Argument On ne peut déterminer quelles lois observe la civilisation dans son développement, sans remonter à son origine. […] Lois Publilia et Petilia.
De la garde des lois. […] C’est une loi naturelle que les nations terminent leur carrière politique par la monarchie.
Il débuta par les Lettres persanes, il avança par ce livre-ci, et il a couronné l’œuvre par L’Esprit des lois. […] Si j’étais en ce moment plus soigneux de la renommée de d’Argenson que de la vérité, j’omettrais de dire que, tout en appelant L’Esprit des lois un « grand livre », il mettait bien au-dessus, pour la solidité du raisonnement, plus d’un ouvrage oublié de ce temps-là, par exemple un livre qu’on croyait alors traduit de l’anglais et qui était du maître des comptes Dangeul, intitulé Remarques sur les avantages et les désavantages de la France et de la Grande-Bretagne par rapport au commerce ; et même un livre bien autrement radical et qui nous ferait peur aujourd’hui, intitulé Code de la nature ou le véritable esprit des lois, qu’il croyait de Toussaint et qui est de Morelly : « Excellent livre, s’écriait d’Argenson (juin 1756), le livre des livres, autant au-dessus de L’Esprit des lois du président de Montesquieu, que La Bruyère est au-dessus de l’abbé Trublet, mais contre lequel il n’y aura jamais assez de soufre pour le brûler, etc. » Morelly, dans cet ouvrage, dénonce la propriété comme le principe de tous les maux et de tous les vices existants. […] Il y a sans doute une part à faire à la boutade dans ces notes écrites pour soi seul dans le feu d’une lecture, mais le trait fondamental est manifeste : « Je ne sais pas bien nos lois, dit-il quelque part, mais je sais mieux qu’un autre comment elles devraient être. » Il méditait lui-même un grand ouvrage dont on a les matériaux, et dont le titre devait être : Les Lois de la société en leur ordre naturel.
Les lois existaient : il n’y a eu de renversé que le pouvoir qui, ayant fait de bonnes lois, restait placé au-dessus d’elles. […] Les ordonnances du 26 juillet éclatent, et Carrel, ce jour-là, écrit les quarante lignes de protestation par lesquelles il déclare qu’il n’y a plus qu’une voie de salut offerte à la France, c’est de refuser l’impôt : « C’est aux contribuables maintenant à sauver la cause des lois. […] Il y a de plus, dans certaines positions d’avant-garde, comme un surcroît d’honneur et de valeur qui sied à quelques hommes par leurs antécédents, et qui ne saurait faire loi pour tous. […] Il est un point très décisif qu’il reconnut ensuite, mais dont il laissa passer alors le moment, et qui devait trancher le caractère de l’institution de Juillet, c’était de savoir si, au lendemain des journées, et après l’acceptation du pouvoir par le duc d’Orléans, on ferait, sous le coup même de l’impression de ces journées, et avec une loi électorale plus ou moins élargie, des élections nouvelles, si on donnerait à une situation, toute nouvelle en effet, une Chambre de même origine, ou bien si l’on continuerait de gouverner avec la Chambre antérieure et déjà un peu dépassée des 221. […] … Pourquoi avons-nous eu jamais la folle pensée qu’on pût renverser, par des complots d’élèves en droit et de sous-lieutenants, un gouvernement appuyé sur les lois et sur la force d’inertie de trente millions d’hommes ?
Qu’est-ce à son tour que la métaphysique, qui paraît d’abord un exercice solitaire de la pensée, la réalisation de l’idéal érigé en Dieu par Aristote, — la pensée suspendant tout à ses propres lois et se repliant sur soi dans la pensée de la pensée ? […] Aussi, pour Guyau, la métaphysique même est une expansion de la vie, et de la vie sociale : c’est la sociabilité s’étendant au cosmos, remontant aux lois suprêmes du monde, descendant à ses derniers éléments, allant des causes aux fins et des fins aux causes, du présent au passé, du passé à l’avenir, du temps et de l’espace à ce qui engendre le temps même et l’espace ; en un mot, c’est l’effort suprême de la vie individuelle pour saisir le secret de la vie universelle et pour s’identifier avec le tout par l’idée même du tout. […] C’est un phénomène analogue aux lois astronomiques qui créent au sein d’un grand système un système particulier, un centre nouveau de gravitation. […] L’art moderne doit être fondé sur la notion de l’imparfait, comme la métaphysique moderne sur celle du relatif. » Le progrès de l’art se mesure en partie, selon Guyau. à l’intérêt sympathique qu’il porte aux côtés misérables de la vie, à tous les êtres infimes, aux petitesses et aux difformités : « C’est une extension de la sociabilité esthétique. » Sous ce rapport, l’art suit nécessairement le développement de la science « pour laquelle il n’y a rien de petit, de négligeable, et qui étend sur toute la nature l’immense nivellement de ses lois ». […] Par cela même, c’est une exposition simplifiée et frappante des lois sociologiques. » Guyau consacre une étude spéciale au roman naturaliste, qui a précisément aujourd’hui, plus que] tous les autres, la prétention d’être un roman social.
On dénonce sans cesse les libres penseurs comme portant atteinte à toutes les lois divines et humaines, comme menaçant les bases mêmes de la société, comme effaçant la distinction du bien et du mal au profit de l’anarchie et du triomphe des passions. […] L’un voit un côté des choses, l’autre en voit un autre ; l’un découvre un fait, l’autre une loi, un autre un sentiment : c’est pourquoi il est bon que tout le monde puisse dire son avis ; c’est de tous ces avis particuliers contrôlés les uns par les autres, c’est de tous ces laborieux efforts des raisons individuelles, que se forme la raison commune. […] Affirmer un fait sur un témoignage quelconque, sans critique et sans examen, est contraire à toutes les lois de la logique. […] Est-ce en vertu de la liberté d’examen qu’il y a eu dans le monde tant de religions différentes, tant de lois contradictoires, tant de préjugés barbares et fanatiques, qui séparaient les hommes en troupes féroces et ennemies ? […] A n’en pas douter, il y a là tous les caractères d’un fait inévitable que les impies peuvent considérer comme le résultat des lois implacables du destin, mais où l’on peut tout aussi bien voir le signe d’une volonté providentielle.
Je n’affirme pas qu’ils auraient été plus grands, s’ils avaient obéi à la loi normale du sexe, mais assurément, ils n’en eussent pas été diminués. […] Le génie n’est pas celui qui se soustrait aux lois communes de la nature et de la vie, c’est au contraire celui qui y obéit le plus. […] Il n’est même pas exagéré de prétendre que l’acte sexuel, qui crée suivant les lois de la chair, apporte également au cerveau la fécondation nécessaire pour en faire éclore les germes. […] Car, dans ce cas, la loi générale du sexe retombe de toute sa puissance sur l’individu qui y contrevient, et ce qui était accidentellement vertu se change en vice. […] Je reconnais pleinement qu’il y a de nombreuses exceptions à la commune loi sexuelle et que si nui ne peut y échapper, beaucoup peuvent y obéir à leur façon.
Après la mort de Socrate, dont il avait été le disciple, il osa paraître en deuil dans Athènes, aux yeux de ce même peuple assassin de son maître ; et des hommes qui parlaient de vertus et des lois en les outrageant, ne manquèrent pas de le nommer séditieux, lorsqu’il n’était que sensible. […] Isocrate prit enfin le parti de répondre ; ce discours d’un vieillard, qui, pour réfuter l’envie, fait la revue de ses pensées depuis quatre-vingts ans, et avant de descendre au tombeau, rend compte à la patrie et aux lois, de l’usage qu’il a fait de son éloquence, n’était pas moins susceptible de pathétique que de force ; mais l’ouvrage, avec des beautés, est bien loin d’avoir ce caractère ; le sujet est grand, l’exécution est faible. […] Les arts et les plaisirs d’Athènes, un peuple facile, un caractère brillant, les grâces jointes à la valeur, la volupté mêlée quelquefois à l’héroïsme, de grands hommes populaires, des lois qui dirigeaient plus la nature qu’elles ne la forçaient, enfin des vertus douces et des vices même tempérés par l’agrément, devaient plaire bien davantage à un genre d’esprit qui ordonnait tout, et préférait la grâce à la force.
La même passion sanglante, la liberté revendiquée au prix du meurtre, n’aurait pas ailleurs trouvé la même illusion de tangage : « Sous des rameaux de myrte je porterai le glaive97, comme Harmodius et Aristogiton, lorsqu’ils tuèrent le tyran et qu’ils firent Athènes libre sous les lois. […] « Votre gloire durera toujours dans les siècles, cher Harmodius et Aristogiton, parce que vous avez tué le tyran et fait Athènes libre sous les lois. » La poésie grecque, et surtout celle qui parlait de myrte, n’avait pas toujours cette humeur farouche et ces souvenirs implacables. […] va dire à Lacédémone que nous sommes morts ici, en obéissant à ses lois. » Ailleurs c’est encore la même pensée, avec des formes plus poétiques, cette première résistance sur le seuil de la Grèce étant comme l’exemple toujours présent à la nation102 : « Ces hommes, en donnant à leur patrie une gloire ineffaçable, se sont plongés eux-mêmes dans la nuit du trépas ; mais dans la mort ils ne mouraient pas, puisque du séjour d’Adès leur vertu triomphante les ramène au grand jour. » Ou bien encore : « La terre glorieuse a couvert, ô Léonidas !
D’autres littératures pourraient encore servir de démonstration ou de contre-épreuve ; si la loi que j’ai formulée répond à une réalité sociale et psychologique, à une nécessité logique, elle doit se retrouver partout, mais souvent contrariée par d’autres forces. […] Je ne suis arrivé que peu à peu à cette explication dernière ; elle m’a souvent rassuré aux heures de doute ; si l’on me reprochait de mêler la philosophie à la littérature, je répondrais que c’est précisément mon ambition suprême ; de plus en plus, la vérité me semble être là : rattacher un phénomène en apparence isolé (dans notre cas : la vie littéraire) aux lois de la vie totale. […] L’essentiel, c’est d’avoir une méthode pour constater ce rythme ; c’est de savoir que nous ne tournons pas, en esclaves stupides, dans le cercle fermé des instincts bestiaux, mais que nous marchons au contraire de la servitude à la liberté, selon une loi qui est dans notre nature, mieux encore, dans notre volonté. […] Dès que nos intérêts économiques, politiques ou autres sont enjeu, il nous est difficile de céder à un raisonnement qui porte précisément sur ce cas particulier de nos intérêts ; la vision d’une loi très générale, aussi vieille que l’humanité et inhérente à la nature humaine, serait d’une éloquence bien plus persuasive pour les bons esprits, et donnerait à la masse elle-même cette foi en ses destinées qui lui manque depuis longtemps, et qui seule est créatrice des grandes œuvres. […] Quelles que soient les lois générales qui dominent avec plus ou moins de force les évolutions individuelles, il y a d’homme à homme des différences dont on aimerait savoir les causes profondes.
La douleur est notre loi sur la terre, subissons-la d’un cœur viril. C’est notre loi ici-bas, loi dure, je le veux ; mais c’est aussi notre droit plus tard. […] Tous les mots ont été déclarés égaux devant la loi. […] Chaque loi nouvelle devient ainsi un élément plus précis et plus délicat de l’ordre. […] Avec cette loi, pas de transaction possible, on le sait.
C’est là le miracle d’un gouvernement libre ; c’est que le nom de la loi est tout-puissant dans ce pays ; et quand elle a parlé, nul ne résiste. […] Il aime sa patrie et sert puissamment au maintien des lois. […] Malheureusement nous n’avons pas, comme les Spartiates, juré d’observer les saintes lois de notre nouveau législateur. […] Elle les exprime par des volontés qui s’appellent lois. […] Les attributions du pouvoir, l’état de paix et de guerre, le code des lois sont examinés par l’auteur.
Mais ici je crois que l’auteur a violé les lois du monde et les plus vulgaires bienséances. […] Or, à mon avis, le développement d’une pensée est la première loi, la loi souveraine de la poésie. […] Hugo a eu tort de violer cette loi, selon moi fondamentale. […] Pourra-t-il impunément méconnaître et violer les lois qu’il a promulguées ? […] À brasser des lois de finances, tandis qu’elles devraient se dévouer à l’ambition universelle de M.
Ce n’était ni l’Église, ni la monarchie, ni la société, ni la réputation, ni les lois qui lui dictaient son sacrifice et son courage, c’était sa conscience. […] La protestation du droit individuel contre la loi, et de la morale du coeur contre la morale du code ou des convenances mondaines, mais c’est l’âme même de la plupart des drames de M. […] Seulement, tandis que les révoltés d’Ibsen se soulèvent contre la loi et la société en général, les insurrections de M. […] Quoi de plus triste dans leur sérénité que les maximes d’un Marc-Aurèle affirmant sa soumission aux lois inéluctables de la nature ? […] Le retour à l’ignorance, à la simplicité d’esprit et à la vie agricole ; pas de lois, pas de juges, pas d’armée, la non-résistance aux méchants devant procurer, paraît-il, la disparition des méchants ; en somme, le renoncement entier, voilà sa morale.
La loi, toute sévère qu’elle est, est l’expression de l’homme tout entier. […] Le premier chrétien n’avait besoin de renoncer à rien ; car sa vie était complète, sa loi était adéquate à ses besoins. […] Je pense, comme les catholiques, que nos sociétés, fondées sur un pacte supposé, notre loi athée sont des anomalies provisoires et que, jusqu’à ce qu’on en vienne à dire : Notre sainte constitution, la stabilité ne sera pas conquise. […] Pierre, Paul, Augustin nous font la loi à peu près comme si nous nous assujettissions encore à la loi Salique ou à la loi Gombette. […] un jour viendra où ils devront subir la loi commune et traverser la vilaine période de l’impiété.
Dans l’état social nos organes peuvent se suppléer mutuellement, à cause de notre éducation sociale elle-même ; mais je parle d’une loi primitive de notre être. […] Ainsi les règles de la conscience et les lois générales de la société existent en même temps. En remontant à l’origine de la société, on ne pourrait trouver de pacte conventionnel, parce que jamais des hommes ne se sont réunis simultanément et volontairement pour se donner des lois à priori. […] On me répondrait sans doute que c’est parce que les lois du langage sont fondées sur la forme primitive de l’intelligence, ce qui, au fond, serait mettre un mystère à la place d’un autre mystère. […] Lorsque Leibniz voulut composer une langue, il ne trouva point d’autres lois que celles qui existent actuellement ; il se borna et il dut se borner à se servir de celles qu’il trouva.
Qu’une goutte de vin tombe dans un verre d’eau ; quelle que soit la loi du mouvement interne du liquide, nous le verrons bientôt se colorer d’une teinte rosée uniforme et à partir de ce moment on aura beau agiter le vase, le vin et l’eau ne paraîtront plus pouvoir se séparer. […] Les corps trop gros, ceux qui ont, par exemple, un dixième de millimètre, sont heurtés de tous les côtés par les atomes en mouvement, mais ils ne bougent pas parce que ces chocs sont très nombreux et que la loi du hasard veut qu’ils se compensent ; mais les particules plus petites reçoivent trop peu de chocs pour que cette compensation se fasse à coup sûr et sont incessamment ballottées. […] Ainsi les masses mécaniques doivent varier d’après les mêmes lois que les masses électro-dynamiques ; elles ne peuvent donc pas être constantes Ai-je besoin de faire observer que la chute du principe de Lavoisier entraîne celle du principe de Newton. […] S’il n’y a plus de masse, que devient la loi de Newton ?
Une loi sur les théâtres s’élabore en ce moment. […] Que si l’on analyse ce qu’était l’opinion au xviiie siècle, on verra pourtant qu’elle se composait du jugement de plusieurs cercles réguliers, établis, donnant le ton et faisant la loi. […] Voilà le genre de surveillance que j’entends et qu’il me paraît impossible de ne pas admettre dans une loi qui veut durer. […] Il existe une presse, et c’est la seule estimée, qui se commande à elle-même cette retenue dont la loi, à la rigueur, l’affranchit.
Ces règles sont-elles liées aux lois physiologiques de l’ouïe, de l’instinct et aussi de notre race ? […] Facteur émotif, loi des unissons, des correspondances et des formes, principe et fin de toute harmonie, il saura l’identifier à la vie psychique, c’est-à-dire à la croyance et aux aspirations des hommes ! […] Léon Vannoz, il faut que nous fassions un grand effort pour comprendre les lois vraies de la création poétique, et pour nous comprendre nous-mêmes... […] Il est le mouvement même de l’inspiration, matérialisé en quelque sorte par le vers, et il a son origine dans les lois profondes de l’organisme et de l’univers.
La loi du plus fort, soit. […] N’est-ce pas leur montrer le tout comme un effet des mêmes lois, et un produit de la nécessité ? […] On peut aller jusqu’à dire qu’il fait très-bien, car il obéit à un instinct déterminé par des lois supérieures : mais l’homme, à qui ces mêmes lois ont donné la raison, paraît la combattre au moment où elle est préjudiciable à ses semblables.
Mais au point de vue du nombre, la faute, qu’on lui faisait commettre était encore plus grave ; car ces vers forment une strophe de six vers couplés, menés deux à deux, avec, ce qui est très conforme aux lois générales du rythme, un repos assez fort après le premier distique, un repos un peu moins fort, mais un repos encore, après le second distique : Depuis le jour où le voyant vainqueur, D’être amoureuse, amour, tu m’as forcée, || Fût-ce un instant, je n’ai pas eu le cœur De lui montrer ma craintive pensée, | Dont je me sens à tel point oppressée, Mourant ainsi, que la mort me fait peur. […] Ce qui suit n’est qu’une phrase nombreuse ; du reste, elle l’est à souhait, et sans affectation ni raffinement, par où elle est un vrai modèle : « Vous verrez dans une seule vie toutes les extrémités des choses humaines, | la félicité sans bornes aussi bien que les misères, | une longue et paisible jouissance d’une des plus nobles couronnes de l’Univers, | tout ce que peuvent donner de plus glorieux la naissance et la grandeur accumulée sur une seule tête, | qui ensuite est exposée à tous les outrages de la fortune ; | la bonne cause d’abord suivie de bon succès | et, depuis, des retours soudains, des changements inouïs, | la rébellion longtemps retenue, à la fin tout à fait maîtresse, | nul frein à la licence ; les lois abolies ; la majesté violée par des attentats jusqu’alors inconnus, | l’usurpation et la tyrannie sous le nom de liberté, | une reine fugitive qui ne trouve aucune retraite dans trois royaumes | et à qui sa propre patrie n’est plus qu’un triste lieu d’exil, | neuf voyages sur mer entrepris par une princesse malgré les tempêtes, | l’océan étonné de se voir traversé tant de fois en des appareils si divers et pour des causes si différentes, | un trône indignement renversé et miraculeusement rétabli. » Cette période est composée de membres de phrase d’une longueur inégale, mais non pas très inégale, de membres de phrase qui vont d’une longueur de vingt syllabes environ à une longueur de trente syllabes environ et c’est-à-dire qui sont réglées par le rythme de l’haleine sans s’astreindre à en remplir toujours toute la tenue, et qui ainsi se soutiennent bien les uns les autres et satisfont le besoin qu’a l’oreille de continuité à la fois et de variété, de rythme et de rythme qui ne soit pas monotone. De même (je préviens tout de suite qu’ici les membres de phrases sont plus courts) : « Celui qui règne dans les Cieux et de qui relèvent tous les empires, | à qui seul appartient la gloire, la majesté et l’indépendance, | est aussi le seul qui se glorifie de faire la loi aux rois | et de leur donner quand il lui plaît de grandes et terribles leçons. | Soit qu’il élève les trônes, soit qu’il les abaisse, | soit qu’il communique sa puissance aux princes, soit qu’il la retire à lui-même et ne leur laisse que leur propre faiblesse, | il leur apprend leurs devoirs d’une manière souveraine et digne de lui. | Car en leur donnant sa puissance, il leur commande d’en user comme il fait lui-même pour le bien du monde, | et il leur fait voir en la retirant que toute leur majesté est empruntée | et que pour être assis sur le trône | ils n’en sont pas moins sous sa main et sous son autorité suprême », Nous avons ici des membres de phrase presque toujours de dix-sept, dix-huit, dix-neuf ou vingt syllabes, donc presque égaux, plus égaux que dans le précédent exemple, et, puisque en même temps ils sont plus courts, obéissant à un rythme plus marqué ; la phrase est essentiellement nombreuse. […] D’abord, pour peindre un règne heureux, des membres de phrases assez longs, se faisant bien équilibre les uns aux autres jusqu’à : « et depuis… ». — Ensuite, pour peindre l’anarchie, un rythme relativement brisé et heurté : Des retours soudains, des changements inouïs, | la rébellion retenue et à la fin tout à fait maîtresse, | nul frein à la licence, | les lois abolies. » — Enfin, pour peindre la bonace revenue, la période tombant et se reposant sur un rythme très net, très précis, presque de versification (un vers de 9, un vers de 10) et majestueux : « Un trône indignement renversé et miraculeusement rétabli. » Mais ici l’harmonie expressive ne fait que se mêler un peu et de temps en temps au nombre.
Le caractère particulier de notre littérature était d’être classique, parce que le caractère particulier de notre langue était d’être soumise aux lois rigoureuses de l’analogie ; c’est là, sans autre commentaire, ce qui a rendu notre langue universelle, et ce qui a fait de notre littérature la littérature de l’Europe. […] Par opposition à la littérature classique, on a nommé littérature romantique celle où l’on professe une plus grande indépendance des règles, où l’on se permet de nouvelles alliances de mots, et surtout de nouvelles inventions de style ; où l’on secoue les lois de l’analogie, où l’imitation étend son domaine, où la pensée fait effort contre la parole fixée, la parole écrite ; où les sujets sont tirés des traditions modernes. […] Toutefois, nous ne pouvons nous passer d’une littérature classique et nationale : si celle de Louis XIV cesse de faire loi, nous en aurons une autre qui sera en harmonie avec nos institutions. […] Essayez, si vous le pouvez, de faire pénétrer, par le moyen de vos codes arides, les bienfaits de la civilisation parmi les hordes barbares qui n’ont point encore vécu sous le joug et sous la protection des lois !
Nous l’avons par le fait de cette loi physiologique et absolue, que tout ce qui est vieux a toujours bavardé. Pour l’heure, nous subissons cette loi. […] Et, en effet, Jésus-Christ, qui n’est pas venu pour, dans l’ordre religieux, changer la loi, mais pour l’accomplir, n’est pas venu davantage pour la changer dans l’ordre métaphysique du monde. […] Pour lui, de cela seul que l’idée est chrétienne, elle n’est plus soumise à la loi qui régit les autres idées dans toutes les sphères de notre activité.
Les Grecs de la Sicile, de la Calabre et de la Campanie, leur donnèrent leurs divinités, leurs fables, leur alphabet et les caractères de leurs lettres ; les Étrusques, leurs superstitions, leurs augures et leurs combats de gladiateurs ; Athènes, Sparte et la Crète, leurs lois des Douze Tables ; des artistes Toscans et Samnites, leurs temples grossiers et leurs dieux de bois ou de terre cuite ; les peuples et les rois qu’ils vainquirent tour à tour, la forme de leurs armes et la manière d’attaquer et de se défendre. […] C’est le concours des philosophes et des poètes qui perfectionne les langues ; c’est aux philosophes qu’elles doivent cette universalité de signes qui rend une langue le tableau de l’univers ; cette justesse qui marque avec précision tous les rapports et toutes les différences des objets ; cette finesse qui distingue tous les progrès d’actions, de passions et de mouvements ; cette analogie qui dans la création des signes les fait naître les uns des autres, et les enchaîne comme les idées analogues se tiennent dans la pensée, ou les êtres voisins dans la nature ; cet arrangement qui, de la combinaison des mots, fait sortir avec clarté l’ordre et la combinaison des idées ; enfin cette régularité qui, comme dans un plan de législation, embrasse tout et suit partout le même principe et la même loi. […] Il gouverna et sauva Rome, fut vertueux dans un siècle de crimes, défenseur des lois dans l’anarchie, républicain parmi des grands qui se disputaient le droit d’être oppresseurs ; il eut cette gloire, que tous les ennemis de l’État furent les siens ; il vécut dans les orages, les travaux, les succès et le malheur ; enfin, après avoir soixante ans défendu les particuliers et l’État, lutté contre les tyrans, cultivé au milieu des affaires la philosophie, l’éloquence et les lettres, il périt. […] La harangue pour la loi Manilia n’est presque d’un bout à l’autre qu’un panégyrique de Pompée ; c’était le malheur de Rome d’avoir alors des citoyens plus puissants que l’État.
Solon, comme s’il eût prévu de quel appui et de quelle gloire Salamine serait un jour pour Athènes, vient, non pas comme un poëte, mais comme un malade dont l’esprit est troublé, sur la place publique ; et, bravant une loi tyrannique, il commence par ces paroles célèbres : Je viens, messager de l’aimable Salamine, avec le chant pour parure à mes paroles, en guise de harangue. » Et, sans être interrompu, il récite en cent vers un appel aux Athéniens, qui se terminait par ce cri de guerre75 : « Allons à Salamine combattre pour la possession de cette île aimable, ayant, chassé loin de nous le poids insupportable de la honte. » Jamais poésie n’eut tant d’empire : la loi est abrogée, la guerre décrétée et le poëte élu général. […] Entouré d’amis qui lui conseillaient de prendre le pouvoir, il avait refusé en disant : « C’est un beau pays que la royauté ; mais ce pays n’a pas d’issue. » Et plus tard, amusant son repos avec ce charme de la poésie dont il avait appuyé ses lois, il répétait : « Si j’ai épargné ma patrie, et n’ai pas voulu m’en rendre maître, ni m’élever par la force, en déshonorant la gloire que j’avais obtenue d’ailleurs, je n’ai honte ni repentir de cette modération : au contraire, c’est le côté par où j’ai surpassé les autres hommes. » Le législateur d’Athènes, celui dont les lois, dans quelques maximes éparses, offrent encore de mémorables leçons, résista jusqu’à la fin à la lente usurpation de Pisistrate, dénonça ses menées populaires, protesta contre sa garde, et, enhardi par la vieillesse, vécut libre, même sous un maître qu’il avait pressenti et bravé.
— C’est ton père, c’est moi, C’est ma seule prison qui t’a ravi ta foi… Ma fille, tendre objet de mes dernières peines, Songe au moins, songe au sang qui coule dans tes veines : C’est le sang de vingt rois, tous chrétiens comme moi ; C’est le sang des héros, défenseurs de ma loi, C’est le sang des martyrs. — Ô fille encor trop chère ! […] Le polythéisme, ne s’opposant point aux passions, ne pouvait amener ces combats intérieurs de l’âme, si communs sous la loi évangélique, et d’où naissent les situations les plus touchantes.
La Chambre de 1815, élue sans qu’il y eût encore de loi d’élection organique et applicable, l’avait été en vertu d’une Ordonnance royale où l’on avait assez bien combiné quelques nouvelles précautions, jugées nécessaires, avec des débris et des cadres restants de législation précédente. […] Cet honnête homme à imagination ardente, et qui n’admettait guère qu’on pût sentir et penser autrement que lui-même, lui arracha une phrase par laquelle on supplia formellement le roi de s’en tenir à la clémence pour le passé et d’y mettre un terme, eu laissant cours à la justice et à la sévérité des lois pour l’avenir. Ces lois, on se réservait de les faire, aussi énormes, aussi draconiennes que possible. […] Un incident remarquable signala la discussion sur le projet de loi restrictif de la liberté individuelle, par où l’on commença. M. d’Argenson s’avisa de demander qu’on procédât, comme en Angleterre, lorsqu’on veut suspendre l’habeas corpus, et qu’on fît préalablement une enquête pour prouver que les lois en vigueur ne suffisaient pas ; autrement, on est réduit, disait-il, à se décider d’après des faits isolés, sur des rapports partiels et contradictoires qui ne permettent pas d’asseoir une opinion : « Et c’est ainsi, continuait-il, que tandis que les uns parlent de clameurs séditieuses, de provocations insensées à la révolte, les autres ont déchiré mon âme en annonçant que des protestants avaient été massacrés dans le Midi. » A ces mots une violente agitation s’empara de l’Assemblée ; les cris : A l’ordre !
Le respect de la nation pour la loi avait soutenu Jacques II trois années malgré lui-même, et l’Angleterre, poussée à bout, l’avait moins renversé qu’elle ne l’avait laissé tomber. […] C’est acheter la paix publique à bon marché que de laisser se déchirer, pour des rites religieux, des hommes qui autrement s’attaqueraient aux lois du pays. […] de sa monnaie, et n’avait encore préparé du cuivre que pour 23.000 liv. proposait de limiter l’émission de cette monnaie à 40,000 liv., et cette concession une fois faite, d’assurer l’exécution de la loi. […] Sa Majesté, selon la loi, a laissé le champ libre à Wood et au royaume d’Irlande. Wood peut offrir sa monnaie, et nous avons pour la refuser, la loi, la raison, la liberté et la nécessité.
Nous avons un remarquable exemple de cette loi dans certaines races de Poules qui ne demandent jamais à couver. […] Mais je dois avouer que, malgré toute ma confiance dans la haute valeur de la loi de la sélection naturelle, je n’aurais jamais supposé qu’elle pût avoir des effets si puissants, si les insectes neutres n’avaient été là pour m’en convaincre. […] Dans la construction des cellules de l’Abeille, il faut tenir compte de cet élément de succès, ainsi que des lois despotiques de la nécessité, qui la forcent, si elle se trompe dans les proportions de sa cellule, à recommencer son travail ou à le voir détruit en partie par d’autres Abeilles qui travaillent près d’elle. […] Quand donc partira-t-on de ce principe : qu’il n’y a pas deux raisons, deux logiques dans le monde, mais une seule dont les lois éternelles gouvernent tous les êtres, et dont les manifestations ne varient en eux que par leur intensité et nullement par leur nature ? […] Ne peut-on conclure de là que la stérilité des insectes neutres dans les sociétés d’hyménoptères n’est en réalité qu’un effet de la loi de balancement de croissance, c’est-à-dire une conséquence de la prédominance anormale du cerveau sur les organes homologues de la génération ?
Chaque race existe à l’aise ; point de propriété, point de loi, point de froissements, point de guerres. […] La poésie est religion, la religion est loi. […] Enfin, admis dans les arts, dans les mœurs, dans les lois, il entre jusque dans l’église. […] L’unité d’ensemble est la loi de perspective du théâtre. […] Il n’y a ni règles, ni modèles ; ou plutôt il n’y a d’autres règles que les lois générales de la nature qui planent sur l’art tout entier, et les lois spéciales qui, pour chaque composition, résultent des conditions d’existence propres à chaque sujet.
Dans notre étude sur la Littérature et la Critique littéraire au xixe siècle nous avons rencontré le problème si difficile, et d’un intérêt si général, de la conciliation de l’autorité et de la liberté, de la tradition et du changement, des lois du goût et des droits du génie ; et tout en restant fidèle à notre admiration pour les principes éternels de l’art classique, nous avons défendu la liberté de l’invention en littérature ; car ces lois éternelles elles-mêmes ne sont que l’expression des grandes inventions du génie.