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419. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

« Le murmure confus et le mouvement intérieur des peuples en émoi sont le signe précurseur de la tempête qui passera bientôt sur les nations tremblantes. […] Ne vous laissez aller ni à un premier, ni à un second mouvement[…] Le ton général, le mouvement est rhythmique à la fois et inspiré.

420. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VII. La littérature française et les étrangers »

L’Espagne, avec son Charles III qui a d’abord régné à Naples, le Portugal, entrent dans la même voie : dans ces pays, le gouvernement même se met à la tète du mouvement philosophique. […] Cependant il serait vrai, je crois, de dire que si beaucoup d’œuvres particulières des écrivains anglais furent chez nous en crédit, aucun mouvement considérable n’a son réel point de départ en Angleterre : nous trouvons dans le courant de notre littérature même, dans les transformations de l’esprit public et des mœurs sociales, dans l’apparition enfin de certaines originalités individuelles, les raisons essentielles de l’évolution du goût et des formes littéraires. […] Mais le mouvement de notre littérature n’en est aucunement modifié : ces succès ne sont pas des influences ; ce ne sont que des aliments où notre appétit trouve à se satisfaire.

421. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre V. L’Analyse et la Physique. »

Quand la loi de Newton s’est substituée à celle de Kepler, on ne connaissait encore que le mouvement elliptique. Or, en ce qui concerne ce mouvement, les deux lois ne diffèrent que par la forme ; on passe de l’une à l’autre par une simple différenciation. […] Une même équation, celle de Laplace, se rencontre dans la théorie de l’attraction newtonienne, dans celle du mouvement des liquides, dans celle du potentiel électrique, dans celle du magnétisme, dans celle de la propagation de la chaleur et dans bien d’autres encore.

422. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

Elle fut cela, et plus que cela, car, non contente de s’occuper de littérature, elle s’intéressa à tous les arts ; elle organisa des numéros spéciaux pour les groupes de poètes des provinces diverses, donnant ainsi une grande impulsion au mouvement décentralisateur qui occupe tant, à l’heure actuelle, les bons esprits. […] Tout à coup, elles s’arrêtent et se courbent, prises de honte, devant l’image d’un saint homme de mendiant qui passe, pieds nus ; elles s’agenouillent et baisent dévotement, d’un mouvement bien humble, le bas de sa tunique, comme pour lui faire hommage de leur personne et contrition de leur opulence… » Écoutez ce tonnerre d’applaudissements. […] J’omets à dessein la Revue wagnérienne, trop spéciale, et la première Revue indépendante, encore trop mêlée au mouvement réaliste.

423. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

Un mouvement d’idées extraordinaire, aboutissant aux résultats les plus opposés, faisait d’eux à cette époque le peuple le plus frappant et le plus original du monde. […] Il ne faut pas croire cependant que ce mouvement, si profondément religieux et passionné, eût pour mobile des dogmes particuliers, comme cela a eu lieu dans toutes les luttes qui ont éclaté au sein du christianisme. […] Ils furent remplis par une série non interrompue de mouvements religieux.

424. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des Pyrénées »

Nature particulière de climat, de production et de situation ; influence de ces agents physiques sur les habitants qui viennent successivement s’y fixer ; importance des révolutions intérieures qui agitèrent ces populations ; part immense qu’elles prirent aux événements qui se déroulèrent dans l’Espagne et dans les Gaules… » Et, plus loin, il ajoute encore : « Si les champs catalauniques furent, au temps d’Attila, selon la belle expression de Jornandès : l’aire où venaient se broyer les nations, les Pyrénées, au contraire, furent la retraite bienfaisante où les débris de ces mêmes nations abritèrent leurs pénates et leurs croyances… Lorsque le mouvement torrentiel des diverses races a fini de s’agiter à leur base, l’historien retrouve dans leurs vallées l’Ibère, le Gaulois et le Cantabre, avec leurs forces primitives, leurs fueros, leur farouche liberté. […] Le mouvement d’intérêt curieux qui nous emporte, en ce moment, vers les Mémoires… de tout le monde, est le même qui nous pousse à écrire l’histoire… de tout le monde aussi, en fait de peuples. […] Personne, au contraire, ne les aurait mieux que lui, s’il voulait s’abandonner au mouvement de sa pensée et la faire intervenir davantage.

425. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Sévigné » pp. 243-257

avec un respect qui m’inquiéterait, moi, si j’étais de la bande, car un mouvement est bientôt fait, et Babou est très souple ! […] Il a eu ce joli mouvement qui dit : « Je n’y tiens pas !  […] Or, parmi ces femmes vertueuses dont Babou nous a donné les images, il y en a une qui fut une sainte, et qui n’est un sujet d’histoire que dans le livre des Anges, si, comme je le crois, ils suivent du ciel les mouvements de nos âmes et sont, là-haut, nos historiens !

426. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

Très au courant du mouvement d’idées qui s’est produit du côté du Rhin et modifié par ces idées, c’est par l’Allemagne et sur les pas de l’Allemagne qu’il est entré dans l’étude du Moyen Âge et de la Scolastique. […] Si du temps de Leibnitz, en effet, et après Leibnitz surtout, l’homme se spécialise chaque jour davantage et peut s’abstraire de tout ce qui n’est pas sa pensée et le mouvement extérieur de sa pensée, il n’en était point ainsi au Moyen Âge où la société tenait bien plus d’espace que l’homme : mère aux bras puissants, dans lesquels l’homme se tassait et, si grand qu’il fût, paraissait petit ! […] Saint Anselme était lié au grand et décisif mouvement du progrès catholique, par ce qui se nomme, entre chrétiens, la sainte vertu de l’obéissance.

427. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Quand un mouvement d’art est accompli, nous pouvons le considérer en bloc, dans sa totalité, dans ses causes et dans ses résultats. […] court un mouvement qui vient me toucher, et qui me pénètre et dont je défaille… Quand tu approches de la maison, ô Marthe ! […] Le mouvement se précise et s’affirme chaque jour. […] Ils créent des mouvements d’idées, font des conférences, fondent des journaux et des groupes d’études sociales. […] L’aventure est toujours pareille, elle a eu lieu à chaque mouvement d’art et d’idée, et nous l’avons vue se produire hier à propos de M. 

428. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

On a numéroté les pions et les cases ; à chaque coup de l’adversaire, on leur nomme la pièce déplacée et la nouvelle case qu’elle occupe ; ils commandent eux-mêmes le mouvement de leurs propres pièces, et continuent ainsi pendant plusieurs heures ; souvent ils gagnent, et contre de très habiles joueurs. […] Et lorsque j’ai quelque doute dans mon esprit sur la position exacte d’une pièce, je rejoue mentalement tout ce qui a été joué de la partie, en m’appuyant particulièrement sur les mouvements successifs de cette pièce. […] Je m’aperçus alors que les mouvements des fantômes devenaient plus lents. Bientôt après, ils commencèrent à pâlir ; à sept heures, ils avaient pris une teinte blanche ; leurs mouvements étaient très peu rapides, quoique leurs formes fussent aussi distinctes qu’auparavant. […] Les yeux étaient encore fermés, mais probablement, à la suite de quelque sensation de froid ou de mouvement réel, la conscience ordinaire renaissait, quoique faiblement.

429. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Causerie du docteur Robin donnant des détails relatifs à des expériences saisissantes et de haute terreur, sur des décapités, sur des corps d’hommes sans tête, qui, au bout de quarante-cinq minutes de mort, portent la main, avec un mouvement de vivant, à leur poitrine, à l’endroit où on les pince, et beaucoup d’autres épreuves venant à l’appui d’une théorie sur l’indépendance du cerveau et du cœur. […] Tout le jardin abandonné, inculte, ruineux, le lierre s’étalant sur la bosse des anciens mouvements de terrain, et le pittoresque des ravages de la nature et de la plante parasite ! […] vous, c’est encore autre chose que vous voulez… C’est du mouvement dans la couleur, comme vous dites… C’est l’âme des choses… C’est impossible… Je ne sais pas, moi, comme on prendra cela plus tard, et où on ira ! […] Puis, il a ajouté quelques mots d’une voix brève, nerveuse, saccadée, et rentre dans ce silence sans mouvement, qu’ont les malades, relevant de ces coups de foudre, et qui semblent avoir la crainte de remuer leur mal. […] La pauvre mère, en pleurs, raconte sa peine à ses voisins, qui emportés par un généreux mouvement, font la somme en une heure.

430. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

D’autre part le fait simple de savoir toujours ce qu’il pense et ce qu’il fait supprime de son âme la passion, le premier mouvement, la sincérité. […] Ainsi fatalement, le spectacle du monde qu’il voyait mal, comme de loin, et qu’il comprenait moins encore, dont l’image confuse se résolvait en lui en violents mouvements de peur et de pitié, devait lui donner le mysticisme désespéré et pitoyable qu’il professe, le renoncement à comprendre et la certitude que tout s’explique et s’apaise en Dieu. […] Il semble qu’il y ait proportion directe entre la violence de l’acte et le passage fugace de la sensation, nos plus formidables mouvements d’âme étant les moins réfléchis ; il en est ainsi d’un accès de colère ou d’un élan de courage. […] Les romantiques par la description à laquelle ils s’astreignaient de tout ce monde extérieur qui provoque de si vifs mouvements d’âme, par le souci de trouve une forme d’expression qui rendît ces puissantes passions qu’ils voulaient montrer, furent des stylistes ; ils se tirent, avec mille peines, une langue nouvelle, compliquée et riche, que leurs successeurs travaillèrent encore. […] Henri Heine parut encore trop divisé au public entre tous ces mouvements d’âme contradictoires, trop peu sincère et franc.

431. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Cependant rien à la surface du sol n’indique ces prodigieux mouvements, les assises de rochers qui forment le côté saillant de la faille ayant été doucement rongées et successivement emportées. […] Tous les faits géologiques nous prouvent clairement que chaque portion de la surface terrestre a subi des changements de niveau lents mais nombreux, et il paraîtrait que ces mouvements oscillatoires se sont manifestés à la fois sur de vastes étendues. […] Cependant, en raison même du mouvement ascensionnel, la puissance de la formation ne pourrait être considérable, et serait toujours moindre que la profondeur du fond où elle s’est accumulée, profondeur que nous avons dû supposer peu considérable. […] Or, ce même mouvement d’affaissement doit le plus souvent tendre à restreindre l’étendue de la contrée dont le sédiment provient, et à en diminuer la quantité, tandis que la vitesse d’affaissement reste la même132. […] Or, il est constaté que fort souvent l’affaissement d’une côte est en réalité une augmentation d’inclinaison du sol qui a pour contre-partie un mouvement ascensionnel de ce même continent en quelque autre point.

432. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

Il y a eu dans le cours de la Révolution diverses générations politiques qui chacune ont eu leur raison d’être et jusqu’à un certain point leur légitimité : il convient de les accepter à leur heure sans les répudier et sans les confondre, sans en épouser une seule à l’exclusion des autres, sans prétendre juger historiquement les hommes d’un mouvement en se mettant au point de vue des hommes d’un courant différent ou contraire. […] Mais quand on a ainsi fait preuve de largeur d’idées et d’un sentiment historique aussi impartial, aussi désintéressé qu’on le peut désirer d’une nature intelligente, on n’en est que plus à l’aise pour apprécier, pour définir à leur avantage et à leur honneur les hommes du premier mouvement, du plus manifestement légitime de tous, de celui de 89, et particulièrement ceux d’entre eux qui furent les plus irréprochables, les plus éclairés et les plus purs. […] Une lettre écrite dans un mouvement d’humeur et confiée à des mains infidèles faillit briser à ce moment la carrière de Malouet et lui suscita une affaire des plus désagréables auprès des ministres, sur le compte desquels il s’était exprimé un peu à la légère. […] Il était aveugle, assez droit, très ridé : la décrépitude n’était que sur sa figure et non point dans ses mouvements.

433. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Le mouvement littéraire de la Restauration était au plus plein de son développement et au plus brillant de son zèle, quand il fut brisé et comme licencié par le coup d’État de Juillet, et par les journées qui s’ensuivirent. […] Les organes les plus en vue, les chefs de file tout à fait considérables du mouvement historique, philosophique et littéraire, aux dernières années de la Restauration, MM. […] Dans ce mouvement de retour, dans cette combinaison modérée que nous invoquons, M. […] Il s’agirait d’y rendre aujourd’hui, sous l’empire d’un sentiment moral tout pratique, le mouvement, le concert et l’action.

434. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Il en était de même, parmi les philosophes romains, des sentiments tumultueux de peine ou de colère, d’envie ou de regret : ils trouvaient efféminés tous les mouvements involontaires ; et rougissant de les éprouver, ils ne s’attachaient point à les connaître dans eux-mêmes, ni dans les autres. […] Ce n’est point aux consolations du cœur qu’ils en appellent pour soutenir les hommes, c’est à la fierté ; tant leur nature est majestueuse, tant ils s’efforcent d’éloigner d’eux tout ce qui pourrait appartenir à des mouvements sensibles, ces mouvements fussent-ils même à l’appui de la plus sévère morale ! […] La verve injurieuse de Démosthène, l’éloquence imposante de Cicéron, les moyens que Démosthène emploie pour agiter les passions dont il a besoin, les raisonnements dont Cicéron se sert pour repousser celles qu’il veut combattre, ses longs développements, les rapides mouvements de l’orateur grec, la multitude d’arguments que Cicéron croit nécessaires, les coups répétés que Démosthène veut porter, tout a rapport au gouvernement et au caractère des deux peuples.

435. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

Mais surtout sa gloire acquise par des œuvres critiques et dogmatiques, ses vers passés en proverbes ou reconnus pour les lois de l’art d’écrire, persuadent à des gens de lettres par toute l’Europe que les théoriciens peuvent créer une littérature ou lui imposer une direction : on perd de vue tout ce que l’œuvre de Despréaux continue et achève ; au lieu d’un terme et d’un couronnement, on y voit un commencement, une création de mouvement ; et l’on agit en conséquence. […] Si l’on a été si longtemps embarrassé de classer André Chénier, si l’on en a fait souvent un romantique en avance d’un quart de siècle sur le mouvement littéraire, c’est qu’on n’apercevait pas combien les prétendus classiques de 1780 à 1820 avaient peu le droit de se dire les héritiers ou les disciples du xviie  siècle, de celui de Boileau et de Racine. […] La littérature a suivi sa marche sans regarder en arrière : d’autres influences en ont réglé le mouvement, et elle s’est orientée vers de nouveaux principes. […] Nul ne peut dire aujourd’hui ce qui sortira de ce mouvement : il n’y a rien pour ainsi dire dans les doctrines de la nouvelle école, autant qu’on peut les comprendre, qui ne soit un démenti donné au naturalisme, comme à l’Art poétique, à tous les préceptes tendant à l’expression d’un objet réel dans une forme fixe et finie.

436. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Mais dès qu’il voulut retenir la majorité, enrayer le mouvement révolutionnaire, la mésestime et la défiance qu’avait voilées un moment sa popularité, reparurent ; on l’accusa de trahison, de vénalité. […] Mirabeau avait l’éloquence qui enlève les foules et les assemblées, les puissants mouvements, les amples phrases, l’élan imprévu et impérieux : il était superbe pour menacer ou maudire. […] Le cliché est magnifique, et saisissant : et l’on voit l’effet s’élargir de proclamation en proclamation jusqu’à ce dernier mouvement. […]  » Ce petit mot qui fait comme cabrer la phrase dans un brusque arrêt, après l’ample mouvement qui en développe le début : c’est un procédé habituel de V.

437. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Mon premier mouvement — avec quelle joie j’y céderais !  […] Peut-être aussi la besogne mécanique de remonter ses vieilles marionnettes et de ranger dans un ordre différent toute sa vieille armée de formules invariables, lui était nécessaire comme un mouvement endormeur, comme un balancement monotone sans lequel il eût craint de s’éveiller enfin à la douleur de penser. Mais pour certaines pages anciennes, pour tels mouvements de foule, par exemple, qui traversent Germinal ou La fortune des Rougon, j’en appellerais de la condamnation trop générale de Léon Bloy. […] Il n’ose jamais exposer une doctrine d’un de ces mouvements larges où une synthèse personnelle emporte et renouvelle des éléments connus.

438. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

Tous ces goûts, tous ces talents divers, tous ces arts d’agrément, tous ces métiers (car elle n’omettait pas même les métiers), faisaient d’elle une Encyclopédie vivante qui se piquait d’être la rivale et l’antagoniste de l’autre Encyclopédie ; mais ce qui donnait l’âme et le mouvement à cette multitude d’emplois, c’était une vocation qui les embrassait, les ordonnait et les appliquait dans un certain sens déterminé. […] La première page est heureuse ; elle débute par un mouvement vif, mais qui ne se soutient pas et qui tourne vite au commun, au faux sensible et au faux élégant. […] On a dit très justement de son style, comme on le disait d’une actrice qui jouait avec plus de sagesse que de mouvement : Elle est toujours bien, jamais mieux. […] Son mouvement d’esprit n’avait pas faibli.

439. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Au surplus, sur cette question, je me range à l’avis ancien de Charles Maurras, dont la remarque me paraît plus que jamais actuelle : « Ce mot de liberté, qui n’a, en effet, que des significations assez absurdes en morale, sinistres ou stupides en politique, me semble revêtir en art un sens particulier qui se peut recevoir. » Max Daireaux — Il ne peut y avoir, à proprement parler, renouveau ni décadence de la critique, car la critique est fonction du mouvement littéraire ; les bons livres font naître les bons critiques, les mauvais livres les tuent. […] nos journaux et nos revues me paraissent avoir le souci d’exercer la critique exactement comme il convient : les premiers par des chroniques, par des notices bibliographiques destinées à renseigner le lecteur au jour le jour sur le mouvement littéraire ; les seconds — avec la doctrine d’art qui leur est propre — par des études d’ensemble sur les idées directrices de l’écrivain, ses origines, son influence, les caractéristiques de sa personnalité, etc. […] Sauf dans les grands journaux dits d’information, comme Le Journal ou Le Matin où la critique littéraire est nulle, il y a en effet dans certains journaux comme L’Ère nouvelle, un effort pour renseigner le public sur le mouvement littéraire et philosophique. […] Quant aux grands magazines… eh bien, les Français qui voudraient être renseignés sur le mouvement poétique des quinze dernières années n’auront qu’à apprendre l’espagnol, pour lire les articles impartiaux, intelligents, documentés, que le bon poète et romancier Francisco Contreras publie dans les magazines de l’Amérique du Sud. […] Mandin nous exhorte à apprendre l’espagnol pour lire, dans les magazines de l’Amérique du Sud, « les articles impartiaux, intelligents, documentés, que le bon poète et romancier Francisco Contreras publie » sur le mouvement poétique dans la France contemporaine.

440. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Si la fable est trop distendue, elle devient lâche, fatigante, et s’amollit en tous ses mouvements. […] Les Grecs disposaient tout d’avance en figurant à la fois plusieurs lieux voisins les uns des autres dans la même décoration : on n’expliquerait sans cela ni les mouvements de leurs personnages, ni l’ordonnance de leurs drames. […] (A) Non, Monsieur ; je suis fait à cette habitude, et cela ne me choque pas autant qu’un mouvement de décoration. […] C’est de la compassion que relève la noblesse humaine : c’est elle qui rattache nos cœurs aux intérêts de nos semblables, à la prospérité de nos villes, à tous les mouvements de la société publique. […] Si quelque scélérat tombe de la prospérité dans le malheur, il n’y aura là d’autre mouvement que celui de la joie de sa punition, sentiment contraire à la pitié que l’on veut produire.

441. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

La Révolution et l’Empire déterminent le mouvement romantique. […] Le Mouvement, — voilà tout ce qu’ils reçurent de Shakespeare. […] Hugo du mouvement, les autres par intuition et vers l’avenir, comme M. de Goncourt et M.  […] Il peint des formes en mouvement et qu’il a le bonheur de voir belles. […] En outre, je pense que, ce mouvement, on s’est trop hâté de le définir et de le borner.

442. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Je regardais tout à l’heure sur le navire les matelots au gouvernail, avec leurs paletots imperméables, leurs grosses bottes ruisselantes, leurs calottes de cuir à rebord, si attentifs, si précis dans leurs mouvements, si graves, si maîtres d’eux-mêmes. […] Considérez les passants dans la rue ; en trois heures vous verrez tous les traits sensibles de ce tempérament : les cheveux blonds, et, chez les enfants, la filasse presque blanche ; les yeux pâles, souvent bleus comme une faïence, les favoris rouges, la haute taille, les mouvements d’automate, et avec cela d’autres traits plus frappants encore, ceux que la forte nourriture et la vie militante ont ajoutés à ce tempérament. […] En revanche, voyez les jeunes gens dans une partie de cricket ou de campagne ; sans doute l’esprit ne petille pas dans leurs yeux, mais la vie y abonde ; il y a dans tout leur être quelque chose de décidé, d’énergique ; sains et actifs, prompts au mouvement, à l’entreprise, voilà les mots qui à leur endroit reviennent involontairement aux lèvres. […] L’on comprend vite pourquoi, sous cette obligation de lutter et de s’endurcir, les sensations fines disparaissent, pourquoi le goût s’émousse, comment l’homme devient disgracieux et roide, comment les dissonances, les exagérations viennent gâter le costume et les façons, pourquoi les mouvements et les formes finissent par être énergiques et discordants à la façon du branle d’une machine. […] Les hauts fourneaux flamboient dans la brume ; j’en ai compté seize en un seul tas ; les débris de minerais s’amoncellent comme des montagnes ; les locomotives courent, semblables à des fourmis noires, d’un mouvement automatique et violent ; et tout d’un coup on se trouve engouffré dans la ville monstrueuse.

443. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Parce qu’elle y éclate en traits de feu, parce qu’on y retrouve le mouvement, la couleur, l’accent, la passion, tous les caractères de la vie, en est-elle moins féconde en explications, en révélations sur le fond des choses ? […] « Que les faits soient physiques ou moraux, il n’importe, ils ont toujours des causes ; il y en a pour l’ambition, pour le courage, pour la véracité, comme pour la digestion, pour le mouvement musculaire, pour la chaleur animale. […] C’est dans cette logique des idées que consiste le mouvement historique vraiment libre, vraiment beau, vraiment bon, que le philosophe sait reconnaître sous les apparences auxquelles s’attachent l’historien proprement dit et le moraliste. […] C’est la tendance constante de deux écoles, dont l’une a occupé et dont l’autre occupe encore une certaine place dans le mouvement philosophique et historique de notre siècle. […] Aux hommes qui voulaient diriger le mouvement révolutionnaire succèdent ceux qu’il entraîne aux dernières extrémités.

444. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre V. Du jeu, de l’avarice, de l’ivresse, etc. »

Il y a dans les libertins, dans ceux qui s’enivrent, dans les joueurs, dans les avares, les deux espèces de mouvement qui font les ambitieux en tout genre, le besoin d’émotion et la personnalité : mais dans les passions morales, on ne peut être ému que par les sentiments de l’âme, et ce qu’on a d’égoïsme n’est satisfait que par le rapport des autres avec soi, tandis que le seul avantage de ces passions physiques c’est l’agitation qui suspend le sentiment et la pensée ; elles donnent une sorte de personnalité matérielle, qui part de soi pour revenir à soi, et fait triompher ce qu’il y a d’animal dans l’homme sur le reste de sa nature. […] Ils hasardent la fortune qui les fait vivre, ils se précipitent dans les batailles où la mort, ou plus encore les souffrances les menacent, pour retrouver ce mouvement qui les sépare des souvenirs et de la prévoyance, donne à l’existence quelque chose d’instantané, fait vivre et cesser de réfléchir.

445. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre X. Suite du Prêtre. — La Sibylle. — Joad. — Parallèle de Virgile et de Racine. »

etc. » Remarquez la rapidité de ces mouvements : Deus, ecce deus ! […] « Je ne pourrais résister aux larmes de ma mère. » Volcens va percer Euryale ; Nisus s’écrie : Me, me : adsum qui feci : ……………………… ………… mea fraus omnis : nihil iste nec ausus, Nec potuit……………………………………… Le mouvement qui termine cet admirable épisode est aussi de nature négative.

446. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

Si, pour Marie-Thérèse et pour le chancelier de France, ce ne sont plus les mouvements des premiers éloges, les idées du panégyriste sont-elles prises dans un cercle moins large, dans une nature moins profonde ? […] Il expire en disant ces mots, et il continue avec les anges le sacré cantique. » Nous avions cru pendant quelque temps que l’oraison funèbre du prince de Condé, à l’exception du mouvement qui la termine, était généralement trop louée ; nous pensions qu’il était plus aisé, comme il l’est en effet, d’arriver aux formes d’éloquence du commencement de cet éloge, qu’à celles de l’oraison de madame Henriette : mais quand nous avons lu ce discours avec attention ; quand nous avons vu l’orateur emboucher la trompette épique pendant une moitié de son récit, et donner, comme en se jouant, un chant d’Homère ; quand, se retirant à Chantilly avec Achille en repos, il rentre dans le ton évangélique, et retrouve les grandes pensées, les vues chrétiennes qui remplissent les premières oraisons funèbres ; lorsqu’après avoir mis Condé au cercueil, il appelle les peuples, les princes, les prélats, les guerriers au catafalque du héros ; lorsque, enfin, s’avançant lui-même avec ses cheveux blancs, il fait entendre les accents du cygne, montre Bossuet un pied dans la tombe et le siècle de Louis, dont il a l’air de faire les funérailles, prêt à s’abîmer dans l’éternité, à ce dernier effort de l’éloquence humaine, les larmes de l’admiration ont coulé de nos yeux, et le livre est tombé de nos mains.

447. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

N’est-ce pas l’influence des raisonnements de notre âge qui a refroidi les tableaux offerts à sa raison suprême, et substitué la métaphysique des maximes au mouvement des caractères ? […] « Soudain, sans mouvement, sans chaleur et sans voix. […] Influe-t-il en rien sur les mouvements de la ligue, sur les batailles livrées, sur le siège de Paris, sur la conversion du roi ? […] Le relief qu’en reçoivent les discours les distingue de ceux qui conviennent à la scène théâtrale, et pourtant ceux-là empruntent le naturel et le mouvement de ceux-ci. […] Vous rencontrerez aussi chez Delille quelques réminiscences involontaires des vers de Lebrun, qui traduisit cet épisode avant lui : mais quel mouvement plus vif dans Lebrun !

448. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Si défectueux qu’ils soient, ils auront aidé au mouvement général qui va vers le bien, suivant de providentiels détours. […] Pour beaucoup d’entre eux, éclos après le grand mouvement romantique, nous serons obligé de remonter un peu au-delà de 1848. […] Il se fit un mouvement dans l’assemblée, comme si chacun avait eu les sifflets à son oreille. […] Ou je me trompe, ou je viens de dire le secret des diverses fortunes du mouvement romantique. […] Nul autre artifice que la logique des choses et leur déduction conforme au mouvement naturel de la vie.

449. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

À une époque de mouvement, un gouvernement de mouvement, voilà la loi ! […] Elle n’aurait pas échappé aux désordres inévitables dans un pays de premier mouvement, passionné par la grandeur même de ses dangers. […] La chute de sa couronne ne donna pas un mouvement à sa tête. […] Les deux événements les plus saillants de l’année révolutionnaire de 1848 sont le mouvement même du 24 février, qui inonde tout à coup les rues d’hommes armés qui élèvent des barricades au cœur de Paris, qui lasse l’armée pendant deux jours de lutte, qui établit un camp insignifiant mais inexpugnable dans le centre d’une capitale, qui bivouaque toute une nuit sur les toits, qui paraît dissous, et qui, le matin du troisième jour, sort de ce camp, attaque et disperse les troupes royales, marche sur le palais, en chasse la royauté, entoure l’Assemblée, et ne se dissipe que devant quelques citoyens tout à fait étrangers à la sédition, qui proclament du droit d’un interrègne le règne provisoire de la nation. Eh bien, quoique mêlé plus que personne aux mouvements, aux choses, aux hommes de cette journée ; quoique les ayant interrogés dans la chaleur et dans la confidence de l’événement, il m’a été impossible de découvrir la moindre lueur de vérité, même de probabilité, sur les causes, les plans, les actes de cette prise d’armes des 22, 23, 24 février contre la royauté de juillet.

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