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2450. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Littré père avaient au moins quelque mérite à l’être ; car ils étaient deux (deux qui valaient, certes, à eux seuls tous ceux qu’on a plus tard vus éclore), son fils d’abord, puis l’intime ami de son fils, celui à qui je dois ces détails, notre respecté confrère M.  […] Tel était son amour de la vérité que, seul peut-être en notre siècle, il put se rétracter sans s’amoindrir. […] Quand nous nous trouvions tous les deux seuls à nos séances de l’Histoire littéraire de la France de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, je me croyais en face d’un confesseur, mécontent de moi pour quelque motif secret qu’il ne me disait pas. […] Une voix est en nous, que seules les bonnes et grandes âmes savent entendre, et cette voix nous crie sans cesse : « La vérité et le bien sont la fin de ta vie ; sacrifie tout le reste à ce but » ; et quand, suivant l’appel de cette sirène intérieure, qui dit avoir les promesses de vie, nous sommes arrivés au terme où devrait être la récompense, ah !

2451. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

Ceci, d’ailleurs, est la seule réserve de ce drame qui a l’audace de son honnêteté. […] Seule Thérèse, sa pupille, une sage et sérieuse jeune femme qu’il a élevée, qu’il a mariée, et qui l’aime comme un père, observe, d’un air soucieux, le train du logis. […] Le soir venu, il se réfugie dans le seul asile qui lui reste, il entre chez Thérèse, tombe sur un fauteuil, brisé, glacé, mortellement malade ; et, là, entre sa fille adoptive et celui qu’il appelle son fils, ouvre son cœur gonflé et en laisse sortir tout ce qu’il tient de fiel et de larmes. […] Il s’éloigne, il s’en va mourir, seul et misérable, dans quelque cachette obscure.

2452. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Son mari et elle se croyaient d’abord fort épris l’un de l’autre, mais l’illusion dura peu : elle seule l’aimait, et encore d’un premier amour de pensionnaire. […] On se rappelle peut-être dans le vieux poète Mathurin Régnier une admirable satire (la XIIIe), dans laquelle le poète se représente écoutant derrière une porte les odieux conseils que donne la vieille Macette à une jeune fille dont il est amoureux : Macette, qui se croit seule avec la jeune fille, lui parle ainsi, en des vers que le Tartuffe de Molière ne surpassera pas : Ma fille, Dieu vous garde et vous veuille bénir ! […] Grimm, tel qu’il ressort pour moi du témoignage de ses amis (les seuls qui soient en droit de l’apprécier, disait Mme d’Épinay, car il n’est lui qu’avec eux), Grimm est un homme judicieux, droit, sûr, ferme, formé de bonne heure au monde, estimant peu les hommes en général, les jugeant, n’ayant rien des fausses vues et des illusions philanthropiques du temps. […] Mme d’Épinay, si compromise par les incidents de sa vie première, si calomniée par ses anciens amis, était en voie de devenir meilleure dans le temps même où on la noircissait le plus ; et elle put répondre un jour, d’une manière aussi spirituelle que touchante, à un homme venu de Paris qui l’allait voir à Genève, et qui s’étonnait un peu gauchement devant elle de la trouver si différente de l’idée qu’on lui en avait voulu donner : « Sachez, monsieur, que je vaux moins que ma réputation de Genève, mais mieux que ma réputation de Paris. » Grimm avait trente-trois ans quand il la connut, et, durant vingt-sept années que dura leur liaison, son attachement pour elle ne se démentit pas un seul jour.

2453. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Il ne comparait point toutefois les deux scènes, quant à l’importance des débats et à l’influence politique qu’on y pouvait acquérir : Il est inouï, disait-il plus tard de Pitt, au moment où ce grand orateur consentit à entrer dans la chambre haute sous le titre de lord Chatham, il est inouï qu’un homme, dans la plénitude de sa puissance, au moment même où son ambition venait d’obtenir le triomphe le plus complet, ait quitté la Chambre qui lui avait procuré cette puissance, et qui seule pouvait lui en assurer le maintien, pour se retirer dans l’hôpital des incurables, la Chambre des pairs. […] Mais cet homme habile, en voulant se tourner du côté du soleil levant, ne sut pas s’orienter avec une parfaite justesse : il avait fait de longue main sa cour à la maîtresse du prince, la croyant destinée à l’influence, et il avait négligé la femme légitime, la future reine, qui pourtant eut seule le crédit réel. […] C’est l’attention seule, lui dit-il, qui grave les objets dans la mémoire : « Il n’y a pas au monde de marque plus sûre d’un petit et pauvre esprit que l’inattention. […] Des cinq sens que nous avons en partage, vous n’en avez qu’un seul qui soit affaibli, et milord Huntingdon assure que vous avez un bon estomac, ce qui vaut bien une paire d’oreilles.

2454. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

En lisant les mémoires historiques qu’on avait depuis François Ier, il conçut presque dès l’adolescence, l’idée de consigner par écrit à son tour et de faire revivre après lui tout ce qu’il verrait, avec la résolution bien ferme d’en garder, sa vie durant, le secret à lui tout seul, et de laisser dormir son manuscrit sous les plus sûres serrures ; prudence rare dans un jeune homme, et qui est déjà un grand signe de vocation. […] Son seul coin d’action historique est à ce moment. […] Sa seule prétention, en ce qu’il écrit, c’est que, somme toute, la vérité surnagera même à la passion, et que, sauf tel ou tel endroit où la nature en lui est en défaut, le tissu même de ses Mémoires rendra témoignage de sincérité et de franchise dans son ensemble. […] Les pages où il nous montre ce vieillard, fidèle jusqu’au bout à la mémoire de Louis XIII, ne manquant jamais tous les ans d’aller au service funèbre du feu roi, à Saint-Denis, le 14 de mai, et s’indignant vers la fin d’y être tout seul ; ces pages respirent une véritable éloquence de cœur et sentent la magnanimité de race.

2455. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

C’est vous seule que je veux servir, vous êtes mon unique souveraine… » À travers mille échecs et mille traverses qu’il rencontrait à chaque pas, il continuait de jouir, selon son expression de fat, « de la plus ridicule faveur dont on puisse se former une idée ». […] Mme de Lauzun ne m’avait apporté que 150 000 livres de rente… » Il y a dans ces seuls mots : ne m’avait apporté que 150 000 livres de rente, tout un Ancien Régime évanoui, et toute une justification trop évidente d’une Révolution qui, somme toute, et en face de pareilles énormités, a été légitime. […]  » Nous saisissons l’aveu, c’est la seule moralité que je veuille tirer ici. […] Mme Necker avait tracé de Mme de Lauzun dans sa première jeunesse un portrait délicat et senti qu’elle terminait en disant : « Les portraits d’imagination sont les seuls qui lui ressemblent », et dans lequel elle la recommandait vivement comme une vierge orpheline à son bon ange gardien : Ô vous !

2456. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Cette vérité, c’est qu’il n’y a qu’une, une seule constitution (entendez-vous bien ?) de société politique, et une, une seule constitution de société religieuse, la réunion et l’accord de l’une et de l’autre composant la vraie société civile. […] Car il lui paraîtrait absurde et sacrilège de penser que Dieu a laissé un seul moyen de connaissance et de vérité aux hommes, et que ce moyen est à jamais détourné ou intercepté. […] Il se demandait encore, et c’est surtout aujourd’hui le cas de nous demander tous avec lui : Que s’est-il donc passé dans la société, qu’on ne puisse plus faire aller qu’à force de bras une machine démontée, qui allait toute seule, sans bruit et sans effort59 ?

2457. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Je ne sais pas de plus belle page historique que celle où il nous peint ce soudain passage du découragement et de l’assoupissement des esprits, qui leur fait croire que le mal présent ne finira jamais, à l’extrémité toute contraire par laquelle, loin de considérer les révolutions comme impossibles, on arrive à les trouver chose simple et facile : Et cette disposition toute seule, ajoute-t-il, est quelquefois capable de les faire… Qui eût dit, trois mois devant la petite pointe des troubles, qu’il en eût pu naître dans un État où la maison royale était parfaitement unie, où la Cour était esclave du ministre, où les provinces et la capitale lui étaient soumises, où les armées étaient victorieuses, où les compagnies paraissaient de tout point impuissantes, qui l’eût dit eût passé pour insensé, je ne dis pas dans l’esprit du vulgaire, mais je dis entre les d’Estrées et les Senneterre. […] Le récit de l’auteur, dans les premiers, est semé, et même avec une certaine affectation (c’est la seule), de réflexions politiques desquelles Chesterfield disait qu’elles étaient les seules justes, les seules praticables qu’il eût jamais vues imprimées.

2458. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

J’indique cet endroit comme le plus réellement touchant de l’ouvrage, et même comme le seul naturellement touchant. […] Fiévée, qui n’était qu’un royaliste d’opinion, et qui ne tenait pas essentiellement aux personnes, voyant un gouvernement ferme s’inaugurer par l’ascendant d’un seul, se délia du côté de l’exil, et se tint prêt à servir ou à conseiller le pouvoir nouveau. […] Fiévée par ses adversaires politiques et constitutionnels d’alors, il faisait remarquer qu’il n’avait jamais vanté le gouvernement militaire, mais l’esprit militaire, ce qui était bien différent, et il se couvrait du mot de M. de Bonald : « Les nations finissent dans les boudoirs, elles recommencent dans les camps40. » Bien qu’il ne fût qu’une seule fois nommé dans cette brochure, Bonaparte sentit bien qu’elle lui était tout entière dédiée ; il fit venir aux Tuileries M.  […] Fiévée nie que ce soit là une exacte conséquence : « Il serait fort extraordinaire, dit-il, que quatorze siècles de monarchie ne puissent plus servir en France qu’à faire opposition même au gouvernement d’un seul. » Il montre qu’entre ce retour aux vrais principes de gouvernement et un retour à l’Ancien Régime, il y a toujours un énorme obstacle qui s’interpose, à savoir la masse d’intérêts créés par la Révolution.

2459. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

En un mot, Richelieu était porté à faire seul la besogne des autres plutôt qu’à laisser personne empiéter sur la sienne et sur sa direction absolue. […] Elles sont pourtant la seule moralité supérieure qui serve de garantie dans les personnes publiques, qui les sauve du pur machiavélisme ; et on aime à retrouver le signe de cet esprit religieux sous une forme ou sous une autre, ce sentiment sacré d’une divinité singulière invoquée et reconnue de tous les grands chefs et fondateurs d’États et des conducteurs de peuples. […] Richelieu raconte qu’il était en visite chez un recteur de Sorbonne au moment où on vint lui apprendre la mort du maréchal : il revint au Louvre, après en avoir conféré un moment avec ses collègues : « Continuant mon chemin, dit-il, je rencontrai divers visages qui, m’ayant fait caresses deux heures auparavant, ne me reconnaissaient plus ; plusieurs aussi qui ne me firent point connaître de changer pour le changement de la fortune. » Il fut le seul de ce ministère que Luynes parut ménager d’abord et vouloir excepter de la disgrâce et de la vengeance commune. […] Aussi y eut-il un si merveilleux effet de bénédiction de Dieu envers elle, que, par un subit changement, tous ceux qui assistèrent au triste spectacle de sa mort devinrent tout autres hommes, noyèrent leurs yeux de larmes de pitié de cette désolée… Je supprime quelques traits de mauvais goût ; et il finit par remarquer que ce qu’il en dit n’est point par l’effet d’aucune partialité, que c’est la vérité seule qui l’oblige à parler ainsi, « vu qu’il n’y a personne si odieuse qui, finissant ses jours en public avec résolution et modestie, ne change la haine en pitié, et ne tire des larmes de ceux mêmes qui, auparavant, eussent désiré voir répandre son sang ».

2460. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Notre théâtre, qui est en quelque sorte tout platonicien et qui sacrifie partout le sensible à l’intelligible, éloigne de nous ses personnages, afin qu’il n’y ait plus qu’une seule chose de commune entre eux et nous : le cœur. […] Je comprends encore que l’on proteste contre ceux qui voulaient imposer d’une manière absolue à tous les pays et à tous les temps cette conception dramatique, qui est un des plus beaux types possibles de l’art tragique, mais non pas le seul. […] Nisard que je viens de résumer et d’autres qu’il serait trop long de rappeler, je ne vois donc que l’application d’un seul principe, le principe des vérités générales. […] Bossuet est la plus grande imagination que nous ayons dans notre littérature, c’est une imagination biblique, homérique, grande, fière, simple, naïve, hardie, ayant toutes les qualités sans un seul défaut, et dans cet écrivain si surprenant, le premier de la France sans aucun doute, et qui n’a peut-être de rival dans toutes les littératures du monde que Platon, vous vous oubliez à nous faire admirer son bon sens, à nous montrer les limites de ses pensées, à lui faire un mérite de ces limites mêmes !

2461. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre VI. Des Livres qui traitent de la Rhétorique. » pp. 294-329

Selon l’auteur Jésuite, cette éloquence, la seule qu’il admette pour vraie, tire peu de secours des regles ordinaires, parce que, dit il, elles ne peuvent être que générales & vagues. […] Le seul précepte que je n’ai jamais perdu de vue, parce qu’il est le seul indispensable, & qu’il comprend tous les autres, c’est celui de tendre toujours à la plus grande utilité de l’auditeur. […] Les jeunes Prédicateurs trouveront ici dans un seul volume les maximes & les regles des meilleurs Orateurs anciens & modernes.

2462. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Et ce n’est pas Saint-Chéron qui le dit tout seul. […] Le traité tardif que Leibnitz, ce grand esprit de juste milieu, avait entrevu, mais à son heure, au moment où il était possible, n’est pas seulement empêché par l’inertie peureuse du ministère prussien, dont le seul homme capable (Eichorn) est piétiste exalté, il rencontre un empêchement plus dirimant et plus honorable encore dans le bon sens de l’Allemagne, qui ne le réclame pas, qui ne s’en émeut pas, qui dit : À quoi bon ? […] Nous n’avons pas non plus un tel fétichisme pour nos propres opinions qu’un homme, par cela seul qu’il les partage, nous paraisse, comme à Saint-Chéron, un historien sans égal. […] Cela seul produisit un mal immense que toute sa vie ne put racheter.

2463. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Tout l’or qui se rencontre sous la lune, ou qui a jamais appartenu à ces âmes harassées de fatigue, ne pourrait procurer à une seule d’elles un instant de repos. […] Ce n’est pas en effet une seule imagination humaine, quelque riche qu’on la suppose, qui a pu construire ces idéales hiérarchies de douleurs, d’expiations et de béatitudes, où se complaît le poëte de la Divine Comédie ; c’est la pensée chrétienne qui travaillait, depuis des siècles, sur quelques versets de l’Évangile, sur quelques cantiques d’Isaïe ou de saint Jean. […] beaucoup moins qu’un seul sentiment de l’âme élevée jusqu’à Dieu. […] À la poupe se tenait le céleste nocher, pareil à un bienheureux ; et plus de cent âmes étaient assises dans la barque ; et toutes ensemble chantaient d’une seule voix : Israël, à sa sortie d’Égypte.

2464. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

Quelques pages seules de Ségur dans la « Retraite de Russie » en approchent. […] À mesure que l’individu sort de la plèbe et s’en distingue, il a un plus grand besoin de plaisirs personnels et faits pour lui seul. […] Dans le seul grand assassinat de bourreau du temps, — et un assassinat de main de femme, — c’est la tête et non le cœur qui a mené la main. […] Seul Sainte-Beuve le défend. […] Au troisième, une porte à un seul battant, ressemblant à la porte d’un commerçant en chambre.

2465. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Les grandes et parfaites peintures, les chefs-d’œuvre mûrs n’enfoncent pas en vous un si parfait souvenir de figures : seules, ces femmes peintes des Primitifs s’attachent à vous comme la mémoire d’êtres rencontrés dans la vie. […] moi, princesse, jamais un seul amour. […] La petite maison seule a les rires et les joies de l’aisance. […] Il faut excepter pourtant Mme Plessy, elle seule a l’intelligence véritablement littéraire. […] Le seul défaut de Mme Plessy est son instantanéité d’intuition qui ne s’arrête et ne se fixe pas.

2466. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 518-522

À des degrés inférieurs, il est encore d’honorables places à saisir ; et, quoique le talent se laisse peu conseiller à l’avance, quoiqu’il appartienne à lui seul, dans ce fonds tant de fois remué, mais non pas épuisé, de l’observation naturelle et sociale, de découvrir de nouvelles formes et des aspects imprévus, qu’on nous permette d’exprimer ce seul vœu : c’est qu’il revienne enfin et qu’il s’attache désormais à étudier une nature humaine véritable, une nature saine et non corrompue, non raffinée ou viciée à plaisir, une nature ouverte aux vraies passions, aux vraies douleurs, sujette aux ridicules sincères, malade, quand elle l’est, des maladies générales, et naturelles encore, que tous comprennent, que tous reconnaissent et doivent éviter.

2467. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

C’est à cette manière si naïve de voir et de peindre qu’on doit tant de figures originales, piquantes ou, pour mieux dire, effrayantes de contrastes, et jusqu’ici envisagées trop absolument d’un seul côté : Danton, Desmoulins, Chaumette, Clootz, Saint-Just, Robespierre lui-même : un roman de Walter Scott n’offre pas des personnages plus vivants. […] Disons néanmoins, et avec regret, que cette pitié pour les innocents n’est pas égalée par son indignation contre les bourreaux ; l’idée que ceux-ci, quels qu’ils aient pu être, ont sauvé la France de l’invasion, a trop arrêté sa plume prête à les flétrir ; il s’est trop répété que le plus énergique alors était aussi le plus digne du pouvoir ; et je souffre qu’il ait dit, en déplorant la mort des Girondins : « On ne pourrait mettre au-dessus d’eux que celui des Montagnards qui se serait décidé pour les moyens révolutionnaires par politique seule et non par l’entraînement de la haine. » Non, nul Montagnard, fût-il tel qu’on le veut, un Carnot ou tout autre pareil, ne pourrait être mis au-dessus des proscrits du 2 juin ; l’assassin n’est jamais plus noble que l’assassiné.

2468. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — II »

C’est moi qui ai désiré ardemment l’archevêché de Paris : quelles terribles affaires avons-nous contre un prélat (le cardinal de Noailles) qui, étant irréprochable dans ses mœurs, tolère le plus dangereux parti qui pût s’élever dans l’Église ; qui désole sa famille, et afflige sensiblement le roi dans un temps où sa conservation est si nécessaire. » Il faut le dire, cependant, cette vénération excessive pour la personne du vieux monarque n’est souvent qu’un devoir d’épouse qui honore madame de Maintenon ; il semble que ce soit le seul sentiment capable d’enlever cette âme froide à elle-même, et d’en tirer des accents de véritable émotion. […] « Le seul art dont j’oserais soupçonner madame de Sévigné, dit madame Necker, c’est d’employer souvent des termes généraux, et, par conséquent, un peu vagues, qu’elle fait rassembler, par la façon dont elle les place, à ces robes flottantes, dont une main habile change la forme à son gré. » La comparaison est ingénieuse ; mais il ne faut pas voir un artifice dans cette manière de madame de Sévigné, non plus que dans celle de mesdames des Ursins et de Maintenon : c’est la manière de l’époque et l’un des mérites inséparables de son style.

2469. (1874) Premiers lundis. Tome I « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Deuxième édition. »

Diderot a dit quelque part : « Une seule qualité physique peut conduire l’esprit qui s’en occupe à une infinité de choses diverses. […] Si Joseph Delorme avait vécu jusqu’à la fin de juillet 1830 ; si, au lieu d’être à Paris ces jours-là, il s’était trouvé quelque part à la campagne, en rêverie, à Amiens ou à Rouen ; s’il n’avait pu accourir à temps pour recevoir, comme son ami Farcy, une balle, une seule, entre toutes celles qui sifflaient en ces jours sublimes, j’aime à me figurer quel eût été le dépit de l’honnête jeune homme et son surcroît de mauvaise humeur.

2470. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

La seule situation énergique que nous ayons vue depuis vingt ans, la scène du paravent, dans le Tartufe de mœurs, nous la devons au théâtre anglais. […] Les vers italiens et anglais permettent de tout dire ; le vers alexandrin seul, fait pour une cour dédaigneuse, en a tous les ridicules.

2471. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VI. De l’emploi des figures et de la condition qui les rend légitimes : la nécessité »

Celles qui resteront se seront imposées à vous, non comme figures, mais comme propres expressions de votre pensée et de votre sentiment : elles auront ce caractère de nécessité, qui seul les justifie. […] Il est plus facile à un orateur politique d’écraser ses ennemis, de conjurer des spectres, de contenir des torrents, de figurer vivement le mal que fera le parti contraire, et le bien que son parti fera, que d’indiquer en termes propres un seul moyen d’écarter le moindre des dangers et de produire le plus léger des biens : on manque d’ordinaire à la transformation des métaphores en idées.

2472. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Pronostics pour l’année 1887. »

La seule passion campagnarde étant, comme on sait, l’amour de la terre, vous prévoyez le sujet. […] Henri Meilhac écrira un acte, un seul, mais où il y aura trois pièces.

2473. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « L’exposition Bodinier »

La première, c’est qu’il nous est absolument impossible de nous représenter exactement les traits et la physionomie d’un seul des comédiens d’autrefois. […] Car, au temps où ils étaient vivants, où ils apparaissaient en chair et en os aux regards de la foule idolâtre, ce n’était pas eux, du moins ce n’était pas eux seuls qu’on voyait, mais les personnages historiques ou imaginaires qu’ils étaient chargés de représenter.

2474. (1890) L’avenir de la science « XX »

mais Bossuet y a échoué, et je ne connais pas un seul homme capable de l’entreprendre. […] Perdiguier a beau nous dire que son histoire est pour les ouvriers ; que tous ses devanciers ont traité l’histoire en hommes classiques, en pédants de collège ; je ne sache pas qu’à y ait deux histoires, une pour les lettrés, une pour les illettrés ; et je ne connais qu’une seule classe d’hommes capables de l’écrire : ce sont les savants brisés par une longue culture intellectuelle à toutes les finesses de la critique.

2475. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 39-51

Car on sait avec quelle amertume ses Contemporains lui ont reproché d’avoir dit, avec vérité néanmoins, Je ne dois qu’à moi seul toute ma renommée. […] Le seul inconvénient qu’il éprouve, c’est que ses jugemens & ses décrets ne sont jamais respectés : il existe même des Profanes, qui poussent l’aveuglement jusqu’à se croire honorés par ses anathêmes.

2476. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre VIII »

On en trouverait difficilement un seul, parmi ceux qui ont été réimportés d’Angleterre, qui ne fût connu et toujours pratiqué en France par les enfants. […] Jules Verne mérite ce reproche d’avoir abusé des mots anglais dans ses merveilleux récits ; un seul de ses tomes me fournit les mots suivants : anchor-boat, steam-ship, main-mast, mizzenne-mast, fore-gigger, engine-screw, patent-log, skipper, sans compter dining-room et smoking-room, qui sont de la langue générale.

2477. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Montmaur, avec tout le Parnasse Latin & François. » pp. 172-183

Ce sont les seules bornes de plaisanterie dans lesquelles on se renferma. […] Presque seul contre tous, il ne leur opposa jamais que des saillies & de bons mots.

2478. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Milton, et Saumaise. » pp. 253-264

Quoique tous les livres en faveur des parlementaires rebèles eussent été composés par des écrivains plus factieux encore, & que l’esprit seul qui dictoit ces ouvrages dût les rendre méprisables, ils ne laissoient pas de faire des impressions profondes dans les têtes même les mieux organisées. […] Le début seul de l’ouvrage fait rire.

2479. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Latine. » pp. 147-158

Ces sçavans conclurent que Cicéron fût, à l’avenir, le seul sur lequel se formassent tous les orateurs Latins. […] Il est, en effet, aussi ridicule de borner les écrivains à un seul stile, qu’il le seroit de réduire tous les peintres à n’avoir qu’une manière, tous les hommes à n’avoir qu’une façon de s’habiller.

2480. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence du barreau. » pp. 193-204

Cependant, parmi les avantages sans nombre que ce systême procuroit aux avocats, il n’y a peut-être qu’un seul tort réel qu’il leur fasse ; c’est qu’il refroidit l’imagination. […] Les seules occasions où l’on peut s’élever, c’est dans les discours d’apparat, tels que ceux des avocats généraux à l’ouverture des audiences, ou dans les grandes affaires.

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