… Mais, comme a dit un poète russe : notre bonheur est dans notre misérable ignorance. […] Vous me prenez pour une bourgeoise qui vous prend pour un poète et vous cherchez à m’éclairer. […] Le poète la remercie du tableau en lui exprimant le regret de ne pouvoir lui exprimer ses remerciements de vive voix, n’étant pas libre. […] Il en fait la remarque, ce grand poète, et pousse la bonté jusqu’à demander à voir mon atelier et à me dire, en partant, de lui faire signe lorsque j’aurai quelque nouveau tableau à voir.
Le plaisir suprême pour le Gaulois de bonne situation sociale c’est de se prouver bel esprit. « Exceller dans ces jeux d’esprit — constate M.G.Bloch, le plus récent des historiens de cette époque — était comme un brevet de noblesse. » « Jamais l’instruction littéraire ne fut appréciée plus haut — affirme à son tour Fustel de Coulanges — jamais on n’estima tant l’art de bien parler et de bien écrire… jamais il n’y eut tant d’habiles versificateurs, et si peu de poètes… On n’écrit que pour faire montre de son talent. » Mais un trait infiniment plus curieux et plus symptomatique se découvre dans la civilisation gallo-romaine : c’est le triomphe du rhéteur dans cette société à la fois si jeune et si caduque. […] Je ne puis m’empêcher de songer au précepte de Platon bannissant ce qu’il appelle les « poètes », et ce qu’on nommerait plus justement les sophistes, de sa République. […] Nous le congédierions, après lui avoir versé des parfums sur la tête et l’avoir orné de bandelettes ; et nous nous contenterions du poète et du conteur plus austère et moins agréable, etc… » Si jamais la nécessité apparut d’imposer silence aux sophistes et aux rhéteurs, aux parleurs professionnels, ce serait bien alors. […] Après que les simples, les positifs, les non-intellectuels, les marchands, les laboureurs, les hommes d’affaires et d’industrie auraient agi d’eux-mêmes et en paix, du sein de ce monde d’action et de réalité, de nouveaux penseurs et de nouveaux poètes, d’un tout autre caractère que leurs aînés — non plus des trompeurs ni des pleureurs — surgiraient naturellement, emplis d’un souffle nouveau. […] Je ne puis m’empêcher de rappeler ici un conte, au symbolisme transparent et de signification saisissante, qu’un poète écrivit un jour, — sans se douter peut-être de toute la profondeur dont il est empreint.
. — Il sait les poètes grecs par cœur, Plutarque, Cicéron et Tacite, qui ne sont pas des mauvais originaux.
Seulement que ceux qui lisent encore la satire de Marie-Joseph Chénier dans les Œuvres du poète, avant de s’en autoriser et de la citer contre Roederer, sachent bien que celui-ci y a répondu sans colère et avec supériorité (Journal d’économie publique, t.
J’ai vu le modèle qui n’attend plus que le marbre : Froissart encore jeune, et à cet âge où le poète en lui pouvait plaire, y est représenté assis, non plus en quête et questionnant, mais tel qu’il devait être, lorsque, rentré dans sa ville natale, il recueillait ses souvenirs et les couchait par écrit pendant des heures de méditation légère29.
Un jour, à un dîner chez le poète La Faye, où étaient La Motte et Voltaire, on causait de la Phèdre de Racine, et M. de Lassay fit remarquer qu’il y avait une sorte de contradiction ou d’inadvertance dans le dénouement.
C’est là, dans cette vallée qu’ont chantée les poètes, au milieu de la société d’amis de son choix, qu’il se recueillit de nouveau, fit son examen de conscience et se dit sans doute qu’il avait assez et trop dépensé de sa vie à des efforts infructueux, à des collaborations politiques sans résultat et sans issue : il résolut de redevenir une dernière fois ce que la nature l’avait surtout prédestiné à être, un observateur historique et un écrivain.
Les Alexandrins d’ailleurs, ces immortels grammairiens dont plus d’un était poëte, n’ont pas dédaigné de faire ainsi au surlendemain des grands siècles ; ils nous ont tracé notre voie. » M.
Les admirations contemporaines les plus unanimes et les mieux méritées ne peuvent rien contre ; la résignation la plus humble, comme la plus opiniâtre résistance, ne hâte ni ne retarde ce moment inévitable, où le grand poëte, le grand écrivain, entre dans la postérité, c’est-à-dire où les générations dont il fut le charme et l’âme, cédant la scène à d’autres, lui-même il passe de la bouche ardente et confuse des hommes à l’indifférence, non pas ingrate, mais respectueuse, qui, le plus souvent, est la dernière consécration des monuments accomplis.
Elle, la raison même, Racine était son poète, tandis que Mme de Montespan goûtait mieux Boileau : ces préférences mettent à nu le fond des âmes.
Les tours et les détours de l’interrogation socratique font passer devant nos yeux une foule d’idées, que Fénelon tantôt effleure et tantôt développe : sur les poètes et les orateurs anciens, sur les Pères de l’Église, sur la poésie biblique qu’il a profondément sentie, sur l’architecture gothique, dont il parle comme tout son temps avec ignorance et dégoût, etc.
L’un d’eux, Castalion, poëte, orateur, théologien, linguiste, qui mourut, dit Montaigne, « en estat de n’avoir pas son saoul à manger », avait contredit Calvin sur le sens du Cantique des Cantiques.
Or cette prédominance des associations synchroniques produit une tendance à concevoir les choses sous des formes concrètes, colorées, riches d’attributs et de détails : disposition d’esprit qu’on appelle l’imagination et qui est une des facultés du peintre et du poëte.
Elle dirait volontiers avec un poète : Si l’austère Pudeur voile un moment sa joue, Que sa ceinture d’or jamais ne se dénoue !
Il a gardé de son premier métier de poète la faculté des images : seulement les siennes sont sobres, d’une nature sombre et forte ; on dirait qu’il les a trempées dans le Styx : « Pour vous, s’écrira-t-il, détruisez le parti rebelle, bronzez la liberté !
Il s’est enthousiasmé d’un idéal d’art et de littérature : il voit dans cet enthousiasme une vocation, et il attend la révélation soudaine du don qui va le sacrer poète, peintre ou romancier, tout au moins critique d’art, économiste, historien.
Et nous les voyons, ces braves, risquer leurs os dans les airs pour attraper quelques bravos, nous les voyons avec je ne sais quoi de férocement curieux en même temps que de sympathiquement apitoyé, — comme si ces gens étaient de notre race, et que tous, bobêches, historiens, philosophes, pantins et poètes, nous sautions héroïquement pour cet imbécile de public… Au fait, quelqu’un a-t-il jamais vu une femme faire le saut périlleux, et la grande supériorité de l’homme serait-elle en cette seule et unique chose ?
Au reste les adjectifs sont d’un grand usage, surtout en Poësie, où ils servent à faire des images & à donner de l’énergie : mais il faut toûjours que l’Orateur ou le Poëte ayent l’art d’en user à propos, & que l’adjectif n’ajoûte jamais au substantif une idée accessoire, inutile, vaine ou déplacée. […] C’est peut-être par la même raison qu’on dit, le Tasse, l’Arioste, le Dante, en sousentendant le poëte ; & qu’on dit le Titien, le Carrache, en sousentendant le peintre : ce qui nous vient des Italiens. […] On dit aussi avec le comparatif & avec le superlatif relatif, Homere le meilleur poëte de l’antiquité, Varron le plus savant des Romains.
Pêle-mêle ici, les idées s’enchevêtrent ; tout d’un coup, par un souvenir brusque, le poëte, reprenant la pensée qu’il a quittée, fait irruption dans la pensée qu’il prononce. […] Le même poëte lyrique peut être tour à tour une brute et un homme de génie, parce que son génie vient et s’en va comme une maladie, et qu’au lieu de le posséder, il le subit : « Année du Seigneur, 611.
Il a le secret de parler à son public, à ce public des premières ; il en est le poète, et sert aux hommes et aux femmes de ce monde, dans une langue à leur portée, l’idéal des lieux communs de leur cœur. […] Une beauté, dans la beauté grecque, une beauté que les poètes nous montrent appréciée, c’est la forme et la délicatesse des joues, le masque osseux de la figure devait être singulièrement resserré, amenuisé aux pommettes.
Mardi 20 août Toute la soirée, passée à lire de la Desbordes-Valmore, une vraie poétesse, qui a très souvent dans ses vers, de la langue de vérité des prosateurs, et pas du ronron vide des poètes ordinaires, et souvent extraordinaires.
des poètes et des romanciers ! […] Encore une fois je ne suis donc pas fâché de l’avoir vu déposséder du titre de « savant », et, à dater d’aujourd’hui, je m’engage publiquement à ne voir désormais en lui qu’un « professionnel de lettres », un artiste, un poète, un dilettante.
Nous pouvons du moins en repérer le lieu logique ou possible, évoquer, à défaut du plafond vivant du poète, un plafond abstrait du critique. […] Poète et politique, Lamartine était comme l’homme du mouvement pur ; âme même du fluide, il reste dans notre pays politique l’homme-drapeau de la marche à gauche. […] Aujourd’hui, dans notre Landerneau littéraire, si nous connaissons les convertis de l’abbé Altermann, et même ceux de l’abbé Mugnier, nous savons aussi ceux de Léon Bloy, et ceux de Claudel, et peut-être ceux de notre cher Poète Rustique. […] L’opposition de la droite et de la gauche, qui donne son axe à la vie politique française, comporte en effet, comme le vers d’un bon poète, non une césure fixe, mais une césure mobile.
Pas trop de poètes on de peintres métaphysiques, je t’en conjure ; pas trop de messieurs de l’Empyrée, ni d’abstracteurs de quintessence : deux ou trois, par génération, suffisent ; mets-les à part et en haut lieu pour la rareté et pour la montre, garde-les pour tes grands dimanches ; mais, les jours ouvrables, sois heureuse encore et contente de retrouver de tes favoris et de tes semblables, de ces talents ou de ces génies faciles, qui, de tout temps, t’ont défrayée et charmée, qui te parlent ton langage et t’y entretiennent, qui te font passer tes plus agréables heures, et non pas les moins salutaires, en t’offrant à toi-même en spectacle sous tes mille aspects vivants, avec tes qualités et défauts divers : crânerie, héroïsme, gaieté, sentiment, humeur légère, audace brillante, coup d’œil net et bon sens pratique37.
Un de leurs descendants, héritier de leur naturalisation universelle, le colonel Huber, à la fois homme de guerre, homme de lettres volontaire, diplomate dans l’occasion, poète quand il se souvient de ses Alpes, romancier quand il se rappelle madame de Montolieu ou madame de Staël, habite encore aujourd’hui tantôt Paris, tantôt une délicieuse retraite philosophique au bord de ce lac Léman, site préféré de cette famille.
la plume à leur tour et s’improvisent poètes, romanciers ou auteurs dramatiques, c’est que, dès à présent, on n’envisage plus avec clairvoyance les difficultés de la tâche !
Nous voyons les occupations graves auxquelles on se porte par mode : les sermons fort courus, surtout ceux de Bourdaloue, « qui frappe toujours comme un sourd184 » ; les discussions sur les ouvrages d’esprit ; les partisans de Corneille aux prises avec ceux de Racine ; les lectures : c’est le Port-Royal qui est le plus lu, après les poètes et avec les romans.
Un poète a comparé l’homme à « l’enfant candide et sanglant d’une ogresse ».
Un poète, par exemple, vous présente ses vers.
Les écailles lui tombèrent des yeux et, soudainement, il s’aperçut qu’il avait vécu jusqu’à ce jour dans un rêve, qu’il était seul, qu’aucun lien n’existait entre le public pour lequel il écrivait et lui, entre ce théâtre dont le dégoût couvait dans son cœur depuis le premier jour de son entrée et le poète, le musicien, qui avait rêvé autre chose qu’un « établissement pour l’exploitation de l’art » ; même les « serrements de mains de ses amis » le laissaient sans consolation.
Il dit : « … le Gral, tel que les poètes allemands l’ont interprété, prend la place du trésor des Nibelungs et devient son successeur idéalisé … la recherche du Gral remplace les combats pour s’emparer de l’Or… »38.