Aussi convient-il d’encourager tous ceux qui, appelés par leurs fonctions à vivre au contact de populations aussi mal connues de nous que le sont encore les Noirs de l’Afrique Occidentale, ont eu la patience et le talent d’écouter parler les indigènes et de recueillir de leur bouche les contes merveilleux ou légendaires, les fables d’animaux, les apologues satiriques qui constituent le fond de la littérature orale de ces peuplades privées de littérature écrite.
« Personne, me disait un des amateurs qui connaissent le mieux toute son œuvre, personne de nos jours n’a enveloppé la femme ni habillé l’homme comme Gavarni. » Un des premiers tailleurs de Paris28 a dit ce mot mémorable : « Il n’y a qu’un homme qui sache faire un habit noir, c’est Gavarni, Voilà un habit fait il y a vingt-cinq ans, il est toujours à la mode. […] voici la définition d’un bal : « Un bal, c’est une corbeille de rubans et de gazes, confusément pleine de fleurs fraîches, de fleurs fanées et de fleurs artificielles, parmi lesquelles, à la lumière des bougies, se joue un essaim de papillons noirs. » Il y a là toute une aquarelle vivante, claire, légère, comme il les sait faire, et tachetée de noir par places avec caprice et agrément.
Mlle de Scudéry, « qui était de très bonne mine » et d’assez grand air, n’avait aucune beauté : « C’est une grande personne maigre et noire, et qui a le visage fort long », nous dit Tallemant. […] Pour le teint, elle ne l’a pas de la dernière blancheur ; il a toutefois un si bel éclat qu’on peut dire qu’elle l’a beau ; mais ce que Sapho a de souverainement agréable, c’est qu’elle a les yeux si beaux, si vifs, si amoureux et si pleins d’esprit, qu’on ne peut ni en soutenir l’éclat ni en détacher ses regards… Ce qui fait leur plus grand éclat, c’est que jamais il n’y a eu une opposition plus grande que celle du blanc et du noir de ses yeux. […] Mme Cornuel justifia cette réputation de hardie railleuse, en disant de Mlle de Scudéry, fort noire de peau, qu’on voyait bien « qu’elle était destinée par la Providence à barbouiller du papier, puisqu’elle suait l’encre par tous les pores ».
Celui de Doyen paroit un peu noir ; et je vois un échafaud dressé vis-à-vis qui m’annonce qu’il le retouche. […] Aujourdhuy, ce n’est pas la belle vierge des carmes déchaux qui fait des miracles ; c’est cet informe morceau de pierre noire qui est enfermé dans une boîte près du petit-pont. […] Il faut des demies-teintes sourdes, fugites, pas noires.
D’abord un fond noir. […] On se réveille, et du journal dont les lignes s’estompent il reste une tache blanche avec de vagues raies noires : voilà la réalité. […] Voici des lignes noires sur un fond blanc.
— Il paraît qu’à Rio la foule est presque toute composée de noirs.
1830, c’est le vrai titre de Rouge et Noir. […] Cela s’explique assez aisément : pour tout ce qui n’est pas le Rouge et le Noir, mon avis est qu’il a à peu près raison ; et pour le Rouge et le Noir, il faut songer que Sainte-Beuve avait fait le sien. […] Ils goûtèrent Volupté, admirèrent les Lundis et Rouge et Noir. […] De là ce qu’il y a de sec et de dur et de noir dans toute l’œuvre de ce d’Holbach retardataire. […] J’ai un orgueil inquiet, non envieux, mais mélancolique et noir.
Ils iront assez tôt border le noir rivage. […] Il va quêtant et flairant avec son gros museau noir, parmi les tas de feuilles, grattant la terre pour déterrer les racines savoureuses. […] Sèche, maigre, vêtue de noir, la taille mince et serrée, toujours prête avec ses six pattes à courir et à saisir, elle est économe, disciplinée, diligente, infatigable. — Le cochon est un hidalgo et s’appelle don Pourceau, parce qu’il a « son toit et sa maison », et qu’il y vit fièrement, oisif et dans la crasse. — Les grenouilles ont presque toujours un sot rôle ; mais on trouve qu’elles le méritent quand on a vu leurs gros yeux ronds stupides, leur corps niaisement ramassé sur leurs jambes, ou ces jambes tout d’un coup écartées et pendantes lorsqu’elles sautent éperdues dans leurs marais. — Les canards se sont conduits avec la tortue en commis-voyageurs. […] Ils vont en troupe à une source profonde pour laper avec leurs langues étroites la surface de l’eau noire, vomissant le sang du meurtre ; leur coeur ne tremble point dans leurs poitrine, et leur ventre chargé de viande gémit. — (Chant XVI, 15.)
Pour hâter la décomposition de la société et de l’âme féodales, la peste noire, qui en 1348 enlève au monde connu le tiers de ses habitants, la guerre de Gent Ans, guerre étrangère, guerre civile, crises aiguës des invasions, ravages endémiques des routiers : tous les fléaux, toutes les souffrances oppressent les âmes, mais en somme les délivrent avec douleur, les arrachent à leurs respects, à leurs habitudes, à leur forme d’autrefois, remettent tout violemment dans l’indétermination, qui seule rendra possible une détermination nouvelle. […] Il suit le prince Noire à Bordeaux (1336), le duc de Clarence à Milan (1368) : il voit la Savoir, Bologne, Ferrare, Rome. […] Pour les guerres du prince Noir, il a utilisé la chronique rimée du héraut Chandos. […] Biographie : Eustache, dit Des Champs, d’un bien qu’il possédait, et Morel, pour son teint noir, né entre 1338 et 1349, mort avant le 1er sept. 1415 : étudiant en droit à Orléans (depuis 1360), messager de Charles V (1367-1373) , huissier d’armes (1372), bailli de Valois, maître des eaux et forêts de Villers-Cotterets, marié vers 1373, châtelain de Fismes sous Charles VI, bailli de Senlis (1389) ; il perd sa place d’huissier d’armes en 1395, et est remplacé dans son baillage en 1404.
Il y a ici un homme qui fait le projet d’une compagnie sur la mer Noire. […] Quand la fortune nous aura réunis, je vous entretiendrai des mœurs des Africains, de ces forêts d’ébène et de leurs noirs habitants. […] C’est une espèce de mulâtre aux cheveux rudes et noirs, portant la barbe. […] Quand verrai-je donc l’Aigle noir prendre son vol sur les mers de l’Asie ?
Retz est « un petit homme noir qui ne voit que de fort près, mal fait, laid et maladroit de ses mains à toutes choses » 47. […] Mlle de Scudéry est si noire de peau que, selon Mme Cornuel, une de ses bonnes amies, la nature semble lui avoir fait suer toute l’encre qu’elle devait employer ; elle a pourtant des attraits aux yeux de Pellisson, ce qui fait répéter aux plaisants le dicton connu : « Qui se ressemble s’assemble ».
Le blanc nous plaît parce qu’il rappelle le jour et la lumière ; le noir nous déplaît parce qu’il éveille l’idée de ténèbres. […] En Espagne, le noir plaît parce que c’est la couleur du vêtement des grands55.
Nous n’avons que le choix du noir. Dans ce noir, qui est jusqu’à présent presque toute notre science, l’expérience tâtonne, l’observation guette, la supposition va et vient.
Le même auteur dit aussi en parlant des masques des tragédies qui doivent être caracterisez, que celui de Thamiris, ce fameux témeraire que les muses rendirent aveugle, parce qu’il avoit osé les défier, devoit avoir un oeil bleu et l’autre noir. […] Pline, en parlant des pierres curieuses, dit que la pierre qu’on appelle calcophonos ou son d’airain est noire, et que suivant l’étimologie de son nom, elle rend un son approchant du son de ce métail lorsqu’on la touche.
Il montait un bel étalon noir plein de force et de grâce, calme, ruisselant d’or, inondé de longs crins luisants. […] Alors la terre trembla… On entendit un bruit semblable au tonnerre, et ces noirs escadrons d’où jaillissaient des éclairs, comme entraînés par cette frêle aigrette blanche, s’écoulèrent comme un torrent.
Auguste Le Prévost, l’antiquaire normand, était, ainsi que son compatriote l’aimable poète Ulric Guttinguer, des plus anciens amis littéraires de Hugo, des amis qui dataient de 1824 environ, qui s’étaient ralliés à lui pour tant de belles odes et de jolies ballades, pour ses inspirations du Moyen-Age et du gothique, pour ses colères et anathèmes contre la Bande noire, etc.
C’est bien Alfred de Vigny dans un salon, à vingt-cinq ans ; le poète s’adresse en idée aux belles danseuses : Dansez, et couronnez de fleurs vos fronts d’albâtre Liez au blanc muguet l’hyacinthe bleuâtre, Et que vos pas moelleux, délices de l’amant, Sur le chêne poli glissent légèrement ; Dansez, car dès demain vos mères exigeantes A vos jeunes travaux vous diront négligentes ; L’aiguille détestée aura fui de vos doigts, Ou, de la mélodie interrompant les lois, Sur l’instrument mobile, harmonieux ivoire, Vos mains auront perdu la touche blanche et noire ; Demain, sous l’humble habit du jour laborieux, Un livre, sans plaisir, fatiguera vos yeux… Que ceux qui tiennent à étudier les nuances poétiques et les progressions fugitives du goût relisent tout le morceau ; ils y verront, dans le plus gracieux exemple, cette poésie choisie, élégante, mais de transition, qui cherchait à s’insinuer dans la vie, dans les sentiments et les mœurs du jour, en évitant toutefois le mot propre : poésie des Soumet, des Pichald, des Guiraud, de ceux qui louvoyaient encore. […] — Tel, retrouvant ses maux au fond de sa mémoire, L’ange maudit pencha sa chevelure noire, Et se dit……………… C’est merveilleux d’essor, de grandeur et, si j’ose dire, d’envergure. […] M’enveloppant alors de la colonne noire, J’ai marché devant tous, triste et seul dans ma gloire, Et j’ai dit dans mon cœur : Que vouloir à présent ? […] pouvait répondre M. de Vigny à ceux qui lui opposaient un goût plus difficile ; on a lu, on a cru, on a pleuré. » Un autre problème l’occupait alors et lui tenait encore plus à cœur que celui des destinées du soldat, le problème de l’homme de lettres, du poète, et de sa situation dans la société : c’est de là que naquirent les Consultations de son Docteur noir auprès du spleenique et vaporeux Stello. […] Je me rappelle que, quelques instants avant la séance, M. de Vigny en costume, mais ayant gardé la cravate noire, « par un reste d’habitude militaire », disait-il, rencontra dans la galerie de la Bibliothèque de l’Institut, et au milieu de la foule des académiciens, Spontini, également en grand costume et affublé de tous ses ordres et cordons74 ; il alla à lui les bras ouverts et lui dit d’un air rayonnant : « Spontini, caro amico, décidément l’uniforme est dans la nature. » Ce mot, qui de la part d’un autre eût été une plaisanterie, n’en était pas une pour lui et eût pu s’appliquer à lui-même.
Au-dessus et au-dessous, un bois de châtaigniers, des groupes de noyers, une vigne presque inculte rampant sur le grès, un champ de maïs aux régimes d’or, un autre de froment, de blé noir ou de raves, enfin une prairie marécageuse tachetée de la verdure suspecte des joncs, forment tout le domaine, et avec le domaine tout le patrimoine de la famille. Il faut y ajouter une maison noire de vétusté et d’abandon, meublée de meubles antiques, dans quelque rue sombre et serpentante de Chambéry, à l’ombre des rampes aristocratiques qui montent au château du gouverneur de Savoie. […] La haute muraille noire du Mont-du-Chat étend et gonfle ses fondements jusque dans cette vallée ; ses ruisseaux, ses cascades, ses longues ombres s’y versent dans le torrent large et rocailleux de l’Aisse. […] De grands beaux yeux bleus pleins de lumière, encadrés dans des sourcils encore noirs, un nez carré, des joues fermes, une bouche large et façonnée à plaisir par la nature pour l’éloquence, un menton solide, relevé, presque provoquant, une expression hardie, un demi-sourire moitié de bienveillance, moitié de sarcasme, complétaient cette figure. […] La belle Maria-Antonia recevait son monde avec sa robe blanche et ses cheveux noirs, sans diamants, sans perles, sans fleurs ; elle sait fort bien qu’elle n’a pas besoin de tout cela.
Puis bientôt revenant à ce dégoût de son métier, dégoût que j’ai rencontré, dans les derniers temps, chez Gavarni, il s’écrie : « Ah si j’avais une petite rente, là toute petite, mais immuable, comme je m’en irais d’ici, tout de suite… comme j’irais vers un bout de pays, aux rivières, où il y de la poussière dedans et qu’on balaye… Ce sont les rivières que j’aime… Pas d’humidité… dans le dos par exemple, un bois de palmiers, comme à Bordiguères… et une Méditerranée bleue à l’horizon. » Il s’arrête quelque temps dans la contemplation de son paysage, et reprend : « Par un coup de soleil, nous esthétiserions, au bord de la mer, les pieds dans la vague, comme Socrate ou Platon. » Pendant qu’il parle, tour à tour, l’une de ses sœurs, de ces vieilles à tignasse grise, au torse maigre flottant dans la flanelle d’une vareuse, entre, sans qu’on l’entende, s’assied une seconde, donne une caresse au petit chien blanc ou à la noire Cléopâtre, et ressort, en enveloppant son frère d’un regard de tendresse. […] Le comte Pfeffel, un petit vieillard, ratatiné, séché, nerveux, bilieux, ironique, ayant quelque chose du physique d’un diable malingre ; le nonce du pape, Tagliani, un homme trapu, pileux, noir, charbonné, ayant quelque chose du physique d’un diable trop bien portant ; de Vaublanc, ancien chambellan et ancien ami du roi Louis ; un vieil émigré français, qui ne s’est jamais abaissé à parler allemand, très aimable, très sourd, très dix-huitième siècle ; un jeune officier dans l’armée bavaroise, fils du comte Poggi. […] Sa tête, d’une pâleur orangée, s’enfonçait dans le noir de ses longs cheveux. […] C’est un garçon tout maigre, tout noir, tout barbu, avec une inquiétante fixité dans ses yeux caves. Et cette lampe allumée, et ces petits morceaux de cire, qui semblent, en leur boîte à cigare, de petits morceaux de chair, et ce profil de Madeleine, qui prend peu à peu, sur la plaque de verre noir, une réalité mystérieuse, sous le jour crépusculaire, me jettent, à la longue, dans une espèce de peur de cette vie magique, que cuisine dans cette cave, ce pâle garçon.
Même, pour ce tableau le plus antique, le retour du printemps, que l’on prenne, dans Anna Karénine, la sortie du propriétaire Lévine, allant, par la première journée douce de renouveau, inspecter les champs aux molles noires, les enclos où meuglent les bestiaux étourdis et ivres de leur sortie au grand air, puis sa course à cheval par ses bois, dans la brise molle et crue cependant de la fonte des neiges, dont l’eau claire court, à peine salie sur le sol gelé ; les faits familiers mais précisés, les sensations vives fraîchement remémorées d’une observation plus attentive et plus charmée, plus immédiatement vraie que dans la plupart des romans réalistes, s’y pressent comme pris à même avec de grosses et bonnes mains, sans qu’il y ait cependant à vrai dire de passages descriptifs, sans qu’on puisse séparer la série de traits formant tableau de la série des pensées du personnage dont la présence dans cette scène en cause le narré. […] Il est induit à tout percevoir avec la clarté précise et noire d’une illumination d’éclair, avec des yeux tout proches et étonnés de découvrir l’intime des choses, de connaître des âmes d’inconnus mieux que celle d’amis, de parler sur la vaste scène de la vie des dons d’interne et neuve pénétration, comme d’un être rénové et de sens intacts. […] Dans ce vaste drame, la vie même est jouée ; les spectateurs sont de la pièce ; ils ne sortent pas d’eux-mêmes, mais, pris à la magie de cet art, s’abandonnent à la belle et facile occasion de poursuivre leur existence quotidienne dans le fictif, dans un lieu sans peines, sans dégradants soucis de soi-même, mais baigné d’une atmosphère de rêve et de brume immense, complexe, obscur, fragmentaire, vaste, noire, et si immédiatement connu d’une vue si proche, que le lecteur s’y perd et s’y trouve comme un passant dans le large miroir des eaux profondes ou stagnent le ciel, le site et lui-même qui reconnaît son ombre dans la leur. […] Les lieux de massacre à la terre gluante et noire de sang, les lazarets pleins de râles, de cris, de membres amputés, d’exhalaisons putrides, sont des lieux d’humanité, comme les multitudes grouillantes, odorantes et bavardes des jours de fête, comme les troupes de laboureurs, tendant des muscles suants sous les lourds soleils, comme ces bals où hommes et femmes échangent, de leurs yeux vagues, d’inarticulés et frissonnants appels aux consommations de la volupté. […] Le problème allait se dresser dont on ne se tire pas avec quelques vagues gestes de malaise ; la pensée de la mort se présentait, et là, sentant que la vie des hommes est faite d’autant de malheur que de bonheur, le monde d’autant de bien que de mal, jugeant l’existence des individus insensée de durer en cette condition pour s’éteindre dans le noir de l’inconnu, Tolstoï dut répondre à la voix de son angoisse et choisir entre son adhésion au réel qu’il ne pouvait rendre sincèrement complète, et son amour du bien et de bonheur, son besoin d’explication du mal et du malheur, qu’il lui fallait satisfaire sous peine de désespérer.
Les voilà haut, les voilà loin ; ce ne sont plus que des points noirs. […] L’ombre de Job est petite et noire et cachée sous lui comme la vipère sous le rocher. […] Son style, sorte de nuée nocturne, s’illumine coup sur coup d’images qui empourprent subitement tout l’abîme de cette pensée noire et qui vous font dire : Il éclaire ! […] Balbeck dans la Syrie Creuse, Apamée sur l’Oronte où Nicanor nourrissait ses éléphants, le port d’Asiongaber où s’arrêtaient les vaisseaux d’Ophir, chargés d’or, Segher, qui produisait l’encens blanc, préféré à celui d’Hadramauth, les deux Syrtes, la montagne d’émeraude Smaragdus, les Nasamones qui pillaient les naufragés, la nation noire Agyzimba, Adribé, ville des crocodiles, Cynopolis, ville des chiens, les surprenantes cités de la Comagène, Claudias et Barsalium, peut-être même Tadamora, la ville de Salomon ; telles étaient les étapes de ce pèlerinage, presque fabuleux, des penseurs. […] Tel de ces noirs chefs-d’œuvre à plusieurs têtes fait sur l’horizon de l’art la silhouette d’une hydre.
Les pierres pour lui prennent une voix, les murs blancs s’allongent comme de grands fantômes, les puits noirs bâillent hideusement et mystérieusement dans les ténèbres ; des légions d’êtres étranges tourbillonnent en frissonnant dans la campagne fantastique ; la nature vide se peuple, la matière inerte s’agite. […] Mais c’était une bonne chose pour cette cour pavée d’encadrer une si délicate petite figure ; elle passait comme un sourire le long des vieilles maisons noires et des dalles usées, les laissant plus sombres, plus tristes, plus grimaçantes que jamais ; cela ne fait pas de doute ! […] Nous ne pensons pas aux noires ombres des arbres ; nous franchissons du même galop clartés, ténèbres, comme si la lumière de Londres à cinquante milles d’ici suffisait, et au-delà, pour illuminer la route ! […] Quelle douleur n’adouciraient pas les voitures à quatre chevaux, les tentures de velours, les cochers en manteaux de drap et en bottes à revers, les plumes d’autruche teintes en noir, les acolytes à pied habillés dans le grand style, portant des bâtons garnis de cuivre ? […] Cette autorité était accrue par le front de l’orateur, sorte de mur carré, ayant les sourcils pour base, pendant que ses yeux trouvaient une cage commode dans deux caves noires qu’ombrageait le mur.
Là, quand je ferme les yeux, là dans mon front, où se réunifia force visuelle, je trouve ses yeux noirs. […] Je crois voir encore son grand œil noir me regarder fixement ; puis il devint trouble et se ferma. » Carmen morte, sa vie est finie, il n’a plus qu’à galoper jusqu’à Cordoue pour se livrer, et attendre le garrot, privilège des nobles, qui ne sont pas pendus comme les vilains. […] Ajoutez à cela une certaine vue pessimiste de la nature humaine et de ses égoïsmes, comme on en trouve facilement chez toute âme de diplomate, et vous comprendrez la parenté étroite qui relie les visions déjà sanglantes de l’auteur de Rouge et Noir aux drames sombres de Zola. […] Voici la familiarité et le langage imagé du peuple : Quand on n’a pas mangé, c’est très drôle. — Savez-vous, la nuit, quand je marche sur le boulevard, je vois des arbres comme des fourches, je vois des maisons toutes noires grosses comme les tours de Notre-Dame, je me figure que les murs blancs sont la rivière, je me dis : Tiens, il y a de l’eau là ! […] Gaud est présente par lui aux premières pages du livre, là-bas, en Islande, auprès de Yann, Sylvestre mort, c’est dans sa chaumière, auprès de sa vieille grand’mère que s’en vient demeurer Gaud ; c’est sous son portrait encadré d’une couronne de perles noires que Yann et Gaud se disent leur amour.
J’achevais de le lire mercredi matin, tandis que se faisait aux faubourgs populeux cette descente anniversaire qui, d’un seul flot, refoule notre humanité perfectible aux beaux jours de l’antique Sardanapale, et je me disais, en entendant ces échos lointains : « N’est-ce donc pas une débauche aussi que tant de grâce, de sensibilité, d’esprit fin et d’observation morale, s’employant et s’affichant uniquement pour mettre du noir sur du blanc, comme on dit, et pour vider l’écritoire ?
Nous nous promenâmes longtemps au milieu des pierres sépulcrales de marbre noir, semées çà et là sur la terre ; les unes étaient totalement brisées, les autres offraient encore quelques restes d’épitaphes.
On pense involontairement aux portraits des théologiens du siècle, âpres figures enfoncées dans l’acier par le dur burin des maîtres, et dont le front géométrique, les yeux fixes se détachent avec un relief violent hors d’un panneau de chêne noir. […] ou bien est-ce qu’un noir nuage — a tourné sa bordure d’argent sur la nuit ? — Je ne me trompe pas, un noir nuage — a tourné sa bordure d’argent sur la nuit, — et jette une lueur entre l’ombre touffue des feuilles501. […] L’autre forme, — si l’on peut appeler forme ce qui n’avait point de forme distincte — dans les membres, dans les articulations, dans la stature, — ou substance, ce qui paraissait une ombre… Elle était debout, noire comme la nuit, — farouche comme dix furies, terrible comme l’enfer, — et secouait un dard formidable. […] Ils étaient debout, sur le sol céleste, et du rivage — ils contemplaient le vaste incommensurable abîme, — tumultueux comme la mer, noir, dévasté, sauvage, — du haut jusqu’au fond retourné par des vents furieux — et par des vagues soulevées comme des montagnes, pour assaillir — la hauteur du ciel, et avec le centre confondre les pôles
Quel œil noir, profond comme la mer ! […] Il s’habillait anciennement tout de velours noir, ou bien tout de nankin, suivant la saison. […] Sa chambre est tendue de noir ; il a des carreaux de vitre violets ou blancs dépolis. […] La chaude pâleur de son visage laissait briller dans tout leur éclat ses yeux noirs et luisants. […] L’une était une petite brune, à l’œil vif et noir, toute gracieuse et enjouée ; on me la nomma Mme de Pontécoulant.
Chaque jour de la semaine est défini en ces pages selon sa caractéristique, chaque jour y a sa chanson : lundi, où chôment les établis ; mardi, toute la blancheur des toiles et des langes ; mercredi, le « grand jour des jardiniers » et des marchés où sonnent les carillons ; jeudi, le jeudi des amoureux, baisers donnés, baisers à rendre ; vendredi, « l’heure des bouches », et samedi, « avec votre bel habit noir », ce sont les six jours de non-repos évoqués l’un après l’antre, et c’est la vie honorée plus simplement, s’il se peut, que dans En symbole vers l’apostolat, honorée en pensée humble, en paroles portant modeste robe de bure… Et voici : les quatre volumes que signa M.
Une fleur aperçue dans un terrain vague ou sur le rebord d’une fenêtre, à un étage proche du ciel, un coin joyeux du faubourg, un pauvre intérieur étudié d’un coup d’œil qui en fait sentir la noire misère, un enterrement par la pluie, tout est bon aux rêves du poète.
Nous nous aimions pour noire cœur et non pour nos talents.
Puis saint Paul vit des pucelles vêtues d’un noir vêtement. […] Des oisillons chantaient, et, sous le soleil, le vol des pies tachait de noir et de blanc le vert des champs. […] Car il dit : « Les chats noirs sont ceux dont la nature a toujours été le plus avare. » C’est bien le noir que Moncrif préfère chez les chats. […] Elle avait les cheveux noirs et de blanches épaules. […] Isabelle aimait à s’étendre sur un burnous en poil de chameau noir, ayant sur sa tête le ciel étoilé.