Le désaccord au fond règne entre eux. […] » La situation se dessine vivement, ainsi que les caractères : il y a au fond deux natures et deux conditions différentes en jeu. […] Au fond, c’est bien la même dans les deux âges, sauf la couleur et le sourire.
Il faut voir comme l’orateur, après avoir exalté toutes les vertus de la mère, y célèbre dans le jeune prince — « Le rayon divin qui brille avec tant d’éclat sur son visage et dans toute sa personne ; cet air noble, fin et délicat, cette vivacité ingénieuse qui n’a rien de rude, de léger ni d’emporté ; cette physionomie haute, sérieuse et rassise qu’on lui voit prendre dans les fonctions publiques, et qui donne un nouveau lustre aux grâces naïves de son âge ; enfin l’agrément inexprimable que le Ciel a répandu dans toutes ses actions, qui le rend le centre des cœurs aussi bien que des yeux dans les assemblées et dans les cérémonies, qui le distingue beaucoup plus que le rang qu’il y tient, et dans lequel on entrevoit toujours pour dernier charme un fond de bonté, de droiture, de discernement et de raison qui se découvre tous les jours de plus en plus dans tous ses sentiments et toutes ses inclinations. […] Mais que pense-l-il au fond ? […] Dès 1687, il est décidé au fond contre Louis XIV ; comment ne le serait-il pas après tant d’injures ?
Tout en lisant le présent ouvrage où l’ancien élève de l’Observatoire de Paris a réuni, comme en se jouant, toutes les découvertes de la science la plus avancée et les a combinées avec d’autres idées moins précises à l’appui de ses hypothèses, je me suis pris pourtant à rouvrir Fontenelle dans son ingénieux livre de la Pluralité des Mondes, publié en 1686, une année avant que Newton donnât le livre immortel des Principes, et j’ai de nouveau rendu justice à ce philosophe supérieur qui avait sans doute quelques défauts de manière, mais qui voyait si juste et si loin quant à ce qui est du fond des choses. […] Au fond, le sujet de Fontenelle n’est autre que celui du livre de M. […] S’il a l’air de céder si aisément et de se dérober quand il a affaire au peuple, c’est-à-dire aux esprits frivoles, esclaves du préjugé et de l’habitude, c’est qu’il ne veut rien céder du fond et qu’il réserve pour un petit nombre, « pour une petite troupe choisie », l’entière originalité et l’intégrité parfaite de ses pensées.
Il a pu y avoir, tel jour et à telle heure, un peu de détente dans cette roideur de relations, mais sans changement de disposition au fond et, comme on dit, rancune tenante. […] M. de Turenne, à cheval, au petit galop, gagnait le long d’un fond, afin d’être à couvert de ces deux petites pièces ; en chemin il aperçut Saint-Hilaire sur la hauteur et alla à lui. […] Saint-Simon nous a initiés, nous a transportés d’emblée au cœur de bien des mystères ; il a éclairé le fond et les murailles de la caverne.
Hommes d’observation, de sincérité et de hardiesse, ils se sont fait une doctrine à leur usage : ils se sont dit de ne pas répéter ce qui a été dit et fait par d’autres ; ils vont au vif dans leurs tableaux, ils pénètrent jusqu’au fond et aux bas-fonds ; ils veulent noter la réalité jusqu’à un degré où on ne l’avait pas fait encore ; ils tiennent, par exemple, à copier et à reproduire la conversation du jour et du moment, les manières de dire et de parler si différentes de la façon d’écrire, et que les auteurs, d’ordinaire, ne traduisent jamais qu’incomplètement, artificiellement ; ils ne reculent pas au besoin devant la bassesse des mots, fussent-ils dans une jolie bouche et du jargon tout pur, confinant à l’argot ; ils imitent, sans rien effacer, sans faire grâce de rien ; ils haïssent la convention avant tout ; pas d’école : « Aussitôt qu’il y a l’école de quelque chose, ce quelque chose n’est plus vivant. » Ils haïssent la fausse image et le ponsif du beau : « Il y a un beau, disent-ils, un beau ennuyeux, qui ressemble à un pensum du beau. » Très-bien : Je les comprends, je les approuve, je les suis volontiers, ou à très-peu près, jusque-là. […] Ils sont bien des hommes de la fin du xviiie siècle en cela ; mais ils sont tout à fait des artistes du xixe par les touches successives du tableau et les nuances à l’infini : « Se trouver, en hiver, dans un endroit ami, entre des murs familiers, au milieu de choses habituées au toucher distrait de vos doigts, sur un fauteuil fait à votre corps, dans la lumière voilée de la lampe, près de la chaleur apaisée d’une cheminée qui a brûlé tout le jour, et causer là à l’heure où l’esprit échappe au travail et se sauve de la journée ; causer avec des personnes sympathiques, avec des hommes, des femmes souriant à ce que vous dites ; se livrer et se détendre ; écouter et répondre ; donner son attention aux autres ou la leur prendre ; les confesser ou se raconter ; toucher à tout ce qu’atteint la parole ; s’amuser du jour, juger le journal, remuer le passé comme si l’on tisonnait l’histoire ; faire jaillir, au frottement de la contradiction adoucie d’un : Mon cher, l’étincelle, la flamme, ou le rire des mots ; laisser gaminer un paradoxe, jouer sa raison, courir sa cervelle ; regarder se mêler ou se séparer, sous la discussion, le courant des natures et des tempéraments ; voir ses paroles passer sur l’expression des visages, et surprendre le nez en l’air d’une faiseuse de tapisserie ; sentir son pouls s’élever comme sous une petite fièvre et l’animation légère d’un bien-être capiteux ; s’échapper de soi, s’abandonner, se répandre dans ce qu’on a de spirituel, de convaincu, de tendre, de caressant ou d’indigné ; jouir de cette communication électrique qui fait passer votre idée dans les idées qui vous écoutent ; jouir des sympathies qui paraissent s’enlacer à vos paroles et pressent vos pensées comme avec la chaleur d’une poignée de main : s’épanouir dans cette expansion de tous et devant cette ouverture du fond de chacun ; goûter ce plaisir enivrant de la fusion et de la mêlée des âmes, dans la communion des esprits : la conversation, — c’est un des meilleurs bonheurs de la vie, le seul peut-être qui la fasse tout à fait oublier, qui suspende le temps et les heures de la nuit avec son charme pur et passionnant. […] L’usufruit d’uno agrégation de molécules. » Ils s’arrêtent, d’ailleurs, à temps comme Rivarol, dans l’expression de la non-croyance ; en ce genre ils n’affichent rien : « Lorsque l’incrédulité devient une foi, pensent-ils, elle est moins raisonnable qu’une religion. » Leur incrédulité reste celle de gens comme il faut119. — Moralistes, ils ont des sorties misanthropiques à la Chamfort : « On est dégoûté des choses par ceux qui les obtiennent, des femmes par ceux qu’elles ont aimés, des maisons où on est reçu par ceux qu’on y reçoit. » Je crois avoir assez marqué la variété de ce Recueil, qui gagnerait à ce qu’on en retranchât, à la réimpression, une vingtaine de pensées par trop recherchées et aussi énigmatiques par le fond que par la forme.
Il grandit, il prospère, au fond de son pauvre petit berceau tout farci de plumes d’alouettes, maigre, menu, nourri pourtant de bon lait, et joyeux comme le fils d’un roi. […] Le poëte passe tour à tour d’Angèle, la jolie et la légère, qui ne voit que sa croix d’or et sa couronne, à la pauvre Marguerite, qui, à tâtons, va chercher au fond d’un tiroir quelque chose qu’elle cache en frémissant dans son sein. […] La cérémonie commence, l’anneau est béni, et Baptiste le tient ; mais, avant de le mettre au doigt qui l’attend, il faut qu’il prononce une parole… Elle est dite ; aussitôt, du côté du garçon d’honneur, une voix s’élève ; Marguerite, qui peut-être au fond de son cœur doutait encore, a crié : « C’est lui !
Mais il lui manque cette curiosité attentive de recherche et d’étude qu’on appelle l’érudition ; il se garderait surtout de paraître viser à l’exactitude du détail, qui est pourtant le fond de la trame en ce genre de portraits et de biographies littéraires. […] Gautier, qui souvent aurait eu peu à faire pour compléter de la sorte ses propres aperçus, pour donner du moins un fond solide à ses jeux brillants et capricieux, s’en est trop peu soucié d’ordinaire. […] Si ces ustensiles entrent dans le cadre et le fond d’un tableau, à la bonne heure !
Telle apparaît au lecteur impartial la régence d’Anne d’Autriche ; tel est le fond ténébreux et sanglant sur lequel se dessina un beau matin la Fronde, qu’on est convenu d’appeler une plaisanterie à main armée. […] C’était, comme dit Mme de Sévigné, des conversations infinies : « Après le dîner, écrit-elle quelque part à sa fille, nous allâmes causer dans les plus agréables bois du monde ; nous y fûmes jusqu’à six heures dans plusieurs sortes de conversations si bonnes, si tendres, si aimables, si obligeantes et pour vous et pour moi, que j’en suis pénétrée7. » Au milieu de ce mouvement de société si facile et si simple, si capricieux et si gracieusement animé, une visite, une lettre reçue, insignifiante au fond, était un événement auquel on prenait plaisir, et dont on se faisait part avec empressement. […] On a un charmant portrait de Mme de Sévigné jeune par l’abbé Arnauld ; il faut qu’elle ait eu bien de l’éclat et de la couleur pour en communiquer un moment au style de ce digne abbé, qui ne paraît pas avoir eu, comme écrivain, tout le talent de la famille : « Ce fut en ce voyage, dit-il en ses Mémoires (à l’année 1657), que M. de Sévigné me fit faire connoissance avec l’illustre marquise de Sévigné, sa nièce… Il me semble que je la vois encore telle qu’elle me parut la première fois que j’eus l’honneur de la voir, arrivant dans le fond de son carrosse tout ouvert, au milieu de M. son fils et de mademoiselle sa fille : tous trois tels que les poëtes représentent Latone au milieu du jeune Apollon et de la jeune Diane, tant il éclatoit d’agrément dans la mère et dans les enfants !
Une jeune fille qui sort pour la première fois du couvent où elle a passé toute son enfance ; un beau lord élégant et sentimental, comme il s’en trouvait vers 1780 à Paris, qui la rencontre dans un léger embarras et lui apparaît d’abord comme un sauveur ; un très-vieux mari, bon, sensible, paternel, jamais ridicule, qui n’épouse la jeune tille que pour l’affranchir d’une mère égoïste et lui assurer fortune et avenir ; tous les événements les plus simples de chaque jour entre ces trois êtres qui, par un concours naturel de circonstances, ne vont plus se séparer jusqu’à la mort du vieillard ; des scènes de parc, de jardin, des promenades sur l’eau, des causeries autour d’un fauteuil ; des retours au couvent et des visites aux anciennes compagnes ; un babil innocent, varié, railleur ou tendre, traversé d’éclairs passionnés ; la bienfaisance se mêlant, comme pour le bénir, aux progrès de l’amour ; puis, de peur de trop d’uniformes douceurs, le monde au fond, saisi de profil, les ridicules ou les noirceurs indiqués, plus d’un original ou d’un sot marqué d’un trait divertissant au passage ; la vie réelle, en un mot, embrassée dans un cercle de choix ; une passion croissante qui se dérobe, comme ces eaux de Neuilly, sous des rideaux de verdure, et se replie en délicieuses lenteurs ; des orages passagers, sans ravages, semblables à des pluies d’avril ; la plus difficile des situations honnêtes menée à fin jusque dans ses moindres alternatives, avec une aisance qui ne penche jamais vers l’abandon, avec une noblesse de ton qui ne force jamais la nature, avec une mesure indulgente pour tout ce qui n’est pas indélicat : tels sont les mérites principaux d’un livre où pas un mot ne rompt l’harmonie. […] La passion ingénue, coquette parfois, sans cesse attrayante, d’Athénaïs et d’Eugène, se détache sur un fond inquiétant de mystère : même quand elle s’épanouit le long de ces terrasses du jardin ou dans la galerie vitrée, par une matinée de soleil, on craint M. de Rieux quelque part absent, on entrevoit cette figure mélancolique et sévère du père d’Eugène ; et si l’on rentre au salon, cette tendresse des deux amants s’en vient retomber comme une guirlande incertaine autour du fauteuil aimable à la fois et redoutable de la vieille maréchale qui raille et sourit, et pose des questions sur le bonheur, un La Bruyère ouvert à ses côtés. […] J’oserais conjecturer que cette circonstance est demeurée la plus grande affaire de sa vie, et le fond le plus inaltérable de ses rêves.
Les souvenirs de cette émigration, du séjour en Angleterre, de la mort du roi, composaient en elle un fond de tableau ; elle y revenait souvent et aimait à les retracer. […] Mais l’âme ardente, la faculté d’indignation généreuse et de dévouement, l’énergie de sentir, voilà surtout ce qu’elles avaient de commun, et ce par quoi l’auteur d’Édouard était sœur au fond, sœur germaine de l’auteur de Delphine. […] C’est qu’au fond tout était lutte, souffrance, obstacle et désir dans cette belle âme, ardente comme les climats des tropiques où avait mûri sa jeunesse, orageuse comme les mers sillonnées par Kersaint ; c’est qu’elle était une de celles qui ont des instincts infinis, des essors violents, impétueux, et qui demandent en toute chose à la terre ce qu’elle ne tient pas ; qui, ingénument immodérées qu’elles sont, se portent, comme a dit quelque part l’abbé Prévost, d’une ardeur étonnante de sentiments vers un objet qui leur est incertain pour elles-mêmes ; qui aspirent au bonheur d’aimer sans bornes et sans mesure ; en qui chaque douleur trouve une proie facile ; une de ces âmes gênées qui se heurtent sans cesse aux barreaux de la cage dans cette prison de chair.
On cacha la faiblesse de Crithéis, et on l’envoya dans une autre colonie grecque qui se peuplait en ce temps-là au fond du golfe d’Hermus, et qui s’appelait Smyrne. […] Les montagnes qui encadrent le golfe d’Hermus, au fond duquel s’élève Smyrne, étaient alors, comme elles sont encore aujourd’hui, une contrée pastorale riche en troupeaux ; les femmes filaient les laines pour faire ces tapis, industrie héréditaire de l’Ionie. […] Supposez, dans l’enfance ou dans l’adolescence du monde, un homme à demi sauvage, doué seulement de ces instincts élémentaires, grossiers, féroces, qui formaient le fond de notre nature brute, avant que la société, la religion, les arts eussent pétri, adouci, vivifié, spiritualisé, sanctifié le cœur humain ; supposez qu’à un tel homme, isolé au milieu des forêts et livré à ses appétits sensuels, un esprit céleste apprenne l’art de lire les caractères gravés sur le papyrus, et qu’il disparaisse après en lui laissant seulement entre les mains les poésies d’Homère !
Il efface la brutalité et la polissonnerie, qui sont le fond des mœurs réelles ; il les purifie, il n’en conserve que les apparences de souveraine élégance, l’exquise finesse des manières et du ton ; et c’est à son insu que le monde charmant qu’il nous présente révèle sa nature intime par un indéfinissable parfum de sensualité. […] L’amour des comédies de Marivaux n’est en son fond ni mystique ni romanesque, il est simplement naturel. […] Mais, au fond, Diderot ne le nie pas.
Dans la première période, grâce à l’entêtement qui est le fond de sa nature, Zola nous émut par une apparence de bravoure. […] Ses paroles pardonnent presque à la guerre d’autrefois et, au fond, son cœur l’aime, car les anciens soudards « n’intégraient point sans quelque désinvolture cette besogne édifiante » et « elle n’allait point sans les beaux faits d’armes, les grands coups d’épée, les actes justifiant l’attitude et la valeur excusant le panache ». […] Bergeret, et vous demanderiez pour vous le supplice d’une Danaïde qui fait passer des fleuves par son tonneau sans fond plutôt que la destinée aimable de l’enfant dont la moindre fontaine remplit l’urne légère.
Ce dernier ton, c’est-à-dire l’accent pénétrant et sérieux, qui va au fond de tout, n’est point rare dans ces lettres de Mme Du Deffand. […] Je lus hier Othello, je viens de lire Henri VI ; je ne puis vous exprimer quel effet m’ont fait ces pièces, elles m’ont ressuscitée. » Elle aussi, à sa manière, elle a sa vue du fond comme Shakespeare, et sa lettre lxive est ce que j’appelle chez elle son monologue d’Hamlet. […] Du fond de son fauteuil, aveugle qu’elle était, elle voyait tout ; elle emploie perpétuellement ce mot voir ; elle oublie qu’elle n’a plus d’yeux, et on l’oublie en l’écoutant.
Et puis, si l’on va au fond, le public n’a pas été trompé sur un point capital : il n’a pas, je le crois, été assez frappé du talent, mais il a senti, à travers ce récit où tant de tons se croisent et se heurtent, une opiniâtre personnalité, une vanité persistante et amère qui, à la longue, devient presque un tic. […] » Un très bon juge me disait à ce sujet, et je ne puis mieux faire que de rapporter ses paroles : « Quant au fond, M. de Chateaubriand se rappelle sans doute les faits, mais il semble avoir oublié quelque peu les impressions, ou du moins il les change, il y ajoute après coup ; il surcharge. […] La gaieté, chez M. de Chateaubriand, n’a rien de naturel et de doux ; c’est une sorte d’humeur ou de fantaisie qui se joue sur un fond triste, et le rire crie souvent.
Dans le peu qu’on nous donne ici de ses conseils à Mme de Maintenon, il sait mettre le doigt sur les défauts essentiels, sur cet amour-propre qui veut tout prendre sur soi, sur cet esclavage de la considération, cette ambition de paraître parfaite aux yeux des gens de bien, enfin tout ce qui constituait au fond cette nature prudente et glorieuse. […] On aurait dit que, du fond de son exil de Cambrai, Fénelon recevait en plein le rayon, et qu’à côté de son royal élève il régnait déjà. […] Il répondit à La Motte par des compliments et des louanges, sans vouloir se prononcer sur le fond ; il s’en tira par un vers de Virgile, qui laisse la victoire indécise entre deux bergers : « Et vitula tu dignus, et hic… » La victoire indécise entre La Motte et Homère !
Quand on a fait le décompte de ses fautes, de ses ambitions et de ses torts personnels, la somme et le fond de sa politique restent encore ce qu’on vient de voir et qu’il a si bien retracé. […] Quand il en vient aux époques de la Réforme, de la guerre de Trente Ans, l’historien-roi définit en peu de mots ces grands événements par leurs traits généraux et dans leurs principes réels ; toujours et partout il démêle le fond d’avec les accessoires. […] Henry estime que cette moquerie irréligieuse de Frédéric se passait surtout à la surface de son âme ; qu’en s’y livrant, il s’abandonnait surtout à un mauvais ton de société, dans la pensée que cela n’arriverait jamais à la connaissance du public ; mais que le fond de sa royale nature était sérieux, méditatif, et digne d’un législateur qui embrasse et veut les choses fondamentales de toute société et de toute nation.
Tel est le rôle du grand Frédéric dans l’histoire ; mais, au fond, ses goûts secrets ou même très peu secrets, ses réelles délices étaient de raisonner en toute matière, de suivre ses pensées de philosophe, et aussi de les jeter sur le papier, soit au sérieux, soit en badinant, comme rimeur et comme écrivain. […] Il devait juger mieux de Polybe, chez qui le fond l’emporte ; un critique d’un vrai mérite (M. […] Dès qu’il avait découvert leur côté faible, il les piquait sans pitié par ce défaut de la cuirasse ; il faisait d’eux ses plastrons, il s’exerçait à mépriser l’humanité en leur personne, et il s’acquit ainsi une réputation de méchant, quand ce n’était au fond qu’un terrible satirique de société.
Un caractère qui est essentiel chez lui et qu’on ne tarde pas à découvrir comme faisant le fond de son mérite, c’est une excellente judiciaire, ainsi qu’on disait autrefois, une appréciation juste et moyenne des choses, de quelque côté qu’il se retourne et qu’il dirige sa vue. […] Il est pour le mariage dès la jeunesse ; il en traite un peu gaiement et d’un ton un peu cru parfois, mais avec sagesse et chasteté au fond. […] De tous ces princes et seigneurs qui ne parlent en sens divers que de la religion de Dieu, du service du roi, de l’amour de la patrie, « je n’en vois pas un tout seul, dit-il, qui, sous ces beaux prétextes, ne ruine totalement le royaume de fond en comble… Il seroit impossible de vous dire quelles cruautés barbaresques sont commises d’une part et d’autre : où le Huguenot est le maître, il ruine toutes les images, démolit les sépulchres et tombeaux… En contr’échange de ce, le catholique tue, meurdrit, noie tous ceux qu’il connoît de cette secte ; et en regorgent les rivières… » Quant aux chefs, bien qu’ils fassent contenance de n’approuver tels déportements, Pasquier remarque qu’ils les passent aux leurs par connivence et dissimulation.
Né d’un père excellent et qui, médiocrement instruit, avait donné avec un véritable enthousiasme dans le mouvement de la Renaissance et dans toutes les nouveautés libérales de son temps, il avait corrigé ce trop d’enthousiasme, de vivacité et de tendresse, par une grande finesse et justesse de réflexion ; mais il n’en avait point abjuré le fond originel. […] Tout s’y entrechoque, s’y heurte ; rien ne s’y fond encore et ne s’y nuance. […] Tel qu’il est, Montaigne est notre Horace ; il l’est par le fond, il l’est par la forme souvent et l’expression, bien que par celle-ci il aille souvent aussi jusqu’au Sénèque.
Pourtant toutes ces premières fondations de Colbert ne se maintinrent pas à un égal degré ; il y eut quelquefois plus de façade que de fond, plus de tenture que de solide. […] Il entend donc certaines parties du moins de la poésie ; mais ce qui en est le fond et la fin il ne l’entend pas. […] Le fond de la question lui était plus étranger qu’à personne.
Le désir et l’espoir me prennent de tirer quelque chose de chacun de ces volumes ; car pour peu qu’il y ait au fond une nature de poète, si incomplète qu’elle soit, on a chance d’y rencontrer tel accent, telle note, telle particularité d’expression et de sentiment qui ne se retrouvera plus. […] Le chevreuil, il nous le peint d’un trait net et bien venu : Dans un bois du canton pris dès son plus jeune âge, Il était familier, bien qu’au fond tout sauvage : Aux heures des repas, gentiment dans la main Il s’en venait manger et des fruits et du pain. […] ne regardez pas trop au fond de la littérature, vous tous qui l’aimez d’un amour virginal, honnête et simple !
Beaumarchais entra dans la lice, défendant la société et les administrateurs ; je crois qu’au fond il avait complètement raison. […] Un jour que Beaumarchais dînait chez la princesse de Nassau-Siegen, on parla de cette infortunée, qui avait écrit du fond de sa prison une requête touchante ; on la lui donna à lire, ainsi qu’un paquet de lettres du mari, et qui étaient très peu à l’honneur de ce dernier : Je passai sur une terrasse, dit Beaumarchais, où je les lus avidement. […] Au fond, il a pour dieux Plutus et le Dieu des jardins, ce dernier tenant une très grande place jusqu’au dernier jour.
Il en résulte ce quelque chose d’amer qui surgit du fond de la coupe enivrante : le plaisir est lié à une dépense de force qui a pour terme la souffrance. […] L’appétition et l’émotion apparaissent ainsi au fond do la mémoire, comme le ressort caché de l’association des états de conscience et comme le principal moyen de leur synthèse. […] Il n’en est pas moins vrai que le véritable fond du processus est dans l’appétit, dont le mécanisme est la manifestation extérieure ; s’il n’y avait pas dans les éléments de notre organisme des appétitions élémentaires et, dans le tout, un appétit général où les autres se résument et se composent, il n’y aurait ni vie, ni mouvement, ni mémoire.
., j’émets des jugements qui peuvent paraître exprimer des estimations, mais qui sont, au fond, de simples jugements de réalité. […] D’autre part, si vraiment la valeur des choses se mesurait d’après le degré de leur utilité sociale (ou individuelle), le système des valeurs humaines devrait être révisé et bouleversé de fond en comble ; car la place qui y est faite aux valeurs de luxe serait, de ce point de vue, incompréhensible et injustifiable. […] Il y a, au fond, quelque chose de profondément empiriste dans un idéalisme ainsi entendu.
Et, au fond, c’est là qu’est, dans l’esprit de ceux qui le jugèrent, le véritable crime d’Oscar Wilde. […] Selon son habitude que nous révéla L’Éclair, le novateur travaillait, au fond d’un vieux couvent, sous des clématites. […] Car ce n’était, au fond, chez lui, qu’un besoin littéraire, une soif ardente de connaître, et la juvénile assurance qu’il allait, par la science, entrer dans le monde merveilleux de la vie. […] Au fond, ils se ressemblent dans la parité des préoccupations que l’on sent exclusivement politiques, et ce que je vois de plus clair dans l’esprit révolutionnaire de M. […] Et le drame est d’autant plus poignant, il vous prend d’autant plus aux entrailles qu’il n’est point seulement dans les péripéties, d’ailleurs très simples, mais dans l’idée, dans le pathétique et la terreur de l’idée, laquelle descend, comme une lueur sinistre, jusque dans le fond de la chair, jusque dans le fond des ténèbres de la chair.
Inégales de valeur sont les pièces qui composent les Pourpres mystiques, car plusieurs d’entre elles témoignent de quelque négligence dans le fond autant que dans la forme ; mais ce livre est une belle promesse.
Comme ses Ouvrages sont plus d’un Physicien que d’un Littérateur, nous n’en jugerons point le fond ; nous nous contenterons de dire qu’ils sont écrits d’un style aisé & assez clair pour instruire le commun des Lecteurs sur toutes les matieres qu’il traite.
Ce n’est pas à nous qu’il appartient d’en juger le fond : nous dirons seulement que la forme en est méthodique, & la diction pure, élégante, toujours proportionnée au sujet ; qualité précieuse, & qui n’est le partage que des bons Ecrivains.
Dans le fond, rien de plus froid, de plus sec, de plus décharné, de plus amphigourique, que la Muse de M.
Et, ― au fond de son ennui, il songe au plaisir simple d’être d’accord, de rire avec naïveté, de sourire d’un air discret, de s’émouvoir aux longues commotions. […] Vaine, car l’absolu, c’est la paix profonde au fond des immensités silencieuses, c’est la pensée contemplative d’elle-même, c’est l’unité. […] Il ressemblerait à ces rivières qui coulent avec une fluidité riche sur un fond de sable doré mêlé de cailloux dont la résistance se résout en une musique lente, profonde et continue. […] Qu’elle repose la face contre le fond. […] L’horizon, toujours sombre et béant, Fuit devant moi ; le Vide dort au fond des salles !