/ 1953
1288. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Il est simple aussi : ni sensibilité ni grandes phrases ; un ton uni, comme celui d’un homme de bonne compagnie qui ne hausse jamais la voix. On peut imaginer l’effet de cette voix douce et ‘ sans accent, quand elle raconte les pires atrocités.

1289. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Il y a aussi de suaves commerces de cœur et d’esprit entre l’homme et la femme ; l’amitié amoureuse, qui est plus que l’amour, car elle en atout le charme, et elle n’en a point les malaises, les grossièretés ni les violences : l’ami jouit paisiblement de la grâce féminine de son amie, il jouit de sa voix et de ses yeux et il retrouve encore, dans sa sensibilité plus frémissante, dans la façon dont elle accueille, embrasse et transforme les idées qu’il lui confie, dans sa déraison charmante et passionnée, dans le don qu’elle possède de bercer avec des mots, d’apaiser et de consoler, la marque et l’attrait mystérieux de son sexe. […] Un jour, Faustus entend cette voix des hommes et la reconnaît.

1290. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Faguet resté en route injurie son guide de loin et crie d’une voix aigre qu’« il manque une dizaine de termes au raisonnement ». […] En Occitanie, l’enthousiasme populaire et le son de sa propre voix suffisent à l’émouvoir jusqu’aux larmes.

1291. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Tous ces défauts, je suis le premier à les reconnaître, mais aussi que de manières de voir, de systèmes, d’idées en faveur, à l’heure présente, auprès de l’attention publique, commencent à prendre voix, à balbutier dans ce méchant petit volume. […] » me jette d’une voix dure le garçon.

1292. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

Voix de Centaure. […] Quoi qu’il en soit, voici quelques-unes des explications que se donne à cette heure le peuple, des mots qu’il ne comprend pas : Voix de Centaure (Stentor) Cresson à la noix (Alénois, ollenois, orlenois, orléanais) Dernier adieu (Denier à Dieu) Souguenille (Souquenille) Soupoudrer (Saupoudrer) Trois-pieds (Trépied) Ruelle de veau (Rouelle) Semouille (Semoule) Tête d’oreiller (Taie) Bien découpé (Découplé) Écharpe (Echarde) Cette dernière mutation est due à écharper, verbe qui n’a aucun rapport de sens, ni d’origine, avec écharpe ; mais il en a avec charpie, avec l’idée de déchirer (carpire), par conséquent blesser.

1293. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

Elle a pour amies de bien belles voix.

1294. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « À M. le directeur gérant du Moniteur » pp. 345-355

Le savant Brunck l’aurait recueillie dans ses Analecta veterum poetarum ; le président Bouhier et La Monnoye, c’est-à-dire des hommes d’autorité et de mœurs graves (castissimae vitae, morumque integerrimorum), l’auraient commentée sans honte, et nous y mettrions le signet pour les amateurs, en nous rappelant le vers d’Horace : “Tange Chloen semel arrogantem”. » — Je lui aurais dit cela et bien d’autres choses encore, tenant compte surtout à Baudelaire, comme il en faut tenir compte à Bouilhet, comme il le faut pour un récent auteur de sonnets très distingués, Joséphin Soulary, de ce qu’ils viennent tard, quand l’école dont ils sont a déjà tant donné et tant produit, quand elle est comme épuisée, quand toutes les voix d’autrefois se taisent, hors une seule grande voix67.

1295. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

Quand Rome s’écroulait sous le fer des tyrans, Que, sortis de son sein, de rebelles enfants Par une guerre impie ensanglantaient leur mère, Et vainqueurs ou vaincus accroissaient sa misère, Un poète parut qui, d’une austère voix, Chantant de l’univers le principe et les loix, Et leur chaîne à jamais bienfaisante, éternelle, Faisait du triumvir rougir la loi cruelle ; De leurs prêtres du moins détrompait les humains ; C’était assez d’un maître aux malheureux Romains ; Et pour les rassurer (?)

1296. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

Mais dans les Contrebandiers, le poëte n’élude rien ; il accepte la question sociale dans son énormité, il la tranche avec audace ; l’air pur du sommet des monts l’a enivré, et sa voix, que redit et renfle l’écho des hautes cimes, ne nous est jamais venue si sonore. 

1297. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

Si ce volume, qui ne doit pas contenir moins de six mille vers, tombait aux mains de lecteurs qui aiment peu les vers, et ceux d’amour en particulier ; si, d’après la façon austère et assez farouche qui essaye de s’introduire, on se mettait aussitôt à morigéner l’auteur sur cet emploi de sa vie et de ses heures, à lui demander compte, au nom de l’humanité entière, des huit ou dix ans de passion et de souffrance personnelle que résument ces poëmes, et à lui reprocher tout ce qu’il n’a pas fait, durant ce temps, en philosophie sociale, en polémique quotidienne, en projets de révolution ou de révélation future, l’auteur aurait à répondre d’un mot : qu’attaché sincèrement à la cause nationale, à celle des peuples immolés, il l’a servie sans doute bien moins qu’il ne l’aurait voulu ; que des études diverses, des passions impérieuses, l’ont jeté et tenu en dehors de ce grand travail où la majorité des esprits actifs se pousse aujourd’hui ; qu’il s’est borné d’abord à des chants pour l’Italie, pour la Grèce ; mais qu’enfin, grâce à ces passions mêmes qu’on accuse d’égoïsme, et puisant de la force dans ses douleurs, en un moment où tant de voix parlaient et pleuraient pour la Pologne, lui, il y est allé ; qu’il s’y est battu et fait distinguer par son courage ; que, s’il n’y a pas trouvé la mort, la faute n’en est pas à lui ; qu’ainsi donc il a payé une portion de sa dette à la cause de tous, assez du moins pour ne pas être chicané sur l’utilité ou l’inutilité sociale de ses vers.

1298. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

Tant que ce serait le régime du président vénéré, du Washington élu dans les premières comices républicaines, on louvoyerait, on s’insinuerait pour avoir une ou deux voix dans le Conseil.

1299. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

Mais vous êtes donc bien assuré des effets de votre éloquence, ô voix d’Orphée, pour croire qu’on peut ainsi soulever et enflammer les courroux, dire à ces vingt-trois poignards leurs motifs d’agir, et tout d’un coup dans une seconde partie oratoire ou philosophique, les arrêter, les suspendre, les faire rentrer tous dans la gaîne comme par enchantement !

1300. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

Un vrai comédien copie involontairement les personnages qu’il rencontre ; sa voix monte et baisse avec leur ton, son corps prend leurs attitudes, son visage se grime selon leurs physionomies, leur être passe en lui et transforme le sien.

1301. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre III. Association des mots entre eux et des mots avec les idées »

Voix intérieures.

1302. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « José-Maria de Heredia.. »

Il en est résulté des sonnets si pleins qu’ils « valent vraiment de longs poèmes » et si sonores que la voix humaine ne suffit plus pour les clamer et qu’il y faudrait une bouche d’airain.

1303. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Armand Silvestre »

Ensuite le poète dit la Vie des morts, leur âme éparse dans les arbres, dans les broussailles, dans les sources qui sont leurs yeux, dans les nuages qui sont leur pensée inquiète, dans les astres où flambent leurs anciennes passions, dans la mer, « temple obscur des métamorphoses », dans les parfums, dans le chant nocturne des voix terrestres… Et cependant ce n’est pas tout ce qui reste des morts. « Ce que m’a pris le rêve, mes aspirations vers le juste et le beau, ce que j’ai dit tout bas à la nuit, ce que j’ai vu en fermant les yeux, Ma chair ne saurait plus l’entraîner au tombeau.

1304. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre V. Chanteuses de salons et de cafés-concerts »

D’autres jours, il se plaint d’une voix enfantine, ou se réfugie en quelque amour qu’il voudrait plus tendre que passionné, qu’il désirerait pensif, câlin et maternel.

1305. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

Monsieur Alphonse Bonaparte épousa, pour obtenir un commandement, la maîtresse de Barras : Monsieur Alphonse d’Annunzio fit la conquête de l’actrice qui pouvait servir sa gloire en jouant ses drames avec amour et rêva de la cantatrice dont la voix donnerait à ses vers une beauté nouvelle.

1306. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIII, les Atrides. »

Ils se penchent pour écouter le dialogue, avec des gestes de connivence et des sursauts d’attention ; ils passent la tête entre les meurtriers qui complotent et mêlent des chuchotements funèbres à leurs voix tragiques.

1307. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

Abaisser autrui, c’est s’élever soi-même ; les voix grondeuses s’entendent de plus loin, la férule qui tourmente l’élève rehausse le magister.

1308. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre II. Le dix-neuvième siècle »

On écoute si les bruits ne vont pas devenir des voix.

1309. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

Le roi de Prusse en donna des marques de mécontentement sur lesquelles la voix publique a beaucoup varié, & sur lesquelles on ne sçait rien de certain.

1310. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VII. Le langage et le cerveau »

Il se mit ensuite à moduler de sa voix l’air écrit, et accompagna avec correction et harmonie les sons rendus par le piano56. » Dans la plupart des cas cités, où plusieurs des signes artificiels parole, écriture, dessin57 sont plus ou moins altérés, il semble que la faculté du geste reste intacte.

1311. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 13, de la saltation ou de l’art du geste, appellé par quelques auteurs la musique hypocritique » pp. 211-233

D’un autre côté l’orateur que nous voïons et que nous entendons en même temps, nous remuë bien davantage que celui dont nous entendons la voix, mais dont nous ne voïons pas les gestes.

1312. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Alors ta voix éloquente célébrerait ses bienfaits : dans l’ivresse de ta reconnaissance, tu t’écrierais encore : « Nous vivons sous un prince aussi juste que grand ! 

1313. (1760) Réflexions sur la poésie

Ceci ne regarde pas nos grands poètes vivants ; leur génie, leur succès, la voix publique les exceptent et les distinguent : mais pour la foule qui se traîne à leur suite, la carrière est devenue d’autant plus dangereuse, que la plupart des genres de poésie semblent successivement passer de mode.

1314. (1824) Notice sur la vie et les écrits de Chamfort pp. -

Les personnes qui se trouvaient chez lui, et avec lesquelles il venait de dîner, averties de ce qui se passait par le bruit du coup de pistolet et par le sang qui coule à flots sous la porte, se pressent autour de Chamfort pour étancher le sang avec des mouchoirs, des linges, des bandages ; mais lui, d’une voix ferme, déclare qu’il a voulu mourir en homme libre, plutôt que d’être reconduit en esclave dans une maison d’arrêt, et que si, par violence, on s’obstinait à l’y traîner dans l’état où il est, il lui reste assez de force pour achever ce qu’il a commencé.

1315. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VI. Du trouble des esprits au sujet du sentiment religieux » pp. 143-159

Cette voix des hommes, qui n’est plus la parole que nous apprîmes à bégayer en naissant, nous cause une tristesse inexprimable.

1316. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

La voix des femmes, cette musette, se perd dans un champ de Mars, tuée par l’espace.

1317. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

II Tel est pourtant l’avenir très prochain qui nous menace, si la voix de la raison ne vient nous tirer de l’ivresse où nous ont plongés de si misérables enseignements.

1318. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

à une époque irréligieuse qui ne s’appuie plus sur l’autorité de l’Église, laquelle est péremptoire comme la vérité et a condamné le duel, sans rémission et sans fléchissement, par la voix de son concile de Trente, il a, lui, abandonné comme impossible la suppression du duel, et s’est réfugié dans l’empirisme consolateur de ceux qui voient que l’absolu, en tout, n’appartient qu’à Dieu !

/ 1953