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530. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Qu’y a-t-il sous les jolis feuillets satinés d’un poëme moderne ? Un poëte moderne, un homme comme Alfred de Musset, Hugo, Lamartine ou Heine, ayant fait ses classes et voyagé, avec un habit noir et des gants, bien vu des dames et faisant le soir cinquante saluts et une vingtaine de bons mots dans le monde, lisant les journaux le matin, ordinairement logé dans un second étage, point trop gai parce qu’il a des nerfs, surtout parce que, dans cette épaisse démocratie où nous étouffons, le discrédit des dignités officielles a exagéré ses prétentions en rehaussant son importance, et que la finesse de ses sensations habituelles lui donne quelque envie de se croire Dieu. Voilà ce que nous apercevons sous des méditations ou des sonnets modernes. —  De même sous une tragédie du dix-septième siècle, il y a un poëte, un poëte comme Racine, par exemple, élégant, mesuré, courtisan, beau diseur, avec une perruque majestueuse et des souliers à rubans, monarchique et chrétien de cœur, « ayant reçu de Dieu la grâce de ne rougir en aucune compagnie, ni du roi, ni de l’Évangile  » ; habile à amuser le prince, à lui traduire en beau français « le gaulois d’Amyot », fort respectueux envers les grands, et sachant toujours, auprès d’eux, « se tenir à sa place », empressé et réservé à Marly comme à Versailles, au milieu des agréments réguliers d’une nature policée et décorative, parmi les révérences, les grâces, les manéges et les finesses des seigneurs brodés qui sont levés matin pour mériter une survivance, et des dames charmantes qui comptent sur leurs doigts les généalogies afin d’obtenir un tabouret. […] Parmi les modernes, la littérature allemande est presque vide pendant deux siècles7 ; la littérature italienne et la littérature espagnole finissent au milieu du dix-septième siècle. Seules, la Grèce ancienne, la France et l’Angleterre modernes, offrent une série complète de grands monuments expressifs.

531. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Il n’y a pas de scène de roman moderne qui ait une vérité plus simple et plus forte. […] Cependant les poètes sont tiers de leur œuvre : tandis que la plupart des plus anciens poèmes, tandis que l’œuvre maîtresse même, le Roland, sont anonymes, un certain nombre de remaniements plus modernes sont signés. […] Le xve  siècle mit donc en prose les narrations versifiées, et le passage fut achevé de la forme épique des âges primitifs à la forme du roman moderne. […] Dans le remaniement incessant de la matière poétique, le délayage était le moindre péché de nos trouvères : ils excellaient, comme les modernes feuilletonistes, à inventer une profusion de détails inutiles. […] L’assonance consiste dans la répétition de la dernière voyelle accentuée, tandis que la consonance (notre rime moderne) porte sur la voyelle accentuée et sur les consonnes et voyelles qui la suivent. — Je ne parle pas du vers octosyllabique qui se rencontre dans la seule chanson de Gormont, et dans le poème d’Alberic sur Alexandre : l’emploi de ce vers est très exceptionnel dans l’épopée française ; c’est le mètre ordinaire des romans bretons.

532. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

Il conçut l’idée hardie et féconde d’un catholicisme démocratique681 ; il voyait dans les idées libérales et égalitaires un fruit lointain de l’Évangile, et si l’Eglise semblait actuellement tourner le dos à la société moderne, il croyait pouvoir l’en rapprocher par une originale conception de l’évolution du dogme682, toujours immuable en son essence et en ses formules, mais susceptible de divers sens et d’applications diverses, selon les époques et les esprits. […] Mais il ne renonça point à ses tendances, à son désir de réconcilier l’Église et le monde moderne, le dogme et la liberté. […] Pierre-Paul Royer-Collard (1763-1845), né à Sompuis (Marne), avocat, secrétaire de la première commune de Paris, député aux Cinq-Cents, exclu au 18 Fructidor, fut nommé en 1811 professeur d’histoire de la philosophie moderne à la Sorbonne. […] François-Pierre-Guillaume Guizot, né à Nîmes en 1787, protestant, élevé à Genève, professeur d’histoire moderne à la Sorbonne en 1812, suivit Louis XVIII à Gand ; conseiller d’État sous la Restauration, il reprit son cours en 1821 après la chute du ministère Decazes ; ce cours fut suspendu de 1822 à 1828. […] La révolution de Juillet le fit pair de France, membre du conseil supérieur de l’instruction publique, directeur de l’École normale, ministre de l’instruction publique.Éditions : Cours de philosophie professé à la Faculté des Lettres pendant l’année 1818, 1836, in-8 (Du vrai, du beau et du bien, 1853, in-8) ; Cours d’histoire de la philosophie, 1826 (revu 1810 et 1863) ; Cours d’hist. de la phil. moderne, 1841, in-8 ; Cours d’hist. de la phil. morale au xviiie s., 1810-41 ; Fragments philosophiques, 1826, in-8 ; édition de Descartes, 11 vol. in-8, 1826 ; traduction de Platon, 1825-1840, 13 vol. in-8.

533. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Boissonade était de ceux qui se défient d’eux-mêmes, qui ne sont jamais plus contents et plus à l’aise que quand ils parviennent à penser et à sentir avec les pensées et les paroles des autres, soit celles des anciens, soit celles des illustres ou même des moindres d’entre les modernes. […] … » On croit entendre un personnage de Térence, transportant et appliquant à un cas moderne cette morale délicate à la fois et indulgente. — Je continue ce portrait tout composé de traits à bâtons rompus, et qui rentre assez dans le genre du modèle. […] Et après cela, après tout hommage rendu à la fleur des érudits, au savant aimable et délicat, je m’adresserai aux nouveaux, à ceux qui s’élèvent : Jeunes érudits et savants qui lui succédez, vous le savez mieux que moi, si vous voulez maintenir l’Antiquité à son rang, dans toute son estime, et intéresser à elle les esprits des générations présentes et prochaines, ce n’est pas en l’abordant désormais à la Boissonade et en vous attaquant isolément à des points imperceptibles, c’est en traitant les questions qui la concernent, dans toute leur précision sans doute, mais aussi dans toute leur étendue et leur généralité, et en rattachant les anciens le plus possible au train moderne par une anse moderne aussi, par quelque agrafe puissante, en leur demandant tout ce qui se rapporte chez eux à l’histoire des idées, des mythes, des religions, de l’art, de la police et de la constitution des sociétés, à la marche enfin et au progrès de l’esprit humain et de la civilisation elle-même.

534. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Trois tendances générales se sont tour à tour déclarées et accomplies : sous les deux premières races, tendance générale vers l’indépendance, qui finit par l’anarchie féodale ; sous la troisième, tendance générale vers l’ordre, qui finit par le pouvoir absolu ; et après le retour de l’ordre, tendance générale vers la liberté, qui finit par la révolution. » C’est de cette idée que M ignet partira bientôt pour entamer son Histoire de la Révolution ; l’Introduction qu’il mit en tête de celle-ci ne fait que développer la visée première ; même lorsqu’il aborda le sujet tout moderne, il ne le prenait pas de revers ni à court, comme on voit, il s’y poussait de tout le prolongement et comme de tout le poids de ses études antérieures. […] Les résultats essentiels qui se tirent de ce mâle et simple récit sont passés dans le fond de leurs opinions et presque de leurs dogmes : cela fait partie de cet héritage commun sur lequel on vit et qu’on ne discute plus, et je doute fort qu’à mesure qu’on ira plus avant dans les voies modernes, et que par conséquent on trouvera plus simple et plus nécessaire ce qui s’est accompli, on en vienne jamais à remettre en cause les articles, même rigides, de ce jugement historique et à les casser. […] Dans le discours qu’il adressait à Léon X sur la réforme du gouvernement de Florence, ce grand homme (Machiavel) disait : « Les hommes qui, par les lois et les institutions, ont formé les républiques et les royaumes, sont placés le plus haut, sont le plus loués après les dieux. » En étudiant d’original cette variété de personnages qui viennent comme témoigner sur eux-mêmes dans le Recueil de M.Mignet, on en rencontre un pourtant, une seule figure à joindre à celles des grands politiques intègres et dignes d’entrer, à la suite des meilleurs et des plus illustres de l’antiquité, dans cette liste moderne si peu nombreuse des Charlemagne, des saint Louis, des Washington : c’est Jean de Witt, lequel à son tour a fini par être mis en pièces et dilacéré au profit de cet autre grand politique moins scrupuleux, Guillaume d’Orange ; car ce sont ces derniers habituellement qui ont le triomphe définitif dans l’histoire. […] La série des Historiens modernes de la France dans la Revue des Deux Mondes.

535. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Outre donc ce qui manquait à l’ordre des vérités philosophiques transmises par l’antiquité au monde moderne, tout un ordre nouveau de vérités morales devait venir du christianisme par la voix de la Réforme, c’est-à-dire de la renaissance de l’antiquité chrétienne. […] N’est-ce pas là cette science qu’Érasme a si admirablement définie la philosophie chrétienne, associant ainsi un mot païen à un mot chrétien, et confondant ensemble les deux Renaissances dont l’union seule a fait la beauté de l’esprit moderne ? […] La troisième objection en particulier inspire à Calvin une réponse pleine d’éloquence, où l’on voit une première application parfaite de la méthode antique aux idées qui ont le plus profondément remué la société moderne. […] La clarté même de notre langue, cet enchaînement dans les idées, dont on nous loue comme d’un trait particulier qui nous distingue des autres nations modernes, sont trop souvent un piège pour notre modération.

536. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Car, lorsqu’on passe des anciens aux modernes, la première différence qui frappe est l’envahissement de la littérature par l’amour. […] Il me paraît que les poètes et les romanciers ont maintes fois fait l’éducation amoureuse de leurs lecteurs et de leurs lectrices, qu’ils leur ont appris à sentir plus vivement et plus finement, qu’ils ont ainsi leur grande part dans la complexité plus grande et dans les allures romanesques ou tragiques que l’amour a prises dans les temps modernes. […] La prépondérance de l’amour dans les littératures modernes est due sans aucun doute au puissant mouvement qui depuis l’antiquité a relevé sa situation. […] De même que l’amour dans les temps modernes s’est transformé avec une souplesse infinie et est devenu quelque chose de plus complexe, de plus troublé et partant de plus dramatique que dans l’antiquité, de même ces sentiments toujours jeunes, comme ce qui est éternel, ont varié, suivant les époques, d’expression et même d’intensité.

537. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

 » — Or toute la botanique moderne est fondée sur la découverte de Gessner, fait observer Malesherbes. […] M. de Malesherbes était un homme éclairé, je l’ai dit, et selon les lumières modernes ; il aurait voulu la liberté de la presse, et croyait peu à l’efficacité de la censure, quand une fois l’opinion a pris son essor dans un certain sens. […] En politique, il ne visait qu’à la réforme et la voulait autant que possible selon les principes de l’antique droit, de l’antique liberté à laquelle il croyait trop peut-être, de même qu’il se confiait trop aussi au bon sens moderne. […] Malesherbes, ce Franklin de vieille race, avait très nettement embrassé la société moderne dans ses articles fondamentaux ; il l’avait d’avance prévue et anticipée ; mais s’il ne s’était pas trompé sur le but, il s’était fait illusion sur les distances et sur les incidents du voyage.

538. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Je ne prétends pas avoir donné en ces quelques lignes une image fidèle et nette de ces trois hommes, qui ont joué des rôles divers, mais capitaux, dans l’évolution de la pensée moderne ; mais si j’ai réussi à montrer l’objet commun de leurs réalisations et de leurs efforts, c’est-à-dire la poursuite de plus en plus réelle, de plus en plus parfaite, de plus en plus riche d’une claire possession de la vie, de ses millions de formes, de sa liberté et de sa mobilité infinies, j’aurais suffisamment rempli mon but qui est de concentrer l’attention sur ce point central. […] Ne sent-on pas là, comme je la sens, l’expression d’un des sentiments les plus modernes et les plus profonds d’un monde qui s’élargit démesurément ? […] Cette conception ruinée par la conception toute moderne de l’évolution des choses, des hommes et des mondes associés sous l’empire intérieur d’un principe commun de vie, est en complète et radicale décrépitude, après avoir engendré une montagne d’erreurs qui s’affaisse peu à peu sous l’effort du temps. […] Roberts est aux États-Unis parmi les quatre ou cinq poètes les plus modernes d’inspiration.

539. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

Lorsque les philosophes ou les historiens parlent des premiers temps, ils prennent le mot peuple dans un sens moderne, parce qu’ils n’ont pu imaginer les sévères aristocraties des âges antiques ; de là deux erreurs dans l’acception des mots rois et liberté. […] Au contraire, c’est la sensibilité paternelle des modernes, qui leur donne en toute chose cette délicatesse étrangère à l’antiquité. — II. […] Les fils acquièrent, les femmes épargnent pour leurs pères et leurs maris ; c’est le contraire de ce qui se fait chez les modernes. — IV. […] Tout ceci prouve combien les modernes se sont mépris sur le sens du mot célèbre : les barbares n’ont point sur leurs enfants le même pouvoir que les citoyens romains.

540. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

À mesure qu’on avancera dans le monde moderne, il deviendra pourtant de plus en plus difficile aux rédacteurs qui seront en exercice alors de se contenir à l’exposé des faits à l’analyse des ouvrages, sans y mêler quelque chose des idées et des impressions qui sortent presque inévitablement : mais jusqu’à présent l’esprit essentiel et primitif de l’œuvre, convenablement entendu et dans une juste extension, a été fidèlement observé. […] Faut-il à côté de ces noms littéraires en prononcer un tout moderne et qui n’est qu’ignoble, celui de Robert Macaire ? […] Lorsque Goethe s’est amusé à versifier à la moderne le roman allemand de Renart, il n’a fait à bien des égards que varier une des formes de son Méphistophélès.

541. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Vicq d’Azyr fut le grand promoteur d’une Société ou Académie de médecine sans préjugés, vraiment moderne d’esprit et de méthode, ouverte même aux plus récentes lumières, et prête à répondre aux consultations du gouvernement sur tous les objets et toutes les questions qui intéressent la santé publique. […] Jusqu’ici, en parlant des universités de la Péninsule, Vicq d’Azyr n’avait en vue que de loin l’université de Paris, bien autrement pratique et avancée pour la branche médicale ; mais il y songeait manifestement et il y faisait une allusion qui devait être sentie de tous, lorsqu’il ajoutait : Semblable aux vieillards qui racontent avec enthousiasme ce qu’ils ont vu dans leur jeunesse et qui refusent d’apprendre ce que les modernes ont découvert, la plupart des anciens corps enseignants prodiguent des éloges aux âges qui les ont précédés, et se traînent péniblement après le leur. […] L’un remonte aux éléments, à l’origine des sciences, et des temps modernes il se porte vers l’Antiquité ; l’autre, par des chemins nouveaux, s’élance vers l’avenir.

542. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

L’illustrateur moderne, M.  […] Il a fallu assez de temps pour que l’œuvre fût appréciée à son prix par les modernes ; mais le bon Amyot avait certainement le sentiment et l’instinct de ce qu’elle valait, lorsqu’il choisir exprès pour l’une des premières traductions du grec qu’il comptait donner au public. […] Tout ce qu’il a dit à cet égard est juste : ce qu’il faut reconnaître en effet, c’est que ce sont deux œuvres parfaites, achevées, chacune dans son genre : Bernardin de Saint-Pierre, ce Grec d’imagination et de goût, s’est inspiré de l’une pour faire l’autre, et la faire un peu autrement ; il a vu, il a deviné au premier coup d’œil ce qu’il devait introduire de neuf dans la même donnée, pour inventer et réussir à la moderne ; non content de renouveler le paysage, il a renouvelé les âmes ; il les a montrées aussi naïves, aussi primitives, mais travaillées et comme perfectionnées à leur insu par l’air qu’elles ont respiré, par la nourriture qu’elles ont reçue des parents.

543. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Vauvenargues nous a offert par lui-même, et dans la personne de son ami Hippolyte de Seytres, l’idéal d’un jeune militaire dévoué à son roi, à sa patrie, à ses devoirs, amoureux de la gloire dans l’âge des plaisirs, et sachant associer au culte moderne de l’honneur quelque chose de la vertu telle que l’entendaient les Anciens. […] Pour moi, il me rappelle exactement, dans l’exemple moderne le plus analogue, ce Pallas, fils d’Évandre, tué à son premier combat et qui, après avoir quitté son vieux père pour apprendre la guerre sous Énée, lui est ramené dans une pompe solennelle et touchante : …..Quem non virtutis egentem Abstulit atra dies et funere mersit acerbo. […] Ce qui s’oppose le plus à l’impression poétique en présence des personnages trop voisins de nous, c’est la moquerie, l’ironie, ce grand dissolvant des temps modernes, comme on l’a appelé.

544. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Que l’on essaye de se figurer, dans la langue prophétique du vie  livre de l’Énèide, tous les intérêts du monde antique rassemblés sur la limite de l’antiquité et des temps modernes, tant de peuples encore primitifs se groupant, avec leurs cultes et leur génie, autour de la louve romaine, dans l’attente du christianisme ; les Gaulois, les Bretons, les Germains nouvellement découverts ; en Orient, les Parthes, les Numides, les vieux et nouveaux empires ; et au faîte de tout cela, César, à l’œil de faucon, portant dans son génie réfléchi tout le génie des temps modernes ; et que l’on dise si l’épopée ne s’est pas trouvée là. […] Quinet : annonçant, dans le Globe du 12 octobre 1830, son livre De la Grèce moderne et de ses rapports avec l’Antiquité, je disais : « Cet ouvrage, qui doit être demain mis en vente, est dû au jeune et remarquable écrivain qui nous a donné déjà, il y a deux ans, la traduction des Idées de Herder, et qui l’avait enrichie d’une Introduction si pleine et, pour ainsi dire, si grosse de philosophie et de poésie.

545. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

Les femmes devaient donc souvent surpasser les hommes, dans cette émulation de christianisme qui s’empara de l’Europe durant les premiers siècles de l’histoire moderne. […] S’il existe une distance infinie entre les derniers hommes célèbres de l’antiquité et les premiers, qui, parmi les modernes, se sont illustrés dans la carrière des sciences et des lettres ; si Bacon, Machiavel et Montaigne ont des idées et des connaissances infiniment supérieures à celles de Pline, de Marc-Aurèle, etc., n’est-il pas évident que la raison humaine a fait des progrès pendant l’intervalle qui sépare la vie de ces grands hommes ? […] Peut-être aussi que tout le faste de ces récompenses d’opinion était nécessaire pour exciter aux difficiles travaux qu’exigeaient, il y a trois siècles, le perfectionnement des langues modernes, la régénération de l’esprit philosophique, et la création d’une méthode nouvelle pour la métaphysique et les sciences exactes.

546. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

D’autant qu’il ne faisait pas l’expérience complète et décisive : son imitation n’abordait pas de front la grande antiquité ; il allait à Virgile plutôt qu’à Homère, à Horace plutôt qu’à Pindare ; il s’amusait aux Italiens, comme Pétrarque, aux modernes latinistes, comme Pontanus ou Naugerius. […] Et là, ce sont bien des chefs-d’œuvre, les premiers du lyrisme moderne, qui s’épand en toutes formes, et, négligeant les factices distinctions de genres que seule la spécialisation rigoureuse des mètres maintenait chez les anciens, met la même essence, la même source d’émotions et de beauté dans l’ode et dans le sonnet, dans l’hymne et dans l’élégie : ces chefs-d’œuvre se constituent par l’ample universalité des thèmes, et par l’intime personnalité des sentiments : c’est de l’amour, de la mort, de la nature que parle le poète, mais il note l’impression, le frisson particulier que ces notions générales lui donnent, la forme et la couleur par lesquelles se détermine en lui leur éternelle identité. […] Mais surtout il faut tenir compte de ce qu’il dégrossissait le premier la poésie moderne : s’il a ébauché la forme que ses successeurs devaient porter à la perfection, on peut lui passer beaucoup de défaillances nécessaires.

547. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Il fait découvrir ses théories par la raison d’une jeune fille moderne, avec la collaboration d’un officier de cavalerie. […] Pour n’être pas le livre d’un littérateur, ce n’est pas un livre de forme banale ; quant au fond de la doctrine qu’il inclut, c’est la codification logique des principes féodaux ; mais d’une féodalité moderne, rationnelle, paradoxale et amusante. […] Au cas particulier de M. de Wyzewa, il est sûr qu’il a fini d’aimer les lettres modernes le jour qu’il a cessé de se croire doué d’un talent révolutionnaire.

548. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre I : De la méthode en général »

Bacon l’a résumée dans cet aphorisme célèbre : Homo minister et interpres naturæ ; quantum scit, tantum potest  ; il semble avoir prévu avec une perspicacité merveilleuse la société moderne, la nature vaincue par la science, l’industrie affranchie des tâtonnements lents et incertains de l’empirisme, puisant dans les principes généraux établis par les savants de certaines et innombrables applications. […] Pour ma part, en comparant le Novum Organum aux méthodes modernes, je suis beaucoup moins frappé de ce qu’il y a de suranné que de ce qu’on y trouve au contraire de neuf, de vivant, d’applicable encore. […] Rappelons encore la règle de Bacon sur la production ou le prolongement 23 de l’expérience, dont on peut citer des exemples importants dans la science moderne.

549. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Troisième partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées politiques. » pp. 350-362

Si nous descendions aux détails, nous aurions à examiner ici les sources de la mendicité, les causes qui l’ont produite et consacrée en quelque sorte chez les peuples modernes, les raisons qui doivent la faire disparaître à présent : nous aurions encore à jeter un coup d’œil sur le régime de hôpitaux, sur la nécessité ou nous sommes peut-être, dans l’état actuel de la civilisation, d’introduire de grands changements dans l’administration générale des secours aux indigents ; nous aurions enfin à pénétrer dans l’intérieur de nos manufactures pour voir comment il serait possible de conserver la santé de nos ouvriers, de relever en eux l’intelligence et le sentiment moral affaiblis par un travail trop mécanique, de les rendre à l’intensité des affections de famille, de leur donner la prévoyance de l’avenir : mais ce ne serait point véritablement de mon sujet, puisque je dois m’abstenir d’appliquer mes observations à aucun objet en particulier. […] La guerre de Spartacus n’avait aucune analogie avec les actes de rébellion chez les peuples modernes.

550. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

Je sais ce que c’est que la poésie de Byron ou de Crabbe, par exemple, mais je ne sais pas, ou plutôt je sais trop ce que c’est que la poésie antique, — la poésie orientale, — la poésie indienne, obtenues à l’aide du procédé moderne par des hommes qui ne sont ni des Anciens, ni des Orientaux, ni des Indiens, et qui jouent littérairement d’une façon plus ou moins sérieuse, c’est-à-dire plus ou moins comique, la scène de M.  […] … La gloire de Delille est chétive, j’en suis bien sûr, aux yeux de l’auteur des Poèmes antiques et indiens, qui se croit un bien autre peintre que Delille, parce qu’il a le naturalisme de l’école moderne, l’empâtement du panthéisme allemand, et qu’il a lu la Flore indienne, car l’indianisme de M. le Conte de L’Isle n’a pas plus de profondeur que cela.

551. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Deltuf » pp. 203-214

… La gloire de de Musset ce sillon rose dans l’air que le temps n’efface pas et qui traînera longtemps encore derrière ce jeune homme, lient autant à la légèreté de son esprit qu’à sa passion et à son éclat ; et, pour mon compte, je suis persuadé qu’un livre moderne, plein des choses modernes, qui aurait le bonheur d’être écrit avec la légèreté perdue des Mémoires du chevalier de Grammont, par exemple, nous paraîtrait un phénomène et nous tournerait la tête à tous, graves caboches du dix-neuvième siècle !

552. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Parmi les modernes, M.  […] Faire du moderne avec la langue romane ! […] C’est comme cela qu’il entend son rôle de critique moderne. […] Pas chez Glatigny, ce Villon moderne. […] Pas chez Coppée, si moderne !

553. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Stendhal a très bien vu ces inconvénients de la société moderne, et il en a gémi de tout son cœur. […] La seule manière que les hommes aient de se distinguer les uns des autres dans les sociétés modernes, c’est la fortune. […] Les sociétés modernes n’ont pas supprimé l’aristocratie, que rien ne supprime ; elles l’ont mobilisée, et par suite désarmée, à très peu près. […] C’est l’aristocratie moderne. […] Et ici il faut reconnaître que Tocqueville appuie Proudhon par un exemple moderne.

554. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Seul, peut-être, parmi les auteurs belges, il demeure aussi indifférent à la vie moderne ; il veut l’ignorer. […] C’est en partie à son dévouement, au combat tenace qu’il mène dans l’Art moderne, que le mouvement triomphe. […] Émile Verhaeren signa longtemps la chronique artistique à L’Art moderne et à La Nation. […] Cette lettre fut reproduite dans le numéro de L’Art moderne du 5 octobre 1890. […] Notes sur la littérature moderne, deuxième série, « Dostoïewsky », p. 274, 275.

555. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Je l’ai vue dans Hésiode, et on l’emploie jusque dans le style le moins mystique des temps les plus modernes. […] C’est la grande pensée des temps modernes ; c’est la pensée qui pénètre de part en part l’œuvre de Gœthe. […] C’est l’idée moderne, l’idée anglaise, de l’aristocratie qui ne voit dans l’orgueil des ancêtres qu’un engagement d’honneur à l’excellence en toutes choses. […] Littré appelle l’esprit qui vivifie la société moderne, et dont il donne une définition que Dante assurément n’eût pas désavouée. […] Dante, ne l’oublions pas, appartient à la plus grande race politique des temps anciens et modernes.

556. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » p. 51

COSSART, [Gabriel] Jésuite, né à Pontoise en 1615, mort à Paris en 1674, Orateur Latin, dont les Discours prouvent tout à la fois que la belle Eloquence peut être le partage d’un homme de Collége, & la belle Latinité celui d’un Auteur moderne.

557. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bérenger, Henry Victor (1867-1952) »

Bérenger, Henry Victor (1867-1952) [Bibliographie] L’Âme moderne (1892).

558. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pionis, Paul (1848-1929) »

[La Revue moderne (1893).]

559. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Il consiste dans cette remarque qu’une société humaine, surtout une société moderne, est une chose vaste et compliquée. […] Mais surtout dans le chapitre II, intitulé Philosophie et sociologie expérimentale, le caractère si moderne de la pensée de Bonald se trouvera vérifié. […] Une société humaine, surtout une société moderne, est une chose vaste et compliquée. […] C’est ainsi que la famille pourrait être reconstituée par la liberté de tester, qui donnerait l’équivalent moderne des majorais et des substitutions. […] C’était cependant de la poésie, et si intense, si neuve, si adaptée à certains besoins du cœur moderne, qu’elle a produit une longue lignée de descendants.

560. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article »

Nous ne prétendons pas placer dans cette classe plusieurs Prônes modernes qui ne les valent pas.

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