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1066. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

Rod implique une distinction d’esprit dont il a sûrement conscience et qui lui est donc, par elle-même, une consolation.

1067. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVIII. Gentils conteurs » pp. 218-231

Même conscience dans les analyses psychologiques ; M. de Régnier alourdira au besoin sa phrase, dans des constructions à la manière de M. 

1068. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XX. Opposition contre Jésus. »

Mais, en général, il fait peu d’exégèse ; c’est à la conscience qu’il en appelle.

1069. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre V, la Perse et la Grèce »

Toute pauvre et exiguë qu’elle était, la conscience de son aristocratie native lui faisait appeler « Barbares » ceux qui vivaient hors de ses mœurs et de ses cités.

1070. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Hennequin a bien conscience que la connaissance de type scientifique culmine dans la destruction de son objet, ou bien la présuppose.

1071. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre neuvième. »

Ne dirait-on pas, suivant La Fontaine, que nous sommes obligés, en conscience, à en conserver l’espèce ?

1072. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIII. Henry Gréville »

Mais l’élégance n’est qu’une forme charmante qui cache les laideurs morales et qui ne peut les supprimer, et l’honneur, ce porteur d’épée, coupe bien, comme Alexandre avec son glaive, tous les nœuds gordiens entrelacés dans la conscience ; mais il n’y a que la Religion qui puisse, de ses mains divines, les dénouer.

1073. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Société française pendant la Révolution »

Assurément, s’ils avaient eu conscience de leur œuvre, s’ils l’avaient appelée du nom modeste qu’elle devait porter, nous n’eussions pas parlé si longtemps d’une production agréable à lire, mais sans valeur forte et déterminée.

1074. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

Mais tous ces principicules allemands, qui jouaient au Louis XIV avec la rage de leur petitesse et de leur insignifiance, dans des Versailles de paravent, taillés sur le modèle du vrai Versailles, ne forçaient, eux, que le trait des mauvaises mœurs, et ne trouvaient pas dans une conscience en proie à l’orgueil et à la négation protestante une seule raison pour enrayer sur cette pente-là.

1075. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La révocation de l’Édit de Nantes »

Ne dit-il pas quelque part dans son livre, en parlant de la grande polémique soulevée entre Bossuet et Jurieu, que « Jurieu aurait trouvé un meilleur argument pour sa doctrine s’il avait fait un pas de plus… et s’il eût proclamé l’indépendance absolue de la conscience individuelle… » Un tel passage et beaucoup d’autres, inutiles à citer après celui-là, ne prouvent-ils pas que Weiss a franchi pour son compte « cette ligne imperceptible entre le protestantisme et la philosophie » que Jurieu a trop respectée ?

1076. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres d’une mère à son fils » pp. 157-170

Elle lui aurait appris que le nécessaire intellectuel et moral de l’homme doit être prêt et complet avant cet âge décisif et funeste, et que la conscience ne s’improvisait pas en quelques leçons, au bout de l’enseignement du collège, comme l’art de danser ou de tenir la bride de son cheval !

1077. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Vauvenargues » pp. 185-198

Le grand politique, — si réellement il y en avait un en lui, — le grand politique ignoré, qui avait la conscience de sa force, est mort trop tôt pour l’exercer.

1078. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

C’est, en effet, une des erreurs les plus profondes du spiritualisme humain, que de croire à la puissance spirituelle réduite à sa seule force isolée ; c’est la plus vaine des abstractions que de la cantonner dans la sphère mystérieuse de la conscience sans qu’elle passe à l’instant même au dehors, dans la sphère visible et les faits apparents.

1079. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « X. Doudan »

Quand on a tant de talent, on doit avoir une conscience qui vous dit que vous en avez… Doudan a porté dans autre chose que dans ses lettres les facultés délicates et poétiques (et pour moi ce mot-là dit tout !)

1080. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XV. Vauvenargues »

Le grand politique, — si réellement il y en avait un en lui, — le grand politique ignoré, qui avait la conscience de sa force, est mort trop tôt pour l’exercer.

1081. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

Ainsi, après avoir faussé la raison, faculté par faculté, et obscurci la conscience ; après avoir nié en théologie, en métaphysique, en morale, en toutes choses, la philosophie nie aujourd’hui en histoire.

1082. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Charles De Rémusat »

On fait ce qu’on peut, et si l’on n’est pas un foudre de guerre, un pamphlétaire-héros, comme dirait Carlyle, on est au moins net devant sa conscience et devant Dieu.

1083. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « La Bible Illustrée. Par Gustave Doré »

Si, par hasard, il est des Musées qu’on n’ait pas visités, il peut y avoir là tels chefs-d’œuvre qui ne sont pas seulement telles idées de moins pour le critique d’art, mais dont l’ignorance où il en est doit compromettre l’aplomb et lui donner de terribles anxiétés de conscience ; car, en peinture, l’imitation, la ressemblance, la réminiscence, et, je dirai plus, la pillerie, peuvent tenir une grande place et se dissimuler mieux que partout ailleurs.

1084. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Favrot »

Je ne crois pas que depuis que la sagesse d’un temps profondément matérialiste, et qui, par-dessus le marché, se donne les grands airs d’être athée, a supprimé d’un trait cette capucinade de l’enfer chrétien qui fut la terreur de tout le Moyen Âge, il y ait dans la conscience humaine une idée plus féconde en terreur, une idée pareille à celle d’être enterré vivant !

1085. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gérard Du Boulan »

il a obéi aux plus puérils instincts de son époque, et il a obéi aussi — sans en avoir conscience, je le crois, — à ses instincts les plus vils.

1086. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Charles Baudelaire. Les Fleurs du mal. »

… Quand un homme et une poésie en sont descendus jusque-là, — quand ils ont dévalé si bas, dans la conscience de l’incurable malheur qui est au fond de toutes les voluptés de l’existence, poésie et homme ne peuvent plus que remonter.

1087. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Lamartine »

Héroïque et poétique à la fois, on aurait dit qu’il ignorait son héroïsme et sa poésie ; on aurait dit que la poésie, quelle que fût la forme qu’elle prît en lui, était si profonde qu’il n’en avait plus la conscience.

1088. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Ferdinand Fabre »

Homme de génie, secoué par la conscience qu’il est fait pour le commandement, et d’une ambition tellement effrénée qu’elle en est épouvantablement maladroite et qu’elle en devient un jour presque sacrilège, il a, ainsi que le dit un des personnages du roman, la folie de la mitre, comme il aurait dû avoir la folie de la croix, et c’est cette folie de la mitre qui en fait, tout le long du roman, le furibond torrent de haine et de colère humaine que le prêtre ne peut endiguer, mais dont l’Église, à la fin et malgré tout, s’empare, parce qu’elle a reconnu, elle, le lynx divin, aux yeux maternels, que cette tempête d’homme assagi par elle peut avoir, un jour, vertu d’archevêque, et peut-être de Pape dans l’avenir… Le livre de Ferdinand Fabre, dont je viens de dire la conclusion, est, au fond, — si vous en ôtez deux ou trois nuances d’opinion que je n’y voudrais pas voir parce qu’elles blessent mon catholicisme, — un livre écrit à la gloire du prêtre et de l’Église, de cette Église à qui ses ennemis voudraient de petites vertus dont ils pussent se moquer, et non de grandes, devant lesquelles ils tremblent !

1089. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Catulle Mendès »

Catulle Mendès pousse toujours, à chaque horreur qu’il étale, le cri de la conscience indignée que les romanciers modernes n’ont plus, et que l’art, disent-ils, est d’étouffer.

1090. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Théophile Gautier. » pp. 295-308

Or, précisément c’est ce que j’ai fait, moi, avec toute la conscience dont je suis capable, et, en fait d’aventures et d’événements créés par une imagination souveraine, voici exactement ce que j’ai trouvé : Écoutez : Le baron de Sigognac est le dernier descendant mâle de l’antique famille de ce nom, tombée du haut d’une splendeur historique dont les rayons remontaient aux croisades, dans une de ces ruines si profondes, qu’on peut les nommer une splendide pauvreté.

1091. (1773) Essai sur les éloges « Morceaux retranchés à la censure dans l’Essai sur les éloges. »

On assure que le même homme fit demander au pape, sous le nom du roi, un bref pour faire mourir qui il voudrait dans les prisons, sans charge de conscience et sans forme de procès ; comme s’il y avait une puissance qui pût affranchir des lois de la nature et de l’humanité ; comme si un bref pouvait autoriser des assassinats.

1092. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Le génie qui a la conscience de ses forces applaudit franchement aux œuvres de ses rivaux, et cherche dans les poèmes qu’il n’a pas écrits l’occasion de s’instruire plutôt que de blâmer. […] Bien que Henri VIII fût à coup sûr un interprète très infidèle de Luther, il était impossible que la liberté de conscience, proclamée même par un roi, ne se traduisît pas, tôt ou tard, en liberté politique. […] J’accepte mon malheur sans confusion et sans colère ; je ne réclame la protection ni l’indulgence de personne ; la conscience de ma loyauté suffit à calmer mes remords. […] Il condamne, dans sa propre conduite, de véritables peccadilles et se montre indulgent pour des fautes graves ; le sentiment moral manque chez lui de rectitude ; sa conscience s’alarme sans raison et ferme les yeux au moment du danger. […] Sûr de n’avoir rien à se reprocher, ne doutant pas de lui-même, n’apercevant dans sa conscience qu’un dévouement à toute épreuve, comment douterait-il de Gabrielle ?

1093. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Joignez à cela un caractère fier, si fier, que plus tard, dans le monde, parmi les grands, « la crainte de tout ce qui pouvait approcher de la bassesse et de la servilité rendait ses façons presque tranchantes et rudes. » Ajoutez enfin la conscience de son mérite. « Pauvre inconnu que j’étais, j’avais une opinion presque aussi haute de moi-même et de mes ouvrages que je l’ai à présent que le public a décidé en leur faveur1148. » Rien d’étonnant si l’on trouve à chaque pas dans sa poésie les réclamations amères d’un plébéien opprimé et révolté. […] Il se sent prédestiné, plein de la grâce qui ne lui manquera jamais ; donc celui qui lui résiste résiste à Dieu, et n’est bon qu’à pendre ; il peut le décrier, ce drôle-là, et le persécuter en conscience […] Ce qu’il expose, ce sont les grands intérêts de l’âme, « c’est la vérité, la grandeur, la beauté, l’espérance, l’amour, —  la crainte mélancolique subjuguée par la foi, —  ce sont les consolations bénies aux jours d’angoisse, —  c’est la force de la volonté et la puissance de l’intelligence, —  ce sont les joies répandues sur la large communauté des êtres, —  c’est l’esprit individuel qui maintient sa retraite inviolée, —  sans y recevoir d’autres maîtres que la conscience, —  et la loi suprême de cette intelligence qui gouverne tout1222. » Cette personne inviolée, seule portion de l’homme qui soit sainte, est sainte à tous les étages ; c’est pour cela que Wordsworth choisit pour personnages un colporteur, un curé, des villageois ; à ses yeux, la condition, l’éducation, les habits, toute l’enveloppe mondaine de l’homme est sans intérêt ; ce qui fait notre prix, c’est l’intégrité de notre conscience ; la science même n’est profonde que lorsqu’elle pénètre jusqu’à la vie morale ; car nulle part cette vie ne manque. « À toutes les formes d’être est assigné un principe actif ; —  quoique reculé hors de la portée des sens et de l’observation, —  il subsiste en toutes choses, dans les étoiles du ciel azuré, dans les petits cailloux qui pavent les ruisseaux, —  dans les eaux mouvantes, dans l’air invisible. —  Toute chose a des propriétés qui se répandent au-delà d’elle-même — et communiquent le bien, bien pur ou mêlé de mal. —  L’esprit ne connaît point de lieu isolé, —  de gouffre béant, de solitude. —  De chaînon en chaînon il circule, et il est l’âme de tous les mondes1223. » Rejetez donc avec dédain cette science sèche « qui divise et divise toujours les objets par des séparations incessantes, ne les saisit que morts et sans âme et détruit toute grandeur1224. » « Mieux vaut un paysan superstitieux qu’un savant froid. » Au-delà des vanités de la science et de l’orgueil du monde, il y a l’âme par qui tous sont égaux, et la large vie chrétienne et intime ouvre d’abord ses portes à tous ceux qui veulent l’aborder. « Le soleil est fixé, et magnificence infinie du ciel — est fixée à la portée de tout œil humain. —  L’Océan sans sommeil murmure pour toute oreille. —  La campagne, au printemps, verse une fraîche volupté dans tous les cœurs. —  Les devoirs premiers brillent là-haut comme les astres. —  Les tendresses qui calment, caressent et bénissent — sont éparses sous les pieds des hommes comme des fleurs1225. » Pareillement à la fin de toute agitation et de toute recherche apparaît la grande vérité qui est l’abrégé des autres. « La vie, la véritable vie, est l’énergie de l’amour — divin ou humain — exercée dans la peine, —  dans la tribulation, —  et destinée, si elle a subi son épreuve et reçu sa consécration, —  à passer, à travers les ombres et le silence du repos, à la joie éternelle1226. » Les vers soutiennent ces graves pensées de leur harmonie grave ; on dirait d’un motet qui accompagne une méditation ou une prière. […] Of Truth, of Grandeur, Beauty, Love and Hope, And melancholy Fear subdued by Faith ; Of blessed consolations in distress, Of moral strength and intellectual Power, Of joy in widest commonalty spread, Of the individual mind that keeps her own Inviolate retirement, subject there To conscience only, and the Law supreme Of that Intelligence that governs all I sing.

1094. (1933) De mon temps…

Qu’importait qu’il poussât la conscience de son talent au point de donner parfois au sentiment qu’il avait de la valeur de son œuvre l’apparence d’une vanité un peu enfantine ou un peu sénile, comme on voudra. […] Moréas, qui ne négligeait pas « sa gloire » et savait fort bien tirer parti des circonstances, avait demandé à Maurice Barrès et à moi de signer les invitations à ce banquet qu’il avait provoqué et organisé lui-même avec un certain sens pratique de la réclame qui s’alliait en lui, je me plais à le reconnaître, avec une haute et stricte conscience littéraire. […] Plusieurs de mes amis qui fréquentaient familièrement chez Bourges m’engagèrent à lui aller rendre mes devoirs ; l’occasion ne s’en présenta pas, mais je fus témoin de la vénération dont ils entouraient l’auteur de La Nef et je sus par eux le rôle de directeur de conscience littéraire que ce grand esprit tenait auprès d’eux. […] Derrière ce bureau, Alfred Vallette, solide, ponctuel, avisé, laborieux, la face large, le cheveu dru, l’œil attentif, la parole nette, le geste rare, bien d’aplomb en son bon sens infaillible, sensible aux arguments, courtois aux controverses, mais ferme en ses décisions, Alfred Vallette, qui est à son poste dès six heures du matin, qui ne quitte la place que pour une courte sieste d’après-midi et qui ne se retire, le soir, qu’une fois sa besogne accomplie, pour la reprendre le lendemain, dans le même esprit d’ordre et de suite, avec la même sagesse tranquille, le même soin, la même minutieuse conscience… Pendant plusieurs années, j’y suis venu, chaque vendredi, dans ce cabinet directorial, où se concentre la vie du Mercure, et il me semble y être encore, au moment où j’écris ces lignes. […] C’était, le Gourmont plus jeune qui venait, pour un article imprudemment paradoxal, de perdre la situation qu’il occupait à la Bibliothèque Nationale, le Gourmont déjà savant auteur du Latin mystique, le romancier de Sixtine et des Chevaux de Diomède, le conteur des Histoires magiques qui, par son Livre des Masques, préludait aux admirables essais qui ont pour titres : La Culture des Idées, L’Esthétique de la langue française, Le Chemin de Velours, que devait compléter plus tard la série des Epilogues, auxquels s’ajouteraient les Promenades littéraires et les Promenades philosophiques, toute cette œuvre qui, d’année en année, prendrait de l’ampleur et de l’étendue, gagnerait en puissance de dissociation, en hardiesse, en profondeur, jusqu’à ce qu’une mort presque subite mette fin à la merveilleuse activité de ce grand esprit qui interrogeait quelque texte célèbre avec la même conscience qu’il apportait à examiner les vers et la prose qu’un débutant inconnu soumettait au Comité de lecture du Mercure de France, car toute page écrite était pour lui le signe sacré du culte des Lettres, auquel il avait voué sa vie.

1095. (1864) Études sur Shakespeare

Que n’en sait-on autant sur l’emploi des premiers moments du séjour de Shakespeare à Londres, sur les circonstances qui amenèrent son entrée au théâtre, sur la part que put avoir la conscience de son talent dans la résolution qui en dirigea l’essor ? […] Les puritains, par leurs sermons, purent alarmer quelques consciences, exciter quelques scrupules ; peut-être aussi quelques conversions soudaines privèrent-elles çà et là les jeux de mai de la représentation du Cheval de bois, leur plus bel ornement et l’objet particulier de la colère des prédicateurs. […] Les devoirs ne se combattent pas plus que les intérêts ; la conscience ne flotte pas plus que les affections. […] Ni la science, ni la réflexion, ni les scrupules de la conscience, ni les incertitudes de la pensée n’entravent souvent les héros de Shakespeare ; le doute est peu à leur usage, et la violence de leurs passions fait bientôt passer leur croyance du côté de leurs désirs, ou leurs actions par-dessus leur croyance. […] Les idées se pressent et se croisent maintenant dans l’esprit de l’homme, les devoirs dans sa conscience, les obstacles et les liens autour de sa vie.

1096. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

C’est pourquoi, lorsque, dans cette décomposition progressive, nous arrivons à des composés dont notre conscience, nos sens et nos instruments ne peuvent démêler les éléments plus simples, l’explication s’arrête et se réduit à des conjectures. […] Toutes les sciences expérimentales ont ainsi leur chapitre historique, plus ou moins conjectural, selon que des indices plus ou moins précis, des analogies plus ou moins justes, des documents plus ou moins complets, permettent à la reconstruction mentale de remplacer plus ou moins exactement le témoignage absent de notre conscience ou de nos sens. […] Une sensation est un composé de sensations élémentaires plus petites, celles-ci de même, et ainsi de suite, tant qu’enfin, au terme de l’analyse, on est autorisé à admettre des sensations infinitésimales, toutes semblables, lesquelles, par leurs divers arrangements, produisent les diversités de la sensation totale. — Ceci est le point de vue de la conscience, qui est interne et direct ; il en est un autre, celui des sens, qui est indirect, externe, et d’après lequel les événements précédents consistent en mouvements moléculaires des cellules cérébrales. — Par ces décompositions successives, on arrive aux derniers éléments de la connaissance, et dès lors il est aisé de voir comment ils s’assemblent. […] Ces groupes plus ou moins complexes, accolés aux sensations et les uns aux autres, constituent, selon l’espèce et le degré de leur affinité ou de leur antagonisme, des perceptions extérieures, des souvenirs, des prévisions, des conceptions simples, des actes de conscience proprement dits.

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