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419. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Il s’acquitte de sa tâche, sans plaisir et sans ardeur, avec de lents mouvements de ses puissantes et débiles mains, il assemble les matériaux de son œuvre, où la foule grise de ses âmes, dispose la terre où elles vivent, entrelace le cours des événements, et cette tâche de géant imparfaitement, lentement achevée, mais imposante de grandeur et de vérité, il s’assied et la contemple avec des yeux distraits, distants et songeurs, comme absent de ce monde et de l’image qu’il est parvenu à en donner, comme détaché déjà de tous deux et entrevoyant quelque réalité dernière plus auguste et plus vénérée. […] Que ce soit dans La Guerre et la Paix cette baignade de tout un régiment à laquelle assiste le prince André, de cette chair à canon parmi laquelle un obus devait venir le déchirer, ou le spectacle des soins de propreté que se donnent les prisonniers russes traînés à la suite de la grande retraite ; que ce soit encore quand le prince René placé tout près de la princesse Hélène est pris de volupté à la vue des épaules frémissantes et respirantes de cette magnifique femme, ou quand Nicolas Lévine émacié et mourant de phtisie, change une dernière fois de chemise sur ses membres amincis, fauteur enseigne et suggère ce profond sentiment de fraternité par la chair qui unit et apitoie en dernière analyse le plus fortement tes hommes entre eux par le tien puissant de l’amour de leur propre corps. […] Que l’on rapproche ces actes d’un sérieux humain singulièrement profond et simple, de la bonté sénile du vieux Rostow, de l’infinie faiblesse de géant du prince Pierre, que l’on note que la scène la plus grave de La Guerre et la Paix est celle où le soldat Karalaïef raconte, dans l’obscurité puante d’une chambrée de prisonniers, l’histoire comme évangélique d’un marchand injustement condamné pour un assassinat, heureux de souffrir et pardonnant au scélérat qui le fait mourir au bagne, et l’on reconnaîtra que l’impression dernière de ce livre de batailles est religieuse, morale, pénétrée de bon vouloir et d’amour. […] Jetés dans les hasards d’une époque troublée, militaires pour la plupart, homme de cour, de loisirs et de richesse, ils sont préoccupés de cette énigme dernière ; ils cherchent tous une réponse qui comble la contradiction entre leurs désirs et leurs croyances. […] Mais tous ceux qui aiment le feu de la vie malgré l’incessante mort de ses flammes, trouveront en ces livres la plus grande et la plus vraie des images fictives de ce monde, la plus complète représentation qui soit des derniers fleurissements de la force sur ce globe.

420. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Les six derniers livres, dit-on, ne sont pas de la beauté des six premiers. […] Ce n’est pas que Virgile ne soit Virgile dans les six derniers chants. […] Il trouve que, dans l’Énéide, l’intérêt augmente par dégrès, de livre en livre ; que les six derniers sont autant au-dessus des six premiers, que l’Iliade est au-dessus de l’Odissée. […] L’abbé Desfontaines rejette surtout les correctifs proposés, afin de remédier aux défauts dans les six derniers chants. […] Tous ces ouvrages, & principalement les derniers, font plaisir par la manière dont les passions y sont traitées, par la variété des épisodes habilement liés à l’action principale, par le naturel & les agrémens du stile.

421. (1887) Essais sur l’école romantique

Il sera curieux de comparer les premiers vers aux derniers venus, et de décerner le prix. […] Je préfère de beaucoup les derniers vers aux premiers. […] Comment me faites-vous une faute, Jules Janin, de n’avoir pas prévu les deux derniers actes du dernier drame représenté, de ce drame qui s’est couronné naguère au Capitole ! […] De ses trois derniers ouvrages, deux sont en prose et le troisième en vers. […] Nos maîtres des deux derniers siècles ont eu des commencements plus humbles et peut-être plus profitables.

422. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

Il continue et prolonge cette conversation par lettres avec Saint-Vincens, sur les sentiments de différente sorte et les troubles qui agitent une âme à la vue des derniers moments : On ne saurait tracer d’image plus sensible que celle que tu fais d’un homme agonisant, qui a vécu dans les plaisirs, persuadé de leur innocence par la liberté, la durée, ou la douceur de leur usage, et qui est rappelé tout d’un coup aux préjugés de son éducation, et ramené à la foi, par le sentiment de sa fin, par la terreur de l’avenir, par le danger de ne pas croire, par les pleurs qui coulent sur lui. […] Le désir extrême qu’avait Vauvenargues de venir à Paris, et pour cela son besoin de trouver 2000 livres à tout prix, nous le montrent dans une singulière veine d’inquiétude et dans une espèce de fièvre qui lui fait écrire à Saint-Vincens des choses assez étranges comme lorsqu’on en est aux expédients, des choses qui dérangent un peu l’idée du Vauvenargues-Grandisson auquel on était généralement accoutumé, et qui n’avait jamais été mieux développé que dans le discours d’un des derniers et des plus honorables concurrents, M.  […] La correspondance avec Saint-Vincens finit pourtant sur des impressions plus satisfaisantes et plus conformes à l’idée première et dernière qu’on doit prendre de Vauvenargues. […] Ce Vauvenargues plus intime et plus essentiel que l’autre éclate dans une de ses dernières lettres à Saint-Vincens, lorsque, apprenant l’invasion de la Provence par les Autrichiens et les Piémontais dans l’automne de 1746, il s’écrie : J’ai besoin de votre amitié, mon cher Saint-Vincens : toute la Provence est armée, et je suis ici bien tranquillement au coin de mon feu ; le mauvais état de mes yeux et de ma santé ne me justifient point assez, et je devrais être où sont tous les gentilshommes de la province.

423. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

« Monsieur, me disait un jour le bon Ballanche, le lendemain de l’une des dernières brochures de M. de Chateaubriand, ne pensez-vous pas que le règne de la phrase est près de finir ?  […] Pour celui qui y entrait, ne fût-ce qu’une fois, il n’y avait pas à s’y méprendre : le roi de céans, le Dieu du petit temple, durant toutes les dernières années, c’était M. de Chateaubriand. […] Mme Récamier, le voyant, depuis sa rentrée aux affaires et son triomphe de la guerre d’Espagne, plus ardent, plus exalté et enivré que jamais, moins maniable probablement dans l’intimité, prit le parti d’aller à Rome, sur la fin de 1823 : dans son système d’amitié constante, mais d’amitié pure et non orageuse, elle jugea prudent, à cette heure critique, de s’éloigner pendant un certain temps, et de lui laisser jeter, avec ses fumées de victoire, ses derniers feux, — Mme Cornuel aurait dit, sa dernière gourme de jeunesse62.

424. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

« L’armée d’Italie, dit à ce propos Jomini, avait changé six fois de chef en moins d’un an, lorsqu’après la réduction du Piémont elle perdit Joubert, qui demanda son remplacement par dépit de ne pouvoir conserver, pour son chef d’état-major, Suchet, avec lequel il était lié d’amitié. » Le refus qu’on lui faisait du général Suchet ne fut qu’une dernière marque de désaccord qui amena la rupture. […] Saint-Cyr insista une dernière fois sur la possibilité d’une retraite à travers l’Apennin, indiquant avec précision les moyens, les positions à occuper : Cette proposition, ajoute-t-il (et lui seul a l’autorité suffisante pour faire accepter de telles paroles), ne put tirer Joubert de l’état d’incertitude où il était plongé ; il en était si affecté, qu’on peut dire qu’il en avait honte. […] Ce furent les dernières paroles qu’il prononça, car il fut aussitôt atteint d’une balle qui le renversa mort. » On reporta son corps à Saint-Cyr, qui cacha cette mort aux troupes jusqu’à la fin de la journée. […] Cette mort, avec les circonstances qui l’avaient amenée, était un nouvel et dernier augure.

425. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Les derniers critiques des journaux français pensent autrement. […] … Quand on pèse tout ce que celui-là a fait et enduré, il semble qu’à quarante ans il devait être usé jusqu’au dernier atome ; mais pas du tout ; à cet âge, on le voyait s’avancer encore, toujours héros parfait. » Qu’on se rappelle les magnifiques jugements de Gœthe sur Louis XIV, sur Voltaire, sur Molière, sur les hommes-types par qui la France est si grande, et qu’on y joigne celui-ci57. […] Les dernières pages dans lesquelles on voit Eckermann visitant pour une dernière fois sur son lit mortuaire la forme expirée, mais encore belle, de celui qu’il a tant aimé et vénéré, font une conclusion digne et grandiose.

426. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Pour n’être plus prédite chaque jour, l’attente d’un Messie n’en est pas moins constante et évidente ; les Juifs vivent sur cette foi : on attend l’accomplissement des dernières prophéties, des derniers oracles que le Saint-Esprit avait laissés. […] Ceux qui ont étudié Bossuet savent combien, dès ses premiers sermons prêchés à Metz, il était préoccupé de cette destruction de Jérusalem et des scènes particulières d’horreur qu’elle présente ; il y insiste de nouveau dans ce Discours, il les étale et les commente, y voyant l’image anticipée du Jugement dernier. […] Toutes ces dernières pages ne sont qu’une suite de récapitulations.

427. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Mille écluses maîtriseraient et distribueraient l’inondation sur toutes les parties du territoire ; les huit ou dix milliards de toises cubes d’eau qui se perdent chaque année dans la mer, seraient réparties dans toutes les parties basses du désert, dans le lac Mœris, le lac Maréotis et le Fleuve sans eau, jusqu’aux Oasis et beaucoup plus loin du côté de l’ouest, — du côté de l’est, dans les Lacs Amers et toutes les parties basses de l’Isthme de Suez et des déserts entre la mer Rouge et le Nil ; un grand nombre de pompes à feu, de moulins à vent, élèveraient les eaux dans des châteaux d’eau, d’où elles seraient tirées pour l’arrosage ; de nombreuses émigrations, arrivées du fond de l’Afrique, de l’Arabie, de la Syrie, de la Grèce, de la France, de l’Italie, de la Pologne, de l’Allemagne, quadrupleraient sa population ; le commerce des Indes aurait repris son ancienne route par la force irrésistible du niveau… » Le mot de civilisation ne s’est pas rencontré encore ; il n’échappe qu’à la fin et aux dernières lignes, comme le résumé de tout le tableau ; il introduit avec lui et implique l’idée morale, qui a pu paraître jusque-là assez absente : « Après cinquante ans de possession, la civilisation se serait répandue dans l’intérieur de l’Afrique par le Sennaar, l’Abyssinie, le Darfour, le Fezzan ; plusieurs grandes nations seraient appelées à jouir des bienfaits des arts, des sciences, de la religion du vrai Dieu ; car c’est par l’Égypte que les peuples du centre de l’Afrique doivent recevoir la lumière et le bonheur !  […] Ceux qui n’ont pas connu Condorcet, qui ne l’ont étudié qu’en gros et qui ne le jugent que par son dernier livre et par sa mort, croient qu’il avait en lui cet esprit du sacrifice moderne, ce feu sacré qui se passait d’autel. […] Le simple amour de la science et de ses applications salutaires, le spectacle grandissant de l’humanité émancipée, le caritas generis humani dans sa forme la plus haute, ne suffisent-ils pas à faire entreprendre cette sainte ligue, cette croisade dernière que M.  […] Duveyrier n’a guère survécu à sa prédication dernière ; il est mort à Paris le 9 novembre 1866.

428. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Beugnot, celui pour lequel il était le plus fait par la nature de son esprit et par ses goûts, c’est la fin des belles années de Louis XVI, au lendemain de la guerre d’Amérique, l’heure de la popularité suprême et du dernier éclat des parlements. […] Cet excellent homme de bien dissimula jusqu’au dernier jour à ses compagnons de prison l’issue trop certaine de son jugement au tribunal révolutionnaire ; ce ne fut que la veille de la condamnation qu’il laissa échapper devant eux quelque chose de ses pensées. […] Ce fut même lui qui eut l’honneur de rédiger le fameux préambule : il s’en était remis d’abord pour la composition au talent élevé, mais trop oratoire, de Fontanes : il lui fallut tout refaire au dernier moment. […] Beugnot n’a pas dit son dernier mot.

429. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Des deux associés de l’évêque d’Autun, l’un au moins hésita jusqu’au dernier moment. […] Maurice Talleyrand allant à Londres par nos ordres… Ainsi j’étais sorti de France parce que j’y étais autorisé, que j’avais reçu même de la confiance du gouvernement des ordres positifs pour ce départ. » Cependant, quarante ans après, dans son dernier séjour de Londres, et dans toute sa gloire d’ambassadeur, il se plaisait à raconter comment il aurait obtenu et presque escamoté ce passeport de Danton par une sorte de stratagème et en souriant d’une plaisanterie que ce personnage redouté venait de faire sur le compte d’un autre pétitionnaire. […] Elle juge, de quelques mots qu’il a laissé échapper dans sa dernière conversation avec elle, qu’il est question pour lui de mourir ; aussi a-t-elle passé la nuit dans une grande agitation et dans les larmes. […] » Mais selon une autre version qui m’est affirmée, le général Bertrand racontant une scène terrible dont il avait été témoin, et dans laquelle Napoléon lança à Talleyrand les plus sanglants reproches, ajoutait que les derniers mots de cette explosion furent : « Tenez, monsieur, vous n’êtes que de la m… dans un bas de soie. » Le mot, sous cette dernière forme, sent tout à fait sa vérité.

430. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Il y a là, dans la jolie vallée de Bièvre, tout un coin, un foyer d’action, qui mériterait sa place dans la chronique poétique des dernières années. […] Victor Hugo les a, depuis longtemps, consacrées par l’opéra de la Esméralda, surtout par les quatre beaux chants qui, dans ses quatre derniers recueils de poésie, à partir des Feuilles d’Automne, se sont venus rattacher au nom et à la pensée de mademoiselle Bertin. […] Quant aux personnes, je fais trois groupes de poëtes parmi ceux de ce temps, c’est-à-dire parmi ceux des vingt dernières années. […] Le côté par où ces deux derniers avaient fait défaut est précisément celui où l’on a repris l’avantage.

431. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Les femmes du xvie  siècle, ai-je dit, ont été trop mises de côté dans les dernières études qu’on a faites sur les origines de la société polie : Rœderer les a sacrifiées à son idole, qui était l’hôtel Rambouillet. […] Toutes les dernières, les femmes d’après Jean-Jacques, c’est-à-dire qui ont essuyé son influence et se sont enflammées un jour pour lui, ont eu une veine de sentiment que les précédentes n’avaient point cherchée ni connue. […] Mme de Staal avait glissé sur cet affreux détail ; mais elle l’avait trouvé aimable jusque dans les dernières années, et, malgré les erreurs de l’intervalle, elle n’avait pas cessé de rester soumise à l’ancien prestige. […] C’est là son dernier oreiller.

432. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Madame Récamier. » pp. 121-137

Au mois de mai dernier a disparu une figure unique entre les femmes qui ont régné par leur beauté et par leur grâce ; un salon s’est fermé, qui avait réuni longtemps, sous une influence charmante, les personnages les plus illustres et les plus divers, où les plus obscurs même, un jour ou l’autre, avaient eu chance de passer. […] Le salon de Mme Récamier était bien autre chose encore, mais il était aussi, à le prendre surtout dans les dernières années, un centre et un foyer littéraire. […] Nous qui l’avons vue dans ses dernières années, et qui avons saisi au passage quelques rayons de cette bonté divine, nous savons si elle avait de quoi y suffire, et si l’amitié ne retrouva pas en définitive chez elle de cette flamme que n’avait jamais eue l’amour. […] M. de Chateaubriand, dans les vingt dernières années, fut le grand centre de son monde, le grand intérêt de sa vie, celui auquel je ne dirai pas qu’elle sacrifiait tous les autres (elle ne sacrifiait personne qu’elle-même), mais auquel elle subordonnait tout.

433. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

N’oublions pas une dernière circonstance par laquelle on a cherché à expliquer la diversité et l’inégalité des intelligences, à savoir la composition chimique du cerveau, qui a attiré l’attention de nombreux observateurs. […] Une dernière difficulté contre l’hypothèse d’une corrélation déterminée entre la forme et les fonctions du cerveau se tirera du fait même qui paraît le plus favorable à cette hypothèse, — la similitude du cerveau chez le singe et chez l’homme. […] Ce qui m’importe, c’est qu’il y a un lien commun entre toutes les branches de l’humanité, et un immense intervalle entre les derniers des hommes et les premiers des singes, intervalle qui ne s’explique pas suffisamment par la différence de leur organisation encéphalique. […] Gratiolet : il consiste en ce que, chez les singes, le lobe moyen du cerveau paraît et s’achève avant le lobe frontal, tandis que chez l’homme les circonvolutions frontales apparaissent les premières, et celles du lobe moyen ne se dessinent qu’en dernier lieu.

434. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Paul Bourget publier son dernier roman — ces Trois âmes d’artistes annoncées depuis plus de dix ans — sous le nom imprévu de la Duchesse bleue. […] Le tome I : le Vice suprême est en opposition parfaite avec le tome XIV et dernier : la Vertu suprême, et l’on note encore : VIII, l’Androgyne, IX, le Gynandre, X, le Panthée, XIII, Finis Latinorum. […] Quels mots plus obscurs que ceux-ci : le Repas du Lion, placés par M. de Curel en tête du drame qu’il fit jouer l’an dernier ? Dix lignes d’explications seulement, vers la fin du dernier acte, venaient avertir du sens de la parabole.

435. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Trop peu d’années nous séparaient de notre grand siècle : pendant que des hommes qui vivaient au milieu de nous avaient vu briller les dernières étincelles de ce siècle fameux, les enfants, dans les écoles, étaient toujours nourris des chefs-d’œuvre qu’il avait produits. […] On s’est fort trompé, en dernier lieu, lorsque, sentant que tout finissait, on a voulu nous montrer de nouveaux trésors à exploiter, ou plutôt des richesses anciennes, que nous avions négligées jusqu’à présent, et que l’on nous conseillait de mettre en œuvre. […] Le goût, qui n’est autre chose que le tact des convenances, suffit pour achever de détruire les derniers vestiges de cette idolâtrie de l’imagination ; et la langue française, docile surtout aux règles du goût, commence à refuser son appui à de telles divinités. […] On a senti la nécessité de propager de nouvelles formes d’enseignement pour hâter l’instruction dans les dernières classes de la société ; et l’on néglige l’avancement simultané de celles qui sont destinées à marcher les premières.

436. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Delacroix en a retenu ses idées sur l’amour qui font l’objet de son second chapitre, et ses idées sur l’art, qui font l’objet du troisième et dernier. […] Otez de Sainte-Beuve l’atmosphère amoureuse qui lui fait comme sa troisième dimension vivante, retranchez de lui ce qui par tous les interstices des lundis s’insinue, palpite et fleurit du livre d’amour, de volupté, et des voluptés moins singulières de son dernier âge, vous aurez sans doute un Gustave Planche quelconque. […] Mauclair sur l’amour, une Magie de l’art, à laquelle les dernières lignes de son livre actuel semblent préparer, comme les dernières lignes de L’amour physique préparaient la magie de l’amour.

437. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Vous venez de Port-Royal, du dernier vallon où l’on cause, n’est-ce pas ?  […] C’était les derniers vers qu’il composait. […] Mais ses premières années devaient être aussi les dernières ! […] À lire la plupart des pièces de ces dernières années, on le croirait sans peine. […] Et le drame au dernier acte n’est pas près de finir.

438. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

C’en fut assez pour le désigner à la haine du dernier qui refusa au ministre genevois toute espèce de talent sous les rapports d’homme d’État. […] Gardons qu’ils ne renaissent encore, et souvenons-nous toujours des derniers conseils du premier fondateur de la révolution. […] Cependant son éloquence s’était bien agrandie et bien épurée dans ses derniers ouvrages. […] Ces oraisons funèbres du dernier siècle me paraissent avoir encore un autre avantage. […] Presque jusqu’au dernier moment on avait espéré.

439. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — Notice sur M. G. Duplessis. » pp. 516-517

Le 21 mai dernier (1853), l’Université et la littérature ont perdu un homme qui leur avait rendu de longs, modestes et utiles services, M.  […] Duplessis, pour obliger un éditeur de sa connaissance, a mis la main à quantité de petits recueils très bien faits, très agréablement assortis et honnêtement récréatifs, publiés la plupart sous le pseudonyme d’Hilaire le Gai. — Il préparait dans les derniers temps une édition des Pensées de La Rochefoucauld, qui doit paraître chez le libraire Jannet119.

440. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Béranger, Pierre-Jean de (1780-1857) »

. — Chansons nouvelles et dernières (1833). […] Sainte-Beuve Les relations de Béranger dans les dix dernières années avec Chateaubriand, avec Lamennais et même avec Lamartine ont été célèbres ; elles sont piquantes quand on songe au point d’où sont partis ces trois hommes.

441. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Préface »

C’est toujours sous leurs noms latins que la parodie a travesti et bafoué les dieux ; c’est sous ces mêmes noms que le bel esprit des deux derniers siècles les a usés dans les fadeurs de l’allégorie et du madrigal. […] Il m’a rapatrié dans le monde antique, il m’a ramené aux sources sacrées ; j’y ai puisé les plus pures joies qui puissent rafraîchir et ravir l’esprit. « Les Grecs » — a dit Goethe dans un mot célèbre — « ont fait le plus beau songe de la vie. » Ce songe, je l’ai refait avec eux ; et il me semble que je m’en réveille en écrivant les dernières lignes de ces pages pleines de leur gloire et de leur génie.

442. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « De la peinture. A propos d’une lettre de M. J.-F. Raffaëlli » pp. 230-235

Il nous faut graver les traits de ces individus ; à tous, depuis les plus grands jusqu’aux derniers, parce que tous ont bien mérité de l’humanité. « Que ceux qui ont une idée médiocre ou pauvre et qui ont besoin d’être en face de grands hommes pour s’apercevoir de la grandeur de l’homme, s’adressent à nos de Lesseps, à nos Edison, à nos Pasteur ou bien à nos politiques, aux généraux, aux écrivains, aux artistes, aux grands commerçants, aux industriels fameux, aux philosophes ; mais que ceux qui se sentent l’âme élevée et le cœur vibrant pour la suprême beauté de leur race prennent les plus humbles, les va-nu-pieds et les derniers pauvres gens.

443. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 20, de la difference des moeurs et des inclinations du même peuple en des siecles differens » pp. 313-319

Nous avons vû dans le dix-septiéme siecle des guerres civiles en France et des partis aussi aigris et aussi animez l’un contre l’autre sous Louis XIII et sous Louis XIV que pouvoient l’être dans le siecle précedent les factions qui suivoient les ducs De Guise ou l’amiral De Coligni, sans que l’histoire des derniers mouvemens soit remplie d’empoisonnemens, d’assassinats, ni des évenemens tragiques si communs en France sous les derniers Valois.

444. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une conspiration sous Abdul-Théo. Vaudeville turc en trois journées, mêlé d’orientales — Première journée (1865). Les soucis du pouvoir » pp. 215-224

Certes, je t’aime, tu es le plus cher à mon cœur parmi tous les plus chers ; mais, dussent tes muscles sécher sous toi et se racornir comme de vieilles cordes de violon, — tu n’auras point ta chaise ; tu demeureras, jusqu’au dernier jour, accroupi dans la posture sacrée de nos pères. […] (Le bruit des derniers vers se perd dans la brise marine.)

445. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Il s’était perfectionné, depuis les trois dernières années, de la manière la plus sensible pour qui le suivait de près. […] Ce genre, ainsi développé et déterminé, a parcouru en peu d’années ses divers degrés de croissance, et Charles Labitte, on peut le dire, l’a poussé au dernier terme du complet dans une ou deux de ses biographies, dans celle de Marie-Joseph Chénier particulièrement. […] Une note de sa préface232 recommandait expressément le pamphlet du Maheustre et du Manant, testament de la Ligue à l’agonie et dernier mot du parti des Seize. […] Je trouve dans une lettre de lui, datée des derniers temps de son séjour à Rennes (fin de février 1842) et adressée à ce même ami d’enfance, M.  […] C’est dans cette position que Charles Labitte a passé les deux ou trois dernières années.

446. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

Je me disais qu’après une vie agitée et peut-être avant les orages et les mécomptes de cette vie, il serait doux d’avoir son tombeau sous ces orangers, d’y dormir ou d’y rêver, car l’homme est si essentiellement un être pensant qu’il ne peut croire au sommeil sans rêve, même de la tombe ; j’y écoutais mourir le sourd murmure de la grande ville qui s’assoupissait à mes pieds, semblable au bruit d’une mer qui diminue à mesure qu’on s’élève sur le promontoire ; j’y regardais les derniers rayons du soleil, dorant comme des phares les pans de murailles jaunies du Colisée. […] Plus de bruit au moins autour de ce lit du dernier sommeil ! […] Le génie semble s’accumuler et s’amonceler lentement, successivement et presque héréditairement pendant plusieurs générations dans une même race par des prédispositions et des manifestations de talents plus ou moins parfaits, jusqu’au degré où il éclot enfin dans sa perfection dans un dernier enfant de cette génération prédestinée au génie ; en sorte qu’un homme illustre n’est en réalité qu’une famille accumulée et résumée en lui, le dernier fruit de cette sève qui a coulé de loin dans ses veines. […] L’impression que Léonora fit sur le Tasse, la première fois qu’il la vit dans une des dernières fêtes du mariage d’Alphonse et de Barbara, se devine plus qu’elle ne s’exprime dans quelques vers de sa pastorale de l’Aminta, qu’il écrivait pendant l’absence du cardinal d’Este. […] L’infortuné Bernardo, consolé au moins par la présence de son fils, n’avait témoigné à sa dernière heure que la joie d’aller rejoindre, dans le sein de Dieu, cette Porcia qu’il avait tant aimée, et de laisser sur la terre, pour perpétuer son nom, un fils dont la tendresse et la gloire naissante le récompensaient de ses longues adversités.

447. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

Mais notre dernier accès de septentriomanie a été particulièrement violent et prolongé. […] Toutes ses dernières pièces (depuis 1886) ont été traduites. […] (Et si j’allègue tour à tour nos romantiques et nos réalistes, c’est que leur influence se fait sentir concurremment  si toutefois c’est elle, — chez les derniers écrivains septentrionaux.) […] Enfin, il y a, dans les romans de Tolstoï, les commencements et les approches d’une sorte de mysticisme dont ses derniers ouvrages nous ont montré l’achèvement, dont nous n’avons peut-être pas chez nous l’équivalent exact, et qu’on pourrait appeler le nihilisme évangélique. […] Bourget, dont les derniers romans sont, en maint endroit, des récits piétistes.

448. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

Frappée des dispositions précoces de cette enfant pour la poésie, elle l’avait cultivée comme on cultive une dernière espérance de célébrité domestique, quand on a soi-même le goût de la gloire et qu’on vieillit sans l’avoir pleinement savourée. […] On connaît la prédilection des mères pour les derniers venus à la vie. […] Ce furent ses derniers jours de calme ; ce furent aussi les miens. […] Les dernières convulsions de la république expirante ne trouvèrent madame de Girardin ni moins résolue ni moins constante. […] Ce fut notre dernier serrement de cœur et notre dernier serrement de mains.

449. (1886) Le roman russe pp. -351

Jusqu’à ces dernières années, on remettait à quelques orientalistes le soin de vérifier les écritures de ces Sarmates. […] Lermontof a jeté les derniers cris romantiques et les plus stridents. […] Comme il est d’usage, ce fut précisément pour ces dernières qu’on traita l’auteur de réactionnaire. […] La nature de ses souffrances est imparfaitement connue, comme l’état de son esprit durant les dernières années. […] Il avait dit son dernier mot sur cette âme russe qu’il fouillait depuis quarante ans : il se tut.

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