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533. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Il y a, je me le suis dit souvent, un jour décisif et fatal après la première jeunesse, après les premiers triomphes ; il s’agit de réaliser les espérances, de pousser sa conquête, d’asseoir sa seconde et définitive destinée. […] Ce n’est pas sa manière naturelle, à lui, d’entrer dans les choses par les épines ; il lui faut, pour y venir, être averti, poussé du dehors. […] Villemain poussait trop loin le scrupule.

534. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Lorsque Ulysse déguisé en mendiant arrive chez le fidèle Eumée, celui-ci traite son hôte avec honneur ; il lui sert le dos tout entier d’un porc succulent, lui présente la coupe toute pleine, et Ulysse, moitié ruse, moitié gaieté, et comme animé d’une pointe de vin, se met à raconter avec verve certaine aventure à demi mensongère où figure Ulysse lui-même : « Écoute maintenant, Eumée, s’écrie-t-il, écoutez vous tous, compagnons, je vais parler en me vantant, car le vin me le commande, le vin qui égare, qui ordonne même au plus sage de chanter, qui excite au rire délicieux et à la danse, et qui jette en avant des paroles qu’il serait mieux de retenir… » Et cela dit, le malin conteur pousse sa pointe et, comme entre deux vins, il risque son histoire, qui a bien son grain d’humour et dans laquelle il joue avec son propre secret. […] Celui-ci était chansonnier comme La Fontaine était fablier ; il y avait dans le talent qui le poussait à la chanson, ou, pour mieux dire, dans la séve qui poussait des chansons en lui, quelque chose d’irrésistible, quelque chose qui le pose assez bien entre Chapelle et La Fontaine.

535. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Qu’on la presse de questions, qu’on la pousse sur les moyens, sur le but, sur la tradition légitime et le symbole, la voilà qui s’arrête ; son abondance de cœur lui fait défaut, et elle se retourne, en l’interrogeant, vers M. […] Pourtant le mouvement teutonique de réaction contre la France, ou du moins contre l’homme qui la tenait en sa main, allait bientôt gagner Mme de Krüdner et la pousser, par degrés, jusqu’au rôle où on l’a vue finalement. […] Tout ce qu’elle voyait rentrait dans son inspiration et y poussait.

536. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

André Chénier s’y poussa plus avant qu’aucun, et, par la vigueur des idées comme par celle du pinceau, il était bien digne de produire un vrai poëme didactique dans le grand sens. […] André Chénier voulait ressusciter la Grèce ; pourtant il ne faudrait pas autour de lui, comme autour d’un manuscrit grec retrouvé au xvie  siècle, venir allumer, entre amis, des guerres de commentateurs : ce serait pousser trop loin la Renaissance69. […] On ne se figure pas jusqu’où André a poussé l’imitation, l’a compliquée, l’a condensée ; il a dit dans une belle épître : Un juge sourcilleux, épiant mes ouvrages, Tout à coup, à grands cris, dénonce vingt passages Traduits de tel auteur qu’il nomme ; et, les trouvant, Il s’admire et se plaît de se voir si savant.

537. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

Tantôt on poussait la diplomatie de Louis-Philippe à la restauration chimérique de la Pologne, restauration que Napoléon lui-même, à la tête de sept cent mille hommes et campé à Varsovie, n’avait pas osé tenter. Tantôt on la poussait à humilier ou à coaliser l’Allemagne au nom des limites du Rhin ; tantôt à braver l’Angleterre, qui ne pouvait que s’en réjouir, en conquérant en Afrique un onéreux empire dont la France aurait la charge et dont l’Angleterre nous couperait la route en cas de guerre par de nouveaux Trafalgars et par d’autres Aboukirs. […] » V Tantôt on la poussait, par je ne sais quel engouement contre nature, à s’armer pour le démembrement de l’empire ottoman en faveur d’un pacha d’Égypte, ci-devant marchand de tabac à Salonique, ami des Anglais, révolté contre le sultan son maître ; à donner ainsi, aux dépens de la Turquie, notre alliée naturelle, un empire arabe aux Anglais, pour doubler ainsi leur empire des Indes, et à livrer, d’un autre côté, l’empire ottoman, affaibli d’autant, à la Russie ; politique à contresens de tous les intérêts de la France, que M. 

538. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

« On le pousse hors du palais. […] « Après cela, on le poussa vers les gémonies, où l’on avait exposé récemment le cadavre de Julius Sabinus. […] « Ce fut la débauche du sang et l’appétit des dépouilles qui poussèrent ton génie, ignoré et inexpérimenté encore des justifications que tu cherches aujourd’hui, à t’assouvir de ce carnage illustre.

539. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

puis, poussé de nouveau par l’instinct de l’infini qui est en moi, je me relève et je célèbre en balbutiant les miracles de ta nature. […] Ils poussent de bas en haut à des intervalles à peu près réguliers, et de la sorte, quand l’étrangleur arrive au terme de sa croissance, la victime est étroitement garrottée par une quantité de chaînons rigides. […] Il ne peut pousser dans un espace donné qu’un seul de ces arbres monstrueux, qui accapare le domaine, et aux abords duquel on n’aperçoit que des individus d’une dimension beaucoup plus modeste.

540. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Cinq-Murs (1826) a bien vieilli, et poussé au mélodrame : les caractères historiques, dont les originaux sont trop voisins et trop connus, sont d’une fausseté choquante ; les intentions sentimentales et philosophiques jurent avec la date et le costume du sujet ; les inventions pathétiques sont outrées et grimaçantes ; le style est trop appliqué et ronflant, de qualité médiocre au fond sous l’éclat travaillé des images. […] Et quand, à vingt ans, ils sont lâchés à travers la société, avec l’ambition et avec l’assurance d’arriver à tout, ils trouvent toutes les places prises ; les parentés, les protections, l’argent, l’intrigue ont poussé et poussent devant eux des médiocrités dans tous les emplois.

541. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Une phrase en pousse une autre. […] Mis en goût d’invention par ces publications de documents, ou peut-être poussé par son frère, Edmond de Goncourt s’adonna au roman moderne. […] Pourquoi, libre et riche, n’a-t-il jamais fait de grand voyage, si ce n’est une fois poussé par Maxime du Camp ?

542. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Non, les hommes de science se font hommes de lettres pour répandre leurs idées, pour les rendre accessibles, aimables, attrayantes ; et les hommes de lettres, à leur tour, se laissant tenter par la gloire du physicien ou du naturaliste, poussent des pointes dans un domaine qui trop souvent leur est étranger. […] On pourrait pousser plus avant ces analogies curieuses entre la littérature et les méthodes en honneur dans le groupe de sciences dominant. On verrait, par exemple, comment les théories microbiennes d’un Pasteur, ses recherches sur les infiniment petits des corps ont pour pendant les fines études des romanciers analystes, les subtiles anatomies morales d’un Bourget coupant, comme on l’a dit, un cheveu en quatre, ses tentatives pour pousser ses délicates dissections jusqu’au plus menu détail, son talent à saisir et à rendre visibles les infiniment petits du cœur humain ; on verrait comment cette prédominance de l’esprit d’analyse se marque, dans l’érudition du temps, par des discussions acharnées sur un point ou une virgule, par une foule de travaux minutieux dont les auteurs fouillent à la loupe avec une patience infatigable quelque coin exigu du passé.

543. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Le passé s’en va, l’arbre ancien est mort et l’on aura beau l’empanacher des branches du jeune arbre qui pousse, on ne lui redonnera plus la sève tarie. […] Ils poussaient leurs chevaux qui entraient jusqu’au poitrail dans la boue, ce qui était pitoyable à voir. […] Gravière, notre directeur, vient de partir pour Dresde et Munich où ont lieu actuellement des représentations de cette œuvre et, dès son retour, les études en seront poussées activement. — L.

544. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

» Ni les railleries de ses compagnes, ni les reproches alarmés du chasseur Erick, son fiancé, n’atténuent l’ardeur de son sublime désir ; et, tout à coup, elle a poussé un cri terrible, car le voici, en face d’elle, le sinistre marin dont elle a cent fois contemplé le portrait suspendu à la muraille. — Cette rencontre parmi le silence épouvanté de l’orchestre, silence interrompu par de sourds battements de cœurs oppressés, est si puissamment pathétique que l’on sent, immobile comme Senta elle-même, des larmes d’angoisse vous venir aux yeux. — Eh bien, elle ne renoncera pas à son dessein. […] Dans leur préface, les auteurs déclarent avoir voulu faire « un travail d’ensemble, un résumé clair et complet, un guide, en un mot, pour ceux que la curiosité pousse à aborder ces œuvres complexes, mais nullement inintelligibles ». […] L’éternel désaccord entre l’idéal et la vie, la recherche toujours inassouvie de visées vaguement pressenties mais jamais reconnues, ont précocement mis un terme à la vie de cet artiste qui par une force irrésistible fut poussé à communiquer son idéal à ses contemporains.

545. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Léon Daudet nous fait passer par toutes les phases de ces odieuses amours, amours de fous décrites avec un rare talent quoique, disons-le aussi, poussées parfois jusqu’à l’outrance. […] Le jeune roi, poussé à bout par le cardinal, avait fini par consentir à épouser Marie-Thérèse, et, en même temps, avait accepté le mariage de celle qu’il avait adorée avec le connétable Colonna. […] Mais est-ce bien cet esprit-là qui touchait Rousseau quand il courait à elle, poussé par la bestiale sensualité qu’il avoue avec une si étrange ingénuité ? […] Les romanesques pousseront les hauts cris, mais ce n’est là que l’exacte vérité, et je me souviens d’une scène à laquelle j’assistai chez un médecin très positiviste et qui avait résolu de guérir un de ses amis les plus intimes d’une très folle passion. […] Dans la maison du futur maître, les femmes, en entendant les détonations, commencent à pousser des you-you étourdissants.

546. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

On se pousse les uns les autres, sous tous ces déménagements, sous toutes ces fuites, on se pousse sous les roues de toutes ces charrettes, de tous ces omnibus, de tous ces transports militaires, de tous ces haquets, enchevêtrés l’un dans l’autre, embourbés dans le chemin défoncé. […] Je pousse jusqu’à La Chapelle. […] Sur la chaussée se presse et se hâte la fin des déménagements retardataires, que traîne dans des voitures à bras le mâle attelé, que pousse par derrière la femelle. […] Il y a la barricade classique en pavés, la barricade en sacs de terre ; il en est de pittoresques formées de troncs d’arbres — de vraies lisières de forêts poussées dans un mur ruiné. […] Du Pré Catelan, je pousse au Jardin d’Acclimatation, par ce joli chemin côtoyant un ruisseau sous des arbres verts.

547. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

À l’imperturbable dédain avec lequel il affrontait les regards, on devinait que, pour peu qu’on l’eût poussé, il fût revenu à la seconde représentation pavoisé d’un gilet jonquille. […] Là nous reçûmes l’impulsion qui nous pousse encore après tant d’années et qui nous fera marcher jusqu’au bout de la carrière. […] Il faut d’abord bien se figurer qu’à cette époque, en France, dans la poésie et même aussi dans la prose, l’horreur du mot propre était poussé à un degré inimaginable. […] Il ne poussa pas plus loin ces essais infructueux et il se remit, loin de l’école, à suivre sa propre inspiration. […] Ses prédilections le poussaient vers l’Allemagne, où il ne put aller.

548. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Je ne pousserai pas plus loin, pour aujourd’hui, cette méditation, que je crois salutaire et édifiante. […] Avec le vent du sud, qui pousse vers Kiev les voiliers du Dnieprg, arrivent des idées nouvelles. […] Les Grecs s’époumonaient à hurler des refrains guerriers et de vieux péans, tandis que les tribus des steppes poussaient des cris d’animaux. […] Et il se rend un compte fort exact des raisons qui le poussent à cette prédilection. […] Héraklès, armé d’une large pelle, dans l’attitude d’un bon ouvrier, pousse le fumier.

549. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Allez, allez, petits symbolistes, vous pouvez continuer à sécréter du venin, à intriguer dans vos parlotes, à organiser des cabales, à jeter, pour ennuyer M. de Bouhélier, des oignons au visage de Mlle Rabuteau, vous pouvez, à la représentation de nos pièces, venir pousser des cris d’animaux. […] Le Blond sur le compte de certains « petits Symbolistes » qui, paraît-il, abreuvent ces pauvres grands Naturistes d’outrages et de calomnies, sécrètent à leur égard du venin, poussent à la représentation de leurs pièces des cris d’animaux — de taupe et de fouine sans doute — et qui, pour comble de grossièreté, jettent ces fameux oignons au visage de Mlle Rabuteau que les mêmes Symbolistes avaient pourtant si souvent applaudie à l’Odéon. […] Madeleine ne lui suffit pas, il est sans cesse poussé à d’autres aventures. […] * *   * De toute la famille parnassienne, Stéphane Mallarmé fut peut-être celui qui poussa le plus loin le culte de la forme, il le poussa jusqu’à l’idolâtrie. […] Ce qui constitue le charme, la grâce et la beauté de la Jeunesse, ce sont ses singulières aptitudes à l’enthousiasme, ses facultés d’admiration, qui la poussent à rétablir dans leur situation glorieuse les hommes qui en sont dignes.

550. (1886) Le roman russe pp. -351

Je veux bien qu’il y ait un peu de mode, — c’est la plante parasite attachée à tout arbre qui pousse, — et de l’engouement dans quelques salons. […] L’industriel se présente chez un homme et lui pousse son étrange proposition : « Cédez-moi vos âmes mortes », sans expliquer, bien entendu, ses motifs secrets. […] Jamais encore Tourguénef n’avait poussé aussi loin la puissance créatrice, le don de l’observation minutieuse. […] — Les ailes peuvent nous pousser, répliquai-je. […] Nous nous figurerons que nous volons, que les ailes nous sont poussées… … Je la quittai assez tard.

551. (1887) Essais sur l’école romantique

si j’en crois mes regards indécis, C’est la barque d’Hermès ou la conque d’Isis,         Que pousse une brise légère. […] Car c’est là le caractère de ce temps-ci, que celle qui pousse est déjà plus importante que celle qui est en débat. […] Quand les grands vents soufflent, ils ne courbent que les cimes des arbres ; l’herbe qui pousse à leurs pieds n’en est pas même troublée. […] Pourquoi donc n’ai-je pas poussé la confession jusqu’à la contrition en ne réimprimant pas ces articles de critique ? […] Son public ne le poussera-t-il pas en avant ?

552. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

 » On conviendra que ce dernier argument n’est pas mal poussé. […] Elle profita d’un voyage aux eaux de Bourbonne où elle était allée conduire une de ses filles, pour pousser de là par Besançon et Pontarlier jusqu’en Suisse. […] Rendre et recevoir des soins de ses amis, voilà le seul plaisir que je me sois réservé. » — « Lorsque vous poussez les privations trop loin, lui écrivait elle encore, je prie Mlle Levasseur de vous dire que c’est manquer à l’amitié que mérite mon attachement pour vous. […] Il eut, dit-il, deux grands plaisirs en ce temps au milieu de tous ses ennuis ; et après avoir parlé d’un service qu’il put rendre à un ami, en contribuant par le canal de Milord Maréchal à le faire conseiller d’État et en acquittant ainsi envers lui une dette de reconnaissance, il ajoute : « Mon autre grand plaisir fut une visite que vint me faire Mme de Verdelin avec sa fille, qu’elle avait menée aux bains de Bourbonne, d’où elle poussa jusqu’à Motiers, et logea chez moi deux ou trois jours (probablement le 4ème et le 2 septembre 1765).

553. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

la logique le pousse ; il a bon vent, bon courage… Il s’arrête net, parce qu’une connaissance a posteriori lui barre le chemin. […] Elle a voyagé en pays étranger, et elle se rappelle encore son premier scandale et sa longue indignation, aux cris d’admiration que poussaient les sauvages pour leur Dante, leur Caldéron eu leur Shakespeare. […] La logique la mène et la pousse rudement le long d’un étroit sentier à part, près de la route royale de la beauté. […] Molière poussait plus loin le scepticisme, pas aussi loin pourtant qu’on pourrait le croire.

554. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

C’est pour en avoir poussé trop loin la rigueur qu’au lieu d’amender les peuples on les avait poussés dans la révolte. […] Mais, rentré dans sa capitale, l’empereur crut devoir expliquer lui-même paternellement à ses peuples ses motifs pour ne pas obtempérer aux vœux ou aux craintes du parti qui le poussait à une abdication prématurée. […] « Quoique j’aie déjà poussé ma carrière jusqu’à la soixante-huitième année de mon âge, je me sens encore aussi fort et aussi robuste que je l’ai jamais été ; je ne suis sujet à aucune sorte d’infirmité.

555. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

» Il poussait ma porte, et je le voyais tout gris, tout chauve, en manches de chemise, le cou nu, qui se lavait la figure dans la cuvette. […] Tout à coup je fus sur l’escalier ; et comme Catherine me demandait ce qui s’était passé, je poussai un sanglot terrible ; je serais tombé du haut en bas, si la tante Grédel ne m’avait pas soutenu. […] Je poussai la porte, elle s’ouvrit, et j’entrai dans une allée sombre, où l’on sentait le pain frais, ce qui me réjouit intérieurement. […] Puis, au bout d’un instant, il dit à sa femme : « Va donc chercher une de nos galettes ; ce jeune homme prendra un verre de vin, et nous le laisserons ensuite dormir en paix, car il a besoin de repos. » Il poussa la table devant moi, de sorte que j’avais les pieds dans la baignoire, ce qui me faisait du bien, et que j’étais devant la cruche.

556. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

C’est « le jeu effroyable, continuel, sans retenue, sans borne », dont parle la Bruyère, « où l’on expose sur une carte ou à la fortune du dé la fortune de sa femme et de ses enfants53. » Le jeu poussé jusqu’à cette fureur est une seconde nature ; c’est tout l’homme. […] Mais ce qui au fond la pousse à parler, c’est l’amour. […] Acheminer le vieux célibataire au mariage sans l’y pousser ; écarter, par de prudentes calomnies, un neveu et sa jeune femme de la maison d’un oncle incapable de haine et très capable de retour ; ménager un intendant complice de ses petits profits, qui veut sa main parce qu’il la sait bien pleine ; poursuivre le maître en paraissant l’attendre, et tenir l’intendant tout à la fois en échec et en espérance : voilà les fins auxquelles la rusée fait servir les qualités comme les vices de sa nature. […] Où en trouver un qui pousse le défaut de tout le monde jusqu’au genre de ridicule dangereux qui fait le fond de la haute comédie ?

557. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Mais le flot de derrière pousse toujours ; les premiers rangs tombent dans le gouffre, et, quand leurs cadavres ont comblé l’abîme, les derniers venus passent de plain-pied par dessus. […] Il suffira d’une maladresse, d’un faux pas, pour qu’ils vous poussent, vous renversent et vous écrasent. […] De quoi punissez-vous ce misérable, qui, resté fermé depuis son enfance aux idées morales, ayant à peine le discernement du bien et du mal, poussé d’ailleurs par de grossiers appétits qui sont toute sa loi, et peut-être aussi par de pressants besoins, a forfait contre la société ? […] À chacun son rôle : persécutés et persécuteurs poussent également à l’éternelle roue ; et après tout les persécutés doivent beaucoup de reconnaissance aux persécuteurs, car, sans eux, ils ne seraient pas parfaitement beaux !

558. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Et c’est là un exemple de son penchant pour les propositions antithétiques, car au même moment il esquissait Jésus de Nazareth, le drame du Dieu qui meurt pour expier la fauta des hommes ; de même que plus tard nous voyons Tristan, la mort par amour, le pousser à créer les Vainqueurs, le renoncement absolu à l’amour. — Mais quant à tout le reste, ce n’est au fond qu’une condensation, qu’une dramatisation de vieux mythes ; un effort qu’on aurait certes tort de déprécier, surtout puisqu’il a fourni un cadre si précieux à la tragédie ultérieure. […] Dans une lettre (inédite) du 2 septembre 1851, il écrit : « Je fais maintenant la musique ce mon Jeune Siegfried… les phrases musicales se font toutes seules sur ces vers, sans que je m’en occupe ; cela pousse de partout comme des plantes sauvages. […] Mais Wagner poussa plus loin, car en été 1857, il joua sur le piano à M.  […] Il y en a deux seulement qui ont l’habitude de causer, de rire, et de se pousser d’amicales bourrades pendant les morceaux du concert : ils ont une fois empêché d’entendre la symphonie en la de Beethoven, où il y avait cependant des choses très agréables ; il est vrai que j’ai pu entendre, en revanche, quelques-unes de leurs réparties.

559. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Après beaucoup de tentatives, d’essais, de pointes poussées dans tous les sens, il s’est énamouré du moderne, et dans le moderne, il a jeté son dévolu sur les blanchisseuses et les danseuses. […] Mercredi 1er juillet D’où venez-vous, comme ça, disais-je, aujourd’hui, à Mlle *** rentrant du dehors, au moment, où je poussais la petite porte battante du parc : « Je viens de faire des acquisitions. » Puis, en riant : « Je viens d’acheter de la potasse chez l’épicier. » Il y a dans le moment chez toutes les Parisiennes brunes, une passion de devenir blondes, et toutes travaillent, non sans succès, à obtenir cette coloration, en se lavant les cheveux avec de la potasse, dissoute dans de l’eau. […] L’eau est claire d’une clarté légèrement savonneuse, et la terre est l’amie des essences rares, des arbustes à fleurs, des arbres au feuillage pourpre, au feuillage panaché, et cette verdure et cette floraison poussent dans l’eau. […] Je veux laisser un souvenir ressemblant à la fois à une peinture et à un inventaire de commissaire-priseur, quelque chose qui, dans les temps futurs, permette à ceux qui aimeront la mémoire de la princesse, de la retrouver, de la voir, comme s’ils poussaient la porte de cet atelier, gardé dans la cendre d’une Pompéi.

560. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Il lui reste un voyage à faire, il est curieux de la contrée sombre, il prend passage sur le cercueil, et, défaisant lui-même l’amarre, il pousse du pied vers l’ombre cette barque obscure que balance le flot inconnu. […] Il semble, quand on lit le poëme de Pathmos, que quelqu’un vous pousse par-derrière. […] Puis il la pousse par le purgatoire jusqu’au ciel. […] La même insufflation la pousse, l’emporte, l’enlève, la bouleverse, l’emplit de trouble et de lueur et d’un bruit ineffable, la sature d’électricité et lui fait faire tout à coup des décharges de tonnerres.

561. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Les livres modernes poussent au découragement, à la lassitude, ils décrivent avec complaisance l’universelle neurasthénie. […] Camille Mauclair le pousse à soutenir des thèses, à développer un sujet par arguments plutôt qu’à le raconter49. […] Il n’était ni satanique, ni byronien, ni moyenâgeux, ni clair de lune… Jean de Tinan, au contraire, aimait la vie quoi qu’on ait pu dire d’elle, et bien résolu à ne point la prendre sur sa mauvaise réputation et à l’éprouver par lui-même, en jeune homme, quitte ensuite à la juger en homme50 », cet amour de la vie le poussa à réagir contre le romantisme. […] Autrefois, les auteurs plus rares et d’ailleurs poussés par une vocation irrésistible qui rencontrait pour s’affirmer les obstacles les plus pénibles, tels que la faim, l’hôpital, le mépris public et la haine des sots, finissaient par grouper autour de leurs œuvres, dans l’ensemble du pays, une classe d’amateurs instruits et intelligents, qui savouraient dans la lecture un plaisir de dilettante et se contentaient d’avoir du goût.

562. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Chez Massillon, cette allure naturelle n’avait aucun caractère de sévérité, mais plutôt un air d’effusion et d’abondance comme d’une fontaine coulant sur une pente très douce et dont les eaux amoncelées se poussent de leur propre poids. […] « On peut quelquefois, dit Voltaire, entasser des métaphores les unes sur les autres ; mais alors il faut qu’elles soient bien distinguées, et que l’on voie toujours votre objet représenté sous des images différentes. » Et il cite un exemple de Massillon ; il aurait pu aussi bien citer celui qu’on va lire : Souvenez-vous d’où vous êtes tombé ; … remontez à la première origine de vos désordres, vous la trouverez dans les infidélités les plus légères : un sentiment de plaisir négligemment rejeté ; une occasion de péril trop fréquentée ; une liberté douteuse trop souvent prise ; des pratiques de piété omises : la source en est presque imperceptible ; le fleuve, qui en est sorti, a inondé toute la terre de votre cœur : ce fut d’abord ce petit nuage que vit Élie, et qui depuis a couvert tout le ciel de votre âme : ce fut cette pierre légère que Daniel vit descendre de la montagne, et qui, devenue ensuite une masse énorme, a renversé et brisé l’image de Dieu en vous : c’était un petit grain de sénevé, qui depuis a crû comme un grand arbre, et poussé tant de fruits de mort : ce fut un peu de levain, etc.

563. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Il le presse, il le pousse ; le spirituel sceptique n’a jamais eu affaire à un si rude interrogateur, ni senti l’éclair d’un glaive si voisin de ses yeux : Et donc ! […] Il poussera encore plus loin ses conquêtes : il abattra aux pieds du Sauveur la majesté des faisceaux romains en la personne d’un proconsul, et il fera trembler dans leurs tribunaux les juges devant lesquels on le cite.

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