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605. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XII. Mme la Princesse de Belgiojoso »

De toutes les questions que ce qu’elle voit peut remuer, elle n’en remue vraiment aucune, et elle décline même avec un mouvement charmant et une modestie qui pourrait être l’orgueil bien entendu de la femme, sa compétence à les traiter. […] Excepté à Nazareth, la ville crypte et le berceau du Sauveur, et à Jérusalem, notre patrie à tous, nous autres chrétiens avec ou sans patrie, où la voyageuse retrouve une palpitation, mouvement d’aile d’un oiseau blessé, il n’y a pas le moindre enthousiasme dans tout le courant de ce livre.

606. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

Demogeot est une nature oratoire, électrique, émue, déchirant un sujet sous sa parole avec ces beaux mouvements de griffes et ces grâces de lion qu’ont parfois les hommes qui savent parler, mais ce que nous savons, c’est que dans sa chaire, s’il est tout cela, il ne l’est pas dans son livre. […] Du moins ne l’est-il pas dans les formes extérieures et les mouvements de son esprit.

607. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution d’Angleterre »

Prenez, en effet, les événements, les péripéties, les grands chocs, les causes mystérieuses ou visibles, absolues ou secondaires, les empêchements, les choses, comme disent les esprits vagues, la fatalité des circonstances, comme disent les esprits hébétés, les idées, enfin, comme répètent à leur tour les mystiques brouillons d’un panthéisme confus, c’est-à-dire prenez tout ce qui constitue l’Histoire, et cherchez résolument si tout cela cache rien de plus, sous un mouvement gigantesque ou une ruine immense, que la toute petite créature qui s’appelle l’homme, que cette vieillerie du cœur humain dont le programme est toujours à reprendre et qu’on ne connaît jamais assez ! […] Voilà la France comme le mouvement révolutionnaire l’a livrée au socialisme, qui va la prendre et la ruiner, mais qui ne la corrompra pas davantage !

608. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le docteur Revelière » pp. 381-394

La République, que Napoléon prophétisait à cinquante ans de lui, s’y est accomplie, comme un mouvement de bataille qu’il aurait calculé. […] … Les badauds de philosophie et de civilisation, qui expliquent tout avec le mouvement général de la pensée et les évolutions progressives de l’esprit humain, affectaient de ne pas croire à l’importance des sociétés secrètes.

609. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

Chaque jurande, pour être individuellement constituée, n’en participait pas moins dans la sphère de son activité au mouvement de progression universelle… » L’esprit qui animait cette organisation était cet esprit catholique qui fit la force du Moyen Âge, et qui refera la nôtre quand il recommencera de souffler en nous. […] Le spectacle qu’il offre à l’esprit, c’est le mouvement continu et en avant.

610. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Dans ce poème dont il est facile de constater la faiblesse d’invention et de drame, et où l’homme seulement se promet, il y a un chant intitulé « L’Église », entièrement lyrique de mouvement et de rythme, et dont la simplicité est divine. […] Il est trop long pour que nous puissions le citer dans la variété de toutes ses modulations, mais dites si depuis les roucoulements des chœurs d’Esther ou d’Athalie vous avez vu des strophes de cette transparence tomber, avec ce mouvement de vapeur, dans un air léger : Une Vierge de Galilée Du nom de Marie appelée En ses deux lianes vous portera, Et dans une étable naîtra Le roi de la sphère étoilée !

611. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

Les poésies homériques, incontestables d’antiquité et de génie, quel qu’en soit l’auteur, supposent, avant elles, un monde déjà poétique, des fêtes religieuses, des chants, des oracles, tout ce mouvement lyrique naturel à l’âme humaine quand elle s’élève ou se passionne. […] Cette poésie lyrique d’Alcman, là où, perdant sa teinte originelle d’Asie, elle était devenue toute laconienne, semble du reste avoir été grave et calme comme le son de la flûte57, qui, chez les Crétois et les Spartiates, réglait même les mouvements impétueux du combat.

612. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Des Essarts, Alfred (1811-1893) »

Anonyme Alfred des Essarts se jeta vers 1832 dans le mouvement de l’école romantique, à laquelle il est demeuré fidèle, tout en ayant modifié et perfectionné sa facture depuis l’évolution marquée par la Légende des siècles.

613. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 349

Le mouvement des planetes est très-bien expliqué dans l’Ouvrage qu’il publia sous le titre d’Astronomia Philolaïca.

614. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

L’âme est semblable, si vous voulez, à ces molécules de l’air ou de l’eau qui ont chacune une configuration propre et isolée, mais qui font partie cependant de l’élément eau ou de l’élément air, qui exercent chacune leur pression relative sur l’élément tout entier, et qui subissent à leur tour la pression de chaque vague de la mer ou de chaque mouvement de l’éther. […] Je dirais de plus que la musique est un mouvement, une locomotion de l’âme par l’oreille, qui vous saisit, vous emporte, vous transporte, vous exalte en croissant jusqu’au vertige, jusqu’au délire, et que la peinture est immobile et uniforme comme la matière inanimée. […] C’est toujours une religion qui enfante un art ; il n’y a que ces grands mouvements de l’esprit humain qui soient de force à surexciter et à concentrer assez les puissances vitales de l’imagination des hommes pour leur faire produire ces monuments populaires de la poésie, de la musique, de la peinture, de la sculpture, de l’architecture surtout. […] Quand on approche d’elles pour mesurer de l’œil la grandeur de leurs pis gonflés de lait, qu’on trait deux fois par jour sans tarir la source, elles relèvent leurs larges têtes, ornées plutôt qu’armées de leurs cornes que le joug n’humilie jamais ; elles laissent pendre, comme une draperie à festons redoublés sous leurs cous, leurs larges fanons jusqu’à leurs genoux luisants du poli de l’herbe sur les jointures ; elles ruminent lentement, par un mouvement horizontal et distrait de leurs mâchoires, la touffe d’herbe et de fleurs broyées dont les brins pendent des deux côtés de leur bouche, et elles vous regardent d’abord avec étonnement, puis avec familiarité, puis avec amour. […] Robert y prit le goût de la rectitude et de la sobriété des lignes de ses figures ; il ne pouvait y prendre ni l’expression des physionomies, ni la passion, ni le mouvement, ni le coloris, triple vie du tableau qui manquait entièrement à son maître.

615. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Et l’on a devant soi, surpris sur la nature, le gracieux tortillage des mouvements et des gestes de ces petites filles-singes. […] Et quand on passe dans la chambre à lit, qui sert de petit salon, on trouve telle qu’elle était autrefois, la simple madame de Chennevières, et Bébé, emplissant plus que jamais de son bruit, de son mouvement, du caprice tyrannique, de son remue-ménage, le milieu bourgeois et familieux. […] » me dit-il avec de grands mouvements des bras colères, et un rire méprisant qui joue mal le « Je m’en fous !  […] Et la belle gravité de style que donne aux mouvements, aux attitudes, le danger du métier ! […] Il ne dit pas un mot, mais m’indique, d’un bras théâtralement tendu, la porte… Je ramasse mon carton, tout en me disant à moi-même : puisqu’il la fait à la noblesse, il faut la continuer… Et le père me voit, une main devant les yeux, la colonne vertébrale, secouée de mouvements de désespoir, sortir de la pièce, avec la marche de Levassor, dans la parodie de Lucie de Lammermoor.

616. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

À prendre la tête du mouvement populaire, le gouvernement ne descendait pas. […] Après avoir retracé les vastes mouvements d’une scène historique, Audin a retourné la toile et nous a donné un tableau d’intérieur et de genre, mariant dans un mélange inattendu, qui est presque une invention, la biographie à l’histoire. […] Comme il l’a très bien dit dans une de ces introductions où il excellait, la Réforme fut à Wittemberg le produit d’une révolte de cloître, à Genève d’un mouvement politique, et, les points de départ différant, les aboutissants différèrent. En Saxe, l’anarchie brouilla tout, dans des torrents de fange et de sang qui ont séché où ils coulèrent ; mais, en Suisse, de ce sang et de cette fange, le despotisme fit un mortier singulièrement tenace, et en bâtit un édifice qui dure encore sur les débris du protestantisme allemand, pulvérisé par son propre principe, cette roue d’Ixion qui tourne toujours, même dans le vide, depuis que Luther lui a imprimé le mouvement ! […] Audin croit à l’heureuse influence du mouvement intellectuel provoqué par Léon X comme il croit à sa grandeur.

617. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Au reste, il aurait fallu à Bailly un fonds d’humeur bien morose et un grain de misanthropie bien prononcée pour ne pas voir tout en beau en ces premiers mois où tout lui souriait, et où la publique estime lui apportait à chaque mouvement de l’opinion une surprise flatteuse et une récompense. […] Tout en ne se donnant aucun mouvement pour être nommé Bailly n’était point fâché qu’on lui fît violence. […] Tel fut Bailly ; savant ingénieux, écrivain élégant et pur, l’un des plus louables produits et des meilleurs sujets que l’Ancien Régime ait légués au nouveau ; qui n’eut rien en lui du mouvement d’initiative ni du levain révolutionnaire des Mirabeau, des Condorcet, des Chamfort, de ces novateurs plus ou moins aigris, irrités ou inspirés ; qui n’accepta dans sa droiture que ce qui lui parut juste, qui s’y tint, et qui, malgré des faiblesses de vue et des illusions de bon naturel, laisse à jamais l’idée d’un homme aussi éclairé que modéré et vertueux.

618. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Ramond entra avec vivacité et franchise dans le mouvement de 89. […] Le mouvement réparateur et scientifique de l’an III ne se fit sentir à lui que par des influences salutaires. […] Elle nous le montre aussi au naturel dans sa conversation et dans sa personne : « On aurait dit que l’âge accroissait encore le feu de ses discours et de ses regards ; et jusqu’à ses derniers moments, ses proportions légères, son tempérament sec, la vivacité de ses mouvements, ont rappelé le peintre des montagnes. » En ce qui était des hommes, des personnages en scène, il les jugeait bien et les marquait en les jugeant ; sa conversation était gaie, piquante ; il avait de ces mots qui restent, du caustique, le trait prompt et continuel4.

619. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Le premier mouvement de Charron, frappé d’apoplexie foudroyante dans une rue de Paris où il tomba et où il mourut, fut de se jeter à genoux pour prier Dieu. […] … L’homme croit que le ciel, les étoiles, tout ce grand mouvement céleste et branle du monde, n’est fait que pour lui… Et le pauvre misérable est bien ridicule. Il est ici-bas logé au dernier et pire étage de ce monde, plus éloigné de la voûte céleste, en la cloaque et sentine de l’univers, avec la bourbe et la lie, avec les animaux de la pire condition…, et se fait croire qu’il est le maître commandant à tout, que toutes créatures, même ces grands corps lumineux, incorruptibles, desquels il ne peut savoir la moindre vertu, et est contraint tout transi les admirer, ne branlent que pour lui et son service… Ici Charron combine et resserre deux passages différents ; il écourte Montaigne, mais il ne saurait faire oublier ni supprimer cette admirable interrogation que l’on dirait de Pascal s’adressant des objections à lui-même : Qui lui a persuadé que ce branle admirable de la voûte céleste, la lumière éternelle de ces flambeaux roulant si fièrement sur sa tête, les mouvements épouvantables de cette mer infinie, soient établis et se continuent tant de siècles pour sa commodité et pour son service ?

620. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

N’oublions pas que les hommes, y compris les femmes, ne sont pas tout d’une pièce, qu’il y a des temps d’émotion générale où une démarche, un mouvement qui ne sera pas entièrement d’accord avec l’ensemble de la ligne suivie, peut paraître la chose la plus naturelle ; et, dans ce cas-ci, le mouvement qui aurait porté Mme de Staël à écrire la lettre en question, serait infiniment honorable, et, par conséquent, digne d’elle. […] Cette lettre, ou telle autre pareille, ne nous forcez pas à le dire, nous les amis de Mme de Staël, et qui comprenons ses premiers mouvements en plus d’un sens, c’est la compensation peut-être d’avoir écrit un jour au général Moreau de revenir d’Amérique pour nous combattre, d’avoir appelé Bernadotte le véritable héros du siècle, celui qui joint la vertu au génie ; elle a pu, dans des moments de révolte et d’irritation trop motivée, s’emporter à ces vivacités extra-françaises ; elle était femme après tout, nous ne l’en blâmons pas ; mais concevez donc aussi qu’elle a pu écrire à un autre moment cette lettre toute française en simple brave femme qu’elle était ce jour-là, et en bonne patriote.

621. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Gœthe avait assisté dans sa longue vie à bien des développements, à bien des mouvements et des agitations au sein de cette littérature allemande où il régnait : sa domination n’avait pas été toujours incontestée ; il y avait eu des essais de révolte ou du moins d’indépendance. […] Aussi tout chez eux est comme chez nous, même la nouvelle piété : seulement elle se montre chez eux un peu plus galante et plus spirituelle. » Le mouvement romantique se confondait un peu alors, en France comme en Allemagne, avec le mouvement religieux et néo-catholique, bien que la liaison fût moins étroite.

622. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Ce n’est pas à nous, — ce n’est pas à moi du moins qui ne fais point et qui n’ai jamais fait (ou qu’à peine) de politique proprement dite, — d’insister sur ce peu de chose qui est la grosse question ; je ne voulais que remarquer qu’il y a, à l’heure qu’il est, bien des rôles remplis dans ce mouvement croissant de la presse actuelle ; et que, parmi ces rôles, M.  […] Le parti catholique et légitimiste, ennemi de la Révolution et du mouvement social, semblait avoir en ce temps-là, aux yeux de plusieurs, le privilège des hauts esprits et des hautes doctrines. […] Guéroult, bien jeune alors, fut à sa manière et dans sa ligne l’un des adeptes de ce mouvement ; il n’a pas à en rougir ni à en rien renier aujourd’hui.

623. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

Daru, ouvrant le Moniteur qu’il trouva sur la cheminée, fit un mouvement de surprise. […] J’écoutais le bruit lointain de nos victoires, et mes chants en étaient l’écho, — ou le mouvement intérieur de mon âme, et mes vers réfléchissaient les images dont j’étais entouré. […] Une telle poésie existe de droit et se justifie à elle seule. — Poésie modérée, bien que depuis lors nous en connaissions une autre, grande, magnifique, souveraine, et que nous nous inclinions devant, et que nous l’admirions en ses sublimes endroits ; — poésie d’entre-deux, moins vive, moins imaginative, restée plus purement gauloise ou française, plus conforme à ce que nous étions et avant Malherbe et après ; — poésie qui n’es pas pour cela la poésie académique ni le lieu commun, et qui as en toi ton inspiration bien présente ; qui, à défaut d’images continues, possèdes et as pour ressources, à ton usage, le juste et ferme emploi des mots, la vigueur du tour, la fierté du mouvement ou la naïveté du jet ; poésie qui te composes de raison et de sensibilité unies, combinées, exprimées avec émotion, rendues avec harmonie ; puisses-tu, à ton degré et à ton heure, à côté de la poésie éclatante et suprême, te maintenir toujours, ne cesser jamais d’exister parmi nous, et d’être honorée chez ceux qui t’ont cultivée avec amour et candeur !

624. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Ainsi la monarchie de Louis XIV, d’abord admirée pour l’apparente et fastueuse régularité qu’y afficha le monarque et que célébra Voltaire, puis trahie dans son infirmité réelle par les Mémoires de Dangeau, de la princesse Palatine, et rapetissée à dessein par Lemontey, nous reparaît chez Saint-Simon vaste, encombrée et flottante, dans une confusion qui n’est pas sans grandeur et sans beauté, avec tous les rouages de plus en plus inutiles de l’antique constitution abolie, avec tout ce que l’habitude conserve de formes et de mouvements, même après que l’esprit et le sens des choses ont disparu ; déjà sujette au bon plaisir despotique, mais mal disciplinée encore à l’étiquette suprême qui finira par triompher. […] Il y a des hommes qui, tout en suivant le mouvement général de leur siècle, n’en conservent pas moins une individualité profonde et indélébile : Molière en est le plus éclatant exemple. Il en est d’autres qui, sans aller dans le sens de ce mouvement général, et en montrant par conséquent une certaine originalité propre, en ont moins pourtant qu’ils ne paraissent, bien qu’il puisse leur en rester beaucoup.

625. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

Sous ce rapport, il n’est pas dépourvu d’une sorte de philosophie ; mais cet esprit décourageant arrête le mouvement de l’âme qui porte à se dévouer ; il déconcerte jusqu’à l’indignation ; il flétrit l’espérance de la jeunesse. […] Les hommes, à la guerre, s’excitent aux mouvements de fureur qui doivent les animer, en se servant sans cesse du langage le plus grossier. […] Sans doute les premiers citoyens d’un état libre doivent avoir, dans le maintien, plus de gravité que les flatteurs d’un monarque ; mais l’exagération de la froideur serait un moyen d’arrêter l’essor de tous les mouvements généreux.

626. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

Dans l’astronomie, la suite des calculs et des observations qui, de Newton à Laplace, transforment la science en un problème de mécanique, expliquent et prédisent tous les mouvements des planètes et de leurs satellites, indiquent l’origine et la formation de notre système solaire, et débordent au-delà par les découvertes d’Herschel, jusqu’à nous faire entrevoir la distribution des archipels stellaires et les grandes lignes de l’architecture des cieux. — Dans la physique, la décomposition du rayon lumineux et les principes de l’optique trouvés par Newton, la vitesse du son, la forme de ses ondulations, et, depuis Sauveur jusqu’à Chladni, depuis Newton jusqu’à Bernoulli et Lagrange, les lois expérimentales et les théorèmes principaux de l’acoustique, les premières lois de la chaleur rayonnante par Newton, Kraft et Lambert, la théorie de la chaleur latente par Black, la mesure du calorique par Lavoisier et Laplace, les premières idées vraies sur l’essence du feu et de la chaleur, les expériences, les lois, les machines par lesquelles Dufay, Nollet, Franklin et surtout Coulomb expliquent, manient et utilisent pour la première fois l’électricité. — En chimie, tous les fondements de la science, l’oxygène, l’azote, l’hydrogène isolés, la composition de l’eau, la théorie de la combustion, la nomenclature chimique, l’analyse quantitative, l’indestructibilité de la matière et du poids, bref les découvertes de Scheele, de Priestley, de Cavendish et de Stahl, couronnées par la théorie et la langue définitives de Lavoisier. — En minéralogie, le goniomètre, la fixité des angles et les premières lois de dérivation par Romé de Lisle, puis la découverte des types et la déduction mathématique des formes secondaires par Haüy. — En géologie, les suites et la vérification de la théorie de Newton, la figure exacte de la terre, l’aplatissement des pôles, le renflement de l’équateur328, la cause et la loi des marées, la fluidité primitive de la planète, la persistance de la chaleur centrale ; puis, avec Buffon, Desmarets, Hutton, Werner, l’origine aqueuse ou ignée des roches, la stratification des terrains, la structure fossile des couches, le séjour prolongé et répété de la mer sur les continents, le lent dépôt des débris animaux et végétaux, la prodigieuse antiquité de la vie, les dénudations, les cassures, les transformations graduelles du relief terrestre329, et à la fin le tableau grandiose où Buffon trace en traits approximatifs l’histoire entière de notre globe, depuis le moment où il n’était qu’une masse de lave ardente jusqu’à l’époque où notre espèce, après tant d’autres espèces détruites ou survivantes, a pu l’habiter  Sur cette science de la matière brute, on voit en même temps s’élever la science de la matière organisée. […] Il y a de ces lois pour les nombres, les figures et les mouvements, pour la révolution des planètes et la chute des corps, pour la propagation de la lumière et le rayonnement de la chaleur, pour les attractions et les répulsions de l’électricité, pour les combinaisons chimiques, pour la naissance, l’équilibre et la dissolution du corps organisé. […] Ce que nous trouvons d’abord en lui, c’est la sensation, de telle ou telle espèce, agréable ou pénible, par suite un besoin, tendance ou désir, par suite enfin, grâce à un mécanisme physiologique, des mouvements volontaires ou involontaires, plus ou moins exactement et plus ou moins vite appropriés et coordonnés.

627. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Développement de Rabelais Le grand mouvement d’idées que la découverte de l’antiquité détermina chez nous pendant le premier tiers du xvie  siècle ne s’était fait encore sentir qu’incidemment dans la littérature, quand soudain il éclata dans le premier livre de Pantagruel (fin de 1532), bientôt suivi de son père Gargantua 175. […] Si attaché à reproduire le mouvement, l’effort de la vie dans l’infinie divergence de ses directions, Rabelais se moque bien de nos systèmes. […] Et je le croirais : il a regardé la vie en mouvement, en travail.

628. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Jamais, avant ces trois professeurs célèbres, l’enseignement ne s’était montré avec autant d’éclat, de concert et de mouvement. […] Mais il y a tel instant où, du fond de cette vanité, de cet égoïsme, de cette petitesse, de ces misères, de cette boue dont nous sommes faits, sort tout à coup un je ne sais quoi, un cri du cœur, un mouvement instinctif et irréfléchi, quelquefois même une résolution, qui ne se rapporte pas à nous, mais à un autre, mais à une idée, à notre père et à notre mère, à notre ami, à la patrie, à Dieu, à l’humanité malheureuse, et cela seul trahit en nous quelque chose de désintéressé, un reste ou un commencement de grandeur, qui, bien cultivé, peut se répandre dans l’âme et dans la vie tout entière, soutenir ou réparer nos défaillances, et protester du moins contre les vices qui nous entraînent et contre les fautes qui nous échappent. […] Quoi qu’il en soit, La Rochefoucauld pour lui est le grand adversaire et le rival qui, il y a deux siècles, l’a supplanté : aussi lui impute-t-il tous les torts de celle qu’il eût sans doute bien mieux dirigée en sa place : « Je mets, dit-il en parlant de l’héroïne de la Fronde, je mets tous ses mouvements désordonnés sur le compte de l’esprit inquiet et mobile de La Rochefoucauld.

629. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Le mouvement de la révolution étant de tout accorder aux opinions et de tout refuser aux mœurs, il en est résulté que le divorce a été introduit dans nos institutions ; mais on l’a graduellement restreint, on a dû finir par le supprimer. […] Mais, j’ai besoin de le répéter, cette aristocratie qui repose dans nos mœurs et dans notre langue ne peut empêcher le mouvement progressif. […] Je pourrais dire, ce que je crois vrai, que la masse d’une nation, qui d’ordinaire suit une marche progressive, mais lente, et par conséquent ne fait qu’obéir à une impulsion imprimée de plus haut et de plus loin, maintenant a une marche rapide et spontanée, et aide elle-même au mouvement, ce qui change toutes les données sociales.

630. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

Dardées par ce visage net et par cette bouche expressive, les pensées prenaient un corps, devenaient visibles, pénétraient dans l’auditeur, le domptaient, le possédaient, le livraient aux coups de théâtre, aux effets de style, aux mouvements de passion, aux surprises de méthode. […] Dire de quels mouvements ils furent agités serait trop long. […] Nul mouvement, nul bruit ; les agitations des sommets n’arrivent point jusqu’à la terre.

631. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

L’apostrophe à la Vertu qui termine cette pièce a droit d’être placée parmi les plus beaux mouvements de poésie lyrique. […] Elle ordonne sa vie en vue du bien, et soumet à cette règle austère tous les mouvements de sa pensée. […] Sandeau a composé un roman qui a toute la réalité d’un souvenir personnel, et en même temps tout le mouvement d’un drame. […] Sandeau, par la réalité, par le mouvement et la vie. […] Elle s’interdisait de gaieté de cœur le mouvement, la variété, l’animation ; elle renonçait volontairement à toute la partie épique du sujet.

632. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — O — Ordinaire, Dionys (1826-1896) »

Dans Mes rimes, tout est de verve, de flamme et de mouvement.

633. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

Voltaire veut que ce rêve soit vrai, parce qu’autrement il ne peut expliquer le bel arrangement du monde et qu’une horloge suppose un horloger ; il faudrait d’abord prouver que le monde est une horloge et chercher si l’arrangement, tel quel, incomplet, qu’on y observe ne s’explique pas mieux par une supposition plus simple et plus conforme à l’expérience, celle d’une matière éternelle en qui le mouvement est éternel. […] La voici : Il existait un homme naturel, on a introduit au dedans de cet homme un homme artificiel, et il s’est élevé dans la caverne une guerre civile qui dure toute la vie… Si vous vous proposez d’être son tyran…, empoisonnez-le de votre mieux d’une morale contraire à la nature, faites-lui des entraves de toute espèce, embarrassez ses mouvements de mille obstacles ; attachez-lui des fantômes qui l’effrayent… Le voulez-vous heureux et libre, ne vous mêlez pas de ses affaires… Et demeurez à jamais convaincu que ce n’est pas pour vous, mais pour eux que ces sages législateurs vous ont pétri et maniéré comme vous l’êtes. […] » Toutes les souillures qu’il a contractées lui viennent du dehors ; c’est aux circonstances qu’il faut attribuer ses bassesses et ses vices : « Si j’étais tombé dans les mains d’un meilleur maître…, j’aurais été bon chrétien, bon père de famille, bon ami, bon ouvrier, bon homme en toutes choses. » Ainsi la société seule a tous les torts  Pareillement, dans l’homme en général, la nature est bonne. « Ses premiers mouvements sont toujours droits… Le principe fondamental de toute morale, sur lequel j’ai raisonné dans mes écrits, est que l’homme est un être naturellement bon, aimant la justice et l’ordre… L’Émile en particulier n’est qu’un traité de la bonté originelle de l’homme, destiné à montrer comment le vice et l’erreur, étrangers à sa constitution, s’y introduisent du dehors et l’altèrent insensiblement… La nature a fait l’homme heureux et bon, la société le déprave et le fait misérable412. » Dépouillez-le, par la pensée, de ses habitudes factices, de ses besoins surajoutés, de ses préjugés faux ; écartez les systèmes, rentrez dans votre propre cœur, écoutez le sentiment intime, laissez-vous guider par la lumière de l’instinct et de la conscience ; et vous retrouverez cet Adam primitif, semblable à une statue de marbre incorruptible qui, tombée dans un marais, a disparu depuis longtemps sous une croûte de moisissures et de vase, mais qui, délivrée de sa gaine fangeuse, peut remonter sur son piédestal avec toute la perfection de sa forme et toute la pureté de sa blancheur. […] Les pièces inférieures y servent comme les supérieures ; toutes sont nécessaires, proportionnées, en place, non seulement le cœur, la conscience, la raison et les facultés par lesquelles nous surpassons les brutes, mais encore les inclinations qui nous sont communes avec l’animal, l’instinct de conservation et de défense, le besoin de mouvement physique, l’appétit du sexe, et le reste des impulsions primitives, telles qu’on les constate dans l’enfant, dans le sauvage, dans l’homme inculte414. […] Les coups de bâton qu’il distribue, les violences qu’il commet, les meurtres et les assassinats dont il se rend coupable, ne sont-ce pas des affaires qu’on assoupit et dont au bout de six mois il n’est plus question   Que ce même homme soit volé, toute la police est aussitôt en mouvement, et malheur aux innocents qu’il soupçonne   Passe-t-il dans un lieu dangereux, voilà les escortes en campagne

634. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

D’Aubigné, je le sais, est du xvie  siècle par le génie et par le goût : mais, précisément, son originalité et sa caractéristique c’est d’être du xvie  siècle en plein xviie , de n’avoir pas marché quand tout était en mouvement, et de rester, entre Richelieu et Corneille, le contemporain de Charles IX et de Garnier. […] Et ce pamphlétaire enragé trouve des traits, des scènes que lui envierait un moraliste impartial : il trouve l’accent, le geste éternellement humains, le mouvement qu’impriment à l’humaine poupée l’ambition, l’avarice, la vanité. […] La vie mondaine et l’Astrée Si d’Aubigné n’a rien pu contre Malherbe, si même il sert à prouver par ses défauts et son échec la nécessité des principes de Malherbe, faut-il s’étonner que ni les colères gothiques de la demoiselle de Gournay, ni les illogiques emportements de Régnier, ni les capricieuses indépendances de Théophile n’aient pu enrayer le mouvement ? […] Tout naturellement, ils font des idées de leur public la règle de leur ouvrage, et ici c’est parfaitement juste : par un semblable mouvement, Théophile, qui a pourtant prodigué ses vers aux Iris et aux Philis, déclarait un beau jour qu’il n’en fallait plus, et que toute la mythologie avait fait son temps dans la poésie. […] La raison en est facile à entendre : la vie pastorale, au sortir du xvie siècle, avait enchanté une génération fatiguée, qui aspirait au repos ; mais on eut bientôt assez du repos, quand les forces revinrent, avec elles la fièvre du mouvement et de l’action.

635. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Nombre de communautés, réformées ou nouvelles, feuillants, bénédictins de Saint-Maur, oratoriens, prêtres de la Mission, compagnie de Saint-Sulpice, trappistes, sœurs de la Charité, filles du Calvaire, les unes contemplatives, d’autres actives, certaines studieuses, d’autres charitables, toutes ferventes et rigoristes, attestent, de la fin du xvie siècle jusque fort avant dans le xviie , la force du mouvement catholique. […] C’est ce qui lui permettra, persécuté et vaincu dans ses opinions dogmatiques, d’étendre à travers la société son autorité morale, à tel point qu’il semblera avoir, aux yeux de la postérité, la direction du mouvement catholique dans la lutte contre l’irréligion. […] A ce seul titre, le jansénisme occuperait une grande place dans le mouvement intellectuel du xviie . […] Tout cela, et mainte manifestation de la libre pensée moderne contre la Compagnie, tout cela sort des Provinciales et n’est que la suite du mouvement créé par Pascal. […] On disposera le corps, l’automate, de façon que ses habitudes ne fassent pas obstacle aux mouvements de l’âme, quand la grâce l’inclinera.

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