Ces signalements de notre façon suffiraient pour les faire reconnaître : mais tout lecteur digne d’Oberman n’aura besoin de guide autre que lui-même, dès qu’il s’y sera plongé.
Jouffroy, qu’il pouvait avoir l’âme belle et l’esprit bien fait, mais je lui reconnaîtrai peut-être la possession de ces choses (très-rares et très-estimables à coup sûr) sans une très-grande admiration.
Quand on a soi-même des portions de l’artiste, qu’on l’a été un moment, ou du moins qu’on a désiré de le devenir à quelque degré, la vigilance sur les créations naissantes est extrême ; le clin d’œil est rapide et peu trompeur ; on reconnaît avec un instinct vif, presque jaloux, ces lumières qui pointent à l’horizon et vont à mesure éteindre les anciennes.
M. de Cayrol, qui n’entend pas contradiction sur son héros, traite fort mal M. de Feletz, pour avoir osé mettre en doute l’agrément de Gresset en prose ; il me semble qu’au moment où il plaidait pour les agréments d’un autre, le digne biographe l’aurait pu faire en un style plus persuasif et mieux assorti ; pour moi, en ces matières d’urbanité, je suis accoutumé à reconnaître M. de Feletz comme un excellent juge.
Combien sommes-nous qui nous reconnaissons (les uns plus, les autres moins) dans Armand de Querne !
Pour le concevoir, il faudrait saisir l’universalité des Formes, ce qui est impossible ; mais nous reconnaissons Brahma dans Maya lorsque la concordance parfaite de quelques formes nous présente un reflet de la toute Harmonie future.
Il y a quelque chose que nous savons reconnaître dans les applications les plus diverses ; quelque chose qui appartint ou même degré à Galilée, à Pascal, à Michel-Ange, à Molière ; quelque chose qui fait la sublimité du poète, la profondeur du philosophe, la fascination de l’orateur, la divination du savant.
Son arrangement sériel des sciences est une conception vicieuse ; il y a entre elles un concensus que Comte a eu le tort de ne pas reconnaître.
Je crois reconnaître, dans ce mot d’un ancien, le vers d’Horace : Quidquid delirant reges, plectuntur Achivi ; ce que La Fontaine a traduit à sa guise : Hélas !
Vers le mois de juillet 1729, un petit abbé bossu et peintre en miniature, l’abbé Bouret, fils d’un trésorier de France à Metz, se présenta deux fois chez Mlle Le Couvreur, et, ne l’ayant pas trouvée, il laissa pour elle une lettre dans laquelle il lui disait qu’il avait des choses importantes à lui révéler, et que, si elle en voulait être informée, elle n’avait qu’à venir le lendemain dans une allée solitaire du Luxembourg qu’il lui désigna ; que là, à trois coups qu’il frapperait sur son chapeau, elle le reconnaîtrait et pourrait tout apprendre de lui.
Leclercq : c’était assurément lui reconnaître de l’esprit.
On lui donna la coupe ; il la porta à miss Marianne en y mettant un petit billet tout préparé à l’avance, qui disait : « Sir Marmaduke étant arrivé un instant trop tard, permettez-moi de suivre ses intentions et de mettre la coupe à vos pieds. » Miss Marianne reconnaissait l’écriture de Lauzun et disait : « Il est charmant !
Des quatre noms qu’il cite, trois aujourd’hui sont unanimement salués et reconnus : Mme de Staël et Burke sont hors ligne ; Rivarol, moins relu, a laissé un nom brillant et comme un lointain phosphore.
On voit que c’eût été une royaliste assez libérale que Mme de Motteville ; mais cette femme d’esprit et de sens, qui assiste à ces scènes terribles, et qui les raconte, n’est pas dupe des grands mots, ni des apparences ; elle y mêle de ces remarques qui honorent l’historien, et que les politiques ne désavoueraient pas : « Quand les sujets se révoltent, dit-elle, ils y sont poussés par des causes qu’ils ignorent, et, pour l’ordinaire, ce qu’ils demandent n’est pas ce qu’il faut pour les apaiser. » Elle nous montre ces magistrats mêmes, qui avaient été les premiers à émouvoir le peuple, s’étonnant bientôt de le voir se retourner contre eux et ne les pas respecter : « Ils se reconnaissaient la cause de ces désordres, et n’y auraient pu remédier s’ils avaient voulu l’entreprendre ; car, quand le peuple se mêle d’ordonner, il n’y a plus de maître, et chacun en son particulier le veut être. » Rentrons un peu en nous-mêmes, et demandons-nous si ce n’est pas là encore notre histoire.
Pour marquer que les soldats, à mesure qu’ils faisaient la guerre plus loin de Rome, sentaient s’affaiblir en eux l’esprit du citoyen, il dira : « Les soldats commencèrent donc à ne reconnaître que leur général, à fonder sur lui toutes leurs espérances, et à voir de plus loin la ville. » La ville par excellence, Urbs, c’est Rome ; on ne peut dire d’une manière en apparence plus simple une chose plus forte.
Necker a prévalu depuis lui dans une école politique et littéraire ; on le reconnaîtrait à l’origine des principaux écrivains doctrinaires de ce temps-ci, et jusque dans bien des parties de la langue imposante et forte de M.
Donc, plus un auteur veut peindre l’homme complexe de notre société, c’est-à-dire précisément l’être qui nous intéresse davantage, plus il doit se résigner à ce que cet être complexe change au bout de peu d’armées et ne se reconnaisse plus dans le portrait qu’il aura fait de lui.
Eh bien, le poëte belluaire, que vous admirez dans Orphée, reconnaissez-le dans Juvénal.
Qui reconnaîtrait, par exemple, l’hyène grotesque et couarde des fables dans le chef des hyènes du conte de « Binanmbé » ou bien encore dans celui du conte intitulé « D’où vient le solei.
Tout en prenant ses précautions contre eux, il reconnaît, par l’admiration qu’il leur a vouée, que Wolf et Strauss sont ses maîtres, Strauss, le prestidigitateur de l’érudition, l’escamoteur historique, dont le livre apoplectique veut expliquer tous les faits de l’Évangile par des mythes purs, — comme on avait, avant lui, essayé de les élucider avec des explications naturelles.
Vous avez reconnu dans les êtres des groupes distincts de faits principaux, et vous les avez appelés destinée.
… Au surplus, on peut, dans l’œuvre de Lamartine, dégager et mettre en lumière des passages, des confidences, qui sont la révélation expresse de cette qualité de force insuffisamment reconnue, etc… » Il est cependant une preuve que M. de Pomairols oublie. […] … Le navire ailé reconnut sa route : Et, dirigeant sa proue aux pointes du Sina Sur la mer Asphalite en glissant s’inclina. […] Sur quoi, pris d’un vieux scrupule chrétien dans une période embrouillée, inachevée peut-être, et dont il n’est presque pas possible de saisir la construction grammaticale il s’efforce de distinguer entre « le Tout » des panthéistes, « ce second chaos… où Dieu s’évapore… où le bien n’est plus bien, où le mal n’est plus mal », et « le Tout » orthodoxe, « centre-Dieu de l’âme universelle »… Mais enfin, il reconnaît qu’il n’y voit goutte ; et il s’en tire par ce que j’appellerai une loyale défaite. […] Cette force divine immanente au monde, c’est celle qu’adoraient les stoïciens (Mens agitat molem… Spiritus intus alit), et c’est aussi quelque chose d’analogue à la force que reconnaît, par un postulat nécessaire, la doctrine de l’évolution, à ce je ne sais quoi qui, dans les minéraux, veut s’agréger ou se cristalliser ; qui, dans le règne végétal ou animal, veut vivre et croître, s’adapte aux milieux pour en tirer le plus de vie possible, assouplit et achève les types, et les transmet perfectionnés… Nul poète, nul philosophe, nul historien n’a mieux senti que Lamartine, ni plus superbement exprimé la marche évolutive de l’histoire.
Après l’affreuse nuit du moyen âge et les douloureuses légendes des revenants et des damnés, c’est un charme que de revoir l’olympe rayonnant de la Grèce ; ses dieux héroïques et beaux ravissent encore une fois le cœur des hommes ; ils soulèvent et instruisent ce jeune monde en lui parlant la langue de ses passions et de son génie, et ce siècle de fortes actions, de libre sensualité, d’invention hardie n’a qu’à suivre sa pente pour reconnaître en eux ses maîtres et les éternels promoteurs de la liberté et de la beauté. […] S’il trouve les yeux de Stella plus beaux que toute chose au monde, il trouve « son âme plus belle encore que son corps. » Il est platonicien, lorsqu’il raconté que la vertu, voulant se faire aimer des hommes, a pris la forme de Stella pour enchanter leurs yeux, « et leur faire découvrir ce ciel que le sens intérieur révèle aux âmes héroïques. » On reconnaît en lui la soumission entière du cœur, l’amour tourné en religion, la passion parfaite qui ne souhaite que de croître, et qui, semblable à la piété des mystiques, se trouve toujours trop petite quand elle se compare à l’objet aimé. « Ma jeunesse se consume ; mon savoir ne met au jour que des futilités. […] À cette noblesse, à ces hautes aspirations, reconnaissez une de ces âmes sérieuses comme il y en a tant sous ce climat et dans cette race. […] Chaque objet ainsi pensé et imaginé acquiert l’être définitif en acquérant la forme vraie ; après des siècles, on le reconnaîtra, on l’admirera, on sera touché par lui ; bien plus, on sera touché par son auteur. […] Vous reconnaissez ici l’exubérance et les bizarres caprices d’une végétation intérieure trop ample et trop forte.
XLII Un barbier rasait un pair de France : on parlait du Juif errant ; le barbier, grand admirateur des Mystères de Paris, s’écria : « C’est bien mauvais, je ne reconnais pas mon Sue. » XLIII Le style de Bariolus a longtemps battu la campagne en habit d’Arlequin ; les années et l’expérience ont fini par lui donner une dose de bon sens et de pensée : — une dose bien frelatée encore. […] On a reconnu la matière des vers célèbres de Musset : Amour, fléau du monde, exécrable folie, Toi qu’un lien si frêle à la volupté lie, Quand par tant d’autres nœuds tu tiens à la douleur ! […] — Ampère, chaque fois qu’il rencontrait de Vigny, ne pouvait s’empêcher, disait-il, de se rappeler les vers de Boileau dans la satire du dîner ridicule : Il est vrai que Quinault est un esprit profond, A repris certain fat qu’à sa mine discrète Et son maintien jaloux j’ai reconnu poète.
L’âge imbécile qui vient de finir demeure enfoui sous le dédain avec ses radotages de versificateurs et ses manuels de cuistres, et parmi les libres opinions qui arrivent de l’antiquité, de l’Italie, de la France et de l’Espagne ; chacun peut choisir à sa guise, sans subir une contrainte ou reconnaître un ascendant. […] C’est la première explosion de la jeunesse ; rappelez-vous les brigands de Schiller, et comment notre démocratie moderne a reconnu pour la première fois son image dans les métaphores et les cris de Charles Moor. […] À proprement parler, le spectateur est comme un homme qu’on promènerait le long d’un mur percé de loin en loin de petites fenêtres ; à chaque fenêtre, il embrasse pour un instant, par une échappée, un paysage nouveau avec ses millions de détails ; la promenade achevée, s’il est de race et d’éducation latines, il sent tourbillonner dans sa tête un pêle-mêle d’images, et demande une carte de géographie pour se reconnaître ; s’il est de race et d’éducation germaniques, il aperçoit d’ensemble, par une concentration naturelle, la large contrée dont il n’a vu que des fragments.
Henri de Régnier n’a jamais été assuré de mon mépris, qu’on peut relire toutes mes critiques touchant ses contes, ses poèmes, ses ouvrages divers, que si je ne puis partager son esthétique, j’ai toujours reconnu sa haute valeur ; et que, pour tout dire, enfin, je n’ai pas à me reprocher, vis-à-vis d’aucun écrivain, les violences dont M. […] Car n’est pas naturiste quiconque aime la nature, simule ou ressent devant elle quelque émotion (tout poète, dans ce cas, serait naturiste), mais quiconque la perçoit sous son angle d’éternité, quiconque dans le moindre frisson d’herbes ou d’eau reconnaît une manifestation divine, quiconque envisage toutes choses, selon leur caractère permanent, eurythmique et profond. […] « L’art moderne, nous dit-il, rompt d’une manière décisive avec l’idéalisme, c’est-à-dire que, respectueux de ce qu’il voit et de ce qu’il sent, il ne se reconnaît pas le droit de trahir les formes dans le but de leur faire exprimer un autre sens que celui qu’elles possèdent réellement.
On nous permettra d’observer ici qu’un des moyens les plus propres pour se former à cet égard le style et le goût, c’est de lire et d’écrire beaucoup sur des matières philosophiques : car la sévérité de style et la propriété des termes et des tours que ces matières exigent nécessairement, accoutumeront insensiblement l’esprit à acquérir ou reconnaître ces qualités partout ailleurs, ou à sentir qu’elles y manquent. […] Ces deux espèces de mots radicaux étant marqués et désignés, on reconnaîtra aisément et on marquera les dérivés et les composés. […] Un lecteur, doué d’une mémoire heureuse, pourrait apprendre de suite ces racines, et par ce moyen avancerait beaucoup, et en peu de temps, dans la connaissance de la langue ; car, avec un peu d’usage et de syntaxe, il reconnaîtrait bientôt aisément les dérivés.
Cet ordre, auquel notre action s’adosse et où notre intelligence se reconnaît, nous paraît merveilleux. […] Comme d’ailleurs l’intelligence se découpe dans l’esprit par un processus du même genre, elle est accordée sur cet ordre et cette complication, et les admire parce qu’elle s’y reconnaît. […] On ne la reconnaît qu’en se plaçant dans l’intuition pour aller de là à l’intelligence, car de l’intelligence on ne passera jamais à l’intuition.
Saint-Martin, dans ce débat, forcé à regret de se produire et de parler devant la galerie, le prend d’emblée avec Garat sur le pied non plus d’un élève, mais d’un maître : on reconnaît l’homme qui a longtemps médité sur les plus grands et les plus intimes problèmes de notre nature, et qui souffre d’avoir à en démontrer les premiers éléments.
Il s’agissait pour Villars de joindre l’électeur de Bavière le plus promptement possible ; mais en attendant qu’il eût fait reconnaître les chemins et qu’ils fussent praticables, il résolut d’attaquer le prince de Bade dans ses lignes de Bühl et de Stollhofen, lignes en renom qui fermaient l’entrée de l’Allemagne, et qu’il emporta quelques années plus tard sans difficulté, mais après la mort du prince.
Qui n’a salué en lui toute une race de vaillants, et la plus aisée à reconnaître, brave, glorieuse, évidemment née pour la guerre, avide des occasions, impatiente de les faire naître, toujours en avant, en dehors, confiante, brillante, la plus prompte au danger, mais ardente aussi à l’honneur et à la récompense ?