Il goûtait la conversation et l’esprit de la Provence. […] Il a dressé pour ce fils une Instruction publiée depuis peu11, et qui n’est pas, comme on pourrait croire, une instruction morale, mais un état de biens, une pièce de précaution et de défense en cas de procès de famille : l’esprit normand, par un coin, s’y retrouve. […] Son genre d’esprit et de génie avait besoin d’ailleurs d’un régime fixe, régulier ; l’ordre public rétabli par Henri IV devait naturellement appuyer et précéder cet ordre tout nouveau à établir également dans les lettres et dans les rimes. […] Son ode à Louis XIII partant pour la Rochelle (1627), qu’il a faite à soixante-douze ans, est la plus complète de toutes, la plus hardie de composition, de style, d’images, et vers la fin la plus virilement touchante : Je suis vaincu du temps, je cède à ses outrages, Mon esprit seulement, exempt de sa rigueur, A de quoi témoigner en ses derniers ouvrages Sa première vigueur. […] Le piquant, c’est qu’il ne démasque son intention que dans les derniers vers de la pièce : rien jusque-là n’avertit que ces peintures vives et riantes ne soient qu’un transport de l’imagination et un caprice de l’esprit chez celui qui s’y livre.
Il semble que cet esprit distingué, armé des deux mains et adroit à volonté, qui peut choisir dans ses moyens d’expression, se soit dédoublé à dessein de bonne heure, et qu’il se soit dit : « Je ne puis tout exprimer avec mon pinceau, je ne puis tout rendre avec ma plume ; atteignons d’un côté ce qui nécessairement nous échappe en partie de l’autre ; complétons-nous, sans nous répéter. […] Autant vaut donc ne pas parler de couleur et déclarer que c’est très beau ; libre à ceux qui n’ont pas vu Boghari d’en fixer le ton d’après la préférence de leur esprit. » Je remarque à la fois chez le peintre écrivain et sa répugnance à employer un ton cru, et son autre répugnance à créer ou à introduire un nom technique pour un ton nouveau : l’indice du procédé et du scrupule de M. […] Fromentin le sait bien ; tout en usant des acquisitions pittoresques modernes et du droit de détail qui est le nôtre, il se rattache néanmoins par des traits essentiels et par l’esprit à la grande école des Anciens, Lucrèce, Virgile, et à celle, je le répète, de Bernardin de Saint-Pierre, discrètement entendue. […] La placer en un lieu reconnaissable, c’est la faire mentir à son esprit ; c’est traduire en histoire un livre anté-historique. […] Les petits esprits préfèrent le détail.
Bailly de Monthyon, qui sans doute, pensait-il, lui réservait l’honneur de commander quelque dépôt d’écloppés, ou de faire dans sa chancellerie des liasses d’ordres du jour. » Sa tête fermenta ; il n’y put tenir ; il roula dans son esprit une grande résolution : il était Suisse de nationalité et libre ; l’empereur Alexandre était l’intime allié de Napoléon. […] Cet esprit de domination qui s’étendait aux choses comme aux hommes, qui prétendait maîtriser et plier sous sa loi les faits politiques comme les éléments, ne se rendait qu’à la dernière extrémité : ce qui lui déplaisait, n’était pas, — ne pouvait et ne devait pas être. […] Mon cousin, … répondez au général Jomini qu’il est absurde de dire qu’on n’a pas de pain quand on a 500 quintaux de farine par jour ; qu’au lieu de se plaindre il faut se lever à quatre heures du matin, aller soi-même aux moulins, à la manutention, et faire faire 30,000 rations de pain par jour ; mais que, s’il dort et s’il pleure, il n’aura rien ; qu’il doit bien savoir que l’Empereur, qui avait beaucoup d’occupations, n’allait pas moins tous les jours visiter lui-même les manutentions ; que je ne vois pas pourquoi il critique le gouvernement lituanien pour avoir mis tous les prisonniers dans un seul régiment ; que cela dénote un esprit de critique qui ne peut que nuire à la marche des affaires, tandis que dans sa position il doit encourager ce gouvernement et l’aider, etc… » L’esprit de critique ! […] Je prie Votre Excellence de daigner prendre ma demande en considération et me recommande à sa bienveillance. » Les dernières rencontres l’avaient remis dans l’esprit de l’Empereur.
On ne devra pas demander de pensée de ce genre à un Spectacle dans un Fauteuil, que M. de Musset vient de publier, bien que ce livre classe définitivement son auteur parmi les plus vigoureux artistes de ce temps ; mais l’esprit de l’époque, en ce qu’elle a de brisé et de blasé, de chaud et de puissant en pure perte, d’inégal, de contradictoire et de désespérant, s’y produit avec un jet et un jeu de verve admirables en toute rencontre, et qui effrayent de la part d’un si jeune poëte. […] Un aimable esprit qui donnait dans un autre abus, Émile Deschamps, pendant ce temps-là, n’avait pas de cesse qu’il n’eût remis sur de meilleures rimes les ballades de Moncrif. […] Mérimée, et pour mieux distinguer un talent contemporain qu’on n’a pas eu encore l’occasion d’analyser avec plus de détail, on citera ici un passage du Globe (janvier 1831) ; il y faut faire la part de la phraséologie légèrement saint-simonienne : « En relisant le Théâtre de Clara Gazul, toutes les autres productions de l’auteur me sont revenues à l’esprit, et je me suis confirmé dans l’idée que c’était l’un des artistes les plus originaux et les plus caractéristiques de cette époque souverainement individuelle. […] Ces personnages mêmes, l’artiste les a poussés d’ordinaire au profil le plus vigoureux et le plus simple, au langage le plus bref et le plus fort ; dans sa peur de l’épanchement et de ce qui y ressemble, il a mieux aimé s’en tenir à ce qu’il y a de plus certain, de plus saisissable dans le réel ; sa sensibilité, grâce à ce détour, s’est produite d’autant plus énergique et fière qu’elle était nativement peut-être plus timide, plus tendre, plus rentrée en elle-même ; elle a fait bonne contenance, elle s’est aguerrie et a pris à son tour sa revanche d’ironie sur le siècle : de là une manière à part, à laquelle toutes les autres qualités de l’auteur ont merveilleusement concouru. — Esprit positif, observateur, curieux et studieux des détails, des faits, et de tout ce qui peut se montrer et se préciser, l’auteur s’est de bonne heure affranchi de la métaphysique vague de notre époque critique, en religion, en philosophie, en art, en histoire, et il ne s’est guère soucié d’y rien substituer. […] Mérimée un esprit à la fois exquis et dur.
Mlle de Liron, toute campagnarde qu’elle est, a un esprit mûr et cultivé, un caractère ferme et prudent, un cœur qui a passé par les épreuves : elle a souffert et elle a réfléchi. […] Oui, ma vocation, l’objet de ma vie, était sans doute de t’aimer, et ce qui me le fait croire, c’est que rien de ce que j’ai fait pour t’en donner des preuves n’excite en mon âme le moindre remords. » Nous avons entendu quelques personnes, d’un esprit judicieux, reprocher à Mlle de Liron de la seconde moitié de n’être plus Mlle de Liron de la première, et de s’être modifiée, platonisée, vaporisée en quelque sorte, grâce à son anévrisme, de façon à ne plus nous offrir la même personne que nous connaissions pour pétrir si complaisamment la pâtisserie et pour avoir eu un amant. […] Le chevalier avait les agréments de l’esprit et de la figure, un tour de sensibilité légèrement romanesque ; il était chevalier de Malte, mais avait eu des succès à la cour : la duchesse de Berry l’avait distingué et honoré d’un goût de princesse. […] C’est un trésor, en un mot, pour ces bons esprits et qui connaissent les entrailles, dont Mlle Aïssé parle en un endroit. […] L’esprit a de grands avantages sur le corps : cependant le corps fournit souvent de petits goûts qui se réitèrent, et soulagent l’âme de ses tristes réflexions. » Ici, dans notre tête-à-tête des jeunes amants, la saveur de réalité, donnée par le petit festin, est tout aussitôt corrigée et relevée par le sacrifice.
Notre esprit ne produit qu’en transformant mystérieusement des données de sensibilité en faits d’intelligence. […] Mais l’artiste, par son intellectualité, qui n’est autre chose que la faculté de rendre sans déchet ce qu’il a senti, formule avec aisance, naturellement ; son esprit souple laisse déborder l’émotion qui remplit son cœur ; il crée par la surabondance de sa sensation qui se répand et s’exprime ; la sensation exprimée est l’idée, et celle-ci est toute l’œuvre d’art. […] Ceci définit un art très complexe, donc très difficile et spécial : Difficile — en dépit de l’insolent prolifisme des falsificateurs les plus mal fameux — difficile, car, devant, selon des rapports préétablis, séduire divers sens, l’œil, l’oreille, l’esprit, il réclame le concours de plusieurs métiers, et exige que l’inspiration soit servie par beaucoup d’ingéniosité, de délicatesse et de capitaux : pour des raisons analogues, on dirait la peinture plus difficile que le dessin, la statuaire polychrome que la statuaire monochrome ; un des moyens est-il en désaccord avec un autre, l’ensemble grimace : voir le musée Grévin, cette boulevardière adaptation des musées d’anatomie suburbains ; Spécial — car son extension est en raison inverse de sa compréhension. […] D’autre part, le contact de quelques esprits raffinés toujours échauffa la griserie des plaisirs d’art. […] Dans l’académie que je rêve, des artistes désintéressés, réfléchissant la conception de la vie et du monde, spéciale à ce petit groupe, ne ressasseront pas, comme les optimistes conventionnels, le tragique du malheur national et le comique du malheur matrimonial, mais traduiront, en des œuvres écrites bien que jouées, la résignation (dans la vie active) et l’ironie (dans la vie spectative), qui, parmi l’universel déterminisme, sont les seules postures d’esprit non ridicules.
Notre esprit ne produit qu’en transformant mystérieusement des données de sensibilité en faits d’intelligence. […] Mais l’artiste, par son intellectualité, qui n’est autre chose que la faculté de rendre sans déchet ce qu’il a senti, formule avec aisance, naturellement ; son esprit souple laisse déborder l’émotion qui remplit son cœur ; il crée par la surabondance de sa sensation qui se répand et s’exprime ; la sensation exprimée est l’idée, et celle-ci est toute l’œuvre d’art. […] Ceci définit un art très complexe, donc très difficile et spécial : Difficile — en dépit de l’insolent prolifisme des falsificateurs les plus mal fameux — difficile, car, devant, selon des rapports préétablis, séduire divers sens, l’œil, l’oreille et l’esprit, il réclame le concours de plusieurs métiers, et exige que l’inspiration soit servie par beaucoup d’ingéniosité, de délicatesse et de capitaux : pour des raisons analogues, on dirait la peinture plus difficile que le dessin, la statuaire polychrome que la statuaire monochrome ; un des moyens est-il en désaccord avec un autre, l’ensemble grimace : voir le musée Grévin, cette boulevardière adaptation des musées d’anatomie suburbains ; Spécial — car son extension est en raison inverse de sa compréhension. […] D’autre part, le contact de quelques esprits raffinés toujours échauffa la griserie des plaisirs d’art. […] Dans l’académie que je rêve, des artistes désintéressés, réfléchissant la conception de la vie et du monde, spéciale à ce groupe, ne ressasseront pas, comme les optimistes conventionnels, le tragique du malheur national et le comique du malheur matrimonial, mais traduiront, en des œuvres écrites bien que jouées, la résignation (dans la vie active) et l’ironie (dans la vie spectative), qui, parmi l’universel déterminisme, sont les seules postures d’esprit non ridicules.
Il embrasse toutes les valeurs émouvantes, toutes les espèces de qualités par lesquelles les choses réelles, ou concevables sont susceptibles d’exercer sur nous un attrait ou une répulsion. » Or les émotions les plus douloureuses, les plus pathétiques d’un livre, même celles qui mènent les personnes sensibles jusqu’aux larmes, le spectacle d’une mort tragique, quelque lamentable infortune, l’injustice, la violence, la malveillance retentissent bien au fond de l’âme, comme le feraient à peu près des spectacles analogues réels, mais dépouillés de la plus grande partie de leur amertume, et produisant surtout une excitation diffuse de l’esprit qui est plus exaltante en somme que déprimante. […] Les mots « sensation du beau » sembleront donc désigner cette situation d’esprit : excitation intense d’un ou plusieurs sentiments ordinaires ; absence des images positivement c’est-à-dire personnellement douloureuses, qui accompagnent et timbrent d’habitude cette excitation intense ; en d’autres termes, le transport, le heurt de la douleur, sans son amertume ou sa terreur. […] Les modes suggestifs, avec l’allusion, l’allégorie, le procédé tachiste, c’est-à-dire extrêmement incomplet et indéfini de certains peintres, la mélodie infinie de Wagner, l’inachevé dans la composition, etc., ont en commun le caractère essentiel d’être des moyens d’expressions peu représentatifs, et contenant un minimum d’images expresses : évidemment, ces moyens, à part le fait même qu’étant esquissés, on peut les compléter selon sa fantaisie, et qu’ils ne risquent guère ainsi de heurter le goût de personne, provoquent dans l’esprit ou dans les sens chargés d’en extraire une image définie, un effort, une excitation, un plaisir de divination et de composition, un ébranlement diffus qui est déjà un commencement d’émotion d’autant plus esthétique qu’elle est absolument dénuée de tout coefficient de peine ou de plaisir. « Comme il faut plus d’énergie, dit Dumont (Théorie scientifique de la sensibilité) pour retrouver un objet sous un signe indirect que sous un signe direct, on fournit à l’entendement occasion d’employer plus de force disponible et par conséquent d’éprouver plus de plaisir. » Le profit que l’on a à employer ce moyen d’expression qui est le propre de la poésie, est malheureusement combattu par la fatigue qu’il cause et les images peu définies, c’est-à-dire peu associables, que l’on en extrait. […] L’on parviendrait ainsi à connaître exactement sinon la valeur émotionnelle d’une œuvre, du moins sa valeur relative pour un esprit donné et par rapport à d’autres œuvres d’art. […] Véron consiste à supposer à un homme admirant une œuvre, les facultés et la situation d’esprit d’un analyste.
Ces ondes, ce flux et ce reflux, ce va-et-vient terrible, ce bruit de tous les souffles, ces noirceurs et ces transparences, ces végétations propres au gouffre, cette démagogie des nuées en plein ouragan, ces aigles dans l’écume, ces merveilleux levers, d’astres répercutés dans on ne sait quel mystérieux tumulte par des millions de cimes lumineuses, têtes confuses de l’innombrable, ces grandes foudres errantes qui semblent guetter, ces sanglots énormes, ces monstres entrevus, ces nuits de ténèbres coupées de rugissements, ces furies, ces frénésies, ces tourmentes, ces roches, ces naufrages, ces flottes qui se heurtent, ces tonnerres humains mêlés aux tonnerres divins, ce sang dans l’abîme ; puis ces grâces, ces douceurs, ces fêtes, ces gaies voiles blanches, ces bateaux de pêche, ces chants dans le fracas, ces ports splendides, ces fumées de la terre, ces villes à l’horizon, ce bleu profond de l’eau et du ciel, cette âcreté utile, cette amertume qui fait l’assainissement de l’univers, cet âpre sel sans lequel tout pourrirait ; ces colères et ces apaisements, ce tout dans un, cet inattendu dans l’immuable, ce vaste prodige de la monotonie inépuisablement variée, ce niveau après ce bouleversement, ces enfers et ces paradis de l’immensité éternellement émue, cet infini, cet insondable, tout cela peut être dans un esprit, et alors cet esprit s’appelle génie, et vous avez Eschyle, vous avez Isaïe, vous avez Juvénal, vous avez Dante, vous avez Michel-Ange, vous avez Shakespeare, et c’est la même chose de regarder ces âmes ou de regarder l’Océan. […] C’est, par exemple, sur une simple note de Mères, auteur du Trésor de l’esprit, qu’on est forcé d’attribuer à la seule année 1598 la création de six pièces, les Deux gentilshommes de Vérone, la Comédie d’erreurs, le Roi Jean, le Songe d’une nuit d’été, le Marchand de Venise et Tout est bien qui finit bien, que Mères intitule Peines d’amour gagnées. […] Shakespeare avait marié ses deux filles, Suzanne à un médecin, Judith à un marchand ; Suzanne avait de l’esprit, Judith ne savait ni lire ni écrire et signait d’une croix. […] Dryden parla de Shakespeare une fois pour le déclarer « hors d’usage. » Lord Shaftesbury le qualifia « esprit passé de mode. » Dryden et Shaftesbury étaient deux oracles.
Nul n’a traité ce sujet avec plus d’esprit et d’habileté que W. […] Rien n’est plus aisé que d’admettre en théorie la vérité de la concurrence vitale universelle ; mais rien n’est plus difficile, du moins l’ai-je ainsi trouvé à l’expérience, que de garder constamment cette loi présente à l’esprit. […] Lorsqu’on observe la nature, il est de la dernière nécessité d’avoir toujours présent à l’esprit que chaque être organisé qui vit autour de nous doit être regardé comme s’efforçant dans toute la mesure de son pouvoir de multiplier son espèce ; que chaque individu ne vit qu’en raison d’un combat livré à quelque période de sa vie et dont il est sorti vainqueur ; et qu’une loi de destruction inévitable décime, soit les jeunes, soit les vieux, à chaque génération successive, ou seulement à des intervalles périodiques. […] Je ne veux faire ici que quelques remarques, afin de rappeler à l’esprit du lecteur certains points principaux. […] Tout ce qui nous est possible, c’est d’avoir constamment à l’esprit que tous les êtres vivants s’efforcent perpétuellement de se multiplier en raison géométrique ; mais que chacun d’eux, à certaines périodes de la vie, en certaines saisons de l’année, pendant le cours de chaque génération ou à intervalles périodiques, doit lutter contre de nombreuses causes de destruction.
Sans chercher plus loin, je crois qu’il sert à désigner, pour la masse des esprits, cette doctrine dont les partisans s’intitulent eux-mêmes « sans-patrie », et qu’il ne signifie rien autre chose. […] Notre impérieux devoir social est d’abandonner à l’imbécile chauvinisme son esprit d’étroitesse et de vanité bouffonne, et d’affirmer que l’accroissement des rapports inter-nationaux est l’une des bases les plus essentielles de l’avenir des peuples modernes. […] On sait combien sont solidaires les marchés financiers et industriels, de quelle importance est le transit maritime, quel chiffre énorme de voyageurs transportent les express internationaux, le nombre des communications postales qui s’échangent entre tous pays ; il est évident que ces financiers, ces industriels, ces voyageurs de terre et de mer, ces correspondants, s’ils sont d’esprit clairvoyant et libres de préjugés, doivent posséder du nationalisme, une conception toute autre que celle de l’homme solitaire, borné au cercle minuscule de son activité locale. […] On peut encore dire dans la même pensée, que le nationalisme qui a pour âme la patrie, et l’inter-nationalisme, qui a pour âme l’humanité, doivent s’identifier, non seulement dans l’esprit de l’individu, mais encore dans la réalité de leur propre vie. […] N’est-ce pas un sentiment apparenté au nôtre, qu’exprimait récemment un jeune sociologue d’esprit rigoureux et d’intuition profonde, lorsqu’il écrivait ces mots : « L’humanité entre dans la phase organique.
Pétrarque, par cette décence naturelle qui est la noblesse de l’esprit et par ce goût du beau dans les sentiments qui est le préservatif du vice, se maintint chaste, pieux et pur dans ce relâchement universel des mœurs. […] Un sonnet, daté sans doute de Vaucluse, que Pétrarque adresse à cet homme illustre, rappelle les douceurs de la retraite, des champs, des plaisirs de cœur et d’esprit goûtés ensemble dans la vallée de Vaucluse ! […] Ce site est étroit, mais propre à réveiller l’esprit le plus paresseux et à l’élever jusqu’aux nues. […] Robert était un des princes d’Italie qui demandaient avec le plus d’autorité cet honneur du couronnement pour le favori de son esprit. […] Pétrarque affectait à Parme et bientôt à Rome l’esprit et les formes de l’antique liberté romaine.
Il faut donc restreindre le terme d’expérience individuelle ou ancestrale aux influences directes exercées sur l’esprit par la porte de devant, c’est-à-dire par l’intermédiaire des sens, de l’habitude et de l’association. […] Sommes-nous tout au moins un composé de quelque chose de réel, quoi que ce soit d’ailleurs, matière ou esprit, hydrogène, oxygène, azote, carbone, — ou sensation, émotion, volonté ? […] C’est le rythme naturel à l’esprit que d’aller toujours du phénomène présent en arrière par le souvenir et en avant par l’attente. […] Aussi le principe des lois est-il une construction abstraite de notre esprit, qui ensuite trouve son application dans la réalité. […] « Il est des gens, dit-il, qui ont affirmé que nous sentons une énergie ou un pouvoir dans notre esprit, et que, ayant ainsi acquis l’idée du pouvoir, nous transférons cette qualité à la matière, où nous ne sommes pas capables de la découvrir immédiatement.
Et brusquement Jeanne crut sentir un souffle l’effleurer, comme le contact d’un esprit. […] Elle a beaucoup d’esprit. […] Ce n’est pas impunément qu’on a de l’esprit en vers. […] Aussi n’a-t-il été probablement choisi que pour attirer le regard et intriguer l’esprit. […] Je ne suis pas, malgré les apparences, un esprit aussi léger qu’on le croit.
Vous êtes d’ailleurs un homme d’un esprit lucide et modéré. […] J’ai le jugement bien meilleur et l’esprit bien plus large qu’à Paris. […] Ainsi, l’esprit de Paris déteint sur ses hôtes. […] De là, une grande quiétude d’esprit et une sérieuse économie de mouvements. […] Un esprit lucide et sec y trouverait à reprendre.
Si j’avais quelque influence sur l’esprit de Mme Cosima Wagner, je la supplierais également de ne pas livrer le génie de son mari aux hasards des attroupements. […] Vous ajoutez qu’il a insulté la France et qu’il l’a insultée grossièrement, sans esprit, juste à l’heure où ces insultes lui devaient être le plus sensibles. […] Vous n’allez pas, je suppose, exiger d’un Allemand qu’il ait de l’esprit, de la grâce, de l’à-propos, de la politesse. […] Si elle est réellement belle, je saurai l’admirer et rendre justice au génie de l’auteur, tout en méprisant son caractère, Je n’ai pas besoin, pour arriver à cet éclectisme, que l’on me commente éloquemment la fameuse maxime : « L’art ne connaît point de patrie. » J’ai l’esprit plus terre à terre. […] … Il convient d’ajouter que la critique berlinoise fait preuve en cette circonstance de beaucoup d’esprit et de tact.
Ce sont les questions qui se posent fatalement devant nous et qui reviennent inévitablement à l’esprit chaque fois qu’on se trouve en présence d’une de ces destinées brillantes, tranchées et interrompues. […] surtout quand on le suit dans sa correspondance, l’esprit et l’âme de ces générations non moins civiques que guerrières, et il vécut assez peu pour n’avoir jamais à se démentir. […] Joubert représente donc parfaitement l’esprit de cette armée, de ces brigades intrépides et de leurs jeunes officiers, par le brillant de la valeur, par la politesse et l’élégance naturelle des manières, l’habitude et le prestige, de la victoire, et un attachement profond au général en chef qu’il eût suivi sans doute s’il eût vécu. […] Lire à ce propos Jomini24, si lumineux, si judicieux, et qui nous fait si bien voir le nœud stratégique d’une action, est un plaisir qui n’est pas réservé aux seuls militaires et que tous les esprits critiques savent apprécier.
À défaut d’une force régulière et toute préparée, il courait alors sur tous les esprits un souffle et une flamme. […] Dagobert ne se gêna pas pour en dire crûment son avis dans le Conseil de guerre ; il railla amèrement le représentant, car au besoin il avait aussi de l’esprit d’ironie et des sourires de pitié. […] » Arrivé à l’armée des Pyrénées, il parlait sans cesse de son commandant d’artillerie de Toulon, et imprimait de lui la plus haute idée dans l’esprit des généraux et officiers qui, depuis, passèrent de l’armée d’Espagne à celle d’Italie ; « de Perpignan, il lui envoyait des courriers à Nice lorsqu’il remportait des succès. […] Cela ne vaudrait-il pas mieux surtout que d’être exposé, dans ces guerres sans danger, à dépenser plus d’ardeur qu’il ne faut, à être soi-même injuste en se piquant de trop de justice sur de minces sujets, à offenser quand on ne voulait que se défendre, à laisser échapper des traits d’une vivacité disproportionnée, et qu’ensuite on regrette, contre tel de ses confrères distingués10 dont on a toujours goûté infiniment l’esprit et dont la raillerie elle-même est agréable ?
Feuillet ; mais, en homme d’esprit, il ne songea à l’imiter qu’en le contredisant. […] La nature de son esprit aussi bien que l’éducation première qu’il a reçue, son milieu d’enfance et de jeunesse, l’ensemble de ses, habitudes et de ses mœurs, le disposaient à être tout d’abord le peintre le plus distingué de l’honnête et élégante bourgeoisie, de la bonne compagnie de province, de la noblesse qui vit encore dans ses châteaux. […] Jamais l’esprit humain n’eut, à cet égard, moins de fermeté ; dès qu’il a un peu de loisir, il s’obstine à chercher son assiette en l’air, sans jamais parvenir à la trouver. […] » Il est une autre petite scène de lui, fort appréciée de quelques esprits délicats, la Partie de dames, qui n’est aussi qu’une conversion.
J’ai sous les yeux de jolies vignettes sorties du facile et spirituel crayon de Tony Johannot ; c’est le côté comique et gai, uniquement, qui est rendu, mais la dignité du héros, ce sentiment de respect sympathique qu’il inspire jusque dans sa folie, cette imagination hautaine qui n’était que hors de propos, qui eût trouvé sans doute son emploi héroïque en d’autres âges, et, comme on l’a très-bien nommée, « cette grandesse de son esprit et cette chevalerie de son cœur », qu’il sut conserver à travers ses plus malencontreuses aventures et qu’il rapporta intactes jusque sur son lit de mort, cela manque tout à fait dans cette suite agréable où l’on n’a l’idée que d’une triste et piteuse figure, et c’est au contraire ce que M. […] Ticknor et de tout le monde, de revenir sur ce sujet inépuisable, sur le grand homme auteur du chef-d’œuvre, et qui, dans sa vie misérable et tourmentée, a su être, à force de bonne humeur et de génie facile, un des bienfaiteurs immortels de la race humaine : j’appelle ainsi ces rares esprits qui procurent à l’homme de bons et délicieux moments en toute sécurité et innocence. […] au milieu de ces mets exquis et de ces boissons glacées, il me semblait que j’avais à souffrir les misères de la faim, parce que je n’en jouissais pas avec la même liberté que s’ils m’eussent appartenu ; car l’obligation de reconnaître les bienfaits et les grâces qu’on reçoit sont comme des entraves qui ne laissent pas l’esprit s’exercer librement. […] On suppose avec vraisemblance que c’est dans ces années de séjour à Séville qu’il commença à écrire quelques-unes de ses Nouvelles publiées bien plus tard (1613), et où il devait montrer un talent particulier et tout nouveau, vérité d’observation, vivacité de descriptions, esprit, grâce, et une richesse native d’idiome qui n’a pas été égalée.
Je sais que d’autres peuvent avoir une impression différente ; mais pour moi, celle qui résulte d’un pareil épisode que ne relèvent en rien les distinctions de l’esprit est des moins attrayantes et des moins agréables ; je n’y puis voir qu’une des plaies et des laideurs de l’époque. […] La Cour de Sceaux, même en son meilleur temps, fut toujours un peu arriérée sans doute, cantonnée dans son vallon, fermée aux lumières et au souffle du dehors, obstinément cartésienne par M. de Malezieu ; mais ce Malezieu était un homme de savoir, nourri de premières études très fortes, qui lisait Sophocle dans le texte, et chaque jour il passait là, dans ce cercle de la princesse, des personnes du premier ordre par l’esprit : Voltaire, Mme du Châtelet, Mme du Defland ; Mlle de Launay, ce témoin exquis qui fait loi devant la postérité, y était en permanence. […] C’est presque une profanation, à côté de cette Mlle Leduc, même épousée et devenue comme dans une mascarade marquise de Tourvoie, de nommer la comtesse de Bouflers qui présidait avec tant d’intelligence et de goût au salon de l’Isle-Adam, cette généreuse amie de Hume, de Rousseau et de Gustave III, esprit supérieur malgré de légers travers, et dont quelques pages, aujourd’hui retrouvées, sont dignes de l’histoire41. […] Il y a, pour moi, une mesure qui ne trompe guère pour apprécier ces divers mondes du passé, et quand je dis moi, je parle pour tout esprit curieux qui s’intéresse aux choses anciennes et qui, sans y apporter de parti pris ni de prévention systématique, est en quête de tout ce qui a eu son coin d’originalité et de distinction, son agrément particulier digne de souvenir ; il est une question bien simple à se faire : Voudrions-nous y avoir vécu ?
Les Roches, terrain neutre, asile hospitalier, prêtèrent leurs beaux ombrages, leurs allées tournantes, leur gaie rivière et leur île des Conférences à ces essais, bientôt désintéressés et plutôt affectueux, qu’on fit des esprits et des personnes. […] Il faut qu’un long travail éclaire notre esprit, Pour deviner l’orage en un ciel qui sourit ! […] Il faut peu de ces pièces pour assigner, je ne dis pas le rang du poëte, mais la qualité et la portée de l’inspiration, et ce qui s’appelle la région d’un esprit. […] Il résulte de ces interprétations voulues plutôt que trouvées une impression contestable dans l’esprit du lecteur, ce qu’il ne faut jamais.
La protection du marquis de Chauvelin, homme de beaucoup d’esprit et poëte agréable lui-même, valut à Léonard un emploi diplomatique qui le retint pendant dix années environ (1773-1783), tantôt comme secrétaire de légation, tantôt même comme chargé d’affaires auprès du Prince-Évêque de Liége. […] On y voit quelle devait être la nuance d’esprit de l’aimable auteur, quand il s’égayait. […] Le xviiie siècle ne concevait rien de plus galant que ce prix-là : ……..Pocula ponam Fagina, caelatum divini opus Alcimedontis La tabatière était alors le meuble indispensable, l’ornement de contenance, la source de l’esprit, fons leporum. […] La tabatière était alors le meuble indispensable, l’ornement de contenance, la source de l’esprit, fons leporum.
Quel est l’esprit supérieur qui ne trouve pas dans un véritable sentiment le développement d’un plus grand nombre de pensées, que dans aucun écrit, dans aucun ouvrage qu’il puisse ou composer ou lire ? […] Une sorte de ridicule s’est attaché à ce qu’on appelle des sentiments romanesques, et ces pauvres esprits, qui mettent tant d’importance à tous les détails de leur amour propre, ou de leurs intérêts, se sont établis comme d’une raison supérieure à ceux dont le caractère a transporté dans un autre l’égoïsme, que la société considère assez dans l’homme qui s’occupe exclusivement de lui-même. […] Il n’est pas vrai, malheureusement, qu’on ne soit jamais entraîné que par les qualités qui promettent une ressemblance certaine entre les caractères et les sentiments : l’attrait d’une figure séduisante, cette espèce d’avantage qui permet à l’imagination de supposer à tous les traits qui la captivent, l’expression qu’elle souhaite, agit fortement sur un attachement, qui ne peut se passer d’enthousiasme ; la grâce des manières, de l’esprit, de la parole, la grâce, enfin, comme plus indéfinissable que tout autre charme, inspire ce sentiment qui, d’abord, ne se rendant pas compte de lui-même, naît souvent de ce qu’il ne peut s’expliquer. […] Si la beauté leur assure des succès, la beauté n’ayant jamais une supériorité certaine, le charme de nouveaux traits peut briser les liens les plus doux du cœur ; les avantages d’un caractère élevé, d’un esprit remarquable, attirent par leur éclat, mais détachent à la longue tout ce qui leur serait inférieur.
Mallarmé défend de tout son esprit et de toute son autorité. […] Et qu’on souhaite le départ de l’homme d’esprit vers quelque fabrique, où c’est l’heure de mettre en pages, afin que reparaisse, de dernières minutes, voix baissée, paupières closes, pour la fuite plus mesurée et savourée du rêve, le délicieux maître, le poète. […] On n’écrit pas. » III Sans doute, entre la critique de la postérité, soit des esprits assez distants pour rentoiler leurs souvenirs de lecture sur une trame historique adventice, et la critique non même du lendemain mais du matin ou de la veille, dont l’exactitude chaleureuse vaut d’abord en tant que d’intéressante information : citations heureuses presque encore inédites, découpées des « bonnes feuilles », anecdotes sur l’auteur, première impression non refroidie, adresse du libraire… sans doute entre ces deux critiques n’y a-t-il point une place nécessaire pour une tierce et intermédiaire, la nôtre, très contemporaine encore, et point toute fraîche cependant, advenant après, ai-je entendu dire, cent soixante-treize articles imprimés sur les Trophées de José-Maria de Heredia. […] Que tous les esprits critiques s’étaient mépris lorsqu’ils caractérisaient par l’impassibilité les « bêcheurs » dont les noms et le cachet figurent aux couvertures de Lemerre ?
Il est usuel de dénommer cette faculté de l’esprit clairvoyance ou lucidité. […] Dès lors, abstraction faite des puérilités (vraies ou fausses), tout aliment intellectuel, spécialement littéraire, apparaît obscur ou clair suivant la réaction de l’esprit en présence d’une œuvre. […] Nous ne goûtons que l’effort de notre esprit. […] Une création de l’esprit — drame de Marlowe, fugue de Bach, théorème de Fermat — n’est pas obscure si elle est intelligible (intelligible signifie, non pas « évident », mais « qui peut être compris », sans préjuger l’importance de l’initiation générale et de l’application spéciale nécessaires au « récepteur »).
Ces pages de Raphaël renferment, en effet, plus de jolies choses qu’il n’en faut pour séduire, à une première lecture, des esprits et des cœurs qui portent en eux la facilité de l’admiration, et qui ne cherchent qu’un prétexte pour être charmés. […] Pour moi qui, en qualité de critique, suis de ce lendemain plus que je ne veux, je me demande, après avoir lu Raphaël non pas s’il y a assez de beautés pour nous toucher çà et là et pour ravir les jeunes cœurs avides et qui dévorent tout ; mais je me demande si les esprits devenus avec l’âge plus délicats et plus difficiles, ceux qui portent en eux le sentiment de la perfection, ou qui seulement ont le besoin du naturel jusque dans l’idéal, ne sont pas arrêtés à tout moment et ne trouvent pas, à cette lecture, plus de souffrance de goût que de jouissance de cœur et d’émotion véritable. […] Jamais une jeune femme, vers 1817 ou 1818, fût-elle à la hauteur philosophique de Mme de Condorcet, n’a causé ainsi ; c’est le panthéisme (le mot n’était pas inventé alors), le panthéisme, disons-nous, de quelque femme, esprit fort et bel esprit de 1848, que l’auteur de Raphaël aura mis après coup dans la bouche de la pauvre Elvire, qui n’en peut mais. […] C’est ensuite cette autre visite que fait le jeune poète, son manuscrit des Méditations en main, chez l’imprimeur Didot : la physionomie de l’estimable libraire classique, son refus, ses motifs, tout cela est raconté avec esprit et malice ; le poète en a tiré une charmante vengeance.
D’ailleurs, Despréaux est un garçon d’esprit & de mérite, que j’aime fort ». […] En la donnant au public, il mit à la tête une excellente préface sur l’atrocité de nommer, dans des satyres, des gens d’esprit & d’honneur. […] Boileau reproche à Linière, auteur d’un sottisier énorme, de n’avoir de l’esprit que contre dieu, & réprésente Saint-Pavin sous le nom D’Alidor, assis dans sa chaise, Médisant du ciel à son aise. […] Tous ces combats d’esprit & de méchanceté ne cessèrent, pendant quelque temps, que pour reprendre avec plus de chaleur.
Elle avait reçu dans l’esprit cette espèce de coup de tampon que donnent le ciel et la mer du Midi aux imaginations même vulgaires. […] Elle n’est encore ici que la toute petite Révoil d’avant le mariage, la petite pensionnaire au corsage plat, aux bras plats, à l’esprit plat, au style plat, à toutes les platitudes, et on ne devinerait jamais que de ce vibrion — de cet insignifiant infusoire sortirait un jour cette organisation turbulente, imprécatoire et spumeuse qui a fait sur tout ce qui fut longtemps sacré parmi les hommes, la Religion, l’Église, la Papauté, les Rois, les anciennes Mœurs, ce qu’elle fit un soir sur la figure du capitaine d’Arpentigny… Tous les ouvrages de cette perdue d’esprit sont là pour l’attester. […] Il n’y a dans son livre que les opinions du parti auquel elle appartient probablement depuis le berceau… À cela près d’un fort petit nombre d’esprits, chez qui la réflexion domine et pousse à la recherche de la vérité, on n’a guère communément que les opinions de sa naissance ou de son milieu.
Dès qu’on nous parle d’une histoire de la psychologie française écrite par un philosophe professionnel, nous avons instinctivement l’image d’une série de chapitres non seulement sur Maine De Biran (qui a, celui-là, vraiment avancé l’étude de l’homme), mais sur Jouffroy, qui invoque souvent, et de façon touchante la révélation de la psychologie, et que la psychologie traite comme l’esprit saint fait des prélats dans la chanson de Béranger ; sur Garnier dont le Traité des facultés de l’âme réalisa assez longtemps dans les bibliothèques universitaires une summa psychologica ; ou, plus près de nous, sur Alfred Fouillée, dont la savonneuse Psychologie des idées-forces et ses complémentaires ne contiennent pas plus de sens utile. […] Delacroix, qui dans ses études sur le mysticisme a déjà annexé à l’étude de l’homme un domaine jusqu’ici trop abondonné, entamera, comme le prouve son livre d’aujourd’hui, son sujet avec un esprit plus ouvert et plus souple. […] Delacroix, qui a l’esprit assez assoupli pour l’embrasser entière, une besogne bien délicate et compliquée, mais bien intéressante. […] Quand il veut faire travailler à Pauline La logique de Condillac, lui faire apprendre par coeur L’art poétique de Boileau, dont il dira ensuite pis que pendre, ses conseils partent évidemment d’un fonds moins important, moins vraiment stendhalien que lorsqu’il veut lui faire prendre, en 1805, l’habitude d’analyser les personnes qui l’entourent (« l’étude est désagréable, mais c’est en disséquant des malades que le médecin apprend à sauver cette beauté touchante ») ou lorsqu’il contracte dans ses premières relations montaines l’aptitude à traduire par une algèbre psychologique les valeurs les unes dans les autres (" notre regard d’aigle voit, dans un butor de Paris, de combien de degrés il aurait été plus butor en province, et, dans un esprit de province, de combien de degrés il vaudrait mieux à Paris. " ) c’est à cette époque que Stendhal s’accoutume (héritier ici de Montesquieu qui ne paraît point, je crois, dans ses lectures) à rattacher instantanément un trait sentimental à un état social, à mettre en rapport par une vue rapide le système politique d’un pays avec ses façons de sentir.
Quand de jeunes esprits partaient de cette impulsion première, donnée par M. de Fontanes, pour se porter bien au-delà, M. […] Duplessis n’avait cessé de cultiver les lettres dans le sens le plus étendu, et selon un esprit et une méthode qui ne sont plus de ce temps-ci.