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631. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Aussi son action a-t-elle quelque chose de contradictoire. […] On remonte ainsi à travers une série de faits sensibles à une action mécanique initiale. […] Voltaire, Vico, Daniel de Foë ont proclamé au xviiie  siècle ce principe que l’homme est fait pour l’action, se sauve par l’action. […] Mais il faut que cette liberté soit dirigée, que cette action ait un objet. […] De ce côté, l’idée de Dieu se confond avec celle de l’action.

632. (1802) Études sur Molière pp. -355

L’exposition. — Très bonne ; elle est en action. […] Dénouement encore plus défectueux, car le spectateur s’intéresse très peu au sort des personnages les moins utiles à l’action, toute faible qu’elle est. […] La scène de dépit entre Valère et Marianne, tient-elle bien essentiellement à l’action ? […] L’exposition. — En action, mais ne nous faisant connaître que le héros de la pièce. […] Voilà l’avant-scène, voici l’action.

633. (1888) Portraits de maîtres

George Sand a tenu l’un des plus grands rôles dans notre littérature contemporaine, exercé l’une des actions les plus vives, rôle parfois contestable, action souvent discutée, mais en définitive efficace et salutaire. […] L’article des Regrets est une des mauvaises actions que la plume ait commises. […] Car un monde d’idées et de faits nous sépare de leur action. […] Le poète d’action, de combat, s’annonçait par des indices non trompeurs. […] Car ce cours fut fermé sous l’action des polémiques ultramontaines.

634. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

Roederer s’est beaucoup essayé dans le genre des scènes historiques ; il a tâché d’en reproduire du xvie  siècle et du temps de la Ligue ; il a voulu, à l’exemple du président Hénault (lequel lui-même se ressouvenait de Shakespeare), représenter et nous rendre l’histoire en action, nous montrer les personnages avec leurs mœurs, leur ton de tous les jours et dans la familiarité. […] l’aide de camp. — Il faut que nous n’ayons fait qu’une bonne action dans toute notre vie, et nous n’avons pu échapper aux ennuis de la reconnaissance ! […] En Italie, il n’avait que peu d’hommes presque sans armes, sans pain, sans souliers, sans argent, sans administration ; point de secours de personne ; l’anarchie dans le gouvernement ; une petite mine ; une réputation de mathématicien et de rêveur ; point encore d’actions pour lui ; pas un ami ; regardé comme un ours, parce qu’il était toujours seul à penser.

635. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

Bien que le détail de cette action, qui de sa nature est secrète, échappe nécessairement, il est possible encore aujourd’hui de suivre dans la conduite du président une certaine ligne générale, et d’expliquer les circonstances même où il sembla s’en écarter. […] Le docteur Boucher, curé de Saint-Benoît, et deux autres députés de sa couleur arrivèrent auprès du duc de Mayenne à Rethel, porteurs de cahiers et de demandes au nom de la faction ; ils accusaient sous main le duc de Mayenne de leur avoir retiré leurs moyens d’action et de pouvoir, « et publiquement ils blâmaient ceux qui l’assistaient, au nombre desquels je n’étais épargné, dit Villeroi, ni ledit sieur président Jeannin, qui eut de grandes paroles avec eux » En s’en prenant à Villeroi et à Jeannin, ils s’attaquaient, en effet, aux deux meilleures têtes du conseil de Mayenne, et, dans la personne de Jeannin, à la plus brave et à la plus courageuse. […] Le duc de Mayenne, lorsque Villeroi lui en parla bientôt dans un sentiment de reproche, répondit par toutes sortes d’excuses, et conclut en ces termes qui peignent au vrai sa situation comme chef de parti, « qu’il priait ses amis de plaindre plutôt sa condition et lui aider à conduire ses affaires à bon port, que de s’offenser de ses actions, étant toutes forcées comme elles étaient ».

636. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Il fit encore dans l’école, pour les divers exercices et les épreuves qui solennisaient la fin des études, d’autres actions célèbres dont la Faculté garda le souvenir. […] Visiblement destiné à l’éloquence de la chaire et à l’action de l’orateur, on ne lui laissa pas complètement ignorer l’action même du théâtre : il vit donc des spectacles dans sa jeunesse, mais sans s’y attacher ; et après en avoir profité pour ce qui le concernait, il n’en fut que plus sévère ensuite contre la Comédie, jusqu’à nous sembler violent même et cruellement injuste : son jugement sur Molière restera une des taches, une des inintelligences comme des duretés de Bossuet.

637. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Dans les premières séances des États-Généraux, ému de ces grandes scènes, Frochot écoutait : mandataire scrupuleux et honnête, « il ne voulait être d’aucun parti, si ce n’est du parti de ses cahiers. » Pourtant il n’y put tenir, et, dès le mois d’octobre 80, il entra, pour n’en plus sortir, dans la sphère d’idées et d’action où présidait l’astre tout-puissant du grand tribun. […] Les rapports entre le préfet de la Seine et le préfet de police ne furent pas toujours dans la proportion voulue ni exempts de conflits, quoique, selon la pensée de Napoléon, la balance entre ces deux « maires de Paris » ne fût point égale, et que le préfet de la Seine qui s’occupait des choses, tandis que l’autre s’occupait surtout des personnes, l’emportât beaucoup par l’étendue de son action. […] Ce qui saute aux yeux, c’est que l’action de Napoléon, sa présence dans toutes les grandes mesures entreprises par M. 

638. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

Chez lui pourtant la réflexion ne venait qu’à la suite de l’action et à titre d’excuse ; il obéissait avant tout à l’entraînement. […] Je ne parlerai point de sa conduite, ni d’une action criminelle dont il s’est rendu coupable à Londres ; cela ne me regarde point. […] Qu’ils les déguisent après cela sous toutes sortes de formes, je leur aurai beaucoup d’obligation s’ils peuvent contribuer à augmenter mon repentir. » On ne peut certes rien de plus humble et de plus fait pour désarmer ; cette action criminelle commise à Londres, et qui n’empêchait pas le coupable d’y séjourner, était, je l’espère, quelque délit amoureux, un de ces crimes qui, après tout, laissent subsister l’honnête homme261.

639. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

La destinée de l’humanité n’est aucunement donnée par la destinée d’un individu humain quelconque à une époque quelconque ; de plus, la destinée de l’individu ne peut pas se déterminer directement et par l’analyse abstraite du moi, indépendamment de l’action et de la réaction perpétuelle qui lie cet individu à la nature et à l’humanité. […] Il est une molécule vivante, incessamment excitée et modifiée par l’organisme social dont elle fait partie intégrante ; arrêter la molécule, la monade, au point où on la trouve, la détacher du tout, la soumettre au microscope ou au creuset expérimental, la retourner, la décomposer, la dissoudre, et conclure de là à la nature et à la destinée du tout, c’est absurde ; conclure seulement à la nature et à la destinée de la molécule, c’est encore se méprendre étrangement ; c’est supprimer d’abord, dût-on y revenir plus tard et trop tard, c’est supprimer le mode l’influence que l’individu reçoit du tout, à peu près comme Condillac faisait pour les détails organiques de sa statue, qu’il recomposait ensuite pièce à pièce sans jamais parvenir à l’animer ; c’est, comme lui, par cette suppression arbitraire, rompre l’équilibre dans les facultés du moi et se donner à observer une nature humaine qui n’est plus la véritable et complète nature ; c’est décerner d’emblée à la partie rationnelle de nous-mêmes une supériorité sur les facultés sentimentale et active, une souveraineté de contrôle qu’une vue plus générale de l’humanité dans ses phases successives ne justifierait pas ; c’est immobiliser la monade humaine, lui couper la source intarissable de vie et de perfectibilité ; c’est raisonner comme si elle n’avait jamais été modifiée, transformée et perfectionnée par l’action du tout, ou du moins comme si elle ne pouvait plus l’être ; c’est supposer gratuitement, et le lendemain du jour où l’humanité a acquis la conscience réfléchie de sa perfectibilité, que l’individu de 1830, le chrétien indifférent et sans foi, ne croyant qu’à sa raison personnelle, porte en lui, indépendamment de ce qui pourrait lui venir du dehors, indépendamment de toute conception sociale et de toute interprétation nouvelle de la nature, un avenir facile et paisible qui va découler, pour chacun, des opinions et des habitudes mi-partie chrétiennes, mi-partie philosophiques, mélangées à toutes doses. […] Pour nous, l’acte se rapporte toujours au rapport que le moi établit, entre lui et l’extérieur ; par conséquent, lorsque nous parlons d’activité, c’est de l’action matérielle de l’homme sur l’univers et de sa puissance motrice qu’il est question.

640. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

Quand elles ne veulent plaire que pour être aimées ; quand ce doux espoir est le seul motif de leurs actions, elles s’occupent plus de se perfectionner que de se montrer, de former leur esprit pour le bonheur d’un autre que pour l’admiration de tous : mais quand elles aspirent à la célébrité, leurs efforts, comme leurs succès, éloignent le sentiment qui, sous des noms différents, doit toujours faire le destin de leur vie. […] D’ailleurs, la femme qui, en atteignant à une véritable supériorité, pourrait se croire au-dessus de la haine, et s’élèverait par sa pensée au sort des hommes les plus célèbres ; cette femme n’aurait jamais le calme et la force de tête qui les caractérisent ; l’imagination serait toujours la première de ses facultés : son talent pourrait s’en accroître, mais son âme serait trop fortement agitée, ses sentiments seraient troublés par ses chimères, ses actions entraînées par ses illusions ; son esprit, pourrait mériter quelque gloire, en donnant à ses écrits la justesse de la raison ; mais les grands talents, unis à une imagination passionnée, éclairent sur les résultats généraux et trompent sur les relations personnelles. […] La peine se multiplie par la peine, et le but s’éloigne par l’action même du désir ; et dans ce tableau qui semblerait ne devoir rappeler que l’histoire d’un enfant, se trouvent les douleurs d’un homme, les mouvements qui conduisent au désespoir et font haïr la vie ; tant les intérêts s’accroissent par l’intensité de l’attention qu’on y attache ; tant la sensation qu’on éprouve, naît du caractère qui la reçoit bien plus que de l’objet qui la donne.

641. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

A regarder ses actions, il a l’air de vivre à genoux ; quand il s’agit d’un prince ou d’une princesse, il accumule en outre la flatterie. […] Chez lui, la partie prévoyante et commandante qui proportionne et règle nos actions était absente. […] Peu importe leur source : une grande conception, une noble action peut les soulever aussi bien qu’un élan d’amour ; mais celui-ci n’a pas vécu qui ne les a pas eues.

642. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre V. L’antinomie esthétique » pp. 109-129

Gunmere fait donc une certaine part à l’action individuelle. […] Enfin on peut signaler le goût de l’isolement dans la tour d’ivoire ; l’éloignement pour l’action, le dédain de toute idée morale et sociale. […] Elle détourne les hommes de l’action vers la contemplation ; elle les enlève au service de la sociabilité.

643. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

Au lieu de cette faculté illimitée de croire, heureux don des natures jeunes, qu’il trouvait en Galilée, au lieu de ces populations bonnes et douces chez lesquelles l’objection (qui est toujours le fruit d’un peu de malveillance et d’indocilité) n’avait point d’accès, il rencontrait ici à chaque pas une incrédulité obstinée, sur laquelle les moyens d’action qui lui avaient si bien réussi dans le nord avaient peu de prise. […] Jusque-là, il avait toujours évité les grands centres, préférant pour son action les campagnes et les villes de médiocre importance. […] « Ils font toutes leurs actions pour être vus des hommes : ils se promènent en longues robes ; ils portent de larges phylactères 979 ; ils ont de grandes bordures à leurs habits 980 ; ils aiment à avoir les premières places dans les festins et les premiers sièges dans les synagogues, à être salués dans les rues et appelés « Maître. » Malheur à eux !

644. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XV, l’Orestie. — les Choéphores. »

Il y joue même le premier rôle, étant l’inspirateur de l’action. […] Oreste est pressé, le destin le pousse, une voix le somme d’accomplir l’action jurée. […] Cette assurance fléchit par degrés : Oreste n’est déjà plus si convaincu de son droit, car il le discute, il plaide l’action qu’il promulguait tout à l’heure.

645. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XI »

Pour rentrer dans le mouvement même de la pièce, à partir du second acte, l’action semble visiblement épuisée. […] C’est au troisième acte que l’action s’engage véritablement. […] Que de tact il a fallu, dans la tenue de l’action et dans l’esprit du dialogue, pour faire accepter cette famille excentrique ou les amours se mêlent, où les maîtresses s’échangent, dont un soupçon d’inceste vient compliquer encore les relations si bizarrement embrouillées !

646. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Certains censeurs austères de la poësie la rédoutent au point de compter, parmi les belles actions de leur vie, celle de s’interdire la lecture de tout poëte. […] Rollin, en condamnant l’usage des fictions dans un poëte chrétien, n’interdit point certaines figures hardies qui font image, & par lesquelles on donne de la voix, du sentiment, de l’action même aux choses inanimées : « Il sera toujours permis, dit il, d’adresser la parole aux cieux & à la terre ; d’inviter la nature à louer son auteur ; de supposer des aîles aux vents pour en faire les messagers de dieu ; de prêter une voix de tonnerre aux cieux pour publier sa gloire ; de personnifier les vertus & les vices. […] Avec quel art il supplée aux enchantemens de la fable, par des images vraies, neuves, fortes & plus séduisantes qu’elle, par la manière frappante & naturelle dont les êtres moraux sont animés dans leurs discours & dans leurs actions !

647. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Sachez donc ce que c’est que la grâce, ou cette rigoureuse et précise conformité des membres avec la nature de l’action. […] La grâce de l’action et celle de Marcel se contredisent exactement. […] Il faut absolument, mon ami, que je vous entretienne ici de l’action et de la réaction du poète sur le statuaire ou le peintre, du statuaire sur le poète, et de l’un et de l’autre, sur les êtres tant animés qu’inanimés de la nature.

648. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre VI : Règles relatives à l’administration de la preuve »

Puisque, d’autre part, les phénomènes sociaux échappent évidemment à l’action de l’opérateur, la méthode comparative est la seule qui convienne à la sociologie. […] Stuart Mill en donne lui-même un exemple en rappelant que, suivant les théories modernes, la production de la chaleur par le frottement, la percussion, l’action chimique, etc., dérive d’une seule et même cause. […] Car il peut se faire, ou bien que la cause ait été empêchée de produire son effet par l’action de quelque cause contraire, ou bien qu’elle se trouve présente, mais sous une forme différente de celle que l’on a précédemment observée.

649. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XV. M. Dargaud » pp. 323-339

Coligny, le protestant d’action, au xvie  siècle, — et on sait à quoi l’action condamne les hommes les plus purs et les mieux intentionnés, qui en ont le génie, — Coligny, enfoncé dans les faits tumultueux et sanglants de son siècle, est nécessairement au-dessous, aux yeux d’un philosophe comme M.  […] Pris par ce côté, — l’appréciation morale, dans toute sa profondeur, des actions et du caractère, qui est le meilleur côté de la pensée et du talent de M. 

650. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

C’était un homme d’action, fils d’une époque qui avait été l’action même, et qui portait la réverbération de Napoléon sur sa pensée. […] Quoique homme d’action, il avait, de tout temps, beaucoup regardé dans son âme, — dans cette âme à laquelle il ne croyait pas !

651. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

C’était un homme d’action, fils d’une époque qui avait été l’action même, et qui portait la réverbération de Napoléon sur sa pensée ; il avait touché à cette baguette magique d’acier qui s’appelle une épée, et qu’on ne touche jamais impunément, et il avait gardé dans la pensée je ne sais quoi de militaire et, qu’on me passe le mot, de cravaté de noir, qui tranche bien sur le génie fastueux des littératures de décadence. […] Quoique homme d’action, il avait, en tout temps, beaucoup regardé dans son âme, — dans cette âme à laquelle il ne croyait pas !

652. (1903) Le problème de l’avenir latin

L’action revêt naturellement chez lui la forme oratoire. […] Nous ne comprenons pas la nécessité ni la vertu de l’action. […] Il vit au sein de réalités et conserve par là sa force de création et d’action. […] Ceux qui parlent démesurément n’ont plus de forces pour l’action ou pour l’étude. […] Il a des chances de vaincre, rien que par le catégorique, l’impitoyable et le brutal de son action.

653. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Par instinct, le Français aime à se trouver en compagnie, et la raison en est qu’il fait bien et sans peine toutes les actions que comporte la société. […] Car, sans lui, comment faire avec aisance, mesure et légèreté les mille actions les plus ordinaires de la vie courante, marcher, s’asseoir, se tenir debout, offrir le bras, relever l’éventail, écouter, sourire, sous des yeux si exercés et devant un public si délicat ? […] Mais leur ressemblance suffit pour montrer l’action universelle du balancier central qui frappait tout à la même effigie, le métal vulgaire et l’or affiné. […] » on reçoit d’elle, comme M. de Talleyrand, le brevet de parfait savoir-vivre qui est le commencement d’une renommée et la promesse d’une fortune. — Sous une telle « institutrice », il est clair que le maintien, le geste, le langage, toute action ou omission de la vie mondaine devient, comme un tableau ou un poème, une œuvre d’art véritable, c’est-à-dire infinie en délicatesses, à la fois aisée et savante, si harmonieuse dans tous ses détails que la perfection y cache la difficulté. […] Tous les soirs, dans chaque salon, on servait des bonbons de cette espèce, deux ou trois avec la goutte d’acide, tous les autres non moins exquis, mais n’ayant que de la douceur et du parfum. — Tel est l’art du monde, art ingénieux et charmant qui pénètre dans tous les détails de la parole et de l’action pour les transformer en grâces, qui impose à l’homme, non la servilité et le mensonge, mais le respect et le souci des autres, et qui en échange extrait pour lui de la société humaine tout le plaisir qu’elle peut donner.

654. (1930) Le roman français pp. 1-197

 » Ingénument héroïque, le Fabrice de La Chartreuse, cherchant toujours la grande action et l’amour difficile. […] Aucune action. […] Les moyens d’action, de surveillance de l’Église, la longue patience de sa politique visant au gouvernement temporel des sociétés, lui faisaient peur. […] » Il voulait signifier ainsi que, la plupart du temps, les actions les plus extraordinaires, héroïques, ont leur cause dans de tout petits mobiles. […] Il croira devoir à la doctrine, au « mythe », dont il a été le prophète éloquent, le créateur littéraire — le nationalisme — de le devenir, d’entrer dans « l’action ».

655. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Le drame, comme l’indique le nom même, vit par l’action, et une action forte est la mise en dehors d’une volonté très personnelle. Que prouve une action dans le domaine des idées ? […] De l’homme d’action il avait la robustesse physique et morale. […] Taine attribue à l’hérédité une influence prédominante sur les actions humaines. […] Avec eux, il résout dans le plaisir tous nos mobiles d’action et tous nos motifs.

656. (1927) Approximations. Deuxième série

Le lecteur suit les tâtonnements du narrateur qui font partie de l’action du roman, dans une « unité supérieure d’atmosphère ». […] Il a su rétablir ici le contact entre deux ordres, celui de l’action et celui de la pensée. […] Le style de Stendhal, c’est l’action d’un cheval de race : ses écarts sont les écarts d’un pur sang ombrageux. […] On souffre un peu, puis on se console, fût-ce d’une bonne action. […] Entendons par être, penser ; par n’être pas, agir (la première conséquence d’une action étant le renoncement à mille autres).

657. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Si Mme de Créqui avait pu lire L’Émigré et si l’on avait osé en introduire en France un exemplaire à son adresse, elle eût reconnu son ami à chaque page et se fût écriée : « C’est bien lui. » L’action du roman est censée se passer en 1793. […] Il prédit, il dessine à l’avance un futur rival romantique de Racine et de Corneille ; nous aussi nous le croyons possible, mais nous l’attendons toujours : Les tragédies de Corneille, de Racine, de Voltaire (en nommant Voltaire à côté des précédents, il paie tribut au siècle) semblent devoir durer éternellement ; mais si un homme de génie donnait plus de mouvement à ses drames, s’il agrandissait la scène, mettait en action la plupart des choses qui ne sont qu’en récit, s’il cessait de s’assujettir à l’unité de lieu, ce qui ne serait pas aussi choquant que cela paraît devoir l’être, ces hommes auraient un jour dans cet auteur un rival dangereux pour leur gloire. […] Le temps fait perdre de leur prix non seulement aux pensées des hommes, mais à leurs actions, à mesure que des actions semblables se multiplient ; des exemples de valeur héroïque, des mots sublimes inspirés par l’héroïsme militaire ou patriotique, qu’on admirait chez les anciens, sont devenus des lieux communs ; dès qu’on entend commencer l’histoire, on en devine la fin et le trait, comme on devine souvent l’hémistiche d’un vers ; l’esprit se blase ainsi sur tout ; l’amour-propre même s’use ; les triomphes, les honneurs, les applaudissements multipliés n’offrent plus le même attrait, et l’homme, de jour en jour, doit être moins avide de succès qu’il voit prodiguer à un grand nombre de personnes, et souvent à des hommes méprisables.

658. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

. — Importance d’action et d’influence par ses écrits […] Art, science et métier, le sang-froid dans l’extrême péril, la liberté du jugement et la fermeté d’action au fort du combat, l’ensemble et le concert des grandes opérations, l’à-propos et le pied à pied de la tactique, il avait rêvé d’unir toutes ces qualités et toutes ces parties ; — tout un idéal complet du savant capitaine et du brave. […] Mais surtout, moyennant ce tour, l’écrivain militaire en Jomini était satisfait et à l’aise, car il pouvait pleinement exposer et développer les grandes vues et les combinaisons savantes qui avaient en général présidé aux actions de guerre de ce règne entre tous mémorable. […] Cette campagne, en confirmant Jomini dans son renom déjà établi d’officier d’état-major du meilleur conseil, lui laissa encore le regret de n’avoir pu une seule fois dans sa carrière se dessiner hautement comme homme d’action.

659. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Le moraliste inexorable l’a dit : « Nos actions sont comme les bouts-rimés, que chacun fait rapporter à ce qu’il lui plaît. » Et ce ne sont pas nos actions seulement qui sont ainsi, ce sont nos noms, quand on a le malheur d’en laisser un. […] L’action chaque fois en ressort comme remontée. […] En somme, dans cette pièce qui rejoint le brillant succès de Bertrand et Raton, et qui le mérite par l’action perpétuelle et par quelques scènes également fortes, M.

660. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Ne comparez pas son Repas ridicule à celui de Régnier : le vieux poète, avec une verve étourdissante, écrit une scène de comédie ; caractères, dialogue, action, tout est enlevé avec un éclat, une fantaisie incroyables. […] Le poème manque d’action ; la narration se traîne souvent et le dialogue est pesant. […] Au lieu de faire de courtes pièces sans titre, au lieu de proposer chacun à part comme valant par soi ces petits cuadros (comme disait Chénier), où dans des proportions très réduites étaient ramassés des types et des aspects de la vie commune, il s’ingénie à en faire les pièces d’un tout, les épisodes d’un récit, les scènes d’une comédie, les arguments d’un discours : lui qui n’eut de sa vie ni le sens de l’action, ni le don du dialogue, ni le souffle oratoire. […] Nous le dirions encore moins de l’Épître IV, ce fragment d’épopée élaboré par la tête la moins épique du monde, où chevauchent si étrangement cuirassiers et courtisans parmi des naïades effarouchées, où, selon l’exorde et la conclusion, l’intérêt principal se porte moins sur l’action que sur le poète si laborieusement vainqueur de la, dureté des noms hollandais.

661. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Avisé, bien « emparlé », il vaut dans le conseil plus encore que pour l’action : ambassadeur et orateur des croisés, conseiller intime des grands chefs et des empereurs, c’est un diplomate, un politique. […] Il y a en lui un sentiment, principe et limite ci la fois de l’individualisme, qui le légitime et le contient ; ce sentiment, tout-puissant sur lui, et qui lui sert de règle à juger toutes les actions d’autrui, c’est l’honneur féodal, le respect du pacte et du lien social, qui lient unis le vassal et le suzerain. […] Cette brièveté n’est pas la sécheresse d’un narrateur encore gauche qui ne sait pas faire sortir et distribuer sa provision intime d’images et de sentiments : c’est la précision d’un homme d’action qui coupe court, hait la digression, l’anecdote, et ne veut donner que l’utile et solide substance des événements. […] Joinville nous les fait voir et toucher, il nous les montre en action, dans les faits particuliers : saint Louis jugeant à Vincennes ou dans son jardin du palais, ou bien punissant six bourgeois de Paris qui, pour s’être arrêtés à mander des fruits dans une île, avaient retardé et mis en péril toute la flotte ; saint Louis prisonnier des Sarrasins, qu’il domine par sa sérénité ; saint Louis refusant de quitter sa nef à demi bridée, pour partager le sort de ses gens ; saint Louis portant les cadavres de ses soldats, « sans se boucher le nez, et les autres le bouchaient », autant de tableaux expressifs, saisissants de réalité familière, et que Joinville a rendus populaires.

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