honte dans Néron, la férocité hypocrite et timide dans Domitien, les crimes de la domination et ceux de l’esclavage, la fierté qui sert d’un côté pour commander de l’autre, la corruption tranquille et lente, et la corruption impétueuse et hardie, le caractère et l’esprit des révolutions, les vues opposées des chefs, l’instinct féroce et avide du soldat, l’instinct tumultueux et faible de la multitude, et dans Rome la stupidité d’un grand peuple à qui le vaincu, le vainqueur, sont également indifférents, et qui sans choix, sans regret, sans désir, assis aux spectacles, attend froidement qu’on lui annonce son maître ; prêt à battre des mains au hasard à celui qui viendra, et qu’il aurait foulé aux pieds si un autre eût vaincu ?

335. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Je vois souvent ici M. de Lucchesini, dont j’estime beaucoup l’esprit et le caractère. […] Vous les avez dominés, vous les dominerez encore par cette profonde vérité de votre caractère et de vos affections. […] C’est même un beau caractère, qui, à quelques égards, s’est démenti. […] Il a pris la servilité pour le caractère de la religion, parce qu’il a appris cette religion au lieu de la sentir. […] À la vivacité des répliques de Sismondi, on voit que la discussion avait pris un caractère passionné.

336. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

La langue italienne acquit sous sa plume cette facilité, cette abondance, cette harmonie qui semblent être son caractère particulier. […] Où trouver des caractères plus variés, plus fortement soutenus que dans la Jérusalem délivrée ? […] Les caractères en sont bien frappés & bien soutenus. […] Les caractères sont ordinairement assez variés. […] Tous ses ouvrages sont remarquables par ce caractère de vérité, de simplicité & de naturel qui sont le sceau du génie.

337. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Dans toute cette partie de sa vie, la destinée et le caractère de Lucile sont les mêmes que le caractère et la destinée de son frère. […] Caractère et causes du mal du siècle de 1789 à 1815. […] Le caractère du pays qu’il habitait se prêtait à cette illusion. […] Caractère et causes du mal du siècle de 1815 à 1830. […] Cet état différait donc par son caractère de celui qui l’avait précédé.

338. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Les faits, les caractères, les superstitions, les coutumes des temps héroïques étaient singulièrement propres aux images poétiques. […] Les poètes savaient peindre de la manière la plus frappante les objets extérieurs ; mais ils ne dessinaient jamais des caractères où la beauté morale fût conservée sans tache jusqu’à la fin du poème ou de la tragédie, parce que ces caractères n’ont point leur modèle dans la nature. […] L’esclavage, cet abominable fléau de l’espèce humaine, en augmentant la force des distinctions sociales, faisait remarquer davantage encore la hauteur des grands caractères. […] Il aimait la liberté, comme assurant à tous les genres de plaisirs la plus grande indépendance ; mais il n’avait pas cette haine profonde de la tyrannie, qu’une certaine dignité de caractère gravait dans l’âme des Romains. […] On peut attribuer quelques-uns des caractères de la poésie des Grecs au genre de succès que se proposaient leurs poètes.

339. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

Enfin on réunira le plus qu’on pourra de faits analogues ; plus on aura ramassé d’exemples, plus on aura chance de dégager la véritable loi ; plus il sera aisé de distinguer les caractères vraiment essentiels et communs des circonstances étrangères et des particularités locales. […] Et l’on découvre, par l’étude des chefs-d’œuvre de Michel-Ange et de Rubens, deux artistes d’inspiration si différente, que cette altération a pour but de rendre sensible un caractère essentiel. Des exemples tirés de la zoologie et de la climatologie éclaircissent la nature du caractère essentiel et en font voir l’importance. Reprenant la comparaison de l’œuvre d’art avec la nature qu’elle exprime, on aperçoit, par l’exemple de Rubens et de la Flandre, de Raphaël et de l’Italie, que l’art altère la nature pour dégager le caractère essentiel qui n’y ressort pas suffisamment. Comme contre-épreuve de cette série d’observations, on regarde non plus l’œuvre, mais l’auteur, et l’on voit que chez tous les grands artistes, dans ce qu’on appelle inspiration ou génie, se rencontre toujours une impression originale fournie par un caractère de l’objet, « la vive sensation spontanée qui groupe autour de soi le cortège des idées accessoires, les remanie, les façonne, les métamorphose, et s’en sert pour se manifester ».

340. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Le caractère de cet esprit, faux ou sincère (et pour nous il manquait de sincérité), est d’ailleurs comme une énigme. « C’est le Palais dans le Labyrinthe » dont parlait cette fille de génie… Il était pétri de contrastes et sa volonté acharnée les repétrissait en lui. […] Il a la force dans l’invention (voyez les héros de ses romans et même ses héroïnes, qui sont toutes des femmes à caractère !) […] Du reste, cette force dans le talent qui distingue Stendhal, il l’avait dans l’âme, et la Correspondance montre combien son caractère rayonnait dans le même sens que son esprit. […] Assurément il eût mieux valu ne pas les penser et ne pas les soutenir, mais il ne s’agit pas ici du fond des choses et du mutisme radical de l’esprit de Stendhal en fait de morale, il s’agit seulement de signaler la fermeté d’un caractère dont la force augmentait encore celle d’un esprit qui, naturellement, savait oser. […] Mérimée nous fait mieux comprendre que tout ce que nous pourrions ajouter le caractère de Stendhal et la solidité du métal qu’il avait sous la peau.

341. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Le caractère de cet esprit faux ou sincère (et, pour nous, il manquait de sincérité) est d’attirer comme une énigme. […] Il a la force dans l’invention (voyez les héros de ses romans, et même ses héroïnes, qui sont toutes des femmes à caractère !) […] Du reste, cette force dans le talent qui distingue Stendhal, il l’avait dans l’âme, et la Correspondance qu’on publie montre combien son caractère rayonnait dans le même sens que son esprit. […] Assurément, il eût mieux valu ne pas les penser et ne pas les soutenir, mais il ne s’agit pas ici du fond des choses et du mutisme radical de l’esprit de Stendhal, en fait de morale, il s’agit seulement de signaler la fermeté d’un caractère dont la force augmentait encore celle d’un esprit, qui, naturellement, savait oser. […] Mérimée nous fait mieux comprendre que tout ce que nous pourrions ajouter, le caractère de Stendhal et la solidité du métal qu’il avait sous la peau.

342. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Nous comprendrons ainsi certains caractères de l’invention et de l’esprit créateur qui dérivent de ce fait. […] Cela rend plus saisissant le caractère de nouveauté de la pensée qui fixe l’orientation de la série future. […] Chaque chose arriva, déterminée par les caractères et leurs relations mutuelles. […] D’ailleurs le germe paraît bien acquérir le caractère précis qu’il conservera et qui en fera l’originalité. […] Dans tous les exemples que j’ai donnés on retrouve aisément ces caractères généraux.

343. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Ils n’ont aucune espèce de caractère. […] Et quel est le caractère de ce récit ? […] Il démêle très heureusement les ressorts déliés et frêles d’un caractère féminin. […] Mais le fond du caractère est bien là. […] Le lien entre le caractère et l’intelligence est là plus, intimement plus, qu’ailleurs.

344. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre IV. — Molière. Chœur des Français » pp. 178-183

Il a une imagination, une verve bouffonne, une puissance créatrice incomparables ; mais il n’a point de caractères, et si son coloris est plein d’éclat, son burin est sans pénétration257. Ses comédies, trop locales pour être vraiment humaines, ne sont que des satires empreintes d’un caractère d’actualité transitoire258. […] Tirant le comique du fond des caractères, et mettant sur la scène la morale en action, un poète français est devenu le plus aimable précepteur de l’humanité qu’on eût vu depuis Socrate274.

345. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre III. Les questions que l’historien doit se poser. » pp. 16-17

Le problème qui se pose à lui se ramène ainsi à trois questions : 1° Quels sont, à un moment donné, les caractères de la littérature qu’il étudie ? […] La formule la plus parfaite, en apparence, ne donnera pas tous les éléments qui constituent une littérature à l’un de ses moments, mais elle présentera les principaux caractères des principales œuvres simplifiés, rangés dans un ordre qui révélera au premier coup d’œil leur importance relative. […] Le bassin du Rhône, par exemple, se découpe à première vue en trois parties qui ont chacune leur caractère particulier : la première, depuis le glacier d’où il sort torrent aux ondes grises et limoneuses jusqu’au point où il entre dans le lac Léman ; la seconde, depuis l’endroit où il y pénètre jusqu’à celui où il disparaît sous terre, étranglé dans une fente de rochers ; la dernière, depuis le moment où il revoit le soleil et peut porter de grands bateaux jusqu’à celui où il se mêle aux flots bleus de la Méditerranée.

346. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VII. Le Fils. — Gusman. »

Voltaire va nous fournir encore le modèle d’un autre caractère chrétien, le caractère du fils. […] Le poète a voulu faire reparaître ici la nature et le caractère orgueilleux de Gusman : l’intention dramatique est heureuse ; mais prise comme beauté absolue, le sentiment exprimé dans ce vers est bien petit, au milieu des hauts sentiments dont il est environné !

347. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre V. Moralistes. — La Bruyère. »

Quand l’auteur des Caractères, voulant démontrer la petitesse de l’homme, dit : « Vous êtes placé, ô Lucile ! […] « Si ma religion était fausse, dit l’auteur des Caractères, je l’avoue, voilà le piège le mieux dressé qu’il soit possible d’imaginer : il était inévitable de ne pas donner tout au travers et de n’y être pas pris. […] La Bruyère nous manque ; la Révolution a renouvelé le fond des caractères.

348. (1761) Salon de 1761 « Peinture — Vien » pp. 131-133

je demande si cela y est ; de l’ingénuité, de l’innocence et de la délicatesse dans le caractère de la tête ? […] Entre la sainte et l’évêque, un aumônier en grand surplis, un peu penché, d’un beau caractère et qui fait le plus bel effet. […] Le vieil évêque a le caractère qu’il doit avoir.

349. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Paul Nibelle »

Nibelle, comme inspiration et comme forme, a goûté à cette candide coupe de lait écumant dans laquelle buvait Yorick… Lorsque la visée commune est la force, soit dans l’expression des caractères ou des passions, soit dans les situations dramatiques, à une époque de corruption et de décadence où l’on a transporté dans le langage, cette forme rationnelle de la pensée, la couleur torrentielle des peintres les plus éclatants, il faut savoir bon gré à un jeune homme d’avoir, dans ses premiers récits, été sobre et simple comme s’il avait eu l’expérience, et de ne s’être adressé qu’aux saintes naïvetés du cœur pour plaire et pour intéresser. […] , l’auront déchirée davantage, cette sensibilité aura des profondeurs, des intonations, des creux qui lui manquent aujourd’hui et qui lui donneront du caractère. Le caractère, en effet, l’originalité, l’individualité dans l’expression sensible, voilà ce qu’on désirerait davantage quand on se rend compte du talent de Nibelle.

350. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Or, ce ridicule compose tout le caractère de Bélise. […] il est plus merveilleux encore que l’action et les caractères ! […] Le caractère saillant de la pensée de M.  […] Le caractère et la conduite de Jeanne Talbot ne sont pas moins improbables et moins étranges que le caractère de Marie et de Fabiano. […] De quels traits se compose le caractère de Tisbe ?

351. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

. —  Les caractères naturels et instinctifs. —  Les caractères artificiels et positifs. —  Préférence de Dickens pour les premiers. —  Aversion de Dickens pour les seconds. […] Le fond du caractère anglais, c’est le manque de bonheur. […] Voici donc les caractères que vous allez tracer. […] Leur rigidité n’est point dans notre caractère. […] Il faut, pour comprendre cette complaisance du peintre et ce choix de caractères, songer à leur type physique.

352. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Shakespeare sait-il ce que c’est qu’un caractère ? […] Un caractère qui sait s’analyser lui-même ne laisse pas pour cela d’être un caractère. […] On sait quel était le caractère de Saint-Lambert. […] Il conçoit fortement des hommes qui ont tel caractère et qui agiront, sans doute, d’après leur caractère et en raison des circonstances où se heurtera leur caractère et il les laisse agir ainsi. […] Vous ne nierez pas que les caractères de Shakespeare ne soient frappants et que Shakespeare ne soit un grand peintre de caractères !

353. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

Dans cette imperfection, à laquelle la nature humaine est condamnée, des qualités fortes et généreuses font oublier des égarements terribles, pourvu que le caractère de la grandeur reste encore imprimé sur le front du coupable, que vous sentiez les vertus à travers les passions, que votre âme enfin se confie à ces hommes extraordinaires, souvent condamnables, souvent redoutés ; mais qui, néanmoins, fidèles à quelques nobles idées, n’ont jamais trahi le malheur, ni frémi devant le danger. […] Quand le cercle des relations s’agrandit, la moralité devient du talent, puis du génie, puis le sublime du caractère et de la raison. […] Je ne sais quel caractère il a reçu du ciel, celui qui ne désire pas le suffrage des hommes, celui qu’un regard bienveillant ne remplit pas du sentiment le plus doux, et qui n’est pas contristé par la haine, longtemps avant de retrouver la force qu’il faut pour la mépriser. […] La réflexion les domine ; mais je le crains bien, il n’est plus possible de conserver ce caractère jeune, ce cœur ouvert à l’amitié, cette âme, non encore blessée, qui colorait le style, quelque imparfait qu’il pût être, par des expressions sensibles et confiantes. […] Vainement les goûts se modifient, les inclinations changent ainsi que le caractère ; il faut rester la même puisqu’on vous croit la même ; il faut tâcher d’avoir quelques succès nouveaux puisqu’on vous hait encore pour les succès passés ; il faut traîner cette chaîne des souvenirs de vos premières années, des jugements qu’on a portés sur vous, de l’existence enfin telle qu’on vous la suppose, telle qu’on croit que vous la voulez.

354. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Le peuple des lecteurs, par curiosité ou par faiblesse, veut tout connaître de ceux qu’un rang élevé expose à ses regards, Le philosophe observe comment on voit les objets sur le trône ; l’historien cherche dans les écrits d’un roi l’histoire de ses pensées ; le critique qui analyse, étudie le rapport secret qui est, d’un côté, entre le caractère, les principes, le gouvernement d’un prince, et de l’autre, son imagination, son style et la manière de peindre ses idées. […] Tel est un autre endroit sur l’utilité de mettre de bonne heure un jeune prince en action ; de familiariser et ses yeux et son âme avec les périls, les combats, les peuples et les armées ; de lui faire connaître par lui-même, dans son empire, la situation des lieux, l’étendue des pays, la puissance des nations, la population des villes, le caractère des peuples, leur force, leur pauvreté, leur richesse. […] Que si les besoins de la patrie exigent qu’il fasse des lois pour la punition des crimes, il ne souffrira point que les peines aient un caractère atroce, ni rien d’humiliant pour la dignité de l’homme. […] Qu’il confie à chacun la place qui convient à son caractère ; les emplois militaires à l’âme forte et au courage mêlé de prudence ; les magistratures, à la justice tempérée par l’humanité ; les premières places de l’empire, à ceux dont le mérite, composé des deux autres, unit la vigueur du caractère aux vertus.

355. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Un peu d’application et d’étude suffit pourtant bientôt pour dissiper ou pour réduire la plupart de ces fausses vues et de ces objections exagérées à distance : à le considérer de près, dans ses actes et dans ses Œuvres, on reconnaît qu’avec ses défauts et ses taches Frédéric est de la race des plus grands hommes, héroïque par le caractère, par la volonté, supérieur au sort, infatigable de travail, donnant à chaque chose sa proportion, ferme, pratique, sensé, ardent jusqu’à sa dernière heure, et sachant entremêler à son soin jaloux pour les intérêts de l’État un véritable et très sincère esprit de philosophie, des intervalles charmants de conversation, de culture grave et d’humanité ornée. […] Il l’avertit plus d’une fois combien il importe, en cas d’événement imprévu, qu’il soit au fait de toutes les choses qui concernent l’État, il ne cesse enfin de considérer en lui son héritier présomptif ; car un des caractères philosophiques de Frédéric, c’est de penser habituellement à la mort, mais d’y penser en homme-roi et en vue de pourvoir à la sûreté de l’État après lui. […] Le malheur du prince Guillaume, son tort, était d’avoir désespéré trop tôt, d’avoir cru trop aisément à la ruine de la patrie et à l’impossibilité d’une victoire, de s’être laissé paralyser par cette idée qu’il n’y avait pas d’issue ; mais la trempe ne se donne pas, et ce fut la trempe seule du caractère de Frédéric qui fit alors le salut de cette patrie. […] Frédéric, vers le même temps, déclarait à son frère qu’il s’était proposé de ne point l’abandonner à lui-même avant de lui voir un caractère fixe et assuré. — Ces premières mortifications, ces rudes remontrances laissèrent des traces indélébiles dans une nature plus réfléchie et plus fine que généreuse. […] Le prince Henri accepte tout bas la comparaison, et pour donner tout le tort à son frère, lequel fut d’abord bien moins heureux en résultats que Pompée ; on a de lui, au bas d’une lettre autographe du roi, la note suivante, où il exhale ses secrètes amertumes : Je ne me fie nullement à ces nouvelles (des nouvelles rassurantes que Frédéric lui disait tenir de bonne source) ; elles sont toujours contradictoires et incertaines comme son caractère.

356. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Cette manière était noble sans être exagérée, et quoique ce prince fût naturellement timide, il avait assez travaillé sur son extérieur pour que sa contenance ordinaire fût ferme, sans la moindre apparence de morgue ; en public, son regard était assuré, peut-être un peu sévère, mais sans autre expression : en particulier, et surtout lorsqu’il adressait la parole à quelqu’un qu’il voulait bien traiter, ses yeux prenaient un singulier caractère de bienveillance, et il avait l’air de solliciter l’affection de ceux auxquels il parlait. […] Son caractère moral en résulta et se forma en conséquence : l’observateur philosophe qui avait chevauché pendant tant d’années à ses côtés, en a démêlé et nous en fait suivre à merveille tous les tours, les déguisements et les replis : « Cet homme, toujours subjugué, était toujours tourmenté parla crainte de l’être ; cette disposition influa constamment sur la conduite qu’il eut avec ses ministres. […] Comme jusqu’alors ses intentions avaient été droites, il désespéra de pouvoir jamais faire le bien, parce qu’on est toujours plus disposé à regarder comme impossible en soi ce qu’on n’a pas le courage de faire… C’est à ce point qu’était parvenu par degrés un homme qui, s’il fût né particulier, aurait été jugé, par son intelligence et son caractère, au-dessus du commun et ce qu’on appelle proprement un galant homme. […] Il redoutait le moment où il pourrait échapper à sa dépendance, s’il rencontrait quelque maîtresse qui eût du caractère et le désir de se mêler des affaires. […] Cette dame était fort loin d’être jolie, mais elle avait beaucoup de grâce dans la taille et dans les manières, une sensibilité déjà connue, un caractère de complaisance fait pour abréger les formalités.

357. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Mais si la société a changé et s’est améliorée dans quelques-unes de ses conditions réelles, le caractère de la nation n’a point changé, et ce caractère a été parfaitement connu et décrit par Mallet du Pan, qui, en sa qualité d’étranger, était plus sensible qu’un autre aux légèretés, aux imprévoyances et aux inconstances françaises. […] Robespierre mort et la Convention délivrée d’une terreur inouïe ainsi que toute la France, le caractère de la Révolution change à l’instant ; Mallet n’hésite pas à marquer les signes nouveaux qui indiquent qu’elle vient de passer à une tout autre phase. Tous les grands acteurs qui avaient jusque-là joué les premiers rôles ayant été ou massacrés ou mis en fuite et dépopularisés, « la Convention, dit-il, et ses partis se trouvent dépourvus de gens à talents et à caractère, ou possédant un degré même médiocre de capacité administrative. […] C’est bien là le caractère en effet des Thermidoriens purs ; et, montrant les causes qui rendent impossible sur ce terrain bouleversé et ensanglanté la formation de toute grande popularité nouvelle : Tous ont appris à se défier, ajoute-t-il, de cette périlleuse élévation ; fussent-ils tentés d’y aspirer, ils n’y parviendraient pas, car les racines de toute autorité individuelle sont desséchées : ni l’Assemblée, avertie par l’exemple de Robespierre, ni le peuple, dégoûté de ses démagogues, ne le souffriraient. […] Exposant dans son Mercure britannique, peu de mois avant sa mort, en janvier de l’an 1800, le caractère de la grande commotion qui allait continuer de peser sur le nouveau siècle et qui ouvrait une époque de plus dans l’histoire des vicissitudes humaines, il y montrait en vrai philosophe que le caractère de cette Révolution portait avant tout sur la destruction de toutes les distinctions héréditaires préexistantes, que c’était au fond une guerre à toutes les inégalités créées par l’ancien ordre social, une question d’égalité, en un mot : « C’est sur ce conflit, ajoutait-il, infiniment plus que sur la liberté, à jamais inintelligible pour les Français, qu’a porté et que reposera jusqu’à la fin la Révolution. » Espérons que, même en tenant moins à la liberté qu’il ne faudrait (ce qui est trop évident), nous la comprendrons pourtant assez pour démentir un pronostic si absolu et si sévère.

358. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

La connaissance que nous avions d’un caractère est juste sans doute, mais elle est générale ; elle est d’ensemble et par conséquent elle est flottante encore ; ce qui nous ravit, c’est d’avoir retrouvé dans le roman cette même connaissance sous un rayon plus vif qui fait sortir les traits de détail, qui met en relief les particularités significatives et qui nous fait dire : « Comme c’est vrai ! […] Ce sont les livres où sont rapportés, décrits et dépeints, des caractères d’exception. […] Et c’est cette exagération qui fait les caractères d’exception, comme les Harpagon, les Tartuffe, les Chimène, les Pauline, les Monime et les Mithridate ; mais ces exceptions, n’étant qu’une exagération habile et un agrandissement de la vérité elle-même, sont reconnaissables et contrôlables encore. […] Quant à l’exceptionnel tout pur, le plus souvent il rebute par son caractère, apparemment hybride, par l’incertitude où l’on est s’il est une vérité, auquel cas il n’y aurait rien de plus intéressant, ou s’il est une fantaisie, auquel cas il n’intéresse que sur l’auteur, doué d’un tour d’imagination si particulier. […] Le caractère d’après les lectures, cela est donc vrai, mais, comme beaucoup de vérités, d’une vérité relative ; et c’est une observation intéressante, mais qui, comme toutes les observations, demande contrôle.

359. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Dans d’autres contes d’apparence moins logique, on reconnaît à certaines indications fugitives ce caractère de subordination au dénouement, clef de voûte en contre-bas de l’œuvre. […] L’absence dans l’œuvre de Poe de certains caractères, est aussi significative que la présence des précédents. […] Le caractère commun de toutes ces qualités de mesure, d’ordre, de prévision, de juste calcul est celui d’adaptation à un but. […] En un ensemble d’œuvres, les plus étranges de notre siècle, nous avons noté un ensemble de caractères d’abord externes, puis intérieurs Ces caractères associés selon leur similitude, analysés selon leur signification, nous ont permis de conclure chez celui dont ils marquent les écrits, à certaines propriétés mentales, dont l’existence et les modifications réciproques expliquent pourquoi l’œuvre de Poe est telle que nous l’avons vue. Il semble qu’en envisageant ces facultés comme les forces d’une mécanique cérébrale, on oublie leur caractère, de manifestations vitales et transitoires.

360. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Il faut que la plupart des caractères se trouvent plus d’une fois dans le chiffre, au moins si l’écrit est un peu long, et si une même lettre est désignée par des caractères différents. […] Les racines philosophiques étant ainsi trouvées, il sera bon de les marquer dans le dictionnaire par un caractère particulier. […] ou du moins pourquoi l’employer ailleurs que dans le ch, qu’on ferait peut-être mieux d’exprimer par un seul caractère ? […] Ainsi, je suppose qu’on se servît d’un caractère particulier pour marquer la voyelle ou, car ce son est une voyelle, puisque c’est un son simple, on pourrait joindre aux syllabes ou, u, w, etc., ce caractère particulier, que toutes les langues feraient bien d’adopter. […] L’éloquence n’est jamais que dans le sujet ; et le caractère du sujet, ou plutôt du sentiment qu’il produit, passe de lui-même et nécessairement au discours.

361. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Quant à l’écolier Jehan Frollo, il n’a rien dans son caractère qui égaye le lecteur. […] Hugo était naturellement dispensé d’insister sur le caractère qu’il lui prête. […] Ce caractère n’a certainement rien de nouveau. […] D’ailleurs aucun de ses livres n’est empreint du caractère dogmatique. […] Quoi qu’il en soit, involontaire ou prémédité, le caractère général des livres de M. 

362. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Parce qu’il faut un sentiment plus fin pour saisir le caractère de l’art de Boileau, est-ce une raison pour nier qu’il soit poète ? […] Le vers est pour lui une forme d’art, ayant sa beauté propre, et traduisant d’une certaine façon en sensations de l’oreille le caractère de l’idée. […] Il ne s’agit pas de cette harmonie imitative dont on a si ridiculement abusé, mais d’une fine correspondance des qualités sensibles du vers au caractère intime de la pensée. […] Comparez le Lutrin à Vert-Vert, vous en sentirez le caractère et le mérite. […] J’ai regret d’être obligé d’insister sur de telles images : mais il le faut, tant on méconnaît à l’ordinaire le vrai caractère de la poésie de Boileau.

363. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Mais surtout il a une rare délicatesse d’oreille : il a le sens et la science des rythmes, des sonorités, de leurs rapports subtils et efficaces au caractère de l’objet, aux émotions du lecteur. […] Il proscrit la fantaisie, l’esprit : il exige la probité, l’oubli de soi-même, la concentration de toutes les forces de l’esprit, de toutes les ressources du métier dans l’expression du pur caractère de l’objet. […] En général, aussi, le champ de l’imitation n’est borné que par les caractères intrinsèques du vrai et du rationnel. […] D’autres genres, surtout les grands genres, sont définis par le caractère intellectuel et sentimental de leur imitation : satire, ode, épopée, tragédie, comédie. […] Et voilà encore qui limite le choix ou détermine l’expression des objets : il en faut extraire, ou il y faut insinuer un caractère sensible, par où ils soient doux à l’âme.

/ 2930