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1255. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’arbitrage et l’élite »

Sans doute il y a un grand nombre de ces questions auxquelles se mêle un intérêt politique national ou autre, qui tend à les obscurcir.

1256. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXV. Des éloges des gens de lettres et des savants. De quelques auteurs du seizième siècle qui en ont écrit parmi nous. »

Il fut président et trésorier de France à Poitiers, et de plus orateur, poète, jurisconsulte, historien, servit sous quatre rois, fut sur le point d’être secrétaire d’État sous Henri III, mérita l’estime et l’amitié de Henri IV, se distingua aux États de Blois par son courage, à l’assemblée des notables de Rouen par ses lumières, dans une place d’intendant des finances par son intégrité ; et mêla toute sa vie l’activité courageuse des affaires, à ce goût des lettres que l’ignorance et quelquefois la prévention calomnient, que les vrais hommes d’état estiment, et qui donne encore plus de ressort et d’intrépidité aux âmes nobles.

1257. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre V. Autres preuves tirées des caractères propres aux aristocraties héroïques. — Garde des limites, des ordres politiques, des lois » pp. 321-333

Lorsque les démocraties se formèrent, et ensuite les monarchies, les nobles et les plébéiens se mêlèrent au moyen des alliances et des successions par testament, ce qui fit que les richesses sortirent peu à peu des maisons nobles.

1258. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

quand les Stoïciens se mêlent d’être modestes, on ne peut savoir à quel point ils le sont, et quel degré de scrupule et de raffinement ils portent dans cette vertu d’humilité, et même à leur insu quelquefois. […] Il mêlait la pratique à la science. […] Il excite des affections respectueuses, des amitiés enthousiastes et fidèles ; il y a comme de la vénération mêlée dans les sentiments qu’il inspire.

1259. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Cette époque de sa vie est assez obscure, et l’esprit de parti qui s’en est mêlé plus tard n’a pas aidé à l’éclaircir. […] Souvent il substitue l’esprit au sentiment, plus souvent il émousse et affaiblit le sentiment par l’esprit qu’il y mêle. […] Les circonstances sociales s’en mêlèrent et y mirent le sens.

1260. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

« Et j’étais debout sur le pont d’un navire géant, et je mêlais mon souffle — à celui d’un peuple loyal qui poussait un cri de bataille. —  Désormais la pensée noble sera plus libre sous le soleil, —  et le cœur d’une nation battra d’un seul désir. —  Car la longue, la longue gangrène de la paix est ôtée et lavée, —  et à présent, le long des abîmes de la Baltique et de la Crimée, —  sous la gueule grimaçante des mortelles forteresses, on voit flamboyer — la fleur de la guerre, rouge de sang avec un cœur de feu1527. » Cette explosion de sentiment a été la seule ; Tennyson n’a pas recommencé. […] Ils sont excessifs, raffinés, prompts aux larmes, au rire, à l’adoration, à la plaisanterie, enclins à mêler l’une à l’autre, précipités par une verve nerveuse à travers les contrastes et jusqu’aux extrêmes. […] C’est le soir de la dernière bataille ; tout le jour le tumulte de la grande mêlée « a roulé le long des montagnes près de la mer d’hiver » ; un à un les chevaliers d’Arthur sont tombés ; il est tombé lui-même, le crâne fendu à travers le casque, et sire Bedivere, son dernier chevalier, l’a porté tout près de là, « dans une chapelle brisée avec une croix brisée, debout sur une noire bande de terre stérile.

1261. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

La musique se mêle à ses amours ; elle écrit avec lui de sa main mourante son angélique Requiem ; elle note ainsi son premier et son dernier soupir ; elle l’exhale avec son âme et va se joindre au concert céleste dont toute sa vie n’a été que le prélude ici-bas. […] Il désirait passionnément l’épouser à son retour ; il était revenu demander sa main à sa famille avec un espoir mêlé de doute. […] C’est tout un drame où la passion se mêle au sourire de la tristesse religieuse, conçu et exécuté par un génie qui unissait la grâce de Raphaël, la mélancolie de Virgile, à la sombre vigueur de Dante et de Shakespeare.

1262. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

Ses lettres, après la mort de Robert, ont la candeur de l’étonnement et de la douleur, mais aucun remords ne s’y mêle aux profonds regrets. […] XVIII C’est l’été ; le ciel est pur ; on ne le voit qu’à sa clarté ; il revêt tout de sa lumière, dans laquelle il se noie et se confond lui-même ; l’air, on ne le voit pas non plus, mais on le sent : il est chaud, mais déjà trempé de ces premières moiteurs d’un beau soir qui se mêlent, sur le front, avec la sueur de la journée de l’homme, pour la rafraîchir et pour l’embaumer ; on distingue l’heure, non seulement aux lourdes ombres qui s’allongent derrière les roues du char et derrière les épaules des jeunes filles, mais on la discerne plus visiblement encore aux deux ou trois légers nuages qui flottent très loin dans le ciel et qui se teignent, seulement par le haut, des lueurs répercutées du soleil. […] Des poils d’un noir fauve se rebroussent sur leurs larges fronts ; leurs lourdes paupières clignottent pour écarter les mouches par le mouvement de leurs cils ; une écume sanglante, mêlée de poussière, suinte autour de leurs bouches et de leurs naseaux.

1263. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

dit Gretchen à demi-voix ; vous ne devriez pas vous mêler de cette tromperie. […] Il alla, après quelques mois de séjour chez son père, se mêler à Leipzig à tout le mouvement des études, des littératures et des factions scolastiques de la haute Allemagne. […] Les cloches de la cathédrale résonnent et se mêlent à l’angélique mélodie du jour de Pâques dans le ciel et sur la terre.

1264. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

Un vrai poète homérique en ce temps-ci ; un poète né, comme les hommes de Deucalion, d’un caillou de la Crau ; un poète primitif dans notre âge de décadence ; un poète grec à Avignon ; un poète qui crée une langue d’un idiome comme Pétrarque a créé l’italien ; un poète qui d’un patois vulgaire fait un langage classique d’images et d’harmonie ravissant l’imagination et l’oreille ; un poète qui joue sur la guimbarde de son village des symphonies de Mozart et de Beethoven ; un poète de vingt-cinq ans qui, du premier jet, laisse couler de sa veine, à flots purs et mélodieux, une épopée agreste où les scènes descriptives de l’Odyssée d’Homère et les scènes innocemment passionnées du Daphnis et Chloé de Longus, mêlées aux saintetés et aux tristesses du christianisme, sont chantées avec la grâce de Longus et avec la majestueuse simplicité de l’aveugle de Chio, est-ce là un miracle ? […] et détournée un peu de côté, déjà le sourire se mêlait à ses larmes ; semblablement à la rosée qui, le matin, des liserons mouille les clochettes lourdes, et roule en perles, et s’évapore aux premières clartés… « Et sous eux voilà que la branche tout à coup éclate et se rompt ! […] Raymond refuse sa fille au vannier, à table, dans une scène de caractère digne de la plus haute comédie ; scène où le pathétique se mêle au comique, dans un entretien qu’avouerait Molière.

1265. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

. —  Parce que le cœur s’y mêle, répondit le professeur, parce qu’il a été pensé avec la sensibilité et non avec la fantaisie, parce qu’il a été écrit avec des larmes. […] oui, s’écria naïvement l’innocente Thérésina, lisez, lisez, caro professore ; j’aimerai bien le livre s’il me fait pleurer. » Alors le professeur commença la lecture des aventures de Ginevra ; mais, pour les rendre plus distinctes de cette nuée d’aventures dans lesquelles elles sont intercalées comme un fil d’or dans une trame mêlée de l’Orient, il les cribla pour ainsi dire de tout leur alliage et il en fit un tout non interrompu de vaine digression. […] Une fille de roi, aimée d’un paladin de la cour de son père ; une amitié tendre entre cette princesse et sa suivante, devenue en grandissant avec elle son amie ; la séduction de cette Olinde par un débauché qui abuse de son innocence, cette ruse infernale de l’échange des vêtements sur le balcon, qui donne l’apparence du crime à l’innocence endormie ; le désespoir de ce fidèle amant, témoin de la fausse infidélité de celle qu’il respecte et qu’il adore, le silence qu’il s’impose, et la mort qu’il essaye de se donner pour ne pas flétrir celle qui lui perce le cœur ; ce Renaud, étranger à tous ces intérêts d’innocence, d’amour ou de crime, qui vient, par le pieux culte de la femme et de la justice, se jeter l’épée à la main dans cette mêlée comme la Providence ; ce vieux roi, qui pleure sa fille et qui la livre à sa condamnation à mort par respect pour les mœurs féroces de son peuple ; cet Ariodant, qui se revêt chez l’ermite de son armure de deuil, et qui va combattre masqué contre son propre frère pour le salut de celle dont le crime apparent le fait mourir deux fois ; ce repentir et cette confidence de la suivante Olinde dans la forêt, retrouvée comme la vérité au fond du sépulcre ; ce Renaud, qui interrompt heureusement le combat fratricide entre Ariodant et Lurcin, qui tue Polinesso et qui lui arrache la confession de l’amour de Ginevra ; ces deux amants qui se retrouvent, l’une dans son innocence, l’autre dans son dévouement, et qui s’unissent dans les bras du vieux roi aux acclamations du peuple !

1266. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Il y avait le vénitien, mais c’était si frêle et si doux que cela ne pouvait être susurré que par des lèvres de femme, cela répugnait à la virilité des héros ; il y avait le milanais, c’était mêlé d’allemand et de français, plus jargon que langue ; il y avait le génois et le piémontais, cela n’avait ni syntaxe, ni accent, ni sens, patois de peuples qui ne s’appartiennent pas et qui s’entendent entre eux contre leurs conquérants par signes plus que par le langage. […] Comme ce second voyage devait se prolonger plus que l’autre, et qu’à mes rêves de véritable gloire il se mêlait encore quelques bouffées de vanité, j’emmenai avec moi plus de gens et de chevaux, afin de marier ainsi deux rôles qui rarement vont d’accord ensemble, le rôle de poète et celui de grand seigneur. […] Une foule immense se pressait sur leur passage ; les étrangers, les Anglais surtout, si nombreux à Rome, se mêlaient avidement à une population toujours curieuse de ces spectacles, et l’on peut dire que l’entrée de Charles III avec sa jeune femme dans la capitale du monde catholique fut un des événements de l’année 1772.

1267. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Ayant été placé sur une surface plate, en dessous d’un banc, sa base en a pris naturellement la forme, et se compose de fougère sèche et d’autres plantes, mêlées à des feuilles d’herbe et à des végétaux ligneux. […] Les deux oiseaux travaillent alternativement à apporter des pelotes de boue ou de terre humide mêlée avec de la mousse dont ils disposent la plus grande partie au dehors, et quelquefois tout l’extérieur semble en être entièrement formé. […] À peine étais-je de retour à Louisville, qu’un violent ouragan mêlé de tonnerre passa sur la ville, et je pensai que la précipitation des hirondelles avait eu pour cause leur inquiétude et le désir d’éviter l’orage.

1268. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Je le voyais un autre jour par un beau temps, à côté de moi dans sa voiture, en pardessus brun, en casquette bleue, son manteau gris clair étendu sur ses genoux ; son teint brun est frais comme le temps, ses paroles jaillissent spirituelles et se perdent dans l’air, mêlées au roulement de la voiture qu’elles dominent. […] Nous nous séparâmes alors, je me mêlai aux autres personnes, qui dans chaque salon causaient bruyamment et gaiement. […] Thiers, à propos du drame imité de Shakespeare, « qui mêle la tragédie à la comédie, le terrible au burlesque », il dit à Goethe : « — Je suis étonné qu’un grand esprit comme vous n’aime pas les genres tranchés. » « On affirme que les Mémoires de M. de Talleyrand donneront encore des détails sur cette entrevue historique. » 14.

1269. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Voilà cette vie d’un grand écrivain, où la littérature tient si peu de place : les chefs-d’œuvre s’entassent en une douzaine d’années, de 1742 à 1762 : dans les trente-sept années précédentes, rien ou à peu près ; dans les seize dernières, les Confessions avec leur complément des Rêveries, qui sont moins un livre d’auteur qu’une vision de vieillard revivant avec délices sa vie inégale et mêlée. […] Et leurs amours se développent en émotions poétiques plutôt qu’en analyses psychologiques : rien de plus édifiant à cet égard que la promenade à la retraite de la Meilleraie567 ; les impressions des deux amants sur ce lac, parmi ces rochers qui ont été témoins de leur passion maintenant assagie, épuisée, toujours délicieuse, cette joie mêlée d’un sentiment mélancolique de l’irréparable écoulement des choses et de l’être, c’est le thème, et plus que le thème, du Lac de Lamartine. […] Tout se mêle encore dans Rousseau, le moi et la nature, l’abstraction et la sensation, la logique et la passion, l’éloquence, le roman, la poésie, la philosophie, la peinture.

1270. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Quel régal pour les artistes que cette langue au double timbre, et qui mêle souvent les deux notes de Rabelais et de Henri Heine : de l’énormité grasse ou de la tendre mélancolie. […] Une fatigue de tête qui rêvasse, mêlée délicieusement à un éreintement du corps. […] … Et cela relevé de tant de grâce mélancolique et malade et de bouffonnante ironie : du Falstaff et du Mercutio mêlés.

1271. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

* * * — Rien de bon, avec une maîtresse, comme des rapports simplement charnels, mêlés à une véritable amitié de camarade. […] Et la mélancolie de l’heure de cinq heures, du jour s’éteignant, de la menace de l’isolement de sa soirée, amenait aux lèvres de Sainte-Beuve une plainte, à voix basse, sur toutes les privations dont il souffrait, sur l’impossibilité du déplacement qui vous mêle à vos semblables, à la société, impossibilité qui vous désintéresse de l’action et du monde. […] Au fond, il est pris d’une inquiétude jalouse de l’acceptation de l’œuvre par le public présent ou futur, et alors il mêle les coups de boutoir aux reproches aigus, et sort de ses habitudes de politesse… Puis tout à coup, dans ses paroles, nous sentons percer la visite d’un ami qui ne nous aime pas.

1272. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Jeudi 10 mars Les quelques femmes, que j’ai hautement aimées, aimées avec un peu de ma cervelle mêlée à mon cœur, je ne les ai pas eues — et cependant j’ai la croyance que, si j’avais voulu absolument les avoir, elles auraient été à moi. […] On le voit tout à coup abaisser la tête, regarder le plancher, tenir ses bras étendus entre ses cuisses ouvertes, et lâcher, lâcher de la parole, mêlée à des choses agressives. […] Il vient de la mêlée de la délicatesse des sentiments, du style et de l’action, avec son réalisme théâtral.

1273. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

L’esprit humoriste de Sterne et le pathétique de Richardson se mêlent en eux pour faire sourire ou pleurer toute l’Europe. […] De grandes rumeurs de la foule, mêlées de mugissements de bœufs, de bêlements de brebis, de hennissements de chevaux, se faisaient entendre à l’extrémité de la petite rue du côté du pont de la Trinité. […] Il inspirait à ceux qui le rencontraient un respect mêlé d’une superstitieuse terreur ; on voyait en lui un spectre rajeuni de Dante et de Machiavel.

1274. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Et, distillant ton sang de sa pointe rougie, Mêlé la pourpre humaine au nectar de l’orgie ? […] Les juvénilités de ta vie et de tes vers, les gracieuses mollesses de ta nature ne m’auraient pas écarté de toi, au contraire ; il y a des faiblesses qui sont un attrait de plus, parce qu’elles mêlent quelque chose de tendre, de compatissant et d’indulgent à l’amitié, et qu’elles semblent inviter notre main à soutenir ce qui chancelle et à relever ce qui tombe. […] Ce scepticisme te porta à te détourner de la mêlée, comme tu t’étais, au premier déboire, détourné de l’amour ; tu cherchas dans ta tristesse à savourer la vie sans la sentir, et à goûter dans un opium assoupissant les sommeils et les rêves d’un autre Orient ?

1275. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Le roman dit moderne mêle à la peinture des mœurs quelques prétentions de philosophie, d’ironie ou même de polémique. […] Paul Vigné d’Octon qui essaya — sans doute pour réagir contre l’exotisme de Paul Bonnetain qui n’était guère qu’une amplification du roman naturaliste — de mêler quelque lyrisme à ses nombreux volumes mi-pathologiques, mi-psychologiques : Chair Noire, Au Pays des Fétiches, Fauves Amours, l’Amour et la Mort, Martyrs Lointains, Terre de Mort, le Journal d’un Marin, etc., ni Francis Jammes, dont l’exotisme est spécial et touchant, ni André Gide qui a décrit Biskra et le désert, ni Claude Farrère dont les troublantes Fumées d’opium vont révéler le nom, et dont les Civilisés sont une œuvre des plus fortes et des plus personnelles, ni Paul Claudel enfin, qui rapporta de Chine des notes qui formeront une œuvre remarquable telle que nous devons l’attendre de l’auteur de la Connaissance de l’Est 46. […] … une fable… Une froide ironie, une pitié attendrie, une tristesse adoucie se mêlent au fond de l’âme de l’auteur ».

1276. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Son expression est mêlée de douleur et d’indignation. […] Debout, derrière Caesar et ce chevalier, tout à fait à droite, un vieux chef de légion regarde le même objet avec une attention, et une surprise mêlée de douleur. […] Elle ne scait ce que c’est harmonie, cadence, ballance ; elle entasse, elle confond, elle meut, elle approche, elle éloigne, elle mêle, elle colore comme il lui plaît.

1277. (1899) Arabesques pp. 1-223

Se targuer d’impartialité quand on se mêle d’apprécier l’œuvre d’autrui c’est s’avouer incapable d’amour et de haine, à savoir des deux sentiments par où s’affirme notre personnalité, c’est prétendre à l’inertie. […] On pourrait le comparer à un étang dans une clairière, où se mêleraient aux reflets de l’eau tranquille l’ombre mouvante des feuilles et l’or miroitant d’un rayon de soleil. […] Aussi, de quoi se mêlent-ils ? […] Ils pensent que Hugo et Lamartine ont eu tort de se mêler aux conflits sociaux. […] Les Pharisiens te souillent de leur verbe gluant et te mêlent à leurs déclamations hypocrites.

1278. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. […] Il ne pouvait plus les séparer dans son esprit, et les vit mêlées aussi dans la réalité, la tendresse donnant quelque chose de sérieux et d’important à ces plaisanteries qui en retour lui faisaient perdre de son innocence 44. […] » Mais ce hochement de tête affecté ainsi d’habitude à un événement à venir, mêle à cause de cela de quelque incertitude la dénégation d’un événement passé ! […] Et plus loin : Le sentiment qu’il éprouvait… n’étant plus mêlé de douleur, n’était plus de l’amour 61. […] Je me demandai si vraiment il était permis de peindre la vie dans ce qu’elle avait de plus superficiel, quand elle était susceptible d’aussi affreuses catastrophes que celle à laquelle je me trouvais mêlé ; je me demandai, plus généralement, s’il était permis d’adopter à son égard (quel qu’en fût le fond), une attitude aussi tranquille, aussi objective, aussi purement historique que celle que Proust avait choisie.

1279. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Il y a mieux : dans les épisodes auxquels don Quichotte n’est mêlé que d’une manière indirecte, comme celui des noces de Gamache, on est désappointé de voir le chevalier figurer au second plan et réduit au rôle de comparse. […] Ni dans sa vie, ni dans son caractère, ni dans sa tournure d’esprit, vous ne surprendrez de chimère vaniteuse, de fatuité de poète enivré de son succès et ébloui de la société à laquelle il est mêlé. […] C’est ainsi qu’il existe en réalité, car il ne vit pas seulement d’une vie de fantôme, il est mêlé et confondu avec notre vie actuelle qu’il augmente et qu’il grossit sans que nous en sachions rien. […] Une expérience incessamment renouvelée lui avait appris en effet qu’une âme humaine est une mine inépuisable en métaux mêlés de toute espèce, or et argent précieux, cuivre vulgaire, plomb terne et vil étain. […] Lui au moins eut le mérite de mêler un repentir sincère à ses ridicules regrets.

1280. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

La plupart des personnages y sont exhaussés jusqu’au symbole, et la Nature (qui est, ici, lamer) y est intimement mêlée au drame humain. […] Zola et pour un des chefs-d’œuvre du théâtre contemporain, a été mêlée et douteuse. […] Au plaisir d’applaudir une œuvre aussi élégante, aussi brillante, aussi nerveuse que le Prince d’Aurec, se mêlait le plaisir d’applaudir contre quelqu’un. […] Mais que ces avantages sont mêlés et douteux ! […] Je regrette aussi que, çà et là, des phrases « écrites », et gauchement écrites à ce qu’il m’a semblé, viennent se mêler au dialogue simple et franc de M. 

1281. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

— Parce que je le vois plus près de son œuvre et mêlé à elle au lieu d’en être éloigné et distinct, il devient tout naturel que son œuvre soit mauvaise ? […] Je croirais plutôt qu’il n’a pas voulu mêler un éloge des Vendéens à un développement qui est tout entier à la gloire des soldats de la première République. […] La respiration de Booz qui dormait Se mêlait au bruit sourd des ruisseaux sur la mousse. […] Mme de Staël, Benjamin Constant se mêlèrent, plus ou moins, de cela, ou y furent mêlés ; on n’y voit pas très bien. […] Le héros du roman étant le fils d’un Français réfugié à Londres après la Commune, est tout naturellement mêlé aux agitations socialistes et anarchistes et y fait très bonne figure.

1282. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Elle l’eût été davantage si ce charmant esprit, qui est de race aristocratique, eût mêlé à son talent un peu de ce savoir-faire dont le génie lui-même ne pourra désormais se passer. […] Ce n’est pas que la vie du cinquième fils de Louis-Philippe se soit mêlée directement à l’histoire de France. […] Il mêle incessamment sa réalité morose aux nobles idées dont nous entretiennent les classiques latins et grecs, rangés tout à côté sur une planche de sapin. […] Par endroits, la paroi lisse et nue reçoit le soleil sur son miroir aveuglant ; mais ailleurs les pins, tordus par le vent du large, descendent jusqu’à la vague, qui mêle son inquiétude éternelle à leur éternel frisson. […] Le frou-frou des robes se mêle, comme un bruissement indistinct, au petit claquement sec des doigts, imitant un bruit de castagnettes.

1283. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Qui donc étudiera ce système, sinon quelque homme vivant et mêlé à d’autres hommes vivants ? […] Et voici déjà voltiger autour des premiers baisers échangés par ces deux êtres qui roulent ensemble dans la faute le tragique essaim des remords, et aux remords se mêlent bientôt les rancœurs : « Elle a menti pour moi, elle me mentira », songe-t-il. […] Il s’y mêle aussi le sentiment que cette vie d’ici-bas, réduite à elle-même, ne vaut pas la peine d’être vécue. […] Son prestige sur eux a été si grand qu’il domine l’effort de renaissance poétique du Parnasse contemporain, — renaissance où se trouvèrent mêlés tant de poètes divers, depuis M.  […] S’il est à Paris, il a sous les yeux le décor des rues, des magasins, des salons, la cohue des intérêts rivaux, la mêlée des passions, une masse énorme d’hommes et de femmes qui vont et qui viennent, tous marqués au sceau des mœurs de l’époque.

1284. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

De ces chairs confondues et de ces souffles mêlés, plus rien qui demeure, hélas ! […] Il serait vraiment trop beau, il serait incompréhensible que chez une femme, si douée fût-elle, dès l’instant qu’elle tient une plume, nul accent d’artifice ne vînt se mêler aux voix de la sincérité. […] Comme un précieux flacon qui longtemps enferma dans son cristal ciselé le plus capiteux des aromes, ses vers dégagent la senteur de l’Idéal qui tout entier s’exprime par eux : « Les Lesbiens avaient l’attrait bizarre et un peu pervers des races mêlées. […] Choisis les parfums, Dika, tresse les roses, Mêle les couleurs. […] Tu mêles la discorde et le désir aux pleurs, Grave comme Hamlet, pâle comme Ophélie.

1285. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Mais les femmes mêlent un sentiment plus vif à tous leurs jugements, et il y a toujours la part de la passion dans leur politique. […] Sa société était celle des savants de Genève où les femmes sont fort mêlées : « Malgré tous nos malheurs, disait-il, c’est encore à Genève, je crois, qu’on trouve le plus d’esprit chez tout le monde, et comme marchandise commune. » Ailleurs, à Coppet, à Paris, à Florence, Sismondi devait faire des frais : à Genève il s’en tirait avec son esprit de tous les jours.

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