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721. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Un savant homme, qui s’est appliqué depuis à l’histoire des sciences dans l’antiquité, M.  […] Hauréau dans son Histoire littéraire du Maine ; mais la Savoie, que Peletier avait visitée et chantée, le dispute aux Manceaux, le revendique pour fils adoptif, et M. Joseph Dessaix, en faisant réimprimer le poème de Peletier intitulé la Savoye, dans les Mémoires de la Société d’histoire de Ghambéry (1856), en a préconisé de tout point l’auteur. […] Un travail d’un tout autre genre, et qui offre un caractère didactique, est un Essai sur l’histoire de la Versification française au xvie  siècle, que M.  […] Histoire d’une grande ingratitude, tel est le titre qu’il faudrait donnera une histoire de cette singulière période.

722. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Le comte de Ségur »

M. de Ségur nous fait toucher en mainte page de ses Mémoires la réunion de circonstances favorables qui rendait comme unique dans l’histoire ce moment d’illusion et d’espérance. […] Sous ce titre un peu indécis, l’auteur n’avait sans doute cherché qu’un cadre pour retracer l’histoire des préliminaires de notre Révolution, ses diverses phases au dedans et ses contre-coups au dehors jusqu’à l’époque de la paix de Bâle. […] C’est alors qu’il composa son Histoire universelle, simple, nette, instructive, antérieure à bien des systèmes et à bon droit estimée. Dans une Lettre à mes enfants et à mes petits-enfants, placée en tête du manuscrit de cette Histoire tout entier écrit de la main de madame de Ségur, on lit ces paroles touchantes : Paris, ce  1er décembre 1817. […] Cependant la ruine de ma fortune me rendait le travail indispensable ; je me décidai à écrire cet ouvrage ; et, pour me conserver la vue, ma femme, votre tendre et vertueuse mère, … élevée dans toutes les délicatesses du grand monde, âgée de soixante ans, presque toujours souffrante, … me servant de secrétaire avec une constance et une patience inimitables, a écrit de sa main, d’abord toutes les notes qui m’ont servi à rédiger, et ensuite tout ce livre : ainsi toute cette Histoire universelle a été tracée par sa main… » Cette Histoire universelle qui aboutissait à la fin du Bas-Empire avait pour suite naturelle une Histoire de France, et M. de Ségur se décida à l’entreprendre : il l’a poussée jusqu’au règne de Louis XI inclusivement.

723. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Puis, vers 1180, un poète allemand, Henri le Glichezare, faisait de l’histoire de Renart un poème suivi, qui semble attester que les récits français tendaient déjà à se grouper dans un certain ordre. […] Mais l’histoire typique qui fonde la moitié des fabliaux, réunit les trois acteurs, le vilain, bourgeois ou (rarement) chevalier, le clerc, écolier, sacristain ou curé, la femme, toujours alliée de qui la flatte contre qui lui commande. L’histoire ne serait pas complète, en général, si les coups ne s’en mêlaient. […] Quelques thèmes plus rares et moins grossiers, au moins extérieurement, sont des histoires d’amour, mêlées ou non de merveilleux, qui font comme la transition entre les lais de Marie de France et les fabliaux bourgeois. […] Vraiment, toutes ces histoires ne sont que fantaisie, et ne représentent exactement qu’une chose : la jovialité française, le tour d’imagination frivole et grossier qui était apte à produire et goûter ces histoires.

724. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Bossuet sème ses discours chrétiens de latinismes, et quand il résume à l’usage de son royal élève l’histoire de l’humanité, c’est le peuple romain qu’il comprend le mieux et admire le plus. […] Une dernière preuve de ce dédain pour ce qui est purement individuel, c’est la façon dont on conçoit alors l’histoire. […] Mais une formule est, de sa nature, sèche et rigide comme la science ; et l’histoire, surtout l’histoire d’une littérature, ne peut pas être seulement scientifique ; elle doit être en sus. quelque chose de souple, de vivant, de littéraire. […] Une histoire n’est pas un catalogue, un dictionnaire. […] Voir Augustin Thierry, Considérations sur l’histoire de France, chapitre I.

725. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Nisard I Études de critique littéraire ; Études de littérature et d’histoire [I-IV]. […] Ainsi, dans son morceau sur l’Histoire de la Convention par M. de Barante, par exemple, c’est le sentiment de l’historien qu’il examinera, parce qu’il le partage, ce ne sera pas l’œuvre et la forme de son histoire. […] Désiré Nisard est un écrivain d’idées très fines et de nuances très variées, qui, de préférence et d’instinct, est allé aux hommes de nuances dans l’histoire, comme Mélanchton ou Érasme, pour les peindre et les expliquer. […] pas écrit, dans les Études d’histoire et de littérature, les pages sur Bossuet, Bourdaloue, Massillon, les plus belles pages, sans aucun doute, qu’aient encore inspirées ces grands hommes, car qui n’est que littéraire n’aura jamais le sens réel et profond d’hommes pareils. […] Et ce sera parfaitement sûr : nous aurons une histoire· Trelawney aura envoyé ingénieusement chercher un verre d’eau, un innocent verre d’eau à l’office par Fletcher, qui aurait pu lui en faire un avec ses larmes, quand il gardait pieusement le corps de son maître, et pendant que le bonhomme aura le dos tourné, le malicieux M. 

726. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVII » pp. 306-312

histoire du consulat et de l’empire, par m. thiers. — article de m. villemain sur cet ouvrage. — esprit des institutions militaires, par le duc de raguse. — mort d’alexandre soumet. — jules de rességuier. — latour de saint-ibar. — virginie. La grande nouvelle littéraire, l’unique nouvelle est la publication des trois volumes de l’Histoire du Consulat par M. […] Thiers : il y a, sans aucune affectation, la dignité convenable à l’histoire. […] L'écrivain, qui avait d’abord visé à plus de concision, est revenu à sa facilité extrême ; et c’est par ce seul côté peut-être que l’entière dignité de l’histoire n’est point remplie.

727. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

Ce roman est une pastorale allégorique dans laquelle l’auteur a décrit ses propres amours dégagés de toute idée grossière, et où, « par plusieurs histoires et sous personnes de bergers et d’autres, sont déduits les divers effets de l’honnête amitié ». […] Cette histoire de d’Urfé était fort répandue, comme toutes les anecdotes scandaleuses. À peine le Ier volume de L’Astrée parut, qu’on y reconnut, dit Patru, une pastorale allégorique , un assemblage d’histoires des amours de d’Urfé avec Marguerite de Valois, avec Diane de Châteaumorand, et d’autres amours du temps. L’auteur, dit encore Patru, a mêlé ces histoires de fictions pour les rendre plus agréables, et les a, pour ainsi dire, romancées.

728. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Pour l’histoire littéraire, un seul fait demeure acquis, c’est que la comédie de M.  […] Le fait est que toutes ces histoires sont d’une monotonie désespérante. […] Par un effort magnifique, Corneille y galvanise l’histoire ancienne, en la francisant ; et Racine y met toute la psychologie de son époque. […] Je ne crois guère à l’efficacité de « l’histoire authentique » pour la persuasion des spectateurs. […] La vérité psychologique, dans la libre création, avec ou sans histoire, voilà la seule exigence possible.

729. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Gabriel Charmes connaissait bien l’histoire de l’Orient. […] — de notre histoire nationale. […] Ammann, professeur d’histoire, et M.  […] Elle lui raconta son histoire. […] Mais cette histoire, nous ne la possédons pas.

730. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

L’histoire de ses premières pièces n’est en effet que l’histoire de ses premiers tâtonnements. […] Elles sont l’aboutissement naturel de ces histoires d’âmes romanesques. […] Ils ont fait l’histoire du costume et de l’ameublement. […] C’est déjà de l’histoire d’hier ; c’est presque du passé. […] Daudet ne concevait le roman de mœurs modernes qu’à la façon de ses devanciers, comme l’histoire des inconnus, des obscurs dont l’Histoire ne s’occupe pas.

731. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 308-311

Il s’est exercé dans plus d’un genre, dans l’Histoire, l’Eloquence & la Traduction. […] Cette affectation inexcusable dans tout Ecrivain, plus encore dans un Ecrivain ecclésiastique, est sur-tout sensible dans ses Elémens de l’Histoire d’Angleterre, & dans ceux de l’Histoire générale. […] Cet Auteur a publié récemment des Mémoires politiques & militaires, pour servir à l’Histoire de Louis XIV & de Louis XV, qu’il a composés sur les Pieces originales, recueillies par un Duc de Noailles, qui fut Maréchal de France & Ministre d’Etat.

732. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Puis, un jour, les âmes voulurent n’être plus séparées de l’histoire par ce narrateur : l’histoire fut présentée devant eux, agie par des hommes vivants, sur un théâtre. […] Taine, l’histoire du règne de Napoléon Ier. […] Et qu’est-ce que l’histoire ? […] Mais le chef-d’œuvre, parmi ces charmantes histoires, est l’histoire d’Hamlet. […] Gibier, docteur en médecine, naturaliste au Muséum d’histoire naturelle.

733. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Le ton sévère de l’histoire se mêle à celui de l’hymne, de l’épopée et de l’ïambe. […] Ce serait affaire de théologie plus que d’histoire morale. […] Je n’ai pas besoin de vous dire la conclusion de l’histoire. […] Qu’importe l’histoire d’un personnage ! […] C’est une histoire à attendrir les rochers.

734. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Ces traditions sans origine connue, qui se transmettent de livre en livre, forment, à côté de l’histoire authentique, une sorte d’histoire légendaire qui l’explique et la confirme. […] La tragédie, qui emprunte ses personnages aux traditions héroïques ou à l’histoire, peut naître et fleurir même aux époques d’agitation politique. […] Singulier flatteur, chez qui l’histoire ne saurait note un vers à l’excuse de ce qu’elle reproche à Louis XIV ! […] Je ne sais en quel pays ni en quelle histoire on trouverait un second exemple d’un flatteur de roi, touché de scrupules si élevés et si délicats. […] En nommant Bossuet précepteur du dauphin, Louis XIV provoqua le Discours sur l’histoire universelle.

735. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M.  […] Géruzez), l’a cité deux fois à ce sujet dans son Histoire de la Littérature française. […] C’est bien assez que ce Mémoire soit curieux pour l’histoire de la Fronde. […] que l’histoire littéraire est donc difficile à établir et à maintenir dans ses lignes délicates, et qu’il y aura d’à-peu-près et de contresens qui s’y glisseront de plus en plus ! […] Cousin, Livet, Amédée Roux, etc., etc., faire à son tour une histoire du monde poli d’alors.

736. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

Cet historien avait fait ses preuves d’avance et comme gagné son titre en tirant des papiers conservés dans le Dépôt de la guerre sa belle et solide Histoire de Louvois. […] Ainsi, en réservant à l’égard de l’un de leurs ancêtres toute notre liberté de jugement, nous n’avons pas même à demander excuse ; nous ne faisons qu’user du droit de l’histoire. […] L’histoire peut faire aisément la digne et la fière en se tenant aux documents et pièces d’État dont elle dispose ; mais la littérature anecdotique, quand elle s’appuie sur des faits circonstanciés et des particularités prises sur le vif, a aussi ses droits devant l’histoire. […] Lemontey, au chapitre II de son Histoire de la Régence, a dit : « Le duc de Noailles, en dirigeant les finances, était de fait un premier ministre, et l’on pouvait également tout craindre ou tout espérer de ce choix hasardeux. […] Toutes ces lettres sont à lire et à noter, même pour l’histoire de la langue.

737. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Je n’ai pas à raconter ici la querelle des anciens et des modernes : on en trouvera le détail dans l’ouvrage bien connu de Rigault, comme l’Histoire de la Critique de M.  […] Il y avait là en germe l’idée d’une histoire générale de la civilisation, et d’une histoire particulière de chaque ordre de connaissances. […] Les anciens sont inférieurs dans l’histoire : ils y mettent des harangues qui ne sont pas vraies, ils feraient mieux de dater les événements. […] Ainsi ni l’épopée, ni l’éloquence, ni l’histoire, ni la satire, ni l’élégie n’ont atteint en France la même hauteur qu’à Rome. […] Quand Boileau eut mis les genres en relation avec les langues, il s’arrêta : là, en effet, il était sur le seuil même de la littérature ; la philologie, l’histoire, s’ouvraient devant lui.

738. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Les mérites de Garnier et de Montchrétien intéressent l’histoire de la poésie française : celle du théâtre n’a rien pour ainsi dire à y voir. […] Au fond, pour lui comme pour Régnier, comme pour D’Aubigné, Ronsard, par une illusion dont l’histoire littéraire offre plus d’un exemple, Ronsard était devenu le représentant de la liberté de l’art, du facile et fécond naturel, contre Malherbe et contre les puristes tyrans du vers et de la langue. […] Outre son agrément infini, que Balzac signalait si bien, outre le pathétique des situations et la beauté des vers, le Cid eut le mérite de fixer la notion de la tragédie classique ; et c’est par là qu’il est une date considérable dans l’histoire de l’art. […] Pour tout le xvie et le xviie s., les frères Parfaiet, Histoire du Théâtre Français, 15 vol. in-12, 1735 et suiv. […] Hardy et le Théâtre français, in-8, Paris, 1839 ; Esquisse d’une Histoire des théâtres de Paris, de 1548 à 1635.

739. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Ce poète, pas plus qu’Homère, n’a inventé les sujets qu’il célèbre ; il les a puisés dans la tradition, dans les légendes et ballades populaires, et il en a fait un corps de poème qui, pour ces temps reculés, supplée en quelque manière à l’histoire. […] Il voyait que le monde s’était repris d’amour pour les histoires des anciens héros. […] Déjà un jeune homme doué d’une langue facile, d’une grande éloquence et d’un esprit brillant, avait annoncé le dessein de mettre en vers ces histoires, et le cœur de tous s’en était réjoui. […] Le poète raconte toute l’histoire des premiers rois de Perse, des fondateurs de dynasties, telle qu’elle s’est transmise et transfigurée dans la mémoire, pleine d’imagination et de féerie, de ces peuples orientaux. […] La moralité que tire le poète de cette histoire pleine de larmes est tout antique, tout orientale.

740. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 38, que les peintres du temps de Raphaël n’avoient point d’avantage sur ceux d’aujourd’hui. Des peintres de l’antiquité » pp. 351-386

Ces vignettes representent des hommes, des animaux, des bâtimens, des chasses, des ceremonies et plusieurs points de l’histoire morale et naturelle de l’égypte ancienne. […] Les connoisseurs qui ne sçavent pas l’histoire de ces deux fresques, prennent l’une pour être de Raphaël, et l’autre pour être du Correge. […] C’est de là que le cardinal Massimi avoit tiré les quatre morceaux qui passent pour representer l’histoire d’Adonis, et deux autres fragmens. […] L’auteur spirituel de qui j’emprunte cette histoire, vante encore principalement la composition poëtique d’un tableau de Zeuxis, représentant la famille d’un centaure. […] Qui ne connoît pas le grouppe célebre qu’on voit encore à la vigne Ludovise, et qui représente un évenement célebre dans l’histoire romaine, l’avanture du jeune Papirius.

741. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

Mais l’Histoire contemporaine qui était là sous sa main, ce maniaque d’Histoire, qui a fait de l’Histoire Romaine, l’a laissée sottement échapper ; et c’est là le grand reproche que lui feront les esprits friands d’anecdotes, les chasseurs aux documents historiques, en voyant qu’il n’y en a pas trois, de ces anecdotes et de ces documents, qu’on puisse citer. […] On y cherchait, sinon une histoire, au moins des documents pour l’Histoire. […] Accepté par l’opinion comme un homme de talent, d’un talent volontaire, retors, efforcé et sans enthousiasme, il passait, dans cet odieux siècle pratique, pour ce qu’on appelle, en clignant de l’œil, un malin, et il avait eu l’avantage de vivre à la cour de Napoléon III sur un pied excellent pour en écrire, sans illusion, l’histoire. […] Il n’est, lui qui fait l’historien, que l’imbécile en Histoire qui dit de ces formidables bêtises : « Les Romains avaient sur nous cet avantage de dire la messe eux-mêmes, au lieu de payer un étranger pour cela !  […] Cette tête de conteur d’histoires, qui n’a jamais fait véritablement grand dans ses romans et dans ses drames, avait la tête trop petite pour contenir une idée générale ou une philosophie quelconque.

742. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Appendice. »

Son infatigable activité d’esprit ne se confinait pas à une sphère ; il entrait dans toutes : histoire, critique, érudition, politique, et la philosophie enfin, qui fut longtemps sa place forte et son quartier général avec drapeau. […] Cousin, d’ailleurs, s’accoutuma de bonne heure à ne jamais séparer de la philosophie l’histoire, et par ce côté, du moins, on a un pied solide et l’on se sauve toujours. […] Cousin en était venu à s’occuper d’histoire au sens le plus sévère du mot ; il s’était attaché à Mazarin ; il tenait à éclaircir et à expliquer jusqu’à la dernière précision, jusqu’à la minutie même, certaines circonstances de la vie du grand négociateur. […] Elle en avait retracé quelques-uns dans un écrit assez court, qu’un très-petit nombre seulement de ses amis particuliers ont pu lire et qui, nous l’espérons, ne sera point perdu pour l’histoire contemporaine. […] La publication d’un volume de l’Histoire de la Restauration par M. de Viel-Castel me l’offrit naturellement (voir tome IV des Nouveaux Lundis, page 280).

743. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

Sans géographie l’histoire n’existe pas, la politique est aveugle, la guerre ne sait ni attaquer ni défendre, la paix ignore sur quels fleuves, sur quelles mers, sur quelles montagnes il faut construire ses forteresses ou asseoir ses limites ; la navigation ne peut se servir de ses boussoles, le commerce s’égare sur les océans, inhabile à découvrir quelles sont les productions ou les consommations qu’il doit emprunter ou porter aux climats divers dont il ne connaît ni la route, ni les richesses, ni les besoins, ni les langues, ni les mœurs, ni les philosophies, ni les religions. […] L’ancienne France suffisait à elle-même et au monde ; l’histoire change avec la géographie. […] Vaut-il la peine d’écrire son histoire ? […] À chacune de ces superficies géographiques j’appliquerais la partie de l’histoire qui lui donne sa signification, son caractère, sa corrélation avec les peuples voisins, avec les temps, avec les idées, les religions, la politique de telle ou telle date du globe. […] Dufour et Le Chevalier a créé, pour abréger le globe et pour l’éclairer sur toutes ses faces, afin que les lieux racontent les choses, que les choses rappellent les hommes, que les hommes retracent leur histoire, que les cosmos soient contenus dans quinze ou vingt pages in-folio, et que ces quinze ou vingt pages, muettes jusqu’ici, mais rendues tout-à-coup plus éloquentes qu’une bibliothèque, soient devenues la photographie parlante du monde où nous passons sans le connaître, mais qui nous dira lui-même, pendant que nous passons, ce qu’il fut, ce qu’il est, ce qu’il sera ?

744. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

On n’essayait pas de voir, par l’histoire, la vie de ces grands peuples ; on oubliait totalement quelle place l’art avait tenue dans leur civilisation. […] Tandis que d’autres travaillaient sur les langues, sur l’histoire, sur la religion, sur la science de l’antiquité, le comte de Caylus614, un original de vif esprit et de puissante curiosité, faisait de l’archéologie son domaine. […] Il était important de signaler le courant qui porte les esprits de nouveau vers l’art gréco-romain : nous découvrons ainsi les origines, la place d’un génie original que, sans cette étude préalable, on ne sait où loger dans l’histoire de notre littérature. […] L’Hermès aurait exposé le système de la terre, sa formation, l’apparition des animaux et de l’homme, la vie de l’homme primitif avant la constitution des sociétés, le développement des sociétés, politique, moral, religieux, scientifique : en somme, le cinquième livre de Lucrèce, refait, agrandi, développé au moyen de l’Histoire naturelle de Buffon. […] André Chénier a un rôle particulier dans l’histoire de la versification française.

745. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

… Et elles publient des livres pour le prouver ; des livres curieux de physiologie, d’histoire et de théologie, dans lesquels, toujours protestantes, elles interprètent la Bible dans le sens de leurs idées, culbutent la Genèse, démontrent que la chute d’Adam est la gloire d’Ève, à qui le serpent parla de préférence à l’homme, parce qu’elle était la plus spirituelle des deux. […] Il est, dans l’histoire de l’humanité, des époques de véritable hermaphrodisme social, où l’homme s’effémine et la femme s’hommasse, et quand ces fusions contre nature se produisent, c’est toujours, pour que l’ordre soit troublé davantage, la femelle qui absorbe le mâle jusqu’à ce qu’il n’y ait plus là ni mâle ni femelle, mais on ne sait plus quelle substance neutre, pâtée à vainqueur pour le premier peuple qui voudra se l’assimiler ! […] Mais quand elles ont le plus de talent, les facultés mâles leur manquent aussi radicalement que l’organisme d’Hercule à la Vénus de Milo, et pour le critique, c’est aussi clair que l’histoire naturelle. […] En effet, dans l’ordre des écrivains, vous chercheriez en vain une femme qui vaille, dans l’ordre des danseuses, Mlle Taglioni IV Et voilà justement ce que l’Histoire et la Critique que nous allons faire ici devront constater. […] La Métaphysique doit précéder l’Histoire, et nous devrons, avant de regarder les bas-bleus du xixe  siècle et leurs œuvres, dire à quels principes, à quelle lumière nous allumions notre flambeau.

746. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’Empire Chinois »

Cet ouvrage, que l’auteur, l’abbé Huc, missionnaire apostolique, avait fait précéder d’un autre, non moins intéressant et non moins exact, sur la Tartarie et sur le Thibet, a vivement frappé l’attention des hommes qui se préoccupent de l’Asie et de sa mystérieuse histoire. […] Comme ils le font tous, quand il le faut, ces admirables possesseurs d’eux-mêmes et de la lumière, il y tait ses contemplations intérieures, et la critique est d’autant plus à l’aise vis-à-vis de lui qu’il n’a voulu faire qu’un livre de voyage et d’histoire, et qu’il a traité le public français comme il avait traité le public chinois, quand il ne craignit pas de revêtir la magnificence orientale et quand ces humbles pieds, dont il est dit dans nos livres saints : « Qu’ils sont blancs et beaux, les pieds des envoyés du Seigneur !  […] Délicieuse et charmante histoire que cette histoire de la toilette chinoise du pauvre lazariste, par laquelle Huc commence son voyage ! […] Pour lui, comme pour nous, c’est, entre les autres symptômes de l’agonie des peuples à l’extrémité, le plus honteux indice de l’immense corruption qui gangrène la nation chinoise, — cette nation lymphatique et décrépite, dont la singularité (si grande soit-elle) ne va pas jusqu’à tomber en vertu de lois inconnues, et non plus en vertu des lois éternelles par lesquelles tous les peuples tombent dans l’Histoire ! […] Huc qui, comme Abel Rémusat, a trouvé qu’il n’y avait rien de moins immobile que l’immobile Asie, nous donne dans son livre l’histoire d’une philosophie sociale qui remua tout en Chine, dans le XIe siècle, sous la fameuse dynastie des Song, et qui a mille rapports curieux avec le Socialisme moderne de l’Occident.

747. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XV. La commedia dell’arte au temps de Molière et après lui (à partir de 1668) » pp. 293-309

La commedia dell’arte au temps de Molière et après lui (à partir de 1668) Au printemps de 1668, commence une nouvelle époque dans l’histoire de l’ancien théâtre italien. […] Mais la grande innovation qu’il faut remarquer et qui nous oblige de fixer à cette date le point de départ d’une nouvelle période dans l’histoire de la comédie italienne à Paris, c’est que ces acteurs commencent alors à insérer dans leurs pièces des scènes en français, des chansons en français, ce qui amène peu à peu une transformation complète dans leur répertoire. […] De ce moment, le théâtre italien prend aux yeux de l’histoire un intérêt d’une autre sorte ; mais il perd celui qu’il offrait pour le sujet qui nous occupe principalement ; ou plutôt la thèse se retourne pour ainsi dire : les Italiens nous imitèrent à leur tour. […] Il suffit de lire l’analyse que donnent de ce scénario les auteurs de l’Histoire de l’ancien théâtre italien, pour se convaincre que les traits de ressemblance qu’il présente avec la fameuse comédie sont d’abord tout à fait insignifiants, qu’en outre ils ne tiennent nullement, dans la farce italienne, au fond du sujet et y semblent au contraire introduits après coup ; d’où l’on peut conclure à peu près certainement que Il Basilico di Bernagasso s’est enrichi de ces traits aux dépens du Tartuffe. […] On voit ci-contre l’habit de Pierrot, tel qu’il parut en 1673, reproduit d’après la planche 18 de l’Histoire du Théâtre italien de Riccoboni.

748. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

Et premièrement, pour ne prendre qu’un des côtés de la question, au point de vue de la philosophie de l’histoire, quel est le sens de ce drame ? […] Si le double tableau que nous venons de tracer s’offre dans l’histoire de toutes les monarchies à un moment donné, il se présente particulièrement en Espagne d’une façon frappante à la fin du dix-septième siècle. […] Mais, dans l’histoire comme dans le drame, Charles II d’Espagne n’est pas une figure, c’est une ombre. […] C’est l’impression particulière que pourrait laisser ce drame, s’il valait la peine d’être étudié, à l’esprit grave et consciencieux qui l’examinerait, par exemple, du point de vue de la philosophie de l’histoire. […] Ces grandes apparitions de dynasties qui illuminent par moments l’histoire sont pour l’auteur un beau et mélancolique spectacle sur lequel ses yeux se fixent souvent.

749. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

C’est bien l’idée commune et moderne « des institutions », cette Poétique politique inventée pour se passer de grands hommes et à laquelle l’Histoire répond par tous les siens, car il n’y a pas d’autres créateurs de prospérités publiques que quelques grandes âmes isolées, et jamais ce que l’orgueil humain appelle si plaisamment « des institutions » n’a été autre chose que la petite monnaie de ces grands hommes nécessaires, disparus ! […] Nous savons bien (et c’est là une histoire éternelle) qu’il a les défauts de ses qualités, et nous, comme d’autres, nous pourrions les lui reprocher. […] et qu’on ne juge point sur une phrase tirée de l’Histoire d’Henri IV, et nous affirmerions également son injustice envers Desportes, qui n’est pas, après tout, seulement, qu’un imitateur de l’Italie. […] Demogeot a mis… ou n’a pas mis de lui-même et de ses propres opinions dans le fragment d’histoire qu’il vient de publier, l’agrément d’un pareil morceau de littérature historique est surtout dans les citations, et ces citations y sont faites avec beaucoup de discernement et de choix. Seulement, elles sont peut-être trop vite faites, et ici nous rentrons dans l’inconvénient général du livre en question, qu’on voudrait une histoire à fond et qui, malheureusement, n’est qu’un tableau.

750. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

C’est une manière comme une autre d’écrire l’histoire des mœurs et des influences, que de tracer la biographie des courtisanes qui ont trouvé une espèce de gloire dans leur infamie. […] S’il s’en était tenu à des productions aussi spéciales et aussi techniques, il est bien probable que nous n’eussions jamais parlé de lui ; mais cette fois il vient à nous par Laïs et Ninon, c’est-à-dire par l’histoire, et, dans un temps où les plus honnêtes femmes vont rêver aux dramatiques apothéoses des Dames aux camélias, il est peut-être bon de dire un mot des grandes courtisanes, remises avec tant d’admiration en lumière, pour dégoûter des petites qui y sont. […] Laïs, comme toutes les courtisanes grecques qui ont laissé leur nom aux imaginations libertines de la postérité, — Phryné, Rhodope, Thaïs, Aspasie, Callixène, — Laïs n’est guère qu’un nom, une renommée, une fumée vague, qu’aucune recherche, aucune histoire, ne parviendront à condenser. […] L’illusion, c’est de s’imaginer qu’il doit y avoir dans ces femmes, abîmes de néant, un de ces grands mystères de charme comme on en rencontre parfois dans l’histoire du cœur humain. […] Puisque de tels règnes ont des histoires, nous parlerons du plus long et du plus beau de tous peut-être.

751. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sismondi, Bonstetten, Mme de Staël et Mme de Souza »

Dans son Histoire des Français et dans son Histoire des Républiques d’Italie, Sismondi est froid comme l’eau des glaciers de la Suisse, dont il n’a pas la pureté, mais, après tout, c’est une grande masse de faits comme l’eau des glaciers est une grande masse d’eau. […] Il a donc pris son pic, c’est-à-dire sa plume, et il a creusé cette Notice, dont le but est de dégager le Sismondi sentimental du Sismondi soliveau, du Sismondi la tête de bois, qui a écrit l’Histoire comme une mécanique à bon sens. […] En dehors de l’Histoire, sans l’intérêt des faits de l’Histoire, le pauvre Sismondi, homme du monde, pédant dépaysé dans des Décamérons impossibles, voulant donner gentiment la patte aux dames et ne pouvant pas, devait être ce qu’il est en ces lettres arrachées aux rats, qui en auraient mieux joui que nous ; car, franchement, elles ne sont rien de plus qu’insignifiantes, quand elles ne confinent pas… j’oserai le mot, puisqu’il est mérité !

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