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989. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

L’âme de Nietzsche si vibrante, si clairvoyante par instants, est pleine de séductions, l’esprit de Nietzsche, je m’en défie. […] Wagner le déchire à chaque instant par la force même de son génie ; c’est à peine si Parsifal, œuvre de vieillesse, est un chant de douleur, mais comme il y a plus de joie véritable dans l’œuvre de Wagner, dans les Maîtres Chanteurs, dans Siegfried, même dans Tristan et Tannhäuser, que dans les pages les plus riantes de Nietzsche !

990. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

« Comme un violent cours d’eau qui, rencontrant un obstacle infranchissable, renonce à son cours direct et se détourne, la pauvre fille, n’ayant aucun moyen de dire son amour à celui qu’elle aimait, se rabattait sur des riens : obtenir un instant son attention, ne pas être pour lui la première venue, être admise, à lui rendre de petits services, pouvoir s’imaginer qu’elle lui était utile, cela lui suffisait. « Mon Dieu, qui sait ? […] J’aurais dû la surveiller davantage, entrer mieux dans ses pensées ; mais, toujours mélancolique, elle m’échappait. » Il révéla le mystère ; un instant après, on rapportait au presbytère le linge qui avait été volé.

991. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Mêlée par instants aux bruits de la tempête, s’exhale une clameur puissante et triste, une clameur qui est à la fois un sanglot et un appel. […] Il y a dans ce chœur une analogie évidente avec la chanson joyeuse qui a nargué un instant la tempête de l’ouverture.

992. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

Puis les voix se désunissent ; elles cherchent des attitudes nouvelles, tantôt les quittent après un instant, tantôt s’y attardent, par d’adorables modulations. […] Tantôt il répète le refrain de la chanson marine ; tantôt il esquisse ce thème d’amour maladif, inéluctable, d’une modalité chromatique, qui, dans un instant, va s’élargir et enflammer tout le drame.

993. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Ils s’égaient un instant à regarder « les eaux dansantes » des petits ruisseaux s’échapper, enfants joueurs, de la fontaine maternelle. […] D’un geste à chaque instant varié, et toujours noble, et toujours évocateur, il nous montre les empires qui grandissent et les décadences, les églises qui triomphent ou qui se meurent : Les Tribuns ont couvert la voix des patriarches Qui, des cathèdres d’or, outragés au Concile, Entraînent dans leur robe où choit leur pas sénile Les grands flambeaux éteints qui roulent sur les marches.

994. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

. — J’entre ici un instant, fait-elle. […] — Je vais entrer un instant à Notre-Dame-de-Lorette… Au fait, on m’a dit que vous étiez un vieillard ?

995. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Marie Tudor est reine et amante ; en Gwynplaine la laideur physique offusque la beauté morale ; le forçat 24601 devient en quelques heures le plus noble des hommes, et le sultan Mourad, toujours inexorable à tous, eut un instant pitié d’un porc. […] Que l’on ajoute encore à toutes ces scènes certains portraits pleins d’ombre et de réticence, dont le plus grand exemple est la silhouette bizarre, sacerdotale et scélérate du docteur Geestemunde, certains ensembles brouillés et confus, la perception subtile du trouble d’une société à la veille d’une émeute, de cet instant des batailles où tout oscille : La ligne de bataille flotte et serpente comme un fil, les traînées de sang ruissellent illogiquement, les fronts des armées ondoient, les régiments entrant ou sortant, font des caps ou des golfes, tous ces écueils remuent continuellement les uns devant les autres… les éclaircies se déplacent ; les plis sombres avancent et reculent ; une sorte de vent du sépulcre pousse, refoule, enfle et disperse ces multitudes tragiques… Enfin que l’on considère cette tendance poussée à bout, que l’on fasse l’énumération de tous ces poèmes douteux où M. 

996. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Les généreuses illusions sont toutes brûlantes au premier moment dans l’âme du peuple ; elles animent les premiers orateurs qui sortent du sein de ce peuple ; elles élèvent un instant ce peuple au-dessus de lui-même. […] Au banquet de la vie à peine commencé, Un instant seulement mes lèvres ont pressé         La coupe en mes mains encor pleine.

997. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

L’instant viendra où je ferai paraître cette bruyante cohorte, armée de pied en cap et prête à mourir en défendant son chef. […] Retiré d’un monde que je dois connaître, je ne vis plus que dans mes souvenirs ; et comme je n’ai dû mes instants de bonheur et de chagrins qu’aux péripéties de la scène française, il n’est pas étonnant que dans mon intérêt, qui est celui de tous les auteurs et des comédiens, je vous adresse paternellement de justes reproches.

998. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Et Moréas, qui s’était peut-être un peu avancé, avec sa fougue ordinaire, et qui avait peut-être dit de confiance quelque chose à quoi il ne croyait pas beaucoup, Moréas avait raison : il y a de très beaux vers dans le Quinquina, et je vous les lirai dans un instant. […] Le parasite, pourvu qu’il soit aimable avec le maître de la maison, pourvu qu’il flatte ses goûts, ses manies, et pourvu qu’il montre à chaque instant à quel point le patron est un homme supérieur, le parasite est plus maître dans la maison que le maître de la maison lui-même, et il est ce que tu me vois être, gros et gras, frais et la mine vermeille, admirablement vêtu et faisant l’envie de tous les honnêtes gens…. » Ce passage, très amusant, est d’une philosophie historique fort curieuse.

999. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

V Ce n’est pas, du reste, la seule opinion qui diffère en moi de l’opinion de ces Corybantes forcenés, qui dansèrent si longtemps la Hugo, cette danse sacrée qui un instant remplaça la danse Saint-Guy… Une pièce intitulée Vision, qui ouvre, c’est vrai, le volume avec une majesté grandiose, a fait, selon moi, beaucoup trop croire à la toute-puissance visionnaire du poète (dans le sens prophétique et divinement inspiré du mot). […] Victor Hugo entasse des montagnes de grosses choses, d’énormités et de pathos, sur ce fil de la Vierge étincelant et flottant, et ce fil ne se rompt jamais et ne perd pas un seul instant de sa mollesse et de sa grâce.

1000. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Pour l’instant, tout à ce travail de préparation, tout au scrupule d’une formation littéraire sérieuse, tout à la recherche du beau, et par la forme pure qui plaît, et par l’idée de vérité qui touche, je ne me laisserai pas emporter par le tourbillon du siècle, ni tenter par le désordre universel, cet orgueil de vouloir devancer les saisons que la Providence a fixées aux mondes, ce défaut dont vous savez bien que la société souffre, s’énerve et s’anémie. […] L’instant était trop solennel, sa gravité m’étreignait.

1001. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

J’aime mieux essayer de les faire sentir que de repasser sèchement toutes les grandes batailles où il fut un des vigoureux artisans, Austerlitz, Auerstaedt, Eylau, Eckmuhl, Wagram, Smolensk, la Moskowa : — une intrépidité de premier ordre, cela va sans dire ; — l’affection de ses troupes qui lui permettait de tirer d’elles de merveilleux surcroîts de fatigue et des combats acharnés au sortir des marches les plus rudes : — « Cet homme me fera toujours des siennes », disait l’empereur, en apprenant une de ces marches sans exemple à la veille d’Austerlitz ; — l’habileté des manœuvres et le coup d’œil sur le terrain, le tact qui lui faisait sentir l’instant décisif, ce talent pratique qui est du tacticien et du capitaine, et qui montre l’homme né pour son art (cela se voit surtout dans sa conduite à Auerstaedt, à Eckmuhl) ; — oser prendre, au besoin, la responsabilité de ses mouvements dans les circonstances critiques, sans se tenir à la stricte exécution des ordres ; et, quand il se bornait à les exécuter, une activité sans trêve.

1002. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « À M. le directeur gérant du Moniteur » pp. 345-355

Oui, je suis effrayé, mon cher directeur, et vous en comprendrez les raisons si vous voulez bien vous mettre un instant à ma place, et me laisser vous rappeler tout ce qui s’est passé à la suite de l’article, mêlé de critique et d’éloge, que j’ai écrit sur Fanny 63.

1003. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers »

Cependant sa marche, si inutile pour le moins, avait même été nuisible un instant.

1004. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers (suite) »

Pour ceux qui cherchaient à y lire, le visage de Napoléon, en cet instant difficile, ne paraissait respirer que la confiance.

1005. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

Heureux après tout, heureux homme, pourrions-nous dire, qui a consacré toute sa vie à d’innocents travaux, payés par de si intimes jouissances ; qui a approfondi ces belles choses que d’autres effleurent ; qui n’a pas été comme ceux (et j’en ai connu) qui se sentent privés et sevrés de ce qu’ils aiment et qu’ils admirent le plus : car, ainsi que la dit Pindare, « c’est la plus grande amertume à qui apprécie les belles choses d’avoir le pied dehors par nécessité. » Lui, l’heureux Dübner, il était dedans, il avait les deux pieds dans la double Antiquité ; il y habitait nuit et jour ; il savait le sens et la nuance et l’âge de chaque mot, l’histoire du goût lui-même ; il était comme le secrétaire des plus beaux génies, des plus purs écrivains ; il a comme assisté à la naissance, à l’expression de leurs pensées dans les plus belles des langues ; il a récrit sous leur dictée leurs plus parfaits ouvrages ; il avait la douce et secrète satisfaction de sentir qu’il leur rendait à tout instant, par sa fidélité et sa sagacité à les comprendre, d’humbles et obscurs services, bien essentiels pourtant ; qu’il les engageait sans bruit de bien des injures ; qu’il réparait à leur égard de longs affronts.

1006. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

Quand Béranger dit que « le pouvoir est une cloche qui empêche ceux qui la mettent en branle d’entendre aucun son ; » et ailleurs « qu’il est des instants, pour une nation, où la meilleure musique est celle du tambour qui bat la charge ; » et encore, lorsqu’il compare les prétendus faiseurs de la révolution de Juillet à ces « greffiers de mairie qui se croiraient les pères des enfants dont ils n’ont que dressé l’acte de naissance ; » cela me paraît étonnamment rentrer dans le goût des locutions familières à Franklin.

1007. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) »

Il n’y avait donc qu’une volonté de tous les instants qui pût le diriger et le maintenir dans la première route chrétienne où sa muse de dix-neuf ans s’était lancée.

1008. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, romans (1832) »

Musmédon est corrompu, donc il l’est à tous les degrés et dans tous les cas, sans un seul vestige de bon mouvement, ou même, par instants, d’indifférence.

1009. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

Ainsi, selon lui, le soleil de ses lettres de feu blasonne les coteaux ; la lune, glissant à travers le feuillage, d’une dentelle errante estampe les gazons ; ainsi, démontrant à Maria les richesses du ciel, il parle de ces tableaux qui, dans les nuages, Changent à chaque instant leur magique hypallage.

1010. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « FLÉCHIER (Mémoires sur les Grands-Jours tenus à Clermont en 1665-1666, publiés par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont.) » pp. 104-118

Lorsqu’il est à bout de toutes ces pédanteries d’étiquette et de toutes ces pendaisons, M. de Caumartin écrit à son ami, le joyeux Marigny, pour se relâcher un instant : mais en tout il représente là-bas la bienséance et l’humanité même.

1011. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Appendice sur La Fontaine »

Que Boileau n’ait pas rougi d’avancer (comme Monchesnay et Louis Racine l’assurent) que ce style n’appartient pas en propre à La Fontaine, et n’est qu’un emprunt de Marot et de Rabelais, nous répugnons à le croire ; ou, s’il l’a dit en un instant d’humeur, il ne le pensait pas.

1012. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Victor Vousin. Cours de l’histoire de la philosophie moderne, 5 vol. ix-18. »

Cousin de cette philosophie première, mais on sent qu’elle a des ailes. » Elle en eut en effet dès sa naissance ; dans ce premier Discours d’ouverture du 7 décembre 1815, où Reid très-amplifié apparaît comme un grand régénérateur et comme celui qui est venu mettre fin au règne de Descartes, dans ce Discours où éclatent à tout instant une parole et un souffle plus larges que la méthode même qui y est proclamée, on croit entendre encore les applaudissements qui durent saluer cette péroraison pathétique par laquelle, au lendemain des Cent-Jours et avant l’expiration de cette brûlante année, le métaphysicien ému se laissait aller à adjurer la jeunesse d’alors : « C’est à ceux de vous dont l’âge se rapproche du mien que j’ose m’adresser en ce moment ; à vous qui formerez la génération qui s’avance ; à vous l’unique soutien, la dernière espérance de notre cher et malheureux pays.

1013. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — III »

La puissance encore indomptée de la nature accablait à chaque instant son activité gauche, inégale, sans cesse refoulée sur elle-même ; la férocité des monstres sauvages, l’inclémence des éléments, les déluges, apportaient de tous les points de l’horizon l’effroi et la haine à cet être qui était fait pour aimer.

1014. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

., qui, à ce qu’on assure, existent toujours, n’auraient rien de mieux à faire, au lieu des motions et harangues empruntées au portefeuille d’Anacharsis Clootz, que d’expédier dès demain, par les villages, quelques chanteurs ambulants, avec ordre de ne quitter chaque endroit que lorsque deux ou trois garçons des plus éveillés sauraient les quatre ou cinq chansons magiques : il sera mémorable, l’instant où la population de la France les redira en chœur.

1015. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

C’est le nom d’un chef cosaque zaporogue, et, dans ce caractère sauvage, féroce, grandiose et par instants sublime, le romancier a voulu nous offrir un portrait de ce qu’étaient encore quelques-uns de ces chefs indépendants des bords du Dnieper durant la première moitié du xviie  siècle, date approximative à laquelle se rapportent les circonstances du récit : « C’était, dit-il, un de ces caractères qui ne pouvaient se développer qu’au xvie  siècle, dans un coin sauvage de l’Europe, quand toute la Russie méridionale, abandonnée de ses princes, fut ravagée par les incursions irrésistibles des Mongols ; quand, après avoir perdu son toit et tout abri, l’homme se réfugia dans le courage du désespoir ; quand sur les ruines fumantes de sa demeure, en présence d’ennemis voisins et implacables, il osa se rebâtir une maison, connaissant le danger, mais s’habituant à le regarder en face ; quand enfin le génie pacifique des Slaves s’enflamma d’une ardeur guerrière, et donna naissance à cet élan désordonné de la nature russe qui fut la société cosaque (kasatchestvo).

1016. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Préface de la seconde édition » pp. 3-24

Les lettres latines qui nous restent d’Héloïse ne peuvent pas soutenir un instant la comparaison avec le ravissant langage que Pope lui a prêté dans son épître.

1017. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

Il prévoit, il devine, il accommode, il relie, d’instinct, comme un insecte qui court en un instant aux quatre coins de sa toile, et n’attache un fil qu’en sentant trembler tout le réseau.

1018. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre III. L’antinomie dans la vie affective » pp. 71-87

Stirner se méfie de ses propres désirs comme de ses propres idées ; il traitera en ennemi, dans un instant, le désir, le sentiment présent.

1019. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

Pour l’instant, il se contente de révolutionner Charles Buet par l’imprévu de ses cravates et de dépiter Jean de Mitty par l’inégalable fantaisie de ses gilets.

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