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2237. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sully Prudhomme (1839-1907) »

Sully Prudhomme me semble avoir apporté à l’expression de l’amour le même renouvellement qu’à celle des autres sentiments poétiques… Son imagination est d’ailleurs des plus belles, et sous ses formes brèves, des plus puissantes qu’on ait vues. […] Plusieurs autres recueils où le souffle s’élargissait en même temps que la couleur toujours un peu grise (de parti pris peut-être) s’enflammait ou du moins s’allumait, succédèrent à ces beaux essais.

2238. (1887) Discours et conférences « Discours à l’Association des étudiants »

Il y a un beau mot d’un vieux rabbin du premier siècle. […] En histoire, de quelles admirables découvertes vous jouirez, si ces belles recherches se continuent.

2239. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXX » pp. 330-337

Je consume les plus beaux jours de ma vie au service d’autrui… Je vis dans une action continuelle ; pas un moment à donner à mes amis ; les bontés du roi ne sauraient me dédommager de toutes ces pertes. » On pourrait trouver une nuance d’ingratitude dans ces paroles, si l’on n’y voyait la sage précaution d’une femme intacte contre des soupçons offensants. […] « Depuis près de deux ans, dit-elle, cette belle amitié (de mesdames de Montespan et Scarron) s’est changée en une véritable aversion, une aigreur, une antipathie comme du blanc au noir.

2240. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre II. Chimie et Histoire naturelle. »

Un bel ouvrage de littérature reste dans tous les temps ; les siècles même lui ajoutent un nouveau lustre. […] Ce beau pays de France, pour prodiguer de nouvelles moissons, n’a besoin que d’être cultivé un peu à la manière de nos pères : c’est une de ces terres heureuses où règnent ces génies protecteurs des hommes, et ce souffle divin qui, selon Platon, décèle les climats favorables à la vertu162.

2241. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 30, de la vrai-semblance en peinture, et des égards que les peintres doivent aux traditions reçuës » pp. 255-265

Il est même beau de pousser la vrai-semblance jusques à suivre ce que nous sçavons de particulier des animaux de chaque païs, quand nous répresentons un évenement arrivé dans ce païs-là. […] Ce prince, contre la verité qui nous est connuë, paroît donc beau comme une femme dans ce tableau.

2242. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 3, de la musique organique ou instrumentale » pp. 42-53

Si Monsieur Le Fevre de Saumur avoit pû voir ce dernier livre avant que de faire imprimer son commentaire sur Terence, peut-être n’y auroit-il pas inseré les beaux vers latins qu’il avoit faits contre la flute antique, et contre ceux qui veulent entreprendre d’en expliquer la structure et l’usage. […] Cependant un françois remarque d’abord, quand il est en Italie, qu’on y applaudit aux beaux endroits des operas, avec des transports qui paroîtroient dans son païs les saillies d’une troupe d’insensez.

2243. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Jean-Jacques Rousseau »

Immergeant un beau matin, après combien d’années ! […] Il dut être beau !

2244. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Armand Baschet »

Ni le testament de Charles II, dont Henri Delatouche a fait une comédie, ni le renvoi de la princesse des Ursins, qui en serait une si belle s’il y avait un homme en France capable de manier un sujet de cette force-là, ni sa prise de bec à bec avec la femme qu’elle avait faite reine et qui l’en paya en la faisant jeter, sans une chemise de rechange, à la frontière, ne valent l’impayable comédie de ce mariage de Louis XIII, qui n’a besoin que de trouver un Beaumarchais pour être plus comique que le Mariage de Figaro. […] Devant ces belles choses il se pâmerait de respect, si on s’en pâmait !

2245. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Auguste Nicolas »

… Ainsi nous avons exclusivement, pour illustration littéraire, des livres comme ceux-ci, par exemple : Les Aventures de monsieur le baron, Azur et Or, le Chevalier d’Estagnol, la Comtesse de Charny, Costal l’Indien, Olympe de Clèves, Nos plus beaux rêves, Une Haine au Moyen Âge, etc., etc. […] Les détails de son livre sont considérables ; plusieurs nous ont paru fort beaux.

2246. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « ??? » pp. 175-182

Il a tout ce qui fait de l’existence un honneur, la seule félicité sur laquelle les âmes fières puissent compter ici-bas, quand Dieu leur est bon… Riche d’ailleurs, instruit, éloquent, beau, chevaleresque, artiste même (artiste ! […] les idées pures gouvernant le monde par elles-mêmes, sans ministres à leur département, et l’humeur de n’avoir pas toutes ces belles choses, voilà le secret des tristesses et des lamentations du comte Zélislas pendant deux gros volumes, voilà ce qui le pousse, après avoir traîné ici et là la chaîne de ses déceptions, à aller se faire tuer à la polonaise sur le champ de bataille de Novare, où il est blessé, pour nommer le livre, et assez pour en mourir.

2247. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Léon Cladel »

Son Mage (une des grandes figures de sa Fête votive) n’est, au fond, qu’un prêtre catholique paganisé ; mais c’est d’un accent qu’une intelligence pénétrée de catholicisme pouvait seule trouver… Homme d’impression bien plus que d’opinion, Cladel reviendra par la plus belle des routes — celle du Beau — à la Vérité.

2248. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre II. Quelques traditions sur Pindare. »

Le voyant enorgueilli de ses premiers essais et du beau langage qui lui venait sans effort, Corinne lui aurait dit « qu’il manquait aux muses, en ne sachant pas employer les fictions, ce qui est le grand œuvre de la poésie, tandis que les expressions, les figures de style, la mélodie, le rhythme, ne sont qu’un agrément ajouté aux choses mêmes ». […] Elle vainquit, ce me semble, à la faveur de son dialecte, ne se servant pas de la forme dorique comme Pindare, mais de celle que les Éoliens devaient mieux saisir, et aussi parce qu’elle était la plus belle femme d’alors, comme on peut le supposer d’après son portrait. » Ne le cédant qu’à une telle rivale, le poëte thébain n’en passa pas moins pour inspiré.

2249. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Quelquefois c’est une romance plaintive qui s’échappe, ou bien quelque élégie inspirée par le sentiment, et qui me rappelle sans trop d’infériorité la belle pièce de Parny sur l’ absence . […] Ainsi informé et prémuni, il eut beau se lancer ensuite, il eut de l’abstraction, jamais du vague ; il eut de l’audace, et il ne donna pas dans l’aventure. […] M. de Rémusat a beau faire, sa curiosité se porte aisément aux limites, et lorsqu’elle signale les écueils, elle aime pourtant à s’y pencher. […] C’a été là un de ces beaux jours où le talent, au moment où il la reçoit, justifie magnifiquement sa Couronne. […] Au reste, il aura beau se soustraire par portions et vouloir se dérober, il est de ceux qui laisseront plus de trace qu’ils ne se l’imaginent et que les contemporains eux-mêmes ne le pensent.

2250. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Quelques-uns sont forts beaux. […] la belle journée ! […] … J’ai gagné une belle faim ! […] Fichtre, tu es belle, ma femme ; t’as de la toilette ! […] Alors Bazouge, dit Bibi-la-Gaîté, qui rôde dans le quartier dans son uniforme de croque-mort, arrive, se penche sur elle et lui dit mélancoliquement : « Fais dodo, ma belle !

2251. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Dans une des plus belles pages de l’écrivain, quand les Micawber, Peggotty et la malheureuse Émilie s’embarquent à Gravescend, sur un navire d’émigrants, le soir, au couchant, tous les minces agrès profilés sur le ciel éclatant, c’est non ce grand spectacle que décrit Dickens, mais la tristesse du départ, l’espoir de nouvelles destinées ; une antre de ses meilleures scènes, le récit du sinistre où Steerforth perdit si bravement la vie, agitant son bonnet rouge au-dessus des grandes lames vertes, paraîtra à tout lecteur moderne bien peu pittoresque et trop rempli des sensations d’effroi et de compassion du narrateur. […] Plus tard, dans les romans que nous préférons, quand Dickens, plus las et plus calme, se fut fatigué de se trop mêler à ses livres, dans Les Grandes Espérances, dans L’Ami commun, il a réussi à peindre, dans le gris et le glauque, quelques beaux sites de marais, de grandioses tombées de nuit sur le lent cours de la Tamise. […] Ses personnages seront nécessairement puérils et laids, car on ne saurait satiriser ce qui est grand, et le beau ne fait guère rire ; aussi quand Daumier pénètre dans les bains publics pour dames, au lieu des gracieuses nageuses qu’il aurait pu y trouver, il y met contre toute vérité d’affreuses portières et de ballonnantes maritornes ; quant à l’apogée de son talent, dans ses merveilleux Croquis dramatiques dont le dessin vaut celui des maîtres, il aborde l’actrice, c’est encore pour la vieillir, l’enlaidir et la ridiculiser. […] Il n’admire ni la force de l’esprit qu’il ne comprend pas, ni la force de la volonté, la belle dureté de caractère, l’invincible ténacité de desseins dont ses compatriotes eussent dû cependant lui présenter d’impérieux exemples. […] Tout le bel accueil qu’on lui a fait de l’autre côté de l’Atlantique ne l’a pas empêché de scandaliser ses hôtes en les rappelant publiquement, dans un banquet, au respect de la propriété littéraire.

2252. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Il n’y a point de race privilégiée pour la vérité, pour le beau, pour le bien. […] Ils ont beau s’agiter dans le monde extérieur, ils le revêtent toujours de formes empruntées à la vie intime. […] Ce sont là les beaux jours de l’empire germanique, dont de grands écrivains invoquent encore le souvenir avec enthousiasme. […] Ce système, ou du moins son esprit, se répandit parmi les plus beaux génies du siècle de Louis XIV. […] Il ne suffit plus ici d’analyser le sujet pour en tirer l’attribut ; car j’aurai beau décomposer la notion de corps, la notion de pesanteur n’en sortira pas comme partie intégrante.

2253. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

beau miracle dans un pays où les aigles abondent ! […] J’ai froncé les sourcils à bibelots carthaginois, — diable de manteau, — ragoût et pimenté pour Salammbô qui batifole avec le serpent, — et devant le beau drôle de Lybien qui n’est ni beau ni drôle, — et à l’imagination libertine de Schahabarim. […] Le souvenir de Bélisaire coupant l’aqueduc romain de Carthage m’a poursuivi, et puis c’était une belle entrée pour Spendius et Mâtho. […] Il savait à merveille la littérature moderne la plus contemporaine ; ses impressions légères me rajeunissaient, et lorsque, ayant à peindre la marquise de Pompadour, nous allions ensemble regarder au Musée le beau pastel de Latour que je voulais décrire, il me suggérait de ces traits fins et gracieux qu’une fraîche imagination trouve d’elle-même en face de l’élégance et de la beauté.

2254. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Mme Des Houlières remontait plus haut et regrettait le bel âge des Bassompierre. […] — « Belle nation ! […] Par exemple, quoi de plus beau que mon retour ? […] Elle l’accusait de trop de jeunesse dans les impressions, de voir le monde trop en beau, de juger trop indulgemment les hommes ; il lui répondait de Paris, le 2 mars 1815 ; « Notre dissentiment tient à ce que vous vous attachez aux personnes, et moi aux principes. […] Mais Jessie fait ce que font toutes les femmes, et bien des hommes aussi : elle commence par mettre dans sa religion tout ce qu’il y a de mieux dans une belle âme comme la sienne ; puis elle croit que c’est le caractère de la religion en général, et que toutes les religions y participent.

2255. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Chaque trait s’ajoute à son tour, et prend place de lui-même dans cette physionomie qu’on essaye de reproduire ; c’est comme chaque étoile qui apparaît successivement sous le regard et vient luire à son point dans la trame d’une belle nuit. […] C’est une belle chose qu’un homme de bien et sévère, qui pleure !  […] Le Roy ; le baron d’Holbach, au ton moqueur et discordant, près de sa moitié au fin sourire ; l’abbé Galiani, trésor dans les jours pluvieux, meuble si indispensable que tout le monde voudrait en avoir un à la campagne, si on en faisait chez les tabletiers ; l’incomparable portrait d’Uranie, de cette belle et auguste madame Legendre, la plus vertueuse des coquettes, la plus désespérante des femmes qui disent : Je vous aime ; — un franc parler sur les personnages célèbres ; Voltaire, ce méchant et extraordinaire enfant des Délices, qui a beau critiquer, railler, se démener, et qui verra toujours au-dessus de lui une douzaine d’hommes de la nation, qui, sans s’élever sur la pointe du pied, le passeront de la tête, car il n’est que le second dans tous les genres ; Rousseau, cet être incohérent, excessif, tournant perpétuellement autour d’une capucinière où il se fourrera un beau matin, et sans cesse ballotté de l’athéisme au baptême des cloches ; — c’en est assez, je crois, pour indiquer que Diderot, homme, moraliste, peintre et critique, se montre à nu dans cette Correspondance, si heureusement conservée, si à propos offerte à l’admiration empressée de nos contemporains.

2256. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

C’est pourquoi, pendant les vingt dernières années, l’ancien régime a beau s’alléger, il semble plus pesant, et ses piqûres exaspèrent comme des blessures. […] Ce mot fut répété, commenté, et fit bien du mal. » Les grands ont beau condescendre, « accueillir avec une égale et douce bonté tous ceux qui leur sont présentés » ; chez le duc de Penthièvre les nobles mangent avec le maître de la maison, les roturiers dînent chez son premier gentilhomme et ne viennent au salon que pour le café. […] Cela suffit ; le duc a beau « pousser les attentions jusqu’à la recherche », Beugnot, si pliant, n’a nulle envie de revenir  On leur garde rancune, non seulement des saluts trop courts qu’ils font, mais encore des révérences trop grandes qu’on leur fait. […] Ainsi descend et se propage la philosophie du dix-huitième siècle. — Au premier étage de la maison, dans les beaux appartements dorés, les idées n’ont été que des illuminations de soirée, des pétards de salon, des feux de Bengale amusants ; on a joué avec elles, on les a lancées en riant par les fenêtres  Recueillies à l’entresol et au rez-de-chaussée, portées dans les boutiques, dans les magasins et dans les cabinets d’affaires, elles y ont trouvé des matériaux combustibles, des tas de bois accumulés depuis longtemps, et voici que de grands feux s’allument. […] Mais la Révolution a donné bec et ongles à la petite bourgeoise et, un instant après, elle lui dit avec son plus beau sourire : « Voulez-vous du poulet, mon cœur ? 

2257. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

. — Dans le rêve et l’hallucination hypnagogique, le cordon est fatigué ; il ne rend plus ; le long emploi de la veille l’a mis hors d’usage ; les objets extérieurs ont beau le tirer, il ne fait plus sonner la cloche ; à ce moment, au contraire, les petites sonnettes dont les sollicitations ont été réprimées perpétuellement pendant la veille, et dont les tiraillements ont été annulés par le tiraillement plus fort du cordon, reprennent toute leur puissance ; elles tintent plus fort et tirent avec efficacité ; leur ébranlement provoque dans la cloche un ébranlement correspondant ; et la vie de l’homme se trouve ainsi divisée en deux périodes, la veille pendant laquelle la cloche tinte par l’effet du cordon, le sommeil pendant lequel la cloche tinte par l’effet des sonnettes. — Dans l’hallucination maladive, le cordon tire encore, mais son effort est vaincu par la puissance plus grande des sonnettes ; et diverses causes, l’afflux du sang, l’inflammation du cerveau, le haschich, toutes les circonstances qui peuvent rendre les hémisphères plus actifs, produisent cet accident ; le tiraillement des sonnettes, plus faible à l’état normal que celui du cordon, est devenu plus fort, et l’équilibre ordinaire est rompu, parce qu’une des fonctions qui le constituent a pris un ascendant qu’elle ne doit pas avoir. […] On a beau savoir la cause physiologique de son erreur, appuyer son raisonnement sur le témoignage des personnes environnantes, vérifier au moyen de ses autres sens que le fantôme n’est qu’un fantôme, on continue à le voir. […] De même que, dans la perception extérieure, nous avons vu de simples fantômes internes être pris pour des objets externes, mais, par une adaptation admirable, correspondre à la présence de véritables objets externes ; de même, dans la mémoire, nous voyons de simples images actuelles être prises pour des sensations passées, mais, par un mécanisme aussi beau, correspondre à la présence antérieure de sensations véritables. — Ainsi, la première répression que subit l’image et qui enraye l’hallucination complète à laquelle naturellement cette image eût abouti, nous ouvre un nouveau monde, celui du temps et de la durée. […] Le roulement strident s’affaiblit, s’efface ; j’ai beau prêter l’oreille, je n’entends plus que le murmure indistinct de la campagne et le chuchotement monotone des feuilles remuées par le vent. […] Maintenant j’ai beau la faire glisser sur toute la ligne de mon expérience antérieure, elle ne s’accroche à aucun des chaînons successifs.

2258. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

Jaurès trouva des cris singulièrement beaux. […] Francis de Croisset Il n’est pas un écrivain, digne de ce nom, qui ne déplore que soient délaissées les nobles et belles « humanités », sans lesquelles il n’est pas de véritable culture française. […] Un des beaux livres qui ont été écrits ces derniers temps, Marie-Claire, a été écrit par une femme qui, je crois, ne connaît pas un mot de latin. […] les dieux de la Révolution, tous ces beaux messieurs « qui ont fait 1789 » et même 1793, étaient des fils de la Louve, et l’on veut que le latin soit une génératrice de réactionnaires ! […] J’avoue que j’ai beau me torturer la cervelle, je ne comprends pas. — De quels attentats vis-à-vis du régime a pu se rendre coupable la langue du doux Virgile, du cinglant Juvénal et du républicain Cicéron ?

2259. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Elle aurait pu être prononcée par d’Aubray, lequel était « ainsi copieux et abondant en raison, dit la préface de l’imprimeur, et ne trouvoit jamais fin de son savoir ni de ses discours165. » C’est encore l’esprit français, non plus sous les traits de Panurge, mais parlant la belle langue de Gargantua, dans son plan d’études on y sent les fruits de la culture antique. […] N’en voyons-nous pas de beaux résultats autour de nous ? […] « Il n’est rien, dit-il, qu’on ne feist du jargon de nos classes et de nostre guerre, qui est un généreux terrein à emprunter169. » De là au choix des r, comme faisant une belle sonnerie, il n’y a pas loin. […] Mais après la gloire de guérir qui est donnée a si peu, la plus belle consiste à nous faire connaître notre mal et les ressources de notre nature, et par ce compte de nos faiblesses et de nos forces, à entretenir jusqu’à la mort le désir et l’espoir de la guérison. […] Vérité liberté, c’est une belle devise pour Paris.

2260. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Feuillet de Conches fait le siège de H… pour ce beau lot d’autographes, et H… lui dit : « Je vous les vendrai bien dans 150 ans. » * * * — Je songe à la réhabilitation — dans une pièce ou autre part — d’un parasite d’esprit, éclatant à la fin d’un dîner donné par un bourgeois : « Comment, malheureux, je t’amuse, je fais passer un rire dans ta cervelle stupide et vide, et cela pour un mauvais dîner que tu me reproches !  […] C’est notre remède, en ces mauvaises heures, de nous dénoircir l’âme en nous enchantant le regard avec l’éclair gai d’une vieille et belle chose, d’une claire porcelaine à la dorure dorée d’or mat, d’une jolie relique de la grande industrie d’art du xviiie  siècle. […] * * * — Il y aurait à faire une belle chose intitulée : La Bouteille, — et faire cela sans moralité aucune. […] … » Et longtemps, longtemps, il berce et amuse les côtés aventureux de votre âme par l’invraisemblance d’incidents qui vous mèneront à connaître des « étrangères puissamment riches et merveilleusement belles, dans une ville où il y aura des ruines ». […] Le père de Barrière était joaillier de la Reine, et, un jour, une belle dame vint choisir chez son père des bijoux.

2261. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

Cette lettre remarquable, d’une si belle clarté et d’un si ferme esprit, commente et développe heureusement quelques-uns des points de la doctrine philosophique de M.  […] Le monde fini seul est à sa portée, et c’est le seul qu’elle puisse sonder… L’homme porte en lui-même des notions et des ambitions qui s’étendent au-delà ; … mais de cet ordre supérieur il n’a que l’instinct et la perspective, il n’en a pas, il n’en peut pas avoir la science… L’esprit sait qu’il y a des espaces au-delà de celui que les yeux parcourent ; mais les yeux n’y pénètrent pas. » Plus je médite ces belles paroles, moins je vois la différence qui les sépare de la pensée de M.  […] Guizot, citant cette belle page, d’un accent presque religieux, saisisse précisément cette occasion de refouler le positivisme dans le matérialisme et dans l’athéisme. […] Ainsi la doctrine de l’épreuve, la doctrine de l’optimisme, les belles et profondes considérations de Platon, de Lebniz et de Malebranche sur la question du mal, tout cela mérite à peine l’honneur d’une discussion. […] On aura beau établir que le péché originel est un fait, on n’aura pas prouvé par là que c’est un fait juste.

2262. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

III Mais, encore une fois, à cela près de cette Introduction, si nette dans sa pitié lucide pour des misères sociales que les inventions humaines, quand elles ne seront qu’humaines, ne soulageront pas ; à cela près, de cinq à six belles pages peut-être, où l’écrivain, quittant la Femme, se retourne vers un point d’histoire (voir le passage sur l’Afrique à propos de la négresse), et, sortant du pathos sentimental et physique, reprend des lambeaux de puissance et ranime son éclair éteint dans les larmes d’un attendrissement par trop continu à la fin, il n’y a plus, tout le long de ce livre qui en rumine un autre, que ces idées dont nous avons brassé déjà le vide et qui font de Michelet quelque chose comme une tête de femme hallucinée, — comme la madame de Krudner, par exemple, d’un naturalisme mystico-sensuel, tout à la fois très mélancolique et très burlesque. […] La physiologie n’est pas pour lui une belle passion scientifique, levée tard, et qui doit mettre dans le couchant d’un grand esprit des lueurs d’aurore. […] À cette époque-là, tout le monde fut frappé, en lisant le très beau récit de Michelet (car il est très beau), de l’insistance curieuse et troublée avec laquelle l’historien s’arrêtait sur le secret qui devait rester entre la jeune fille et Dieu, sur le mystère humain du virginal Archange dont le sang de la femme n’a jamais, dit-on, terni la splendeur. […] Et le pauvre enfant pédantesque qui conte ces belles choses, et qui n’était pas, en 1847, encore dans la seconde enfance de la vieillesse, c’est Michelet !

2263. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Les inventeurs du beau ne lui paraissent guère autre chose que des enfants aimables. […] Le chapitre le plus beau de la Littérature est le chapitre sur Shakespeare. […] Vous êtes chrétiens, et le christianisme est très beau. […] Il est pitoyable, il est brave, il a de beaux mouvements de loyauté, de générosité même ; il n’a aucunement le sens du grand. […] « On l’examinait avec intérêt comme un bel orage. » Le bel orage !

2264. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Aberich Comme vous brillez en la lueur, ô claires et belles ! […] Wellgunde Si tu es amoureux et avide d’amours, voyons, ô beau, comme tu es à contempler… Pfui ! […] si je ne te parais pas beau, mignard et lutin, lisse et alerte, hei ! […] Flosshilde Comme folles vous êtes, pauvres sœurs, si celui point ne vous semble beau ! […] dans la lueur de l’Or comme tu luis beau !

2265. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Encore une fois, Sully, comme s’il avait prévu à l’avance ces dénigrements de détail et ces dégradations de l’histoire, a dit ou fait dire par la plume de ses secrétaires : « Que si quelques grands rois, capitaines, magistrats ou chefs d’armées, de républiques et de peuples, qui ont acquis une générale réputation d’avoir été excellents ès faits d’armes, de justice et de police, ont eu quelques vices et passions particulières secrètes et cachées, qui n’aient point porté de préjudice au public, et dont la publication ne peut apporter aucun avantage », il est bienséant à un historien de les taire et de ne point passer sous silence « les vertus, belles œuvres et actions manifestes » pour s’en aller scruter et découvrir « les défauts et manquements secrets ». […] Rosny, conduit à Vendôme par son père et présenté par lui à Henri, devant la reine Jeanne d’Albret sa mère, lui débita très bien sa petite harangue avec des protestations de lui être à jamais très fidèle et très obéissant serviteur : Ce que vous lui jurâtes en si beaux termes, lui rappellent ses secrétaires, avec tant de grâce et d’assurance, et un ton de voix si agréable qu’il conçut dès lors de bonnes espérances de vous ; et vous ayant relevé, car vous étiez à genoux, il vous embrassa deux fois et vous dit qu’il admirait votre gentillesse, vu votre âge qui n’était que d’onze années, et que vous lui aviez présenté votre service avec une si grande facilité et étiez de si bonne race qu’il ne doutait point qu’un jour vous n’en fissiez paraître les effets en vrai gentilhomme. […] Et les fidèles secrétaires entrent dans quelques détails du commerce et de l’industrie auxquels se livrait leur maître, et ils ne nous laissent pas ignorer le secret de son aisance à cette date : il faisait chercher des chevaux, de beaux courtauds en quantité aux pays environnants et dans le Nord, jusqu’en Allemagne, et, les achetant à bon marché, il les revendait bien cher en Gascogne. […] Pendant une peste ou maladie contagieuse qui avait régné dans le pays de Rosny en 1586, il était venu la visiter, la tranquilliser ; il l’avait trouvée enfuie du château, réfugiée dans celui d’une tante, avec trois ou quatre de ses gens ; et là, s’étant enfermé avec elle, et n’ayant lui-même pour tout monde avec lui qu’un de ses gentilshommes, un secrétaire, un page et un valet de chambre, il demeura tout un mois en compagnie de sa douce moitié, sans être visité de créature vivante, tant chacun fuyait la maison comme pestiférée : Et néanmoins, écrivent les secrétaires, à ce que nous vous avons souvent ouï dire depuis, vous n’avez jamais fait une vie si douce ni moins ennuyeuse que cette solitude, où vous passiez le temps à tracer des plans des maisons et cartes du pays ; à faire des extraits de livres ; à labourer, planter et greffer en un jardin qu’il y avait léans ; à faire la pipée dans le parc, à tirer de l’arquebuse à quantité d’oiseaux, lièvres et lapins qu’il y avait en icelui, à cueillir vos salades, les herbes de vos potages, et des champignons, columelles et diablettes que vous accommodiez vous-même, mettant d’ordinaire la main à la cuisine, faute de cuisiniers ; à jouer aux cartes, aux dames, aux échecs et aux quilles… Et n’allons pas oublier le dernier trait que notre fausse délicatesse supprimerait et qui sent son vieux temps : « à caresser madame votre femme, qui était très belle et avait un des plus gentils esprits qu’il était possible de voir ».

2266. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

En Allemande des bords du Necker et du Rhin, Élisabeth-Charlotte aimait les sites pittoresques, les courses dans les forêts, la nature livrée à elle-même, et aussi des coins bourgeois et plantureux au milieu de l’encadrement sauvage : J’aime mieux voir des arbres et des prairies que les plus beaux palais ; j’aime mieux un jardin potager que des jardins ornés de statues et de jets d’eau ; un ruisseau me plaît davantage que de somptueuses cascades ; en un mot, tout ce qui est naturel est infiniment plus de mon goût que les œuvres de l’art et de la magnificence : elles ne plaisent qu’au premier aspect, et aussitôt qu’on y est habitué, elles inspirent la fatigue et on ne s’en soucie plus. […] Au contraire de la nature des femmes, elle n’a aucune envie de plaire, aucune coquetterie : « Nulle complaisance, dit Saint-Simon, nul tour dans l’esprit, quoiqu’elle ne manquât pas d’esprit. » On lui demandait un jour pourquoi elle ne donnait jamais un coup d’œil au miroir en passant : « C’est, répondit-elle, parce que j’ai trop d’amour-propre pour aimer à me voir laide comme je suis. » Le beau portrait de Rigaud nous la rend d’une parfaite ressemblance dans sa vieillesse, grasse, grosse, à double menton, aux joues colorées, avec la dignité du port toutefois et la fierté du maintien, et une expression de bonté dans les yeux et dans le sourire. Elle-même s’est plu de tout temps à faire acte de laideur ; on dirait qu’elle y tient : Il n’importe guère que l’on soit beau, et une belle figure change bientôt ; mais une bonne conscience reste toujours bonne.

2267. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Venez y ranimer le goût des beaux vers en nous lisant les vôtres… Nos professeurs sont excellents : Cuvier, surtout, nous enchante ; il parle d’histoire naturelle comme Buffon, et appuie tout ce qu’il dit par des démonstrations si fortes, que la raison qui écoute n’est jamais choquée. […] Un autre suffrage, d’un tout autre genre, mais très vif également et moins suspect de pure politesse, celui de Sophie Arnould, vieillie, souffrante et pauvre, venait tendrement remercier Daru, qui lui avait rappelé par l’abbé Delille quelques-uns des beaux jours de sa jeunesse. […] Quels doux souvenirs elle m’a rappelés sur ce bon compagnon de ma vie, de mes beaux jours ! […] Il croyait n’obéir qu’à l’impérieux devoir, il allait rencontrer une part plus belle et une palme plus haute.

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