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534. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

L’Éducation du genre humain par Lessing, qui termine ce volume, montrera que des philosophes avaient pu pressentir et rêver déjà ce que le révélateur a prédit et prêché, sur un nouvel évangile éternel, et ce que ces disciples travaillent à réaliser aujourd’hui. On y verra clairement jusqu’où peut aller, en aperçus ingénieux de l’avenir, la philosophie sans la foi, la sagesse sans la religion ; on se demandera quel bonheur il revient au genre humain d’une idée isolée, trouvée une fois lancée dans le monde pour le plus grand plaisir de quelques penseurs, et à laquelle toute une vie d’amour et de dévouement n’a pas été consacrée ; on admirera Lessing ; on saluera en passant, avec bienveillance et respect, la statue de marbre du sage, mais on se jettera en larmes dans les bras de Saint-Simon ; on se hâtera vers l’enceinte infinie où l’humanité nous convie par sa bouche, et où l’on conviera en lui l’humanité ; on courra aux pieds de l’autel aimant et vivant, dont il a posé, et dont il est lui-même la première pierre4. […] Lettres sur la religion et la politique, 1829 ; suivies de l’Éducation du genre humain ; traduit de l’allemand de Lessing.

535. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

On peut proposer au génie, de se plaire dans ses propres progrès, au cœur, de se contenter du bien qu’il peut faire aux autres ; mais aucun genre de réflexion ne peut donner du bonheur dans le néant d’une éternelle oisiveté. […] Le pur amour de l’étude ne met jamais en relation avec la volonté des hommes, quel genre de douleur pourrait-il donc faire éprouver ? […] Toutes les époques de la vie sont également propres à ce genre de bonheur ; d’abord, parce qu’il est assez démontré par l’expérience, que quand on exerce constamment son esprit, on peut espérer d’en prolonger la force ; et parce que, dut-on ne pas y parvenir, les facultés intellectuelles baissent en même-temps que le goût qui sert à les mesurer, et ne laissent à l’homme aucun juge intérieur de son propre affaiblissement.

536. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

le voici : « Parce que ces deux mamelles superflues étaient destinées à être les nourrices du genre humain. » Vous doutiez-vous que « la nature oppose sur la mer l’écume blanche des flots à la couleur noire des rochers, pour annoncer de loin aux matelots le danger des écueils596 »? […] C’est lui qui a créé les symboles de la religion philosophique, le culte laïque des grands hommes et des bons hommes, dont un Élysée national rassemblerait les cendres, les bustes, les monuments ; à côté des bienfaiteurs du genre humain, y seraient reçus le laborieux pêcheur et le charbonnier vertueux. C’est lui qui a placé au milieu d’une pelouse, dans une île, agréable, un temple en forme de rotonde, entouré de colonnes dédié à l’amour dit genre humain, et tout enguirlandé d’inscriptions morales597.

537. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racine, et Pradon. » pp. 334-348

On jugera de ce qu’il sçavoit faire en ce genre, par ce couplet contre Fontenelle, à sa réception à l’académie Françoise : Quand le novice académique Eut salué fort humblement, D’une Normande rhétorique, Il commença son compliment,                 Où sottement, De sa noblesse poëtique, Il fit un long dénombrement. […] Il meurt du même genre de mort, & son gouverneur fait un récit. […] Lorsque Racine fit voir à Corneille sa tragédie d’Alexandre, Corneille lui donna des louanges & lui conseilla, en même temps, d’abandonner la poësie dramatique, comme étant un genre qui ne lui convenoit pas.

538. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et l’abbé Desfontaines. » pp. 59-72

Son genre de vie & son goût pour les belles-lettres le déterminèrent à renoncer à son bénéfice, & à venir fixer son séjour dans la capitale. […] Cet écrivain, qui se croyoit si redoutable, s’est essayé dans plusieurs genres. […] On ne connoissoit guères avant lui ce genre de critique qui, sans donner dans la sécheresse de la froide analyse ni dans le dégoût de l’érudition, ne prend de celle-ci que ce qu’elle a d’agréable.

539. (1894) Études littéraires : seizième siècle

En ce genre il est inventeur, créateur, absolument original. […] Il est très visible que ce genre de combinaisons est tout à fait à son gré. […] Il y a, en ce genre, des pages de Rabelais qui sont ébouriffantes de nullité. […] Il a d’abord tous les genres possibles de parodie, et il y est maître. […] Ils entendaient par là, assez distinctement : 1° une transposition, un relèvement des genres, usités il est vrai, mais laissés un peu trop bas ; 2° une distinction plus rigoureuse des genres.

540. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Du reste, le sujet de Modeste Mignon était très propre à seconder ses intentions en ce genre. […] Ce genre de composition est beaucoup plus près que le roman de la poésie et nous oserions presque dire, de l’art. […] Prenons Lorenzaccio la pièce capitale du livre, celle qui passe pour le morceau le plus achevé du poète dans le genre dramatique. […] Ici prend place un morceau d’un genre plus tragique. […] Mais c’était là une impossibilité insurmontable, et il lui fallut bien chercher enfin l’asile que lui refusaient tous les genres littéraires connus, dans le seul qui dispensât tout à la fois, d’érudition, dépensée, d’invention, même de sens commun, lorsqu’on veut s’en passer, dans ce genre magnifique inventé pour lui seul, la critique humoristique.

541. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 157-161

On peut en juger par l’Ouvrage immortel de la perpétuité de la Foi, fait en société avec Nicole ; par celui de l’Art de penser, non moins admirable dans son genre, & auquel il eut plus de part que ce dernier : la Grammaire générale & raisonnée qu’il composa avec Lancelot, est également digne du succès dont elle jouit. En se bornant à ce genre de travail, cet Auteur auroit obtenu, du consentement unanime de la postérité, le titre de Grand, que ses seuls partisans ont eu le courage de lui donner.

542. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre X. Machines poétiques. — Vénus dans les bois de Carthage, Raphaël au berceau d’Éden. »

Vénus se montrant à Énée dans les bois de Carthage, est un morceau achevé dans le genre gracieux. […] Ce char enveloppé de vapeurs, ce voyage invisible d’un enchanteur et d’un héros au travers du camp des chrétiens, cette porte secrète d’Hérode, ces souvenirs des temps antiques jetés au milieu d’une narration rapide, ce guerrier qui assiste à un conseil sans être vu, et qui se montre seulement pour déterminer Solyme aux combats, tout ce merveilleux, quoique du genre magique, est d’une excellence singulière.

543. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 7, que la tragedie nous affecte plus que la comedie à cause de la nature des sujets que la tragedie traite » pp. 57-61

Enfin nous souffrons plus volontiers le mediocre dans le genre tragique que dans le genre comique, qui semble n’avoir pas le même droit sur notre attention que le premier, habet comoedia tanto… etc. .

544. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

On peut mettre beaucoup d’esprit dans un ouvrage, sans que le genre en devienne meilleur. […] Pensons de même de la tragedie ; et peut-être aurons-nous bien-tôt des ouvrages d’une aussi grande perfection dans leur genre. […] Si elles ne plaisoient pas, quoiqu’aux vers près, elles rassemblassent à un haut degré toutes les beautés du genre, qu’aurions-nous perdu ? […] On fit bien-tôt d’autres tragédies dans ce genre. […] Le second est une ode, où, sans versification, j’essaye poëtiquement tous les genres.

545. (1895) Hommes et livres

Il y a des genres qui évoluent pendant des siècles sans rencontrer un chef-d’œuvre : il y en a d’autres où les chefs-d’œuvre se multiplient en peu d’années. […] Mais là, nous rencontrons le genre où Montchrétien est supérieur : c’est la poésie religieuse. […] Et ainsi les tragi-comédies implexes et libres hâtèrent le triomphe des unités : la vogue du genre en abrégea la durée. […] On l’aperçut dans un genre dont l’objet, analogue à celui de la comédie, était la peinture spirituelle et satirique du monde et des caractères. […] Là est sa supériorité : il a vraiment, en ce genre, atteint la perfection de l’art.

546. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1828 »

Ainsi le petit nombre de personnes que ce genre d’études intéresse pourra comparer, et pour la forme et pour le fond, les trois manières de l’auteur à trois époques différentes, rapprochées, et en quelque sorte confrontées dans le même volume. […] En attendant, il appelle sur ces questions l’attention de tous les critiques qui comprennent quelque chose au mouvement progressif de la pensée humaine, qui ne cloîtrent pas l’art dans les poétiques et les règles, et qui ne concentrent pas toute la poésie d’une nation dans un genre, dans une école, dans un siècle hermétiquement fermé.

547. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Mais elle eut en son temps un rôle à part, sérieux et délicat, solide et charmant, un rôle en effet considérable, et dans son genre au niveau des premiers. […] Dans ce genre secondaire où la délicatesse et un certain intérêt suffisent, mais où nul génie (s’il s’en rencontre) n’est de trop ; que l’Art poétique ne mentionne pas ; que Prevost, Le Sage et Jean-Jacques consacreront ; et qui, du temps de Mme de La Fayette, confinait, du moins dans ses parties élevées, aux parties attendrissantes de la Bérénice ou même de l’Iphigénie, Mme de La Fayette a fait exactement ce qu’en des genres plus estimés et plus graves ses contemporains illustres s’étaient à l’envi proposé. […] » Il est vrai qu’après tout, le genre de Zayde ne diffère pas si notablement de celui des Nouvelles de Segrais, qu’on n’ait pu dans le temps prendre le change. Zayde est encore dans l’ancien et pur genre romanesque, quoiqu’elle en soit le plus fin joyau ; et si la réforme y commence, c’est uniquement dans les détails et la suite du récit, dans la manière de dire plutôt que dans la conception même. […] Des naufrages, des déserts, des descentes par mer, et des ravissements : c’est donc toujours plus ou moins l’ancien roman d’Héliodore, celui de d’Urfé, le genre romanesque espagnol, celui des Nouvelles de Cervantes.

548. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Dans l’un comme dans l’autre genre, le tour d’esprit du temps plutôt que le génie l’avait décidé. […] Ce n’est pas le seul bon office de ce genre que Segrais ait rendu au poète latin. […] Sa traduction, moins respectueuse et moins intelligente que son admiration, a des timidités du même genre que celle de Lamotte. […] Lamotte fit de tout, odes, fables, épopées, comédies, tragédies ; et parce qu’il n’a mal raisonné d’aucun de ces genres, il crut avoir réussi dans tous. […] Il n’est pas le père du genre, mais le genre semble fait pour lui.

549. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Mais, pour un livre déjà lu, dans lequel (comme je le suppose) on reprend, on relit sans cesse ; dans lequel le frère, déjà étudiant, ou la sœur aînée choisit les morceaux à lire à haute voix, le soir, autour de la table à ouvrage, cette abondance, cette richesse extrême, qui laisse au choix tant de liberté heureuse, et qui rassemble en chaque endroit tant de genres de beautés, a bien aussi ses avantages. […] La vie de nos curés de campagne en France n’a rien qui ait favorisé un genre pareil d’inspiration et de poésie. […] On peut rapprocher moralement et littérairement ce genre familier au curé de Valneige de quelques belles paraboles des Paroles d’un Croyant, et de celles de Krummacher, pasteur à Brème. […] Cette lutte et ce contraste ont un grand charme ; et le petit nombre de Poëmes méditatifs dont je parle n’ont pas été assez distingués et loués comme des exemples excellents, selon moi, d’un genre si précieux de poésie. […] Mais ce genre de sentiments exceptionnels dans le christianisme et dans l’humanité sent déjà la secte.

550. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

L’exemple, le conseil et le travail des mains Me pouvaient rendre utile à des troupes de saints… La réflexion à faire, semble-t-il, sur ce petit épisode, c’est que ce n’est donc pas par simple obéissance aux lois du genre que La Fontaine, dans ses fables, met toujours une moralité, car ici, quand il n’est pas forcé d’en mettre une, puisque ce n’est pas une fable qu’il écrit, même quand c’est un épisode d’un poème épique religieux, il y met une moralité. […] Rien n’est remarquable comme ceci, et cela s’est constaté bien souvent : ce que produisent les hommes qui sont nés pour un genre, lorsqu’ils s’appliquent à un autre genre que celui pour lequel ils sont nés, pourrait être en effet produit par le premier venu. […] De même La Fontaine, qui n’était pas né pour le genre dramatique, pour le genre tragique surtout, quand il écrit Achille, écrit comme aurait pu le faire l’abbé Genest, ou Campistron, qui, du reste, n’est pas du tout un versificateur méprisable, ou tout autre. […] La Fontaine l’a traduit comme vous savez qu’il traduisait quand il rencontrait une de ces choses s’accommodant, et si bien, à sa nature et à son genre. […] Quelquefois il suffit d’une seule pièce qui sera inconnue dix ans plus tard pour que la verve satirique d’un auteur s’éveille et pour qu’il porte contre tout un genre littéraire de son temps une accusation qui ne s’applique qu’à cette pièce-là.

551. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Ayant fait toutes mes réserves, j’ai le droit maintenant d’ajouter que ces deux volumes doivent peut-être à ce genre de commentaire animé et plein d’effusion, à tout ce luxe inusité, d’avoir du mouvement et de la vie ; d’un peu nus et d’un peu secs qu’ils eussent été autrement (les écrivains qu’on appelle attiques le sont parfois), ils sont devenus plus nourris, plus riches, d’une lecture plus diversifiée et, somme toute, fort agréable ; seulement, dans le plat varié qu’on nous sert, cela saute aux yeux tout d’abord, la sauce a inondé le poisson. […] Puis, chemin faisant, il importe d’acquérir et d’amasser toutes les connaissances accessoires en tout genre qui mettent à même de juger des matières dont ces auteurs si divers ont traité. […] A le prendre cependant partout où je puis l’atteindre, je crois pouvoir indiquer sans trop de tâtonnements son genre de mérite, ses qualités et tout à la fois ses faiblesses, — son faible du moins, — ses gentillesses d’esprit, sa supériorité, là où elle existe, et aussi ce que lui-même appelait sa médiocrité. […] M. de Feletz, esprit critique dans son genre et qui ne pouvait supporter en silence ce qui lui paraissait faux ou exagéré, me dit : « Vous l’appelez savant, c’est bien ; mais pourquoi vénérable ? […] … » On croit entendre un personnage de Térence, transportant et appliquant à un cas moderne cette morale délicate à la fois et indulgente. — Je continue ce portrait tout composé de traits à bâtons rompus, et qui rentre assez dans le genre du modèle.

552. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Mais, indépendamment de ces monuments écrits qui marquent, il y a la société d’alentour, dans laquelle se retrouve plus ou moins la même langue, et qui compte des gens d’esprit non écrivains de profession, et maîtres pourtant dans leur genre, maîtres à leur manière, sans y viser et sans le paraître. […] Les Conversations étaient alors un genre littéraire comme les Lettres, comme les Portraits. […] Giraud a fait précéder ce choix d’une Histoire de la vie et des ouvrages de Saint-Évremond, ample, copieuse, dans le genre des biographies de M.  […] Il a su se passer, en tout genre, de l’orage et du tourment. […] On a trouvé, en effet, dans les papiers du président Bouhier, très-curieux, comme on sait, d’anecdotes de tout genre, le récit suivant, qui est peu connu : « La mort de la duchesse Mazarin est si singulière, qu’elle mérite bien qu’on en conserve la mémoire.

553. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Il distingue même les formes variées de l’imagination, qui correspondent à la diversité des genres : tel a l’invention dramatique qui n’a pas l’élan lyrique, ni le sens épique. […] Même dans l’églogue il n’accorde guère de place à l’élément descriptif et champêtre, et c’est toujours à la peinture des sentiments humains, à celle, par exemple, des plaisirs de l’amour, qu’il ramène le poète : la psychologie règne jusque dans le genre pastoral. […] L’original fût-il une forme unique en son genre que jamais la nature ne réalisera une seconde fois, l’imitation, à force de sérieuse conviction et de fidélité, en fait un type. […] Mais Boileau n’avait pas lui-même le tempérament assez lyrique, et notre langue était trop pauvre alors en poésie lyrique, pour qu’il arrivât à définir exactement l’essence du genre. […] Il a mal interprété les œuvres antiques, et préoccupé de l’usage où le goût moderne appliquait le genre pastoral, il a trouvé dans Virgile et dans Théocrite de quoi légitimer une des formes les plus caduques et les plus fausses de la poésie de son temps.

554. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

De même qu’au XVIIIe siècle il était de mode de ne pas croire à l’honneur des femmes, de même il n’est pas de provincial quelque peu leste qui, de nos jours, ne se fasse un genre de n’avoir aucune foi politique et de ne pas se laisser prendre à la probité des gouvernants. […] L’Église aura des indulgences pour les égarements du cœur, et puis il est si commode à la fatuité aristocratique de croire que la masse du genre humain est absurde et méchante et d’avoir sous la main une lourde autorité pour couper court aux raisonnements de ces impertinents philosophes, qui osent croire à la vérité et à la beauté. […] Il m’est impossible d’exprimer l’effet physiologique et psychologique que produit sur moi ce genre de parodie niaise devenu si fort à la mode en province depuis quelques années. […] Un sage des premiers siècles eût-il jamais pu croire que l’avenir était à cette secte méprisée, insociable, convaincue de la haine du genre humain, qui ne se présentait à l’imagination qu’avec de nocturnes mystères et d’odieuses orgies ? […] Mais ce qu’il y a de certain, c’est que si le genre humain était sérieux comme il devrait l’être, la raison éclairée et compétente en chaque ordre de choses gouvernerait le monde.

555. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Il ne faut pas craindre de nommer les choses et les époques par leur nom ; et le nom sous lequel le xviiie  siècle peut le plus justement se désigner à beaucoup d’égards, pour le goût, pour le genre universellement régnant alors dans les arts du dessin, dans les modes et les usages de la vie, dans la poésie même, n’est-il pas ce nom galant et pomponné qui semblait fait exprès pour la belle marquise et qui rimait si bien avec l’amour ? […] Le genre Pompadour assurément préexistait à la venue de la belle marquise, mais elle le résume en elle, elle le couronne et le personnifie. […] Arrivée à ce poste éminent et peu honorable, — beaucoup moins honorable qu’elle ne le croyait, — elle ne s’y considéra d’abord que comme destinée à aider, à appeler à elle et à encourager le mérite en souffrance et les gens de talent en tout genre. […] Elle avait du bon, le genre admis. […] Nulle part le genre dit Pompadour ne brille avec plus de délicatesse et de fantaisie, et plus à sa place que dans les services de porcelaine de cette date.

556. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Habituellement, et quand il a la plume à la mainj, il est vrai de dire que ce genre d’émotion et d’inspiration lui est étranger. […] Sans aller peut-être aussi loin que Montesquieu, qui voyait en Trajan « le prince le plus accompli dont l’histoire ait jamais parlé ; avec toutes les vertus, n’étant extrême sur aucune ; enfin l’homme le plus propre à honorer la nature humaine et représenter la divine » ; sans se prononcer si magnifiquement peut-être, et en faisant ses réserves d’homme pacifique au sujet des guerres et des ambitions conquérantes de Trajan, Gibbon plaçait volontiers à cette époque le comble idéal de la grandeur d’un empire et de la félicité du genre humain. […] Dès son enfance, il avait aimé la discussion sur les matières religieuses ; il avait du goût pour le raisonnement et la dialectique : il lut des livres de théologie et de controverse, Middleton, Bossuet surtout, qu’il proclame le grand maître en ce genre de combats. […] Il se remit à lire tous les classiques latins méthodiquement et en les divisant par genres. […] Il poursuit toujours un sujet d’histoire, se méfiant encore de ses forces et sentant toute la dignité du genre : « Le rôle d’un historien est beau, mais celui d’un chroniqueur ou d’un couseur de gazettes est assez méprisable. » La croisade de Richard Cœur-de-Lion l’attire un moment ; mais, à la réflexion, ces siècles barbares, ces mobiles auxquels il est si étranger ne sauraient le fixer, et il lui semble qu’il serait plutôt du parti de Saladin.

557. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

Figurez-vous un doctrinaire de ce temps-là, le plus ingénieux et le plus délicat, la fleur du genre, mais tombé ou monté d’une mondanité exquise dans une dévotion non moins exquise et tout exclusive. […] À travers cette sévérité apparente et en partie réelle, il s’attachait à reconnaître ceux qu’il appelait des esprits superbes, ceux « qui se regardaient et se faisaient un secret plaisir d’être regardés comme les justes, comme les parfaits, comme les irrépréhensibles ; … qui de là prétendaient avoir droit de mépriser tout le genre humain, ne trouvant que chez eux la sainteté et la perfection, et n’en pouvant goûter d’autre ; … qui, dans cette vue, ne rougissaient point, non seulement de l’insolente distinction, mais de l’extravagante singularité dont ils se flattaient, jusqu’à rendre des actions de grâces à Dieu de ce qu’ils n’étaient pas comme le reste des hommes : Gratias tibi ago, quia non sum sicut cœteri hominum ». […] Et parce que l’humilité même se trouve exposée en certains genres de vie dont toute la perfection, quoique sainte d’ailleurs, a un air de distinction et de singularité, la vraie austérité du christianisme, surtout pour les âmes vaines, est souvent de se tenir dans la voie commune, et d’y faire, sans être remarqué, tout le bien qu’on ferait dans une autre route avec plus d’éclat. […] Les Anglais n’ont pas cessé d’estimer Bourdaloue ; dans ce pays où l’art oratoire est sérieusement étudié et où tout est dirigé dans le sens pratique, on fait à son genre d’éloquence une place très haute, et on lui décerne, à lui en particulier, et par rapport à d’autres noms de grands orateurs, une supériorité dont nos idées françaises seraient elles-mêmes étonnées71. […] [NdA] On m’indique dans la Revue d’Édimbourg (décembre 1826) un article sur « L’éloquence de la chaire », qui paraît être de lord Brougham : Bourdaloue y est mis fort au-dessus de Bossuet par une suite de raisons qui, toutes bien déduites qu’elles sont, prouvent seulement le genre de goût et de préférence de la nation et du juge : en France, c’est le sentiment immédiat qui nous décide, et dans le cas présent il n’hésite pas.

558. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Le poète aura l’air, par moments, de n’y plus songer ; elle lui échappera même quelquefois en mouvement touchant, en effusion de tendresse, comme dans une idylle, comme dans une élégie ; Les Deux Pigeons, critiqués par La Motte, sont le chef-d’œuvre de ce genre libre et de cette espèce d’épopée en petit : La Fontaine en est l’Homère. Mais il y a autre chose que la fable poétique ainsi considérée dans sa richesse dernière, et que la fable philosophique ou didactique dans sa stricte justesse : il y a la fable enfantine, toute primitive, qui n’est pas exacte et sèche dans son ingénieux comme l’une, et qui n’est pas vivante et amusante comme l’autre : c’est la fable naïve, spirituelle encore, mais prolixe, mais languissante et souvent balbutiante, du Moyen Âge, le genre avant l’art et avant le goût. […] Taine a montré le même sujet de fable traité dans les trois manières, Le Renard et la panthère — par Ésope (genre didactique) —, puis par un des ysopets du Moyen Âge (genre enfantin), — et enfin Le Singe et le léopard de La Fontaine (genre de génie, et qui est la perfection) : Ce même sujet, dit-il, trois fois raconté, distingue les trois sortes de fables.

559. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Champfleury avait commencé de publier sur ces peintres de sa prédilection un premier Essai, une brochure : aujourd’hui cet opuscule, lentement couvé et nourri, est devenu tout un livre complet, des plus intéressants et des plus estimables, et qui a sa place marquée parmi les meilleures monographies de ce genre. […] Champfleury, dans son genre, n’a été,-pendant plus de dix ans, actif et prompt à flairer la moindre toile non signée, qu’il distinguait tout d’abord à je ne sais quel ton rougeâtre et surtout crayeux, et aussi au caractère honnête et à la tranquillité des visages : plus de doute, c’était un Le Nain de plus. […] Louis XIV et son époque introduisirent avant tout, la pompe, l’éclat, la majesté, la gloire, et, dans tous les genres, une sorte d’aspiration à la grandeur. […] Au xviiie siècle, l’excellent peintre de genre, Chardin, semble avoir voulu renouer à eux pour les scènes d’intérieur et la représentation des objets naturels : « C’est là, c’est chez lui, disait Diderot, l’un de ses grands admirateurs, qu’on voit qu’il n’y a guère d’objets ingrats dans la nature, et que le point est de les rendre. » Chardin, qui était, en outre, un homme de beaucoup d’esprit, répandait sur ses reproductions naturelles une qualité que les Le Nain avaient trop négligée ou ignorée, l’agrément : ceux-ci lui restaient supérieurs peut-être par un trait moral plus prononcé, par une bonhomie plus antique. […] L’auteur a moins de théorie et moins de connaissances comparées que plusieurs des savants qui ont traité de ce genre si réhabilité aujourd’hui ; mais il est praticien autant qu’aucun, et il a le sens de cette sorte d’investigation et de cueillette en pays de France.

560. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

 » Et voilà notre homme enfermé, dévorant tout ce grimoire sans en rien passer, car il s’agit d’un seul nom propre qui peut vous mettre sur la voie ; et si, après une journée tout entière employée à cette chasse d’un nouveau genre, l’érudit sort tout poudreux, plus couvert de toiles d’araignée que Gabriel Naudé à Rome au sortir de chez les bouquinistes, mais tenant en main l’acte qu’il désirait, qu’il avait flairé et dénoncé à l’avance, quelle joie, quel triomphe ! […] Cette restitution ingénieuse, qu’on admirerait si elle s’appliquait à une maison romaine du temps d’Auguste ou de Trajan ou à un intérieur de châtelaine du Moyen-Âge, ne mérite pas moins d’éloge et d’estime, se rapportant au xviie  siècle, qui est déjà pour nous une antiquité ; c’est un parfait tableau d’intérieur, digne en son genre de Mazois ou de Viollet-le-Duc ; on me saura gré de le donner ici : « Les époux Poquelin occupaient dans la maison de la rue Saint-Honoré une boutique avec salle à la suite servant de cuisine et probablement de salle à manger, et au-dessus de cette salle une soupente ; entre le rez-de-chaussée et le premier étage se trouvait une sorte d’entre-sol dans lequel étaient la chambre à coucher et un cabinet ; le premier étage était transformé en magasin. […] Moland est d’une tout autre nature et d’un tout autre genre que celle de M.  […] Aimer Molière, c’est être guéri à jamais, je ne parle pas de la basse et infâme hypocrisie, mais du fanatisme, de l’intolérance et de la dureté en ce genre, de ce qui fait anathématiser et maudire ; c’est apporter un correctif à l’admiration même pour Bossuet et pour tous ceux qui, à son image, triomphent, ne fut-ce qu’en paroles, de leur ennemi mort ou mourant ; qui usurpent je ne sais quel langage sacré et se supposent involontairement, le tonnerre en main, au lieu et place du Très Haut. […] Aimer et chérir Molière, c’est être antipathique à toute manière dans le langage et dans l’expression ; c’est ne pas s’amuser et s’attarder aux grâces mignardes, aux finesses cherchées, aux coups de pinceau léchés, au marivaudage en aucun genre, au style miroitant et artificiel.

561. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Cela est sensible à qui lit l’Exposition du Système du Monde, de La Place, le modèle du genre : il y a des endroits où on lit des yeux l’énoncé d’une formule que le mathématicien seul comprend : le profane est réduit à l’accepter ; il doit en croire son auteur sur parole et passer outre. […] Joseph Bertrand voulant écrire pour le public, c’est-à-dire pour la moyenne des gens instruits, a éludé ce genre de difficulté autant que possible : il eût pu trancher davantage et mettre plus en relief et en vedette les résultats scientifiques, sauf au lecteur à ne prendre que ce qu’il en pourrait saisir ; il a mieux aimé accuser moins à nu les côtés sévères pour fondre plus couramment le ton de l’ensemble. […] Flammarion, s’entendrait à merveille à ce genre d’inductions légitimes, s’il ne préférait d’en sortir parfois, et s’il ne se plaisait à y mêler des considérations d’une autre nature. […] On peut aujourd’hui avoir une médiocre estime pour ceux qui, non contents de divulguer la science par des exposés clairs, nets, proportionnés à la classe du public qu’ils se proposent d’instruire, prétendent encore à l’orner, à l’enjoliver, à la rendre gentille, amusante ou plaisante : c’est un assez mauvais genre en effet. […] Remarquez qu’en telle matière où l’on n’aura sans doute jamais de résultats précis, ce qui importe le plus, c’est d’élever sa pensée et de la tenir ouverte, d’atteindre des aperçus, d’entrevoir les vraisemblances, sans aller retomber et verser dans des crédulités d’un autre genre.

562. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

En trois siècles, de la Renaissance au romantisme, le genre historique est représenté par le Discours sur l’Histoire universelle de Bossuet, qui est une œuvre de théologie, par l’Histoire des Variations, du même, qui est une œuvre de controverse, par l’Esprit des Lois, de Montesquieu, qui est un essai de philosophie politique et juridique : restent l’Essai sur les mœurs et le Siècle de Louis XIV de Voltaire, qui sont vraiment de l’histoire, malgré la thèse antireligieuse de l’auteur. Cinq ouvrages, dont trois relèvent d’autres genres, c’est peu pour trois siècles de production intense. […] L’essor que va prendre le genre historique s’annonce par les publications de documents originaux, par les collections de Mémoires et Journaux authentiques825, qui séduisent souvent les littérateurs et le public par le pittoresque des tableaux et le dramatique des événements. […] Dès le premier moment, deux courants se distinguent dans le genre historique : les uns s’appliquent à dégager la philosophie de l’histoire ; les autres à ressusciter la forme du passé, à représenter les mœurs et les âmes des générations disparues. […] On a publié depuis sa mort quelques carnets de notes de voyage, où les belles descriptions, les fortes émotions ne manquent pas : on sait ce que Michelet peut en ce genre.

563. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Ces hommes sont affranchis par leur genre de vie de tout souci matériel et ont d’ailleurs toutes les certitudes : dès lors comment seraient-ils tristes ? […] Cette démonstration de la vérité du catholicisme par son rôle dans l’histoire et dans la société humaine, c’est quelque chose d’un peu bien arbitraire ; car l’histoire se pétrit aisément selon la fantaisie de qui s’en empare, et je ne vois pas une religion qui ne puisse tenter une démonstration de ce genre. […] Mais il semble que depuis quelques années les Frères prêcheurs soient revenus à un genre de prédication plus modeste, plus pratique, mieux accommodé à un auditoire chrétien, qu’ils se soient ressouvenus du bon vieux « sermon », du sermon de Bossuet et de Bourdaloue. […] Maintenant, est-ce son genre de prédication qui a éloigné les indifférents et les curieux ? […] On a le déplaisir d’entendre des phrases de ce genre : « Ces quatre choses se donnent la main », ou : « L’épanchement est la racine de l’amitié. » Enfin j’ai dit que le Père Monsabré parlait pour les croyants et qu’il avait bien raison.

564. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

À ce premier don de pénétration instinctive et irrésistible, Saint-Simon en joignait un autre qui ne se trouve pas souvent non plus à ce degré de puissance, et dont le tour hardi le constitue unique en son genre : ce qu’il avait comme arraché avec cette curiosité acharnée, il le rendait par écrit avec le même feu, avec la même ardeur et presque la même fureur de pinceau. […] Ce jeune prince, que Saint-Simon nous montre si hautain, si fougueux, si terriblement passionné à l’origine, si méprisant pour tous, et de qui il a pu dire : « De la hauteur des cieux il ne regardait les hommes que comme des atomes avec qui il n’avait aucune ressemblance, quels qu’ils fussent ; à peine Messieurs ses frères lui paraissaient-ils intermédiaires entre lui et le genre humain » ; ce même prince, à une certaine heure, se modifie, se transforme, devient un tout autre homme, pieux, humain, charitable autant qu’éclairé, attentif à ses devoirs, tout entier à sa responsabilité de roi futur ; et cet héritier de Louis XIV ose proférer, jusque dans le salon de Marly, ce mot capable d’en faire crouler les voûtes, « qu’un roi est fait pour les sujets et non les sujets pour lui ». […] Je voudrais obliger tout le genre humain, et surtout les honnêtes gens ; mais il n’y a presque personne à qui je voulusse avoir obligation. […] Cette rareté de bonnes gens, qui lui paraît être la honte du genre humain le ramenait d’autant plus à aimer les amis choisis qu’il s’était faits : « La comparaison ne fait que trop sentir le prix des personnes vraies, douces, sûres, raisonnables, sensibles à l’amitié, et au-dessus de tout intérêt. » Une seule fois, on lui surprend encore une curiosité d’esprit, c’est pour le prince Eugène, en qui il a cru apercevoir un vrai grand homme. […] Je voudrais bien le voir aussi dans nos Pays-Bas ; j’avoue que j’ai de la curiosité pour lui, quoiqu’il m’en reste peu pour le genre humain.

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