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423. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre sixième. »

On ne cesse de s’étonner de trouver un pareil vers dans La Fontaine, lui qui dit ailleurs : On ne peut trop louer trois sortes de personnes, Les dieux, sa maîtresse et son roi. […] J’ai déjà observé que ces formules, prises dans la société des hommes et transportées dans celle des bêtes, ont le double mérite d’être plaisantes et de nous rappeler sans cesse que c’est de nous qu’il s’agit dans les fables.

424. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Seconde faculté d’une Université. Faculté de médecine. » pp. 497-505

Le ministre dédaigne le vieillard qui n’est plus bon à rien et ne prise l’enfant que par le fruit qu’il en attend ; il n’y a qu’une vie précieuse pour lui, celle de l’homme fait, parce qu’elle seule est utile ; sa tête est comme une ruche où, à l’exemple des abeilles, il extermine toutes celles qui cessent de donner du miel. […] Si le physique, dont l’effet ne cesse jamais, doit, avec le temps, donner aune contrée la supériorité sur une autre, j’oserais prédire qu’un jour viendra où la Russie fournira les autres contrées de l’Europe de grands anatomistes, de célèbres chirurgiens et peut-être même de profonds chimistes.

425. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVI. Mme de Saman »

Et quoique les amours qui suivirent celui-là et se succédèrent les uns aux autres avec une précision et une rapidité presque militaires, fussent des amours plus passionnés, il ne faut jamais perdre de vue qu’ils étaient toujours plus ou moins des amours de bas-bleu, dans lesquels le galimatias philosophique et littéraire se mêlait sans cesse au galimatias involontaire de la passion. […] … Le livre de celle-ci est, à partie grand nom de Chateaubriand qui l’étoile, quoiqu’elle l’ait taché, le livre fait et refait sans cesse par tous les bas-bleus de la terre qui n’ont qu’une note comme le crapaud, mais moins harmonieuse.

426. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Napoléon »

On aurait dit qu’il avait cessé d’être un fondateur de société ! […] Mettre le trait d’union qui conserve entre l’ancienne France monarchique, brisée par la Révolution, et la France moderne, qui mourait si elle ne redevenait pas une monarchie ; ôter cette proie à la Révolution, retrouvée sans cesse aux pieds de son œuvre pendant qu’il relevait et qui lui gêna tant de fois la main, quoiqu’il l’eût puissante, telle fut l’entreprise de Napoléon.

427. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIII. Éloges donnés aux empereurs, depuis Auguste jusqu’à Trajan. »

Les vers d’Horace étaient pour les Romains ce qu’était le ciseau de Phidias pour les Grecs, ils embellissaient ce qu’il fallait adorer : aussi l’usurpateur caressait le poète, et le poète reconnaissant ne cessa de célébrer un vainqueur qui tremblait dans une bataille, un législateur qui violait ses lois, un réformateur soupçonné d’inceste avec sa fille. […] Non seulement vos yeux doivent être secs, mais vous devez même laisser éclater votre joie24. » Et plus bas : « Votre frère est heureux ; en mourant, il a laissé Claude, son auguste famille, et vous-même sur la terre. » Et ailleurs : « Je ne cesserai de vous offrir l’image de Claude.

428. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Le sommaire des grandes revues nous en révèle sans cesse d’autres. […] C’est le patriciat sans cesse recruté, qui ramasse en lui toutes les forces de hiérarchie. […] Esclaves — ce mot revient sans cesse, quand on parle de ce vice. […] Il cesse d’être la servitude, pour devenir le service. […] Le tour particulier d’esprit qui a fait notre littérature classique, nos écrivains le manifestent sans cesse.

429. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Qu’il ne cesse pas pour nous d’être l’auteur de Dépaysements, même au bénéfice de romans plus remarquables ! […] Mais Chérau, devenu Parisien, ne cessera jamais d’être un écrivain régionaliste. […] Sans cesse il s’efforçait de mettre en lui de l’ordre et de la solitude, dans les moments mêmes où il semblait le prisonnier des milieux où il était accueilli. […] André Breton prend à la lettre le personnage de Teste, réplique à l’Isidore Dupin d’Edgar Poe, et que Valéry, pour son disciple de l’instant, n’a pas cessé d’habiter. […] R. de Traz avait d’abord dirigé, en 1906, La Voile latine qui cessa de paraître en 1910, puis Les Feuillets de 1911 à 1913.

430. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Vouloir que la raison cesse entièrement d’être subjective, c’est demander une chose impossible à Dieu lui-même. […] Nous recevons sans cesse et à tous moments une raison supérieure à nous, comme nous respirons sans cesse l’air, qui est un corps étranger… » — Chap. […] L’idéal recule sans cesse à mesure qu’on en approche davantage. […] La philosophie de la sensation en appelle sans cesse à l’expérience. […] On ne désire pas et on ne cesse pas de désirer à volonté.

431. (1891) Esquisses contemporaines

Sans cesse éloigné des réalités concrètes, il s’égare à la recherche des causes, à la poursuite des conséquences. […] Pour le chrétien, mourir c’est cesser d’apparaître, ce n’est pas cesser d’être ; ce n’est pas même changer de mode d’existence, c’est prendre possession d’une vie depuis longtemps commencée. […] Il n’eut pas de cesse qu’il ne les ait surmontés. […] Il s’était attendu à plus de loyauté de la part d’adversaires qu’il n’avait pas cessé de respecter, à plus de charité de la part de chrétiens. […] En expliquant le péché comme il l’a fait, Scherer a cessé d’être chrétien.

432. (1893) Alfred de Musset

L’album de voyage de Musset, qui existe encore, ne cesse pas un instant de représenter George Sand. […] Les amis n’ont pas cessé d’exciter les ressentiments. […] Ces mondes vivent parce qu’ils se cherchent, et les soleils tomberaient en poussière, si l’un d’eux cessait d’aimer. « Ah ! […] L’ensemble est pittoresque et éloquent, sans cesser jamais d’être limpide. […] Ses journées furent un tissu de néants lorsqu’il cessa de les donner au travail.

433. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

La religion ne cesse de nous y rappeler. […] Vous savez que, depuis la mort de Victor Hugo, il n’a pas cessé de paraître à peu près deux volumes de Victor Hugo par an. […] Je ne dis pas qu’il n’ait jamais de torts envers elle ; mais cela ne prouve pas du tout qu’il ait cessé de l’aimer. […] Victor Hugo a commencé par dire une fois, et par très bien dire ceci, qui est l’idée que nous retrouverons répétée sans cesse : Donnez ! […] Dans cet air de Paris, on veut vivre vite, se hâter et assister à la vie comme à une sorte de comédie dont les actes sont divers, dont le décor est sans cesse renouvelé.

434. (1933) De mon temps…

La voix éloquente a cessé son hymne d’amour à la vie, à la beauté, à la douleur. […] Ce cœur brûlant a cessé de battre. […] Il n’en est pas moins vrai que le sincère amour des Lettres dont Mendès ne cessa jamais de témoigner sauvegardera sa mémoire auprès de la postérité. […] J’avais subitement cessé d’être un « indésirable ». […] D’ailleurs le charmant et séduisant génie du Maître de Salzbourg ne cessa jamais de l’occuper et il publia sur lui, en collaboration avec M. de Sainte-Foy, un important ouvrage.

435. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Les astres lumineux ne sont que des points imperceptibles dans une immensité noire ; le jour n’est que le phénomène, exceptionnel dans l’univers, produit par le voisinage d’un astre, d’une « étoile », et qui cesse à une assez faible distance ; entre les astres, dans la grande étendue, règne la nuit. […] Libre, il sait où le bien cesse, où le mal commence ; Il a ses actions pour juges. […] Puis le vol reprend, reprend sans cesse, et il semble qu’il ne s’arrêtera jamais : chaque vers a la rapidité d’un coup d’aile, l’éblouissement d’une vision. […] De là, chez le lecteur, ces antipathies ou ces sympathies qui ne se formulent pas toujours, mais qui n’en sont pour cela que plus fortes ; de là, parfois, ce mauvais vouloir apparent de toute une génération pour un poète, quelque grand qu’il soit d’ailleurs, au moment où il cesse de représenter exactement l’état intellectuel et moral d’une époque. […] Ils cessent d’être son problème ; Un astre est un voile.

436. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Qu’il soit ou ne soit pas destiné au bonheur, il est certain du moins que jamais la vie ne lui est plus supportable que lorsqu’il agit fortement ; alors il s’oublie, il est entraîné, et cesse de se servir de son esprit pour douter, blasphémer, se corrompre et mal faire. » M. […] Il parle sans cesse des vanités plébéiennes ; il rappelle continuellement notre bassesse et nos crimes. […] Étienne, et, durant cette année décisive de la guerre d’Espagne et de la lutte sourde du cabinet entre M. de Chateaubriand et M. de Villèle, il ne cessa de se montrer un chroniqueur attentif et pénétrant, décochant à chaque bulletin son épigramme, que modéraient déjà l’intelligence des hommes et l’entente du jeu. […] Dans cette Montagne, plus sanglante que la roche Tarpéïenne ou les Gémonies, il ne cesse, en un mot, de voir le Capitole de la patrie en danger. […] Arriver à être court en restant facile et sans cesser d’être abondant par le fond, ce résultat obtenu résumerait la perfection de sa manière.

437. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Le conflit des idées morales cessa d’être la substance de l’intérêt tragique, et le chœur rendu par là utile ne fut plus qu’un sentencieux hors-d’œuvre. […] Mais il ne faut pas exagérer ce prix de la personne humaine, au point de supposer que l’homme put dès lors cesser de participer à la vie générale de la Société, pour s’enfermer, d’une façon exclusive et jalouse, dans l’indépendance absolue de son être individuel. […] Le grand intérêt du drame romantique fut, il est vrai, dans les individus, dans le développement varié et profond de leur riche personnalité ; mais les individus ne cessèrent point de se mouvoir dans un cercle d’idées générales et de sentiments généraux. […] Rompre sans cesse le développement rationnel d’un roman tragi-comique, commencer arbitrairement, continuer et finir de même, jeter au hasard, pêle-mêle, sans suite, une foule d’images, de sentiments et de saillies : voilà le programme qu’il suit et qu’il nous propose. […] Je sais bien que la tragédie, sous sa forme romantique, a cessé d’être le contraire de la comédie, puisqu’elle a pour principe, non plus la guerre des Dieux et sa fatale issue, mais, de même que la comédie, le libre développement de la personnalité de l’homme.

438. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

Sans cesse elle fait naître le souvenir des Vierges maternelles de Raphaël et des plus beaux tableaux de la Charité ; — sans efforts elle est posée comme elles ; comme elles aussi, elle porte, elle emmène, elle assied ses enfants, qui ne semblent jamais pouvoir être séparés de leur gracieuse mère ; offrant ainsi aux peintres des groupes dignes de leur étude, et qui ne semblent pas étudiés. Ici sa voix est tendre jusque dans la douleur et le désespoir ; sa parole lente et mélancolique est celle de l’abandon et de la pitié ; ses gestes, ceux de la dévotion bienfaisante ; ses regards ne cessent de demander grâce au ciel pour l’infortune ; ses mains sont toujours prêtes à se croiser pour la prière ; on sent que les élans de son cœur, contenus par le devoir, lui vont être mortels aussitôt que l’amour et la terreur l’auront vaincue. […] Le besoin d’une circulation impossible ne cesse de tourmenter le sang de ce grand corps, ce sang qui ne se répand pas et bouillonne sans cesse. […] La jeunesse actuelle ne cesse de défier la mort par devoir ou par caprice, avec un sourire de Spartiate, sourire d’autant plus grave que tous ne croient pas au festin des dieux. […] Quand 1848 m’appela sur une autre scène inattendue, il ne me blâma pas, il me calomnia encore moins ; il ne cessa pas d’être à mes côtés pour me donner applaudissement, courage et conseil. — « Vous faites, me disait-il souvent, ce qu’il y a de mieux à faire : la république actuellement peut seule nous réunir et nous sauver.

439. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Enfin Louis XIV parut, et l’estime qu’il témoigna pour les gens de lettres donna bientôt le ton à une nation accoutumée à le recevoir de ses maîtres ; l’ignorance cessa d’être l’apanage chéri de la noblesse ; le savoir et l’esprit mis en honneur franchirent les bornes qu’une vanité mal entendue semblait leur avoir prescrites. […] Si les talents sont justement choqués de ce partage, c’est à eux seuls qu’ils doivent s’en prendre ; qu’ils cessent de prodiguer leurs hommages à des gens qui croient les honorer d’un regard, et qui semblent les avertir par les démonstrations de leur politesse même qu’elle est un acte de bienveillance plutôt que de justice ; qu’ils cessent de rechercher la société des grands malgré les dégoûts visibles ou secret qu’ils y rencontrent, d’ignorer les avantages que la supériorité du génie donne sur les autres hommes, de se prosterner enfin aux genoux de ceux qui devraient être à leurs pieds. […] Le peu de consistance de leurs sentiments et de leurs démarches en fait comme des espèces d’amphibies mal décidés, qui ne cesseront jamais de l’être. […] Il n’est pas absolument sans exemple de voir ces despotes de la littérature, célébrés par les étrangers et par les Français, survivre, pour la frayeur de leurs semblables, à leur réputation littéraire, lorsqu’ils cessent, par le changement des circonstances, de pouvoir faire ni bien ni mal. […] Moins j’ai cherché les bienfaiteurs, moins je dois oublier ceux qui ont voulu être les miens ; et les grâces dont sa majesté m’a honoré, toujours présentes à mon cœur, me rappelleront sans cesse ce que je dois au ministre qui me les a obtenues.

440. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Il cessa de faire partie de l’armée. […] S’il se bat comme un lion, « c’est, dit-il à son frère, que chaque grade gagné me rapproche de vous et de mes enfants » ; et plus tard : « Il vaut mieux pour mes enfants qu’ils soient orphelins d’un colonel que d’un chef de bataillon. » En versant ainsi son sang en Afrique, en prodiguant sa vie, il ne cesse d’être occupé des siens : « Moi, je n’ai que votre souvenir pour me soutenir. […] Tandis que de près, ici, on était ébloui par des déploiements d’éloquence souvent contradictoires et stériles en résultats, de loin ils n’étaient sensibles qu’au peu de fruit qu’ils en retiraient, eux et la colonie pour laquelle ils guerroyaient nuit et jour, et dont l’avenir était sans cesse remis en question par des discussions décourageantes. […] Cette image de grande guerre se retrouve sans cesse dans les prévisions de Saint-Arnaud et dans ses espérances. […] Nous n’avions pas besoin de cela… Rien ne nous aura manqué : le choléra dans l’armée, et aujourd’hui dans les flottes ; — l’incendie. — Il nous faut une tempête atroce pour être complets : — je l’attends… Cependant il n’y avait plus que le choléra qui s’opposât au départ ; on attendait avec anxiété qu’il se ralentît ou cessât de sévir.

441. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Il ne restait après cela aux pauvres auteurs dramatiques qu’à cesser d’écrire ou à s’exiler. […] Ainsi au temps de Louis XIV, la flatterie se gonfle en hyperboles énormes, quand Boileau s’écrie : Grand roi, cesse de vaincre ou je cesse d’écrire ; quand l’Académie met au concours ce sujet : De toutes les vertus du prince laquelle mérite la préférence ; quand la même Académie reçoit comme un de ses membres, le duc du Maine, âgé seulement de treize ans, mais bâtard du roi ; quand Racine l’assure que, s’il n’y eût pas eu de place vacante, chacun des académiciens existants aurait été heureux de mourir pour lui en faire une. […] D’un côté, le dialecte de l’Ile-de-France est devenu la langue de la France entière ; il refoule et fait reculer sans cesse les patois qui agonisent. […] Qu’on se rappelle ces paroles d’Alfred de Vigny74 : « Nulle méditation ne pouvait enchaîner longtemps des têtes étourdies sans cesse par les canons et les cloches des Te Deum. […] Les maîtres mêmes ne cessaient de nous lire les bulletins de la Grande Armées et nos cris de vive l’Empereur !

442. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

C’est, enfin, que, seul, il a traversé, triomphant, le siècle, sans cesse agrandissant une précoce renommée, sans cesse s’approchant à l’apothéose, pour aller s’éteindre, saintement, dans un temps nouveau. […] Ainsi le monde, sans cesse, lui apportait de nouveaux sujets à défiance et à misanthropie ; mais lui, éclairé par sa Vision religieuse intime, il opposait, sans cesse, à ce monde, sa croissante foi optimiste. […] Sans cesse, aux objections de l’expérience pratique, il opposait, plus fixement, sa foi ; il n’écartait point de sa vie les misères de l’Apparence, mais il les transfigurait, au contact de sa Vision intime, les délivrait du Péché, leur donnait l’Innocente vie artistique, et de cet enfer sensible, faisait un Paradis. […] La force revécue de ce charme, à lui propre, il l’exerce, à présent, (Andante 5/4) sous une forme adorablement douce ; il y retrouve, ravi, le signe divin de l’Innocence intérieure, et il poursuit, sans cesse, cette mélodie, avec des variations toujours nouvelles et inouïes, laissant tomber sur elle, sans arrêt, les rayons de l’Eternelle Lumière.

443. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

L’idéal ne perd pas sa vérité et sa beauté parce qu’on cesse de lui accorder une existence en dehors du cœur de l’homme et de le personnifier dans un homme agrandi. La nature ne cesse pas d’être belle parce qu’elle n’a point été créée en six jours. La raison ne cesse pas d’avoir raison parce qu’elle a attendu l’homme pour prendre conscience d’elle-même. La famille et la société humaine ne cessent pas d’être saintes parce qu’on à montré dans l’amour paternel, dans l’amour filial, dans les sympathies de l’homme pour l’homme le produit d’une longue évolution qui, de l’égoïsme bestial, a fait sortir un altruisme déjà en germe jusque chez la bête. […] On voit bien que la préoccupation de la « consonne d’appui » ramène sans cesse les même fins de vers ; et ces vers n’en sont pas moins de prose, — bien rimée, peut-être, mais mal rythmée.

444. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Chaque mot est un trait qui s’ajoute au précédent, et cela ne cesse pas jusqu’à ce qu’il ait fini. […] « Je ne résiste pas à ce besoin que j’ai de vous parler de votre beau livre, et en vérité, comme je ne cesse de causer avec vous tous les jours depuis que je suis à la campagne, je puis aussi bien continuer par écrit cette douce conversation. […] Dès que je cesse de lire votre prose rêveuse et si spirituelle, je voudrais en causer aussi avec Ronsard lorsqu’il arrive à son tour, et ceci me gêne un peu. […] nous qui parlons sans cesse de vous ! […] Ils étaient tous là, ceux dont les noms baptisent vos élégies, et ils ne cessaient d’écouter, de sentir, d’aimer, d’adorer, d’applaudir, en même temps que je vous lisais, ingrat que vous êtes ! 

445. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Pour le bien connaître enfin, Roederer, à la fois pratique et un peu paradoxal, ayant son grain d’humeur, mais obéissant à son mouvement d’idées, fut pendant des années un précepteur actif du public, et, dans cette voie ouverte par la Constituante, admettant tous les correctifs de l’expérience, prompt à les indiquer, il ne craignit pas, en se multipliant de la sorte, de perdre quelquefois en autorité personnelle, pourvu qu’il fût utile à la raison de tous : il ne cessa d’écrire, de conseiller, de dire son avis à chaque nouvelle phase de la Révolution et pendant chaque intervalle, et toujours avec un grand tact des événements et des situations54. […] Au milieu de ces idées et de ces conseils politiques, Roederer ne cessait de varier les applications de sa plume et de parler à son public sur mille sujets littéraires qui se présentaient. […] Roederer écrivait trop souvent et avec trop de liberté pour ne pas rencontrer sans cesse sous sa plume Mme de Staël, et surtout sa famille, ses amis ; elle était plus difficile et plus exigeante pour eux que pour elle-même. […] En même temps qu’il s’occupait de ces soins de gouvernement et de Constitution, il ne cessait, dans son Journal de Paris, de soigner l’opinion du dehors, de l’éclairer et de la diriger en faveur du nouveau régime, de calmer les craintes, d’encourager les espérances, de fomenter les bons désirs : Tous les matins l’abolition d’une mauvaise loi !

446. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Voilà près d’un demi-siècle, voilà quarante-quatre années du moins que M. de Chateaubriand a inauguré notre âge par Atala, par le Génie du Christianisme, et s’est placé du premier coup à la tête de la littérature de son temps : il n’a cessé d’y demeurer depuis ; les générations se sont succédé, et, se proclamant ses filles, sont venues se ranger sous sa gloire ; presque tout ce qui s’est tenté d’un peu grand dans le champ de l’imagination et de la poésie procède de lui, je veux dire de la veine littéraire qu’il a ouverte, de la source d’inspiration qu’il a remise en honneur ; ce qu’on a, dans l’intervalle, applaudi de plus harmonieux et de plus brillant est apparu comme pour tenir ses promesses et pour vérifier ses augures ; il a eu des héritiers, des continuateurs, à leur tour illustres, il n’a pas été surpassé ; et aujourd’hui, quand beaucoup sont las, quand les meilleurs se dissipent, se ralentissent ou se taisent, c’est encore lui qui vient apporter à la curiosité, à l’intérêt de tous, un volume impatiemment attendu, et qui n’a, si l’on peut dire, qu’à le vouloir pour être la fleur de mai, la primeur de la saison. […] Cette lutte du Calvaire et de la Grèce, que l’heureux Fénelon ne soupçonnait pas, qui, d’abord confuse, égara René jusque dans les savanes, qu’il nous a bientôt rendue si distincte et si vivante sous les traits d’Eudore et de Cymodocée, elle n’a pas cessé avec les ans, il la porte en lui éternelle ; toujours, si austère que soit le sentier, si droite que semble la voie vers Jérusalem, il a des retours soudains vers Argos ; toujours, jusque dans le pèlerin du désert, on retrouve, aux accents les plus émus, l’ami de jeunesse d’Augustin et de Jérôme.  […] On fit courir dans le temps divers bruits contradictoires, et quelques personnes prétendaient qu’il avait redoublé de frayeur aux approches suprêmes : « S’il a eu, comme on vous l’a dit (écrivait Bossuet à la sœur Cornuau), de grandes frayeurs des redoutables jugements de Dieu, et qu’elles l’aient suivi jusqu’à la mort, tenez, ma fille, pour certain que la constance a surnagé, ou plutôt qu’elle a fait le fond de cet état. » Peu de temps après cette mort, le même Bossuet, qu’on ne se lasse pas de citer et dont on n’a cesse de se couvrir en telle matière, posait ainsi les règles à suivre et traçait sa marche à l’historien d’alors, tel qu’il le concevait : « Je dirai mon sentiment sur la Trappe avec beaucoup de franchise, comme un homme qui n’ai d’autre vue que celle que Dieu soit glorifié dans la plus sainte maison qui soit dans l’Église, et dans la vie du plus parfait directeur des âmes dans la vie monastique qu’on ait connu depuis saint Bernard. […] « L’illustre vieillard, s’enfonçant dans ses années, cesse d’être en rapport, excepté par la gloire, avec les générations qui s’élèvent ; il leur parle encore du désert de Ferney, mais il n’a plus que sa voix au milieu d’elles.

447. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

A des études vastes, continues, profondes, à la possession directe des sources supérieures, M ignet n’a cessé de joindre le soin accompli (cultus) de composer et d’écrire ; chaque œuvre de lui se recommande par l’ensemble, par la gravité et l’ordre, comme aussi par l’éclat de l’expression ou par l’empreinte. […] Malgré les difficultés, que nous connaissons trop bien, de juger du fond en des matières si complexes et d’oser apprécier la forme en des hommes si honorés de nous, cette fois nous nous sentons presque à l’aise vraiment ; nous avons affaire à une destinée droite et simple qui, en se développant de plus en plus et en élargissant ses voies, n’a cessé d’offrir la fidélité et la constance dans la vocation, la fixité dans le but ; il est peu d’exemples d’une pareille unité en notre temps et d’une rectitude si féconde. […] C’est ainsi que des rapprochements qui sont judicieux au fond, mais que le relief de la forme accuse trop, cessent de paraître vraisemblables ; cela a l’air trop arrangé pour être vrai ; l’esprit du lecteur admet difficilement dans la suite, même providentielle, des événements humains une manœuvre si exacte et si concertée. […] voici du reste ma remarque de lecteur dans toute sa simplicité et sa sincérité : « Je suis pour le moment en plein Louis XIV, je lis les Négociations d’Espagne publiées par M.Mignet ; je vois de près l’ordinaire et le tous-les-jours de ce grand style que nous sommes accoutumés sans cesse à glorifier d’après quelques échantillons.

448. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

Si, dans l’Essai, il parle très sévèrement des républicains, il ne parle pas mieux des royalistes : « Le républicain, y dit-il, sans cesse exposé à être pillé, volé, déchiré par une populace furieuse, s’applaudit de son bonheur ; le sujet, tranquille esclave, vante les bons repas et les caresses de son maître. » Et sa conclusion était à la façon de Rousseau pour l’homme de la nature, et en faveur des forêts vierges du Canada. […] Nous ne perdrons plus le milieu et la fin de notre vie ; nous serons des hommes quand nous aurons cessé d’être jeunes gens. […] Il y eut sous la Restauration un ministère libéral par excellence, le seul qui essaya l’impossible peut-être, mais qui le tenta en toute loyauté, le ministère Dessoles : M. de Chateaubriand n’eut de cesse qu’il n’eût réussi à le renverser. […]  » Et il n’a cessé de redoubler ses duretés, en même temps que de proclamer ses serments.

449. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

M. de Saint-Mauris, pourtant, n’avait cessé d’avoir l’œil sur l’étrange historiographe qu’il s’était donné, et la manière dont il l’avait vu accueilli chez Mme de Monnier pendant la fête ne l’avait pas du tout rassuré. […] Saint-Mauris y consentit, et, durant cette soirée à laquelle il assistait, il ne cessa de regarder Mirabeau et la marquise avec une joie maligne. […] Il avait écrit à M. de Malesherbes encore ministre, et qui allait cesser de l’être ; Malesherbes lui fit répondre qu’il n’avait qu’un dernier conseil à lui donner, c’était de passer en pays étranger, et de s’y faire une carrière. […] Ils n’avaient pas cessé de correspondre.

450. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

Mais cela ne fera pas qu’ils soient libres de rien changer à leur disposition intérieure ; ce vain désir n’empêchera pas les uns d’être condamnés à se satisfaire, quelque conséquence sociale qui puisse d’ailleurs en résulter pour eux ; il n’empêchera non plus les autres d’être condamnés à se contraindre, à s’interdire toute joie, en raison de la suprématie dans leur organisme du sentiment du devoir, qui ne cessera de les tenir en laisse à l’écart des plaisirs où ils aspirent. […] Si au contraire un individu se montre en proie à une manie habituelle, si les causes qui agissent sur la plupart des hommes pour les empêcher de commettre un acte — la présence d’autres hommes, la certitude du châtiment, — n’ont pas de prise sur lui, on constate alors que quelques-uns des poids ou des contrepoids qui constituent une personnalité normale font défaut chez lui, on le déclare automate, il devient irresponsable, le Bovarysme cesse à son égard, on le conçoit tel qu’il est. […] La nouveauté seule d’une jouissance nous touche : se tourne-t-elle en habitude, nous cessons de la ressentir et nos sens affinés y découvrent des nuances où le pouvoir de souffrir trouve à se satisfaire. […] On observe alors que ce qui lui semblait désirable au temps de sa misère, cesse bientôt, au temps prospère, d’exciter sa convoitise.

451. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

Il n’y a pas là sans doute de contradiction, car il n’est pas question du même objet ni de la même société ; mais il est pénible d’être sans cesse transporté d’un hémisphère à l’autre et d’une société à une autre société radicalement différente. […] Le peuple a cessé de supporter le mépris, et il a demandé à être respecté à l’égal des grands : tel est le véritable bienfait de la démocratie. […] Je crois volontiers que l’égalité, dans les premiers moments de la jouissance, et lorsque la grandeur de la lutte a cessé, tend à répandre un certain esprit de médiocrité parmi les hommes ; mais je ne désespère pas qu’avec le temps, et si elles échappent à l’anarchie et au despotisme, les sociétés démocratiques ne finissent par découvrir pour l’individu un nouveau genre de grandeur, égale ou supérieure même à celle de l’aristocratie. […] Depuis la Révolution, les passions se mêlaient sans cesse aux doctrines, et il était presque impossible de séparer les écoles des partis.

452. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Il est homme de lettres aussi, celui que le feu de son imagination porte sans cesse vers des sujets nouveaux ; qui, doué de verve et de fécondité naturelle, n’a pas plutôt fini d’une œuvre qu’il en recommence une autre ; qui se sent jeune encore pour la production à soixante ans comme à trente ; qui veut jouir tant qu’il le peut de cette noble sensation créatrice et mener la vie active de l’intelligence dans toutes les saisons. […] Il y a bien des couches dans la profondeur d’un vrai talent ; la première couche peut être riche : qui nous dit que la seconde ou la troisième ne le serait pas davantage, si le chercheur d’or, stimulé par un maître sévère, creusait sans cesse et allait plus à fond ? […] Les écrivains, excités à travailler sans cesse, ne laisseront pas stériles les talents dont ils sont doués. […] Vico était professeur public ; Fichte donnait chaque jour une leçon de grec, pour ne pas rester sans cesse face à face avec sa pensée.

453. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

Sa Trilogie des Danaïdes, qui ne nous est connue que par les Suppliantes devait être, avec toutes les vicissitudes de la passion et de la terreur, un hymne tragique repris sans cesse. […] Mais l’ode était partout ; elle éclatait, à chaque nom célèbre couronné dans les jeux guerriers de la Grèce ; elle allait du continent aux îles, de Corinthe à Rhodes, de Syracuse à Lesbos : et, quand elle était tenue haute par le génie du poëte, en tout lieu retentissante, elle excitait sans cesse cette ardeur des âmes, cet amour de la vertu et de la gloire, cet enthousiasme de l’imagination, que deux fois dans l’année seulement, aux fêtes de Bacchus et de Minerve, le théâtre d’Athènes secouait sur la Grèce. […] « Quelle sera125 la dernière de ces laborieuses années qui m’apportent sans cesse la malédiction des combats, sous cette Troie aux larges portes, fatale honte des Hellènes ? […] Je ne cesserai pas d’avoir le Dieu pour guide.

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