« Le tout, comme dit Du Verdier, bien troussé et fait d’une grande dextérité d’esprit, ressentant entièrement cette forme de composer ancienne, remplie de toute naïveté et gaillardise. » Dans l’épigramme, Saint-Gelais n’a pas dégénéré de Marot. […] Qui donnera à la langue vulgaire des formes qui égalent ces grandes pensées ? […] En même temps le chef de la Pléiade développait dans d’ingénieuses théories les principes de l’Illustration, Du Bellay s’était borné à demander « une forme de poésie plus exquise. » Ronsard, après avoir osé nommer les genres, en donnait la poétique. […] Après avoir pris aux poëtes grecs et latins l’ordonnance de leurs pièces, leur forme, leur dessin, figurant des odes pindariques ou anacréontiques coupant la Franciade sur le patron de l’Enéide, il voulut calquer notre langue sur les langues anciennes et particulièrement sur la langue grecque. […] Mais que la forme des armes vienne à changer, voilà des mots hors de service, comme les vieilles armures.
… Certes, la joie serait grande si, tandis que la musique déroule les émotions d’où naissent les paroles, nous avions devant les yeux, en une correspondance parfaite, le tableau où les émotions, symbolisées dans une forme plastique, se renforceraient d’une vie nouvelle ;, la vie plastique. […] Lamoureux a très finement le sens de la chose artistique : il veut une forme parfaite, et, dans son art spécial d’interprète, étant directeur de musique, il veut une interprétation parfaite des musiques qu’il admet à ses concerts. […] Telle qu’une vision éthérée des creux de l’Océan, que nul qu’un dieu ne peut voir, S’éleva hors du silence des choses ignorées une Présence, une Forme, une Force, Et nous écoutâmes, comme un Prophète écoute un message du Très-Haut tonnant et ne peut fuir. […] En lui nous trouvons, si nous le considérons attentivement, l’art idéal animé, sous une forme sévère et classique, de la plus riche vie romantique ; car la vie romantique, cette âme joyeuse de la nature, qui ne peut et ne veut parler qu’artistiquement, n’est en son essence pas autre chose que la musique. […] Mais le drame anglais a été tué par les Puritains, et de nos jours la pantomime est la seule forme nationale du théâtre anglais.
» L’évocation d’Erda a sa forme première dans le chant de Wegtamr (le Voyageur). […] Dans l’Edda de Sœmund, Regin raconte ce qui suit : « Notre frère Ottur nageait souvent dans une chute d’eau sous la forme d’une loutre. […] Pour acquérir l’Or, Loke attrape avec un filet le nain Andvari, qui le gardait au fond du fleuve, où lui-même nageait sous la forme d’un brochet. […] Une société se forme à Bruxelles pour ¿’achat de cartes patronales donnant droit d’assister aux trois séries de représentations de l’Anneau du Nibelung. […] Renseignements précis et exacts, et, en outre, un ensemble de 120 gravures, caricatures, scènes, autographes, etc., de 15 portraits, de 4 eaux-fortes, qui forme le plus curieux et le plus riche recueil de ce genre.
Le préfacier trouve déjà la pensée de Boissier « revêtue d’une forme parfaite, solide, souple et brillante comme une arme de luxe ». […] Rubens scatologique sans vie et sans couleur, il aime toute forme énorme qu’elle soit ou non dessinée et modelée ; ce collégien incurable est mort prenant encore l’abondance pour l’harmonie et adorant sous le nom de callipyge la Vénus hottentote. […] Ce n’est pas seulement dans la forme que l’originalité de Boissier se dégage. […] Trop de remembrances l’y poursuivaient : D’ailleurs, je sais ton spectre épars aux moindres choses, C’est ton âme qui meurt dans le parfum des roses, L’oreiller se souvient des courbes de ton bras Et mon lit a gardé ta forme aux plis des draps. […] Qu’importe la mort d’une forme passagère, songe-t-il, dans la vie éternelle et éternellement renouvelée ?
Et c’est une persécution que ce regard… Je le rencontre toute la journée, je le rencontre toute la soirée, je le rencontre à l’heure de la toilette de minuit, derrière les rideaux, qu’une forme blanche écarte de temps en temps, pour s’assurer si ma lampe est encore allumée. […] L’autre côté de la rue fait par un immense mur, semblable à un mur d’une caserne, et dans ce mur, comme percées au hasard, et dues à la fantaisie d’un conseiller Krespel, une multitude de fenêtres, toutes inégales et de formes différentes, fenêtres en feu et paraissant éclairées par un incendie intérieur. […] Ce sera l’Histoire même, et ses grandes scènes et ses hauts faits figés, immortalisés à la fois dans la forme et dans la couleur. […] Avec cela, une grande affectation d’indépendance de l’opinion consacrée, des théories reçues, des principes adoptés, et ne voyant dans les formes gouvernementales quelconques d’un pays que des formes diverses de corruption et de vénalité. […] Ces trois statues posées sur des piédestaux dans une chambre, tandis que, dans l’ombre d’un corridor qui ne finit pas, se débattent des formes confuses faisant peur.
Que d’effets multiples elle produit selon quelle revêt telle ou telle forme ! […] Nisard et l’image qu’on se forme de lui. […] Avoir un critique, c’est proprement ce qui d’un groupe d’écrivains forme une école. […] que ce luxe, qui est la vie, daigne descendre à elle, fût-ce sous la forme d’un Léon ! […] La structure en est correcte, le tour ingénieux, la forme élégante.
Intelligence ferme et décidée comme elle est, ennemie du vague, allant droit au fait, droit au but, — Elle et son frère, le prince Napoléon, en cela semblables, — si l’on se permettait d’être observateur en les écoutant, on se plairait à retrouver en eux, pour le trait général et le contour, quelque chose de la forme et du profil d’esprit du grand empereur leur oncle. […] Élevée dans le pays de la lumière, des grands horizons, des belles formes et des nobles contours, elle avait reçu l’organisation la plus propre à en profiter et à s’en inspirer : le moule en elle était en parfait accord avec le spectacle et avec les images. […] Parmi les différents arts, ceux de la forme et du dessin sont, à ses yeux, les préférés ; son goût, à cet égard, est même prédominant, et il entre un peu de condescendance pour ses amis et pour sa société dans ce qu’elle accorde à cet autre art si transportant et si ravissant, mais un peu vague d’objet et de moyens, à la musique.
Il en est de ces mets de l’intelligence comme de ceux du corps : il vient un moment où même les plus excellents, à force de reparaître et de nous être servis sous toutes les formes, lassent le goût ; il n’était pas jusqu’à Beuchot, l’éditeur passionné de Voltaire, qui, sur la fin, lorsqu’on lui apportait des lettres nouvelles de son auteur favori, ne criât grâce et ne répondit : « Assez, j’en ai assez ! […] Et quand la princesse veut lui envoyer un millier de louis pour prix de ses travaux historiques, quelle manière délicate et fine de repousser les bienfaits sous cette forme déjà surannée, sous cette forme qui n’est déjà plus française à cette date !
Jefferson l’appelle quelque part la révolution de 1800 : « Car, dit-il, c’en fut une réelle dans les principes, comme celle de 1776 en avait été une dans la forme du gouvernement ; elle ne fut pas, il est vrai, comme la première, accomplie par la force des armes, mais par le suffrage du peuple, instrument de toute réforme paisible et rationnelle. » Il est douteux pourtant que si Jefferson n’avait pas lutté, comme il l’a fait, pied à pied, seul de son bord au sénat qu’il présidait en qualité de vice-président, durant l’administration d’Adams ; tandis que M. […] Des troubles assez graves qui survinrent dans le Massachussets achevèrent de mettre en évidence l’insuffisance de la première forme adoptée, et une Convention générale fut convoquée à Philadelphie, le 25 mai 1787, à l’effet d’établir une constitution plus forte et plus efficace. […] Au lieu de ce noble amour de la liberté et du gouvernement républicain qui nous a fait surmonter toutes les difficultés de la guerre, il s’est formé un parti monarchique et aristocratique dont l’objet avoué est de nous imposer la substance, comme il nous a déjà donné la forme du gouvernement de l’Angleterre.
Durant la seconde période de la doctrine et dans les relations avec les femmes, surtout quand des jeunes gens, convertis à peine depuis quelques mois, couraient en prosélytes, s’adressant aux imaginations provençales, c’est bien sous cette forme vaguement attrayante et affadie, que le saint-simonisme, naguère austère au sortir du Producteur, menaçant au sortir des ventes, se produisait en se corrompant. […] Il en est résulté chez quelques-uns un contentement précoce, un mépris du grand public, des formes étranges et maniérées qui ne sont pas comprises hors du cercle, et, pour ainsi dire, une sorte d’argot maçonnique qui souvent fait tort à leur pensée. […] Ballanche sous les diverses formes et dans l’ordre de génération où elle s’est produite : on désirera vivement surtout l’achèvement de cet édifice grandiose, dont on aura traversé le péristyle et dont on aura vu se dessiner l’enceinte.
Il me semble qu’à grands traits l’histoire de la littérature moderne pourrait se résumer de la sorte que voici : À la grande différence des païens, pour qui la Forme, sans proscrire l’Idée, la primait, pour les modernes l’Idée, ou plutôt l’Ame Spirituelle, est l’objet principal de l’œuvre littéraire. […] Sans rien oublier des conquêtes naturalistes et romantiques, ceux qui viendront, pour mettre une âme dans un corps agissant, retourneront aux traditions spirituelles et classiques, avec cette importante nuance ; qu’ils sauront que le temps des idées générales est passé Mais ici deux questions se dressent, une question de fond et une question de forme (comme on disait très jadis). […] La sculpture elle-même s’émeut de son immémoriale immobilité, se soucie moins, désormais, de forme que de physionomie, se préoccupe de pensées et fait parler de vives prunelles dans ces orbites que la statuaire grecque laissait creux.
Le mystère sans un peu de clarté, c’est le néant absolu, et la beauté sans la vie, c’est une forme inconsistante qui échappe à l’étreinte de l’artiste. […] À peine a-t-il changé de forme. […] Coquelin a révélé la forme nouvelle d’un talent apte décidément à toutes les métamorphoses, M.
L’imagination, ce singe de l’intelligence, a dit Schiller, — ce qui n’est pas mal pour un Allemand, — l’imagination, qui est la première des facultés de la femme et d’un misérable siècle, chez qui la Raison est épouvantablement affaiblie, doit entraîner la femme, quand elle veut être littéraire, vers le roman dans lequel, d’ailleurs, elle cherche toujours un peu une place pour ses souvenirs et un miroir pour sa personne… D’un autre côté, par cela seul que le Roman est la forme la plus populaire des formes littéraires de ce temps, il rapporte du succès à plus bas prix… et l’Histoire, la sévère, l’Histoire, la désintéressée, n’a pas ces avantages… Il faut se croire très homme pour l’aborder. […] Qualités véritablement historiques, qui pouvaient être fécondes, mais qui, sous cette plume de femme, n’ont rien donné de neuf ni par le fond ni par la forme, et ont, — il faut bien le dire, — avorté.
Que la vulgarité de l’âme et de l’inspiration d’Horace passât à travers la pureté de sa forme littéraire, Rigault ne pouvait l’empêcher pour ceux qui savent la voir ; mais qu’avait-il besoin d’appeler distinction cette vulgarité ? […] Malgré la forme de ses vers, il était tout autre chose qu’un poète : il était un habile versificateur, un écrivain plein de sécurité, un linguiste, un artiste en mots ; mais ces mots n’étaient pas même poétiques, car, pour que les mots soient poétiques, a dit un adorable connaisseur, il faut qu’ils soient chauds du souffle de l’âme ou humides de son haleine. […] Si le jugement que j’ai porté sur lui paraît trop byronien aux horatiens qui vivent toujours, à cette race d’égoïstes, d’impuissants et de vulgaires qui ont pris Horace pour leur poète et croient leur fond sauvé par sa forme, j’ai gardé pour la fin un mot doux et terrible, plus terrible dans sa douceur que la brusquerie de Byron.
Il est des livres qui entrent si naturellement dans le torrent des idées et la civilisation générale que, quels que soient le pays et la langue dans lesquels on les publie, ils tombent forcément sous le regard de toute Critique qui n’a pas seulement pour objet les questions de forme littéraire, mais les questions d’idées… et telle est l’Histoire d’Angleterre 9 de Macaulay. […] Comme un Anglais, il s’est payé des formes d’une légalité consacrée, il a été puérilement vaincu par le spectacle ; mais lui, le critique exercé, dont la sagacité a vu tant de choses autrement difficiles à voir, peut-il être dupe à ce point de faits qui ne prouvent rien en Angleterre, et nous dire sérieusement qu’il n’y eut aucun changement fondamental dans la grande révolution de 1688, parce qu’on y vit Clarencieux, Norroy, Portcullis, Dragon-Rouge et les cottes d’armes brodées de Lions et de Lys, et qu’on y donna à Guillaume le titre de roi de France, comme c’était l’usage depuis Crécy ? […] Et voilà pour le point de vue général du livre, pour la thèse dont il est la forme, au lieu d’être, sans parti pris et sans polémique, le déploiement sincère, impartial et majestueux, des grands événements de 1688.
Un symbole de foi s’arrête dans une forme nette, au travers de laquelle on voit l’idée jusque dans ses racines. […] nous savons trop ce que, dans les préoccupations presque religieuses du penseur, devient ce Génie de la forme, qui vous aime et que l’on n’aime plus ! […] elle reste insouciante pour la forme qui la fera vivre et qui emporte l’idée vers l’avenir, sur ses ailes !
Ahasverus voulait être une épopée en prose, comme Merlin l’Enchanteur ; tirée des légendes, comme Merlin, et sous la forme légendaire et poétique, cachant, comme Merlin, une philosophie, laquelle est encore celle de Merlin ! […] Peu importe que le fond de ces deux ouvrages soit, sous deux noms différents, le même prétexte ou le même procédé pour nous faire voir le monde merveilleux ou historique des légendes et nous réverbérer, en le concentrant dans notre âme, ce prodigieux panorama ; mais il importe fort pour le mérite du poète et son progrès, pour l’intérêt et pour l’émotion du lecteur, que la forme et la manière de l’un ne soient pas par trop identiquement la forme et la manière de l’autre !
Avant que la poésie lyrique s’alliât dans les fêtes à toutes les puissances de l’harmonie, elle employait surtout la forme simple du vers héroïque. […] Enfin lorsque, dans l’Iliade, au dernier combat d’Hector le poëte fait succéder, comme pour l’apothéose d’une telle victoire, l’acclamation soudaine des vainqueurs : « Nous avons remporté une grande gloire, nous avons tué le vaillant Hector » ; rien n’est changé dans la forme des vers ; et le majestueux hexamètre se plie et se replie à ces violentes saillies de la joie guerrière. […] Quoi qu’il en fut des formes simples de l’hymne primitif, le rhythme dut varier bientôt et se prêter à tous les mouvements que l’élan de l’imagination, l’émotion du chant, le concert des voix, le tressaillement de la foule qui leur répond, pouvaient imprimer au poëte.
Convenons que la présentation d’un tel fond sous une telle forme fait bizarre effet. […] Et, qu’ils n’y pensent point, c’est peut-être la forme la plus sûre du bonheur même. […] Le mal que Sainte-Beuve a dit de Balzac forme une sorte de poème critique très brillant. […] L’esprit français est un par l’unité de la langue et de la forme, par la commune culture classique. […] Ces maîtres pensent, en général, d’une manière naturelle dans la forme du développement.
Le passé, se reployant ainsi sur le présent par un ingénieux artifice, raccourcit l’action en la complétant, et varie ses formes en resserrant leur étendue. […] On ne saurait donc trop recommander aux poètes épiques de ne se rendre les imitateurs d’Homère qu’en copiant ses formes les plus animées. […] Une forme gigantesque, une action héroïque, bien que naturelles, sont extraordinaires, parce qu’elles sont rares : une forme idéale, conventionnelle ou monstrueuse, une action supérieure à la puissance humaine, étant surnaturelles, sont merveilleuses parce qu’elles ne sont jamais. […] Après les divers mouvements de la fiction, le géant quitte sa forme, et les lieux où il apparut reprennent leur assiette naturelle. […] Ce serait là le prodige du merveilleux allégorique, dont l’illusion doit toujours revêtir le vrai d’une forme évidente et positive.
Pensées flottantes, songes sans formes, désirs sans objet et sans limites, voilà le domaine et le sortilège de la musique. […] Par là, elle est bien la forme d’art qui convient le mieux à notre temps. […] André Chénier était païen de souvenirs, de pensée, d’inspiration, mais il a été le régénérateur et le roi de la forme lyrique. […] Et vraiment elle était jolie, baignée dans ce jour léger de Florence, qui caresse les belles formes et nourrit les nobles pensées. […] Les lettrés de Rome, au temps des mauvais empereurs, auraient peut-être savouré cette forme délicieuse du suicide.
Toute la force et le travail de son esprit, détournés du fond, se rejetaient sur la forme. […] Les institutions civiles parurent des ordonnances divines ; l’État prit la forme théocratique et l’esprit la forme théologique qu’ils conservent encore aujourd’hui. […] L’idée de l’Être stable et subsistant par soi-même est aussi antipathique à leur doctrine que la forme circulaire l’est au carré. […] Pour s’affranchir de lui, il faut s’élever jusqu’à la suivante, entrer dans le monde des formes pures. […] Ils s’incarnent d’abord sous forme d’êtres innocents et heureux, sans sexe, sans besoins, lumineux et aériens.
Un joli bonnet noir à la mode allemande s’adaptait étroitement à sa petite tête, qu’un col long et mince attachait gracieusement à une nuque souple et à des épaules d’une forme statuaire. […] Il ne lui manquait que ce personnage ironique, la pire forme du diable, riant du bien et jouissant du mal, Méphistophélès. […] Wagner s’étonne ; Faust soupçonne à demi un esprit déguisé sous la forme caressante de ce charmant animal. […] Le chien, aux paroles enchantées de Faust, apparaît tout à coup sous forme humaine derrière le poêle du jeune docteur. […] On voit combien Goethe, tout esprit sceptique qu’il était, avait compris, jeune, que l’extrême scepticisme était l’extrême forme, la forme satanique de tout mal.
Une certaine bassesse de cœur avec une fausse élévation d’esprit forme le plus souvent son caractère. […] Au lieu d’en tracer des tableaux passionnés, c’est sous les formes pacifiques de la spéculation qu’il les déshonore et les livre à la haine des peuples. […] S’il vous plaît est du moins un hommage, ne fut-ce que de forme, rendu à la liberté dans l’homme qui a volontairement engagé la sienne. […] « Je forme, y dit-il, une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur. […] La gloire même avait pris pour lui la forme de la persécution ; insuffisante pour assouvir son orgueil, elle n’était que le plus grand ennemi de son repos.
Quoi qu’il en soit, l’acte gratuit dans sa forme idéale serait un pont de l’ambition minuscule à la liberté, du relatif à l’absolu. […] Ils essaient de se rattraper aux branches secondaires, de dessiner des arabesques, d’oublier le fond pour la forme, de ne plus penser au pourquoi, mais au plus simple, au plus facile comment. […] Un tel éloge, méritent de le partager, les meilleurs d’aujourd’hui qui ne se sont souciés ni des secours de la forme ni des faciles séductions des couleurs. L’œil d’un Picasso, aigu à percer les nuages commodes, déchire les voiles des brouillards trop doux pour éclairer d’une lumière inexorable les mystères cachés derrière chaque objet, chaque forme, chaque couleur. […] ») est sans ambiguïté ; Crevel figurait en tête des signataires… Il récuse le dandysme et le culte du bibelot fin de siècle, mais aussi certaine fascination du mot et de ses jeux qu’on peut retrouver de Mallarmé jusqu’aux raffinements de la forme chez Valéry.
Quoi qu’il en soit, il ne perd aucune occasion de critiquer Réaumur, et pour le fond des idées et pour la forme ; il lui reproche de se noyer dans une immensité de paroles : et en effet Réaumur, lu à côté de Buffon, a le style bien diffus et bien prolixe ; il l’a cependant clair et naturel, et, quand il parle des abeilles, il devient agréable. […] Buffon apparaît donc ici sous la forme d’un conquérant qui tient l’épée, comme une sorte de Moïse ou de Josué de la science, et je m’avoue un peu étonné : je me l’étais toujours figuré plus calme et moins flamboyant. […] Henri Martin a donné sur Buffon un chapitre ferme, étudié, fort bon autant que j’en puis juger, s’il ne s’y mêlait un peu trop de cette dernière manière fougueuse de concevoir Buffon : Quelles prodigieuses visions durent l’assaillir, s’écrie l’historien, quand la nature se présenta à lui comme un seul être dont il avait à décrire les formes et à raconter les vicissitudes ! […] À part quelques mots de pure forme et de déférence, l’idée seule de la nature, c’est-à-dire des lois immuables et nécessaires limitant et enveloppant de toutes parts la force de l’homme, est ce qui règne chez Buffon.
En même temps que la forme de son intelligence n’admet que le système absolu, la nature de son âme aussi n’est capable que d’affections extrêmes. […] Sa forme profonde d’esprit était la foi : croire à une choseou à son contraire, n’importe ! […] La forme un peu déclamatoire, un peu apocalyptique, de cet éloquent pamphlet m’avait caché d’abord ce qu’il y avait là dedans de flamme communicative et de puissance d’éruption, — de ce qui faisait dire plus tard à l’auteur : « C’est égal ! […] L’avenir ne le reniera pas ; sa dernière forme, dégagée de quelques violences qui de loin, déjà, nous font seulement sourire, prévaudra dans la mémoire ; son dernier geste, dès qu’on veut bien oublier l’énergumène ou l’enfant colère, est d’un ami touché de tendresse jusqu’au fond de l’âme pour ceux qui viendront.
» Il n’est point propre d’ailleurs à être lu de suite, étant trop plein et trop dense de matière, c’est-à-dire d’esprit, pour cela ; mais, à quelque page qu’on l’ouvre, on est sûr d’y trouver le fond et la forme, la réflexion et l’agrément, quelque remarque juste relevée d’imprévu, de ce que Bussy-Rabutin appelait le tour et que nous appelons l’art. […] Destailleur, telle qu’elle s’offre à nous sous cette dernière forme, me paraît très voisine de la perfection qu’on est en droit de réclamer dans tout ce qui se rapporte à La Bruyère. […] À prendre l’ouvrage dans sa forme définitive, tel qu’il était déjà à partir de la cinquième édition, c’est, je l’ai dit, un des livres les plus substantiels, les plus consommés que l’on ait, et qu’on peut toujours relire sans jamais l’épuiser, un de ceux qui honorent le plus le génie de la nation qui les a produits. […] Le talent de La Bruyère aurait pu prendre plus d’une forme littéraire, différente même de celle qu’il a préférée.
Nous avons vu, sous la forme de femmes du Nord, de tous ces types-là ; et elles nous étonnent dans nos timidités et nos agréables routines parisiennes, elles nous déconcertent toujours ; nous avons peine à nous les expliquer, car nous ignorons les origines et les sources premières. […] Pour rien au monde, quand je le pourrais, je ne voudrais enlever à l’humanité un dogme utile ou même une illusion consolante ; mais lorsqu’une doctrine prend la forme d’un jeu d’esprit ou d’un exercice de talent, il est bien permis de la discuter. […] » Et, jusqu’à l’article de la mort, presque à l’agonie, conservant ces formes de rédaction ingénieuse, elle disait : « La résignation est encore distincte de la volonté de Dieu ; c’est la différence de l’union à l’unité ; dans l’union, on est encore deux, dans l’unité seule on n’est plus qu’un… » J’avoue que quand je vois un instrument si subtil et dont on se sert si bien, j’ai toujours peur que l’on ne me crée des distinctions qui ne soient que dans l’instrurment même, c’est-à-dire dans le tissu du langage, et qui s’évanouissent dès qu’avec un esprit exact on en vient à serrer de près les choses. […] Son énergie sa volonté et la destinée difficile qu’elle ne s’était point choisie tinrent longtemps ce caractère en forme et à la gêne, avant qu’il nous apparût tout fait, tout cimenté et dans sa pleine consistance.
Ses maîtres l’appréciaient fort, et si une telle analyse ne nous échappait ici par son détail et sa ténuité, on pourrait faire remarquer qu’ils lui laissèrent chacun quelque chose de leur empreinte ; il gardait non seulement de leur influence, mais de leur forme, de leur pli. […] En argumentant contre lui, Rigault l’amena peu à peu sur le terrain qu’il jugeait commode, et tout d’un coup il lui demanda à brûle-pourpoint de vouloir bien conjuguer, dans ses différentes formes, le verbe grec, κλέπτω, je dérobe. […] Le souvenir de Rigault mérite de vivre, et par ses écrits, et parce qu’il est le représentant d’une forme d’esprits, le dernier rejeton brillant d’une race qui, je l’espère, n’est pas près de finir, qui est un peu compromise pourtant dans son intégrité et sa rectitude, celle du parfait normalien, de l’universitaire pur. […] Sans originalité native, sans besoin d’invention pour son compte ni chez autrui, plus jaloux de maintenir le goût que de découvrir les talents nouveaux, et enclin même à railler outre mesure les essais qui ne rentraient pas dans les formes connues, il était habile et ferme sur la défensive, prompt à châtier quiconque chassait sans permission sur les terres du domaine classique.
Pays et race, et forme sociale, et histoire, c’est tout un. […] Le génie des Grecs est infini et varié ; il est naturellement délicat ; toutes les formes de l’art y atteignent vite et d’elles-mêmes à la perfection et à la fleur. […] Il pense avec Dion Cassius « que tant que la République fut petite et son territoire médiocre, la forme républicaine pouvait suffire et qu’elle fut un bien, mais que, sitôt que Rome, se jetant au dehors de l’Italie et traversant les mers, eut rempli de sa puissance les continents et les îles lointaines, la République n’était plus qu’un mal. » Voyez Rome, en effet, au temps de César et avant qu’il mette la main à l’Empire, avant qu’il soit revenu des Gaules pour passer le Rubicon : quelle confusion ! […] Zeller un peu sévère pour Auguste, non qu’il ne comprenne et ne définisse parfaitement la pensée de ce profond politique, mais il paraît le blâmer et croire qu’Auguste, en profitant pour lui de l’avertissement donné par la mort de César, a trop masqué l’idée nouvelle, n’a osé l’appliquer ouvertement et nettement, et n’a abouti sous sa forme mitigée qu’à un compromis fâcheux, « l’Empire républicain », quelque chose qui n’était ni aristocratie, ni démocratie, ni république, ni monarchie franche.