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871. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Aussitôt il comprend le langage des oiseaux qui gazouillent au-dessus de lui dans les feuilles vertes des arbres. […] Poëmes païens. —  Genre et force des sentiments. —  Tour de l’esprit et du langage. —  Véhémence de l’impression et aspérité de l’expression. […] Dans leur langue, les flèches « sont les serpents de Héla, élancés des arcs de corne », les navires sont « les grands chevaux de la mer », la mer est la coupe des vagues, « le casque est « le château de la tête  » ; il leur faut un langage extraordinaire pour exprimer la violence de leurs sensations, tellement que lorsque avec le temps, en Islande où l’on a poussé à bout cette poésie, l’inspiration primitive s’alanguit et l’art remplace la nature, les Skaldes se trouvent guindés jusqu’au jargon le plus contourné et le plus obscur. […] En effet, c’est un scalde qui latinise, et transporte dans son nouveau langage les ornements de la poésie scandinave, entre autres la répétition de la même lettre, tellement que, dans une de ses épîtres, il y a quinze mots de suite qui commencent de même, et que, pour compléter ce nombre de quinze, il met un barbarisme grec parmi les mots latins73.

872. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

On ne voit sur leurs traits bruns ni la froide immobilité du Nord, ni la vivacité grimacière du Midi ; leur visage a, comme leur caractère, quelque chose de la candeur du vrai peuple de saint Louis ; leurs cheveux châtains sont encore longs et arrondis autour des oreilles comme les statues de pierre de nos vieux rois ; leur langage est le plus pur français, sans lenteur, sans vitesse, sans accent ; le berceau de la langue est là, près du berceau de la monarchie. […] Il se fait le langage des genres, comme on se fait le masque des visages. […] Son langage est juste, net, franc, grand dans son allure et vigoureux dans ses coups. […] « Car son langage choisi n’est compris que d’un très petit nombre d’hommes choisi lui-même.

873. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome xviii » pp. 84-92

Raynouard, un peu diffus, un peu académique, n’ayant pas encore la simplicité et le nerf du langage des affaires, que la pratique pouvait seule donner à l’éloquence française, fut écouté avec une religieuse attention.

874. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par M. Paul De Saint-Victor. »

Il n’est pas de ceux qui estiment que le langage n’est destiné qu’à relever la réalité telle qu’elle s’offre, avec ses inégalités, ses hasards, ses lacunes et parfois ses défaillances.

875. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

De quelque manière qu’on veuille interpréter ces symptômes évidents, qu’on y voie, comme les plus illuminés semblent le croire, l’annonce de je ne sais quelle femme miraculeuse destinée à tout pacifier ; qu’on y voie simplement, comme certains esprits plus positifs, la nécessité de réformer trois ou quatre articles du Code civil, nous pensons qu’il doit y avoir sous ce singulier phénomène littéraire une indication sociale assez grave ; nous aimons surtout à y voir un noble effort de la femme pour entrer en partage intellectuel plus égal avec l’homme, pour manier toutes sortes d’idées et s’exprimer au besoin en sérieux langage.

876. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

Ceux qui seraient tentés d’accueillir avec sourire ce genre de recherches intimes, poursuivies par un homme de goût, peuvent être de bons et d’excellents esprits, mais ils ne sont pas entrés fort avant dans le secret du langage antique, et nous les renverrions pour se convaincre, s’ils en avaient le temps, à Denys d’Halicarnasse et aux traités de rhétorique de Cicéron.

877. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Il y a, à la vérité, un signe où elle reconnaît les grands hommes, et il n’est peut-être pas bien exact de dire que tous les objets soient égaux devant l’indifférence de sa curiosité ; Molière est mille fois plus intéressant à ses yeux que Cyrano de Bergerac, Pradon ou Boursault : « Plus un poète est parfait, dit-elle, plus il est national ; plus il pénètre dans son art, plus il a pénétré dans le génie de son siècle et de sa race ; la hauteur de l’arbre indique la profondeur des racines465. » Quoi qu’il en soit, l’école historique, je dis l’école historique idéale, à la considérer dans l’unité et la pureté de sa doctrine, annule la critique littéraire au sens où le langage a toujours entendu le mot de critique, puisqu’elle ne juge pas, ne blâme ni ne loue.

878. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

Une imagination vive, un langage souple et harmonieux leur rendaient facile l’improvisation qui était, du reste dans les habitudes de la nation.

879. (1890) L’avenir de la science « I »

Si être poète, c’était avoir l’habitude d’un certain mécanisme de langage, ils seraient excusables.

880. (1890) L’avenir de la science « IX »

Origine de la pensée et du langage.

881. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

D’un langage doucereux & compatissant, elle a passé avec rapidité à l’emportement & à la déclamation ; ses lumieres sont devenues des torches ardentes, prêtes à porter par-tout l’incendie ; la divine Tolérance s’est changée en Furie inexorable, pour renverser tout ce qu’on avoit respecté jusqu’alors : les vérités les plus saintes, les principes les plus sacrés, les devoirs les plus indispensables, le Ciel, la Terre, l’Autel, le Trône, tout auroit éprouvé ses ravages, si les hommes eussent été aussi prompts à pratiquer ses maximes, qu’elle étoit ardente à les débiter.

882. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

Ce n’est plus ce stile insinuant, onctueux, emmiellé, qu’il employoit afin de parvenir à ses fins : c’est le ton de la haine & de la satyre la plus amère ; c’est le langage de la fureur.

883. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Pélisson et d’Olivet »

C’est, en effet, le vide, que son livre, le vide agité par les coups de chapeau d’un homme qui salue perpétuellement, avec la plus rare politesse, et dont le langage, beaucoup trop vanté par Livet, n’a qu’une gravité monotone.

884. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Or Ninon, femme de qualité d’ailleurs, était bel-esprit et vantée par les hommes qui se piquaient de beau langage.

885. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

Un homme qui n’aurait que de la force de volonté dans la proportion la plus vaste et pour la durée la plus longue, ne pourrait être appelé, sans vice de langage, un homme de caractère, fût-il la hardiesse, la persévérance et la fermeté au plus haut degré d’énergie, fût-il Charles le Téméraire de Bourgogne, fût-il Charles le Téméraire de Suède, fût-il, à lui seul, tous les Téméraires de l’Histoire, que l’Histoire n’a point appelés des hommes de caractère, mais à qui elle a su trouver d’autres noms !

886. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « W.-H. Prescott » pp. 135-148

Mais Prescott ne peut pas tenir ce langage.

887. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Camille Desmoulins » pp. 31-44

Il n’avait de langage et de style que la plume à la main, homme de lettres jusque-là que, quand vous lui ôtiez sa plume, il était désarmé de tout, et que son esprit valait alors son caractère.

888. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « L’abbé Galiani »

C’est à Paris, en effet, que cet Italien, naturalisé Français par un langage aussi étonnant pour un étranger que celui d’Hamilton (dans les Mémoires de Gramont), publia son fameux livre dialogué sur les blés, que Voltaire appela du Platon égayé par Molière, et qui fricassa les économistes balourds de ce temps dans la poêle à frire de la plaisanterie, chauffée avec cette verve qui faisait penser Catherine II au Vésuve, quand elle lisait Galiani !

889. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VI. Jules Simon »

Jules Simon place des Devoirs, des Libertés, des Religions naturelles, comme les missionnaires protestants placent des Bibles, mais avec cette différence qu’il ne les donne pas… Vous voyez bien qu’il n’y a plus là ni philosophie, ni religion, ni même littérature, ni rien qui puisse appartenir à un examen désintéressé d’idées ou de langage !

890. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXII. Philosophie politique »

et il ajoute, par une opposition qu’il est difficile de comprendre : « La philosophie politique ne vogue pas sans boussole sur cette mer des destinées où Dieu lui apparaît comme pôle et la vraie liberté pour port. » Mais l’utopie aussi a parlé ce langage.

891. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

On ne saurait trop en prévenir les esprits qu’attire une certaine impartialité de langage : il faut se défier infiniment de E. 

892. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

Ce jeu de cartes biseautées se coupe toujours de la même façon, tandis que, hors la scène, il faut au moins une inspiration personnelle d’une valeur quelconque et une puissance relative de langage, pour être compté parmi les écrivains d’imagination et les poètes.

893. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

Ce qu’en effet, depuis ces dernières vingt-cinq années, le théâtre a fait peser sur nos mœurs, sur les habitudes de notre pensée, sur toutes ses formes et tous ses langages, ne peut être dit en quelques mots.

894. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Henri Murger. Œuvres complètes. »

Évidemment, en parcourant ces pages incorrectes et lâchées et ces vers dans lesquels l’émotion ne peut sauver le langage, on a senti que cette fantaisie ne tenait pas toute sa force, que cette langue de poète avait le filet… On ne le lui coupa pas et jamais il ne se l’arracha.

895. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Feuillet de Gonches »

Enfin, c’est un connaisseur en toutes choses, d’une vaste expérience, d’un sens aiguisé, et qui s’approprie avec un rare talent d’assimilation tous les langages. — Nous nous trompions.

896. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

D’abord, en général, dans le progrès de la civilisation, les éléments extérieurs de chaque siècle, et, si vous me permettez ce langage, les symboles de l’idée de chaque siècle s’éclaircissent et révèlent sans cesse davantage l’esprit qui les anime. […] En effet, ce que je viens de vous dire dans le langage de la métaphysique, vous vous l’êtes dit cent fois à vous-mêmes ; tout le monde le sait et le répète, et la formule paradoxale de la science se résout ici dans un préjugé du sens commun. […] La philosophie de l’histoire est donc condamnée à parler aussi ce langage, à tenir compte de la métaphysique d’un peuple, ou à ignorer ce peuple dans son expression la plus élevée. […] Ainsi, pour avoir fait l’homme trop passif et presque exclusivement sensitif, il ne sait plus comment résoudre le problème du langage ; et comme Rousseau, et depuis M. de Bonald, il le résout par le deus machina. L’institution du langage, selon Herder, est d’institution divine : contresens manifeste dans un ouvrage où tout ce qui est de l’homme est expliqué humainement.

897. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

À le voir passer si souvent tout près de l’éclat en l’évitant, et si en garde contre toute magie, même celle du langage, on ne peut s’empêcher de faire la comparaison de lui à tant d’autres, qui ont du talent, mais aussi la montre et l’emphase du talent. […] L’idée d’étudier le vieux français, de remonter au-delà d’Amyot, de Montaigne et de Rabelais, ne vint que tard ; le grand siècle se suffisait à lui-même ; les grands écrivains des règnes de Louis XIV et de Louis XV se trouvaient trop bien chez eux, surtout en fait de langage, pour sentir le besoin d’en sortir. […] Littré, tout est réglé, prévu, pondéré et sentencieux ; on marche de loi en loi, on est dans la philosophie historique du langage.

898. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Dès les premières pages, voilà des développements de morale imités des anciens, des dissertations spéciales sur l’amour, l’amitié, la jeunesse et la vieillesse, relevées d’allusions hardies aux mœurs et aux abus de l’époque ; voilà des épisodes en langage burlesque, de l’histoire sacrée et profane, qui viennent comme exemples à l’appui des raisons morales. […] Les premiers demandent grâce pour sa jeunesse, pour son érudition, « telle, disent-ils, qu’il n’est personne qui puisse lui être comparé dans la langue française. » Quelques-uns prétendent qu’on se trompe sur ses intentions ; que, sous cette prétendue licence de langage, se cache un profond esprit de pénitence ; d’autres l’approuvent énergiquement d’avoir dit la vérité à tout le monde, nobles, gens d’Église, peuple. […] De même, quelle élégance précoce de langage peut valoir l’accent et la nouveauté de ces couplets du Grand Testament, où Villon parle de la fuite rapide de sa jeunesse, de ses fautes, de la mort qui égale tout le monde : Je plaings le temps de ma jeunesse, Auquel j’ay plus qu’autre galle (fait-le, libertin) Jusque à l’entrée de vieillesse Car son partement (départ) m’a celé (échappé).

899. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Ils n’ont pas d’éclat extérieur, ils ne flattent pas, ils sont sérieux et sévères, ils ne rient pas, ils parlent un langage difficile et que la multitude n’entend pas, celui de la raison. […] Ceux-là seuls parlent au peuple un langage intelligible qui s’adressent à ses passions ou qui s’intitulent ducs ou comtes. […] Nous usons la force pour conserver à tous le droit de radoter à leur aise ; ne vaudrait-il pas mieux chercher à parler raison et enseigner à tous à parler et à comprendre ce langage ?

900. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

L’être intelligent ne fait que s’exprimer à lui-même, dans le langage de la conscience claire, ce perpétuel essor en avant de la vie, qui se retrouve dans la nature entière. […] Quand un animal est mordu par un autre, il tâche de le mordre à son tour ; voit-il un autre animal grincer des dents, il s’attend à être mordu et grince des dents à son tour : voilà tout le langage dont il dispose, langage d’action qui accomplit ce qu’il signifie en même temps qu’il le signifie.

901. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

quand j’ai franchi le seuil du temple sombre, Dont la seconde nuit m’ensevelit dans l’ombre ; Quand je vois s’élever entre la foule et moi Ces larges murs pétris de siècles et de foi ; Quand j’erre à pas muets dans ce profond asile, Solitude de pierre, immuable, immobile, Image du séjour par Dieu même habité, Où tout est profondeur, mystère, éternité ; Quand les rayons du soir, que l’Occident rappelle, Éteignent aux vitraux leur dernière étincelle, Qu’au fond du sanctuaire un feu flottant qui luit Scintille comme un œil ouvert sur cette nuit ; Que la voix du clocher en sons doux s’évapore ; Que, le front appuyé contre un pilier sonore, Je la sens, tout ému du retentissement, Vibrer comme une clef d’un céleste instrument, Et que du faîte au sol l’immense cathédrale, Avec ses murs, ses tours, sa cave sépulcrale, Tel qu’un être animé, semble, à la voix qui sort, Tressaillir et répondre en un commun transport ; Et quand, portant mes yeux des pavés à la voûte, Je sens que dans ce vide une oreille m’écoute, Qu’un invisible ami, dans la nef répandu, M’attire à lui, me parle un langage entendu, Se communique à moi dans un silence intime, Et dans son vaste sein m’enveloppe et m’abîme ; Alors, mes deux genoux pliés sur le carreau, Ramenant sur mes yeux un pan de mon manteau, Comme un homme surpris par l’orage de l’âme, Les yeux tout éblouis de mille éclairs de flamme, Je m’abrite muet dans le sein du Seigneur, Et l’écoute et l’entends, voix à voix, cœur à cœur. […] Le divers langage des hôtes du désert nous paraît calculé sur la grandeur ou le charme du lieu où ils vivent et sur l’heure du jour à laquelle ils se montrent. […] Plusieurs tyrans ont eu des traces de sensibilité sur le visage et dans la voix, et ils affectaient au dehors le langage des malheureux qu’ils songeaient intérieurement à déchirer.

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