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393. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Un libelle de l’abbé Desfontaines l’avait tellement mis hors de lui, qu’il voulait, à chaque poste où il recevait des lettres, partir pour Paris, voir les ministres, le lieutenant criminel, présenter requête, porter plainte, que sais-je ? […] Pour être heureux, dit Mme du Châtelet, il faut « s’être défait des préjugés, être vertueux, se bien porter ; avoir des goûts et des passions, être susceptible d’illusion ». […] Mme du Châtelet met au premier rang des conditions du bonheur, de se bien porter ; c’est juste, mais elle le dit en physicienne et sans charme. […] Ainsi, deux ou trois jours après cette mort, comme il s’inquiétait fort d’une bague que portait la marquise, et où devait se trouver son portrait sous le chaton, Longchamp lui dit qu’il avait eu la précaution, en effet, de retirer cette bague, mais que le portrait qu’elle renfermait était celui de M. de Saint-Lambert : « Ô ciel !

394. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Les actions de la société avaient été portées fort haut, et peut-être d’une manière artificielle. […] Après une longue et lucide discussion, qu’il concluait en se demandant quel motif avait pu porter un homme d’un aussi grand talent que le comte de Mirabeau à « soumettre sa plume énergique à des intérêts de parti qui n’étaient pas même les siens », Beaumarchais avait soin pourtant de terminer par quelque expression atténuante : Notre estime pour sa personne, disait-il, a souvent retenu l’indignation qui nous gagnait en écrivant. […] Mais quelques années après (1787), dans un procès que le mari poursuivait contre elle, Bergasse, avocat et conseil de Kornman, rencontrant le nom de Beaumarchais et cette quantité de grands personnages qui s’étaient intéressés pour la belle coupable, en tira parti dans son Mémoire, et fit, contre Beaumarchais notamment, une sortie violente qui amena celui-ci à porter plainte en diffamation. […] Ce Beaumarchais qu’on a généralement regardé comme un Gil Blas de Santillane, un Gusman d’Alfarache, le modèle enfin de son Figaro, ne ressemblait, dit-on, nullement à ces personnages : il portait plus de facilité que d’industrie dans toutes les affaires d’argent32.

395. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Né à Dijon le 7 février 1709, d’une ancienne et noble famille originaire de Savoie, et qui n’avait pris la robe qu’après avoir porté l’épée, le jeune de Brosses fit des études brillantes en sa ville natale, qui avait alors toutes ses ressources au complet, et qui sentait de tout point sa capitale. […] De Brosses, on le voit, abondait en projets de toutes sortes pour l’utilité publique, comme nous en avons vu faire à Perrault, le commis de Colbert ; mais il y portait plus de science et un plus grand goût que Perrault. […] Il goûte certes la gaieté italienne et le comique de Machiavel ; mais il ne trouve pas, comme Algarotti, qu’on puisse mettre sa Mandragore en comparaison avec les bonnes pièces de Molière « qui sont excellentes par toute l’Europe et des chefs-d’œuvre pour nous : En effet, s’écrie-t-il avec quelque chose de cet enthousiasme qu’il portait dans les Chambres du Vatican, quiconque, à jour et à jamais, voudra connaître à fond la nation française du siècle passé, n’aura qu’à lire Molière pour la savoir sur le bout du doigt ; aussi dans ma dispute avec Algarotti, lui soutins-je que nul homme n’était jamais allé aussi loin dans son art que Molière dans le sien, c’est-à-dire qu’il était encore plus grand comique qu’Homère n’était grand épique, que Corneille n’était grand tragique, que Raphaël n’était grand peintre, que César n’était grand capitaine. […] De telles conceptions pourtant sur les origines et la fabrique intérieure des choses et sur les méthodes humaines naturelles, témoignent d’un esprit qui, de bonne heure, selon l’expression de Buffon, s’était trouvé porté au plus haut point de la métaphysique des sciences, et en avait occupé les sommets : de là sa vue s’étendait sur l’ensemble, et les détails se rangeaient à ses yeux sous de certaines lois.

396. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

Les nains eux, portent des noms spéciaux qui leur sont un brevet plus catégorique encore d’autochtonie : ouokolo ou nyama (bambara) tikirga ou tyityirga (môssi) pori (au pluriel pora) gourmantié ; gotteré (peuhl), konkoma (malinké), artakourma (dyerma) dêguédégué (ou dêdégué) (même pluriel kâdo). […] 4° Guinné de l’eau : Ils portent les noms de guiloguina en malinké, de faro chez les Bambara ; de mounou chez les Torodo, de moutâné rouha chez les Haoussa, d’arikouna dyini chez les Dyerma et de diandiam chez les Peuhl. […] 78 Le conte de La mounou de la Falémé s’accorde avec la description qui m’a été faite des faro pour dépeindre celles-ci comme des femmes de couleur claire à cheveux longs et lisses ainsi que les portent les femmes maures (ou syriennes, c’est-à-dire de race blanche). […] A ce propos je crois bon de noter que le nom de Mâlobali, l’éhonté, l’impudent que portent nombre de Bambara se rapporte à une croyance de cette nature.

397. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Et si c’est vrai, — ce que j’ose hasarder, — si les hommes de force absolue n’ont pas, comme je le crois, dans leur vie, de vol tes et de contre-voltes, ne tâtonnant pas, ne battant pas le buisson et ne changeant pas leur fusil d’épaule, comme on dit, ainsi que la plupart d’entre nous ; s’ils poussent toujours du même côté, tirant leurs coups toujours dans la même ligne, c’est qu’ils portent en eux un principe interne qui ne fléchit pas plus que le principe qui fait du chêne un chêne et qu’on appellera du nom qu’on voudra, mais que je me permettrai d’appeler le principe du génie. […] L’unité, voilà le concept de son esprit, qu’il portait fièrement et impérieusement sur toutes choses, en tout sujet, en toute matière. […] Malgré la différence des noms qu’elles portent, elles rentrent toutes les unes dans les autres. […] Quoique, par le titre qu’ils portent, les Quatre chapitres puissent donner à penser que l’auteur avait eu l’intention d’écrire une histoire de cette Russie dans laquelle il avait vécu et qu’il connaissait bien, ce ne sont pourtant que des lettres confidentielles à un haut fonctionnaire russe, sur des questions qui importaient alors à la prospérité et à la force de l’Empire.

398. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

S’agit-il des exploits du vaillant chef dauphinois Montbrun, qui dans une rude affaire a eu l’honneur de triompher des bataillons suisses, alors réputés presque invincibles : Deux jours après, écrit d’Aubigné, je trouvai un jeune capitaine suisse au mont du Chat avec une petite troupe qui ne portait que l’épée. […] Cependant d’O, à la tête de plusieurs gentilshommes catholiques, vient porter la parole et sommer en quelque sorte Henri IV, en recueillant la couronne, d’en accepter en même temps toutes les conditions : la première est de rentrer au giron de l’Église ; c’est à ce prix qu’il dépouillera du coup le roi de Navarre et ses misères pour revêtir d’emblée le bonheur et l’excellence d’un roi de France. […] Les hommes de ce temps étaient beaucoup plus vigoureux et durs que ceux d’aujourd’hui, ce qui devait être parce que le sol qui les avait portés avait plus de dureté et de vigueur.

399. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

Sans géographie l’histoire n’existe pas, la politique est aveugle, la guerre ne sait ni attaquer ni défendre, la paix ignore sur quels fleuves, sur quelles mers, sur quelles montagnes il faut construire ses forteresses ou asseoir ses limites ; la navigation ne peut se servir de ses boussoles, le commerce s’égare sur les océans, inhabile à découvrir quelles sont les productions ou les consommations qu’il doit emprunter ou porter aux climats divers dont il ne connaît ni la route, ni les richesses, ni les besoins, ni les langues, ni les mœurs, ni les philosophies, ni les religions. […] Nous avons une armée en Chine, nous avons une expédition en Cochinchine ; nous portons une escadre d’observation sur les côtes septentrionales des États-Unis d’Amérique, nous avons une colonie militaire en Afrique, nous avons une armée en Syrie, nous en avons une au cœur de l’Italie, à Rome ; nous avons une expédition française à Taïti, route égarée où ne passe aucune voile et qui ne mène à aucun but français sur l’immensité de ces mers futures ; nous avons un établissement armé dans un coin des Indes orientales, triste et impuissant mémento d’un empire qui n’est plus qu’un comptoir. […] Quels sont nos droits, quels sont nos intérêts et notre politique dans la coopération sans titre et sans but que nous apportons à la destruction de cette antique, vénérable et civilisatrice unité humaine du plus vaste et du plus inoffensif empire que la terre ait jamais porté ?

400. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Avertissement sur la seconde édition. » pp. 23-54

Si sentir vivement les atteintes portées aux principes les plus indispensables & les plus respectés ; si s’exprimer avec chaleur & intérêt, dès qu’il s’agit de tous ces importans objets, c’est être partial ; nous souscrivons volontiers à cette inculpation. […] Nous les avons jugés, comme ils l’ont été & le seront par tous les Critiques impartiaux & éclairés ; & si nous ne les avons pas loués autant qu’on eût voulu, c’est qu’aucune considération ne peut nous porter ni à exagérer le mérite, ni à dissimuler les défauts. […] Le seul plaisir qu’elle se soit permis, a été celui qu’on goûte à voir ses Adversaires se décrier eux-mêmes, justifier, par leurs excès, les censures portées contre leurs Ecrits ; & si elle eût aimé à se flatter, elle eût pensé, comme tous les honnêtes gens, que la preuve la plus certaine de la bonté de notre Ouvrage étoit l’acharnement qu’on témoignoit contre lui.

401. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

Ils peuvent être des chevaliers de Grammont dans la vie ; c’est un air à prendre, un habit à porter, un propos à tenir, une manière de saluer, de monter à cheval, de mettre ses bottes, ou de se les faire ôter par des princesses, — comme faisait Lauzun. […] Mais Custine porta sur elle un regard qu’aucun sentiment n’a troublé. […] Croit-il l’avoir renouvelé parce qu’il lui a fait porter l’uniforme, et, lui que les Russes, dit on, dans leur éternelle manie d’Européens, appellent leur Balzac, a-t-il donc vu dans cet illustre modèle, dont on incline le nom jusqu’à lui, que jeter un costume étranger sur un type équivaille à en créer un ?

402. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

L’auteur, homme du monde et d’action, cela se devinait dans son livre, écrit d’une plume fringante comme une cravache, — la cravache qu’il portait aux Gardes du corps dont il eut l’honneur de faire partie, — l’auteur vit son malheur avec le sang-froid d’un homme de talent qui n’ignore pas que le succès ne prouve rien de plus que le succès, — un hasard dans la vie ! […] Le roi portait un casque à cimier d’or, orné d’une aigrette blanche. […] Avec sa manière poétique et cavalière de porter une érudition qui étonne, d’étaler un luxe de lectures qui, pour un autre, serait un luxe lourd, le capitaine d’Arpentigny est au fond un écrivain de cape et d’épée.

403. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

Sans la rédemption, le Saint-Sépulcre, le prosélytisme de la foi et de l’amour qui brûlait dans ce vieux pilote, ayant passé déjà quarante ans de vie à la mer, et qui n’en portait pas moins le cordon de saint François autour des reins et vivait, à bord, de la contemplation séraphique autant que de la contemplation de la nature, sans le catholicisme enfin et sa grâce divine, Christophe Colomb n’aurait été qu’un rêveur de plus, parmi les marins qui rêvaient, car à son époque le vent des découvertes soufflait sur tous les fronts et agitait tous les esprits. […] Roselly de Lorgues une virtualité inaccoutumée parmi les publications chrétiennes de ce temps, n’a pas porté malheur à son histoire. […] Quoique là où l’enthousiasme tient l’écrivain, ce style ait une splendeur touffue de savane, et qu’il s’élève et se balance puissamment comme la mer qui portait les caravelles de Colomb, il ne se soutient pas toujours, et il nous choque parfois par des inégalités singulières.

404. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

Il y a plus, les fautes commises par les classes dirigeantes de la société, et sur lesquelles M. de Chalambert ne pèse pas assez dans son introduction trop rapide, les lâchetés d’une royauté qui oubliait, depuis trop longtemps, sa fonction de bras droit de la chrétienté, les corruptions et les révoltes d’une noblesse qui ne méritait plus de porter la croix de ses aïeux des croisades sur le pommeau de son épée, le triste rôle de l’indécis François Ier, de l’imbécile Henri II, de Catherine de Médicis, cette athée à tout ce qui n’était pas le pouvoir dont elle était folle pour elle et pour sa race, toutes ces choses, compliquées de la mort du duc d’Anjou, le dernier héritier de cette famille de Valois qui périssait dans l’infécondité de la débauche, ne justifient pas entièrement et bien nettement, aux yeux de tous ceux que le catholicisme n’éclaire pas, le fait à outrance et si antipathique au génie national d’une confédération armée contre la descendance directe, dans un pays d’hérédité comme l’a toujours été la France. […] Son Histoire de la Ligue, vraie d’aperçu, mais faible d’aperçus, n’a point les qualités perçantes auxquelles est tenu, dans notre temps, tout livre d’histoire qui doit s’élever au-dessus des routines, porter la lumière en arrière et en avant des faits qu’il raconte, et avertir le législateur. […] La race entière des Bourbons devait porter jusqu’à son dernier jour le vice de son origine.

405. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

En passant des Grecs aux Romains, nous éprouvons à peu près le même sentiment qu’un voyageur, qui, après avoir parcouru les îles de l’Archipel et le climat voluptueux de l’ancienne Ionie, serait tout à coup transporté au milieu des Alpes ou des Apennins, d’où il découvrirait un horizon vaste et une nature peut-être plus majestueuse et plus grande, mais sous un ciel moins pur, et qui ne porterait point à ses sens cette impression vive et légère qu’il éprouvait sous le ciel et dans la douce température de la Grèce. […] Leurs artistes même, en les accoutumant à porter un œil plus attentif sur la nature pour bien juger, et du degré d’imitation, et du choix des objets, contribuèrent peut-être à étendre les idées de ce peuple et son langage ; mais les Romains, pendant près de six cents ans, furent privés de tous ces secours. […] Légion de Mars, vous avez justifié ce grand nom que vous portiez.

406. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. L’Angleterre en 1688 et la France en 1830 »

Ainsi, la réaction catholique, sous Bonaparte et M. de Chateaubriand, par le Concordat et le Génie du christianisme, a puissamment servi à mitiger et à éteindre dans les jeunes générations d’alors cette haine farouche que portaient au catholicisme la plupart des premiers révolutionnaires et qui était une manière de fanatisme philosophique. […] Cromwell arrêta les excès et rétablit l’ordre ; mais l’espèce d’égalité religieuse contrainte qui subsista sous sa dictature n’est nullement comparable à notre égalité civile sous Napoléon, et ne porta d’ailleurs aucun fruit de tolérance.

407. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Choses d’autrefois »

  Ces fillettes ne s’en portaient pas plus mal. […] Leur éducation de filles nobles leur servira du moins à bien porter la détresse de l’exil — ou à bien monter sur l’échafaud.

408. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXX » pp. 330-337

Plus tard en 1680, des lettres patentes ordonnèrent qu’ils porteraient le nom de Bourbon. Saint-Simon remarque, à cette occasion, que ces enfants, qui, dit-il, furent tirés du profond non-étre des doubles adultérins, furent enrichis de tous les droits des légitimes dans la société, décorés du surnom de la maison régnante, et de noms de provinces que les princes du sang même ne portaient pas97.

409. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 439-450

Quoique cet Auteur ait déshonoré sa plume par le mensonge & par les personnalités, depuis les dernieres éditions de notre Ouvrage ; quoique, par un raffinement de vanité, il nous ait fait un reproche d’avoir loué ses Ecrits : nous croyons devoir répéter le jugement que nous en avions d’abord porté, en nous réservant d’ajouter ensuite les observations que les égaremens dans lesquels il est tombé depuis, exigent de notre impartialité. […] Tel est le jugement que nous avions porté des Ouvrages de M.

410. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Voiture, et Benserade. » pp. 197-207

Uranie ne le vit qu’après moi ; & tout chaud qu’il étoit, immédiatement après sa production, je le portai au bonhomme M. de Malherbe. » Balzac, après avoir dit que Malherbe en devint jaloux, ajoute : « Je m’intéressai, avec chaleur, à ce qui regardoit la gloire de mon ami. […] On étoit dans l’attente d’une décision autenthique sur les deux sonnets, & le prince de Conti la porta lui-même.

411. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Addisson, et Pope. » pp. 17-27

Elles sont une espèce d’écriteau où l’on lit, en gros caractère, ce qui vous a mérité ce traitement si dur. » Les ennemis de Pope, terrassés par la Dunciade, & voyant qu’il étoit plus fort qu’eux en écrits satyriques, se relevèrent furieux & lui portèrent un coup accablant. […] Elle prit, au plus vîte, ce petit homme dans son tablier, remit sa culotte, le porta au bord de la rivière & fit venir un bateau pour le transporter chez lui.

412. (1818) Essai sur les institutions sociales « Préface » pp. 5-12

Nodier, comme on vient de le voir, portait dans l’examen du livre un esprit troublé encore par les graves circonstances où nous nous trouvions, après en avoir épuisé de si terribles. […] Douze années de l’observation des choses ne me portent qu’à affirmer, je ne dis pas tous les détails, mais l’ensemble même de mes idées à cet égard.

413. (1915) La philosophie française « II »

La vision d’un Pascal était aussi aiguë quand elle s’exerçait dans les régions mal éclairées de l’âme que lorsqu’elle portait sur les choses physiques, géométriques, philosophiques. […] Le besoin de philosopher est universel : il tend à porter toute discussion, même d’affaires, sur le terrain des idées et des principes.

414. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Une femme a détourné son visage de la croix qu’on portait le matin de Pâques. […] Ils ont aboli comme impies le libre drame et la riche poésie que la Renaissance avait portés jusqu’à eux. […] Ensuite il a été soumis à ses parents ; il leur a souvent porté du pain, de la boisson et autres objets. […] « Je ne puis consentir à porter ce surplis ; c’est contre ma conscience. […] Il passe devant une croix et le lourd fardeau des péchés qu’il portait à ses épaules se détache et tombe.

415. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Un champ de bataille en Europe, le désert d’Afrique ou le pavé de Paris, il s’y portera d’un feu égal. […] Enfin il a ce qu’il désire, il est cité à l’ordre du jour de l’armée : il est porté pour la croix. […] Ceux qui avaient rencontré le général Bugeaud à Paris avant sa grande et dernière renommée ont eu quelque effort à faire avant de le placer dans leur estime à la hauteur où la reconnaissance du pays l’a justement porté. […] Partant de Yeni-Keuï pour Varna, où il allait s’occuper à concentrer et à organiser l’armée, le maréchal de Saint-Arnaud songeait à se porter le plus tôt possible, et dans la première quinzaine de juillet sur Silistrie, pour y secourir les Turcs et atteindre les Russes s’ils s’y prêtaient. […] J’ai fait faire de grandes outres à Constantinople et partout ; mais il faut des chevaux pour les porter… À chaque pas des embarras… des ennuis.

416. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

La sensibilité du jeune homme se portait de préférence vers ce qui était triste et pur, expiatoire et clément. […] Un déluge de maux couvre la terre ; une arche flotte au-dessus des eaux, comme jadis celle qui portait la famille du Juste ; mais cette arche-ci est demeurée vide, nul n’a été jugé digne d’y entrer !  […] Ballanche, désormais fixé à Paris, tout solitaire et pensif au milieu d’un monde d’élite, eut l’idée de se porter pour conciliateur, pour interprète pacifique des difficultés flagrantes, et l’Essai sur les Institutions sociales dut paraître avant l’ouverture des Chambres de 1817, dans le but louable, bien que certainement illusoire, de les éclairer. […] Ballanche n’a été conduit là, au moins à ce qu’il me semble, que par suite d’une erreur de goût qui l’a porté à convertir et à traduire en poésie une opinion créée par la réflexion et l’analyse. » Nous croyons qu’il ressort de la biographie psychologique de M. […] La langue et les traditions latines étant pénétrées maintenant par les esprits, il demandait qu’on se portât vers les langues de l’Orient, et qu’on ouvrît de nouveaux sillons de linguistique et de nouvelles formes intellectuelles.

417. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Le tour d’esprit de ce grand homme le portait un peu à la déclamation, et il paraissait d’abord plus touché du grandiose que du simple. […] L’aimable création de l’Étourdi, par exemple, bien qu’elle ne soit pas de force à porter tout le développement d’une comédie, est plus vraie que celle du Menteur. […] L’éducation d’Isabelle a porté ses fruits : la pupille a appris à tirer parti des travers du tuteur. […] On dira que cette lettre est un billet de Valère, qu’on lui renvoie sans avoir daigné l’ouvrir ; et c’est Sganarelle qui le portera. […] Ce qui fait dire à, son valet : Les gens que vous tuez se portent assez bien.

418. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Il prit en aversion l’habit noir que son oncle lui faisait porter, les mœurs claustrales et la ville même d’Uzès. […] Boileau, à qui Molière porta l’ode de son jeune protégé, l’estima assez pour y faire de sa main des corrections. […] Il la porta au théâtre rival de l’hôtel de Bourgogne, et ce qu’il y eut de plus cruel pour le pauvre Molière dans ce procédé, c’est que Racine lui enleva, en même temps que sa pièce, la meilleure de ses actrices. […] Ils portent aux docteurs les approbations toutes dressées. […] Assuérus rentre, et, voyant Aman porter ses mains sur son épouse, croit ou affecte de croire à un outrage.

419. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Vers le seizième siècle, nos écrivains, au lieu de perfectionner les lettres gauloises, se portèrent pour héritiers de la Grèce et de Rome. […] Voltaire, historien, a souffert aussi des attaques portées à sa renommée. […] Nous aurions pu observer la différence des rangs devenant de plus en plus pesante, parce qu’elle n’avait plus de fondements réels, et qu’elle semblait porter à faux. […] Peut-être n’a-t-on jamais porté, dans l’examen de leurs principes et de leurs résultats, plus de finesse et de bonne foi. […] Il n’y a que le génie qui, écrivant par la nécessité de produire, sache porter ses propres fruits.

420. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Ils portent témoignage, sur le sens général de toute notre activité nationale. […] Cette fois encore le chirurgien a porté un diagnostic pessimiste. […] La preuve en est dans la diversité des jugements portés sur elles. […] Cela, nous le savons, et, le sachant, ce ne sont chez nous qu’atteintes portées au travail, et par qui ? […] Sa femme portait des bas de laine tricotés de ses mains et piochait la terre à côté de lui.

421. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

, Goethe docteur en droit, beau, noble, aimable, après de fortes et libres études commencées à Leipzig, continuées à Strasbourg, et ayant su résister dans cette dernière ville à l’attraction vers la France, est rappelé à Francfort sa cité natale, et de là il est envoyé par son père à Wetzlar en Hesse pour se perfectionner dans le droit et y étudier la procédure du tribunal de l’Empire ; mais en réalité, et sans négliger absolument cette application secondaire, il est surtout occupé de lire Homère, Shakespeare, ou de se porter vers tout autre sujet « selon que son imagination et son cœur le lui inspireront ». […] Il a (comme dans Werther) le nœud de ruban rose qu’elle portait au sein la première fois qu’il la vit ; il est fort question à plusieurs reprises d’une certaine camisole à raies bleues dans laquelle elle est adorable en négligé, et qu’il regretterait de loin de lui voir quitter. […] Ma sœur vous salue, mes demoiselles vous saluent, mes dieux vous saluent, nommément le beau Pâris à ma droite et la Vénus d’or de l’autre côté, et Mercure, le messager, qui se réjouit des courriers rapides, et qui attacha hier à mes pieds ses belles et divines semelles d’or, qui le portent avec le souffle du vent à travers la mer stérile et la terre sans limites56. […] pour lors, combien de fois j’ai désiré, porté sur les ailes de la grue qui passait sur ma tête, voler au rivage de la mer immense, boire, la vie à la coupe écumante de l’infini ! […] … » Ce sera celui de Lamartine : « Que ne puis-je porté sur le char de l’Aurore !

422. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Elle m’a toujours porté dans son cœur, comme elle m’a porté dans son sein. […] « J’ai besoin, disait-il, de porter sur ce point mille mouvements d’indignation qu’excitent en moi les passions cruelles que je vois se montrer de tous côtés avec impudence. » Après le 10 août, le ministre de l’Intérieur, Paré, voulut faire de lui le conservateur de la Bibliothèque nationale : il refusa, au nom de ce Corneille même, dont il avait embrassé la carrière, et avec qui il avait surtout de commun, disait-il, « une impropriété absolue pour tout ce qui demande les soins de la plus simple administration. » Il n’était point hostile à la Révolution en elle-même : elle l’avait séduit et enlevé plus qu’on ne l’a dit, par ce qu’elle avait de magnanime. […] Mais comme l’on est trop porté à écraser quelqu’un toutes les fois qu’on en admire un autre, il est juste de remarquer que s’il n’y a rien d’héroïque dans la lettre de Bernardin de Saint-Pierre, cette lettre n’a rien non plus que d’honnête et de très permis au point de vue domestique, bien que sur un ton plaignard peu élevé. […] Les uns le blâmaient, les autres l’exaltaient, et il se trouva insensiblement porté par certains entours, et par la pente même de ses sentiments une fois émus, à une irritation croissante, à une aversion même qui allait grossissant et qu’il ne dissimulait pas dans l’intimité, envers l’homme éclatant qui ne lui avait témoigné qu’affection et estime.

423. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Cette faculté électrique qui, lors de l’assassinat du duc d’Enghien, le porta instantanément à briser avec le gouvernement coupable, ne l’a pas abandonné encore ; elle est, chez lui, restée irrésistible et entière comme son génie. […] L’idée de M. de Chateaubriand, écrivant ses Mémoires, a été de se peindre sans descendre jusqu’à la confession, mais en se dépouillant d’une sorte de convenu inévitable qu’imposent les grands rôles joués sur la scène du monde ; c’est une des raisons qui le portent à n’en vouloir la publication qu’après lui. […] Il y a des natures fatales qui portent plus aisément que d’autres, autour d’elles, le vertige et le désenchantement : Jupiter qui s’approche consume Sémélé. […] Certes, nulle vie n’a été plus traversée, semée sur plus de mers, sillonnée de plus de sortes d’orages ; et quand, après tant d’incomparables vicissitudes, on porte sa douleur sans fléchir, comme ces personnages de rois et d’empereurs qui, outre leur diadème de gloire au front, portent un globe dans la main, on en mesure mieux tout le poids. Mais ce poids, pour être d’ordinaire plus obscurément porté, n’en pèse pas moins aujourd’hui sur bien des cœurs.

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