/ 2000
240. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Chez lui rien d’essayé, rien de livré au hasard de la jeunesse : il est entré tout armé ; il a pris place avec une netteté, une vigueur d’expression, une concentration et un absolu de pensée qu’il a appliqués tour à tour aux sujets les plus divers, et dans tous il s’est retrouvé un et lui-même. […] C’est ainsi qu’il cerne, en quelque sorte, La Fontaine dans les mille circonstances du monde d’alors, dans les anecdotes les plus caractéristiques que nous en savons, et qu’il essaye de montrer le contrecoup, la réverbération, — comment dirai-je ? […]  » Pourquoi, comme innovation la plus rare, n’essayerait-on pas une fois de commencer, s’il se peut, par une entière justesse ?

241. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

Mme du Deffand, au reste, était tout à fait de cet avis ; depuis surtout que Mlle de Lespinasse avait fait défection et s’était retirée d’auprès d’elle, emmenant à sa suite quelques-uns des coryphées de l’école encyclopédiste, elle était très opposée à tout ce qui ressemblait à des intérêts de parti philosophique ou littéraire : et comme Voltaire, dont c’était le malin plaisir, essayait de provoquer Walpole, de l’amener, par pique et par agacerie, à une discussion en règle sur le mérite de Racine et de Shakespeare, comme de plus il paraissait d’humeur à chicaner les deux dames au sujet de La Bletterie qu’elles protégeaient et qu’il n’aimait pas, Mme de Choiseul écrivait encore à sa vieille amie : Je crois que nous ferons bien de le laisser tranquille ; car, pour moi, je ne veux pas entrer dans une dispute littéraire : je ne me sens pas en état de tenir tête à Voltaire. […] Que d’illusion dans cette ivresse, dans cette longue ovation d’une disgrâce où la mode jouait et s’essayait à la popularité, dans cet espoir, secrètement nourri et toujours présent, d’un futur rappel et d’une rentrée triomphante aux affaires ! […] Quand on la considère dans ses relations avec Horace Walpole et avec les Choiseul, on la voit par son meilleur côté, du côté où elle se cramponne pour essayer d’aimer.

242. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

la plupart de ses jugements littéraires d’alors, courus et touchés à peine, sont restés charmants : — et sur Xavier de Maistre et son frère, si différents, mais semblables en un point, et en général sur les écrivains de Savoie, fins, sagaces et jamais lourds, et desquels on peut dire que « la finesse italienne a passé par là » ; — et sur Mme de Souza, le romancier aux aimables nuances, qui excelle à cent pages d’amour délicat, mais chez qui « cette délicatesse est compensée par l’absence de tout trait fort et profond : le premier volume de ses romans amuse beaucoup, le quatrième lasse toujours » ; — et sur Mme de Staël, contre laquelle il lance des paroles d’un pronostic, effrayant ; et sur Mme de Genlis, qui a trouvé moyen, avec infiniment d’esprit, de faire entrer l’ennui dans ses livres, car l’hypocrisie de salon les glace ; et sur M. de Jouy, à qui il accorde un peu trop en faveur de son Sylla et de ses vers tragiques dignes de la prose ; et sur Andrieux, dont on essaya un moment de faire l’arbitre du goût ; il écrivait de ce dernier en janvier 1823 : « M.  […] Il s’était essayé en poésie et avait lancé dès 1809, sous le titre de Nouvel Art poétique, une assez fine satire contre l’école descriptive de Delille, qui avait été fort remarquée et qui avait réussi. […] L’oncle essaye de gronder tout en louant.

243. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

Malgré cela, la passion avance peu de son côté ; elle fait des objections, des raisonnements sans fin ; on lui répond, et c’est en entrant dans son idée qu’on essaye de l’amener insensiblement plus loin : « Vous ne pouvez pas m’aimer encore, parce que vous êtes une femme, et que les femmes n’aiment pas ainsi pour un oui, pour un non. […] Il essaye de se mettre au point de vue de Marie, et quand elle a fort raisonné sur ce qu’il implore d’elle et qu’elle a épilogué sur les différentes manières d’aimer et sur celle même qu’elle ne comprend pas, il lui dit : « Eh bien ! […] J’essaye aussi.

244. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

J’ai essayé tout d’abord d’appliquer cette idée à l’étude de M. Veuillot ; je l’ai essayé encore, ce qui était plus délicat en raison de la délicatesse même du sujet, à l’égard de M.  […] Il est difficile aux auteurs de ne pas se peindre, surtout dans un premier ouvrage : Émile, qui ne fait autre chose que se raconter à Mathilde, essaye à un endroit de se peindre aussi, ou du moins de tracer l’idéal relatif qu’il a parfois devant les yeux et qu’il est tenté de réaliser : « Il y aurait, dit-il, un caractère intéressant à développer dans un roman ; ce serait celui d’un jeune homme né comme moi sans famille, sans fortune, suffisant à tout ce qui lui manquerait par sa seule énergie, et dont les forces croîtraient avec les obstacles ; un jeune homme qui se placerait au-dessus d’une telle position par un tel caractère ; qui, loin de se laisser abattre par les difficultés, ne penserait qu’à les vaincre, et, esclave seulement de ses devoirs et de sa délicatesse, aurait su parvenir, en conservant son indépendance, à un poste assez élevé pour attirer sur lui les regards de la foule et se venger ainsi de l’abandon.

245. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Il y a eu dans les deux communions des réveils, des coups de baguette impérieux et puissants, des coups de trompette, de grands talents, de belles âmes éloquentes, ardentes, qui ont essayé de fondre les divisions artificielles, de dégager le vrai courant, de reporter les esprits aux hauteurs et aux sources, de ne s’attacher qu’à ce qui est la vie ; et je le dirai avec la conscience de ne faire injure à aucun, s’il y a eu d’un côté Lacordaire, ce regard flamboyant, cette parole de feu, on a eu de l’autre Adolphe Monod, cette âme d’orateur et d’athlète chrétien qui, à ceux qui l’ont vue de près dans son agonie suprême, a rappelé le martyre et l’héroïsme de Pascal. […] À peine si le long des haies quelques violettes en mars, quelques fumeterres qui sentent le baume ; à peine si, près des ruisseaux, au pied des chênes quelques anémones d’un blanc rosé essayent de s’épanouir par touffes. […] Je ne me flatte pas d’avoir tenu la balance parfaitement égale dans la comparaison que j’ai essayé d’établir ; mais si je n’ai pas été tout à fait aussi juste que je l’aurais voulu, je ferai réparation en donnant ici la lettre à la fois gracieuse et véridique que m’a écrite à cette occasion la personne distinguée, ainsi prise à partie par moi sans plus de façon et mise en antagonisme avec Eugénie de Guérin : « Monsieur, « Je reçois le Constitutionnel, et je viens vous remercier d’un cœur sincère.

246. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Aujourd’hui il a essayé dans une suite de notices claires, aisées, agréables, de nous rendre présentes et vivantes les figures des pères et fondateurs de l’astronomie moderne, Copernic, Képler, Galilée, Newton, et de nous donner idée de leurs travaux. […] Je n’oserais essayer de répondre à cette question par respect pour ces beaux génies22. […] Mais, ce service une fois rendu, il ne faudrait pas essayer de lui emprunter cette forme qui n’est plus de saison et qui, chez d’autres que lui, ne serait que minauderie et grimace.

247. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

Le duc de Noailles, très obligé à Saint-Simon, essaya de se lier encore plus avec lui pour la prochaine campagne politique qu’ils allaient faire ensemble ; dans les derniers jours du règne il le tâta ; il jetait en causant ses vues, ses idées, et il en avait de toutes sortes, de spirituelles, d’avancées, de risquées, d’impraticables, d’incompatibles ; il était homme à projets : sur bien des points, ils ne s’entendirent pas. […] Il essayait à dessein d’un mauvais conseil pour le tenter. […] De quelque côté qu’on la prenne et qu’on essaye de la retourner, l’action n’est pas belle ; c’est une perfidie, et si l’espèce de fureur dont est saisi Saint-Simon toutes les fois qu’il y revient peut faire sourire, n’oublions pas qu’il est meilleur juge que personne de la noirceur du tour, puisqu’il savait seul à quel semblant de bonne grâce, d’émotion et de tendresse à son égard s’était portée, dans le tête-à-tête, la reconnaissance du duc de Noailles pour les offices généreux qu’il lui avait rendus.

248. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Essayerait-on de les dégager et de les délivrer ? […] Combien de fois n’ai-je pas essayé de revenir, particulièrement au sujet de Théophile, le plus signalé d’eux tous ! […] Il flotte de Malherbe à Ronsard, il les associe, les confond l’un et l’autre dans ses hommages, tout en s’en éloignant ; il s’essaye en divers sens au gré de son humeur, de son inconstance ; sa théorie, si l’on peut employer un tel mot avec lui, est toute personnelle, tout individuelle : La règle me déplaît, j’écris confusément ; Jamais un bon esprit ne fait rien qu’aisément… J’approuve qu’un chacun suive en tout la nature ; Son empire est plaisant et sa loi n’est pas dure… Il développe encore cette idée avec une singulière vivacité dans l’épître à M.

249. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Vinrent ensuite les Dolce, les Cinthio. les Ruccellai, les Alamanni302, qui s’essayèrent à calquer de leur mieux les formes de l’art antique. […] Et la raison, la voici : tous ces poètes, qui se sont frottes à la robe de Ronsard, ne sont que d’enthousiastes écoliers, qui, les yeux fixés sur les grands modèles, essaient d’en copier de leur mieux le tour et la forme extérieure. […] C’est cette définition qu’il nous faut essayer de présenter maintenant.

250. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Les deux fondateurs des études historiques en notre pays, Thierry et Guizot, représentent ces deux tendances : Guizot, plus philosophe, opère sur des idées ; Thierry, plus imaginatif, essaie d’atteindre les réalités. […] Il a essayé d’y mettre après coup tout le contraire de ce qu’il y avait mis d’abord, il a voulu rattraper, il a rétracté ses jugements836. […] Mais il rachète tous ses défauts par l’ardente virilité, par la générosité foncière des prédications dont il essaie de fortifier les générations nouvelles.

251. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

Les détails du départ, le premier trot de la Grise, la mère de celle-ci, la Vieille Grise, qui, paissant près de là, reconnaît sa fille au passage, et qui essaie de galoper sur la marge du pré pour la suivre, tout est peint au naturel, avec une observation parfaite et une expression vivante. […] Dans La Petite Fadette elle essaie de ressaisir ce je ne sais quoi et de le raviver. […] On peut préférer de lui telle ou telle manière, mais il est curieux de les lui voir essayer toutes.

252. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

C’est ce caractère que je voudrais essayer de déterminer en elle aujourd’hui. […] Elle le jugea du premier coup d’œil, le prit en dégoût, le quitta, essaya par moments de se remettre avec lui, en trouva l’ennui trop grand, et finit par se passer avec franchise toutes les fautes et les inconséquences qui pouvaient nuire à la considération, même en ce monde de mœurs relâchées et faciles. […] Poursuivie de cette idée de solitude et d’éternel ennui, elle essaya alors de se donner une compagne dans Mlle de Lespinasse.

253. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

La critique, à chaque renouvellement de régime, peut essayer et combiner des programmes qu’elle croit utiles ; elle peut proposer et recomposer ses plans d’une littérature studieuse et réparatrice, c’est son droit comme son devoir ; mais l’imagination, la fleur, l’inspiration de la passion et du sentiment, lui échappent ; cela naît et recommence comme il plaît à Dieu, et ne se conseille pas. […] Émile Augier ont formé une sorte d’école ou l’élégie grecque et latine est venue s’essayer et faire épisode au théâtre. […] Un prétendant, un sieur Flammik, une manière de bel esprit, le coq de l’endroit, qui n’est plus paysan et qui n’est pas bourgeois, essaie de s’insinuer près d’elle.

254. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Et qu’a de commun aussi Ariane, amante fugitive puis abandonnée, et qui essaie de noyer son chagrin dans le vin, avec l’idée de la vertu malheureuse ? […] Relisons donc pour toute analyse Paul et Virginie, et, si nous voulons mieux en sentir le prix, essayons de relire, aussitôt après, Atala : il y a dans l’impression comparée qui en résultera toute une leçon de rhétorique naturelle. […] Le public a vainement essayé de le suivre dans les différents siècles, dans les différentes régions du globe ; il nous a fait passer en revue les Druides, les Gaulois, les Romains, César, les Francs et les Saxons, Clovis, Louis XIV.

255. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Lorsque sous la Restauration, à cette heure brillante des tentatives valeureuses et des espérances, de jeunes générations arrivèrent et essayèrent de renouveler les genres et les formes, d’étendre le cercle des idées et des comparaisons littéraires, elles trouvèrent de la résistance dans leurs devanciers ; des écrivains estimables, mais arrêtés, d’autres écrivains bien moins recommandables et qui eussent été de ceux que Boileau en son temps eût commencé par fustiger, mirent en avant le nom de ce législateur du Parnasse, et, sans entrer dans les différences des siècles, citèrent à tout propos ses vers comme les articles d’un code. […] C’est assez pour montrer qu’il ne lui manquait que plus de solidité et de goût pour essayer à l’avance le rôle de son frère ; mais l’humeur et l’intention satiriques ne lui manquaient pas. […] en considérant cette lignée de frères ressemblants et inégaux, il me semble que la nature, cette grande génératrice des talents, essayait déjà un premier crayon de Nicolas quand elle créa Gilles ; elle resta en deçà et se repentit ; elle reprit le crayon, et elle appuya quand elle fit Jacques ; mais cette fois elle avait trop marqué.

256. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

Voyez le point où la spermatologie et l’ovologie sont arrivées aujourd’hui, et rappelez-vous Mariana reprochant à Arnaud de Villeneuve, qui trouva l’alcool et l’huile de térébenthine, le crime bizarre d’avoir essayé la génération humaine dans une citrouille. […] Si vous essayiez d’insinuer à Pythagore qu’il est peu probable qu’il ait été blessé au siège de Troie, lui Pythagore, par Ménélas, deux cent sept ans avant sa naissance, il vous répondrait que le fait est incontestable, et que la preuve, c’est qu’il vous reconnaît parfaitement, pour l’avoir déjà vu, le bouclier de Ménélas suspendu sous la statue d’Apollon, à Branchide, quoique tout pourri, hors la face d’ivoire ; qu’au siège de Troie il s’appelait Euphorbe, et qu’avant d’être Euphorbe il était Æthalide, fils de Mercure, et qu’après avoir été Euphorbe il avait été Hermotime, puis Pyrrhus, pêcheur de Délos, puis Pythagore, que tout cela est évident et clair, aussi clair qu’il est clair qu’il a été présent le même jour et à la même minute à Métaponte et à Crotone, aussi évident qu’il est évident qu’en écrivant avec du sang sur un miroir exposé à la lune, on voit dans la lune ce qu’on a écrit sur le miroir ; et qu’enfin, lui, il est Pythagore, logé à Métaponte rue des Muses, l’auteur de la table de multiplication et du carré de l’hypoténuse, le plus grand des mathématiciens, le père de la science exacte, et que vous, vous êtes un imbécile. […] Pline se scandalise d’Hipparque ; Hipparque, à l’aide d’un astrolabe informe, essaye de compter les étoiles et de les nommer.

257. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

« Enfin il est complet : hypocrite, égoïste, fanfaron du vice, en tout le contraire du Décadent. » J’avais autrefois essayé dans Le Décadent un parallèle entre les deux types. […] En vain dans une brochure dont on se souvient peut-être, essayai-je de fixer quelques points de la doctrine, et par la réapparition de notre périodique transformé en revue, de rappeler sur la brèche ceux de mes anciens collaborateurs qu’effrayait le progrès du Symbolisme ; tout fut inutile. […] Charles Morice, impuissant à arrêter la débâcle symboliste, essaya lui aussi de fonder un nouveau groupe ayant pour raison sociale : Les Poètes français.

258. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

Nous venons d’essayer, dans cette étude, ce que souvent se plaît à faire l’impartiale curiosité de l’esprit français. […] À ce titre, essayons de traduire la protestation, plus anglaise encore que cosmopolite, que lui inspira l’invasion de la Suisse en 1798. […] « Je dispose mes livres, j’essaye mon pinceau, pour charmer les heures languissantes du midi : mais il me manque ton œil doucement approbateur, ton oreille attentive avec indulgence.

259. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Avant-propos » pp. -

C’est faire apprécier au lecteur l’ensemble de toutes les tentatives, dans lesquelles les auteurs se sont essayé à voir avec des yeux autres que ceux de tout le monde ; à mettre en relief les grâces et l’originalité des arts mis au ban par les Académies et les Instituts ; à découvrir le caractère (la beauté) d’un paysage de la banlieue de Paris ; — à apporter à une figure d’imagination la vie vraie, donnée par dix ans d’observations sur un être vivant (Renée Mauperin, Germinie Lacerteux) ; à ne plus faire éternellement tourner le roman autour d’une amourette ; à hausser le roman moderne à une sérieuse étude de l’amitié fraternelle, (Les Frères Zemganno) ou à une psychologie de la religiosité chez la femme (Madame Gervaisais) ; — à introduire au théâtre une langue littéraire parlée ; — à utiliser en histoire des matériaux historiques, restés sans emploi avant eux, (les lettres autographes, les tableaux, les gravures, l’objet mobilier) ; — tentatives enfin, où les deux frères ont cherché à faire du neuf, ont fait leurs efforts pour doter les diverses branches de la littérature de quelque chose, que n’avaient point songé à trouver leurs prédécesseurs.

260. (1870) La science et la conscience « Avant-propos »

C’est ce que nous avons essayé de faire dans une série d’études publiées d’abord dans la Revue des deux mondes, année 1869, sous la forme d’articles que nous recueillons dans ce petit livre, en y ajoutant quelques nouvelles citations et quelques développements.

261. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Agréez donc, madame, ces stances trop imparfaites où j’ai essayé d’exprimer ce qu’une situation si indigne de vous et du sort m’a si souvent inspiré en pensant à vous ou en parlant de vous. […] Je ne sais si cette manière d’essayer des stradivarius en les brisant et en les rajustant est tout à fait conforme aux règles du métier ; un luthier en sait là-dessus plus long que moi ; c’est dans tous les cas une belle fable à l’Amphion.

262. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Il n’essaya pas de se transformer en un autre. Il n’essaya pas de transfuser dans ses propres veines le sang d’un homme qui était mort, et qui, du reste, n’avait jamais beaucoup vécu.

263. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Byron »

Eh bien, c’est contre cette opinion qui a filtré assez obscurément et assez honteusement dans la littérature et qui a fini par y faire mare, — comme parfois fait la mer dans les sables, après y avoir imperceptiblement tortillonné, — c’est contre cette opinion, à qui il faut essayer de clore le bec, que je veux m’inscrire en rappelant à ceux qui aiment le génie et même à ceux qui aiment l’opéra-comique, quel fut le génie de Byron. […] Au milieu du discrédit singulier dans lequel les poètes du mot seul, jaloux comme des bouteilles vides contre des bouteilles pleines, ont essayé de faire tomber Byron, le poète du sentiment et du mot aussi, quoi qu’ils disent, quelques voix ont protesté ; et je sais mieux qu’une protestation, je sais presque une œuvre sur Lord Byron.

264. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIII. Pascal »

pour notre compte et dans la mesure de nos forces, c’est ce que nous voulons essayer de dire aujourd’hui. […] Ce n’est pas la partie des Pensées qui veut fonder, qui essaie de construire, qui raisonne enfin, qui est la plus sublime en Pascal, c’est la partie qui tremble, crie et doute, a horreur de douter, doute encore et s’épouvante de son doute vis-à-vis de la seule clarté qu’il y ait pour elle, l’épouvantante clarté de Dieu !

265. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

Non, la spontanée a travaillé vingt ans ; elle a essayé de se faire une langue pour chanter quand elle ne criait pas, car la poésie n’a pas que des cris, il y a du bleu entre les étoiles, et minuit, disait lord Byron, n’en est pas tissé ! […] — annonçait, dans ces vers libres ou plutôt lâches, et où la langue s’effilochait comme un tissu usé dans chacun de ses fils, la femme qui, vingt ans plus tard, s’est essayée à se faire un rythme, et qui, en son coin solitaire, a participé, dans la mesure de ses forces de femme, à ce grand mouvement rénovateur du style poétique qui s’est produit avec tant de continuité et de fécondité parmi nous.

266. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Malot et M. Erckmann-Chatrian » pp. 253-266

… Un jour, l’imagination publique, qui, ce jour-là, se monta la tête et fut bonne fille, essaya de ce galvanisme de désespoir quand M.  […] Erckmann-Chatrian n’a-t-il pas essayé de forcer ou d’affoler un peu plus le fantastique d’Hoffmann ou de Poë ?

267. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Introduction »

— Ou bien nous nous contentons de les affirmer sans essayer de les déduire ; elles se suffisent, nous semble-t-il, à elles-mêmes, et, quelles que soient d’ailleurs nos théories sur l’ensemble et le fond des choses, s’imposent à nous : c’est dire que notre morale est « indépendante ». Ou bien nous essayons de justifier ces affirmations mêmes en les déduisant des lois les plus générales de l’univers ; nous voulons établir qu’elles sont conformes aux principes directeurs de la nature ou de l’esprit : et alors, aux problèmes moraux se superposent les problèmes métaphysiques de l’égalité.

268. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Nous pouvons saisir le résultat de l’effort romantique, nous qui aujourd’hui ne pouvons guère écrire même sur des idées, sur des matières de raisonnement, sans essayer de retenir ou de projeter dans nos mots nos sensations734. […] Je ne vois pas ces Alpes757, neigeuses ou fleuries ; dans l’ample écoulement de la poésie, mon impression reste indécise, et si j’essaie de fixer en visions ces formes, ces teintes, cette lumière, ces mouvements, ces bruits, je ne sens qu’une confusion fatigante ; les objets me fuient. […] Il s’essaie encore gauchement à la poésie « visionnaire », sans y réussir aussi bien que dans certaines amplifications largement touchantes où il enseigne la charité, celle qui aime et celle qui donne. […] Hugo s’achèvera, s’épanouira précisément à l’heure où le naturalisme recueillera la succession du romantisme : c’est alors qu’il donnera la mesure de son génie, et que nous essaierons de le définir tout entier. […] Il s’y était essayé dans la Mort de Socrate (1823), récit platonicien, parfois incohérent, souvent admirable, et dans le Dernier Chant de Childe-Barold (1825), où il a tiré le héros révolté de Byron vers sa propre ressemblance.

269. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

Touchez à l’un quelconque de ses rouages, c’est fini, l’heure ne sera plus marquée : la roue qui tournait à gauche n’essaiera pas de tourner à droite pour continuer de poursuivre l’heure ; l’aiguille n’essaiera pas de s’appuyer sur un nouveau ressort pour pouvoir tourner. […] Essayez de vous représenter le plaisir comme un objet, vous reconnaîtrez que vous vous représentez toujours autre chose que le plaisir même ; ce seront des circonstances de lieu et de temps, une partie déterminée de votre corps où vous localisez le plaisir, un mouvement de molécules corporelles, etc. […] Essayez, encore ici, de vous représenter cet objet, vous n’y parviendrez pas. […] Nous essaierons de montrer l’appétit et, du côté physique, la motion, d’abord sous la sensation, puis sous l’émotion agréable et pénible, enfin sous la réaction qui constitue la volonté au sens le plus général du mot.

270. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Ainsi a essayé de faire M.  […] — demeure, il est vrai, très obscur, quand on ne se rend pas compte des arrière-fonds de nature que j’ai essayé de marquer. […] Dans ces pages écrites sans préoccupation du public, il s’essayait aux effets qui furent ceux de sa maîtrise. […] Il n’a pas essayé davantage de nier qu’une contagion de désespérance gagne le siècle. […] J’ai essayé de montrer l’entière unité du développement de ce sombre mais puissant esprit.

/ 2000