Les tendances motrices suffiraient donc déjà à nous donner le sentiment de la reconnaissance. […] Dans l’effort d’attention, l’esprit se donne toujours tout entier, mais se simplifie ou se complique selon le niveau qu’il choisit pour accomplir ses évolutions. […] Les sensations musculaires réellement et complètement éprouvées lui donnent la couleur et la vie. […] Le premier courant, tout seul, ne donnerait qu’une perception passive avec les réactions machinales qui l’accompagnent. Le second, laissé à lui-même, tend à donner un souvenir actualisé, de plus en plus actuel à mesure que le courant s’accentuerait.
Publier et introduire en une littérature corrompue ces Nouvelles genevoises, de l’air dont Tacite a donné ses Mores Germanorum, ce serait les compromettre tout d’abord. […] Töpffer, il est bon de le donner à connaître tout d’abord directement ; c’est le plus sûr moyen de faire voir que je n’en dis pas de trop. […] En 1834, il donna l’Héritage, où ces tons touchants, pour être contrariés par une veine bizarre, ne ressortent que mieux. […] La Traversée rentre dans la donnée d’Ourika ou du Lépreux, c’est-à-dire dans le roman par infirmité. […] Du Bochet a depuis donné de nouvelles éditions avec luxe.
Regarder une figure qui charme, prendre dans sa main une poignée d’argile humide, pétrir cette argile sous ses doigts et chercher à lui donner les formes de la figure que l’on admire, quoi de plus naturel d’instinct ? […] Canova voulut bien, à la prière du cardinal, me donner l’entrée de son atelier. […] Comme tous les grands hommes, il avait donné sa vie à ses œuvres, il ne lui en restait plus pour le temps ; il travaillait déjà pour l’éternité. […] Ce sont de ces révélations que le ciel ne donne pas deux fois à la terre : c’est comme le poème de Job ou le Cantique des Cantiques ; comme le poème d’Homère ou la musique de Mozart ! […] Or, voyager, c’est traduire ; c’est traduire à l’œil, à la pensée, à l’âme du lecteur, les lieux, les couleurs, les impressions, les sentiments que la nature ou les monuments humains donnent au voyageur.
Platon en donne une esquisse dans son Cratyle. […] Comte, ont si bien pris le contre-pied de toute évidence et donné si beau jeu à leurs adversaires, que leurs plus fidèles disciples ne les ont pas suivis jusque-là. […] La vie mentale a ses degrés et pour ainsi dire ses étages ; il n’y a pour les séparer que des limites vagues que la doctrine des facultés donne comme fixes et absolues. […] A étudier les états psychologiques au dehors, non au dedans, dans les faits matériels qui les traduisent, non dans la conscience qui leur donne naissance. […] Si elle gagne quelques partisans, la suite pourra montrer ce qu’elle vaut et ce qu’elle donne.
Mais Lyell me semble avoir donné une explication satisfaisante de cette anomalie apparente, en supposant que des migrations ont pu s’effectuer entre des provinces géographiques distinctes. […] On comprend si peu cette loi, que j’ai vu souvent des gens ne pouvoir revenir de l’étonnement que leur causait l’extinction de géants de l’organisation, tels que le Mastodonte ou le Dinosaure, comme si la seule force physique suffisait à donner la victoire dans la bataille de la vie. […] Cette transformation simultanée des formes de la vie dans les diverses parties du monde, du moins, en laissant à cette loi la largeur et la généralité que nous venons de lui donner, semble avoir vivement frappé deux habiles observateurs, MM. de Verneuil et d’Archiac. […] Pictet en donne un exemple bien connu, dans la ressemblance générale des restes organiques des divers étages de la Craie, bien que les espèces de chaque étage soient distinctes. […] Bien que nous sachions trop peu de choses à l’égard des relations mutuelles des êtres vivants, pour donner une explication suffisante de certains faits de ce genre, ils ne peuvent donc fournir d’objection valable à la théorie de sélection naturelle.
Cet Auteur paroît avoir oublié son propre esprit, pour ne s’occuper que de l’esprit des autres ; il n’a jamais donné que des Esprits étrangers, celui de St. […] &, soit modestie, soit amour décidé pour la compilation, il n’a laissé à personne l’occasion de donner le sien.
Le roi, lui touchant le grand cordon de la Légion d’honneur dont M. de Salvandy est depuis peu décoré, lui a demandé, assure-t-on, s’il le lui avait donné pour voter contre la dynastie. […] Les députés légitimistes de leur côté ont donné leur démission pour se retremper de la qualification de flétris dans le baptême d’une réélection. […] Mais chez Laprade le symbole moral perce à demi transparent et donne à cette poésie gracieuse un sens intime et toute une âme.
Jeûner, aller ou pèlerinage ou à la croisade, donner de l’argent ou frapper de l’épée pour le service de Dieu, fonder des messes ou des couvents, tout ce que le corps peut souffrir ou la main faire, on le souffre ou on le fait : mais la profonde philosophie, la pure moralité du christianisme, ne sont pas à la portée de ces natures ignorantes et brutales. […] La foi « complète, absolue, sans restriction et sans doute » lui donne son autre caractère. […] Dès le xe siècle, les masses formidables des châteaux, leurs doubles ou triples enceintes au-dessus desquelles se profile l’imprenable donjon, hérissent toutes les hauteurs, commandent les plaines et les rivières, menaçants symboles d’indépendance et d’énergie individuelles, qui donnent avec la conscience de la force la tentation de prendre l’égoïsme pour loi.
Entre temps, pendant les vacances, Sarcey, frais émoulu de l’École normale, lui donna des répétitions. […] Bergerat a donné le Poème de la guerre, recueil d’odes et de poésies patriotiques écrites pendant le siège de Paris et dont quelques-unes ont atteint et conservé la popularité. […] Bergerat, à demi submergé dans une production presque quotidienne de journaliste militant, n’a plus donné à la poésie que le poème intitulé Enguerrande, par lequel il affirme ses convictions shakespeariennes.
Il s’en est fait la tête même, tant il a embrouillé méchamment les mèches longues de ses cheveux, et tant il veut se donner le regard louche. […] Maurice Rollinat, qui est jeune, a donné son cœur à cinq ou six dames qui l’ont ravagé. […] Ses Névroses sont contagieuses ; elles donnent réellement des névroses à ceux qui parlent d’elles.
Renan s’y assure pour la postérité une bibliographie bien faite, dont il donne la clef ; il met en garde contre les supercheries cléricales éventuelles. […] c’est ce qui donne à chacun son motif de vivre… au plus bas degré, la morphine et l’alcool. » Ibsen a dit le mensonge vital, moins allègrement. […] Je n’en donnerai qu’une preuve.
Aussi nous ne craignons pas de donner à Quinault une place parmi les Poëtes qui ont illustré le Siecle de Louis XIV. […] Le Couplet de l’Opéra de Proserpine, qui commence par ces mots : Les superbes Géans armés contre les Dieux, Ne nous donnent plus d’épouvante, &c. […] Non, les enfers impitoyables Ne pourront inventer des horreurs comparables Aux tourmens qu’elle m’a donnés.
Il se donna pour la lumière qui devoit éclairer ses contemporains & dissiper leurs prestiges, réduisit Voiture à sa juste valeur, & fit une critique de ses œuvres. […] L’auteur y disoit librement sa pensée, & s’y moquoit des suffrages donnés au ton précieux & à la mauvaise plaisanterie. […] Ce dernier, fanatique sur le compte de Voiture, ne voyant rien de comparable à sa prose & à ses vers, se glorifiant des liaisons qu’il avoit eues avec lui, & voulant montrer qu’il en étoit digne, quoiqu’il n’eut encore rien donné au public, réfute la critique, & fait également parvenir son ouvrage à Balzac.
Il donne au pin l’épithète d’harmonieux, parce qu’en effet le pin a une sorte de doux gémissement quand il est faiblement agité ; les nuages, dans les Géorgiques, sont comparés à des flocons de laine roulés par les vents, et les hirondelles, dans l’Énéide, gazouillent sous le chaume du roi Évandre, ou rasent les portiques des palais. […] Les déserts ont pris sous notre culte un caractère plus triste, plus grave, plus sublime ; le dôme des forêts s’est exhaussé ; les fleuves ont brisé leurs petites urnes, pour ne plus verser que les eaux de l’abîme du sommet des montagnes : le vrai Dieu, en rentrant dans ses œuvres, a donné son immensité à la nature. […] Il faut plaindre les anciens, qui n’avaient trouvé dans l’Océan que le palais de Neptune et la grotte de Protée ; il était dur de ne voir que les aventures des Tritons et des Néréides dans cette immensité des mers, qui semble nous donner une mesure confuse de la grandeur de notre âme, dans cette immensité qui fait naître en nous un vague désir de quitter la vie, pour embrasser la nature et nous confondre avec son Auteur.
Je suis trop éloigné de rien penser d’approchant, et je veux dire seulement que les poëmes dramatiques corrigent quelquefois les hommes, et que souvent ils leur donnent l’envie d’être meilleurs. […] Une tragédie qui donneroit du dégoût des passions utiles à la societé, telles que sont l’amour de la patrie, l’amour de la gloire, la crainte du deshonneur, etc. […] Il est contre les bonnes moeurs de donner l’idée que cette action n’est qu’une faute ordinaire, en la faisant servir de sujet à une piece comique.
Les musiciens, c’est Quintilien qui parle, ayant divisé en cinq échelles dont chacune a plusieurs dégrez, tous les sons qu’on peut tirer de la lyre, ils ont placé entre les cordes qui donnent les premiers tons de chacune de ces échelles, d’autres cordes qui rendent des sons intermediaires, et ces cordes ont été si bien multipliées que pour passer d’une des cinq maîtresses cordes à l’autre, il y a autant de cordes que de degrez. […] Voila, suivant les apparences, pourquoi les anciens se servoient moins volontiers dans l’accompagnement de leurs lyres, quoiqu’ils leur eussent donné dans la suite jusqu’à trente ou quarante cordes, ou principales ou subsidiaires, que de leurs instrumens à vent. […] Tous les livres de physique en donnent la raison.
C’était l’habitude alors dans ces mœurs de grande compagnie : un mari vous donnait un nom définitif, une situation et une contenance convenable et commode ; il ne prétendait guère à rien de plus, et de lui, passé ce point, dans la vie de la femme célèbre, il n’était jamais fait mention. […] Mais on sent ici, à travers le déguisement et l’idéal, une réalité particulière qui donne au récit une vie non empruntée. […] La seule pensée de celui-ci, son ombre, lui donnait, dès l’instant qu’elle en parlait, le vertige sacré des prêtresses ; elle prédisait à tous venants sa sortie de l’île d’Elbe et les maux qui se déchaîneraient avec lui. […] Sa sensibilité, son imagination, non retenues, se donnaient carrière. […] J’admirois avec envie Et j’aurois donné ma vie Pour être l’heureux enfant.
Une métairie moyenne près de Nevers donne 138 livres au Trésor, 121 à l’Église, et 114 au propriétaire. […] En tout pays, le fisc a deux mains, l’une apparente, qui directement fouille dans le coffre des contribuables, l’autre qui se dissimule et emploie la main d’un intermédiaire, pour ne pas se donner l’odieux d’une nouvelle extorsion. […] Il n’y en a pas de plus redoutables689, ni qui saisissent plus âprement tous les prétextes de délit. « Que charitablement un citoyen donne une bouteille de boisson à un pauvre languissant, et le voilà exposé à un procès et à des amendes excessives… Un pauvre malade, qui intéressera son curé à lui aumôner une bouteille de vin, essuiera un procès capable de ruiner non seulement le malheureux qui l’a obtenue, mais encore le bienfaiteur qui la lui aura donnée. […] Quand, sur mon revenu de 100 francs, j’ai donné 53 francs et au-delà au collecteur, il faut encore que j’en donne plus de 14 au seigneur et plus de 14 pour la dîme725, et, sur les 18 ou 19 francs qui me restent, je dois en outre satisfaire le rat de cave et le gabelou. […] C’est le chiffre que donne l’Assemblée provinciale de la Haute-Guyenne (Procès-verbaux, 47). — Dans les autres provinces, nombre d’exemples isolés indiquent un chiffre à peu près semblable. — La dîme flotte du dixième au trentième du produit brut, et ordinairement se rapproche plus du dixième que du trentième.
Consalvi avait donné à ce frère du général français, émigré à Rome pendant la terreur et après, toute la protection papale à sa disposition. […] L’empereur Napoléon lui fit écrire de venir à Paris toucher les 30 000 F auxquels son titre de cardinal français lui donnait droit. […] Il le laissa passer pour se donner du temps ; Pie VII passa et arriva à Rome porté sur les bras et sur le cœur du peuple. […] « Donné à Foligno, du palais de notre habitation, le 19 mai 1814, de notre pontificat l’an XVe. […] « Je déclare en outre que la susdite Congrégation ne pourra jamais obliger l’héritier fiduciaire, ou celui qui lui succédera, à donner la fidéjussion ; comme aussi elle ne pourra le contraindre à rendre compte de sa gestion, ni à révéler les dispositions reçues de vive voix ou par écrit de moi, confirmant même dans ce feuillet ce que j’ai plus amplement dit sur ce sujet dans mon testament.
Je ne peux pas dire que le bon saint Yves ait merveilleusement géré nos affaires, ni surtout qu’il m’ait donné une remarquable entente de mes intérêts ; mais je lui dois mieux que cela ; il m’a donné contentement qui passe richesse et une bonne humeur naturelle qui m’a tenu en joie jusqu’à ce jour. […] Notre professeur, l’excellent abbé Duchesne, nous donnait des soins particuliers, à moi et à mon émule et ami de cœur, Guyomar, singulièrement doué pour ces études. […] Tout était peuple en elle, et son esprit naturel donnait une vie surprenante aux longues histoires qu’elle racontait et qu’elle était presque seule à savoir. […] Après la messe de minuit, le vicaire avait coutume de recevoir au presbytère le maire et les notables pour leur donner une collation. […] Pour épargner un détour au jeune garçon qui venait prendre les leçons du vicaire, on lui avait donné la clef de cette porte de derrière.
Une autre preuve nous en est donnée par un autre titre, celui du Journal des Savans, où, dès l’origine, pour quelques articles « scientifiques » les articles littéraires abondent. […] Ils s’étaient donc efforcés, et leurs disciples depuis eux, de donner à la « Science » une consistance quasi dogmatique, et, pour cela, d’en soustraire les vérités à toute possibilité de changement ou même d’évolution. […] Je ne connais qu’un seul résultat à la science, c’est de résoudre l’énigme, c’est de dire définitivement à l’homme le mot des choses, c’est de l’expliquer à lui-même, c’est de lui donner, au nom de la seule autorité légitime, qui est la nature humaine tout entière, le symbole que les religions lui donnaient tout fait et qu’il ne peut plus accepter. » Il y revient, en un autre endroit, de peur sans doute qu’on ne l’ait pas compris, et il ajoute : « Que reste-t-il, si vous enlevez à la science son but philosophique ? […] Ce n’est pas, à la vérité, que la solution de la difficulté soit aisée, et ce n’est pas non plus qu’en s’efforçant de la donner, de nombreux philosophes n’aient fait preuve d’infiniment d’esprit. […] XXV, 404, 467, a donné une exposition qui est un de ses chefs-d’œuvre ; — mais je me contenterai de rappeler les invectives de Schopenhauer contre les « professeurs de philosophie » et je les renverrai à l’analyse de la philosophie de Fichte telle que l’a donnée M.
L’explication n’en est pas difficile à donner. […] Quelques jésuites aussi s’en mêlent, et, comme autrefois ils donnaient des leçons de morale, donnent maintenant des leçons de goût. […] Rien ne donne plus de piquant ou de « montant » aux œuvres littéraires qu’un air de nouveauté ! […] Il veut leur faire honte de donner à l’Église les fils ou les filles qu’ils ne peuvent doter. […] I, Jugements des contemporains, p. 372-398] ; — et on le donne même au public sans le lui donner [Cf.
Leçon terrible donnée à l’imprudente vanité de la faiblesse ! […] Malheureux, fallait-il employer tant de courage à te donner un maître ? […] Donnons-en la preuve, et marquons les défauts des poètes qui ne les ont pas imitées. […] Delille veut-il montrer l’épée que donne le prince à son messager ? […] Prenons-en une de Voltaire, accusé d’être le moins épique de nos bons poètes ; on verra l’éclat que notre langue peut leur donner.
Au lieu de signaler dans Lélia la véritable donnée génératrice, la pensée mi-partie saint-simonienne et mi-partie byronienne, au lieu d’y relever le côté original et senti, d’y blâmer le côté rebattu et déclamatoire, au lieu de saisir la filiation étroite de cette œuvre avec les précédentes de l’auteur, et d’apprécier cette Lélia au sein de marbre comme une sorte d’héroïne vengeresse de la pauvre Indiana, on a chicané sur une question de forme et d’école, on a reproché à l’écrivain l’abus du genre intime, comme s’il y avait le moindre rapport entre le genre intime et le ton presque partout dithyrambique, grandiose, symbolique ainsi qu’on l’a dit, et même par moments apocalyptique de ce poëme. […] Comme la donnée première de Lélia est tout à fait réelle et a ses analogues dans la société où nous vivons, j’ai eu peine à ne pas regretter, malgré l’éclat prestigieux de cette forme nouvelle, que l’auteur ne se fût pas renfermé dans les limites du roman vraisemblable. […] En passant d’ailleurs à l’état de représentation idéale et de symbole, les personnages ou les scènes, dont la première donnée était, pour ainsi dire, à terre, n’ont pu éviter, au moment indécis de leur métamorphose, de revêtir un caractère mixte et fantastique qui ne satisfait pas. […] Lélia, d’ailleurs, est un ouvrage une fois fait ; il n’est pas à craindre que l’auteur continue cette manière et donne suite à ce genre.
Dumas est si nettement décidée, qu’il y a lieu de s’étonner qu’il s’en détourne jamais pour des écrits dont l’intérêt unique est encore un reflet de ce talent de scène qui lui a été donné. […] Dumas qui, en un ou deux moments, avait pu sembler forcer la sienne, a bien plutôt, le reste du temps, donné à regretter qu’il en abusât en sens contraire par son trop de facilité à la répandre et à l’égarer dans des collaborations peu dignes de lui. […] « Vous êtes inquiet, dirait mademoiselle de Belle-Isle au chevalier ; allons donc ; sachez (mais ne le dites pas) que je n’ai point passé la nuit ici ; j’ai promis de ne pas dire où je suis allée ; j’ai donné ma parole à a madame de Prie ; ne me pressez pas trop, car je vous dirai tout. — Vous insistez, vous paraissez douter : Raoul, je suis allée, cette nuit, à la Bastille… Faites que je ne vous ai rien dit. » Mais toute la force du serment s’est réfugiée de nos jours à la scène. […] Le public est si las ; il serait si reconnaissant d’être tant soit peu amusé ou touché ; il donnerait si volontiers les mains à son plaisir !
Une certaine fierté d’âme, un détachement de la vie, que font naître, et l’âpreté du sol, et la tristesse du ciel, devaient rendre la servitude insupportable ; et longtemps avant que l’on connût en Angleterre, et la théorie des constitutions, et l’avantage des gouvernements représentatifs, l’esprit guerrier que les poésies erses et scandinaves chantent avec tant d’enthousiasme, donnait à l’homme une idée prodigieuse de sa force individuelle et de la puissance de sa volonté. […] L’héroïsme de la morale, l’enthousiasme de l’éloquence, l’ambition de la gloire donnent des jouissances surnaturelles qui ne sont nécessaires qu’aux âmes à la fois exaltées et mélancoliques, fatiguées de tout ce qui se mesure, de tout ce qui est passager, d’un terme enfin, à quelque distance qu’on le place. […] Enfin ce qui donne en général aux peuples modernes du Nord un esprit plus philosophique qu’aux habitants du Midi, c’est la religion protestante que ces peuples ont presque tous adoptée. […] La religion protestante ne renferme dans son sein aucun germe actif de superstition, et donne cependant à la vertu tout l’appui qu’elle peut tirer des opinions sensibles.
Il avoit ses raisons sans doute : Despréaux est en possession de la cime du Parnasse, d’où il donne encore des Loix, que les bons esprits n’oublieront jamais ; & il ne falloit rien moins qu’une Confédération, pour le chasser de son domaine & mettre à sa place le Chef de ces petits Conjurés. […] Les Zélateurs du sentiment, qui en ont eux-mêmes si peu, voudroient-ils qu’il eût perverti les genres ; qu’il nous eût donné des doléances aussi déplacées que celles qui nous endorment dans leurs Romans, dans leurs Tragédies, dans leurs Œuvres philosophiques, dans leurs Comédies…. ? […] Finissons cet article, en déclarant encore à tous les Aristarques du nouveau Monde Littéraire, que, malgré leurs efforts, leurs Dissertations, leurs Sentences, leurs Satires, Despréaux n’en sera pas moins celui de tous nos Poëtes dont on a retenu & dont on citera toujours le plus de vers ; celui qui, le premier, a déployé les richesses de notre Langue, & qui l’a portée, par ses Ouvrages, au degré d’estime où elle est parvenue depuis ; celui qui a fait le plus régner le bon goût, & a le plus fortement attaqué le mauvais ; celui qui a su le mieux réunir l’exactitude de la méthode & la vivacité de l’imagination ; le sel de la bonne plaisanterie, & le respect dû à la Religion & aux mœurs ; l’art de lancer le ridicule, & celui de louer avec délicatesse ; le talent d’imiter, en paroissant original ; la distinction unique d’être tout à la fois Législateur & Modele ; &, pour tout dire enfin, il ajoutera à tous ces genres de gloire, ce qui donne le plus de droit aux hommages de la vertu, les qualités du cœur. Qu’on lise les Mémoires de sa vie ; on y applaudira à la générosité de ses bienfaits, répandus sur les Littérateurs qu’il se croyoit obligé d’attaquer dans ses Ecrits ; on y apprendra qu’il a été le bienfaiteur de Liniere, qui ne cessoit de déclamer contre lui ; qu’il donna des secours à Cassandre, dont il estimoit peu les talens ; qu’il se réconcilia avec Perrault, en oubliant ses calomnies ; qu’il rendit justice à Boursault, en reconnoissant son mérite qu’il avoit trop méconnu ; qu’il conserva au célebre Patru sa Bibliotheque, en l’achetant plus cher qu’il ne vouloit la vendre, & en lui en laissant la jouissance ; qu’il osa refuser le paiement de la pension que lui faisoit Louis XIV, en disant à ce Prince, qu’il seroit honteux pour lui de la recevoir, tandis que Corneille, qui venoit de perdre la sienne, par la mort de Colbert, se verroit privé de ses bienfaits : ce qui valut à ce dernier un présent de deux cents louis ; qu’il eut un grand nombre d’amis dans les rangs les plus élevés, comme parmi les plus célebres Littérateurs de son temps, & qu’il les conserva toute sa vie.
Le seul parti qu’il eût à prendre, était de lui donner une lettre de divorce, et de l’envoyer avec ses plus jeunes enfants chez son père, lequel comprendrait, il en était certain, la véritable raison qui le poussait à agir ainsi et donnerait à la pauvre femme consolation et conseil. […] Je vous donnerai une lettre de divorce et vous aurez à retourner chez votre père. […] » Et je la donne telle qu’il me l’a traduite d’après le texte d’Ippitsou-an.
Il étoit en possession de donner le ton à son siècle. […] Un moine bénédictin, scandalisé des ouvrages d’Abailard, y trouvant des choses hardies, & les croyant erronées, en donne avis à saint Bernard par une lettre conçue en ces termes : « Pierre Abailard enseigne, écrit des nouveautés. […] S’il en vint à cette démarche, s’il donna cette apologie de sa doctrine, sa chère Héloïse en fut la principale cause. […] Elle fit enterrer au Paraclet le corps de son époux, immortalisé par elle encore plus que par les écrits qu’il a donnés.
Jugement sur Émile Vous exigez, madame, que je vous donne par écrit mon jugement sur le livre de l’Éducation. […] Rousseau est peut-être le seul qui fasse une classe à part : la crainte de choquer les opinions reçues, de révolter par des paradoxes, de passer pour cynique, de se faire des ennemis et des affaires, rien de tout cela ne l’arrête ; il s’est mis à son aise avec le public de tous les rangs et de toutes les espèces ; et cette liberté, qui se trouve heureusement jointe en lui à beaucoup de talent, lui donne un prodigieux avantage. […] Il faut avoir connu comme moi Rousseau pour voir à quel point la hardiesse de braver tout a donné l’essor à son esprit : je l’ai vu il y a vingt ans (en 1762), circonspect, timide et presque flatteur ; ce qu’il écrivait pour lors était médiocre. […] Je ne prétends pas donner ici mon avis pour règle, d’autres peuvent être affectés différemment., mais c’est ainsi que je le suis.
Le désespéré, c’était Donoso, le plus ardent, le plus religieux, le plus saint des deux, que Guizot, qui avait ses raisons pour ne pas vouloir de prophètes, appelait, par dérision, un Jérémie ; et l’espérant, c’était Raczynski, lequel persiste (dit-il dans sa Correspondance) à croire « que le jour viendra où la France tendra les mains vers Henri V », mais sans donner de cette foi une seule raison historique, et qui a espéré non pas jusqu’à la fin, mais sans fin, et qui a vu la fin de sa vie avant la fin de son opiniâtre espérance ! […] Ici, il n’est pas plus grand que ce Raczynski inconnu qui n’avait pas donné, lui, les mêmes otages à la renommée. […] » et, s’il n’était pas mort, c’est ainsi qu’il aurait donné sa démission des choses humaines. L’autre, moins passionné, moins grand, moins à bout de tout, ne donna que celle des affaires publiques.