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589. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

Littré, que les lois qui régissent l’humanité seront changées et qu’elle se déshabituera d’aller choquer sa noble tête contre les problèmes de sa destinée, insolubles dans ce monde-ci du moins, mais que son éternel honneur est d’incessamment agiter ! […] En supposant, dit-il, que tout ce qui est jusqu’ici tombé dans le monde y soit tombé en raison des lois de la pesanteur, ce qui tombera demain tombera-t-il de même ?… Nulle réponse que le besoin qu’on a de faire admettre le principe de l’invariabilité des lois naturelles (page 81).

590. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIV. Alexandre de Humboldt »

Ampère, Saint-Hilaire et Cuvier, ces grands inventeurs et démonstrateurs doivent être des spécialistes dans la gloire comme ils le furent dans leurs études, incompréhensibles à la foule, tandis que Humboldt, le généralisateur et le vulgarisateur, a sa gloire plus générale et plus vulgaire, c’est-à-dire plus étendue, car c’est une loi, et même une assez triste loi de la gloire, de ne pouvoir jamais s’étendre qu’en descendant. […] Dans une époque qui pousse cet amour des faits jusqu’à préférer les plus petits aux plus gros, uniquement parce qu’ils sont les plus petits, — qui a mis je ne dis pas l’histoire, mais l’historiette à la place de tout, — qui dernièrement, en ses journaux, pour se dispenser d’avoir du talent, a inventé la Chronique, cette chose amusante ; la chronique, chère au dilettantisme littéraire de messieurs les portiers, n’est-il pas tout simple qu’Alexandre de Humboldt, le chroniqueur de la science du dix-neuvième siècle, l’arpenteur du globe, qui montre les mesures qu’il a prises, le voyageur, qui a lu des voyages et qui en a fait, produise sur nous tous l’effet d’un Moïse, — d’un Moïse, assez bon pour nous, qui ne descend pas de l’Horeb avec les Tables de la Loi, mais du Chimboraço, avec un album dans sa poche !

591. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

Soumis à la loi qui régit les choses pesantes, les hommes sont plus près de tomber dans les gouffres d’obscurité qui sont en bas, qu’ils ne sont capables de s’élancer aux gouffres de lumière qui sont en haut, et voilà pourquoi Sainte Térèse, qui monta et ne descendit jamais, Sainte Térèse, la Ravie et la Ravissante, l’emporte sur Pascal, dans les œuvres que nous avons d’elle, autant qu’elle l’emporta dans sa vie sur le farouche Solitaire qui ne réussit pas à être un Saint. […] Double vie qui suppose la plus puissante tranquillité de corps et d’âme ou quelque chose de bien plus étonnant encore que cette tranquillité… Il est évident que, pour elle, les lois humaines sont renversées, et que la meilleure manière de la comprendre, c’est de dire qu’on ne comprend plus ! […] En restant dans une appréciation purement humaine et littéraire, et en écartant toutes les questions théologiques qui se rattachent à une existence prodigieuse et impossible à expliquer avec les lois physiologiques dont nous sommes si fiers, la vie de Sainte Térèse, confessée par elle, est un de ces grands fragments de l’esprit humain, qui importent à l’esprit humain tout entier.

592. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Christophe »

La défense trop vantée de l’Esprit des lois n’a pas empêché ce livre célèbre de s’écrouler pan par pan, et de n’être plus maintenant qu’une ruine, comme le Colysée. […] Le xve  siècle, malgré le mérite de plusieurs de ses pontifes, a été infidèle à cette belle loi qu’on pourrait appeler la loi même de la papauté : Quand un pape n’est pas un saint et un grand homme tout à la fois, il est l’un ou l’autre, et c’est avec ses saints que la papauté fait l’intérim de ses grands hommes.

593. (1887) George Sand

Mais les hommes sont trop grossiers et les femmes trop lâches, pour demander une loi plus noble que la loi de fer qui les régit ; à des êtres sans conscience et sans vertu il faut de lourdes chaînes. » Demander une loi, c’est bientôt dit, une loi qui affranchisse la liberté des époux sans détruire la famille que fonde le pacte de ces deux libertés. Qu’on essaye donc de la concevoir, cette loi, dans la contradiction de ses termes ! […] Mais que deviendront les enfants, sous la loi de ces mariages éphémères ? […] Arrière donc les serments sacrilèges et les lois grossières ! Laissez-leur l’idéal, et ne les attachez pas à la réalité par les chaînes de la loi.

594. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

La vertu s’y joint, fille de la sagesse et des lois ; c’est par la vertu que la Grèce lutte contre la pauvreté et la tyrannie. Pour te parler seulement des Spartiates, ne fussent-ils que mille, ils le combattraient ; car ils ont un puissant maître, la Loi, et ils la craignent beaucoup plus que tes sujets ne te redoutent. […] Mais la loi de Sparte était là, divinité d’airain, visible à ses fils, qui ordonnait de tomber au poste assigné. […] Il les effraya en leur montrant les Athéniens acculés à cette extrémité de détresse où, le salut s’imposant comme la loi suprême, ils seraient contraints de traiter avec Mardonios. […] Fondée sur l’esclavage, Sparte s’était prise dans les entraves que ses lois lui avaient forgées.

595. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Des ressemblances et des différences résultent des lois qu’il déduit des faits par le raisonnement. […] L’humanité se révolte contre ces traitements odieux que l’avidité du gain a mis en usage, et qu’elle renouvellerait peut-être tous les jours, si nos lois n’avaient pas mis un frein à la brutalité des maîtres et resserré les limites de la misère de leurs esclaves. […] La dégénération des espèces, sous la triple influence du climat, de la nature et de la domesticité ; la loi de la distribution des espèces sur le globe, sont deux grandes vérités que la science doit à Buffon. […] Les fleurs de l’Esprit des lois s’excusent comme les enjolivements de l’Histoire naturelle des animaux ; c’était l’appât nécessaire pour attirer à leurs beautés fécondes la foule qui ne regarde qu’où il y a du spectacle, et n’écoute que ce qui fait du bruit.

596. (1890) L’avenir de la science « V »

Si tel est le but de la science, si elle a pour objet d’enseigner à l’homme sa fin et sa loi, de lui faire saisir le vrai sens de la vie, de composer, avec l’art, la poésie et la vertu, le divin idéal qui seul donne du prix à l’existence humaine, peut-elle avoir de sérieux détracteurs ? […] Si, comme Burke l’a soutenu, « notre ignorance des choses de la nature était la cause principale de l’admiration qu’elles nous inspirent, si cette ignorance devenait pour nous la source du sentiment du sublime », on pourrait se demander si les sciences modernes, en déchirant le voile qui nous dérobait les forces et les agents des phénomènes physiques, en nous montrant partout une régularité assujettie à des lois mathématiques, et par conséquent sans mystère, ont avancé la contemplation de l’univers et servi l’esthétique, en même temps qu’elles ont servi la connaissance de la vérité. […] Soigner sa belle humanité 57 sera alors la Loi et les Prophètes, et cela, sans aucune forme particulière, sans aucune limite qui rappelle la secte et la confraternité exclusive. […] Le dogmatisme sectaire est inconciliable avec la critique ; car comment s’empêcher de vérifier sur soi-même les lois observées dans le développement des autres doctrines, et comment concilier avec une telle vue réfléchie la croyance absolue ?

597. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Montaigne, en effet, c’est la pure nature, qui se passe toute chose, qui s’accorde tous ses caprices ; et la loi de grâce, le christianisme, n’est pas venue seulement pour régler la nature, mais pour la retourner et la refouler, et, comme on dit, pour la circoncire. […] L’Évangile, selon lui, était venu pour perfectionner et accomplir la loi de nature plutôt que pour la renverser ; il était venu apporter la paix et l’harmonie dans l’homme, plutôt que le glaive ; et ce sage aimable, en cela disciple de Fénelon, évitant les rochers et les précipices où d’autres vont se heurter, trouva moyen encore de passer par une route unie, et comme en continuant les sentiers fleuris de l’humaine sagesse, aux sentiers plus élevés d’où l’on entend avec le peuple et avec les disciples le divin sermon sur la montagne. […] Droz nous le dira d’un mot : « La véritable aristocratie respecte et maintient les lois ; la noblesse se regardait comme au-dessus des lois. » L’esprit de la noblesse de robe est finement distingué de celui de la noblesse d’épée et de la noblesse de cour : « Les magistrats regardaient les militaires comme des machines obéissantes ; ils se jugeaient plus indépendants, plus instruits, plus désintéressés que les gens de cour ; et ils avaient en morgue ce que ceux-ci avaient en vanité. » Toutes les nuances d’inégalité qui composaient l’Ancien Régime, et qui causaient des froissements si sensibles à l’amour-propre, à mesure que l’ambition s’éveillait dans tous les rangs, sont fidèlement analysées par l’historien ; et il n’est pas moins attentif à indiquer les causes de rapprochement entre les classes, les signes précurseurs de l’avènement prochain du tiers état.

598. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LVIII » pp. 220-226

La loi sur l’instruction secondaire est donc votée par la Chambre des pairs et dans le sens de transaction et de mitigation que nous avons indiqué. […] C'est le propre de tout ce qui se prolonge en ce pays de France. — Cette loi, au reste, ne pourra être discutée cette année à la Chambre des députés et tout porte à croire qu’elle y sera modifiée.

599. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre septième. Les sentiments attachés aux idées. Leurs rapports avec l’appétition et la motion »

Ces principes posés, passons succinctement en revue les catégories supérieures de sentiments et d’émotions ; nous les verrons s’expliquer par les mêmes lois. […] C’est donc là que les lois de la sensibilité et de l’émotion se montrent dans leur libre jeu.

600. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre IV »

En 1812, devant la répugnance bien naturelle du peuple, on dut permettre le retour des anciens mots proscrits qui s’adaptèrent désormais à des poids et à des mesures conformes à la loi nouvelle. […] Le système métrique pouvait très bien se concilier avec le vocabulaire traditionnel ; c’est ce qui est advenu dans la pratique de la vie, et encore que les lois (singulières tracasseries !)

601. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VI »

Et puis, on l’a blâmé tant de fois, notre régime discrétionnaire, notre arbitraire administratif, nous avons entendu une si riche collection d’hommes de tous les partis venir tour à tour dénoncer le Code pénal de 1810, aggravé par la loi de 1834 et par la jurisprudence, que je ne vois pas qu’il y ait un mot à ajouter. […] Voilà, n’est-ce pas, un puissant exposé des motifs qu’il y aurait pour revenir sur l’article 291 et suivants du Code pénal, sur la loi de 1834.‌

602. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Les premières lettres nous le montrent à l’âge de vingt-six ans, partant pour son voyage d’Amérique où il allait, chargé par le Gouvernement français d’une mission, à l’effet d’étudier le système pénitentiaire, mais en réalité pour y observer la société, les lois, les mœurs, et rapporter les éléments du grand ouvrage qui a fondé sa réputation. […] Il est vrai qu’on est en pleine guerre civile, et le temps presse ; toute circonspection a disparu : le premier coup d’œil fait loi. […] Se désespérer qu’il en soit ainsi, c’est se désespérer d’être homme, car c’est là une des plus inflexibles lois de notre nature… Il faut donc prendre son parti de n’arriver que très-rarement à la vérité démontrée. […] Royer-Collard obéissait à sa propre loi, à la forme élevée et dominante de son jugement qui agrandissait tout ce qu’il ne déprimait pas. […] Villemain, qui a tout son talent en écrivant et tout son esprit en causant, a l’habitude de comparer ces tableaux de Tocqueville où il est tant question des mœurs et jamais des personnes, jamais des individus, où tout portrait est absent, à ces tableaux que les musulmans se permettent, dit-on, par un certain compromis avec la défense de leur loi : on y voit des choses représentées, des mousquets qui partent, des canons qui tirent, tout l’appareil d’un combat, et pas une figure.

603. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Le grand homme a rendu l’âme à peine, qu’elle arrive là, au chevet du mort, comme les gens de loi. […] Mais comme nous croyons aussi que, dans l’inventaire posthume, si les contemporains les plus immédiats et les mieux informés ne s’en mêlent promptement pour y mettre ordre, il s’introduit bien du faux qui s’enregistre et finit par s’accréditer, il nous semble qu’il y a lieu à l’avance, et sous les regards mêmes de l’objet, dans l’observation secrète et l’atmosphère intelligente de sa vie, d’exprimer la pensée générale qui l’anime, de saisir la loi de sa course et de la tracer dès l’origine, ne fût-ce que par une ligne non colorée, avec ses inflexions fidèles toutefois et les accidents précis de son développement. […] La mère de Béranger, qui fut surtout douce et jolie, paraît n’avoir eu dans l’organisation et les destinées de ce fils unique que la part la moins active, contre l’ordinaire de la loi si fréquemment vérifiée, qui veut que les fils de génie tiennent étroitement de leur mère : témoin Hugo et Lamartine. […] On a essayé dans les vers suivants, qui lui sont adressés, de faire saillir cette loi progressive de son génie, et de montrer en même temps combien toutes choses sur la scène du monde étaient disposées pour sa venue. […] L’Esprit caché dont elle suit les lois, Tout en marquant mille buts à la fois, Veut sur un point faire briller l’ouvrage.

604. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Un renoncement, facultatif, à l’époque, accompagne la sinécure : nommé en tant que quelqu’un, la seule loi, qu’on persiste, les moyens offerts excepté l’adversité. […] Il s’agit d’une retouche, faite afin d’en éclairer le sens, à la loi qui régit momentanément notre Domaine public. […] La loi s’arrête, plutôt, à moitié de son dessein, qui lui reste caché. […] Ainsi la loi ne supprime pas l’hérédité, par la raison qu’elle ne peut, l’héritage déviant aux mains d’un tiers, ou de plusieurs exempts de titres ; mais elle se propose de l’interrompre. […] Péage, élections, ce n’est ici-bas, où semble s’en résumer l’application, que se passent, augustement, les formalités édictant un culte populaire, comme représentatives — de la Loi, sise en toute transparence, nudité et merveille.

605. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Les gestes royaux, les tapages guerriers, les couronnements, mariages, baptêmes et deuils princiers, les supplices et fêtes, les beautés d’un seul écrasant tous, le triomphe d’être né roi, les prouesses de l’épée et de la hache, les grands empires, les gros impôts, les tours que joue le hasard au hasard, l’univers ayant pour loi les aventures de la première tête venue, pourvu qu’elle soit couronnée ; la destinée d’un siècle changée par le coup de lance d’un étourdi à travers le crâne d’un imbécile ; la majestueuse fistule à l’anus de Louis XIV ; les graves paroles de l’empereur Mathias moribond à son médecin essayant une dernière fois de lui tâter le pouls sous sa couverture et se trompant : erras, amice, hoc est membrum nostrum impériale sacrocœsareum’ ; la danse aux castagnettes du cardinal de Richelieu déguisé en berger devant la reine de France dans la petite maison de la rue de Gaillon ; Hildebrand complété par Cisneros ; les petits chiens de Henri III, les divers Potemkins de Catherine II, Orloff ici, Godoy là, etc., une grande tragédie avec une petite intrigue ; telle était l’histoire jusqu’à nos jours, n’allant que du trône à l’autel, prêtant une oreille à Dangeau et l’autre à dom Calmet, béate et non sévère, ne comprenant pas les vrais passages d’un âge à l’autre, incapable de distinguer les crises climatériques de la civilisation, et faisant monter le genre humain par des échelons de dates niaises, docte en puérilités, ignorante du droit, de la justice et de la vérité, et beaucoup plus modelée sur Le Ragois que sur Tacite. […] Quand je ne sais plus quel padischah, Tigre IV ou Tigre VI, fait étrangler l’un après l’autre ses dix-neuf petits frères courant effarés autour de la chambre, l’historien né turc déclare que « c’était là exécuter sagement la loi de l’empire ». […] Étalages de princes, de « monarques », et de capitaines ; du peuple, des lois, des mœurs, peu de chose ; des lettres, des arts, des sciences, de la philosophie, du mouvement de la pensée universelle, en un mot, de l’homme, rien. […] Rien ne peut se soustraire à la loi simplifiante. […] La même loi qui veut que le genre humain n’ait pas de propriétaires, veut qu’il ait des guides.

606. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Je ne connais pas de problème plus confondant pour le pédantisme et le philosophisme, que de savoir en vertu de quelle loi les artistes les plus opposés par leur méthode évoquent les mêmes idées et agitent en nous des sentiments analogues. […] Mais il ne faut jamais oublier que les nations, vastes êtres collectifs, sont soumises aux mêmes lois que les individus. […] Je n’ai ni le temps, ni la science suffisante peut-être, pour rechercher quelles sont les lois qui déplacent la vitalité artistique, et pourquoi Dieu dépouille les nations quelquefois pour un temps, quelquefois pour toujours ; je me contente de constater un fait très-fréquent dans l’histoire. […] — Il est curieux de remarquer que Justinien composant ses lois et le Christ au jardin des Oliviers sont de la même année), l’Évêque de Liège, cette admirable traduction de Walter Scott, pleine de foule, d’agitation et de lumière, les Massacres de Scio, le Prisonnier de Chillon, le Tasse en prison, la Noce juive, les Convulsionnaires de Tanger, etc., etc. […] Du dessin de Delacroix, si absurdement, si niaisement critiqué, que faut-il dire, si ce n’est qu’il est des vérités élémentaires complètement méconnues ; qu’un bon dessin n’est pas une ligne dure, cruelle, despotique, immobile, enfermant une figure comme une camisole de force ; que le dessin doit être comme la nature, vivant et agité ; que la simplification dans le dessin est une monstruosité, comme la tragédie dans le monde dramatique ; que la nature nous présente une série infinie de lignes courbes, fuyantes, brisées, suivant une loi de génération impeccable, où le parallélisme est toujours indécis et sinueux, où les concavités et les convexités se correspondent et se poursuivent ; que M. 

607. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Toute loi humaine se résout dans l’amour ; c’est au rythme de l’amour que bat le cœur de l’homme, le cœur immense de tous les hommes, que s’épand la vie totale de nous tous. […] Shelley, en déployant la richesse et l’universalité de l’amour, nous a dévoilé en lui cette force d’identification de l’univers et de l’homme qui est, pour ainsi dire, l’unique loi vivante de ce monde.‌ […] La farine dans le quartaut ; le lait dans la terrine ; la chanson dans la rue ; les nouvelles du bateau ; l’éclair de l’œil ; la forme et la démarche du corps — montrez-moi l’ultime raison de ces choses, montrez-moi la présence sublime de la cause spirituelle se cachant, comme elle se cache toujours, dans ces alentours et ces extrémités de la nature ; que je voie chaque bagatelle se hérisser de la polarité qui la range instantanément sous une loi éternelle ; l’échoppe, la charrue et le registre rapportés à cette même cause par laquelle la lumière ondule et les poètes chantent : — et le monde ne reste pas plus longtemps un mélange grossier et une chambre de débarras, mais possède la forme et l’ordre ; il n’y a pas de bagatelle ; il n’y a pas d’énigme, mais un seul dessin unit et anime le sommet le plus lointain et le fossé le plus profond41 ». […] Je l’emprunte au poète et sociologue anglais Edward Carpenter : «… Quant au gouvernement et à la loi établis par les hommes, ils disparaîtront ; car ce ne sont que les parodies, les substituts provisoires du gouvernement et de l’ordre intérieur. […] Idéal et symbolique par son essence même, cherchant et formulant les rapports, la loi d’harmonie et d’unité qui régissent les êtres et les choses, l’Art sera la haute vie morale en son effort pour manifester les dieux que nous sommes nous-mêmes… »‌ Retrouver le « divin » en nous comme dans les choses, le sentir au fond de nos êtres comme au fond de chaque vie terrestre, voilà bien la nouvelle conception religieuse.

608. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

. — Les choses ont des lois, et ces lois sont rigides ; elles opèrent contre l’homme ou pour l’homme, à son choix ; mais il n’est pas maître de les changer. […] En ceci les créatures imaginaires sont soumises à la même loi que les créatures réelles. […] Il faut qu’elle soit proportionnée, adaptée à cet homme ; sinon elle sera une tromperie, une loi malhonnête, et il n’y a rien de pis que la malhonnêteté de la loi. […] Or la loi électorale, comme toute loi, doit avoir égard à la majorité, aux quatorze premiers. […] Ribot, l’hérédité ainsi conçue est la loi stricte ; s’il y a des exceptions, elles sont l’œuvre de l’accident.

609. (1899) Arabesques pp. 1-223

Zarathustra les gourmande ces malvenus : « Es-tu une force nouvelle et une nouvelle loi ? […] Reconnaître au nombre le droit de régler, par mandataires, les rapports de chacun avec la collectivité, soumettre les individus les plus divers à une loi commune, sous prétexte que cette loi sauvegarde, en théorie, les intérêts de la majorité, c’est aller à l’encontre de la nature. […] L’égalité devant la loi, l’égalité du vote ne constituent donc que des formes hypocrites de la tyrannie. […] Les parlementaires viennent de voter une loi sur les accidents du travail. D’après cette loi, le patron devra faire une pension à l’ouvrier qui aura contracté une infirmité à son service.

610. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

» Il faut donc se rappeler que l’esthétique de Wagner tend à poser les lois du drame musical qu’elle conçoit comme l’œuvre d’art suprême, et nullement à édicter des règles générales sur la musique et la poésie. […] Par son originalité même, ce genre est justiciable des lois de développement. Et c’est la philosophie spencérienne dont la gloire est précisément d’avoir fixé les lois de toute évolution, de celle d’une nébuleuse à celle d’une semence, qui permettra de déterminer si le drame musical est en effet le terme dernier actuel de l’art. […] L’histoire des institutions sociales présente un des plus clairs exemples de cette loi. […] Soumises ainsi aux lois de tout développement, les œuvres de Wagner confirment encore l’un des modes universels de toute manifestation de force : le rhythme, et peuvent ainsi être curieusement assimilées à l’œuvre même du philosophe anglais.

611. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

L’art dramatique ne fait pas exception à cette loi. […] Si l’homme s’abandonnait au mouvement de sa nature sensible, s’il n’y avait ni loi sociale ni loi morale, ces explosions de sentiments violents seraient l’ordinaire de la vie. […] Tantôt il obliquera, comme fait souvent le drame contemporain ; il nous révélera, avec une habileté quelquefois sophistique, les contradictions de la société avec elle-même ; il exagérera ce qu’il peut y avoir d’artificiel dans la loi sociale ; et ainsi, par un moyen détourné, en dissolvant cette fois l’enveloppe, il nous fera encore toucher le fond. […] Et, comme toutes les moyennes, celle-ci s’obtient par des rapprochements de données éparses, par une comparaison entre des cas analogues dont on exprime la quintessence, enfin par un travail d’abstraction et de généralisation semblable à celui que le physicien opère sur les faits pour en dégager des lois. […] Ici encore va se vérifier la loi que nous connaissons bien : une forme du risible étant donnée, d’autres formes, qui ne contiennent pas le même fond comique, deviennent risibles par leur ressemblance extérieure avec la première.

612. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Nous assistons à un mouvement naturel, nécessaire et fatal, destiné peut-être à bouleverser dans sa morphologie la surface terrestre, mais imposé par des lois cosmiques. […] En même temps qu’il réprouvait, en éthique, les dogmes religieux et les tables législatrices, l’idée d’une loi littéraire, où, sans distinction, tous les poètes devaient s’asservir, l’épouvantait. […] Il laisse ses personnages agir selon ces lois. […] qui dira les lois de l’hydraulique, l’attraction et la répulsion, par quoi se nécessitent tel chant, et cette églogue, et cette puissante statue ? »… Un hymne comme un astre a ses lois.

613. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 3. Causes générales de diversité littéraire. »

Il se fait au xviie  siècle comme une conciliation ou plutôt un juste équilibre de la science et de la loi d’un côté, de l’autre de la science et de l’art : révélation et rationalisme, vérité et beauté, l’un ou l’autre de ces deux couples est la formule de presque tous les chefs-d’œuvre. […] Enfin au xixe  siècle, après la reprise du sentiment religieux et du sens artistique qui produit l’explosion romantique, voici que jusqu’à une date très rapprochée de nous, l’esprit critique et expérimental devient le principal ressort de l’âme française, et se traduit littérairement par l’abondante floraison du roman et du théâtre réalistes, par l’étonnant développement de l’histoire et de la critique, par un effort enfin universel et sensible pour soumettre l’inspiration de l’écrivain aux lois de la méthode scientifique.

614. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Solidarité »

Et, par exemple, il est bien vrai que l’égalité des citoyens est inscrite dans nos lois, qu’il n’y a plus de castes et que, en théorie, tout est devenu accessible à tous. […] de première classe), vous aurez maintes occasions d’être secourables aux pauvres gens, de faire payer pour eux les riches, de réparer ainsi, dans une petite mesure, l’inégalité des conditions et d’appliquer pour votre compte l’impôt progressif sur le revenu  Notaires (car il y en a ici qui seront notaires), vous pourrez être, un peu, les directeurs de conscience de vos clients et insinuer quelque souci du juste dans les contrats dont vous aurez le dépôt  Avocats ou avoués, vous pourrez souvent par des interprétations d’une généreuse habileté, substituer les commandements de l’équité naturelle, ou même de la pitié, aux prescriptions littérales de la loi, qui est impersonnelle, et qui ne prévoit pas les exceptions  Professeurs, vous formerez les cœurs autant que les esprits ; vous… enfin vous ferez comme vous avez vu faire dans cette maison  Artistes ou écrivains, vous vous rappellerez le mot de La Bruyère, que « l’homme de lettres est trivial (vous savez dans quel sens il l’entend) comme la borne au coin des places » ; vous ne fermerez pas sur vous la porte de votre « tour d’ivoire », et vous songerez aussi que tout ce que vous exprimez, soit par des moyens plastiques, soit par le discours, a son retentissement, bon ou mauvais, chez d’autres hommes et que vous en êtes responsables  Hommes de négoce ou de finance, vous serez exactement probes ; vous ne penserez pas qu’il y ait deux morales, ni qu’il vous soit permis de subordonner votre probité à des hasards, de jouer avec ce que vous n’avez pas, d’être honnête à pile ou face  Industriels, vous pardonnerez beaucoup à l’aveuglement, aux illusions brutales des souffrants ; vous ne fuirez pas leur contact, vous les contraindrez de croire à votre bonne volonté, tant vos actes la feront éclater à leurs yeux ; vous vous résignerez à mettre trente ou quarante ans à faire fortune et à ne pas la faire si grosse : car c’est là qu’il en faudra venir  Hommes politiques, j’allais dire que vous ferez à peu près le contraire de presque tous vos prédécesseurs, mais ce serait une épigramme trop aisée.

615. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre Premier »

Cependant les mots du second et du troisième type peuvent avoir acquis, par le hasard des formations ou des déformations, une certaine beauté analogique  ; ils peuvent être tels qu’ils aient l’air d’être les frères véritables des véritables mots français ; cette pureté extérieure, qui ne fait point illusion au phonétiste, doit désarmer le littérateur ; il nous est parfaitement indifférent, en vérité, que hélice, agonie, gamme soient des mots grecs ; rien ne les différencie des plus purs mots français ; ils se sont naturellement pliés aux lois de la race et leur fraternité est parfaite avec lice, dénie, flamme, véridiques témoins. […] On en était arrivé à croire, avant la création de la linguistique rationnelle, que ces mots latins étaient les seuls légitimes et que les autres représentaient le résidu d’une corruption extravagante ; mais la corruption elle-même a des lois et c’est pour ne pas les avoir observées qu’on a si fort gâté la langue française.

616. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1826 »

Ici, au contraire, tout obéit à une loi invariable ; un Dieu semble vivre en tout. […] Le créateur, qui voit de haut, ordonne ; l’imitateur, qui regarde de près, régularise ; le premier procède selon la loi de sa nature, le dernier suivant les règles de son école.

617. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

— « Et maintenant, dit-il, ces deux âmes pieuses (Michel Le Tellier et Lamoignon), touchées sur la terre du désir de faire régner les lois, contemplent ensemble à découvert les lois éternelles d’où les nôtres sont dérivées ; et si quelques légères traces de nos faibles distinctions paraît encore dans une si simple et si claire vision, elles adorent Dieu en qualité de justice et de règle. » Au milieu de cette théologie, combien d’autres genres de beautés, ou sublimes, ou gracieuses, ou tristes, ou charmantes !

618. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre VI. Harmonies morales. — Dévotions populaires. »

Il faudrait nous plaindre si, voulant tout soumettre aux règles de la raison, nous condamnions avec rigueur ces croyances qui aident au peuple à supporter les chagrins de la vie, et qui lui enseignent une morale que les meilleures lois ne lui apprendront jamais. […] Il s’agit seulement de savoir si leur but est moral, si elles tendent mieux que les lois elles-mêmes à conduire la foule à la vertu.

619. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 17, quand ont fini les représentations somptueuses des anciens. De l’excellence de leurs chants » pp. 296-308

C’est qu’ils y ont renouvellé la loi du code théodosien, laquelle défendoit toute sorte de profanation sur la scéne. […] L’article vingt-quatriéme de cet édit, porte : défendons à tous joüeurs de farces, bâteleurs et autres semblables… etc. ce qui prouve que cette loi ne fut point exactement observée, c’est qu’elle fut renouvellée dans l’édit que publia le roi Henri III sur les remontrances des états géneraux assemblez à Blois en mil cinq cens soixante et seize.

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