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580. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Millet Francisque » p. 168

Je ne me rappelle plus ce que Monsieur Francisque a fait ; c’est, je crois, une fuite en égypte , ce sont les disciples allant à Emmaüs , c’est l’aventure de la samaritaine, cette femme dont le fils de Dieu lisait dans les décrets éternels de son père qu’elle avait fait sept fois son mari cocu, ô altitudo divitiarum et sapientiae dei ! […] La mère de Jean-Marie Fréron lira ses feuilles à toute éternité, quel supplice !

581. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Préface »

Mais il ne s’est pas contenté de moissonner : il a voulu tirer parti de sa récolte et il nous présente aujourd’hui une étude d’ensemble sur la littérature populaire du Soudan que tout le monde lira avec le plus vif intérêt et que les folkloristes en particulier salueront avec le plus vif plaisir. […] Je suis persuadé que son ouvrage rencontrera le succès auquel il a droit : les spécialistes, comme je l’indiquais à l’instant, y trouveront matière à compléter leurs connaissances et sans doute à découvrir des aperçus nouveaux ; la masse du public, elle aussi, voudra lire ce livre et ceux qui le suivront, car, aujourd’hui comme au temps de La Fontaine, nous aimons tous et toujours à nous faire conter l’histoire de Peau d’Ane ; notre plaisir se double même d’une piquante sensation de curiosité lorsque c’est un nègre qui nous la conte, pourvu que ce nègre ait trouvé un interprète aussi averti que l’est M. 

582. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Marivaux n’était point savant ; il avait peu lu en général, et particulièrement les auteurs du Moyen Âge : mais il a deviné. […] Il vous dira qu’en matière de critique, au lieu de se hâter et de se prononcer d’un ton d’oraclen : Cela ne vaut rien, cela est détestable, un habile homme, après avoir lu un livre, doit se contenter de dire : Il me plaît ou il ne me plaît pas ; car plus on a d’esprit, et plus on voit de choses, et plus on distingue autour de soi de sentiments et de goûts particuliers qui diffèrent du nôtre : « Ah ! […] Et comment, par exemple, n’appellerait-on point précieux un observateur qui vous dit, en voyant dans une foule les figures laides faire assaut de coquetterie avec les figures plus jolies (la page est curieuse et dispense d’en lire beaucoup d’autres ; mais, à côté du bon Marivaux, il faut bien qu’on sache où est le mauvais) : J’examinais donc tous ces porteurs de visages, hommes et femmes ; je tâchais de démêler ce que chacun pensait de son lot, comment il s’en trouvait : par exemple, s’il y en avait quelqu’un qui prît le sien en patience, faute de pouvoir faire mieux ; mais je n’en découvris pas un dont la contenance ne me dît : « Je m’y tiens. » J’en voyais cependant, surtout des femmes, qui n’auraient pas dû être contentes, et qui auraient pu se plaindre de leur partage, sans passer pour trop difficiles ; il me semblait même qu’à la rencontre de certains visages mieux traités, elles avaient peur d’être obligées d’estimer moins le leur ; l’âme souffrait : aussi l’occasion était-elle chaude. Jouir d’une mine qu’on a jugée la plus avantageuse, qu’on ne voudrait pas changer pour une autre, et voir devant ses yeux un maudit visage qui vient chercher noise à la bonne opinion que vous avez du vôtre, qui vous présente hardiment le combat, et qui vous jette dans la confusion de douter un moment de la victoire ; qui voudrait enfin accuser d’abus le plaisir qu’on a de croire sa physionomie sans reproche et sans pair : ces moments-là sont périlleux ; je lisais tout l’embarras du visage insulté : mais cet embarras ne faisait que passer. […] Il est vrai que dans le monde on m’a trouvé de l’esprit ; mais, ma chère, je crois que cet esprit-là n’est bon qu’à être dit, et qu’il ne vaudra rien à être lu. » Une partie de l’art de l’auteur dans ce roman consiste à imiter le style parlé, à en reproduire les négligences, les petits mots qui reviennent souvent, et, pour ainsi dire, les gestes.

583. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Voici un homme des plus singuliers dans la littérature et la philosophie du xviiie  siècle ; il a publié ses ouvrages sans nom d’auteur ou sous le seul titre de Philosophe inconnu, d’Amateur des choses sacrées ; ses livres ont été peu lus, mais sa personne et sa parole ont été fort goûtées de quelques-uns ; il a eu son influence vers la fin : pour nous aujourd’hui il a surtout une signification de contraste, d’opposition, de protestation dans le courant d’idées alors régnantes. […] Je le lisais dans mon enfance au collège avec délices, et il me semblait que même alors je l’entendais ; ce qui ne doit pas infiniment surprendre puisque c’est plutôt un ouvrage de sentiment que de profondeur de réflexion. […] Mais, en faisant une exception pour elle, il pensait aux femmes de Paris quand il écrivait cette pensée qu’on vient de lire ; il avait en vue celles dont il a dit encore : J’ai comparé quelquefois les dames tenant cercle et recevant les flagorneries des hommes à un Grand Turc, et ces hommes frivoles et oisifs aux sultanes de son sérail lui faisant la cour et encensant tous ses caprices… ; tant le pouvoir rongeur de la société a changé les rapports et la nature des choses ! […] Un jour, en 1780 ou 1781, la maréchale de Noailles arrivait au Luxembourg, où il dînait, pour conférer avec lui sur le livre Des erreurs et de la vérité qu’elle avait lu et qu’elle ne comprenait pas bien, non plus que nous ne le faisons nous-même : Elle arriva, dit Saint-Martin, le livre sous le bras et rempli de petits papiers pour marque. […] Je ne veux pas abuser avec Saint-Martin des pensées détachées, sachant qu’il a dit, de celles mêmes qu’il écrivait : « Les pensées détachées ne conviennent qu’aux esprits très faibles ou qu’aux esprits très forts ; mais, pour ceux qui sont entre ces extrêmes, il leur faut des ouvrages suivis qui les nourrissent, les échauffent et les éclairent tout à la fois. » Saint-Martin n’ayant écrit aucun ouvrage qu’un lecteur ordinaire puisse lire de suite, il faut bien en venir aux pensées et aux extraits avec lui pour en donner quelque idée au monde.

584. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Il est certain qu’elle eut une jeunesse fort émancipée et à demi virile, et qu’elle trancha de l’amazone ; mais ensuite, et quelles que fussent les chansonnettes et les propos légers, tels que ceux que nous venons de lire, il paraît bien qu’elle vécut à Lyon fort considérée, fort entourée de tout ce qu’il y avait de mieux dans la ville, et de tout ce qui y passait de voyageurs savants et distingués qui se faisaient présenter chez elle : car elle avait une maison, un salon ; on y faisait de la musique, on y lisait des vers, on y causait de sciences et de belles-lettres. […] On n’en peut lire quelques pages sans être vivement frappé, ce me semble, de la fermeté, de la netteté, de la maturité précoce et continue de cette jeune langue du xvie  siècle dans la prose, et de l’antériorité de formation de celle-ci sur les vers. […] La Boétie, dans sa première et sa plus verte jeunesse, tout échauffé d’une belle et noble ardeur, et voulant avertir celui qui le lira qu’il n’emprunte à personne, ni à Pétrarque, ni à Properce ni à d’autres, l’expression de ses soupirs, s’écriait de la sorte, avec plus de vigueur et d’âme que d’harmonie : Toi qui oys mes soupirs, ne me sois rigoureux Si mes larmes à part toutes miennes je verse, Si mon amour ne suit en sa douleur diverse Du Florentin transi les regrets langoureux, Ni de Catulle aussi, le folâtre amoureux, Qui le cœur de sa dame en chatouillant lui perce, Ni le savant amour du migrégeois64 Properce : Ils n’aiment pas pour moi, je n’aime pas pour eux. […] On le lira mieux dans le volume ; c’est comme un groupe de marbre à ne pas détacher et à ne contempler que dans le secret du sanctuaire. […] J’y lis tout à côté de belles et dignes Stances à Alfred de Musset, ce frère puîné de Louise Labé ; écrites au lendemain même de sa mort, elles sont toutes pénétrées de son immortel sanglot ; en voici quelques notes vibrantes : Parmi nous maint poëte à la bouche inspirée Avait déjà rouvert une source sacrée ; Oui, d’autres nous avaient de leurs chants abreuvés ; Mais le cri qui saisit le cœur et le remue, Mais ces accens profonds qui d’une lèvre émue Vont à l’âme de tous, toi seul les as trouvés.

585. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

On était à souper : un courrier arrivé à Versailles apporte une lettre à l’adresse de la duchesse de Brancas ; cette dame d’atours, voyant l’écriture du prince et supposant que la lettre ne pouvait rien contenir que d’agréable, la présente aussitôt à la dauphine sans l’avoir lue elle-même. […] Le maréchal de Saxe me rappelle, par quelques-uns des traits qu’on vient de lire, le sacrifice d’Amélie au pied des autels dans René. […] C’est bien le cas de répéter avec La Bruyère : « Que manque-t-il à une telle coutume pour être entièrement bizarre et incompréhensible, que d’être lue dans quelque Relation de Mingrélie ?  […] Ce que j’ai lu le plus en sa faveur est son Portrait par Senac de Meilhan, observateur fin et non suspect de partialité envers les dévots. […] Arthur Dinaux, a pris toute cette affaire avec un surcroît de rigueur et de candeur qui marque bien la différence des époques : il faut lire son article dans les Archives historiques et littéraires du Nord de la France (année 1855, page 95) ; il s’est constitué le champion en titre de la « victime cloîtrée », soutenant même, d’après les dates et la distance des lieux, que dans cette lutte avec le maréchal l’innocence n’avait point dû succomber.

586. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Qu’on veuille bien se figurer ce que pouvait être un ami de Racine ou de Fénelon, un M. de Tréville, un M. de Valincour, un de ces honnêtes gens qui ne visaient point à être auteurs, mais qui se bornaient à lire, à connaître de près les belles choses, et à s’en nourrir en exquis amateurs, en humanistes accomplis. […] Être humaniste, c’était se borner à lire les Anciens, et, entre les modernes, ceux qui paraissaient dignes, par endroits, de s’appareiller aux Anciens ; c’était les comprendre, s’en pénétrer, les posséder, et en être venu, dans cette familiarité de chaque heure, à y découvrir chaque fois de nouvelles délicatesses, de nouvelles beautés. […] En général, on vivait là-dessus ; on lisait dans des textes faciles, comme on se promène dans des allées sablées. […] Vous qui lisez en leur langue Homère et Démosthène, Cicéron et Virgile, essayez un peu, passez de l’original à la traduction, et vous verrez ! […] Dans tous ces passages, ne semble-t-il pas qu’on lise déjà Montaigne ?

587. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

En ce qui est du comte Xavier, le naturel décida tout ; le travail du style fut pour lui peu de chose ; il avait lu nos bons auteurs, mais il ne songea guère aux difficultés de la situation d’écrivain à l’étranger. […] 35. « La lecture du Lépreux m’avait touchée, dit Mme Olympe Cottu dans sa préface ; j’en parlai à un ami auquel une longue et douce habitude me porte à confier toutes mes émotions ; je l’engageai à le lire. […] Ma vie est sans variété, mes jours sont sans nuances ; et cette monotonie fait paraître le temps court, de même que la nudité d’un terrain le fait paraître moins étendu. » Le simple et doux Lépreux fit son chemin dans le monde sans tant de façons et sans qu’on lui demandât, rien davantage ; il prit place bientôt dans tous les cœurs, et procura à chacun de ceux qui le lurent une de ces pures émotions voisines de la prière, une de ces rares demi-heures qui bénissent une journée. […] Il a peu lu nos auteurs modernes ; en arrivant, il ne les connaissait guère que de nom, même le très-petit nombre de ceux qui mériteraient de lui agréer. […] On lira avec plaisir cette histoire, traduite par M.

588. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Le malheur, c’est que nous lisons trop Boileau des yeux, et avec l’esprit, pour la pensée. […] Il nous en avait pourtant bien avertis, lui qui jugeait de ses vers par l’oreille et croyait les justifier assez en attestant qu’il n’en avait jamais fait de plus « sonores » ; lui qui défendait le mot de lubricité pour le bon son qu’il faisait à la rime ; lui qui tant d’années avant qu’on l’eût inventé, connaissait l’art de la lecture, et qui lisait ou disait les vers en perfection, de façon à transporter les plus froids auditeurs : il les débitait tout simplement en poète, rendant sensibles toute sorte d’effets d’harmonie et de rythme, qui échappent à la lecture des yeux. […] Quand nous lisons : Tes bons mots, autrefois délices des ruelles, Approuvés chez les grands, applaudis chez les belles, Hors de mode aujourd’hui chez nos plus grands badins, Sont des collets montés ou des vertugadins : nous ne pouvons nous figurer que cela a la même valeur, relativement aux habitudes du langage et du goût de son siècle, qu’ont à notre égard les vers de V.  […] Nous avons lu dans le Repas ridicule ces vers Où les doigts des laquais dans la crasse tracés Témoignaient par écrit qu’on les avait rincés. […] Lisez la Satire IV sur les Folies humaines.

589. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

La Réforme, en leur prouvant qu’elle savait mieux lire qu’eux-mêmes dans leurs propres livres, les força d’y regarder ; et la science s’ajoutant à l’autorité de la possession et à l’habitude, ils furent désormais invincibles. […] Elle lisait Érasme dans l’original, elle savait assez de grec pour lire Sophocle, et elle prenait des leçons d’hébreu de Paul Paradis, surnommé le Canosse, qu’elle fit nommer professeur au Collège de France, fondé par François Ier. […] L’Heptaméron est le premier ouvrage en prose qu’on puisse lire sans l’aide d’un vocabulaire. […] Il y mourut en 1544, à l’âge de soixante ans, l’année même de la bataille de Cérisoles, extarris et rerum egenus, dit son biographe Sainte-Marthe, mais toujours poète et galant, malgré le conseil d’Ovide qu’il avait dû lire dans le texte même : Turpe senilis amor. […] Outre les Métamorphoses, Marot avait lu et probablement très-bien compris l’Art d’aimer ; Si l’Art d’aymer tu as leu de bien près.

590. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

J’ai aussi la plupart de ses opuscules, de ses pamphlets ; et mon impression, après les avoir parcourus, est la même qu’après avoir lu les extraits de M.  […] Michelet l’a appelé un polisson de génie ; je crois que c’est bien assez, quand on a lu son Discours de la lanterne et ses Révolutions de France et de Brabant, de l’appeler un polisson de verve et de talent. […] on a trouvé à son sujet dans les lettres d’André Chénier la page suivante, qui le juge : Mes amis, écrit André Chénier, m’ont fait lire un numéro 41 des Révolutions de France et de Brabant ; j’avais déjà vu, d’autres fois, quelques morceaux de ce journal, où des absurdités souvent atroces m’avaient paru quelquefois accompagnées de folies assez gaies ; je me suis encore plus diverti à lire ce numéro 41, où l’auteur répand avec profusion ses honorables injures sur la société entière de 89, et sur moi en particulier. […] Il dit : Voyez comme on nous traite, voyez ce qu’on dit de nous.  Cette naïveté de conscience m’a paru plus plaisante que rien de ce que j’avais vu de lui jusqu’à ce jour, et vous-même, si vous l’avez lu, vous n’aurez pu sans doute vous empêcher de rire comme moi, qu’un homme, trouvant dans un livre où personne n’est nommé une grande quantité d’auteurs qui, d’après leurs écrits, d’après des faits, d’après une longue suite de preuves, sont traités de perturbateurs séditieux, de brouillons faméliques, d’hommes de sang, aille se reconnaître à un tel portrait, et déclarer hautement qu’il voit bien que c’est de lui qu’on a voulu parler. […] Quand on ne connaît que de réputation ce pamphlet célèbre et qu’on se met à le lire, on a besoin de quelque réflexion pour s’apercevoir que c’est là un retour au bon sens, aux idées de modération et de justice.

591. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Dans le donjon de Vincennes, il écrivait pour lui seul, dans son cahier de notes et d’extraits, divers passages de Plaute, qu’il lisait beaucoup alors, et il en faisait l’application à sa félicité perdue ; tout ce joli passage du Pseudolus, par exemple, qui fait partie de la lettre d’une maîtresse à son ami : Nunc nostri amores, mores… « Voilà que nos plaisirs, nos désirs, nos entretiens, avec les ris, les jeux, la causerie, le suave baiser… tout est détruit ; plus de voluptés ; on nous sépare, on nous arrache l’un à l’autre, si nous ne trouvons, toi en moi, moi en toi, un appui salutaire. » Mais j’aime mieux cet autre passage, également emprunté de Plaute, où le sentiment domine : « Lorsque j’étais en Hollande , écrit Mirabeau, je pouvais dire : Sibi sua habeant regna reges, etc. », et tout ce qui suit, « Rois, gardez vos royaumes, et vous, riches, vos trésors ; gardez vos honneurs, votre puissance, vos combats, vos exploits. […] Souffrez que je voie le soleil, que je respire plus au large, que j’envisage des humains, que j’aie des ressources littéraires, depuis si longtemps unique soulagement à mes maux, que je sache si mon fils respire et ce qu’il fait… Telle est cette admirable et douloureuse page qu’il est impossible de lire sans émotion et sans larmes. […] Il écrivait sans cesse, ne lisait que plume en main, et s’intéressait à tous sujets. […] » — « Pas autrement, lui dis-je, que de lui donner à lire la lettre de mon beau-frère : je ne veux pas même lui en parler. » Je fus m’asseoir à côté de lui ; il me connaissait bien et me haïssait d’autant mieux. […] Il fut très longtemps à la lire ; je le fixais avec la plus grande attention : son visage pâlissait et se décomposait de temps à antre ; il se remettait, il continuait à lire, ensuite soupirait, toussait, crachait, et finissait par affecter du caractère.

592. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

On avait fait à cet écrivain une réputation toute particulière d’absolutisme ; on le jugeait sur une page mal lue d’un de ses écrits, et on ne l’appelait que le panégyriste du bourreau, parce qu’il avait soutenu que les sociétés qui veulent se maintenir fortes ne peuvent le faire qu’au moyen de lois fortes. […] Il lisait tout, et les livres étaient sa « pâture chérie ». […] Toute cette lettre est à lire comme une leçon piquante de politique. […] Mais l’esprit chez lui n’est pas tout, il n’est pas de ceux qu’une demi-heure d’étude et de lecture console de tout chagrin : Je lis, j’écris, dit-il, je tâche de m’étourdir, de me fatiguer s’il était possible. […] Vous combattez pour tout ce qu’il y a de plus sacré parmi les hommes, on peut lire même pour la société civile.

593. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

La Harpe lui-même, qui, à cette époque, n’avait lu de Bossuet que les Oraisons funèbres et l’Histoire universelle, résistait à ce jugement sur l’ensemble des Œuvres, et il ne s’y rendit que plus tard. […] Une lettre familière, adressée à Dureau de La Malle, et qu’on peut lire à la Bibliothèque nationale, donnerait assez l’idée du ton qu’il avait en écrivant dans l’intimité. […] Aujourd’hui, lorsqu’on veut lire le recueil des discours prononcés par l’abbé Maury à l’Assemblée constituante, on est fort désappointé. […] En général, pour comprendre ce genre d’éloquence politique de l’abbé Maury, il ne suffit pas de lire les lambeaux de discours qu’on a conservés, il faut en avoir la clef, et le marquis de Ferrières nous la donne, ou du moins nous l’indique, à un endroit de ses Mémoires. […] Je me suis mis en tête une fois d’apprendre l’anglais ; en trois mois j’entendis les prosateurs ; ensuite, ayant fait l’expérience que, dans une demi-heure, je ne lisais que douze pages anglaises de l’Histoire de Hume in-4º, tandis que, dans le même espace de temps, j’en lisais quarante en français, j’ai laissé là l’anglais.

594. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

Sa Grammaire Françoise lue à plusieurs reprises dans les Assemblées de l’Académie, fut soumise à son jugement & reçut de grands éloges, dès qu’elle vit le jour en 1708. […] Tout mérite d’être lu dans ce traité, dit Mr. d’Alembert, jusqu’à l’errata qui contient des réfléxions sur notre ortographe, sur ses bizarreries, ses inconséquences & ses variations. […] C’est ce qu’on croira difficilement, même après avoir lu le Racine vengé. […] On avoit lu avec moins de plaisir que de surprise celles de Guichard, qui sçachant l’hébreu à fond, crut faire honneur aux François en faisant remonter leur langue jusqu’à sa premiere source. […] On peut donc les lire à son exemple, & c’est pour en faciliter l’intelligence que M.

595. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Faites souscrire à nos ouvrages, faites lire la revue. […] En un établissement abandonné où se baignèrent les belles d’il y a cinquante ans, au fond d’un vieux parc où les arbres montent tandis que s’affaissent les élégances humaines, je lis les Mémoires de Cora Pearlt. […] Cette caresse et cette subtilité auxquelles on ne s’attend plus si l’on a vu trop de visages et lu trop de livres brillent et raisonnent dans la nuit de ma fatigue comme des lueurs persuasives et de câlins accents auxquels le pire des entêtements ne peut se dérober. […] Faites souscrire à nos ouvrages, faites lire la revue. […] Il faut lire Tirésias.

596. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Penser autrement, ce serait ressembler à ce mathématicien sévère, qui après avoir lu la scène admirable du délire de Phèdre, demandait froidement, qu’est-ce que cela prouve ? […] Aucune langue sans exception n’est plus sujette à l’obscurité (lue la nôtre, et ne demande dans ceux qui en font usage pins de précautions minutieuses pour être entendus. […] Ne serait-ce point par cette raison qu’il est rare de lire de suite et sans dégoût un long ouvrage en vers, et que les charmes de la versification nous touchent moins à mesure que nous avançons en âge ? […] Peut-on rien lire de plus ridicule que le commentaire de Despréaux sur la première ode de cet auteur, et ses efforts pour travestir en sublime le mélange bizarre que le poète grec fait dans la même strophe, de l’eau, de l’or, et du soleil avec les jeux olympiques ? […] Le Petit Carême du père Massillon suffira pour apprendre à nos orateurs chrétiens et à leurs juges, combien la véritable éloquence de la chaire est opposée à l’affectation du style ; nous les renvoyons surtout au sermon sur l’humanité des grands, que les prédicateurs devraient lire sans cesse pour se former le goût, et les princes pour apprendre à être hommes.

597. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

S’il eût dû lire à la France assemblée, dans de nouveaux jeux olympiques, tout ce qu’il a écrit sur l’histoire, il n’aurait pas si souvent désolé la raison. […] La poésie est faite pour être ouïe, avons-nous dit, et la prose pour être lue. Mais il est arrivé que la poésie elle-même a été lue, et que ce que nous avons adopté ensuite comme poésie n’a plus été fait que pour être lu. […] Les poètes épiques eux-mêmes étaient peu lus, les poètes dramatiques l’étaient bien moins encore. Hérodote, quoiqu’il eût écrit en prose, lisait son histoire à la Grèce assemblée.

598. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Mais, de bonne foi, après avoir lu ces volumes d’aujourd’hui, dont l’importe le titre d’Études de critique littéraire, il m’est impossible de reconnaître et de consentir ce qu’il a si bien l’air de prétendre. […] Lisez son discours à Alfred de Musset, son discours à Ponsard, son discours à de Sainte-Aulaire ! […] Nisard, de ce faux puritain auquel tout le monde a été trompé et que je vous donne, moi, après l’avoir lu, — et avec quel plaisir !  […] Lisez-les, vous verrez si c’est là du style ou du procédé de corsaire ! […] Et quand on les a lues, c’est à conclure ce qu’on ne pourrait pas conclure d’un livre écrit réellement par M. 

599. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Si ces idées-là survécurent à un gouvernement qui les partagea trop, ou qui ne put rien contre elles dès qu’il ne les partagea plus ; si elles triomphèrent, pour mourir plus tard de leur triomphe, car l’arrêt de mort de l’erreur, c’est sa victoire, suivre l’application de cette loi suprême dans une histoire contemporaine, dans une histoire dont nous sommes les fils, quelle plus noble tâche pour ceux qui écrivent ; et pour ceux qui lisent, quel plus majestueux enseignement ! […] Nettement lui consacre nous ont fait regretter plus vivement que jamais, quand nous les avons lues, que l’ouvrage entier ne fût pas écrit avec ce courage de vérité, car, au lieu d’un livre plus ou moins agréable qui doit traverser les esprits, nous aurions une œuvre de grande critique, qui certainement ne passerait pas. […] Et cependant, il y est parlé de toutes les choses qui ont ébranlé puissamment le sol de ce siècle et qui l’ont retourné sous le glaive qui lue ou sous la charrue qui féconde. […] Nettement n’a pas lue ou qu’il n’a pas comprise, car, s’il avait lue — nous le croyons — il se serait épargné des erreurs qui mériteraient un nom moins doux, et il aurait laissé, à ses pieds, toute cette vieille poussière, faite, comme toutes les poussières, avec de la fange qui a séché ! […] S’il fallait le peindre, comme penseur et comme écrivain, par un seul mot qui dût bien exprimer son être et sa manière, nous dirions, après avoir lu les deux volumes d’aujourd’hui, que M. 

600. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Les esprits libres en littérature liront avec une agréable surprise ce morceau, comme on aime à retrouver quelque idée de 89 dans Fénelon. […] Elle lisait l’allemand avec la plus grande facilité. […] La lettre que Mme de Staël lui écrivit pour le remercier, peut se lire page 94 des Documents biographiques sur Daunou, par M. […] La première fois que je le lus, ce fut en Suisse (1816), d’après le désir de Mme de Staël ; » et il ajoute un mot contre une supposition fausse qui avait couru. […] On peut lire cette critique amère et spirituelle. » J’ai recherché vainement cet article, qui probablement ne porte pas le titre direct de Corinne.

601. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Vu de ce profil, c’est, si vous le voulez, un très-bel esprit, nerveux, brillant et mondain, qui a lu beaucoup d’in-folios et qui les cite : le goût peut trouver à y redire ; les allusions aux choses lues et les citations sont trop fréquentes. […] votre comte de Maistre, il vous a bien tenu parole…. » Elle répondit : « Je n’ai pas lu le livre ni ne le lirai ; mais si M.  […] M. de Maistre, sans le lire sans doute ainsi par édification, l’ouvrait souvent aussi et par divertissement, pour se mettre en humeur. […] Quant à Bacon, il y mit plus de temps et de détours ; il aimait évidemment à le lire et à le citer. […] Il voulut tout lire à la source ; il apprit l’allemand pour mieux pénétrer tout Kant.

602. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Commençons par une expérience que nous faisons tous, mais, d’ordinaire, sans y prendre garde, quand nous lisons un poème. […] Ou bien le miracle, un lis piqué soudain sur un potiron. […] Paul Souday n’a pas même pris la peine de me lire. […] Fagus n’a pas pris la peine de me lire, et il a bien fait. […] Je lis et relis ces lettres, que je dois renoncer s’il ne tient qu’à moi, à examiner une à une, mais dont aucune ligne ne sera perdue.

603. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Qui lira verra. […] Ne sachant lire aucun des deux, elle eut recours à sa maîtresse. […] C’est là du moins mon opinion, et j’espère que ceux qui auront lu ces extraits seront de mon avis. […] Oblomoff lui jeta un coup d’œil où se lisait un reproche, branla la tête et soupira. […] Sur ce billet on lut : « Je suis Ranvier, directeur de Sainte-Pélagie.

604. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Bossuet avait lu Spinosa. […] Car on ne l’a donc pas lu ? […] Vous, cependant, qui me lisez, voulez-vous achever là-dessus de mesurer son audace ? […] — et aussi ne le lisons-nous point. […] Tout le monde a lu ses Mémoires, et personne, je pense, ne les a oubliés.

605. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Il faut lire d’un bout à l’autre ces deux volumes. […] Maspero a lu beaucoup de hiéroglyphes, mais il a regardé aussi beaucoup de fellahs. […] Dans ses dernières années, il le lisait, le relisait, le faisait lire et admirer à ses amis. […] Il avait lu l’Astrée. […] Sur le piédestal je lus : Neapolio, Imperator, Augustus.

606. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

Non, sans doute, il n’est pas indifférent de lire le Platon de Dacier ou celui de M.  […] Burnouf ; mais, d’un autre côté, est-il indifférent de lire le Tacite de M.  […] L’oratorien Dotteville refit l’œuvre de la Bletterie, et la diction de ce doux vieillard, pure, châtiée, coulante et tout à fait dans le goût de Rollin, a du moins l’avantage de se laisser lire avec un plaisir continu.

607. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VII. Éducation de la sensibilité »

Sans doute c’est l’affaire à la réflexion de lire dans l’âme les émotions ; et c’est en appliquant à l’observation intérieure la même attention qu’à la réalité externe, qu’on s’habituera à démêler ses sentiments. […] Il était impossible de lire distraitement même un roman, de tourner les pages avec une langueur somnolente, en sautant tout ce qui prend l’air sérieux : dans ces formidables romans en dix tomes, diffus, interminables, bourrés de conversations et de dissertations, débordant de distinctions et d’analyses, l’histoire, les faits étaient peu de chose, et s’ils offraient à la curiosité frivole l’attrait de l’actualité et des allusions, c’était par les caractères finement dessinés, dont il fallait regarder de près les ressemblances. […] Je vais plus loin : combien y en a-t-il qui liront V. 

608. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XV. Des ouvrages sur les différentes parties de la Philosophie. » pp. 333-345

La Pluralité des mondes, de Fontenelle, sera toujours lue avec plaisir. […] Daniel, se fait lire avec plaisir. […] Pour profiter de cette nomenclature, il faut commencer par lire l’article physique.

609. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 40, si le pouvoir de la peinture sur les hommes est plus grand que le pouvoir de la poësie » pp. 393-405

Quand nous lisons dans Horace la description de l’amour qui aiguise ses traits enflammez sur une pierre arrosée de sang ; les mots dont le poëte se sert pour faire sa peinture réveillent en nous les idées, et ces idées forment ensuite dans notre imagination le tableau où nous voïons l’amour dépêcher ce travail. […] Les tragédies qu’on lit en particulier ne font gueres pleurer, principalement ceux qui les lisent sans avoir entendu les réciter auparavant. […] Voilà même, suivant mon opinion, pourquoi ceux qui n’ont fait que lire une tragédie, et ceux qui ont entendu réciter la piece sur le théatre, sont quelquefois d’un sentiment opposé dans le jugement qu’ils en portent.

610. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

Quand on l’a lu comme nous venons de le lire, il est bien évident que ce n’est pas la grande Fonction intime que nous soupçonnions qui a fait perdre à Capefigue une tête… regrettable, jusque-là sérieuse en histoire. […] on conclura, après l’avoir lu, contre le Henri IV de Capefigue.

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