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388. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 296-302

Les autres Oraisons funebres qu’il a composées, sans avoir autant de mérite, n’en annoncent pas moins un talent particulier d’assortir la morale & l’instruction aux éloges des différentes personnes qu’il avoit à célébrer. […] Ceux qui s’obstinent à reprocher à l’Eglise un caractere odieux de dureté, d’intolérance, n’ont qu’à parcourir les instructions qu’il donnoit à ses Diocésains pendant les troubles des Cévenes ; ils verront comment un esprit vraiment pastoral sait allier la fermeté de la foi avec la charité qu’elle ordonne ; ils admireront des exhortations propres à affermir le courage des Ministres de la Religion, & à soutenir leur patience dans les persécutions ; ils seront pénétrés de respect & d’attendrissement pour cette douceur de morale, cette générosité de sentiment, cette indulgence qui plaint l’erreur en la combattant, cette magnanimité qui se refuse même la plus légere satisfaction, lorsque les persécuteurs les plus atroces sont devenus malheureux.

389. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 223-229

Un style délicat & correct, un petit ton de minauderie, une morale légere & tout-à-fait du bel air, les rendent un Code amusant pour les têtes frivoles, sans qu’il puisse prétendre au suffrage des ames sensées. […] un Ouvrage, où la richesse des détails, la grandeur des événemens, la vérité des caractères, la sublimité de la morale, l’harmonie de la prose, l’emportent sur la pompe de la versification, & prouvent qu’un Ecrivain de génie peut s’en passer dans un Poëme épique !

390. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

Si le poète n’a réuni à ces sentiments ni des maximes de morale ni des réflexions philosophiques, c’est qu’à cette époque l’esprit humain n’était point encore susceptible de l’abstraction nécessaire pour concevoir beaucoup de résultats. […] L’héroïsme de la morale, l’enthousiasme de l’éloquence, l’ambition de la gloire donnent des jouissances surnaturelles qui ne sont nécessaires qu’aux âmes à la fois exaltées et mélancoliques, fatiguées de tout ce qui se mesure, de tout ce qui est passager, d’un terme enfin, à quelque distance qu’on le place. […] Mais, je le demande aux penseurs éclairés, s’il existe un moyen de lier la morale à l’idée d’un Dieu, sans que jamais ce moyen puisse devenir un instrument de pouvoir dans la main des hommes ; une religion ainsi conçue ne serait-elle pas le plus grand bonheur que l’on pût assurer à la nature humaine !

391. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

La religion chrétienne, telle qu’elle est professée en Angleterre, et les principes constitutionnels tels qu’ils sont établis, laissent une assez grande latitude aux recherches de la pensée, soit en morale, soit en politique. […] Montesquieu semble donner la vie aux idées, et rappelle à chaque ligne la nature morale de l’homme au milieu des abstractions de l’esprit. […] Que d’ouvrages entrepris pour servir utilement les hommes, pour l’éducation des enfants, pour le soulagement des malheureux, pour l’économie politique, la législation criminelle, les sciences, la morale, la métaphysique !

392. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

Quel est le trait dominant de sa physionomie morale ou de son aspect physique ? […] D’abord le portrait physique détermine une image qui sert comme de point d’appui à la conception de la nature morale. […] Tous les grands principes de la psychologie, toutes les lois et tous les faits de la vie morale, apparaîtraient ; le jeu mystérieux des causes infiniment petites et mêlées serait découvert.

393. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 151-168

En Poésie, comme en Morale, un homme éclairé & équitable a toujours droit d’être indigne, Quoties de moribus audent, Qui Curios simulant & Bacchanalia vivunt. […] Justesse de raisonment, force de pensées, élégance de style, finesse d’expression, sagesse de morale, tout y plaît, tout y attache, & les vers en sont si bien frappés, qu’il est impossible d’en faire de meilleurs dans notre Langue. […] Rien de plus sublime, pour le fond des pensées ; rien de plus séduisant, pour la versification ; rien de plus profond & de plus lumineux, pour la morale.

394. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

L’enseignement de la théologie peut se renfermer dans la division qui suit : la science de l’Écriture sainte, la théologie dogmatique, la théologie morale et l’histoire ecclésiastique. […] Y a-t-il beaucoup à changer dans cette institution, soit scientifique, soit morale, pour une autre contrée, pour la Russie ? […] Jacques de Sainte-Beuve, dont les Décisions de cas de conscience (1986) sont, on effet, beaucoup plus sages et surtout plus prudentes que celles des casuistes dont les Provinciales nous ont fait connaître la morale.

395. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Seconde partie. Émancipation de la pensée » pp. 300-314

William Jones nous ouvrent les trésors de cette sorte de cosmogonie intellectuelle et morale qui est toute dans les langues. […] Ainsi la liberté morale, qui est, en définitive, la vraie liberté, et dont la liberté politique n’est, pour ainsi dire, qu’une image, s’agitait dans les liens de la parole pour les rendre moins pesants. J’arrive donc enfin à cette conclusion que j’avais annoncée : Le christianisme a été une première émancipation du genre humain, dans l’ordre moral ; l’extension des limites de la liberté morale par l’affranchissement des liens de la parole est une seconde émancipation, dans l’ordre intellectuel.

396. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution d’Angleterre »

Comme tous les esprits qui se froidissent en montant, — car l’esprit est soumis dans sa sphère aux lois que subit le corps dans la sienne, — Guizot a touché cette période de la vie morale qui faisait dire à un grand esprit calmé, l’illustre Goethe : « Le temps m’a rendu spectateur. » Pour tout homme, c’est la disposition qui le met le plus près de l’accomplissement de tout son être, qu’il s’appelle d’ailleurs Shakespeare, Machiavel, Walter Scott, trois grands hommes qui eurent aussi, tous les trois, cette froideur d’impartialité qui n’est pas la glace de l’âme, mais la sérénité du génie. […] Et il n’y a pas que cette biographie de Ludlow qu’on puisse détacher du recueil de Guizot et citer comme preuve de la supériorité morale de la Révolution d’Angleterre sur la Révolution française. […] Lilburne est un homme chez lequel la vie morale reste puissante, au milieu de toutes ses fautes, de ses égarements, de ses folies.

397. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Il n’y a plus de morale. […] Spronck, se sont faits les chanteurs de la nature ou de l’humanité, de la beauté plastique ou de la beauté morale, de l’amour terrestre ou de l’amour divin. […] C’est une question d’exécution, avant d’être une question de morale. […] On a tort de leur reprocher au nom du bon goût ce qu’on pourrait leur reprocher au nom de la morale publique. […] On ne démontre ni la liberté, ni l’immortalité, ni même la morale : on les persuade.

398. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre VI. Des Livres qui traitent de la Rhétorique. » pp. 294-329

Gueret lui reproche ensuite de vouloir “que le Prédicateur fasse provision d’une morale de qualité pour la Cour, d’une morale bourgeoise pour le peuple & d’une morale campagnarde pour les villageois ; encore n’est-ce pas là tout. Car si ce prédicateur avec sa triple morale, n’a le visage d’un Anachoréte ; s’il prétend prêcher avec un teint frais & vermeil ; s’il ne se défait de son embonpoint ; fut-il le plus grand Orateur du monde, ce nouveau Rhéteur nous assure qu’il ne fera rien, & que ses paroles se perdrent en l’air. […] Ces réfléxions sont absolument à tous égards dans le goût de mes Essais de littérature & de morale.

399. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Pensait-il obtenir de la victoire des Alliés la réalisation des projets si curieux, qui ne vont pas sans grandeur, du docteur Herzl, ou plus simplement et plus sûrement voulait-il augmenter par des sacrifices la force morale, l’autorité d’Israël ? […] On aimerait connaître les pensées, les étonnements, les sympathies, les espérances de ce jeune héros d’Israël au milieu des soldats et des paysages de la France, dans une atmosphère morale si différente de son propre esprit, mais dont il s’enivrait et voulait s’enrichir.‌ […] Les documents que je possède sur l’élite morale des israélites ne me font connaître que des consciences qui paraissent vidées de leur tradition religieuse13. […] Et comment se nuance leur consentement sur cette gamme morale qui va de l’attente douloureuse au joyeux appétit du sacrifice ?‌ […] Les documents que je possède sur l’élite morale des israélites ne me font connaître que des consciences qui paraissent vidées de leur tradition religieuse… ‌ Là-dessus, un jeune officier israélite, industriel lorrain, qui a été l’objet d’une belle citation à l’ordre de l’armée, m’écrit une lettre intéressante qui commence par ces mots : « Je suis juif, sincèrement croyant et attaché à ma religion… » J’en détache quelques fragments :‌ « Prenons comme exemple, me dit cet officier, un israélite de ce que l’on appelle la bonne bourgeoisie, c’est-à-dire le sous-lieutenant qui vous écrit… J’ai eu une instruction moyenne (études classiques à Carnot, puis commencement de droit).

400. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Il est également faux de dire que l’homme a créé avec réflexion et délibération le langage, la religion, la morale, et de dire que ces attributs divins de sa nature lui ont été révélés. […] Les savants israélites cherchent souvent à prouver par des rapprochements de textes que Jésus a volé toute sa doctrine à Moïse et aux prophètes, et que ce qu’on a appelé la morale chrétienne n’est au fond que la morale juive. Cela serait vrai, si une religion consistait en un certain nombre de propositions dogmatiques, et une morale en quelques aphorismes. Ces aphorismes étant pour la plupart simples et de tous les temps, il n’y a pas de découverte à faire en morale ; l’originalité s’y réduit à une touche indéfinissable et à une façon nouvelle de sentir. Or, que l’on mette en face l’Évangile et le recueil des apophtegmes moraux des rabbins contemporains de Jésus, le Pirké Aboth, et que l’on compare l’impression morale qui résulte de ces deux livres !

401. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

Aujourd’hui que le problème du pessimisme et de l’optimisme a repris, avec un aspect nouveau, une nouvelle importance morale et métaphysique, il n’est guère de question plus intéressante pour le philosophe que celle oui concerne l’origine du plaisir ou de la douleur et leur rôle comme moteurs de l’universelle évolution. […] On a tiré de là de graves conclusions pour la morale et pour la science sociale. Si l’unique ressort de toute activité, de toute vie, de toute volonté, est la conservation de soi, il en résulte que l’égoïsme radical est l’essence même du vouloir, que tout plaisir est au fond égoïste : l’égoïsme ne peut manquer d’être transformé à la fin en unique loi de la morale. […] Dans cette intéressante tentative d’explication, on reconnaît la doctrine qui fait le fond de la morale pessimiste et de la morale égoïste, du système de la « désespérance » et du système de « l’apathie ». […] Enfin, d’autres conséquences encore plus importantes pourraient se développer dans la morale.

402. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Francisque Bouillier, Morale et progrès, Paris 1873. […] Mais cette action indirecte et médiate, si puissante, si variée soit-elle, suppose toujours, qu’on ne l’oublie pas, la réaction de l’activité intellectuelle et morale de l’homme. […] On n’a jamais contesté que la liberté n’eût sa loi, et cette loi, c’est la loi morale. […] Ils sont uniquement dans l’énergie morale, l’intégrité du caractère, la pratique ferme et constante de la vertu. […] Or la morale seule enseigne à chacun l’emploi qu’il doit faire des puissances et des facultés dont il dispose.

403. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre troisième. La volonté libre »

Mais c’est en tant qu’enveloppant de l’indépendance que la perfection morale est libre. […] En tout cas, c’est de cette définition, nous, que nous partons, et nous avons bien le droit de la poser telle, car l’histoire entière de la morale et même de la métaphysique est d’accord avec ce sens général du mot liberté. […] Jusqu’à quel point, pour la science morale, est-elle nécessaire ? […] Cet achèvement de la liberté, qui constitue la perfection morale, est le « suprême désirable ». Il n’est donc pas étonnant que l’idée de liberté morale ou de perfection morale, ainsi entendue, soit un idéal capable d’exercer un attrait sur l’être raisonnable.

404. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Bossuet eut pour ami particulier durant toute sa vie, pour auxiliaire affectionné et constant dans toutes les questions de doctrine, de foi, de morale et de discipline de l’Église, un homme bien digne en tout de cette relation étroite et de cette intimité : l’abbé Fleury fut ce premier lieutenant modeste, ce véritable second de Bossuet et comme son abbé de Langeron. […] Ce que Bossuet désire et réclame, c’est qu’on renouvelle les condamnations contre la morale relâchée et les casuistes, déjà si flétris mais non découragés, contre le quiétisme et aussi contre le jansénisme, frappant ainsi les extrêmes à droite et à gauche, et les raffinés en fausse sublimité, épargnant d’ailleurs les personnes, et sans désigner aucun nom ; car il n’en veut qu’aux choses, à ce qui lui semble l’erreur. […] On est d’avis à l’assemblée d’exclure le second ordre, c’est-à-dire les abbés, dans les délibérations concernant la foi et la morale, de ne leur laisser que la voix consultative et non la voix délibérative et le vote : de là grande rumeur. […] — Encore une fois, Bossuet ressort de cette lecture et de l’épreuve suprême de ces intimes documents avec des traces de faiblesse sans doute et d’infirmité humaine ; je ne sais si ceux qui se dressent dans l’esprit d’illustres statues qui ressemblent trop souvent à des idoles, trouveront qu’il ait grandi à leurs yeux ; mais cet homme, qui a eu tant de grandeur dans le talent, s’y montre avec bien de la bonté morale et de la piété vraie dans le cœur ; que faut-il davantage ?

405. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Mme de Simiane, ennuyée des réclamations, se décida à fournir à l’un de ses amis, le chevalier de Perrin, grand admirateur et chevalier posthume de Mme de Sévigné, les éléments d’une édition « à la fois plus complète et plus réservée » ; on avait fait des retranchements sur les personnes, sur les familles, sur tout ce qui semblait indiscret ou même superflu ; on avait biffé, on avait mutilé : la morale, la soi-disant bienséance sociale, avaient commis ce sacrilège. […] On vécut là-dessus, et les corrections littéraires du chevalier, ajoutées aux suppressions et aux retranchements que Mme de Simiane avait cru devoir faire en vue de la morale et de la société, eurent force de loi. […] D’autres fois le sentiment intérieur, l’analyse morale s’en mêle : c’est un peu plus subtil, mais toujours aussi abondant. […] Mais on est heureux, avec une personne aussi pure, aussi morale et d’une vie au-dessus de tout soupçon, de trouver la belle et bonne qualité française de nos mères, la franchise du ton, la rondeur des termes, le contraire de tout raffinement et de toute hypocrisie. et, avec tant de délicatesse et de fleur, l’éclat du rire, la fraîcheur au teint, la santé florissante de l’esprit.

406. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Car, lui aussi, en introduisant sa dose de morale dans le roman, il a fait du neuf ; il a fait sinon mieux, du moins autrement que l’auteur en vogue à qui il succédait, et c’est pourquoi il a réussi. […] C’est une méthode de vaccination morale. […] Elles lui savent un gré infini de sa préoccupation morale constante à leur égard, même quand cette préoccupation dissimulerait une bonne part de vérité. […] Il fait à sa femme une leçon de morale ; elle a l’air de s’en moquer et sort sous un prétexte.

407. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Guizot, acceptant ou subissant celles-ci, devait faire passer la morale et le christianisme avant tout ; ce qui semblait progrès à l’un aurait bien pu paraître un recul à l’autre. […] Mille écluses maîtriseraient et distribueraient l’inondation sur toutes les parties du territoire ; les huit ou dix milliards de toises cubes d’eau qui se perdent chaque année dans la mer, seraient réparties dans toutes les parties basses du désert, dans le lac Mœris, le lac Maréotis et le Fleuve sans eau, jusqu’aux Oasis et beaucoup plus loin du côté de l’ouest, — du côté de l’est, dans les Lacs Amers et toutes les parties basses de l’Isthme de Suez et des déserts entre la mer Rouge et le Nil ; un grand nombre de pompes à feu, de moulins à vent, élèveraient les eaux dans des châteaux d’eau, d’où elles seraient tirées pour l’arrosage ; de nombreuses émigrations, arrivées du fond de l’Afrique, de l’Arabie, de la Syrie, de la Grèce, de la France, de l’Italie, de la Pologne, de l’Allemagne, quadrupleraient sa population ; le commerce des Indes aurait repris son ancienne route par la force irrésistible du niveau… » Le mot de civilisation ne s’est pas rencontré encore ; il n’échappe qu’à la fin et aux dernières lignes, comme le résumé de tout le tableau ; il introduit avec lui et implique l’idée morale, qui a pu paraître jusque-là assez absente : « Après cinquante ans de possession, la civilisation se serait répandue dans l’intérieur de l’Afrique par le Sennaar, l’Abyssinie, le Darfour, le Fezzan ; plusieurs grandes nations seraient appelées à jouir des bienfaits des arts, des sciences, de la religion du vrai Dieu ; car c’est par l’Égypte que les peuples du centre de l’Afrique doivent recevoir la lumière et le bonheur !  […] Lui, il s’en est tenu à une conclusion morale ; il se contente de produire l’idée affectueuse, fraternelle, apostolique. […] Il faut y porter, comme à un théâtre, quelques illusions avec un vif instinct de sympathie morale.

408. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

On est averti des penchants coupables, par toutes les réflexions, par toutes les circonstances, par tous les traités de morale ; mais lorsqu’on se sent une nature généreuse et sensible, on s’y confie entièrement, et l’on peut arriver au dernier degré du malheur, sans que rien vous ait fait connaître la suite d’erreurs qui vous y a conduit. […] Ce qui distingue leur philosophie, c’est d’avoir substitué l’austérité de la morale à la superstition religieuse. […] Ne vous permettez jamais une action que la morale puisse réprouver ; n’écoutez point ce que vous diront quelques raisonneurs misérables sur la différence qu’on doit établir entre la morale des particuliers et celle des hommes publics.

409. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Il a remarqué que « ce qu’ils appellent les lois de l’histoire » ou de la morale « n’est en somme que la coordination logique de leurs désirs ». […] Il ne voit guère qu’une recommandation à faire à l’artiste : « Il faut obéir à son génie. » Et il dit à tous : « On n’agit décemment qu’en conformité avec sa propre nature ; les gens qui veulent agir ou ne pas agir d’après les ordres d’une morale extérieure à leur vérité personnelle finissent, Dieu aidant, dans les compromis les plus saugrenus. » Décidément cet homme ne respecte rien : morale extérieure, lois, science aux prétentions « législatives », il raille toutes les beautés rectilignes qui émeuvent les braves gens de la « règle » et du « droit chemin ». […] Il étudie uniquement les pauvres petits faits recueillis par la sociologie « scientifique », par la psychologie « scientifique », par l’esthétique et la morale « scientifiques ».

410. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Il faudrait encore bien rechercher si la sonorité de l’espagnol ne produit pas un cliquetis de mots parfois vide et vain, si la douceur italienne ne dégénère pas aisément en mollesse banale et ne fait point penser à ce « latin bâtard » dont parle Byron, si ces deux idiomes arrêtent et retiennent suffisamment l’idée, si dans ces deux langues la facilité toute spontanée de la musique ne se dérobe pas aux nuances psychologiques du sentiment, aux profondes analyses de la pensée, à la dialectique soutenue, à cette harmonieuse alliance de la philosophie morale et de l’art, qui recommandent la prose et la poésie française depuis leurs origines jusqu’aux chefs-d’œuvre contemporains. […] C’est dans tous les genres que, du règne d’Henri IV à la Révolution, notre Prose multiplie ses chefs-d’œuvre ; pamphlets vengeurs tels que la Ménippée et les Provinciales, pensées, maximes, portraits, mémoires, traités de morale, correspondance, éloquence sacrée, histoire, comédie, roman, conte, rien ne lui est étranger. […] La vérité morale avait été explorée, scrutée, pénétrée par l’âge précédent, par le siècle des La Bruyère et des Bourdaloue : alors la vérité sociale fut recherchée pour la première fois, pour la première fois exposée avec quel rayonnement du génie et de l’esprit français ! […] Sans omettre les réserves du goût et de la morale, aimons ce dix-neuvième siècle français dont nous sommes les enfants et qui, dans notre pays, s’est attesté par de tels monuments de prose élevée et de poésie souveraine.

411. (1927) Des romantiques à nous

La hiérarchie de valeur entre les vertus de l’âme n’est pas, du point de vue de la critique et de celui de la morale, tout à fait la même. […] Victor Giraud, écrivain nullement relâché sur la morale et qui refuse néanmoins de s’associer à cette lapidation trop vertueuse. […] C’est qu’ils n’ont pas eu, par ailleurs, la fragilité morale de Sainte-Beuve. […] Ici, les affirmations de la religion naturelle : Providence, justice divine, décrets absolus de la conscience morale, vie future avec ses récompenses et ses châtiments, divinité de Jésus prouvée par la sublimité de la morale de l’Evangile, s’appuient sur un argument plus sentimental. […] Mais ces traits, qui caractérisent, selon moi, la nature morale bretonne ou celtique, n’ont à ses yeux, qu’une qualité plus banale : ils sont « romantiques ».

412. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

L’humanité avait jusqu’ici vécu surtout de ces trois choses : la religion, la morale, l’art. […] En morale, nous en sommes encore presque tous là : hélas ! […] La beauté morale est le contraire même d’un exercice superficiel et sans but de l’activité. […] (V. notre Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction, l.  […] Herbert Spencer, Essais de morale et d’esthétique, t. 

413. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XII. Demain »

Il voudrait bassement que le confort fût donné par surcroît à celui qui conquiert l’indépendance intellectuelle et morale. […] Nous savons bien qu’elle ne serait avec nous qu’en apparence et il nous est indifférent, à nous les seuls vivants, que notre patrie morale se peuple ou non de fantômes et d’échos.

414. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VIII. Bossuet historien. »

« Ce fut après le déluge que parurent ces ravageurs de provinces que l’on a nommés conquérants, qui, poussés par la seule gloire du commandement, ont exterminé tant d’innocents… Depuis ce temps, l’ambition s’est jouée, sans aucune borne, de la vie des hommes ; ils en sont venus à ce point de s’entretuer sans se haïr : le comble de la gloire, et le plus beau de tous les arts a été de se tuer les uns les autres179. » Il est difficile de s’empêcher d’adorer une religion qui met une telle différence entre la morale d’un Bossuet et d’un Tacite. […] La raison, la saine morale et l’éloquence nous semblent encore du côté du prêtre chrétien.

415. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IV. Des éloges funèbres chez les Égyptiens. »

C’est dans ce pays que l’on conçut une des idées les plus grandes et les plus utiles à la morale qu’il y ait jamais eu. […] Tout cela ensemble, surtout chez une nation austère et grave, devait affecter profondément et inspirer des idées augustes de religion et de morale.

416. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Indifférence morale. […] Il adopte l’idéal de la chevalerie dégénérée ; et la suprême règle de sa morale, par laquelle il loue, blâme, absout, condamne, c’est l’honneur. […] Ceci nous donne à la fois la mesure de la conscience morale et de l’intelligence historique de Froissart. […] Le mot résume toute sa morale et cet épicurisme bourgeois plus matériel et moins souriant que celui d’Horace. […] Aussi a-t-il prêché simplement, pathétiquement, les grands thèmes que la morale et le dogme chrétiens offrent aux prédicateurs.

417. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Le cours de morale est très bien fait ; il n’en est pas de même du cours de dogme : le professeur est nouveau, ce qui joint à l’importance majeure, et personnelle pour moi, des traités de la Religion et de l’Église, m’arrangerait fort mal, si je ne trouvais auprès de ces autres messieurs le moyen d’y suppléer. […] La théologie se divise en dogmatique et en morale. […] La théologie morale se compose d’une douzaine de traités, comprenant tout l’ensemble de la morale philosophique et du droit, complétés par la révélation et les décisions de l’Église. […] Les considérations temporelles contre lesquelles j’ai à lutter eussent suffi pour en persuader bien d’autres ; mon cœur a besoin du christianisme ; l’Évangile sera toujours ma morale ; l’Église a fait mon éducation, je l’aime. […] Du moment que l’examen s’applique aux vérités morales, il faut qu’on en doute, et pourtant, durant cette époque de transition, l’âme pure et noble doit encore être morale, grâce à une contradiction.

418. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Je crois qu’il n’avait jamais cessé d’être préoccupé de « vie morale ». […] Aussi jamais réforme morale n’eut un tel succès mondain. […] Son éternel dessein de réforme morale paraît sérieux cette fois. […] Ses propres sottises l’avaient formé, lui avaient appris la morale et la vie. […] J’ai déjà noté la confusion calviniste de la politique et de la morale.

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