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430. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre I. Objet de ce livre. — Retour de l’âge divin » pp. 357-361

Partout les rois catholiques, protecteurs de la religion, revêtaient les habits de diacres et consacraient à Dieu leurs personnes royales114. Ils avaient des dignités ecclésiastiques : Hugues Capet s’intitulait comte et abbé de Paris, et les annales de Bourgogne remarquent en général que dans les actes anciens les princes de France prenaient souvent les titres de ducs et abbés, de comtes et abbés. — Les premiers rois chrétiens fondèrent des ordres religieux et militaires pour combattre les infidèles. — Alors revinrent avec plus de vérité le pura et pia bella des peuples héroïques. Les rois mirent la croix sur leurs bannières, et maintenant encore ils placent sur leurs couronnes un globe surmonté d’une croix. — Chez les anciens, le héraut qui déclarait la guerre, invitait les dieux à quitter la cité ennemie (evocabat deos).

431. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire de la Révolution »

C’est un peintre tapageur de coloris, plus qu’original, profond, nuancé et fondu, comme doit l’être un grand peintre, mais c’est un peintre, comme le prouvent certaines fresques de son livre, un peu galopées sur le mur, mais vivantes, et par exemple ce fameux repas des gardes du corps que je voudrais tout entier citer : « Le roi prêta sa magnifique salle du théâtre. […] Les splendeurs de cette salle étincelante, que la musique du roi remplissait d’harmonie, exaltèrent l’imagination des jeunes militaires, déjà disposés à l’enthousiasme. […] On but à la santé du roi, à celle de la reine et de son fils, point à la nation. […] « Au plus fort du désordre, le roi parut en riant chasseur. […] Elle s’éloigne ensuite, et comme elle va disparaître, l’orchestre joue l’air fameux : Ô Richard, ô mon roi, l’univers t’abandonne !

432. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIV. Siècles de barbarie. Renaissance des lettres. Éloges composés en latin moderne, dans le seizième et le dix-septième siècles. »

Alfred, en Angleterre, vers la fin du neuvième siècle, fut lui-même grammairien, un peu philosophe, dit-on, historien et géomètre ; c’était beaucoup pour un roi, et surtout dans ce temps ; mais il étonna son pays, et ne le changea pas. […] Dans le suivant, on commença à mieux écrire ; on vit en France saint Bernard, qui par ses talents s’éleva au-dessus de son siècle, et par sa considération fut presque au-dessus des papes et des rois ; et l’amant d’Héloïse, bien plus célèbre aujourd’hui par ses amours et ses malheurs, que par ses ouvrages. […] Le pouvoir des nobles, qui pendant plusieurs siècles combattit le pouvoir des rois, ne donnait point aux âmes l’élévation et le genre d’activité dont elles ont besoin pour les lettres. […] Il fallait donc que les grands souverains et les rois commençassent par former des corps de toutes ces masses dispersées ; il fallait rétablir des liens entre les hommes. […] Plus l’autorité monarchique gagna sur l’autorité féodale, plus les hommes et les peuples se communiquèrent, plus les idées s’étendirent, plus les nations et les rois conçurent et exécutèrent de grands desseins, et plus les esprits purent s’élever.

433. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

C’était le laboureur roi. […] Et une voix dit : « Les rois « et les juges ont dans l’âme des dieux de fiente. […] Il crie au temple : « Pas de prêtres ici, ni eux, ni leurs rois, ni les carcasses de leurs rois. » (Ch. […] L’intestin colon est roi. […] La Liedermusik, dont le Roi des Aulnes de Schubert est le chef-d’œuvre, fait partie de la vie allemande.

434. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Ayant adressé en 1689 une pièce de vers à M. de La Quintinie, directeur des jardins du roi, et l’ayant intitulée Pomone parce qu’il y avait introduit cette nymphe, il s’éleva une grande rumeur de la part de quelques amis de Santeul. […] Arnauld est mort chef d’un parti déclaré contre l’Église, étant lui-même ecclésiastique et d’un ordre dont la doctrine a toujours été sans reproche, eût voulu louer et préconiser un hérésiarque, reconnu par l’Église et la France pour tel, et que si le roi savait cela, etc… Santeul effrayé, et qui avait une pension du roi de huit cents livres, s’excusa en paroles, désavoua les vers comme il put ; mais Jouvency voulait une rétractation non pas seulement verbale, mais écrite. […] Ce pauvre garçon est mort le cinquième de ce mois, dans une chambre du logis du roi, à une heure et demie de la nuit du dimanche au lundi. […] Après ce repas, je fus au logis du roi, où ayant rencontré M. le procureur général, j’entrai avec lui dans la chambre de M. le duc, à qui j’ai eu l’honneur de parler plus d’une fois. […] Il paraît de plus, par une lettre de M. de La Garde, autre témoin, que M. le duc, la veille du jour où Santeul tomba malade vers onze heures du matin, n’avait pas soupé chez lui au logis du roi où soupa Santeul, mais était allé chez l’intendant.

435. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

Si le Stolnik71 est élu roi, comme je n’en doute pas, et si les troubles se pacifient, j’ai à lui offrir du zèle et de la jeunesse. […] Je vous ai mandé ma destination à l’île de France où le roi m’a envoyé comme capitaine-ingénieur. […] D’ailleurs j’ai actuellement de nouvelles espérances sur mon horizon, et j’ai eu encore le bonheur de voir les bienfaits du roi se répandre sur ma sœur et un de mes frères. […] Rue Neuve-Saint-Étienne, près le Jardin du roi. […] Rue de la Reine-Blanche, près la barrière du Jardin du roi.

436. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Colbert est la créature du roi, l’homme du maître, mais non pas Molière. […] Le roi les lui retourna. […] Le roi se vengea brutalement. […] Il signe toujours « gentilhomme ordinaire du roi ». […] Ne sont-ils pas rois, cardinaux, ducs et duchesses ?

437. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préfaces de « Marion de Lorme » (1831-1873) »

Quoique placé depuis plusieurs années dans les rangs, sinon les plus illustres, du moins les plus laborieux, de l’opposition ; quoique dévoué et acquis, depuis qu’il avait âge d’homme, à toutes les idées de progrès, d’amélioration, de liberté ; quoique leur ayant donné peut-être quelques gages, et entre autres, précisément une année auparavant, à propos de cette même Marion de Lorme, il se souvint que, jeté à seize ans dans le monde littéraire par des passions politiques, ses premières opinions, c’est-à-dire ses premières illusions, avaient été royalistes et vendéennes ; il se souvint qu’il avait écrit une Ode du Sacre à une époque, il est vrai, où Charles X, roi populaire, disait aux acclamations de tous : Plus de censure ! […] Il comprit qu’un succès politique à propos de Charles X tombé, permis à tout autre, lui était défendu à lui ; qu’il ne lui convenait pas d’être un des soupiraux par où s’échapperait la colère publique ; qu’en présence de cette enivrante révolution de juillet, sa voix pouvait se mêler à celles qui applaudissaient le peuple, non à celles qui maudissaient le roi. […] Aujourd’hui que trois cent soixante-cinq jours, c’est-à-dire, par le temps où nous vivons, trois cent soixante-cinq événements, nous séparent du roi tombé ; aujourd’hui que le flot des indignations populaires a cessé de battre les dernières années croulantes de la restauration, comme la mer qui se retire d’une grève déserte ; aujourd’hui que Charles X est plus oublié que Louis XIII, l’auteur a donné sa pièce au public ; et le public l’a prise comme l’auteur la lui a donnée, naïvement, sans arrière-pensée, comme chose d’art, bonne ou mauvaise, mais voilà tout. […] Aucun moyen de traduire naïvement, grandement, loyalement sur la scène, avec l’impartialité, mais aussi avec la sévérité de l’artiste, un roi, un prêtre, un seigneur, le moyen-âge, l’histoire, le passé.

438. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLI » pp. 167-171

. — discours du roi moins universitaire que celui de m. villemain. — article de m. forcade sur le parti légitimiste. — maladie de charles nodier. — sympathie universelle et gout de la france pour l’esprit. […] — Voyez dans les Débats de ce matin (4 janvier) le discours du roi en réponse à celui de Villemain ; le roi s’y montre bien moins universitaire que son ministre, et ne parle que de la nécessité d’un enseignement religieux.

439. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Étienne Dolet, et François Floridus. » pp. 114-119

Gilles Durant, poëte connu à la cour de Louis XIII, fut rompu en place de Grève, pour avoir écrit contre l’état & contre le roi. […] Jacques du Lorens, avocat au présidial de Chartres, fut mis à l’amende, pour avoir fait des satyres contre les juges. » On peut ajouter à cette liste le célèbre Vanini, qui, pressé, avant qu’on le jettât au feu, de demander pardon à dieu, au roi & à la justice, répondit : Je ne connois point de dieu, je n’ai jamais offensé le roi, & je donne la justice au diable, s’il y en a.

440. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre IX. Application des principes établis dans les chapitres précédents. Caractère de Satan. »

Le conseil infernal étant assemblé, le poète représente Satan au milieu de son sénat : « Ses formes conservaient une partie de leur primitive splendeur ; ce n’était rien moins encore qu’un Archange tombé, une Gloire un peu obscurcie : comme lorsque le soleil levant, dépouillé de ses rayons, jette un regard horizontal à travers les brouillards du matin ; ou tel que dans une éclipse, cet astre, caché derrière la lune, répand sur une moitié des peuples un crépuscule funeste, et tourmente les rois par la frayeur des révolutions. […] J’osai, dans le ciel même, déclarer la guerre au roi du ciel. […] Par toi, du moins, avec le roi du ciel je partagerai l’empire ; peut-être même régnerai-je sur plus d’une moitié de l’univers, comme l’homme et ce monde nouveau l’apprendront en peu de temps78. » Quelle que soit notre admiration pour Homère, nous sommes obligé de convenir qu’il n’a rien de comparable à ce passage de Milton.

441. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Des chefs héréditaires de peuplade ou de village, appelés rois du temps d’Ulysse, s’appelaient seigneurs de nos jours. […] Ces gentilshommes militaires et laboureurs auraient été rois dans la langue de la Bible ou d’Homère ; ils n’étaient plus en France que citoyens égaux en tout au peuple des campagnes, mais c’étaient des rois récemment découronnés. […] Ulysse était un roi d’une petite île grecque appelée Ithaque, dans la mer Adriatique, en face de la grande Grèce. Il avait accompagné Agamemnon, autre petit roi d’un canton de la Grèce appelé Argos, à la guerre contre les Troyens. […] nous demanda notre mère ; vous frappe-t-elle moins vivement et moins agréablement l’esprit que la description de l’armure éclatante d’un roi ?

442. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XI. Le royaume de Dieu conçu comme l’événement des pauvres. »

Une parabole énergique expliquait cet appel au peuple et le légitimait 505 : Un roi a préparé un festin de noces et envoie ses serviteurs chercher les invités. […] Le roi alors prend un grand parti. […] ce seront les premiers venus, des gens recueillis sur les places et les carrefours, des pauvres, des mendiants, des boiteux, n’importe ; il faut remplir la salle, « et je vous le jure, dit le roi, aucun de ceux qui étaient invités ne goûtera mon festin. » Le pur ébionisme, c’est-à-dire la doctrine que les pauvres (ébionim) seuls seront sauvés, que le règne des pauvres va venir, fut donc la doctrine de Jésus. « Malheur à vous, riches, disait-il, car vous avez votre consolation ! […] Le « Fils de l’homme », dans cette Apocalypse bizarre, détrône les rois, les arrache à leur vie voluptueuse, les précipite dans l’enfer 512. […] Un vieux mot, « paradis », que l’hébreu, comme toutes les langues de l’Orient, avait emprunté à la Perse, et qui désigna d’abord les parcs des rois achéménides, résumait le rêve de tous : un jardin délicieux où l’on continuerait à jamais la vie charmante que l’on menait ici-bas 549.

443. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des Pyrénées »

Il voulut être enterré à Grenade, à côté d’Isabelle de Castille, et la royale sépulture de Poblet, où nous avons conduit tant d’illustres cendres, vit clore définitivement le rôle qu’elle avait joué sous les comtes de Barcelone et les rois d’Aragon. » C’est alors que l’historien ajoute : « Ce n’est pas sans raison que nous avons pris soin de suivre les rois et les comtes dans leur dernier asile. […] Les premiers rois de Sobrarbe et d’Aragon furent ensevelis à Saint-Jean-de-la-Pena ; ceux de Navarre à Saint-Sauveur-de-Leyra, à Roncevaux, à Pampelune ; ceux du royaume d’Aragon-Catalogne à Poblet. […] Les rois de France, nouveaux seigneurs du haut Languedoc, font déposer leurs cendres à Saint-Denis, et pas un de leurs sujets de ces contrées ne va s’agenouiller sur leur pierre funéraire. Bolbonne, Orthez, Lescaladieu, asile des comtes de Foix, de Béarn et du Bigorre, ont été tour à tour également délaissés, et les derniers représentants de ces dynasties, passagèrement réfugiés à Lescar, iront bientôt, avec Henri IV, confondre aussi leurs cendres dans la royale sépulture des rois de France… » Telle est la manière large, simple et magnifiquement triste de Cénac-Moncaut, quand il se fie à lui-même et que, s’arrêtant dans sa course de Basque (pardon du mot !)

444. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Les plus détestables rois qui aient jamais régné sur la France sont incontestablement les Valois. […] Mais le Royalisme, ce sentiment inouï du Royalisme, qui est de France, et qui balançait le Catholicisme dans les cœurs, l’aurait probablement empêché, s’il n’avait pas été assassiné, de porter la main sur cet être sacré et presque divin : le Roi ! […] Pour eux, le Roi était plus que l’Église, et c’est encore un profit — comme il entend les profits !  […] Pour qui regarde attentivement l’état des esprits à cette époque, il n’est nullement prouvé que Henri IV, même sans conversion, ne pût être Roi. […] Le Protestantisme, qui, un peu plus tard, allait le forcer à donner son Édit de Nantes, aurait forcé le Catholicisme lassé, et qui mourait d’avoir un Roi, à l’accepter, sans condition.

445. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

on ose, dans un sermon devant le roi, traiter de dangereux et d’impie un livre approuvé, muni d’un privilège du roi (l’Encyclopédie) ! […] Dans la correspondance qu’il entretient avec lui, Voltaire le tâte souvent, et essaye de l’engager ; en 1760, après la comédie des Philosophes de Palissot, après le discours de réception de Lefranc de Pompignan, et dans ce moment le plus vif de la mêlée philosophique, Voltaire voudrait que Duclos s’entendît avec les amis et surtout qu’il agît en cour pour faire arriver Diderot à l’Académie ; c’eût été un coup de parti en effet, et une éclatante revanche : « Vous êtes à portée, je crois, d’en parler à Mme de Pompadour ; et, quand une fois elle aura fait agréer au roi l’admission de M.  […] Ne pourriez-vous pas, après avoir établi sourdement cette batterie, vous assembler sept ou huit élus, et faire une députation au roi pour lui demander M.  […] Comme secrétaire perpétuel et historien de l’Académie, il n’a écrit qu’un court chapitre, assez piquant d’ailleurs, dans lequel il insiste beaucoup sur l’égalité académique, égalité qu’il contribua plus que personne à maintenir lors de l’élection du comte de Clermont (prince du sang) dans la compagnie : La liberté que le roi nous laisse, dit-il, et l’égalité académique sont nos vrais privilèges, plus favorables qu’on ne le croit à la gloire des lettres, surtout en France où les récompenses idéales ont tant d’influence sur les esprits. […] Dans son testament, Duclos a pris soin de mettre cet article épigrammatique : « Je donne à l’Académie mon buste du roi en bronze, et je la prie de me donner pour successeur un homme de lettres. » Personne, du reste, n’a joui plus agréablement que lui dans ses voyages, et en toute occasion, de l’avantage social qu’il y avait alors à être le confrère des gouverneurs de provinces, des archevêques et des ambassadeurs.

446. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Il n’en fut point ainsi : cette âme de Louis XVI échappait et se dérobait à son rôle de roi par ses vertus mêmes ; sa nature, toute composée de piété et d’humanité, tendait perpétuellement au sacrifice, et de faiblesse en faiblesse il ne devait plus retrouver de grandeur qu’en devenant un martyr. […] Et ailleurs, toujours du même au même (28 septembre 1791) : Il faut trancher le mot, le roi est incapable de régner, et la reine, bien secondée, peut seule suppléer à cette incapacité. […] Nous ne sommes pas ici des puristes constitutionnels : ce qu’elle voulait, ce n’était pas la Constitution de 91 assurément, c’était le salut du trône, celui de la France comme elle l’entendait, l’honneur du roi et le sien, et celui de sa noblesse, l’intégrité de l’héritage à léguer à ses enfants ; ne lui demandez pas autre chose. […] Dans une très belle lettre, adressée au comte de Mercy-Argenteau, où on lit ces mots, elle disait encore, après avoir exposé un plan désespéré (août 1791) : J’ai écouté, autant que je l’ai pu, des gens des deux côtés, et c’est de tous leurs avis que je me suis formé le mien ; je ne sais pas s’il sera suivi, vous connaissez la personne à laquelle j’ai affaire (le roi) : au moment où on la croit persuadée, un mot, un raisonnement la fait changer sans qu’elle s’en doute ; c’est aussi pour cela que mille choses ne sont point à entreprendre. […] Le dernier jour, le jour suprême de la royauté, au 10 août, elle essaie de donner à Louis XVI un élan qui l’eût fait mourir en roi, en fils de Louis XIV ; mais c’est en chrétien et en fils de saint Louis qu’il devait mourir.

447. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Les conjoints se promettent, à cet effet, d’être dorénavant « uns et communs en tous leurs désirs, actions, passions et intérêts généralement quelconques », le tout pour le plus grand bien de l’État et la conservation du roi et du royaume. […] Que le bien de l’État et la conservation du roi et du royaume, etc., etc. […] Mais derrière ces premiers articles, qui sont d’affiche et de montre, arrivent les autres plus essentiels, à savoir qu’en la tendresse de l’âge du jeune roi, le parlement de Paris présentera pour le gouvernement de l’État des personnes illustres, tirées des ordres du clergé, de la noblesse et de la magistrature, qui seront, après les princes du sang, les conseillers naturels et les ministres de la régence. […] Et comment se peut-il mettre dans l’esprit que l’on conquière à force d’armes la première place dans les Conseils du roi ? […] Malgré ses infirmités croissantes, il fit par trois fois (1667, 1669 et 1676) le voyage de Rome pour y poursuivre et y faire prévaloir les intentions du roi dans les conclaves.

448. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 20, de la difference des moeurs et des inclinations du même peuple en des siecles differens » pp. 313-319

Je ne sçais par quelle fatalité Henri II les trois rois ses enfans et Henri IV qui se succederent immédiatement, moururent tous cinq de mort violente, malheur qui n’étoit pas arrivé à aucun de nos rois de la troisiéme race, bien que la plûpart eussent regné dans des temps difficiles, et où les hommes étoient plus grossiers que dans le seiziéme siecle. […] Quels privileges et quels avantages nos rois n’ont-ils pas été obligez d’accorder aux graduez et aux clercs dans le douziéme et dans le treiziéme siecle, afin d’encourager les françois à sortir du moins de l’ignorance la plus crasse où je ne sçais quelle fatalité les retenoit plongez ?

449. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Le roi païen, surpris, veut vérifier le pouvoir de l’image. […] Colère du roi, douleur du prudhomme qui va avoir la tête tranchée : mais le saint, apparaissant, sans se ménager, aux trois filous, au roi, à son sénéchal, oblige les uns à restituer, les autres à retrouver le trésor. Conversion générale du roi, des émirs, et confusion de Tervagant, qui exhale sans doute sa colère dans un jargon approchant du « langage turc » de Molière. […] Au reste, ces drames pieux trahissent le désordre moral du temps où ils ont été composés : les papes, les cardinaux, les évêques sont maltraités, chargés de crimes et de péchés : les rois, les juges, sont faibles ou mauvais. […] Voici un « Dit des quatre offices de l’Hôtel du roi, à jouer par personnages », et ce dit, où Saucerie, Panneterie, Echansonnerie et Cuisine dialoguent comme les maîtres de M. 

450. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Il est présenté au roi, suit la chasse à Versailles. […] Le roi saint Louis se joint à eux. […] Sans compter que le roi n’était pas, lui, de la même école. […] Le roi netto manqua sur-le-champ à sa parole. […] Mais ces rois, oh !

451. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XI » pp. 89-99

À l’époque de son mariage, Montausier avait à peine trente-cinq ans ; depuis l’âge de vingt ans, il était au service et engagé dans des guerres successives, en Italie, en Lorraine, en Alsace ; en 1638, parvenu au grade de maréchal de camp, bien qu’âgé seulement de vingt-huit ans, il fut nommé gouverneur de l’Alsace, province alors d’une soumission équivoque, où le roi avait besoin d’un homme qui réunit l’art et le courage du guerrier au tarent et à la sagesse de l’administrateur ; en 1638, il se signala au siège de Brissac ; revenu à Paris pendant l’hiver de 1641, il fut rappelé à l’ouverture de la campagne par Guébriant devenu général en chef de l’armée d’Allemagne et peu après maréchal de France ; le maréchal, qui avait une grande confiance en Montausier, ayant été tué en 1643, celui-ci fut fait prisonnier, peu de temps après, à la déroute de Dillingen ; il ne recouvra la liberté qu’en 1644 ; alors enfin il lui restait encore un obstacle à franchir pour se marier ; c’était sa religion. […] Ce fut pendant son séjour à Paris, dans l’hiver de 1641, que le marquis de Montausier fit à Julie cette fameuse galanterie d’une guirlande peinte sur vélin in-folio par Robert et, à la suite de laquelle se trouvent toutes les fleurs dont elle se compose, peintes séparément, chacune sur une feuille particulière, au bas de laquelle est écrit de la main de Jarry, célèbre calligraphe et noteur de la chapelle du roi, un madrigal qui se rapporte à cette fleur. […] Petit, dans la vie de Montausier, « venaient y chercher cette noble simplicité et cette liberté honnête qui semblent être bannies du palais des rois. […] C’était un homme avec qui il fallait compter, pour qui le roi n’eut toujours des égards infinis et beaucoup de confiance, et monseigneur une déférence totale tant qu’il vécut, et qui bien que peu affligé de sa mort, a conservé toujours pour tout ce qui lui a appartenu, et jusques à ses domestiques, toutes sortes d’égards et d’attentions. » Saint-Simon ajoute à ces graves notions, celle-ci, qui n’est pas sans mérite : « La propreté de M. de Montausier, qui vivait avec une grande splendeur, était redoutable à sa table, où il avait été l’inventeur des grandes cuillers et des grandes fourchettes qu’il mit en usage et à la mode. »

452. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racine, et Pradon. » pp. 334-348

Il débuta, dans le monde, par une ode sur le mariage du roi ; elle lui valut une gratification : ce succès le détermina à la poësie. […] Deux jours après, les comédiens du roi représentèrent la Phédre de Pradon. […] Le duc fut encore retenu par la crainte de s’attirer l’indignation du roi, qui les avoit tout récemment choisis pour écrire l’histoire de son règne. […] La persécution de ses ennemis & la crainte d’avoir déplu au roi dans une affaire où madame de Maintenon l’avoit engagé, & où elle ne le soutint point, abrégèrent ses jours.

453. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

L’ami peut louer son ami, l’esclave son maître, le sujet son roi. […] Il ne nous reste rien des hymnes de Pindare, mais nous savons qu’elles étaient toutes consacrées à cet Apollon de Delphes, dont les oracles mettaient à contribution la crédulité des peuples et l’ambition des rois. […] Je m’imagine que Cléanthe, qui fut le second fondateur du portique, et qui, obligé de travailler de ses mains pour vivre, compta un roi parmi ses disciples, un jour, après leur avoir expliqué ses principes sur le système du monde et son auteur, tout à coup enflammé d’enthousiasme, se fit apporter une lyre, et chanta en leur présence cette hymne qui nous a été conservée par Stobée. […] Tant, ô roi suprême, ton pouvoir est illimité et souverain !

454. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre V. Du gouvernement de la famille, ou économie, dans les âges poétiques » pp. 174-185

Les premiers pères furent à la fois les sages, les prêtres et les rois ou législateurs de leurs familles66. Ils durent être dans la famille des rois absolus, supérieurs à tous les autres membres, et soumis seulement à Dieu. […] Il en est resté cette loi éternelle, que les républiques seront plus heureuses que celle qu’imagina Platon, toutes les fois que les pères de famille n’enseigneront à leurs enfants que la religion, et qu’ils seront admirés des fils comme leurs sages, révérés comme leurs prêtres, et redoutés comme leurs rois. […] C’est cette tradition vulgaire sur la sagesse des anciens qui a trompé Platon, et lui a fait regretter les temps où les philosophes régnaient, où les rois étaient philosophes .

455. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

mon cher Horace, répondit le roi ; y pensez-vous ?  […] « Vous voyez bien, mon cher Horace, lui dit le roi en se remettant à marcher, je suis plus fort que tous les rois d’Europe ; je tiens lord Palmerston dans ma main, je l’écraserais au besoin ; aucun roi en Europe ne peut bouger sans ma permission. » Ces paroles, ou leur équivalent, se retrouvent dans l’Histoire de M. Garnier-Pagès ; le roi, soufflant sur de la poudre répandue sur une feuille de papier, aurait dit en se tournant vers Horace : « Quand je voudrai (et d’un geste il montrait le quai), cela se dispersera comme ceci. […] Louis-Philippe devait venir en visite à l’atelier ; Horace se tenait sur le qui-vive, et, au moment où le roi entra, il fit comme s’il était occupé à effacer la croix. — « Que faites-vous donc là, Horace ?  […] ne l’effacez pas » dit le roi.

456. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

combien, dis-je alors, la grandeur que je voi Est misérable au prix de la grandeur d’un roi ! […] Si, dans l’Élégie intitulée Patriæ desiderium, il sut chanter en un latin agréable les souvenirs de l’Anjou, de son cher Liré et des rives de Loire, il fit mieux d’y revenir en français, et je ne sais pas de meilleure leçon de goût pour un jeune poète que de lui donner à lire la pièce latine, si élégante, de Du Bellay, en mettant à côté et en regard le même tableau qu’il a rendu en français dans ce petit chef-d’œuvre qu’on peut appeler le roi des sonnets. […] Voyant donc qu’il n’y avoit autre remède et qu’il m’étoit impossible de supprimer tant de copies publiées partout, pour ce que le feu roy (que Dieu absolve !) […] Je ne voudrais plus y joindre, pour nous donner l’entier spectacle de l’âme et des dispositions intérieures du pauvre et triste poète, dans les derniers mois de sa vie, qu’une autre lettre française de lui adressée à un ami (le même Morel probablement), sur la mort du feu roi et le département de Madame de Savoie. […] J’avois (et peut-être non sans occasion) conçu quelque espérance de recevoir un jour quelque bien et avancement de la libéralité du feu roi, plus par la faveur de Madame que pour aucun mérite que je sentisse en moi.

457. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

aimé comme un roi ! […] … La Part du Roi est la Djamileh du Théâtre-Français. […] Autant que la Faute de l’abbé Mouret ou la Joie de vivre, le Roi vierge fit saisir aux mains actives l’inanité charmante des chapeaux de rêve. […] À la tête de ses voluptueuses, de ses satyres, de ses bohèmes, de ses rois extatiques, de ses moines hallucinés, Mendès est lui-même le Christ de cet assaut qui crie aux troupes : « Frappez et on vous ouvrira ». […] Dans le Roi vierge, il faut choisir, pour lui rendre justice, le beau personnage de Gloriane et l’agile silhouette de Brascassou relevé de toute sa louche agilité, cette statue de chair vive, cette reine d’opéra.

458. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

Ayant à nommer l’oiseau appelé roitelet, l’idée de petit roi est celle qui vient à l’esprit de l’homme : grec, il dit [mot en caractères grecs] ; latin, regaliolus 139 ; allemand, zaunkœnig (roi des haies)140 ; anglais, kinglet ; suédois, kungsfagel (l’oiseau roi) ; espagnol, reyezuelo ; italien, reattino ; hollandais, koningje ; flamand, kuningsken ; polonais, krolik 141. […] Il reste que le paysan français, devant le minuscule oiseau, a été obligé de dire : petit roi, tout comme, vingt siècles plus tôt, le paysan grec. […] Voici encore quelques autres noms du roitelet : allemand, Dornkœnig, roi des épines ; saxon, Nesselkonig, roi des orties ; vieux hollandais, winterconincsken et muijskonincsken, roi de l’hiver et roi des souris ; piémontais : reatél et pcit-re. […] Kral, roi. — Dans la transcription des mots suédois et polonais, nous avons dû omettre les signes et les accents inconnus à l’alphabet romain.

459. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Le seigneur Abus, personnage commun à quelques-unes de ces pièces, n’était rien moins que le roi, ou l’Eglise, ou les seigneurs et tout ce qui était privilège. […] La compétition des deux pères pour les fonctions de gouverneur du fils du roi, les hauteurs du comte, la dignité du vieux don Diègue, l’intervention du roi entre Rodrigue et Chimène, le rôle de don Sanche, estimé, mais point aimé, que Chimène accepte pour champion, tout en désirant secrètement qu’il succombe ; tout cela, c’est la vie universelle et qui ne change pas. […] N’a-t-elle pas secrètement l’espoir que le roi lui refusera la mort d’un ennemi auquel elle a résolu de ne pas survivre ? […] Ne s’y mêle-t-il pas quelque chose du dehors, l’influence des mœurs locales, et ce que le roi lui-même appelle un point d’honneur32? […] Le personnage du roi dans le Cid, celui de Félix dans Polyeucte, en sont les types les plus adoucis.

460. (1894) Études littéraires : seizième siècle

C’est peu de chose qu’un roi qui aime l’argent pour acheter des femmes, devant un roi qui aime l’argent pour acheter des hommes. […] Un vrai souverain, c’est « un roi en son conseil ». […] Elle censura les psaumes et lit des remontrances et plaintes au roi. […] C’est le roi du naturel dans le récit. […] Dans le monde littéraire il trônait plutôt comme un dieu que comme un roi.

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