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520. (1799) Jugements sur Rousseau [posth.]

Rousseau est peut-être le seul qui fasse une classe à part : la crainte de choquer les opinions reçues, de révolter par des paradoxes, de passer pour cynique, de se faire des ennemis et des affaires, rien de tout cela ne l’arrête ; il s’est mis à son aise avec le public de tous les rangs et de toutes les espèces ; et cette liberté, qui se trouve heureusement jointe en lui à beaucoup de talent, lui donne un prodigieux avantage. […] Un des endroits du livre qui m’a plu davantage, c’est le tableau qu’il fait, à la fin du troisième volume, de la vie qu’il voudrait mener, s’il avait de la liberté et de la fortune.

521. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution d’Angleterre »

Dieu même n’intervient que quand l’homme l’y appelle, que quand il le force d’intervenir en usant mal de sa liberté. Alors, Dieu vient se mêler à la destinée individuelle ou sociale, en vertu des lois de sa création, mais c’est comme la conclusion inévitable d’un syllogisme, dont les prémisses ont été posées par l’homme, et qui se referme tout à coup sur sa liberté et la brise.

522. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VI. Jules Simon »

Enfin elle n’enchaîne pas de trop court cette follette chevrette de liberté, la petite bête la plus aimée de cette vieille fille que nous appelons « notre époque » avec tant d’orgueil ! […] Jules Simon place des Devoirs, des Libertés, des Religions naturelles, comme les missionnaires protestants placent des Bibles, mais avec cette différence qu’il ne les donne pas… Vous voyez bien qu’il n’y a plus là ni philosophie, ni religion, ni même littérature, ni rien qui puisse appartenir à un examen désintéressé d’idées ou de langage !

523. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

Jules Simon avec son Devoir, sa Liberté et sa Conscience, était un des philosophes actuels et présentement les plus comptés de cette morale par elle-même, de cet indépendant quelque chose qui s’appelle la morale, sans Dieu et sans sanction ! […] Martin demandé pour l’homme une plus grande liberté, moins de pénalité, et, comme tous ces messieurs les philanthropes humanitaires, un petit paradis sur la terre.

524. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VII. Dernières preuves à l’appui de nos principes sur la marche des sociétés » pp. 342-354

Quoiqu’on dise que l’usufruit prend fin, il ne faut pas croire que le droit finisse pour cela, il ne fait que se dégager d’une servitude pour retourner à sa liberté première. — De là nous tirerons deux corollaires de la plus haute importance. […] La liberté fit la législation, et de la législation sortit la philosophie.Tout ceci est une nouvelle réfutation du mot de Polybe que nous avons déjà cité ( Si les hommes étaient philosophes, il n’y aurait plus besoin de religion ).

525. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Pareillement, si nous examinons en quoi la liberté a consisté pour eux, — la liberté dans l’art, et non la liberté de l’art, qui sont deux choses très différentes, — ce n’a pas été sans doute à se rendre maîtres du choix de leurs sujets, puisqu’on avait bien permis à Voltaire d’aller chercher les siens jusqu’en Amérique et jusqu’en Chine ; ni à écrire des drames en prose, puisque Cromwell, Hernani, Christine, Othello sont en vers ; ni même à violer les « règles », puisqu’enfin quelles « règles » dira-t-on qu’il y eût de l’élégie, de l’ode, du roman, et Cinq-Mars, Les Orientales, Notre-Dame de Paris, les Confessions de Joseph Delorme sont-elles, ou non, des œuvres romantiques ? […] Par là également, par cette liberté d’être soi-même, et de n’être que soi, ou, si l’on le veut, de « réfracter » en soi l’univers, s’explique l’abondance, la richesse et l’éclat du lyrisme romantique. […] Voulant traduire des émotions plus intimes, — dont ce nom même d’intimes rappelle qu’on les avait gardées jusqu’à eux pour soi-même, — les romantiques ont eu besoin d’une plus grande liberté de mouvement, et ils n’ont pas demandé autre chose à l’alexandrin réformé. […] Et ne fallait-il pas enfin qu’en prose comme en vers, à la liberté du choix des mots répondît la liberté du tour ? […] Il n’y a pas d’histoire des choses contemporaines ; les mots eux-mêmes sont contradictoires ; et pour juger les hommes ou les œuvres de notre temps, nous manquons à la fois de la liberté, du recul, et des documents nécessaires.

526. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Boyer, Georges (1850-1931) »

Auguste Vitu Vous écrivez en vers avec aisance et liberté, vous souciant assez peu de certaines exigences de facture ; remontant, sans l’ombre de la préméditation, vers l’ancienne tradition française, vous semblez ignorer le Parnassisme et la sévérité de ses lois draconiennes.

527. (1929) Dialogues critiques

Il s’agit donc bien d’une conjuration contre la liberté et d’une entreprise de tyrannie. […] Les libertés abolies par les despotes antiques étaient celles des Sénats et des grandes familles qui gouvernaient en régime républicain. […] Pierre Mais les libertés provinciales ? […] Paul La liberté est la même pour toutes les provinces qui font partie d’un pays libre. […] Pierre C’est la liberté.

528. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Rousseau ou de Proudhon contre l’ordre social, un rêve de liberté absolue se faisant à elle-même sa propre législation par l’énergie du cœur et par la force du bras. […] Le maître et le compagnon poursuivent leur œuvre sous la sainte protection de la liberté. […] « Liberté ! […] Le bon cède la place au méchant, et les vices marchent en liberté. […] Voyez l’Angleterre ; après que Chatham, le second Pitt, Gibbon, Fox, Canning, Byron, Walter Scott, eurent disparu, sa littérature, à l’exception du roman, de l’histoire et de l’éloquence, languit ; sa tribune même, cette littérature de la liberté, s’affaisse.

529. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

XIII Au milieu de la rue qui porte aujourd’hui le nom de rue Lamartine, nom qui s’inscrivit de lui-même le lendemain de la victoire de la République conservatrice, en juin 1848, sur les factions liberticides qui voulaient tuer à la fois l’ordre et la liberté, nom qui me fait penser toutes les fois que je passe, même dans ce quartier de petits trafics, au bon sens et au courage du vrai peuple de Paris, s’ouvre une petite rue annexe, montante, tortueuse, mal bâtie, mal pavée, et à laquelle on a laissé par oubli le vieux nom de rue Neuve-Coquenard. […] Un crime, c’est trop pour un pouvoir qui ne dure que quelques années, et qui souille éternellement la conscience en pervertissant la liberté par un mauvais exemple. […]         Sans volière et sans pigeonnier, N’ayant rien et pas même une cage où la mettre, Je lui dis : vole, et prends chez moi comme ton maître,         La liberté d’un prisonnier. […] Je le vis réapparaître plein de piété populaire et d’extase mystique à côté de moi, crédule aux saintes idées d’un grand pas fait en avant vers Dieu par les peuples, confiant dans la lune de miel de la liberté, sans crime et sans tache ; somnambule de la liberté, il levait les bras en haut et cherchait l’horizon de la République ! […] Il combattait héroïquement les factieux de l’inconnu, qui ne savaient ce qu’ils voulaient, et qui, ne se contentant pas de la liberté, précipitaient la République dans le délire et dans la guerre.

530. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

C’est un citoyen passionné pour l’antique liberté que la Providence des nations vient de faire revivre à Turin, pour donner le ton aux murmures confus du Piémont abâtardi sous ses rois et sous ses prêtres ! […] Qu’est-ce que Boccace, Machiavel, l’Arioste, le Tasse, à côté de ce chevalier de la liberté sous sa cuirasse de fer ? […] Il y avait le romain, langue sonore, majestueuse, grandiose, mais le pape et les cardinaux étaient là ; la liberté souriait à la langue, mais les hommes imposaient la servitude sacrée, cela ne pouvait convenir à l’ennemi poétique de toute tyrannie. […] Cette circonstance me détermina heureusement à renoncer pour toujours à ma patrie, et je trouvai enfin dans des chaînes d’or, qui tout à coup me retinrent doucement, cette liberté littéraire sans laquelle jamais je n’eusse fait rien de bon, si tant est que j’aie fait quelque chose de bon. […] « On avait défendu dans les cafés de Paris de parler du prince Édouard, parce que l’on se donnait la liberté de blâmer le roi. » Il fut conduit de Vincennes hors du royaume avec décence, mais le cri public protesta pour lui.

531. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Pour moi, malgré les honneurs mondains, je trouve que la liberté est la meilleure de toutes les choses d’ici-bas : quand la retrouverai-je ? […] Mais c’est à Reims, sa dernière et véritable patrie, c’est au benoît préau qu’il en revient toujours, à la jolie maison qu’il se fait arranger et qu’on lui prépare (« Car j’aime la jeunesse, dit-il, aussi bien en maison qu’en autre chose ») ; c’est à son jardin, à ces allées qu’il y veut « toujours propres, toujours nettes et sablées comme celles de Versailles pour le moins » ; c’est à tout cela que va de lui-même son désir et son vœu : « La contrainte n’est pas mon fait, je n’aime que la liberté ; je ne l’ai pas haïe jusques ici, je l’aimerai à l’avenir encore davantage. » Il le redit de mille agréables façons : Somme toute, notre cher, les honneurs sont beaux, mais la liberté est admirable.

532. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

L’adversité a cela de particulier, qu’elle donne à Frédéric le sentiment du droit, qu’il n’a pas toujours eu très présent et très vif en toutes les circonstances de sa vie : en cette crise d’alors, il se considère comme iniquement assailli et traqué, lui le champion d’une grande et juste cause, le soutien de la liberté de l’Allemagne et de l’indépendance protestante : « L’Allemagne est à présent dans une terrible crise : je suis obligé de défendre seul ses libertés, ses privilèges et sa religion ; si je succombe, pour le coup, c’en sera fait. » Il ajoute ces remarquables paroles, qui ont dans sa bouche une singulière autorité et dont il paraît s’être mal souvenu dans d’autres temps : A-t-on jamais vu que trois grands princes complotent ensemble pour en détruire un quatrième qui ne leur a rien fait ? […] Au moins ne pourra-t-on pas dire que j’aie survécu à la liberté de ma patrie et à la grandeur de ma maison, et l’époque de ma mort deviendra celle de la tyrannie de la maison d’Autriche.

533. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Les ambassadeurs tiennent registre de tout, et ils informent leurs souverains des moindres choses qu’ils entendent dire aux ministres : celle-ci serait prise comme une insinuation qui sûrement déterminerait M. le duc de Savoie à faire ce que nous souhaitons, en lui laissant néanmoins une pleine liberté d’agir à sa fantaisie. […] Vous verrez, madame que je ne me suis point trop flattée quand j’ai avancé qu’ils seraient très contents, en ce pays-là, que le roi me fît l’honneur de me confier l’emploi que je prends la liberté de lui demander. […] Cet aimable cardinal croit, comme j’ai cru, que Sa Majesté (Louis XIV) doit décider de mon sort ; mais, malheureusement, je vois qu’il dépend d’un autre (le duc de Savoie) ; de quoi je n’ose rien me promettre, par les raisons que je vous ai déjà dites, à moins que du côté de la Cour on n’ait la liberté de prendre quelques mesures pour cela avec lui.

534. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Les temps ont marché ; les mots de tolérance et de liberté ont retenti : ne sont-ce que des mots ? […] C’est Lacordaire, c’est Ozanam, c’est M. de Montalembert, qui sont là en personne, au pied de la chaire, rendant hommage par leur présence à la liberté de l’enseignement, et d’un geste, d’un regard, s’il en était besoin, sachant calmer et contenir ceux de leurs amis plus jeunes qui se pressent derrière sur les gradins. […] Et lorsque le professeur s’est levé en terminant, on se lève avec lui en foule, on sort plein d’instruction, de vues neuves, de désirs d’explication, de besoins de réponse, de controverses animées et bruyantes qui se prolongent longtemps, mais en se félicitant tous que la liberté du haut enseignement, en tant qu’elle dépend de l’équité d’un auditoire, soit consacrée chez nous par un rare exemple et dans une de ses branches les plus élevées.

535. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

L’intention du député ainsi interrompu était de faire une profession en faveur de la religion catholique à l’exclusion de toute autre et de protester contre la liberté des cultes. […] Ces premiers projets, l’un sur les cris séditieux, l’autre pour la suspension de la liberté individuelle, parurent encore trop doux à la Chambre qui voulut les amender dans un sens de rigueur ; et c’est dans ces premières discussions que chacun prit sa ligne et que les orateurs éminents se dessinèrent. Un incident remarquable signala la discussion sur le projet de loi restrictif de la liberté individuelle, par où l’on commença.

536. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Le fils de l’écuyer et de la duègne part de la maison paternelle, chargé d’une science qui n’a rien de pratique, curieux et candide, gonflé d’espérances et ivre de liberté. […] Sans doute, la liberté des mœurs du xviiie  siècle ne s’y représente pas expressément, et Marivaux — c’est du reste à son honneur — ne tient pas lieu de Crébillon fils ou de Laclos501. […] L’Orient, Turquie, Perse, Inde, Chine, deviendra de plus en plus à la mode ; et nombre d’écrivains y placeront leur action romanesque, on y trouve un double avantage : les mœurs orientales donnent toute liberté à l’imagination grivoise ; de plus, on est dispensé de peindre les mœurs avec exactitude.

537. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Une foule de grands seigneurs, tous les étrangers illustres la visitaient : mais il fallait, pour être accueilli, être homme de progrès, détester le despotisme, adorer l’Angleterre et la liberté. […] Beaumarchais a mis tous ses instincts de révolte ; par la bouche de Figaro, il verse le ridicule sur tout ce qui soutenait l’ancien régime : noblesse, justice, autorité, diplomatie ; il fait une revendication insolente des libertés de penser, de parler et d’écrire, il réclame contre l’inégalité sociale ; d’un côté, la nullité et la jouissance ; de l’autre, le mérite et la peine. « Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie ; … vous vous êtes donné la peine de naître, rien de plus ; … tandis que moi, morbleu !  […] Le public prit Figaro comme Beaumarchais le lui donnait, pour le défenseur de la liberté contre le despotisme, de l’égalité contre les privilèges.

538. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Il a vu que la Révolution ne pouvait se sauver que par une translation de propriété qui intéresserait des milliers d’individus à garantir l’ordre nouveau : mais les biens du clergé vendus, les privilèges de la noblesse supprimés, l’égalité civile et politique établie, la liberté assurée, la royauté devenue constitutionnelle, Mirabeau fut content ; il ne s’occupa plus que de conserver cet ordre qu’il estimait conforme au gouvernement idéal ; et comme pour le fonder il avait fallu vaincre la royauté, tout son soin tendit à fortifier la royauté. […] Nature généreuse et sensible, passionné pour la tolérance, l’humanité, la liberté, il avait adopté une éloquence nette, sobre, sévère, volontairement un peu froide. […] Dès qu’il ouvre la bouche, Napoléon est orateur ; car il règle sa parole pour enlever à ceux à qui il parle, individus ou peuples, contemporains ou postérité, la liberté de leur jugement, pour asservir leurs esprits ou leurs volontés.

539. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

En dépit de Voltaire qui les tenait pour dûment esclaves, de la politique qui prescrivait, dans l’intérêt des colonies, « de ne pas affaiblir l’état d’humiliation attaché à leur espèce94 », la France, persuadée par Buffon, y reconnaissait des hommes, et, dès la quatrième séance des états généraux, un La Rochefoucauld invitait l’assemblée à prendre en considération la liberté des noirs. […] « L’un a la colère noble, le courage magnanime, le naturel sensible ; il méprise les insultes ; il pardonne à de petits ennemis des libertés offensantes ; l’autre, trop long de corps, trop bas sur ses jambes, n’a que les caractères de la basse méchanceté et de la cruauté insatiable. » Une science plus exacte les a reconnus tous les deux également capables d’attachement et de reconnaissance. […] Il n’a pas pensé à la liberté.

540. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

C’est ainsi qu’il vous suivra avec une honnête liberté, et qu’il tirera la conclusion en même temps que vous, sans croire accepter l’autorité d’un maître, sans l’accepter en effet, et en se faisant par lui-même une idée distincte de l’auteur en question. […] Il faut d’abord les tâter, comme dirait Montaigne, les essayer longtemps, les laisser courir devant soi dans la liberté de leur allure. […] Les Athéniens, vaincus en Sicile, rachetaient leur vie, leur liberté, ou ils obtenaient des vivres dans les campagnes, en récitant des vers du grand poète Euripide, dont les Siciliens étaient, avant tout, épris.

541. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

La philosophie l’ennuya ; elle se faisait encore en latin et dans la forme du syllogisme : il demanda de s’en affranchir, et son père lui permit de terminer en liberté ses études sous ses yeux. […] Il racontait souvent avec énergie l’impression qu’il reçut de l’état de terreur qui pesait alors sur la grande cité : « Cet état de prostration et de stupeur était tel (c’est lui qui parle), que si l’on avait dit à un condamné : Tu iras dans ta maison et là tu attendras que la charrette passe demain matin pour y monter, il serait allé et il y serait monté. » Ce qui n’est pas moins remarquable chez quelqu’un qui avait senti à ce degré l’horreur des crimes, il ne fut point dégoûté de la liberté ; il n’entra point, au sortir de là, dans la crainte et l’aversion des progrès modérés et des lumières. […] Dès cette époque, dans des Observations sur les maîtrises, sur les règlements, les privilèges et les prohibitions qui intéressent les progrès de l’industrie (1801), il se prononçait pour une liberté sage, non absolue ; il admettait quelques restrictions, sans rien d’exclusif, et il faisait preuve de connaissances pratiques et positives.

542. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

Lainé, le premier qui osa élever une parole de résistance légale et de liberté au déclin de l’Empire. […] Il était évident pour lui et pour tous que si le pays confiant et versatile eût été seul en face de son roi, le roi aurait dicté arbitrairement et sans obstacle les conditions du nouveau pacte entre le trône et le pays ; l’empereur Alexandre stipulait pour la liberté plus que la liberté, à ce moment, ne stipulait pour elle-même.

543. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

S’élevant aux vrais principes de la liberté religieuse, il fait voir qu’au point de vue politique, il est impossible de ne pas appliquer « à une religion connue, ancienne, longtemps dominante et même exclusivement autorisée, professée par les trois quarts des Français, les principes de tolérance et de liberté que la Constitution proclame pour tous les cultes : Voudrions-nous aujourd’hui, s’écrie-t-il, que l’intolérance philosophique remplaçât ce que nous appelons l’intolérance sacerdotale ?  […] Et il va jusqu’à dire, au sein de cette assemblée frémissante et où des applaudissements presque unanimes couvraient quelques murmures irrités : « Nous compromettons la liberté, en ayant l’air de séparer la France catholique d’avec la France libre. » — « Il n’est plus question de détruire, concluait-il en finissant, il est temps de gouverner. » Pour que de telles paroles, en effet, se fissent entendre et accueillir, pour qu’elles entraînassent la décision d’une assemblée où le vieux levain conventionnel fermentait encore, il fallait qu’une ère nouvelle eût commencé et que la Révolution fût entrée dans une phase toute différente.

544. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Les naufragés de Calais ne furent point traités en ennemis déclarés, ni en étrangers innocents : le Directoire les retint en prison ; ils ne furent mis en liberté qu’à l’avènement du gouvernement consulaire. […] La contrée est agréable ; à côté de la maison que nous habitons, nous avons un beau lac et une belle forêt ; l’art y procure tous les fruits que la nature refuse ; les mœurs du pays sont douces ; il y a beaucoup d’instruction dans les hautes classes de la société, et l’on trouve encore chez elles des principes religieux que l’on n’y soupçonnerait pas ; chaque seigneur rend, avec une sage mesure, la liberté à ses vassaux ; il les rend propriétaires, il leur fait du bien sans commotion, et il cherche à leur inspirer, non l’amour du changement, mais celui du travail et de l’industrie. […] [NdA] À un petit bal que donnait Mme Bonaparte (24 nivôse an XII) et où très peu de personnes avaient été invitées, une conversation s’établit, dans un premier salon où l’on ne dansait pas, entre Bonaparte, alors Premier consul, Lebrun, Portalis, Lemercier et Stanislas Girardin : dans cette conversation le Premier consul exprima successivement et avec son bon sens le plus brusque ses opinions sur la liberté de la presse, les impôts et la Révolution.

545. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Le livre de la Littérature était destiné à prévenir ce désaccord fâcheux, et l’esprit qui l’a inspiré aurait certes porté fruit à l’entour, si les institutions de liberté politique, nécessaires à un développement naturel, n’avaient été brusquement rompues, avec toutes les pensées morales et littéraires qui tendaient à en ressortir. […] La liberté critique, même littéraire, allait cesser d’exister ; Mme de Staël ne pouvait, vers ces années, faire insérer au Mercure une spirituelle mais simple analyse du remarquable Essai de M. de Barante sur le dix-huitième siècle. […] Suard et de la liberté philosophique dans les choses de l’esprit, donna trois bons articles signés D. […] Elle s’était entièrement convertie aux idées politiques anglaises, dans cette Angleterre qui lui semblait le pays par excellence à la fois de la vie de famille et de la liberté publique. […] On lit dans la Correspondance imprimée de Napoléon, au commencement d’une lettre de l’Empereur à Cambacérès, écrite d’Osterode, 26 mars 1807 : « J’ai écrit au ministre de la police de renvoyer Mme de Staël à Genève, en lui laissant la liberté d’aller à l’étranger tant qu’elle voudra.

546. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 183

Son Histoire universelle porte l’empreinte de son ame, c’est-à-dire, qu’elle est écrite avec beaucoup de liberté, d’enthousiasme & de négligence.

547. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Leur génie fut, pour ainsi dire, trempé dans un temps où les âmes avaient plus de vigueur et de liberté. […] Il a enseigné le respect des lois et de la justice plus spécialement encore que l’amour de la liberté. […] Ils étaient comme des sentinelles avancées, destinées à protéger la liberté publique. […] La Providence fait parfois sortir le bien du mal, l’ordre de l’anarchie, la liberté du despotisme. […] Dès qu’une volonté peut prévaloir contre la justice, il y a despotisme ; absence de justice, c’est absence de liberté.

548. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

C’est pour cette liberté que plaide éloquemment M.  […] Moi qui ai soif de liberté, je vais me glisser un de ces soirs entre les barreaux. […] Sois bonne, essaie de l’être… pour que ses ailes soient légères, quand viendra la liberté ! […] Il a pour titre : De la liberté politique dans l’État moderne. […] Son but est bien de faire comprendre comment il faut interpréter ce mot liberté qui est dans toutes les bouches et dans si peu de cœurs.

549. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Sous Auguste, la liberté ne perdit que les maux qu’elle peut causer, rien du bonheur qu’elle peut produire. […] Le Napolitain a la liberté matérielle ; l’Allemand a la liberté morale. La liberté du lazzarone a fait Rossini ; la liberté de l’Allemand a fait Hoffmann… Les Allemands ont la liberté de la rêverie ; nous avons la liberté de la pensée.     […] Les Allemands, en effet, ont eu la liberté de penser tout comme nous. Kant, Fichte, Hegel et Strauss ne se contentaient pas de la liberté de rêver.

550. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Il y a dans les Bohémiens une audace de pensée, une liberté de caprice, qui étonnent sans jamais blesser, une senteur de bois qui enivre. […] Pour sauver sa liberté, elle quitte Rome et vient en France. […] Cette liberté que Saluce lui rend, cette richesse qu’il lui renvoie en échange du bonheur, sont pour elle de mortelles offenses. […] Des soldats entrent pour arrêter les fils de Toussaint ; Adrienne est mise en liberté par son geôlier. […] Pour affranchir son temps, pour assurer la liberté des générations futures, il a plus d’une fois dénaturé le sens du passé.

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