Le mécontentement, c’est le désir de mécontenter. […] Et enfin, peut-être surtout, le pococurantisme est un désir de se rendre témoignage à soi-même que l’on n’est pas dupe. […] Mais si l’on a comme le choix, si, avec des penchants, comme tous les hommes, à l’orgueil, à la taquinerie, à la dispute, au désir de se distinguer, à l’horreur d’être dupe, on en a aussi à l’admiration ou simplement au plaisir de goûter les belles choses, il vaut certainement mieux incliner de ce dernier côté et, si vous êtes ainsi partagé, je vous dirai : Considérez le « plaisir de la critique » comme le plus grand ennemi et le plus dangereux de la lecture et faites-lui bonne guerre.
[Avertissement] L’auteur de ces causeries a marqué plus d’une fois le désir de les clore au moins sous forme de recueil distinct ; et toujours l’impulsion qu’il s’était donnée l’a entraîné plus loin qu’il n’avait prévu.
Il faut comprendre tous les états d’âme et connaître la diversité des désirs. […] C’est le désir de M. […] Et la femme qui entre volontairement dans un couvent, elle affirme la nullité de ses désirs charnels. […] Il y a ou il n’y a pas désir et, hors les cas où il n’est que morbide, le désir se résout en acte. […] L’amour ne s’embarrasse d’aucun préjugé, il suit son désir, confiant dans l’innocuité des rapports sexuels.
On ne peut dominer une douleur, vaincre un désir. […] Rien qui sente sa rhétorique et qui dénote le désir de plaire. […] Elles ne s’accordent guère avec le désir d’apostolat qui est au cœur de plusieurs. […] C’est chez nous, je le sais, le désir de beaucoup de chrétiens. […] Mais je n’avais ni le moyen ni le désir de parler de tout le monde.
Il se crut tout à fait libre, à l’état de table rase, ne conservant que le désir ardent de découvrir la vérité en toutes choses par les seules forces de son esprit. […] Il étudiait l’influence de ses affections morales sur son appétit ; il expérimentait toutes choses, son sommeil, son réveil ; d’une condescendance pour les besoins de son corps qui venait moins d’un désir excessif de prolonger sa vie, que de la curiosité d’éprouver sur lui-même ce qu’il jugeait le plus propre à conserver la santé. […] Montaigne n’a aucun désir de propager ses idées. […] L’excès dans le désir de convaincre rend Descartes dur pour ses contradicteurs, outre le faible humain, qui fait que les meilleurs esprits ne peuvent défendre la vérité sans s’opiniâtrer, ni sans en confondre l’intérêt avec le leur. […] Nous avons donné le plus bel exemple, dans le monde moderne, de cette propriété de la vérité, qui est de susciter dans l’esprit qui la possède le désir et le devoir d’en faire part aux autres.
On la trouvera si on porte son attention sur un point trop négligé par les platoniciens, par les kantiens, par tous les intellectualistes, quoiqu’ils l’aient parfois eux-mêmes indiqué : le rapport des idées au désir et au mouvement, à « l’appétit » d’Aristote, au « vouloir vivre » de Schopenhauer, qui est le grand ressort de la lutte pour la vie. […] Rappelons-nous, en effet, comment se sont développées en nous les sensations : nous avons vu que c’est la volonté de vivre, le désir d’écarter la peine et de retenir le plaisir par des mouvements appropriés, qui a donné aux sensations le degré de distinction et de force nécessaire pour se détacher dans la conscience92. […] C’est précisément parce qu’on ne discerne pas les sentiments d’impulsion et de désir dans les actes intellectuels qu’on se figure encore, avec Platon, un intellect pur, indépendant, une sorte de jugement contemplatif « prononçant sur la vérité intelligible ». […] Si mes idées et mes désirs agissent non seulement sur mon propre monde, mais encore sur le monde d’autrui, j’admets alors que mon idée n’est pas seulement un songe, pas même un songe bien lié, mais qu’elle a une action réelle, qu’elle est effective et conséquemment objective. […] La pensée et ses « idées » nous apparaîtront ainsi, non comme des intuitions d’un monde intelligible, à la manière de Platon, ni comme des formes sans contenu, à la manière de Kant, sortes d’ouvertures vides sur un monde inconnaissable, mais comme des forces actives de conservation et de progrès, ayant leur origine dans le désir, leur effet dernier dans le mouvement, contenant ainsi en soi des conditions de changement interne et externe qui en font de véritables facteurs.
La soif qui brûlait leur cœur, la furieuse passion qui les prosternait aux genoux du maître, l’âpre aiguillon du désir invincible qui les précipitait dans les extrêmes terreurs et jusqu’au fond des plus basses complaisances, était la vanité insatiable et l’acharnement du rang. […] Je lui parlai aussi de la longue absence que j’avais faite, de douleur de me trouver mal avec lui, d’où je pris occasion de me répandre moins en respects qu’en choses affectueuses sur mon attachement à sa personne et mon désir de lui plaire en tout, que je poussai avec une sorte de familiarité et d’épanchement… Je le suppliai même de daigner me faire avertir s’il lui revenait quelque chose de moi qui pût lui déplaire, qu’il en saurait aussitôt la vérité, ou pour pardonner à mon ignorance, ou pour mon instruction, ou pour voir si je n’étais pas en faute. » On parlait au roi comme à un Dieu, comme à un père, comme à une maîtresse ; lorsqu’un homme d’esprit attrapait ce style, il était difficile de le renvoyer chez lui. […] Il attend le duc « d’un air allumé de crainte et d’espérance. » Son désir l’enflamme ; en véritable artiste, il s’échauffe à l’œuvre. […] Cette invention violente et cet acharnement de désir sont la grande marque littéraire. […] Il écrivait seul, en secret, avec la ferme résolution de n’être point lu tant qu’il vivrait, n’étant guidé ni par le respect de l’opinion, ni par le désir de la gloire viagère.
La fureur de sacrifier l'essentiel à l'accessoire, le désir de bien dire, plutôt que celui de dire vrai, lui ont obtenu le premier rang parmi les Historiens infideles.
Il est aisé de voir que ce n’est pas le désir de la célébrité qui lui a fait prendre la plume contre les Philosophes ; c’est l’amour de la Religion qu’ils s’efforcent d’anéantir, l’amour des mœurs qu’ils corrompent, l’amour de l’humanité entiere qu’ils affligent par leurs systêmes également absurdes & désolans.
On jugera toujours par ses Vies des Solitaires d’Orient, ses Lettres spirituelles, la Comédienne convertie, la parfaite Religieuse, la Vierge chrétienne, &c. en un mot par tous ses Ouvrages, qu’il eût été capable de donner plus d’exactitude & plus de perfection à son style, s’il se fût autant occupé de sa réputation littéraire, que du désir de faire servir sa pieuse industrie à inspirer l’horreur du vice, l’amour de la Religion & de la vertu.
Nous ne le voudrions pas, ce monde idéal, sans la vertu et sans l’amour : et comment la vertu et l’amour seraient-ils sans le désir ni l’effort — et l’effort et le désir sans la douleur ? […] Cette fois, elle « goncourise » décidément, avec une petite fièvre, un désir un peu maladif de « rendre l’insaisissable », de « dire ce qui n’a pas été dit ». […] Avouez au moins qu’il y a bien des âmes où vous chercheriez en vain ce conflit de la volonté et du désir qu’il vous faut absolument. […] Il est évident qu’il aime et recherche les manifestations les plus violentes de l’amour réduit au désir (Fou ? […] Une force irrésistible, un désir fatal qui nous fait communier avec l’univers physique (car le désir est l’âme du monde) et qui conduit les amants, par l’inassouvissement à la tristesse, et, par la rage de s’assouvir, à la mort (Au bord de l’eau).
ces larmes que fit couler le désir impatient d’une dure contrainte, lorsque la juste douleur dont le cœur était pénétré éleva un nuage de pleurs sur des astres de l’amour ! […] « Ranime, ô mon esprit, tes facultés endormies ; chasse de tes yeux ce sommeil perfide qui leur dérobe la vérité ; réveille-toi enfin, et reconnais combien est vaine, inutile et trompeuse toute action qui n’est pas dirigée par une raison supérieure à nos désirs. […] si tu avais su t’aimer davantage toi-même, peut-être qu’aujourd’hui tu distinguerais mieux ce qu’il y a de bon et de mauvais parmi les objets qui flattent tes désirs et tes espérances. […] Bannis de ton cœur la vaine espérance ; que la partie plus noble et plus calme reprenne son empire sur tes sens ; armée d’une force irrésistible et d’une prudence plus grande, qu’elle soumette à ses lois tout désir contraire à sa volonté, et que ton funeste ennemi, désormais terrassé, n’ose plus dresser contre toi sa tête venimeuse. » C’est ainsi qu’il méditait en vers longtemps avant l’époque des Méditations.
Un jour qu’il était amené par son désir de voir les deux sœurs devant la maison, tout le monde était en émoi sur la porte. […] En m’approchant de chez Charpentier, il me vient le désir de rencontrer quelqu’un qui m’annonce la nouvelle, et m’évite d’y entrer. […] Si bien que Chérubin, à la dernière visite à la tendue, s’était juré de mettre à mal la femme de l’avocat dans le bois, mais sa belle-sœur, qui était un peu ma parente, vit si bien dans nos yeux, lors de notre arrivée à la baraque, l’envie chez moi de tenter l’aventure, et peut-être chez elle le désir de succomber, qu’elle se tint dans nos souliers, toute la journée. […] À la représentation d’Hernani — il l’avoue — il est obstinément resté à sa place, de peur de tomber dans un compliment qui ne fût pas celui qu’il désirait, et ses oreilles prises d’une acuité douloureuse, entendaient ou croyaient entendre tout ce qu’on disait de lui et de son roman, et il passe la soirée à combattre, presque avec de l’effroi et un peu d’humeur, le désir qu’a sa femme d’aller avec Mme Charpentier, entendre une conférence de Sarcey, sur le livre du jour.
Un théorème, d’astronomie nous donne une satisfaction intellectuelle, mais la vue du ciel infini excite en nous une sorte d’inquiétude vague, un désir non rassasié de savoir, qui fait la poésie du ciel. […] Par les désirs sensuels, l’âme tend en bas et tombe : « l’être lumineux » devient un « être obscur ». […] Vous aviez le désir, la foi vous a manqué. […] Alfred de Musset mêle à tous ses amours cette soif d’idéal que ne peuvent éteindre les « mamelles d’airain de la réalité » ; il va jusqu’à la prêter à son don Juan idéalisé, et il nous peint le désir cloué sur terre, Comme un aigle blessé qui meurt dans la poussière, L’aile ouverte et les yeux fixés sur le soleil.
Paul Bourget et à qui on pardonne tout, même d’avoir fait souffrir un poète : Édel, je vois en toi, Danoise aux yeux si doux, Cette amante qu’en rêve on adore à genoux, Devant qui le désir reste muet et grave, Tant du plus chaste amour on craint de la meurtrir, Et qui semble une fleur exotique et suave Qu’on n’ose point toucher, de peur de la flétrir.
Ingres sectateur de l’antique beauté, des vers à la mémoire de ce Georges Farcy que sa mort a révélé à la France, et qui eût aimé ce livre s’il avait vécu, et qui, en le lisant, eût envié de le faire ; partout une nature élégante et gracieuse à laquelle le cœur se confie ; partout de bienveillantes images et un pur désir du beau : le doux Virgile en robe traînante et les cheveux négligés, s’appuyant sur le bras de Mécène au seuil du palais d’Octave ; un doute tolérant et chaste, la liberté clémente ; Jésus homme ou Dieu, dit le poëte, mais qui possède à jamais l’univers moral, et qui, s’il doit mourir, ne mourra que comme le père de famille, après que toute sa race, la race des fils d’Adam, sera pourvue ; — ce sont des vers comme ceux-ci, inspirés par le joli pays de Livry, que Mme de Sévigné chérissait déjà : ………. […] Le véritable Synésius est peut-être moins conforme à nos désirs.
Pleins d’un amour sincère pour la patrie, ils sont prêts à faire pour elle de grands sacrifices : cependant la civilisation trouve souvent en eux des adversaires ; ils confondent ses abus avec ses bienfaits, et dans leur esprit l’idée du mal est indissolublement unie à celle du nouveau. » Cette absence de lien entre les opinions et les goûts, entre les actes et les sentiments, entre l’énergie des désirs et la justesse des vues, ce divorce trop habituel entre les convictions chrétiennes restantes et les sympathies de l’avenir, toute cette confusion morale attriste le jeune philosophe et lui semble un symptôme presque unique dans l’histoire. […] Le grand nombre, l’extrême division, la courte durée des fonctions publiques dans la Commune, créent au sein de chacun de ces petits mondes un mouvement continu où trouvent à s’exercer, d’accord avec les relations ordinaires de la vie, le désir de l’estime, le goût du bruit et du pouvoir.
Ce fut néanmoins dans cette année qu’elle cessa d’être l’unique objet de ses désirs. […] Les admirateurs du génie de Molière ont besoin de chercher des excuses à son Amphitryon, dans son désir immodéré de plaire au prince qui Pavait subjugué par sa gloire et ses bienfaits, dans la corruption générale qui demandait au poète comique de faire rire le public aux dépens des époux malheureux, peut-être même dans l’espèce d’héroïsme auquel le poète avait voulu s’élever en se rangeant du côté des rieurs, lui à qui les désordres de sa femme avaient couté tant de larmes amères.
Alexandre Nous avons rêvé souvent des chansons nouvelles pour notre temps nouveau, des chansons agitées des grandes inquiétudes et des grands désirs comme les âmes de notre âge.
Le désir d’introduire, comme on dit en Angleterre, devant le public, la nouvelle traduction de Shakespeare, a été le premier mobile de l’auteur.
Il est rare qu’il réunisse deux cœurs embrasés l’un et l’autre en même temps de la même ardeur de désir, bien que ses élus l’en supplient avec une ferveur sans égale. […] » D’autres lui disent : « Vous verrez. » Et le voilà tourmenté par le désir de voir Broek, Broek devient son idée fixe. […] Il monte sur un bateau à vapeur, descend un canal, débarque et s’achemine à pied vers le village mystérieux, but de tant de désirs. […] Un jour Cavour, alors à Grinzane, reçoit une lettre de l’Inconnue qui se trouvait à Turin et lui exprimait le désir de le voir. Il part aussitôt, n’ayant d’autre désir « que la revoir, lui être utile et lui vouer une amitié désintéressée ».
Et faune il l’était vraiment, quoique craintif de sa nature, plutôt mélancolique même, à cause du désir infini qui le consumait. […] Et ce fut une fureur de se perdre dans l’assouvissement de ses désirs brutaux, — oh ! […] Il lisait avec une telle ardeur que je croyais fermement voir arriver le miracle : cet homme-là avait le désir d’emporter mon livre. […] Et mon désir restait inassouvi : encore un qui le sera toujours. […] En un mot, il était possédé du désir d’être soi, — folie aux yeux du monde.
Bien au contraire, une poésie toute jeune, enfantine parfois ; tantôt les désirs de Chérubin, tantôt une sorte de nonchalance créole.
. — …… Jean Lombard avait gardé de son origine prolétaire, affinée par un prodigieux labeur intellectuel, par un âpre désir de savoir, par de tourmentantes facultés de sentir ; il avait gardé la foi carrée du peuple, son enthousiasme robuste, son entêtement brutal, sa certitude simpliste en l’avenir des bienfaisantes justices.
d’Arnaud le louable désir de ressusciter parmi nous les heureuses étincelles de cet enthousiasme d’honneur qui produisit tant de Héros & tant de Sages, dans des Siecles si amérement taxés d’ignorance & de barbarie.
Si vous ne rêvez pas militaire, si vous ne dévorez pas les livres et les plans de la guerre, si vous ne baisez pas les pas des vieux soldats, si vous ne pleurez pas au récit de leurs combats, si vous n’êtes pas mort presque du désir d’en voir, et de honte de n’en avoir pas vu quoique ce ne soit pas de votre faute, quittez vite un habit que vous déshonorez. […] Jusqu’à la fin il aura le désir de plaire : « il n’y a que les bourrus qui ne l’aient pas » ; mais son grand précepte, en pareille matière, sera surtout de n’imiter personne : « La méthode se verrait, tout serait gâté. […] Il faut nourrir cette amabilité, en avançant, de toutes sortes d’idées justes et solides sans en avoir l’air : l’homme aimable de soixante ans, même pour paraître n’en avoir jamais que vingt, ne doit pas être aimable comme on l’est à vingt, où l’on paye de mine et de jolies manières en bien des cas ; il faut, tout en conservant le désir de plaire, qu’il y joigne bien des qualités qu’il n’avait pas à cet âge ; il faut qu’en sentant toujours de concert avec la jeunesse, il ait l’expérience de plus, et qu’elle accompagne sans se marquer.
Duclos ne tarda pas à faire sensation dans cette société… Le comte de Forcalquier nous est connu par un portrait qu’a fait de lui Mme Du Deffand ; elle l’y montre comme trop dominé par le désir de briller : Sa conversation n’est que traits, épigrammes et bons mots. […] Il cherche l’estime et non les récompenses. » Duclos, en effet, n’a point ce désir de gloire qui, en admettant dans le cœur un peu de vent peut-être et une légère fumée, le remue, l’exalte et élève quelquefois tout l’homme au-dessus de lui-même. […] [1re éd.] un ordre supérieur et habituel de pensées et de nobles désirs
Lucius est donc malade de la maladie de son temps : à peine a-t-il mis le pied en Thessalie qu’il ne rêve qu’enchantements et que métamorphoses ; les discours qu’il entend de ses compagnons de route, et qu’il se fait répéter le long du chemin, exaltent sa curiosité et lui donnent encore plus de désir que de crainte. […] » Et néanmoins, ne sachant où diriger mes désirs et ma curiosité, je considérais chaque chose avec une sorte d’inquiétude. […] Cependant, tout en errant de porte en porte avec l’air d’abandon d’un mauvais sujet et là démarche incertaine d’un homme ivre, je me retrouvai tout à coup, sans le savoir, dans le marché aux comestibles… » Et quand, errant ainsi à travers la ville, il est venu à rencontrer une dame de qualité, Byrrhène, qui se trouve être une amie de sa famille ; quand cette dame, l’ayant conduit jusque chez elle et le voulant retenir pour hôte, essaye du moins de le mettre en garde contre l’hospitalité du vieux ladre chez qui il est descendu et dont la femme, lui dit-elle, est une magicienne du premier ordre et de la pire espèce, Lucius, à cette nouvelle inattendue, qu’il se trouve logé chez une magicienne, est saisi d’un plus violent désir de chercher précisément ce qu’on lui recommande defuir ; il ne sait que prendre, comme on dit, ses jambes à son cou pour courir de toutes ses forces au danger.
S’il fait de temps en temps et par exception acte de maître, il sait pourtant trop bien au fond qu’il ne l’est plus : aussi se montre-t-il des plus sensibles à la déférence qu’on a à l’étranger pour ses désirs ; et le roi de Portugal ayant paru céder, dans une négociation de famille où il s’était montré jusqu’alors inébranlable, aux instances particulières de Charles-Quint, celui-ci en éprouva une joie telle qu’il n’en avait pas eu une semblable au temps de sa puissance pour ses succès les plus éclatants. […] Autre question que j’ai peine à comprendre qu’on agite avec le désir d’y répondre négativement. […] Il n’avait qu’un désir étroit et timide au sujet de ce fils, c’est qu’arrivé à l’âge d’homme il prît le froc et se fît moine.
« Le roi (nous dit le Journal de Luynes) lui a répondu avec la même sécheresse : « Ce n’est pas la peine, je n’y serai presque pas. » Elle lui a demandé ensuite si au moins elle ne pourrait pas rester ici ; il lui a répondu sur le même ton : « Il faut partir trois ou quatre jours après moi. » — La reine est, comme l’on peut juger, fort affligée d’un traitement aussi dur. » Tous ces beaux sentiments, enfants de la maladie et de la peur, étaient dissipés et avec la santé étaient revenus les désirs, les habitudes, toutes les ivresses de la vie. […] Mme de Pompadour, du moins, eut le tact de comprendre qu’elle ne pouvait avoir vis-à-vis de cette reine vertueuse et offensée qu’une ligne de conduite et qu’une attitude tolérable : le respect le plus profond, la soumission la plus entière, le désir de lui complaire en tout et de la servir ; faire dire d’elle en un mot : « Mieux vaut celle-là qu’une autre. » Cet éloge tel quel, Mme de Pompadour le mérita. […] « Elle joint à une pureté de mœurs admirable une sensibilité extrême ; à la plus grande modestie, un désir de plaire qui suffirait seul pour y réussir.
Je me permettrai, là où j’en puis juger, d’exprimer parfois un désir et un doute. […] A partir de cet endroit l’auteur, l’orateur éloquent qui plaide pour sa cause, combine et entrelace sans scrupule et avec beaucoup d’habileté les deux ordres de raisonnement, les possibilités indiquées par la science, les désirs conçus par le cœur, les conceptions imaginées par la philosophie. […] Jeunes, la poésie nous ravit ; les Étoiles de Lamartine, ces fleurs du ciel dont le lis est jaloux , suffisent à peine à symboliser nos imaginations, nos visions d’amour et de tendresse : à l’âge où le sang se refroidit dans les veines, il est doux, d’une douceur sévère, de connaître par leurs noms, d’épeler quelques-uns des astres qui roulent sur nos têtes, de distinguer ceux qui errent véritablement de ceux qui sont fixes par rapport à nous, de s’orienter, de se démêler à travers les cercles brillants ou les traînées lumineuses, de soupçonner dans ces abîmes d’en haut, dans ces profondeurs étincelantes où nous sommes plongés, tout ce qui peut se produire à l’infini d’étranger à nous, de différent de nous ; de ramener nos passions, nos désirs, nos gloires à ce qu’elles sont, de se dire le peu qu’on est, mais de sentir aussi que ce peu a réfléchi un moment, la puissance créatrice universelle, éternelle, — l’infini presque ou du moins l’incommensurable et l’immense24.